AAARGH
[Note de
l'AAARGH: Finkelstein a un site web où l'on trouve le dossier
de son livre: http://www.normanfinkelstein.com/index.html]
L'expression de "survivant de l'Holocauste" désignait à l'origine ceux qui ont souffert du traumatisme sans pareil de la vie dans les ghettos juifs, les camps de concentration et les camps de travail forcé, souvent subis les uns à la suite des autres. On fixe généralement le nombre de ces survivants de l'Holocauste aux alentours de cent mille 1. Le nombre de ceux qui sont encore vivants aujourd'hui ne peut guère dépasser le quart de ce chiffre. Comme le fait d'avoir survécu aux camps représente la palme du martyre, beaucoup de juifs qui ont passé la guerre ailleurs se présentent aujourd'hui comme des survivants des camps. Il y a eu d'autres raisons, surtout matérielles, pour justifier de telles inventions. Le gouvernement allemand de l'après-guerre octroyait des compensations financières aux juifs qui s'étaient trouvés dans des ghettos ou des camps. Beaucoup de juifs ont réécrit leur passé pour se présenter comme ayants-droit 2. "Si tous ceux qui prétendent être des survivants en sont vraiment, qui Hitler a-t-il tué?" disait souvent ma mère.
Et en effet, beaucoup de spécialistes ont mis en doute la véracité des témoignages des survivants. "Une bonne partie des erreurs que j'ai découvertes dans mon propre travail peut être attribuée aux témoignages", rappelle Hilberg. Du sein même de l'industrie de l'Holocauste, Deborah Lipstadt, par exemple, observe froidement que les survivants de l'Holocauste prétendent souvent avoir été personnellement examinés par Josef Mengele à Auschwitz 3.
Tout en tenant compte des faiblesses de la mémoire, on peut suspecter les témoignages de survivants de l'Holocauste pour d'autres raisons. On n'ose pas les mettre en question parce qu'on les traite aujourd'hui comme des sortes de saints. Des déclarations absurdes ne sont suivies d'aucun commentaire. Dans ses mémoires, Elie Wiesel raconte qu'à sa sortie de Buchenwald, à l'âge de 18 ans, "j'ai lu la Critique de la raison pure, ne riez pas, en yiddish". Wiesel a pourtant affirmé qu'à cette époque-là "j'ignorais tout de la grammaire yiddish". Mais surtout, la Critique de la raison pure n'a jamais été traduite en yiddish. Wiesel se souvient aussi de la façon la plus détaillée d'un "mystérieux érudit talmudiste" qui "apprit le hongrois en quinze jours, juste pour m'étonner". Il a raconté à un hebdomadaire juif qu'il avait souvent "la voix enrouée ou même aphone" à force de se lire ses propres livres "à haute voix en lui-même". Il a raconté à un reporter du New York Times qu'il a été heurté par un taxi à Times Square: "J'ai parcouru la distance d'un bloc en vol plané. J'ai été heurté au coin de Broadway et de la 45e rue, et l'ambulance m'a ramassé à la 44e ." "Je présente une vérité sans fard, dit Wiesel. Je ne peux pas faire autrement 4."
Il y a quelques années, le terme "survivant de l'Holocauste" a été redéfini et il désigne désormais non seulement ceux qui ont subi les nazis mais aussi ceux qui ont pu leur échapper. Cela inclut, par exemple, plus de cent mille juifs qui ont trouvé refuge en Union soviétique après l'invasion de la Pologne par les nazis. "Ceux qui ont vécu en Russie ont été traités exactement comme des citoyens du pays", observe cependant l'historien Léonard Dinnerstein, alors que "les survivants des camps de concentration étaient des morts-vivants"5. L'auteur d'une contribution sur un site internet de l'holocauste affirme que, bien qu'il ait passé la guerre à Tel Aviv, il est survivant de l'Holocauste parce que sa grand-mère est morte à Auschwitz. Si l'on en croit Israël Gutman, Wilkomirski est un survivant de l'Holocauste parce que "sa peine est authentique". Les services du premier ministre d'Israël ont récemment estimé le nombre de "survivants encore en vie de l'Holocauste" à près d'un million. Le principal motif de cette révision à la hausse n'est pas difficile à trouver non plus. Il est difficile de réclamer de nouvelles compensations financières importantes s'il n'y a plus que quelques survivants de l'Holocauste encore en vie. En fait, les principaux complices de Wilkomirski étaient, d'une façon ou d'une autre, engagés dans le réseau des compensations de l'Holocauste. Son amie d'enfance d'Auschwitz, "la petite Laura", a reçu de l'argent d'un fonds suisse de l'Holocauste bien qu'en réalité, ce soit une pratiquante de cultes sataniques née aux Etats-Unis. Les principaux parrains israéliens de Wilkomirski participaient aux activités d'associations impliquées dans la compensation de l'Holocauste ou bien ils étaient subventionnés par elles 6.
L'affaire des réparations explique mieux que tout ce qu'est l'industrie de l'Holocauste. Comme nous l'avons vu, après son alignement sur les Etats-Unis pendant la guerre froide, l'Allemagne fut rapidement réhabilitée et l'holocauste nazi oublié. Néanmoins, au début des années 1950, l'Allemagne engagea des négociations avec les associations juives et signa des accords d'indemnisation. Sans pression extérieure, ou presque, elle a payé à ce jour à peu près soixante milliards de dollars.
Comparons tout d'abord avec le passif américain. Environ quatre ou cinq millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont péri victimes des guerres des Etats-Unis en Indochine. Après la retraite américaine, rappelle un historien, le Viet-Nam avait désespérément besoin d'aide. "Dans le Sud, neuf mille hameaux sur quinze mille, trente millions d'hectares de rizières, quinze millions d'hectares de forêts étaient détruits et un million et demi de têtes de bétail avaient été tuées; on estimait qu'il y avait deux cent mille prostituées, huit cent soixante-neuf mille orphelins, cent quatre-vingt-un mille infirmes et un million de veuves; les six cités industrielles du Nord avaient été très abîmées, de même que les villes de province et quatre mille communes agricoles sur cinq mille huit cents." Refusant, néanmoins, de payer la moindre réparation, Jimmy Carter a expliqué que "les destructions étaient mutuelles". Déclarant qu'il ne voyait pas pourquoi il ferait "des excuses, certainement pas pour la guerre elle-même", le ministre de la défense de Bill Clinton, William Cohen, pense la même chose: "Les deux nations ont été blessées. Elles ont leurs cicatrices de guerre. Nous avons certainement aussi les nôtres 7."
Dans sa volonté d'indemniser les victimes juives, le gouvernement allemand a conclu trois accords en 1952. Les plaignants individuels ont touché de l'argent dans le cadre de la loi sur l'indemnisation (Bundesentschädigungsgesetz). Un accord séparé conclu avec Israël prévoyait le financement de l'installation et de l'intégration en Israël de plusieurs centaines de milliers de réfugiés juifs. Le gouvernement allemand a aussi négocié, à la même époque, un accord financier avec la Conférence des réclamations matérielles juives contre l'Allemagne, qui coiffait toutes les grandes associations juives, dont le Comité juif américain, le Congrès juif américain, le Bnai Brith, le Comité unifié de distribution et ainsi de suite. La conférence des réclamations était censée utiliser l'argent, dix millions de dollars par an pendant douze ans, soit à peu près un milliard de dollars actuels, pour les juifs victimes des persécutions nazies qui n'auraient pas bénéficié du système de compensation 8. Ma mère faisait partie de ceux-là: survivante du ghetto de Varsovie, du camp de concentration de Majdanek et des camps de travail forcé de Czestochowa et de Skarszysko-Kamiena, elle n'a touché que 3.500 dollars de compensation du gouvernement allemand. D'autres victimes juives (et beaucoup d'autres, qui n'étaient en réalité pas des victimes) ont, quant à elles, reçu des pensions viagères de l'Allemagne, pour un montant total qui aboutit à des centaines de milliers de dollars. L'argent attribué à la Conférence des réclamations était destiné aux victimes juives qui n'avaient reçu qu'une compensation de base.
De fait, le gouvernement allemand a voulu préciser dans l'accord avec la Conférence des réclamations que l'argent irait uniquement aux survivants juifs, au sens strict du terme, qui n'avaient pas été convenablement ou en toute équité indemnisés par les tribunaux allemands. La Conférence se déclara outragée qu'on mette sa bonne foi en cause. Après la signature de l'accord, elle publia un communiqué de presse soulignant que l'argent serait utilisé pour "les persécutés juifs du régime nazi pour lesquels la législation existante ou en projet ne prévoyait pas de remède." L'accord final précisait que la Conférence devait utiliser l'argent "pour le soulagement, la réinsertion et l'installation des victimes juives."
La Conférence des réclamations annula rapidement l'accord. Par un manquement flagrant à sa lettre et à son esprit, elle affecta l'argent à la réinsertion non des victimes juives, mais des communautés juives. De fait, un des principes dirigeants de la Conférence des réclamations était l'interdiction d'utiliser l'argent sous forme "de dons directs aux individus". Dans un exemple parfait de "charité qui commence par soi-même", cependant, la Conférence a fait exception pour deux catégories de victimes: les rabbins et les "dirigeants juifs de premier plan"; ils ont reçu des dons individuels. Les associations membres de la Conférence des réclamations ont utilisé la plus grande partie de l'argent pour financer leurs divers projets particuliers 9. De larges sommes ont été attribuées par des canaux détournés aux communautés juives du monde arabe et ont facilité l'émigration des juifs d'Europe de l'Est. Les associations ont aussi subventionné des entreprises culturelles comme des musées de l'Holocauste et des chaires universitaires d'études de l'Holocauste, ainsi qu'un secteur de Yad Vashem consacré, à coups de trompette, aux "Justes des Nations"10.
Récemment, la Conférence des réclamations a cherché à s'emparer des propriétés privatisées de juifs dans l'ancienne Allemagne de l'Est, pour un montant de plusieurs centaines de millions de dollars; ces propriétés, en droit, appartiennent aux héritiers juifs vivants. Comme la Conférence a été attaquée par des juifs dépossédés par ces exactions et d'autres du même style, le rabbin Arthur Hertzberg a condamné les deux parties, en insinuant "qu'il ne s'agissait pas de justice, mais d'un combat pour de l'argent"11. Quand les Allemands ou les Suisses refusent de payer des compensations, on n'en finit pas d'entendre les récriminations justement indignées des associations juives américaines. Mais quand les élites juives volent les survivants juifs, il n'y a plus d'enjeu moral: il s'agit juste d'argent.
Si feu ma mère n'a reçu que 3.500 dollars en compensation, d'autres, engagés se sont fort bien tirés de la procédure des réparations. Le salaire officiel de Saül Kagan, qui fut longtemps le secrétaire général de la Conférence des réclamations, est de 105.000 dollars par an. Entre de brefs passages à la Conférence, Kagan a été condamné pour trente-trois cas de détournement de fonds et de crédit dans ses fonctions de directeur d'une banque de New York. (La condamnation a été annulée après de nombreux appels). Alfonse d'Amato, un ex-sénateur de New York, sert d'intermédiaire dans des procès contre des banques allemandes et autrichiennes pour un salaire de 350 dollars de l'heure plus les frais. Pour les six premiers mois de son labeur, il a perçu 103.000 dollars. Auparavant, Wiesel avait fait l'éloge public de d'Amato "à cause de sa sensibilité à la souffrance juive". Lawrence Eagleburger, ancien ministre des affaires étrangères de George Bush, touche un salaire annuel de 300.000 dollars en tant que président de la Commission internationale sur les réclamations pour l'époque de l'Holocauste. "Quel que soit son salaire, c'est une très bonne affaire", pense Elan Steinberg du Congrès juif mondial. Kagan gagne en douze jours, Eagleburger en quatre jours et d'Amato en dix jours ce que ma mère a reçu pour six ans de persécution nazie 12.
Le prix du meilleur publicitaire de l'holocauste, cependant, revient sans conteste à Kenneth Bialkin. Il a été pendant des décennies un dirigeant juif de premier plan, chef de la Ligue contre la diffamation et président de la Conférence des présidents des grandes associations juives américaines. Actuellement, il représente la compagnie d'assurance Generali contre la commission Eagleburger, officiellement "pour une forte somme d'argent"13.
Depuis quelques années, l'industrie de l'Holocauste est devenue purement et simplement une entreprise d'extorsion de fonds. Elle prétend représenter tous les juifs du monde, morts ou vifs, et réclame, à ce titre, les biens des juifs de l'époque de l'Holocauste dans toute l'Europe. Qualifié avec une grande justesse "d'épilogue de l'holocauste", ce double pillage, à la fois des pays européens et des plaignants juifs légitimes, a pris pour première cible la Suisse. Je vais d'abord recenser les accusations contre les Suisses puis je me tournerai vers les preuves et prouverai que la plupart des accusations sont non seulement fondées sur une tromperie mais encore incriminent, en fait, bien davantage les accusateurs que les accusés.
Lors de la commémoration du cinquantième anniversaire de la fin de la seconde guerre mondiale, en mai 1995, le président de la Confédération helvétique s'est excusé officiellement pour le refus d'accorder refuge aux juifs pendant l'holocauste nazi 14. A peu près au même moment, la discussion sur les biens juifs déposés sur des comptes suisses, avant et pendant la guerre, qui traînait depuis longtemps, a repris. Une histoire lancée par un journaliste israélien et publiée partout, fait référence à un document -- lu de travers, comme on s'en aperçut ensuite --qui, prétendait-on, prouvait que les banques suisses détenaient encore des comptes juifs datant de l'époque de l'Holocauste, pour un montant de plusieurs milliards de dollars 15.
Le Congrès juif mondial, une association moribonde jusqu'à la campagne de dénonciation de Kurt Waldheim comme criminel de guerre [1986], sauta sur cette nouvelle occasion de se faire les muscles. Dès le début, on comprit que la Suisse serait une proie facile. Face "aux survivants nécessiteux de l'Holocauste", les riches banquiers suisses ne pouvaiant pas faire pleurer. Mais, surtout, les banques suisses étaient très sensibles à des pressions économiques aux Etats-Unis mêmes 16.
Vers la fin de 1995, Edgar Bronfman, président du Congrès juif mondial, fils d'un membre de la Conférence des réclamations juives, et le rabbin Israël Singer, secrétaire du Congrès juif mondial, richissime agent immobilier, rencontrèrent les banquiers suisses 17. Bronfman, héritier de la fortune des alcools Seagram (sa fortune personnelle est estimée à trois milliards de dollars), devait déclarer plus tard modestement à la commission sur les affaires bancaires du Sénat qu'il avait parlé "au nom du peuple juif" ainsi "qu'en celui des six millions, de ceux qui ne peuvent parler eux-mêmes"18. Les banquiers suisses déclarèrent qu'ils n'avaient trouvé que 775 comptes dormants, pour un total de 32 millions de dollars. Ils offrirent cette somme comme base de négociation avec le Congrès juif mondial, qui refusa parce qu'elle était inadéquate. En décembre 1995, Bronfman a fait équipe avec le sénateur d'Amato. Alors qu'il était tout en bas des sondages et qu'il avait à mener une campagne électorale pour garder son siège de sénateur, d'Amato sauta sur cette occasion de se mettre bien avec la communauté juive, dont les voix aux élections sont cruciales et les bailleurs de fonds riches. Avant la reddition finale des Suisses, le Congrès juif mondial, de concert avec tout l'éventail des institutions de l'Holocauste (y compris le Musée mémorial de l'Holocauste des Etats-Unis et le centre Simon Wiesenthal), mobilisa toute la classe politique américaine. De Bill Clinton, qui enterra la hache de guerre avec d'Amato (les audiences dans l'affaire de Whitewater étaient en cours) pour lui offrir son soutien, jusqu'à onze institutions gouvernementales, en passant par le Sénat et la Chambre des représentants, pour finir avec les institutions locales et les gouvernements des états, on fit pression sans relâche tandis que les officiels, les uns après les autres, faisaient front pour dénoncer les perfides Suisses.
Utilisant les commissions sur les affaires bancaires du Sénat et de la Chambre des représentants comme tremplin, l'industrie de l'Holocauste orchestra une ignoble campagne d'insulte. Etant donné qu'avec une complaisance et une crédulité infinies, la presse était prête à accorder d'énormes titres à n'importe quelle histoire en rapport avec l'Holocauste, si invraisemblable soit-elle, la campagne injurieuse s'avéra irrésistible. Gregg Rickman, l'attaché principal de d'Amato au Sénat, se vante dans son récit que les banquiers suisses aient été forcés de comparaître "devant le tribunal de l'opinion publique où nous contrôlions tout. Les banquiers étaient sur notre terrain et, de façon très pratique, nous étions à la fois juge, jury et bourreau". Tom Bower, un des principaux chargés de recherche de la campagne contre la Suisse, qualifie la convocation par d'Amato à des audiences "un euphémisme dissimulant un procès public ou un simulacre de tribunal.19"
Le "porte-parole" du monstre antisuisse était le directeur général du Congrès juif mondial, Elan Steinberg. Sa fonction principale était de répandre la désinformation. "La terreur par l'embarrassement", d'après Bower, "telle était l'arme de Steinberg, qui énonça toute une liste d'accusations conçues pour provoquer le malaise et le choc. Les rapports de l'OSS, souvent fondés sur des rumeurs et des sources non confirmées que les historiens considèrent comme des ragots depuis des années, tout d'un coup revêtirent une vraisemblance incontestable et connurent une publicité générale." "Les banques n'ont surtout pas besoin de publicité négative", expliqua le rabbin Singer. "Nous continuerons jusqu'à ce que les banques disent: 'Assez' Nous sommes prêtes à un compromis'." Jaloux de toute cette célébrité, le rabbin Marvin Hier, directeur du centre Simon Wiesenthal, affirma avec beaucoup d'éclat que les Suisses avaient interné les réfugiés juifs dans "des camps de travail forcé". (Hier dirige le centre Simon Wiesenthal en famille, avec sa femme et son fils, tous deux rémunérés par le centre; à eux trois, ils ont touché un salaire de cinq cent vingt mille dollars en 1995. Le centre est connu pour ses expositions "dans le style dachau-dysneylandien" et "son utilisation efficace de tactiques terroristes pour la quête de fonds".) "Si l'on considère le mélange fait par la presse de vérités et de suppositions, de faits et d'inventions, on comprend sans peine pourquoi beaucoup de Suisses croient que leur pays a été victime d'une conspiration internationale"20, conclut Itamar Levin.
La campagne a rapidement tourné à l'injure pure et simple contre les Suisses. Bower, dans une étude financée par le bureau de d'Amato et le centre Simon Wiesenthal, rapporte d'une façon caractéristique, "qu'un pays dont les citoyens... se vantaient auprès de leurs voisins de leur énorme fortune, profitait en toute connaissance de cause de l'argent du sang"; que "les citoyens apparemment respectables de la nation la plus pacifique du monde... ont commis un vol sans précédent"; que "la malhonnêteté était le fondement de la mentalité suisse, que les Suisses maîtrisaient parfaitement pour protéger l'image de la nation et sa prospérité"; que les Suisses étaient "instinctivement attirés par de copieux profits" (seulement les Suisses?); que "l'intérêt personnel était le guide suprême pour toutes les banques suisses" (les banques suisses seulement?); que "la petite race des banquiers suisses était devenue plus cupide et plus immorale que les autres"; que "la dissimulation et la tromperie étaient devenues un art parmi les diplomates suisses" (les diplomates suisses seulement?); que "les excuses et les démissions n'étaient pas courantes dans la tradition politique suisse (pas comme chez nous?); "que la cupidité des Suisses était sans égale"; que "le caractère suisse" associait "simplicité et duplicité" et, "sous l'apparence de l'urbanité il y avait de l'obstination et au-delà une solide incompréhension égoïste de l'opinion d'autrui"; que les Suisses "n'étaient pas seulement un peuple singulièrement dépourvu du moindre charme qui, depuis Guillaume Tell, n'avait produit ni artiste, ni héros et aucun homme d'Etat, mais c'étaient de malhonnêtes collaborateurs des nazis qui avaient tiré profit du génocide", etc. Rickman énonce cette "vérité profonde" au sujet des Suisses: "Au fond d'eux-mêmes, peut-être plus profondément qu'ils ne le pensaient eux-mêmes, il y avait une arrogance latente au sujet d'eux-mêmes et contre les autres, dans leur nature même. Ils pouvaient faire ce qu'ils voulaient, ils ne pouvaient dissimuler leur éducation 21." Beaucoup de ces insultes ressemblent étrangement aux insultes faites aux juifs par les antisémites.
L'accusation principale était qu'il y avait eu, pour reprendre les termes du sous-titre de Bower, "une conspiration helvético-nazie vieille de cinquante ans pour voler des milliards aux juifs d'Europe et aux survivants de l'Holocauste." D'après ce qui est devenue la litanie du racket de la restitution de l'Holocauste, cela constituait "le plus énorme vol de toute l'histoire de l'humanité." Pour l'industrie de l'Holocauste, tout ce qui concerne les juifs appartient à une catégorie séparée, extrême -- le pire, le plus grand...
L'industrie de l'Holocauste a d'abord affirmé que les banques suisses avaient systématiquement dénié aux héritiers légitimes des victimes de l'Holocauste l'accès aux comptes dormants, qui représentaient au total une valeur comprise entre sept et vingt milliards. "Depuis cinquante ans", rapporte le magazine Time à la une, "l'ordre permanent" des banques suisses "a été de temporiser et d'opposer un mur aux survivants de l'Holocauste qui se renseignaient sur les comptes de leurs parents morts". Rappelant la législation secrète adoptée par les banques suisses en 1934, en partie pour empêcher les nazis de dépouiller les déposants juifs, d'Amato a expliqué au Comité sur les affaires bancaires de la Chambre des représentants: "N'est-il pas paradoxal de voir que le système qui a encouragé les gens à venir ouvrir des comptes, le secret bancaire, a servi ensuite à dépouiller les gens eux-mêmes et leurs héritiers de leur patrimoine, de leurs droits? Tout a été perverti, altéré, dénaturé."
Bower raconte la découverte d'un signe de la perfidie des Suisses envers les victimes de l'hocauste: "La chance et l'efficacité ont fourni une trésor qui confirme la validité de la plainte de Bronfman. Un rapport d'espionnage émanant de Suisse, en juillet 1945, déclare que Jacques Salmanovitz, propriétaire de la Société générale de surveillance, une société de notaires de Genève avec des liens dans les pays balkaniques, possédait une liste de cent quatre-vingt-deux clients juifs qui avaient confié 8,4 millions de francs suisses et à peu près 90.000 dollars au notaire en attendant leur arrivée des Balkans. Le rapport ajoutait que les juifs n'avaient pas encore réclamé leurs biens. Pour Rickman et d'Amato, c'était l'extase." Dans son propre rapport, Rickman brandit également cette "preuve de l'action criminelle de la Suisse". Ni l'un ni l'autre, cependant, ne mentionnent, dans ce contexte donné, le fait que Salmanovitz était juif (Nous discuterons plus bas de la valeur réelle de ces réclamations 22).
A la fin de 1996, une procession de vieilles femmes juives et un homme sont venus témoigner, de façon très émouvante, devant les commissions sur les affaires bancaires du Congrès, de la malfaisance des banquiers suisses. Et pourtant, aucun de ces témoins, d'après Itamar Levin, un journaliste du principal journal d'affaires israélien, "n'avait de preuve réelle de l'existence des valeurs dans les banques suisses". Pour accentuer le caractère théâtral de ce témoignage, d'Amato a demandé à Wiesel de venir témoigner. Dans un témoignage qui a depuis été très souvent cité, Wiesel manifeste son choc -- choc! -- devant la révélation que les auteurs de l'Holocauste ont cherché à dépouiller les juifs avant de les tuer: "Au début, on pensait que la solution finale n'avait d'autre cause qu'une idéologie empoisonnée. Maintenant, nous savons qu'ils ne voulaient pas simplement tuer les juifs, aussi horrible que cela puisse paraître, ils voulaient l'argent des juifs. Tous les jours nous en apprenons davantage sur cette tragédie. N'y a-t-il pas de limite à la peine? De limite à l'outrage?" Il est bien évident que le pillage des juifs par les nazis n'est pas une découverte; une bonne partie de l'étude fondamentale de Raul Hilberg, The Destruction of the European Jews, publiée en 1961, est consacrée aux expropriations des juifs par les nazis 23.
On a aussi prétendu que les banquiers suisses avaient "soulevé" les dépôts des victimes de l'Holocauste et systématiquement détruit des dossiers essentiels pour cacher leurs traces, et que seuls les juifs avaient souffert de ces abominations. Attaquant les Suisses au cours d'une audience, le sénateur Barbara Boxer a déclaré: "Le comité ne supportera pas de double conduite des banques suisses. Ne racontez pas au monde que vous cherchez quand vous cachez 24."
Malheureusement, "la valeur de propagande" (Bower) des vieux juifs témoignant de la perfidie suisse s'est rapidement épuisée. L'industrie de l'Holocauste a donc alors cherché de nouvelles ressources. La frénésie de la presse s'est fixée sur l'achat par les Suisses de l'or pris par les nazis dans les réserves centrales des Etats d'Europe pendant la guerre. Bien que cela ait été présenté comme une révélation époustouflante, on le savait depuis longtemps. Arthur Smith, auteur d'une étude classique sur le sujet, a dit à une audience de la Chambre des représentants: "J'ai entendu toute la matinée et toute l'après-midi des choses qui, dans une large mesure et dans leurs grandes lignes, sont connues depuis des années; et je suis étonné que beaucoup de ce qui est dit ici soit présenté comme nouveau et sensationnel." Le but de ces séances, cependant, n'était pas d'informer mais, pour reprendre l'expression de la journaliste Isabel Vincent, "de fabriquer des histoires sensationnelles". Si on remuait suffisamment de boue, pensait-on raisonnablement, la Suisse céderait 25.
La seule affirmation nouvelle était que les Suisses avaient trafiqué "l'or des victimes" en pleine connaissance de cause, c'est-à-dire qu'ils avaient acheté de grandes quantités d'or que les nazis avaient fondu en lingots après avoir dépouillé les victimes des camps de concentration et des camps de la mort. Le Congrès juif mondial, rapporte Bower, "avait besoin d'un élément affectif pour relier l'Holocauste à la Suisse." Cette nouvelle révélation de la traîtrise suisse fut en conséquence traitée comme un don de Dieu. "Il y a peu d'images aussi déchirantes que l'extraction méthodique, dans les camps de concentration, des plombages dentaires en or des cadavres juifs sortis des chambres à gaz", continue Bower "Les faits sont très, très déprimants", dit d'Amato sur un ton funèbre au cours d'une séance de la Chambre des représentants, "parce qu'ils évoquent le pillage des valeurs dans les maisons, les banques nationales, les camps de la mort, des montres en or et des bracelets et des montures de lunettes et des plombages des dents des gens 26."
Outre l'interdiction de l'accès aux comptes de l'Holocauste et l'achat d'or pillé, les Suisses furent aussi accusés de conspiration avec la Pologne et la Hongrie en vue de frauder les juifs. L'accusation exacte était que l'argent, qui se trouvait sur des comptes ouverts par des citoyens polonais ou hongrois (dont tous n'étaient pas juifs) qui ne l'avaient pas réclamé, avait été utilisé par la Suisse en compensation des propriétés suisses nationalisées dans ces pays. Rickman fait de cette nouvelle "une révélation stupéfiante, qui anéantirait les Suisses et provoquerait une véritable tempête." Maiis ces faits étaient déjà bien connus, ils avaient été publiés dans des revues juridiques américaines au début des années cinquante. Et, malgré le tollé de la presse, les sommes totales concernées ne représentaient même pas un million de dollars en valeur courante 27.
Avant même la première séance au Sénat sur les comptes dormants, en avril 1996, les Suisses avaient accepté de mettre en place une commission d'enquête et de se soumettre à ses décisions. Composée de six membres, trois de l'Organisation juive mondiale pour la restitution et trois de l'Association des banquiers suisses, présidée par Paul Volcker, ex-président de la Banque fédérale de réserve des Etats-Unis, la "commission indépendante de personnalités éminentes" fut officiellement investie dans ses fonctions en mai 1996 dans le cadre d'un "Mémorandum établissant un accord" (Memorandum of Understanding). De plus, le gouvernement suisse désigna en décembre 1996 une "commission indépendante d'experts" présidée par le professeur Jean-François Bergier et comprenant le spécialiste israélien bien connu de l'holocauste, Saül Friedländer, pour enquêter sur le commerce d'or entre la Suisse et l'Allemagne pendant la seconde guerre mondiale.
Avant même que ces commissions aient pu commencer leur travail, cependant, l'industrie de l'Holocauste exigea un accord financier avec la Suisse. Les Suisses protestèrent qu'il faudrait naturellement attendre le rapport de la commission pour atteindre un accord; autrement, il s'agissait "d'extorsion et de chantage". Abattant son inévitable carte-maîtresse, le Congrès juif mondial gémit sur le calvaire des "survivants nécessiteux de l'Holocauste". "Mon problème, c'est le temps", déclara Bronfman à la commission sur les affaires bancaires de la Chambre des représentants en décembre 1996, "et il y a tous ces survivants de l'Holocauste pour lesquels je m'inquiète." On se demande pourquoi le milliardaire angoissé ne pouvait lui-même, provisoirement, soulager leur sort. Repoussant une offre suisse d'accord portant sur deux cent cinquante millions de dollars, Bronfman pleurnicha: "Pas d'aumône. Je donnerai l'argent moi-même." Il n'en fit rien. La Suisse, cependant, accepta en février 1997 de créer un "Fonds spécial pour les victimes nécessiteuses de la shoa" de deux cents millions de dollars pour "les personnes qui ont besoin d'aide ou de soutien de façon particulière" en attendant que les commissions aient achevé leur travail (le fonds était encore solvable lorsque les commissions Bergier et Volcker ont remis leurs rapports). Les pressions de l'industrie de l'Holocauste en faveur d'un règlement définitif ne cessèrent cependant pas; elles ont même augmenté. Les demandes réitérées des Suisses d'attendre les rapports des commissions pour conclure un accord -- après tout, c'est le Congrès juif mondial qui a demandé cet repentir moral -- se heurtèrent à un refus. En fait, l'industrie de l'Holocauste avait tout à perdre avec ces rapports: si quelques réclamations seulement étaient reconnues légitimes, l'affaire contre les banques suisses perdait de sa vraisemblance; et si les réclamations légitimes affluaient, les Suisses n'auraient à satisfaire qu'elles, et non les associations juives. Une autre litanie de l'industrie de l'Holocauste est que dans l'affaire des compensations, ce qui compte, "ce sont la vérité et la justice et non l'argent". "Ce n'est pas l'argent qui compte", raillaient désormais les Suisses, "mais encore plus d'argent 28."
L'industrie de l'Holocauste ne se contentait pas de faire monter l'hystérie publique, elle coordonnait aussi une stratégie utilisant deux sortes d'armes pour "terroriser" (Bower) les Suisses jusqu'à ce qu'ils se soumettent: les procès à titre collectif 29 et le blocus économique. Le premier procès à titre collectif fut introduit en octobre 1996 par Edward Fagan et Robert Swift au nom de Gizella Weisshaus (avant de mourir à Auschwitz, son père avait parlé d'argent déposé en Suisse mais les banques avaient repoussé ses réclamations après la guerre) et "d'autres dans la même situation" -- pour vingt milliards de dollars. Quelques semaines plus tard, le centre Simon Wiesenthal, avec pour avocats Michael Hausfeld et Melvyn Weiss, introduisit un second procès à titre collectif et, en janvier 1997, ce fut le tour du Conseil mondial des communautés juives orthodoxes. Les trois affaires ont été portées devant le juge Edward Korman, un juge d'arrondissement de Brooklyn (New York). Au moins une des parties en cause, l'avocat Sergio Karas, a déploré cette tactique: "Ces procès n'ont fait que provoquer une hystérie de masse et une campagne contre la Suisse. Ils ne font que perpétuer le mythe que les avocats juifs veulent toujours plus d'argent." Paul Volcker s'opposa à ces procès à titre collectif en disant "qu'ils empêcheraient notre travail, peut-être jusqu'à le rendre inutile" -- pour l'industrie de l'Holocauste, c'était un argument sans intérêt, peut-être même une incitation à continuer les procès 30.
L'arme principale pour briser la résistance suisse a cependant été le blocus économique. "Maintenant, la bataille va être beaucoup plus sale", avertit Abraham Burg, président de l'Agence juive et homme de main d'Israël dans l'affaire des banques suisses, en janvier 1997. "Jusqu'alors, nous avons retenu la pression juive internationale." Dès juin 1996, le Congrès juif mondial projetait le blocus. Bronfman et Singer en appelèrent au directeur financier de la ville de New York Alan Hevesi (dont le père était un membre influent de l'AJC) et à celui de l'Etat de New York, Carl Mac Call. A eux deux, ces deux financiers investissent des milliards de dollars dans des fonds de pension. Hevesi était aussi président de l'Association des directeurs financiers des Etats-Unis (US Comptrollers Association) qui avaient investi trente milliards en fonds de pension. A la fin du mois de janvier, pendant le mariage de sa fille, Singer mit sa stratégie au point avec le gouverneur de New York, George Pataki, d'Amato et Bronfman. "Vous voyez comment je suis", plaisanta le rabbin, "même au mariage de ma fille je fais encore des affaires 31."
En février 1996, Hevesi et Mac Call écrivirent aux banques suisses pour les menacer de sanctions. En octobre, le gouverneur Pataki leur accorda publiquement son soutien. Au cours des mois suivants, les municipalités et les institutions des Etats de New York, New Jersey, Rhode Island et de l'Illinois adoptèrent toutes des résolutions menaçant de lancer un blocus économique si les banques suisses ne venaient pas à résipiscence. En mai 1997, la ville de Los Angeles retira des centaines de millions de dollars placés en fonds de pension dans une banque suisse, inaugurant ainsi les sanctions. Hevesi fit rapidement de même à New York. La Californie, le Massachussets et l'Illinois les imitèrent quelques jours plus tard.
"Je veux trois milliards ou plus", proclamait Bronfman en décembre 1997, "pour en finir une fois pour toutes avec les procès en nom collectif, la commission Volcker et le reste." Pendant ce temps-là, d'Amato et les dirigeants des banques de l'Etat de New York cherchèrent à empêcher la Banque unie de Suisse, nouvellement créée (fusion des principales banques suisses) de fonctionner aux Etats-Unis. "Si les Suisses continuent à traîner des pieds, je demanderai aux actionnaires des Etats-Unis de suspendre leurs transactions avec la Suisse", prévint Bronfman en mars 1998. "Il est temps d'en finir, sinon c'est la guerre totale." En avril, les Suisses commencèrent à s'incliner sous la pression mais ils refusaient encore une reddition totale (on dit qu'en 1997, les Suisses ont dépensé cinq cents millions de dollars pour se défendre des attaques de l'industrie de l'Holocauste). "La société suisse souffre d'un cancer virulent", se lamenta Melvyn Weiss, un des avocats des procès à titre collectif. "Nous leur avons donné l'occasion de s'en débarrasser grâce à une dose massive de rayons pour un coût très modique et ils ont refusé." En juin, les banques suisses firent une "offre finale" de six cents millions de dollars. Le patron de l'ADL, Abraham Foxman, choqué de l'arrogance suisse, avait du mal à contenir sa rage: "Cet ultimatum est une insulte à la mémoire des victimes, de leurs survivants et de ceux de la communauté juive qui, en toute bonne foi, se sont adressés aux Suisses pour parvenir ensemble à résoudre une affaire très difficile 32."
En juillet 1998, Hevesi et Mac Call menacèrent d'employer de nouvelles sanctions et le New Jersey, la Pennsylvanie, le Connecticut, la Floride, le Michigan et la Californie s'associèrent à eux dans les jours suivants. A la mi-août, les Suisses finirent par céder. Dans un accord collectif négocié par le juge Korman, les Suisses acceptèrent de payer un milliard et quart de dollars. "Le but du paiement complémentaire", expliquait un communiqué de presse des banques suisses, " est d'éviter les sanctions et les frais d'un procès long et coûteux 33."
Le premier ministre israélien a félicité d'Amato en ces termes: "Vous vous êtres conduit comme un authentique pionnier dans cette affaire. Le résultat n'est pas seulement un succès en termes matériels mais une victoire morale et un triomphe de l'esprit 34." Et pourquoi pas de la volonté?
L'accord sur un milliard et quart doit couvrir trois catégories: ceux qui réclament les comptes dormants de Suisse, les réfugiés à qui la Suisse a refusé l'asile et les victimes de l'esclavage dont la Suisse a profité 35. Malgré l'indignation bien-pensante devant "les Suisses perfides", cependant, le passif américain, dans tous ces domaines, est tout aussi lourd, sinon pire. Je reviendrai sur l'affaire des comptes dormants des Etats-Unis. Comme la Suisse, les Etats-Unis ont refusé l'entrée aux réfugiés juifs fuyant le nazisme avant et pendant la seconde guerre mondiale. Cependant, le gouvernement américain n'a pas jugé bon d'indemniser, par exemple, les réfugiés juifs du malheureux navire Saint-Louis. Qu'on imagine ce qui se passerait si les milliers de réfugiés d'Amérique centrale et de Haïti à qui les Etats-Unis ont refusé l'asile après avoir financé les escadrons de la mort réclamaient une indemnisation des Etats-Unis. Et, bien que minuscule en taille et en ressources, la Suisse a accueilli exactement autant de réfugiés juifs que les Etats-Unis durant l'holocauste nazi (environ vingt mille) 36.
La seule façon de racheter les péchés passés, d'après les politiciens américains qui ont donné des leçons à la Suisse, était de fournir une compensation matérielle. Le secrétaire adjoint au commerce, Stuart Eizenstat, envoyé spécial de Clinton pour la restitution des propriétés, a qualifié la compensation de la Suisse aux juifs de "mise à l'épreuve importante de la volonté de la génération actuelle d'assumer le passé et de rectifier les erreurs du passé." Bien qu'ils ne puissent être rendus "responsables de ce qui s'est passé il y a des années", a admis d'Amato pendant la même séance au Sénat, les Suisses avaient néanmoins "le devoir de rendre des comptes et d'esssayer de faire ce qu'il faut à ce stade et à ce moment-là." Le président Clinton a fait siennes, publiquement, les réclamations financières du Congrès juif mondial et il a lui aussi remarqué que "nous devons reconnaître et redresser la terrible injustice du passé, aussi bien que nous le pouvons." "L'histoire ne connaît pas la prescription", dit le président James Leach pendant les séances devant la Commission sur les affaires bancaires de la Chambre des représentants, et "il ne faut jamais oublier le passé". "Il doit être clair", écrivent les chefs de groupes parlementaires dans une lettre au ministre des affaires étrangères que "la réponse dans cette affaire de restitution sera considérée comme une mesure du respect pour droits de l'homme de base et le règne de la loi." Et dans un discours au parlement suisse, le ministre des affaires étrangères Madeleine Albright a expliqué que les bénéfices économiques procurés par les comptes juifs confisqués par les Suisses "avaient échu aux générations ultérieures et c'est pourquoi le monde attend du peuple de Suisse non qu'il assume la responsabilité des actions de ses ancêtres mais qu'il ait la générosité de faire ce qui peut aujourd'hui être fait pour redresser les torts du passé 37." Sentiments nobles mais qui ne sont jamais évoqués -- sinon pour les tourner en ridicule -- quand il s'agit d'indemniser les Noirs américains pour l'esclavage 38.
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