Le Vicaire n'est rien de plus qu'une opération politique. Pour s'en convaincre, il suffit de replacer les allégations de M. Rolf Hochhuth, de ses managers et de ses supporters dans leur contexte historique, ce qui implique, au moins jusqu'à l'accession de Hitler au pouvoir en Allemagne et au rôle qu'y a joué le facteur religieux, un bref retour en arrière.
Corsetée de fer dans les clauses économiques et financières du Traité de Versailles qui, après avoir démantibulé son économie qu'il mettait hors d'état de produire quoi que ce soit qui pût être échange, la privait au surplus de ses clients extérieurs pour le jour où elle serait remise sur pied (colonies, Europe.danubienne) et soumettait à des conditions draconiennes tous les traités de commerce qu'elle réussirait à passer avec toutes les autres nations, l'Allemagne, amputée de 102.000 km2, fit, en 19223, une première faillite que la crise mondiale de 1929 (effondrement de Wall Street) à laquelle, du fait même du Traité de Versailles elle devait être plus sensible que n'importe [182] quelle autre nation, risquait, en 1932, de rendre définitive.
Cette année 1932 fut, pour elle, une année terrible. au 31 juillet, la statistique officielle y accusait 5.392.248 chômeurs, soit 12 à 15 % de sa population active alors que, l'exemple actuel des États-Unis nous le rappelle au début de chaque hiver, 5 % sont le maximum supportable dans les structures traditionnelles de l'économie mondiale. A l'entrée de l'hiver 1932-1933, les 6 millions étaient dépassés et on ne voyait pas la fin de cette progression. Il n'est pas, je pense, nécessaire de souligner quelle instabilité politique était la conséquence de cette instabilité économique: dès la fin du printemps 1932, il n'y avait plus de majorité parlementaire et les deux élections législatives auxquelles, après avoir dissous deux fois le Parlement, à trois mois d'intervalle, on procéda dans l'espoir d'en trouver une , non seulement s'avérèrent vaines, mais encore, ne firent qu'aggraver la situation politique.
Il est aujourd'hui couramment soutenu et, reniant leurs ancêtres de 1919, les socialistes et les communistes sont à la pointe de ceux qui le soutiennent, que l'Allemagne pouvait très bien et très facilement s'accommoder des clauses économiques et financières du Traité de Versailles, qu'elle ne l'a systématiquement pas voulu et que c'est uniquement pour démontrer qu'elle ne le pouvait pas que, délibérément, elle a elle-même créé cette situation. L'auteur de cette étude a trop souvent démontré et redémontré que, quelles que soient la renommée et l'autorité des tenants de cette thèse, il ne s'agissait que d'une ineptie, pour y revenir. Il se bornera donc seulement [183] à renvoyer les socialistes et les communistes d'aujourd'hui à leurs ancêtres de 1919 dont le raisonnement, sur ce point, était impeccable et l'est resté.
Toujours est-il que, dans une atmosphère de troubles sociaux qui était arrivée à son paroxysme et dont le Parti national-socialiste détenait la clé, le chancelier du Reich, Schleicher, qui avait succédé à papen, lequel avait succédé à Brunning - tout cela en huit mois et deux élections législatives! - et qui, à son tour, se trouvait sans majorité de gouvernement au Reichstag, ayant donné sa démission le 28 janvier 1933, le vieux maréchal Hindenburg qui présidait aux destinées de l'État, lui donna, le surlendemain 30 janvier, Hitler pour successeur.
Non qu'il l'eût fait de gaîté de coeur: jusque-là, il n'avait jamais parle de Hitler qu'avec mépris: «ce caporal de Bohême», disait-il. Mais, les circonstances commandaient. Lorsqu'on dit qu'il n'y avait plus de majorité de gouvernement, c'est, bien entendu, de majorité de centre, excluant nationaux-socialistes et communistes quil s'agit: sur celle-là, la conjonction des deux extrêmes l'emportait en nombre dans tous les scrutins. Mais, arithmétiquement, deux autres l'étaient, chacune bâtie sur une aile: l'une de gauche qui eût englobé communistes, sociaux-démocrates et centre catholique auxquels se seraient associés les quelques rares survivants du Parti démocrate; l'autre de droite qui fût allée du Centre catholique aux nationaux-socialistes. Les communistes qui votaient systématiquement contre tous les gouvernements sans faire de nuances entre eux - procédé qui, par parenthèse, depuis 1919 avait progressivement poussé [184
toutes les majorités parlementaires vers la droite - rendaient la première impossible et c'est ce qui, le jour où il fut persuadé qu'il n'y avait aucune possibilité d'obtenir leur soutien contre Hitler au Parlement, détermina le Centre catholique à rechercher un arrangement avec Hitler. L'artisan de cet arrangement fut Mgr Kaas, chef du Centre catholique. L'épiscopat allemand, tout entier, y fut hostile. Mais au lendemain des élections du 6 novembre 1932-, sur le vu des résultats qui n'avaient rien changé ou si peu au rapport des forces entre les groupes parlementaires, Mgr Kaas prononça un discours dont le thème était, en substance, qu'il fallait mettre fin aux
troubles sociaux, qu'il n'y avait qu'un moyen d'y arriver, c'était que l'Allemagne fût gouvernée, qu'aller devant le Corps électoral tous les trois ou quatre mois ne faisait, sans rien changer à la situation parlementaire, qu'entretenir l'agitation dans le pays et
que, puisqu'il n'y avait aucune possibilité de passer un compromis avec les communistes, il ne restait plus qu'à tenter d'en passer un avec Hitler. Et il s'y employa. Hitler, dont la pensée était qu'une fois Chancelier du Reich, rien ne pourrait l'empêcher d'obtenir constitutionnellement les pleins pouvoirs, s'y montra disposé, à la condition que le poste de Chancelier lui revînt.
Le gouvernement que le nouveau Chancelier constitua le 30 janvier 1933, ne comprenait, outre lui-même, que deux nationaux-socialistes: Frick ministre de l'Intérieur et Göring, ministre d'État. Les autres postes, au nombre de huit, étaient attribués à des membres du Parti national allemand et d'autres Petits groupements politiques de droite, [185] papen étant vice-chancelier. Et cette composition apparut comme la preuve que les intentions de Hitler étaient de gouverner constitutionnellement.
Le vrai gouvernement national-socialiste ne fut constitué qu'au lendemain d'élections qui eurent lieu le 5 mars 1933 car, dès la première réunion du Cabinet que Hitler avait constitué le 30 janvier, il en obtint la décision de dissoudre une nouvelle fois le Reichstag, ce qui fut son premier acte de gouvernement.
Ces élections du 5 mars 1933 prirent un tour particulier et méritent qu'on s'y arrête un instant. D'abord, elles se firent sous le contrôle du Parti national-socialiste au pouvoir, ce est un argument de poids. Ensuite, Mgr Kaas, leader du Centre catholique, était resté dans la conviction que Hitler gouvernerait constitutionnellement; il le lui avait personnellement promis, et, dans un grand discours électoral qu'il fit à Cologne le 2 mars, sous la présidence de celui qui devait devenir le Chancelier Adenauer, qui n'était encore que le maire de Cologne et qui approuvait cette manière de voir, Mgr Kaas l'exposa en détail en précisant que, pour sauver l'Allemagne, il n'y avait plus que cette solution puisque les communistes... Enfin, le vice-chancelier von papen faisait équipe avec Hitler devant le corps électoral. Résultat: Hitler obtint I7.265.800 voix, soit 43,7 % et 288 députés, von papen, 52 députés avec 8 % des voix. Le nouveau Reichstag comprenait 648 députés: une majorité écrasante. Dès lors, la voie était libre devant Hitler: les pleins pouvoirs lui furent rapidement accordes dans les formes constitutionnelles et la façon dont il en usa rallia le peuple allemand qui, à des majorités chaque fois voisines de l'unanimité, [186] le plébiscita dans l'enthousiasme à plusieurs reprises. On a dit que tout l'art de Hitler avait consisté à convaincre le peuple allemand que le Traité de Versailles était la cause de tous ses maux. Mais, sur ce point, de l'extrême gauche à l'extrême droite, tous les partis allemands tenaient le même langage. Alors, pourquoi Hitler plutôt que les sociaux-démocrates, le Centre catholique ou les communistes? La réponse est simple: Hitler fut assez habile pour faire admettre au peuple allemand que l'hostilité des sociaux-démocrates et du Centre catholique au Traité de Versailles était surtout de façade, les premiers l'ayant signé, et, associés au pouvoir depuis une bonne douzaine d'années, les deux ensemble n'ayant, apparemment, pas fait beaucoup d'efforts pour en obtenir la révision conformément à l'article 19 du Pacte de la S. D. N. qui la prévoyait. Il ajoutait que, si cette hostilité n'était que de façade, c'était parce que ces deux partis étaient inféodés aux juifs qu'il identifiait avec le grand capitalisme international et qui, accusait-il, étaient les seuls bénéficiaires de ce Traité. Quant aux communistes, ils n'étaient que les agents d'une entreprise elle aussi inspirée par les juifs - Marx n'était-il pas un juif? - qui ne visait qu'à leur assurer une emprise
plus totale encore sur l'Allemagne par une agitation sociale dont le but n'était que de désorganiser sa vie économique et politique pour la faire tomber sous leur coupe. Une Allemagne victime des judéo-marxistes dont la capitale était Moscou. Représenté à travers Staline, ce ne fut qu'un jeu pour lui de faire du bolchevisme un véritable épouvantail, - un épouvantail à griffes auquel si elle ne réussissait pas à lever toutes les hypothèques que le Traité [187] de Versailles faisait peser sur elle, l'Allemagne était irrémédiablement promise.
Exposé sur un ton à la fois ferme et décidé, dans un langage clair, émaillé de formules saisissantes et qui, reconnaît même un homme comme William L. Shirer 1 «atteignait souvent aux sommets de l'éloquence», tout cela convainquit et fit, aux yeux du peuple allemand, de Hitler le seul homme capable de le sortir de l'impasse dans laquelle le maintenait le Traité de Versailles. De toute façon, en douze ans, les autres ne l'en avaient, après tout, pas sorti. Sur le fond de l'affaire? Il est bien évident que, comme toutes les doctrines forgées dans le feu de l'action - et le bolchevisme n'échappe pas à cette règle - le national-socialisme était une doctrine inhumaine. Il faudra, cependant, bien reconnaître un jour - on y vient tout doucement, mais on y vient - que, sur un point au moins, il avait indiscutablement raison: il est bien vrai, en effet, que le Traité de Versailles était la cause de tous les maux dont souffrait le peuple allemand et qui épargnaient les autres peuples. Comme ce point était le thème central de toute la propagande politique de Hitler, il fit toute sa force. Tant et si bien que, de 1924 (élections législatives du 7 décembre) à 19322 (élections législatives du 6 novembre), le Parti national-socialiste passa de 3 % à 33,1 % des suffrages. (A celles du 31 juillet 1932, il avait même atteint 37,3 %)
En matière de propagande, j'ai dit ailleurs 2 com[188]ment, de préférence à tous les partis allemands qui postulaient la révision du Traité de Versailles par des voies et des moyens plus modérés, la finance internationale et non seulement allemande choisit, notamment à partir de 1928, de subventionner Hitler et d'apporter à ses arguments économiques et politiques le secours de ses arguments sonnants et trébuchants.
Je n'y reviendrai pas: sur cette toile de fond, c'est du rôle du facteur religieux dans l'accession de Hitler au pouvoir qu'il s'agit ici.
Rien ne peut, me semble-t-il, mieux mettre en évidence le rôle de ce facteur qu'un survol des quatre dernières élections qui sonnèrent le glas de la République de Weimar: celle du Président du Reich les 14 mars et 10 avril 1932, et les trois élections législatives qui eurent lieu après trois dissolutions du Reichstag, les 31 juillet et 6 novembre 1932 et le 5 mars 1933.
Enfin rendu prudent par l'expérience, je commencerai par citer quelques textes d'un homme qui, comme la plupart des notoriétés de l'antinazisme actuel, pour ne s'être jamais battu contre Hitler et s'être contenté de marquer les points entre lui et nous, a sur moi, l'avantage de n'être pas suspect: M. William L. Shirer auquel j'ai déjà eu recours à deux ou trois reprises. Comme journaliste américain, M. William L. Shirer a suivi pas à pas le national-socialisme de ses origines à sa chute. Et puis, il est protestant et c'est à ce titre que son opinion est digne [189] d'intérêt, - à ce titre seulement parce que, au plan de l'histoire... Bref, voici ce qu'il dit, pour l'avoir observé sur place, de l'élection présidentielle des 14 mars et 10 avril 1932:
Ou encore:
Ou encore, mais cette fois, à propos des élections au Reichstag:
A l'époque, tous les correspondants particuliers de tous les journaux du monde ont répandu la même information, en termes souvent beaucoup plus précis, dans toutes les capitales. Souvent rappelée depuis - dans une presse qui n'a pas une très grande audience, il est vrai - elle n'a jamais fait l'objet du moindre démenti. Les intéressés et leurs supporters ont fait semblant de ne pas entendre:1 le manteau de Noé. C'est donc acquis: le clergé protestant allemand était aux côtés de Hitler dans ses campagnes électorales.
Et quelle était l'attitude du clergé catholique? Avant chacune de ces quatre élections, la Conférence de l'épiscopat catholique se réunit à Fulda pour une prise de position politique et chaque fois, elle se termina par une déclaration collective rendue publique qui condamnait le national-socialisme, en termes virulents, comme un retour au paganisme, ses membres comme « renégats de l'Église à qui il faut refuser les sacrements», recommandait de ne pas voter pour ses candidats et interdisait «aux catholiques d'être membres de ses organisations de jeunesse ou autres». En avril 1932, au second tour de l'élection présidentielle, les évêques catholiques allemands recommandèrent même de voter pour le Pro[191]testant Hindenburg tandis que, on l'a vu, le clergé protestant faisait voter pour Hitler !
On n'entrera pas dans le détail des textes qui attestent cette prise de position. Il suffira de citer un fait qui les résume toutes, qui bénéficia d'une large publicité dans la presse non catholique. Il établit que, jusqu'à l'extrême limite, aux heures cruciales de mars 1933, même après la victoire du national-socialisme aux élections législatives du 5 de ce mois, à propos desquelles la Conférence de Fulda du 22 février avait recommande de voter, comme aux précédentes, contre ses candidats, l'épiscopat catholique lui était toujours violemment hostile.
La séance d'ouverture du nouveau Reichstag élu le 5 mars avait eu lieu le 21 mars. A Postdam, selon le rite, et, selon le rite aussi, elle fut précédée par deux cérémonies religieuses, l'une en l'église de SaintNicolas pour les protestants, l'autre en l'église SaintPierre pour les catholiques. A la première, la messe fut dite par l'évêque protestant de Berlin, le Dr Dibelius, qui prononça un sermon par lequel il accueillait la victoire de Hitler sur ce thème très significatif de ses dispositions d'esprit: «Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous ?» A la seconde, l'évêque catholique de Berlin, Mgr Christian Schreiber, qui devait dire la messe, se fit porter malade - maladie diplomatique, a-t-on dit dans la presse nationalesocialiste - et pour éviter un éclat, délégua un de ses vicaires pour le remplacer.
Contrairement aux usages qui voulaient que le chancelier du Reich assistât aux deux cérémonies et qui exigeaient d'autant plus sa présence à la seconde, [192] qu'il était catholique il n'y assista pas. Le lendemain, 22 mars, la Kölnische Volkszeitung, soulignant le fait, motivait l'absence de Hitler et de son ministre de la propagande (Goeebbels) par «une déclaration des évêques catholiques d'Allemagne dans laquelle les chefs et les membres de la N. S. D. A. P. (parti nazi) sont considérés comme des renégats de l'Église et qu'il faut leur refuser les sacrements». (Déclaration de la Conférence de Fulda à laquelle il est fait allusion ci-dessus.)
«Pendant la cérémonie, ajoutait le ministre de la propagande, le chancelier et le ministre de la propagande, le Dr Goebbels, touchés par la déclaration, ont visité les tombes de leurs compagnons tués et ensevelis au cimetière municipal de Berlin.»
Ce qui montre que cette condamnation du national-socialisme n'était pas propre à l'épiscopat catholique allemand agissant de sa propre initiative, sans considération de l'opinion du Vatican (où le cardinal Pacelli, futur Pie XII, était secrétaire d'État), c'est qu'elle fut le fait de l'Église catholique partout. On le sait pour la France. Voici pour l'Autriche où fut lue dans toutes les églises une lettre pastorale de Mgr Johannes Sföllner, évêque de Linz, en date du 23 janvier 1933, lettre dont tous les journaux autrichiens reproduisirent de larges extraits ainsi que tous les journaux catholiques allemands. On ne la reproduira pas non plus, mais voici le chapeau qui la présentait dans Die schönere Zukunft de Munich, le 7 février 1933:
Dans cette condamnation du national-socialisme par l'Église tout entière, on n'a généralement pas mis en doute les sentiments de Pie XI alors pape, mais seulement ceux de son secrétaire d'État, le cardinal Pacelli, et seulement après la guerre. Cela ne fut possible que parce que le cardinal Pacelli se souciait peu de se faire de la publicité à lui-même et de mettre en évidence son rôle personnel: en homme bien élevé, il savait que celui qui devait être mis en avant c'était Pie XI et qu'en tout il avait le pas sur lui. Mais d'autres l'ont, heureusement, fait pour lui. A propos d'un incident qui eut lieu en 1935 entre l'État allemand et l'épiscopat (il s'agissait d'une affaire de transfert de devises), des émigrés allemands catholiques réfugiés en Suisse et qui publiaient à Lucerne Die deutschen Briefe écrivaient dans le numéro du 26 août de cette publication:
«... le pape, le cardinal Pacelli et une partie de l'épiscopat allemand voulaient que la conférence de Fulda (qui s'était réunie du 19 au 23 pour prendre position sur cette affaire) remette en vigueur l'interdiction pour les catholiques d'être membres de la [194] N. S. D. A. P. et des organisations de jeunesse ou autres du parti.»
C'était la rupture du Concordat signe l'année précédente entre le Ille Reich et le Saint-Siège. Elle fut évitée, non par une concession du pape, du cardinal Pacelli ou de l'épiscopat, mais par une concession du Ille Reich au cours d'une entrevue, entre le Dr Kerrl, ministre des Cultes, et le cardinal Bertram, président de la Conférence, à Fulda même le 19 août. Le ministre promit de «mettre au pas les extrémistes antichrétiens du parti 7», et Hitler confirma télégraphiquement cette promesse. La Conférence n'en publia pas moins une lettre collective des évêques qui fut lue le 1er septembre 1935 dans toutes les églises catholiques d'Allemagne et que, le 19 du même mois, publia intégralement l'hebdomadaire parisien Sept (de François Mauriac !) avec le commentaire: «Déclarations franches et nettes... on a unanimement résolu de combattre le néo-paganisme (le national-socialisme) et d'organiser contre lui une défense active.» En accord avec Pie XI et le cardinal Pacelli qui, on l'a vu, étaient intervenus. Tout ceci établit qu'à l'époque, il ne venait à l'idée de personne de penser que celui qui fut le pape Pie XII n'était pas foncièrement hostile au national-socialisme et les articles du Populaire (socialiste) et de L'Humanité (communiste) qui saluèrent son élection et qu'on trouvera en appendice 8 prouvent qu'il en était encore de même en 1939, les autres extraits de presse dates d'après la guerre qu'on trouvera aussi en appendice 9 prouvant, [195] au surplus, qu'il en fut encore de même, longtemps après la guerre.
Pour conclure sur le rôle joué par le facteur religieux dans l'accession de Hitler au pouvoir, voici ce qu'il faut dire: les protestants allemands qui reprochent une attitude soi-disant pronazie à Pie XII, ont été un facteur de succès de Hitler contre lequel l'Église catholique, Pie XI, le cardinal Pacelli et l'épiscopat catholique allemand ont été impuissants. Si l'on tient compte que, dans l'Allemagne de 1932-1933, les protestants représentaient une proportion voisine des deux tiers de la population et les catholiques une proportion voisine d'un tiers seulement, on peut dire qu'en fait, ils reprochent à l'Église catholique et au cardinal Pacelli, secrétaire d'État du Vatican, puis Pie XII, de n'avoir pas réussi à renverser une situation qu'ils avaient eux-mêmes créée.
Mais voyons la suite.
A cette séance d'ouverture solennelle du nouveau Reichstag, le 21 mars 1933, la déclaration de politique générale de Hitler fut adoptée par 441 voix contre 94. Il y avait 535 députes présents: le complément à 648, notamment le groupe communiste en entier et une douzaine de sociaux-démocrates avaient été arrêtés et mis dans l'impossibilité de prendre part au vote. Mgr Kaas, porte-parole du Centre catholique, avait pris la parole pour recommander chaleureusement le vote de la déclaration et, unanime, son groupe parlementaire le suivit. Mais Mgr Kaas ne représentait pas l'opinion de l'épiscopat catholique allemand; on sait que le 19 février 1933, quelques jours avant qu'il prononçât, le 2 mars suivant, [196] sous la présidence approbatrice du Dr Konrad Adenauer, alors maire de la ville, son discours par lequel il recommandait une entente avec Hitler et se portait garant de ses intentions, la Conférence de Fulda avait renouvelé l'anathème de l'épiscopat contre le national-socialisme. D'autre part, le 2 avril suivant, il donna sa démission du poste de président du groupe parlementaire du Centre catholique et, le 9, sous le prétexte de servir d'intermédiaire entre le IIIe Reich et le Saint-Siège dans les toutes premières négociations du Concordat, il accompagnait von papen et Göring à Rome où il disparut comme dans une trappe: on ne le revit jamais en Allemagne et l'opinion la plus communément admise est que, mécontent de son attitude favorable à Hitler depuis novembre 1932, le Saint-Siège l'avait, d'autorité, définitivement retiré de la scène politique. Son cas ayant été souvent cité comme preuve des sympathies de l'Église catholique pour Hitler, cette précision prend toute son importance. On peut, certes, citer d'autres cas d'évêques catholiques qui ont été, à juste titre, accuses de complaisances pour le national-socialisme: Mgr Gröber de Fribourg, par exemple ou Mgr Berning d'Osnabrück. Mais ce ne fut qu'après l'accession de Hitler au pouvoir et ils ne furent que de très rares exceptions à la ligne générale. Tandis que, du côté protestant, avant le triomphe de Hitler et longtemps encore après, ce sont les cas d'hostilité à Hitler qui sont l'exception parmi les évêques, on le verra dans un instant.
Pour en revenir au Reichstag, la réunion d'ouverture solennelle du 21 mars qui avait adopté la déclaration de politique générale par 441 voix contre 94 [197] (celles des sociaux-démocrates sur prise de position de leur leader) fut suivie, le surlendemain 23 mars, d'une autre au cours de laquelle, à la même majorité, Hitler obtint les pleins pouvoirs pour quatre ans dans la forme d'une loi dite «Loi pour soulager la détresse du peuple et du Reich» (Gesetz zur Behebung der Not von Volk und Reich). Présentant cette loi, Hitler déclara:
«Le gouvernement ne fera usage de ces pouvoirs que dans la mesure où ils sont essentiels pour prendre les décisions d'une nécessité vitale. Ni l'existence du Reichstag ni celle du Reichsrat, ne sont menacées. La position et les droits du président (du Reich) demeurent inchangés... on ne touchera pas à l'existence individuelle des États de la fédération. Les droits des Églises ne seront pas diminues et leurs relations avec l'État ne seront pas modifiées. Le nombre de cas où une nécesité interne exige d'avoir recours à une pareille loi est, en soi, limité 10.»
C'est au cours de ce discours qu'il annonça «son espoir de parvenir à des accords entre les Églises et l'État » et plus particulièrement «d'améliorer nos bonnes relations avec le Saint-Siège» ce qui était une allusion non déguisée à son désir de passer un Concordat avec lui.
Sur quoi, la Conférence de Fulda de l'épiscopat catholique allemand s'étant réunie le 29 mars 1933, déclara:
«Il faut actuellement reconnaître que le représentant suprême du gouvernement du Reich en même temps chef autoritaire du mouvement national-socia[198]liste a fait des déclarations solennelles qui tiennent compte de l'inviolabilité de la doctrine et de la foi catholiques et des missions, et des droits immuables de l'Église, déclarations dans lesquelles il assure expressément que les traités d'État conclus entre certains pays allemands et le Saint-Siège restent en vigueur 11.»
Commentant ce texte, Mgr Preysing, archevêque de Munich, ajouta le 30 mars: «Les déclarations que le Chancelier du Reich a faites le 23 mars devant le Reichstag allemand, autorisent les évêques à cesser, à l'heure qu'il est, l'opposition qu'ils ont manifestée jusqu'à présent 12.» Il s'agit, bien entendu, de l'opposition au gouvernement, non de l'opposition à la doctrine nationale-socialiste. On remarquera, en outre, la précaution: à l'heure qu'il est a dit l'évêque, ce qui ne signifie pas définitivement.
Tous les évêques du Reich répercutèrent à leurs fidèles, la déclaration de Fulda dans les mêmes termes et l'Osservatore Romano 13, donc le Saint-Siège, approuva.
Entre l'Église et le Ille Reich, la trêve ne fut pas de longue durée: le temps de signer un concordat. Il était à peine signé que la lutte reprenait à propos des multiples violations dont il fut l'objet de la part des autorités du IIIe Reich: ce furent les notes de protestation du cardinal Pacelli, l'encyclique Mit brennender Sorge, les condamnations réitérées du national-socialisme par le cardinal Pacelli devenu Pie XII, etc. On n'y reviendra pas 14.
[199]
Pendant ce temps, comment la hiérarchie protestante se comportait-elle, à l'égard de Hitler et du national-socialisme?
C'est au début de 1934 seulement que les relations entre le IIIe Reich et l'Église protestante commencèrent à se gâter et encore, seulement entre le Ille Reich et une petite minorité de pasteurs. Le différend survint à propos de la constitution de l'Église protestante en Église du Ille Reich, projet que Hitler caressait parallèlement à son projet de Concordat avec le Saint-Siège.
Au début, ce projet eut l'adhésion de toute la hiérarchie protestante dans son ensemble. Du moins, parmi les 17.000 pasteurs, aucune voix ne s'éleva pour protester. Par contre, nous dit William L. Shirer, 3.000 d'entre eux ayant à leur tête un certain Ludwig Mueller, aumônier militaire du district de Prusse orientale, ami du Führer et nazi convaincu, étaient des militants actifs de la N. S. D. A. P., «soutenaient au sein de l'Église protestante les doctrines raciales nazies et le principe de la suprématie allemande, et voulaient les voir appliquer à une Église du Reich, qui réunirait tous les protestants 15». Les statuts de cette «Église du Reich» ayant été mis au point par les représentants des diverses églises protestantes d'Allemagne -il y en avait de 28 sortes! - elle fut reconnue officiellement par le Reichstag le 14 juillet. On n'a pas oublié que, le premier reproche fait à Pie XII alors cardinal Pacelli et Secrétaire d'État du Vatican, était d'être entré en rapport à cette époque avec les autorités du IIIe Reich en vue [200] de la signature d'un Concordat, malgré tous les méfaits du nazisme: les protestants qui lui ont fait ce reproche y étaient aussi. De même a-t-il déjà été dit que, toujours malgré les méfaits du nazisme, les démocraties anglaise et française y étaient entrées à la même époque, elles aussi, en vue de la signature du célèbre Pacte à Quatre. La logique de tous ces gens est donc, apparemment, que, pendant l'été 1933, tout le monde avait le droit moral de négocier avec le IIIe Reich sauf le Saint-Siège! Observons seulement que cette logique est remarquable.
Aucune objection de principe n'ayant été soulevée dans les milieux protestants, l'étape suivante fut abordée: la nomination du pape de la nouvelle Église. On y procéda au début de septembre, au synode de Wittenberg. Et c'est là que les difficultés commencèrent. La faveur des délégués à ce synode allait à un pasteur Friedrich von Bodelschwingh et celle du Führer, qui la manifesta publiquement à la radio la veille du scrutin, à son ami Ludwig Mueller. Le pasteur Friedrich von Bodelschwingh ayant retiré sa candidature, Ludwig Mueller fut élu à l'unanimité. Ni le Führer, ni personne parmi ses pairs n'avait pense au Révérend Dr Martin Niemöller. De mauvaises langues ont dit qu'il en avait été ulcéré mais, s'il était exact que cette décision portait en germe son opposition à Hitler, il faudrait reconnaître qu'il ne le manifesta pas tout de suite. Il avait contribué à créer une association de pasteurs, Der Pfarrernotbund (Union des pasteurs contre la détresse) dont il était devenu le président et, afin qu'on ne se méprît pas sur ses intentions, à la suite de la nomination du Dr Ludwig Mueller à la tete de l'Église du Reich, [201] à tous les pasteurs il adressa une circulaire dans laquelle il était dit: «Les membres de l'Union des pasteurs contre la détresse se rangent inconditionnellement aux côtes du Führer Adolf Hitler 16.»
Le 14 octobre suivant, l'Allemagne ayant quitté la S. D. N. en claquant la porte, le Président NiemölIer, au nom de l'Union des pasteurs contre la détresse, télégraphie à Hitler:
«En cette heure déterminante pour le peuple et la patrie allemande, nous saluons notre Führer, l'assurons de notre soutien fidèle et de nos pensées profondes 17.»
Son activité au nom de cette organisation le porte à la tête d'une des 28 sectes protestantes allemandes, l'Église confessante qui essaie de cristalliser une opposition à l'Église du Reich récemment créée.
Mais cette opposition dirige ses coups beaucoup plus contre cette Église elle-même que contre Hitler et le national-socialisme car, Hitler ayant réussi à mettre, le 25 janvier 1934, les deux parties en présence en vue d'un accord, le protocole de cette réunion, établi par Niemöller dit encore à Hitler:
«Nous n'avons pas besoin de vous assurer combien nous vous sommes reconnaissants d'avoir arraché le peuple allemand à la désintégration intérieure et extérieure et d'avoir libéré ses forces pour un nouvel épanouissement 18.»
[202
Et l'on repartit cahin-caha dans l'ombre de Hitler, les dissentiments entre l'Église confessante et les autres sectes protestantes restant ce qu'ils étaient. En réalité, ces dissentiments au sein de la hiérarchie ne traduisaient, nous dit encore William L. Shirer, de la part des Églises protestantes que «la résistance à la nazification d'une minorité de pasteurs et d'une minorité encore plus faible de fidèles 19».
En juillet 1935, Hitler essaya une nouvelle fois d'éliminer tous ces dissentiments qui, sans l'inquiéter, l'agaçaient. Il chargea donc son ministre des Cultes, le Dr Kerrl, de provoquer une nouvelle réunion. Il en sortit un Conseil de l'Église, préside par le Dr Zöllner, un vénérable pasteur que toutes les factions protestantes estimaient et respectaient. Le Dr Martin Niemöller, tout en soutenant que son Église protestante était la seule vraie Église protestante, accepta d'y collaborer.
En mai 1936, il adressa une note courtoise à Hitler pour protester contre les tendances antichrétiennes du régime et lui demander qu'il fût mis fin à l'ingérence de l'État dans les affaires ecclésiastiques. Hitler ne lui en tint pas rigueur.
C'est seulement le 27 juin 1937 qu'il fit publiquement le saut dans l'opposition par un sermon prononcé sur le thème de sa note de mai 1936, dans son église de Berlin-Dalhem. Ce sermon contenait un passage qui était un défi: «Nous ne pensons pas plus à user de nos propres pouvoirs pour échapper au bras [203] de l'autorité que ne le faisaient les apôtres de jadis. Pas plus que nous ne sommes décidés à rester silencieux sur l'ordre de l'homme quand Dieu commande de parler. Car, aujourd'hui et toujours, nous devons obéir à Dieu plutôt qu'à l'homme 20.»
Le 1er juillet, il était arrête, emprisonne, puis le 2 mars 1938 passait en jugement devant un tribunal spécial (Sondergericht) qui le condamna à sept mois de prison et à deux mille marks d'amende. La prévention couvrait la peine de prison: à sa sortie de la salle d'audience, il fut cueilli par la Gestapo, envoyé dans un camp de concentration (Sachsenhausen pendant quelques mois, puis Dachau) comme «prisonnier personnel du Führer» ce qui n'était pas une mince protection. Il ne sortit de ce camp que délivré par les troupes américaines.
Le moins que l'on puisse dire c'est que, de la part d'un homme qui avait adhéré au National-socialisme en 1924, qui l'avait soutenu en toutes circonstances depuis, notamment, on l'a vu, dans ses campagnes électorales, auteur d'un livre qui était une apologie du national-socialisme 21, se terminant par une note exprimant sa satisfaction que la révolution nationalesocialiste eût finalement triomphé et eût entraîne cette renaissance nationale, cette prise de position du pasteur Martin Niemöller venait un peu tard.
[204]
Si l'on était sûr que ce saut dans l'opposition ne fût pas suspect, on dirait volontiers: «Mieux vaut tard que jamais.» Mais que penser de cette lettre qu'en septembre 1939, la guerre ayant éclaté, alors que depuis juillet 1937 il était interné, il écrivit à son ami le grand-amiral Raeder:
«Comme j'attends en vain depuis longtemps mon ordre de rappel au service, je me présente expressément comme volontaire. je suis âgé de 47 ans, parfaitement sain de corps et d'esprit et je vous prie de bien vouloir m'affecter à un emploi quelconque dans les services de guerre 22.»
Volontaire dans les armées du national-socialisme, en pleine connaissance de cause des buts qu'il poursuivait, voilà qui jette un jour singulier sur la nature et la sincérité de son «opposition au régime».
Tel est, en Allemagne, l'un des hommes les plus éminents qui, après avoir engagé pendant des années les hommes sur lesquels il avait quelque influence à rallier le national-socialisme et qui, ne s'étant apparemment tiré sans peine de l'aventure que parce que Hitler ne voulut pas de lui dans ses armées, demanda ensuite que l'on épurât sans pitié ceux qui avaient suivi son conseil. Et qui figure parmi les accusateurs du plus de poids de Pie XII et les supporters les plus ardents de M. Rolf Hochhuth, lequel est d'ailleurs une de ses ouailles.
[205]
L'arrestation du pasteur Niemöller plongea l'Église confessante décapitée dans le désarroi: on n'en entendit plus guère parler. Dans l'autre clan protestant, le 12 février 1937 le Dr Z_llner avait démissionne du Conseil de l'Église parce que la police du Ille Reich l'avait empêché de se rendre, pour enquête, à Lübeck où neuf pasteurs protestants avaient été arrêtés. A la fin de l'année, le Dr Marahrens, évêque de Hanovre, qui avait pris sa suite, déclara publiquement: «La conception nationale-socialiste de la vie est l'enseignement national et politique qui détermine et caractérise le comportement du peuple allemand. C'est pourquoi il est indispensable que les chrétiens allemands s'y plient aussi.» Au printemps de 1938, il alla même jusqu'à ordonner à tous les pasteurs de son diocèse de prêter serment de fidélité personnelle au Führer. «En peu de temps, nous dit William L. Shirer, la grande majorité des ecclésiastiques protestants prêtèrent ce serment 23.» Et il en fut de même dans toute l'Allemagne. Que des pasteurs aient résisté à la nazification de l'Église protestante allemande n'est pas douteux: des centaines et des centaines ont été arrêtés et envoyés dans les camps de concentration. Mais des centaines et des centaines de prêtres catholiques ont aussi été arrêtes et envoyés dans les camps de concentration. Ce qu'on veut dire, c'est seulement que les résistants protestants allaient contre la ligne générale de leur Église tandis que les résistants catholiques étaient dans la ligne générale de la leur. On m'excusera d'avoir si souvent recours à M. William L. Shirer, mais enfin, il est [206] lui-même protestant et malgré cela, nul n'a mieux que lui caractérisé le comportement général de l'ensemble des protestants allemands, pasteurs et ouailles réunis, tiraillés entre les partisans d'une Église protestante transformée en Église du Reich national-socialiste, et ceux de son indépendance politique totale: «Au milieu, écrit-il, il y avait la majorité des protestants qui semblaient trop timorés pour rejoindre les rangs d'un des deux groupes combattants et qui finirent, pour la plupart, par atterrir dans les bras de Hitler, acceptant de le voir intervenir dans les affaires de l'Église et obéissant à ses commandements sans protester ouvertement»
Ni autrement non plus.
Ces constatations n'ont pas une très grande valeur indicative: il faut tenir compte de la crainte que le régime inspirait au clergé 24 et la masse des protestants allemands. Mais enfin, ce régime qui inspirait les mêmes craintes aux catholiques n'obtint pas d'eux que «la plupart» Clergé en tête, tombassent «dans les bras de Hitler» et acceptassent «de le voir intervenir dans les affaires de l'Église». Il faut aussi convenir que, sur les protestants, les catholiques avaient un avantage appréciable: un Nonce à Berlin et un pape à Rome, le premier inviolable et le second hors de portée des représailles, qui pouvaient protester en leur nom et ne s'en privaient pas. Ceci dit, c'est tout de même un évêque catholique, Mgr von Galen de Munster, non un évêque protestant, qui s'est élevé contre l'euthanasie...
Il était nécessaire de rappeler en détail le comporte[207]ment de l'Église protestante, de son épiscopat et de ses 17.000 pasteurs pris dans leur ensemble. On ne l'a pas fait de gaîté de coeur: «A tout pêché, miséricorde», si c'est la loi du Dieu des chrétiens, c'est aussi celle de la conscience des athées, bien que, malheureusement, ce ne soit pas celle des hommes en général. Si, oubliant cette loi de son propre Dieu jusqu'à charger la conscience d'un innocent d'un péché qu'elle a commis et qu'il n'a pas commis, cette Église ne se posait aujourd'hui en accusatrice, on s'en serait bien gardé. Et si on l'a fait, ce n'est pas à l'instar d'un Hochhuth pour jeter contre elle un quelconque anathème, mais seulement pour rappeler le vieux proverbe du voleur qui crie au voleur. Descendant des principes aux faits, on sait bien, d'autre part, que, sous une dictature comme dans la guerre, le comportement des hommes perd tout son sens et échappe à tout jugement de valeur. je l'ai personnellement éprouvé au camp de concentration (dans les mêmes termes que Louise Michel) et dans les opérations de guerre. Aucun facteur rationnel n'y intervient plus, à plus forte raison chez les hommes de Foi. Et c'est ce qui, dans le cas de Pie XII, force le respect, en ce sens que le comportement de cet homme de Foi lui a été dicté par es principes rationnels, lesquels, à l'encontre de ceux de la Foi, sont toujours humains.
Sous Hitler, donc, remarquons et passons. Mais avant?
Avant, il reste que, dans son ensemble, le clergé de l'Église protestante et même, dans son sein, la petite minorité qui, après coup, longtemps après coup, entra dans l'opposition, et dont le pasteur [208] Martin Niemöller est le type le plus représentatif, prit fait et cause pour Hitler et fut un des facteurs de son succès alors que l'Allemagne était en république et qu'aucune pression ne s'exerçait. Tandis que le clergé catholique, le Saint-Siège, Pie XI et le cardinal Pacelli futur Pie XII 25...
Ce péché-là aussi sera pardonné à l'Église protestante: dans le désarroi des temps... Et, de toute façon, c'est aussi inscrit dans les Écritures: «A qui a beaucoup péché, il sera beaucoup pardonné.» En vertu de quoi, on. lui pardonnera même le peché bien plus grave qui consiste, aujourd'hui, à se poser en accusatrice. Mais, ayant ainsi passé l'éponge, tout en pardonnant, on reste en droit de dire que, ce dernier péché, on eût aimé qu'elle ne le commît pas. Qu'elle se rendit compte que si, dans cette affaire, quelqu'un pouvait se permettre d'accuser, ce n'était pas elle. Et que si, d'aventure , un de ses fidèles, dévoyé au point d'avoir perdu tout sens moral, comme c'est le cas de M. Rolf Hochhuth, se laissait aller jusqu'à cette infamie qu'est Le Vicaire, elle ne le remarquât que pour battre sa propre coulpe et, aussi humblement que possible, rendre hommage à un homme qui, pour être pape, n'en fut pas moins beaucoup plus grand devant le national-socialisme et la guerre, que n'importe lequel de ses pasteurs et même que, rassemblés en un gigantesque faisceau, ils ne le furent tous ensemble.
Je sais bien pourquoi elle ne l'a pas fait.
Il y a d'abord cette disposition générale d'esprit, [209] déjà signalée, que très peu d'hommes réussissent à surmonter et qui consiste, chez ceux qui ont le sentiment de leur propre culpabilité, à essayer de se donner bonne conscience en recherchant aussi ou plus coupable qu'eux. C'est instinctif et bien humain, - dans le sens où cette épithète qualifie une faiblesse de l'homme au plan de l'intelligence des choses, dans un sens qui est aux antipodes de l'humanisme. Dans le cas particulier, il y a, ensuite, l'antipapisme congénital des protestants qui est l'essentiel du dogme. Et enfin, la situation politique toute nouvelle, créée par la Seconde Guerre mondiale et dans laquelle se trouve aujourd'hui l'Église protestante allemande.
Fille de la Prusse protestante, née sous le signe du Kulturkampf, l'Allemagne de 1914 était un Empire dans lequel les protestants voisinaient avec les catholiques dans la proportion de deux contre un: l'empereur était protestant, le chancelier d'Empire était protestant, les chefs de l'armée et de la police étaient protestants. L'Église protestante y exerçait une influence considérable sur la politique: on n'eût pas imaginé un grand commis catholique.
Expression d'un principe libéral, ne d'une réaction de Bismarck contre la Politique de Pie IX et notamment le dogme de l'infaillibilité pontificale que ce pape fit promulguer par un concile (Vatican I) le 18 juillet 1870, le Kulturkampf (le mot signifie le combat pour la culture) se traduisit au niveau gouvernemental par des lois d'exception contre les catholiques (suppression de la liberté de l'Église, pourtant garantie par la Constitution prussienne de 1850 par exemple) qui n'atteignaient pas les protestants et qui, s'il ne s'était agi que de la Prusse, ne pouvaient [210] pas avoir d'inconvénients graves bien qu'elles fussent d'une injustice criante, mais qui, parce qu'il s'agissait de toute l'Allemagne, cristallisèrent contre lui le tiers catholique de sa population, précisément au moment où le marxisme montant réussissait à en cristalliser presque un autre tiers; pour n'être pas mis en minorité au Reichstag, il dut céder (1880: loi dite de paix religieuse) et les catholiques n'ayant fait aucune concession, ce fut la première défaite politique du protestantisme allemand qui, le Kulturkampf ayant pris fin, perdait son moyen de propagande le plus rentable.
A partir de là, l'Église catholique ne cessa plus d'exercer et d'accroître progressivement son influence sur la politique allemande. En compétition avec l'Église protestante. Les progrès furent lents - très lents même: les postes de grands commis restèrent longtemps encore une chasse gardée pour les protestants et il fallut attendre 1930 pour qu'un catholique, le Dr Brunning, accédât au poste de chancelier. Au moment de l'avènement de Hitler, cependant, l'influence de l'Église protestante était encore, au plan religieux, prépondérante et, bien que catholique d'origine, Hitler avait, lui-même, beaucoup plus de sympathie pour elle que pour l'Église catholique: à soi seul le fait qu'il eût songé à en faire une Église nationale du Reich, l'établit indiscutablement. On pourrait même ajouter que, depuis que l'Allemagne existe, de tout temps, ce furent les milieux protestants quasi unanimes qui exprimèrent le Nationalisme allemand dans sa forme la plus excessive et c'était, la encore, un pont entre Hitler et eux. On a dit de ce Nationalisme qu'il était «prussien».
[211]
D'accord, mais je pose la question; prussien parce qu'il était protestant, ou protestant parce qu'il était prussien?
Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale prit fin aussi l'influence prépondérante du protestantisme sur la politique allemande. D'abord, l'Allemagne fut coupée en deux: 17 à 18 millions de ses habitants du côté Est du Rideau de fer, 51 à 52 du côté occidental. Mais, les 17 à 18 millions d'Allemands dont l'Allemagne a été amputée sont précisément les protestants et ce fait a deux conséquences:
1. De l'autre côté du Rideau de fer, soumis à la dictature communiste, le clergé protestant se voit interdire certaines prises de position et, apparemment, il supporte cette interdiction avec autant de bonne volonté qu'il supportait, jadis, celles qui lui étaient imposées par le régime hitlérien. En particulier il se laisse de très bonne grâce orienter vers la doctrine de la paix qui est celle de l'Union soviétique. Et, en Allemagne occidentale, le clergé protestant s'aligne sur lui: le pasteur Martin Niemöller, commandant de sous-marin pendant la Première Guerre mondiale, auteur d'un livre qui est une profession de foi d'un nationalisme forcené et se termine par une note enthousiaste d'adhésion à la «Révolution nationale-socialiste», volontaire pour reprendre du service dans les armées hitlériennes en 1939, est aujourd'hui l'évêque le plus influent du protestantisme et... à la tête d'un mouvement pacifiste qui reprend systématiquement à son compte tous les mots d'ordre de l'Union soviétique en matière de paix. Les pacifistes allemands n'ont rien trouvé de mieux pour présider à leurs destinées. Bref, loin [212] d'avoir été, pour les vingt-huit morceaux de l'Église protestante allemande, un facteur de division supplémentaire, le Rideau de fer a été un facteur d'union, en ce sens qu'il leur permet de manifester, de temps à autre, une unité de vue, au moins sur un point: la paix. C'est la, d'ailleurs, une tradition du protestantisme en général: divisé en une infinité de sectes opposées sur les dogmes, il n'a jamais trouvé le moyen d'affirmer son unité que sur des problèmes qui ne sont pas propres à la religion qu'il professe.
2. Limitée par le régime au rôle d'agent de la Pax sovietica dans ses prises de position publiques de l'autre côté du Rideau de fer - lequel régime par parenthèse, comme à toutes les Églises, ne lui accorde pas plus de liberté dans l'exercice de son culte qu'il n'en accorde au titre de personne privée -, l'Église protestante allemande l'est par un rapport de nombres, dans son influence politique en Allemagne de lOuest: en 1965, protestants et catholiques ne s'y retrouvent plus, comme dans l'Allemagne d'avant 1914 ou de l'entre-deux-guerres, à deux protestants pour un catholique mais seulement à six protestants pour cinq catholiques 26 c'est-à-dire à nombre sensiblement égal, avec un léger avantage aux protestants. Politiquement, cette situation se traduit ainsi: quand le Président de la République est protestant (Heuss), le Chancelier est catholique (Adenauer) et, à cette équipe a succédé un président catholique (Lübke) et un chancelier protestant (Ehrard). Comme [213] si un compromis était passé entre les deux Églises au sein de la C. D. U.-C. S. U., un compromis qui ne plaît ni à l'une ni à l'autre et chacune surveillant l'autre, prête à saisir la moindre occasion qui lui permettra de l'emporter sur elle. L'extraordinaire réussite du Chancelier Adenauer joue en faveur des catholiques déjà bien placés par leur attitude devant le national-socialisme: ils ont le vent en poupe. Contre les protestants, jouent l'aide qu'ils ont apportée à Hitler dans sa marche au pouvoir et ce cryptocommunisme par lequel ils avaient cru arriver à se dédouaner. Ils s'en sont aperçus. Alors, ce fut Le Vicaire dont le but était de porter aux catholiques un coup dont ils ne se relèveraient pas, tout en les faisant apparaître, eux protestants, comme un des éléments essentiels de la résistance à Hitler.
Tel est le premier aspect de l'opération Vicaire un argument des protestants dans la lutte qu'ils mènent en Allemagne de l'Ouest pour y combattre l'influence politique des catholiques. Et, bien sûr, ce qui est essentiel dans ce combat, pour accroître ou, au minimum conserver une clientèle que leur comportement politique d'hier et d'aujourd'hui a fini par rendre extrêmement flottante. Que toutes les Églises protestantes du monde aient, comme un seul homme, repris l'argument à leur compte, il n'y a là rien que de très naturel: c'est, dans sa forme, l'argument antipapiste par excellence. On vient de voir que, dans son fond, c'est, dirait Kipling, une autre histoire.
Un argument de boutiquier, au reste, - de boutiquier des premiers âges du commerce: «A prix égal, tout est de meilleure qualité ici qu'en face, la preuve...» Et devant lequel le chaland d'aujour[214]d'hui ne passe plus qu'en souriant de cette naïveté. En cours de débat, une des innombrables sectes protestantes a très ingénument avoué, à la mode ancienne, le but poursuivi en invoquant les Écritures: «Sortez d'elle (de l'Église catholique) mon peuple, si vous ne voulez pas participer avec elle à ses péchés et si vous ne voulez pas recevoir de ses fléaux. Car ses péchés se sont amoncelés jusqu'au ciel, et Dieu s'est souvenu de ces actes d'injustice 27.»
Traduction: sortez d'elle et venez chez nous.
C'est à cette conclusion que tous arrivent: dans le plus perdu de nos hameaux, le dernier des boutiquiers de notre temps est plus habile.
Il faut maintenant analyser les mobiles auxquels ont obéi les adversaires de l'Église catholique qui se sont associes à l'Église protestante dans cette sorte de «Front unique».
On ne s'arrêtera que pour mémoire à ce mouvement de pensée qui, au début de ce siècle, alors que, le socialisme ayant réalisé son unité et le syndicalisme trouve sa voie, le monde du travail s'apprêtait à se lancer à l'assaut du régime sur le mot d'ordre: «Le capitalisme, voilà l'ennemi!», l'en détourna en lui démontrant que l'ennemi n'était pas le capitalisme mais le cléricalisme: «Le cléricalisme, voilà l'ennemi!» La diversion réussit fort bien: dès lors, la [215] gauche européenne ne se distinguera plus de la droite que par un anticléricalisme qui, trente ans après, fut à très peu près une réédition du Kulturkampf. Pendant que le monde du travail était occupé à se battre contre les curés catholiques, le régime consolidait tranquillement ses structures et préparait non moins tranquillement la Première Guerre mondiale. On sait la suite: le mouvement ouvrier ne s'en est jamais relevé! Quant à ce mouvement lui-même, il eut le même sort que le Kulturkampf: de la même façon que Bismarck avait dû céder devant Léon XIII, les conservateurs sociaux qui l'avaient lancé pour se dispenser de faire les réformes qu'ils avaient promises pour arriver au pouvoir, durent céder devant Pie XI, rétablir d'eux-mêmes les relations avec le Vatican, et progressivement abolir les lois d'exception qui visaient l'Église catholique, etc. L'anticléricalisme en mourut. En France, où il fut le plus violent et eut le plus de succès, de petites sectes essaient de le ressusciter. En vain: leurs armes les plus redoutables sont le petit tablier de cuir, l'équerre, le compas et le saucisson du vendredi saint. Il n'est pas vrai que le ridicule ne tue plus.
Dans son principe pourtant, la séparation de l'Église et de l'État était une très bonne chose. Il fallait seulement qu'elle signifiât «une Église libre dans un État libre,» selon la formule de Victor-Emmanuel II, une Église, en somme réduite à l'état de parti politique avec les mêmes droits que tous les autres. Or, au stade de l'application, elle signifia l'éviction de l'Église catholique au profit d'une autre dont la religion serait l'État, les instituteurs étant ses prêtres dans la communion du grand Architecte [216] de l'Univers. A coups de lois d'exception, par surcroît. C'est uniquement par surprise qu'on a pu réussir à faire passer la muscade au début de ce siècle. Et pas pour longtemps. Les saucisonneurs à petit tablier de cuir, à équerre et à compas du vendredi saint qui rêvent de revenir à ces temps heureux de leur splendeur doivent s'en faire une raison: l'histoire ne repasse pas les plats. En tout état de cause, elle n'a pas repassé celui-ci, le petit père Combes n'est pas sorti de sa tombe et ses disciples attardés n'ont pas été un facteur déterminant dans l'ampleur du débat provoqué par Le Vicaire. Cette ampleur, ce sont le bolchevisme et le mouvement sioniste international qui la lui ont donnée. Et, bien que leurs prises de position respectives dans cette affaire ne participent pas de la même intention, elles leur sont toutes deux inspirées par le problème allemand tel qu'il a été posé par l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Empruntant les mêmes voies, elles ne peuvent, en outre, manquer d'arriver au même résultat final: la mort de la liberté en Europe, par la chute de l'Europe elle-même sous la coupe du bolchevisme.
J'ai souvent dit et écrit que, sous le couvert d'une révolution mondiale qui libérerait tous les peuples du joug capitaliste, le bolchevisme n'était que la forme moderne de ce panslavisme que, sous le même couvert, le pansintoïsme cherche à driver depuis peu. Sous Staline, on en est tombé la, que ce n'était plus la libération des peuples par la révolution qui était poursuivie mais, à la faveur d'une guerre, étendre la domination bolcheviste à toute l'Europe qui aurait été emprisonnée dans les structures économiques et sociales, bien en retrait sur celles du capitalisme libé[217]ral, qui sévissent actuellement en Russie. Cela définit la qualité de ce socialisme tout en ramenant à ses justes proportions d'attrape-nigauds cette révolution-là.
A l'expérience, les calculs de Staline ne se sont révélés qu'à moitié faux: s'il n'a pas réussi à en tenir la Russie à l'écart, la Seconde Guerre mondiale a tout de même livré la moitié de la Mitteleuropa au panslavisme et porté ses frontières à cinquante kilomètres de Hambourg. Que l'Allemagne occidentale s'écroule et la route de l'Atlantique est libre devant lui. Chaque fois donc qu'un pas est fait en direction de la réintégration de l'Allemagne de lOuest - et même de celle de l'Est par le truchement de la réunification des deux - dans la communauté des peuples européens par ailleurs ouverte à tous, les successeurs de Staline se répandent en invectives contre le militarisme allemand, les revanchards néo-nazis de Bonn, l'Allemagne responsable de la Seconde Guerre mondiale, les criminels de guerre, etc. C'est leur argument moral. Il est destiné à entretenir dans l'opinion publique ce mensonge évident que les treize procès de Nuremberg ont promu au rang de vérité historique, que l'Allemagne étant seule responsable de la Seconde Guerre mondiale, elle doit, seule, assumer la charge de la réparation des dégâts.
Faire payer l'Allemagne, encore et toujours, c'est acculer au désastre économique. A la faveur du chaos qui s'ensuivra, les successeurs de Staline espèrent bien mettre la main sur elle.
Et ce sera la mort de l'Europe libérale car, sans une Allemagne libre, indépendante et réintégrée à égalité de droits dans la communauté des peuples du vieux [218] continent, cette Europe-là est inconcevable. Alors, les frontières du panslavisme auront été déplacées d'un appréciable pas de plus vers l'ouest et le bolchevisme n'aura plus guère à faire pour qu'elles se confondent avec la côte atlantique.
Tels sont les calculs du bolchevisme.
Telle est l'entreprise à laquelle, avec Le Vicaire, le clergé protestant dans son ensemble vient d'apporter un argument de propagande pour des raisons de pres- tige religieux au sein d'un État, le Mouvement sio- niste international s'y étant associé pour des raisons d'intérêt. Réaffirmer la culpabilité unique de l'Alle- magne, c'est en effet justifier le paiement des indem- nités qui lui permettent de consolider l'État d'Israël et de «reconstruire la vie juive» dans le monde. Signalons en passant que ces «réparations» ne sont payées que par l'Allemagne de l'Ouest. Leur montant est tel que ce qui était exigé par le Traite de Ver- sailles en 1919 était une bagatelle, en comparaison. (Voir p. 263. Appendice 5.)
Mais les chrétiens progressistes? En sus du souci de se donner une bonne conscience et de se faire pardonner l'attitude que, sourds aux appels de Pie XII, ils ont adoptée devant et Pendant la guerre - souvent équivoque pendant, je connais des cas de gens qui aujourd'hui parlent très haut et qui, pourtant... - ceux-ci sont travaillés par la tentation du marxisme dont, à leurs yeux, les méthodes peuvent seules sauver l'Église catholique: l'ouverture à gauche. Au moment précis où l'expérience de la Russie a fait la preuve de la faillite du marxisme et où, dans le reste du monde, la gauche n'est plus, socialement, qu'un mythe artificiellement entretenu par le bolchevisme [219] qui, dans l'éventail politique, se situe non à gauche mais à l'Est, c'est-à-dire à l'extrême droite et très probablement plus encore que les vieux partis que nous avons pour habitude d'y classer. Car, ce qui est à l'extrême droite, c'est le totalitarisme sous quelque couleur doctrinale qu'il s'abrite et en matière de totalitarisme, ces vieux partis sont loin, très loin d'arriver à la cheville du bolchevisme. Ce qu'on veut dire ici, c'est qu'à partir du moment où, en parlant d'ouverture à gauche, on ne s'adresse plus qu'au bolchevisme, c'est, premièrement à la plus extrême des droites, donc à la pire, qu'on fait l'ouverture et, secondement, que tout ce à quoi on peut arriver, c'est à faire son jeu. Si, par préoccupation doctrinale, on veut de surcroît doter l'Église du système marxiste de pensée, on ne peut qu'y arriver plus sûrement encore. Et plus rapidement: on sait dans quelle aventure, pratiquée avec la bénédiction de celui qu'on appelle le bon pape jean XXIII, l'ouverture à gauche a, récemment, failli précipiter l'Italie. Et on frémit à la pensée de ce qui aurait pu arriver si le clergé italien avait été marxiste! La politique de «la main tendue aux catholiques» du bolchevisme qui les traite au knout à l'Est n'est, à l'Ouest, qu'une réédition de «la volaille à plumer» qu'avec tant de succès, depuis cinquante ans, il pratique avec le socialisme: l'expérience enseigne que, dans ce domaine, sa technique est des plus éprouvées. Le moindre contrat que l'on passe avec lui, la moindre concession faite à ses méthodes ou à sa doctrine revient à introduire le loup dans la bergerie où il est plus fort que tous les moutons réunis.
C'est un simple problème de rapport des forces.
[220]
Et pour ceux qui cèdent à la tentation, de cécité politique.
Ceci dit, que l'Église catholique évolue, voire qu'elle disparaisse de la vie spirituelle des peuples comme elle a disparu, ou à peu près, de leur vie matérielle, le lecteur a déjà compris que l'auteur de cette étude n'y voit aucun inconvénient, au contraire. Mais si c'est en cédant sa clientèle au bolchevisme, c'est une tout autre affaire.
A ces mobiles d'ordre purement politique qui, sur le thème du Vicaire, ont rassemblé protestants, juifs, chrétiens progressistes et bolcheviks dans une offensive commune contre lÉglise catholique, il en faut ajouter un d'ordre purement religieux, qui remet en cause un dogme du christianisme et qui est propre au Mouvement sioniste international: l'accusation qui, depuis deux mille ans, pèse sur le peuple juif et fait de lui un peuple déicide dans toute la chrétienté. A ce Mouvement sioniste international, l'annonce de la convocation du Concile par jean XXIII ne pouvait manquer de suggérer qu'il avait là une occasion magnifique de faire lever officiellement cette accusation. D'autant que, le sort qui fut celui des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale du seul fait qu'ils étaient juifs, avait provoqué, dans le monde entier, une indignation générale qui, même si l'événement était dépouillé de toutes les exagérations qui l'ont démesurément grossi et ramené à ses justes proportions, n'en resterait pas moins justifiée et, par la sympathie non moins générale que ce sort leur valut, créé dans l'opinion, une atmosphère favorable à la révision de ce jugement d'anathème.
[221]
Telles sont les différentes pièces de «l'opération Vicaire» et telle est la façon dont elles s'articulent entre elles dans un mécanisme politique.
En résumé: le souci de l'Église protestante de reconquérir sur l'Église catholique, la prédominance politique qu'elle a perdue en Allemagne, les ambitions panslavistes du bolchevisme, le coup de foudre des chrétiens progressistes pour le marxisme à la sauce bolchevique, l'intérêt, enfin, du Mouvement sioniste international relativement aux indemnisations de guerre qu'il réclame à l'Allemagne et son souci de faire lever l'accusation du crime de déicide ou, à plus proprement parler, de Christicide qui pesait sur le peuple juif.
Tout cela greffé sur le problème allemand tel qu'il a été posé par l'issue de la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire sur la responsabilité unilatérale de l'Allemagne dans son déclenchement: n'ayant pas réussi à faire la preuve juridique de cette responsabilité unilatérale à Nuremberg, on ne songe plus, maintenant, qu'à la faire, devant l'opinion, à coups de procès spectaculaires et de pamphlets scandaleux, par les crimes que les Allemands sont accuses d'avoir commis Pendant la guerre, c'est-à-dire après son déclenchement. Par le même procédé, on pourrait aussi bien prouver que ce sont les Anglais, les Français ou les Russes - ou tous ensemble et de connivence - qui sont les seuls responsables de cette guerre: il suffirait de remplacer Auschwitz par Dresde, Leipzig et cinquante autres villes allemandes sans oublier Hiro[222]shima et Nagasaki, ou par Katyn, etc. et le tour serait joué. Ce qu'il y a de plus consternant dans cette manière toute nouvelle de raisonner, c'est qu'elle est le fait de professeurs éminents, aussi abondamment parcheminés que décorés, dont on célèbre, en nous invitant à nous incliner respectueusement devant leur science, tous les jours solennellement les mérites. A vous dégoûter à jamais de devenir savant!
On ne s'arrêtera pas davantage à l'inanité de la thèse selon laquelle, lorsqu'une guerre éclate, la responsabilité peut n'en incomber qu'à un seul peuple ou aux dirigeants d'un seul peuple. C'est ce que Pie XII avait parfaitement compris, et c'est cette thèse qu'il a essayé de faire prévaloir dans les faits qu'on lui reproche avant tout.
Au terme de cette étude, il ne reste plus qu'une alternative: ou bien l'on admet qu'agissant toujours sans discernement, les peuples sont toujours innocents des décisions que prennent leurs dirigeants - non seulement en matière de guerre ou de paix d'ailleurs 28 - que, lorsqu'une guerre éclate, ce sont leurs dirigeants, et tous sans exception, de part et d'autre de la ligne de feu, qui en sont seuls responsables et, des lors, le procès ne se situe plus entre les peuples vainqueurs et le peuple vaincu, mais entre la communauté des peuples, vainqueurs et vaincus réconciliés, et la communauté de leurs dirigeants; ou bien alors on continue à se vautrer dans les ornières du passé, on renonce à sortir de ce cercle infernal et vicieux de la guerre qui engendre la guerre et il [223] faut, tout de suite, sans attendre, recondamner le peuple juif, au moins pour crime de Christicide.
Dans le premier terme de l'alternative, le problème sera vite résolu: les peuples sont généreux, ils ignorent la rancune, le pardon est leur disposition naturelle d'esprit. «Amnistie générale, décréterontils en renvoyant les plaideurs dos à dos sans même qu'il soit besoin de plaider, qu'on s'y mette à tous pour réparer les dégâts et qu'on en finisse une bonne fois avec ce génocide à répétition, en permanence suspendu sur nos têtes.» Il est, évidemment, fort douteux que les dirigeants des peuples entendent ce langage sans y être contraints et c'est la que, dans ce raisonnement, le bat blesse, car dans les structures traditionnelles auxquelles, par égoïsme, ils tiennent tant, ils disposent encore d'assez de forces, occultes ou autres, pour le mettre en échec. Mais, tôt ou tard, l'esprit l'emportera sur l'épée et les effrayants progrès de la science atomique témoignent déjà, par les réactions qu'ils provoquent, qu'il n'en est plus très loin: un tout petit coup de pouce encore et ce sera gagné. Ce qui, par contre, n'est pas douteux et qui est des plus consolants, c'est que les peuples tiennent ce langage: il n'est que de voir de quelle faveur bénéficient dans l'opinion publique française, les campagnes pour l'amnistie de tous les faits imputés à crime, à ceux qui, soit au profit du F. L. N. soit à celui de l'O. A. S. ont été mêlés à la guerre d'Algérie, alors qu'elle vient à peine de se terminer. A tel point que le pouvoir, qui n'en a pas la moindre intention, en est contraint à céder à l'opinion publique. Le jour où quelqu'un se lèvera, dira tout haut ce que tout le monde pense tout bas et parlera d'amnistie européenne pour tous [224] les faits relatifs à une guerre vieille aujourd'hui de vingt-cinq ans et applicable à la guerre elle-même jusques et y compris ses responsables, tous les peuples auront les mêmes réactions que le peuple français devant les suites d'une guerre qui est seulement d'hier. La route de l'espoir, alors, sera de nouveau ouverte en direction de la vraie paix.
Dans le second terme de l'alternative il n'y a plus que la loi du talion de l'Ancien Testament qui agace les dents des enfants jusqu'à la soixante-dix-septième génération pour les punir de ce que les pères ont mangé des raisins verts, qui ne relève que de l'esprit de vengeance le plus bas poussé à son paroxysme et qui, pour être précieusement conservée et vénérée dans l'arsenal des arguments de la théologie et des juridictions hébraïques, n'en date pas moins des premiers âges de l'humanité, et, au XXe siècle, n'est plus qu'une injure grossière aux principes les plus nobles d'une civilisation qui, si elle n'est pas encore arrivée à ses fins dans les faits , a au moins -le mérite d'avoir placé, en esprit, la dignité de l'homme au premier rang de ses soucis. Cette loi du talion qui conduit l'humanité d'ignominie en ignominie, de celle qui, après avoir condamné tous les hommes sans exception à être inéluctablement des criminels en réclamant à cor et à cri, puis en justifiant ce grand crime collectif qu'est la guerre, a consisté à inventer le crime individuel de guerre, à celle qui invente, vingt ans après, sa non-prescriptibilité, et de procès d'Auschwitz en Vicaire. Tout cela pour, en fin de compte, faire, de la germanophobie systématique, la loi fondamentale de la politique européenne et créer un foyer supplémentaire de guerre au Moyen-Orient.
[225]
Entre les partisans de chacun des deux termes de l'alternative, le débat continue. Le propre de la haine et de l'esprit de vengeance étant de ne jamais désarmer 29, il n'y a pas d'apparence qu'il touche à sa fin: la polémique qui se déroule autour du Vicaire tend bien à prouver que les cagots et matagots de ces deux sentiments sont en perte de vitesse mais...
Mais, si la vérité et le bon sens font petit à petit leur chemin et si, au plan de l'esprit, la masse de ces cagots et matagots malfaisants s'est sensiblement amenuisée, leurs leaders n'en sont pas moins très puissamment organisés: dans les faits, ils tiennent toujours le haut du pavé et, en mains, les destinées du monde. Qu'ils arrivent à redresser la situation ou que tarde trop ce revirement de l'opinion dont on a déjà discerné les premiers signes, et ce sera le triomphe du bolchevisme panslaviste, c'est-à-dire la mort par assassinat de l'Allemagne, de cette Europe qui, envers et contre tout ce qu'attestent scrutins et autres sondages non moins truqués de l'opinion, est, en rêve et à l'état de velléité, au coeur de tous les Européens.
Le lecteur conviendra que cette perspective valait bien cet avertissement.
D'autant qu'après...
Mais mieux vaut ne pas penser à ce qui viendrait ensuite.
Le 20 février 1965.
A peine le point final était-il mis à cette étude
que, sortant comme d'une boite de Pandore, un nouveau Procureur,
plus menaçant et plus catégorique encore que tous
ses prédécesseurs, s'est levé au banc de
l'accusation: «Oui, le pape savait», a-t-il déclaré
sur un ton qui n'admettait pas de réplique, «il savait
et il s'est tu».
Il s'agit, cette fois, du «plus réputé des journalistes italiens des affaires religieuses». Son nom: Carlo Falconi, ce qui signifie très probablement, pour un nombre appréciable de bons esprits, que cette réputation était tout de même un secret assez bien gardé. Son manager: Candide et, pour une publication qui avait, jusqu'ici, plutôt penché en faveur de la thèse contraire, c'est assez inattendu. Mais, le journal absurde n'est-il pas celui qui ne change jamais?
Bref: en manchettes fulgurantes, sur toute sa première page, photo de Pie XII à l'appui, Candide 30 qui publie les bonnes feuilles de la thèse à paraître 31 [228] du nouveau Procureur, fait suivre, en un rouge agressif, sa déclaration catégorique de ce coup de massue: «Le document qui révèle tout» redoublé, en surtitre des premières bonnes feuilles, par cet autre dont la formulation dit assez qu'il se voulait coup de grâce: «Le document définitif sur le Vatican et les camps nazis.»
On ne peut pas porter de jugement de valeur sur un livre d'après ses bonnes feuilles seulement. Du moins est-on fondé à y trouver ce que le livre a de plus significatif et de plus alléchant pour le lecteur éventuel. En l'occurrence, ce «document définitif qui révèle tout». On lit celles-ci. On y apprend bien que l'auteur a découvert «dans les archives du Saint-Siège» la preuve que: «Oui, le pape savait.» Mais, de document, point: le document, tenons-nous bien, c'est... la thèse elle-même du Procureur!
On admirera le procède.
Par contre, dans ces bonnes feuilles, on trouve deux nouveaux témoins avec leur photo: l'Amiral Canaris qui fut chef du contre-espionnage nazi et von papen, ancien ambassadeur de Hitler à Ankara où il entretenait les relations les plus étroites avec Mgr Roncalli (feu Jean XXIII) qui y était le Nonce de Pie XII.
Le procédé employé ici n'est pas moins remarquable. Sous la photo du premier, cette légende: «Canaris, chef des services secrets de Hitler, aurait informé le Vatican des atrocités nazies.» L'habituel conditionnel hypothétique de tous les accusateurs de Pie XII. On cherche dans le texte ce qui justifie celui-ci: la formule y est bien reprise mais de référence, point. Une simple insinuation donc.
[229]
De von papen, la légende qui figure sous la photo est affirmative: «L'ambassadeur de Hitler avait transmis des indiscrétions au délégué du Vatican, Mgr Roncalli.» On se reporte au texte et on apprend que c'est seulement «selon toute probabilité». Et pas la moindre indication sur ces «indiscrétions».
Dans le cas de Papen, nous sommes heureusement fixés par ce qu'il a dit à Nuremberg, sur ce qu'il a pu transmettre à Mgr Roncalli:
Et il avait précisé à l'instruction, le 19 septembre précédent, que c'était seulement «ici» (à Nuremberg) qu'il avait «appris tous ces crimes 34».
Il n'a donc pas pu en dire plus à Mgr Roncalli. Mais le lecteur sait par les textes de Pie XII cites dans cette étude (notamment ses allocutions rituelles du 2 juin de chaque année y compris celle du 2 juin 1945 et sa lettre au cardinal Preysing) que, tout cela, on le savait au Vatican, de façon d'ailleurs beaucoup plus précise, bien avant 1944 (dès 1939 pour la Pologne, 1941 pour la Slovaquie, 1942 pour la Hollande, etc.). La lettre du cardinal Tisserant atteste, [230] d'autre part, qu'on n'y a rien su de plus, notamment sur Auschwitz, «qu'après l'arrivée des Alliés en Allemagne 35», c'est-à-dire, au plus tôt fin 1944 début 1945.
Jugée sur ses bonnes feuilles, la thèse du journaliste Carlo Falconi n'enrichit donc le débat d'aucun élément nouveau sauf sur un point: celle de ses prédécesseurs au banc de l'accusation se bornait à passer des faits sous silence ou à les interpréter tendancieusement, la sienne n'hésite pas à en inventer. Au conditionnel de supposition dans leur énonce, au présent d'affirmation dans ses conclusions et c'est seulement la qu'est son originalité.
Quant aux faits réels cités par M. Carlo Falconi, point n'était besoin de les aller chercher dans les archives du Saint-Siège: pour les avoir trouvés dans la presse, tout le monde les connaissait bien avant qu'il ne nous les révélât. Des secrets de Polichinelle en somme. Personne, au surplus, n'a jamais soutenu que Pie XII les ignorait. Ici, ce qui est remarquable, c'est que, tout de même assez honnête pour convenir qu'ils ont, tous, provoqué des protestations diplomatiques du Vatican (ce que n' ont pas souvent fait ses prédécesseurs), notre auteur n'en conclut pas moins dans un titre sensationnel: «Les vraies raisons du silence de Pie XII 36.»
Exposant ensuite ces «vraies raisons», afin que nul ne se méprenne sur ses intentions, M. Carlo Falconi nous prévient d'entrée que, tout à la fois , «Pie XII avait un courage extraordinaire», qu'il [231] était «de tempérament timide et réservé» et enfin qu'il «n'a jamais osé».
Ayant posé en principe cette idée d'une si étrange logique, il ajoute encore que «Les motifs avancés dans Le Vicaire sont contraires à la réalité» mais voici ceux qu'il a trouvés:
En vertu de quoi, on ne voit guère ce qui distingue cette thèse de celle de MM. Rolf Hochhuth, Saül Friedländer, Jacques Nobécourt et consorts dont les chefs d'accusation sont précisément, aux termes près, exactement ceux-là.
On ne dira donc plus, de M. Carlo Falconi, qu'un seul mot et qui vaut pour tous ceux qui l'ont précédé comme pour tous ceux qui le suivront - il en viendra encore, n'en doutons pas - dans cette voie:
Si de telles accusations, toujours les mêmes, soutenues par de tels procédés, eux aussi toujours les mêmes, peuvent continuer à être mises en circulation et retenir l'attention du public, c'est uniquement parce que les défenseurs de Pie XII n'ont pas eu le courage d'élever le débat au-dessus de cette question mineure: ce qu'il savait ou ne savait pas, dont ils [232] ont permis à leurs adversaires de faire «la clé du problème» (Carlo Falconi dixit)de son comportement. Or, on sait que la clé de ce problème n'est pas la mais dans sa théorie de la Paix - du retour à la Paix quand la guerre est là - fort brillamment exposée, d'ailleurs, et fort à propos dans un livre qui vient de paraître 37 et que, si légers qu'ils se soient jusqu'ici révélés, certains de ceux qui ont pris la défense de Pie XII ne liraient peut-être pas sans profit.
Le 9 juin 1965.
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