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L'armée israélienne fait-elle usage de gaz toxiques prohibés ?


 

Plusieurs témoignages se recoupant ont donné à penser que l'armée israélienne expérimentait en février un nouveau gaz dans le camp de Khan Younis.

Le 17 mars 2001, M. Reyad Elza'anon, ministre palestinien de la Santé, a fait savoir que les analyses effectuées par son ministère, avec la collaboration de laboratoires étrangers, établissaient que les gaz utilisés à Khan Younis par les soldats israéliens n'étaient ni des gaz innervants, ni des substances organo-phosphorées. Il s'agissait donc de gaz classiques, mais néanmoins sous une forme concentrée, interdite par les règlements internationaux, spécialement lorsque ces gaz sont utilisés dans des lieux d'habitation.

Le 30 mars 2001, il semble que l'armée ait à nouveau fait usage de ce gaz à Naplouse, pour réprimer une manifestation organisée à l'occasion du 25ème anniversaire de la Journée de la Terre. 45 personnes ont souffert de suffocation et de perte de conscience, présentant les mêmes symptômes que les victimes de Khan Younis.

Nous avons rassemblé sur cette page les divers témoignages en notre possession.



Vallée de larmes - Gaz lacrymogène, ou gaz toxique?
par Jonathan Cook

Article publié dans Al-Ahram Weekly (hebdomadaire égyptien anglophone) du jeudi 5 avril 2001 et traduit par Marcel Charbonnier.

Depuis six mois, pour les enfants du village d'Al-Khader, près de Bethléem, la cour de récréation de leur école primaire est un champ de bataille: les élèves n'ont plus de leçons à partir de midi. Ils se rassemblent alors en groupes afin de jeter des pierres contre les soldats israéliens stationnés au sommet des collines qui entourent leurs maisons. Cette confrontation était restée relativement bon-enfant, jusqu'au mois dernier, o des soldats israéliens ont tiré des grenades lacrymogènes qui ont atterri dans la cour de récréation. Une bombonne métallique a fini à seulement quelques dizaines de centimètres de Sliman Salah, 13 ans, qui fut immédiatement enveloppé d'un nuage de gaz que des témoins ont qualifié d'inhabituel: il s'agissait d'un gaz jaun,tre. En une minute, Salah tombait, sans connaissance.

Lorsqu'il arriva à l'hôpital privé Yamamah [La Colombe, NdT], son corps était en proie à des crises de convulsions et de spasmes, sa respiration était irrégulière et ses pupilles très contractées. Après l'avoir examiné, le médecin français qui avait admis Salah à l'hôpital était perplexe. Ce médecin, Annie Dudin, une pédiatre qui travaille en Cisjordanie depuis une quinzaine d'années, avait déjà soigné des dizaines de victimes d'inhalation de gaz lacrymogènes, beaucoup d'entre elles entre les années 1987 et 1993, au cours de la première Intifada, mais elle n'avait jamais rencontré des symptômes tels que ceux de Salah, avant d'avoir examiné ce jeune garçon.

"Normalement", les victimes récupèrent, après quelques minutes passées loin des gaz lacrymogènes. Dans les atteintes plus sévères, le masque à oxygène et des injections de solution de glucose peuvent s'avérer nécessaires pour calmer les quintes de toux et étancher des larmoiements incontrôlables autrement. Mais aucun traitement ne parvenait à soulager Salah. Ses convulsions persistèrent jusqu'à ce qu'on lui administre de fortes doses d'antispasmodiques, et il n'a repris conscience que très progressivement.

"Je n'avais jamais rien vu de tel auparavant", a déclaré le Dr. Dudin. "Je me serais attendu à cette sorte de symptômes dans le cas d'un empoisonnement aigu. Mais dans ce cas, pour pouvoir les traiter correctement, il aurait fallu que je sache à quelles substances toxiques Salah pouvait avoir été exposé." Plus tard, dans la même journée, Salah a été transféré à l'hôpital Hussein, dans la localité proche de BeÔt Jala, o il a été remis aux bons soins d'un neurologue, le Dr. Nabir Musleh. Des tests auxquels le garçon a été soumis ont établi qu'il avait été victime d'une intoxication, mais les médecins, une fois encore, ne savaient pas réellement comment le soigner le plus efficacement possible. Ils ont seulement pu recommander à Salah de prendre régulièrement des douches, afin d'éliminer toutes traces éventuelles de produits chimiques au niveau cutané.

Salah fut autorisé à sortir de l'hôpital, mais vingt-quatre heures après, il fut saisi d'une nouvelle crise de convulsions et dut être réadmis à l'hôpital Hussein de Beit Jala. Ce n'est que cinq jours après son exposition au gaz que Salah vit disparaître les symptômes les plus préoccupants dont il souffrait. Mais son père dit que Salah a toujours mal à l'estomac, continue à avoir des vomissements, souffre de vertiges et de problèmes respiratoires.

Salah n'est qu'un exemple parmi une véritable "épidémie" de cas semblables, dans la région de Bethléem, au cours du mois écoulé. Une autre victime des gaz lacrymogènes est arrivée inconsciente et en proie à des convulsions, à l'hôpital Yamama, et l'hôpital HusseÔn a fait état d'une augmentation anormale de cas de patients incurables, depuis qu'un premier cas de ce type y ait été admis, fin février.

Peter Qumri, directeur de cet hôpital, a déclaré: "Jusqu'à il y a quelques semaines, il était assez facile de soulager les victimes de gaz lacrymogènes. Il nous suffisait parfois de les mettre sous oxygène durant une dizaine de minutes, et nous pouvions les laisser repartir. Maintenant, on nous les amène convulsifs, ils ne tiennent plus debout, parfois même ils sont inconscients, avec des détresses respiratoires sévères. Quelque chose a changé, c'est sûr."

Les nouveaux cas enregistrés à Bethléem font suite à un précédent, constaté dans la bande de Gaza, au mois de février, lorsqu'une foule importante a été exposée aux gaz lacrymogènes, près du camp de réfugiés de Khan Younis. Les victimes, des hommes adultes, avaient été admis à l'hôpital Nasser, souffrant de crises dont les médecins ne parvenaient pas à venir à bout. Les patients les moins atteints ont eu des vomissements pendant plusieurs jours après leur exposition à ces gaz.

En raison du bouclage extrêmement rigoureux de Gaza, tous les cas n'ont pas pu être répertoriés alors. Mais des médecins palestiniens exerçant localement ont fait part de leur préoccupation qu'Israël ait pu utiliser pour la première fois un gaz lacrymogène nouveau, ou le gaz lacrymogène habituel, mais sous une forme plus concentrée, voire un cocktail de plusieurs gaz.

Les Forces israéliennes de défense ont indiqué n'utiliser que les gaz lacrymogènes standard (CS), bien qu'elles admettent qu'au cours d'affrontements, elles ont pu aussi utiliser des fumigènes afin de protéger leurs hommes. Mais elles ont avancé l'idée que les symptômes dont se sont plaintes les personnes affectées seraient causés par l'"anxiété". Cette conclusion a été rejetée par les médecins, dont l'un des rares médecins occidentaux exerçant dans la bande de Gaza. Hélène Brisco, de Médecins Sans Frontières, affirme que les patients qu'elle a traités à Khan Younis étaient bien des cas cliniques et que, dans les cas les plus graves, certains souffraient de paralysies musculaires préoccupantes.

Les constatations des Drs. Brisco et Dudin ont été corroborées par une enquête du Ministère Palestinien de la Santé, qui a prélevé des échantillons d'air, au cours des affrontements de Khan Younis, ainsi que des échantillons sanguins sur certains patients. Ses premières analyses suggèrent qu'Israël a utilisé un "cocktail" de gaz, à des concentrations beaucoup plus fortes que par le passé.

Le Dr. Dudin n'a absolument pas été convaincue par les explications données par Israël. "L'état de mon patient, Sliman, n'était absolument pas celui d'un patient souffrant d'angoisse. Il m'est très difficile de dire à quoi il avait été exposé. Sans connaître les substances chimiques en cause, je ne pouvais pas mettre en oeuvre les tests vérificatifs nécessaires, mais ses symptômes "collaient" avec ceux qui accompagnent généralement l'exposition à un poison violent. Ceci me fait craindre qu'Israël utilise désormais des gaz qui ne répondraient plus aux normes habituelles de "sécurité"."

 


Communiqué du Palestine Media Center, du 17 février.

Dans un article publié le 15 février par le quotidien israélien Ha'Aretz, The banned gas and the Palestinian media, Danny Rubinstein indiquait que le Docteur Yasser Al-Sheikh, directeur de l'hôpital Al-Nasser de Khan Younis, avait identifié le gaz utilisé dans la nuit du 12 février à Khan Younis: le gaz "L.R.", dont il aurait eu l'occasion dans le passé de traiter de nombreux Palestiniens, victimes de ce même gaz.

Dans un entretien téléphonique que le Docteur Yasser Al-Sheikh a eu le 17 avec des responsables du Palestine Media Center, il affirme n'avoir été contacté ni par Ha'Aretz, ni par aucune institution israélienne, qu'il n'a jamais entendu parler du gaz L.R., ni traité aucun cas similaire par le passé.

Il n'existe donc pour l'instant aucune certitude sur ce gaz. Nabil Shaat, membre du cabinet ministériel palestinien, a seulement confirmé que l'Autorité Nationale Palestinienne avait l'intention d'envoyer un échantillon du gaz à un laboratoire international aux fins d'analyse.


Témoignage de Alison Wier, San Francisco, actuellement en reportage dans la Bande de Gaza

Certaines personnes dans le camp de réfugiés m'ont parlé du gaz nouveau qui a été utilisé par les Israéliens la semaine dernière. Ce gaz dégage une fumée noire, son odeur est agréable. Au moins 40 personnes ont été hospitalisées après l'avoir respiré. Mais leur ombre pourrait être plus élevé, car les victimes ont été hospitalisées dans plusieurs hôpitaux. Nous avons rencontré, à l'hôpital Al Amal, le docteur, et nous avons vu les patients. J'ai vu un homme de 22 ans dans l'unité de soins intensifs. Il gémissait, il disait qu'il ressentait comme des coups de couteaux dans ses intestins. Il avait parfois du mal à respirer. J'ai vu 6 autres patients, deux d'entre eux ont eu une crise en ma présence et des convulsions.

Ils disaient tous la même chose. Ils étaient tranquillement chez eux quand les bombes contenant le gaz avaient explosé à l'intérieur. Certains étaient dehors et, voulant venir porter secours, pensant que la maison était en feu (à cause de la fumée noire), étaient entrés. Tous ont dit qu'il n'y avait pas de flamme, juste de la fumée noire et une odeur agréable. Dans la plupart des cas, ce n'est que 10 à 15 minutes après avoir respiré le gaz que les victimes se sont écroulées, certaines inconscientes.

Israël dément le caractère inhabituel de ce gaz.


Communiqué du PCHR (Palestinian Centre for Human Rights) à Gaza

Le 18 février à Khan Younis, les forces d'occupation ont utilisé un nouveau gaz encore plus virulent que celui utilisé le 12 février qui avait touché 238 civils dont des femmes et des enfants. 27 d'entre eux sont toujours en traitement dans les deux hôpitaux de Khan Younis. Cette fois-ci, 41 femmes et enfants ont suffoqué et ont été pris de spasmes et de convulsions.


Témoignage de Patricia Smith, du HDIP (Health Development Information and Policy Institute)

Le 14 février, le Palestinian Monitor a visité l'hôpital Al Nasser de Khan Younis dans lequel 32 patients ont été hospitalisés suite à l'intoxication par le gaz. Beaucoup de ces patients souffrent de convulsions et de crises violentes. Certains patients sont inconscients et d'autres ont de grandes difficultés à respirer. Les médecins de ce service m'ont expliqué qu'ils n'avaient pu déterminer la nature du gaz inhalé par les malades et ne pouvaient de ce fait déterminer le traitement adéquat. Les médecins jusqu'à présent ont administré des sédatifs et des anti-inflammatoires et mis sous oxygène certains patients.

Une femme a décrit l'attaque du 12 février. Des bombes ont frappé les maisons et très vite une fumée épaisse et noire s'est répandue, cette fumée noire a laissé des traces sur sa peau et sur tout l'intérieur de la maison. La fumée est devenue orange (description confirmée par d'autres patients de l'hôpital Al Nasser); son bétail est mort immédiatement. Plus d'hommes que de femmes ont été atteints, car beaucoup de femmes et d'enfants ont déjà été placés dans des lieux à l'extérieur du camp jugés plus sûrs, à cause des attaques répétées des militaires israéliens sur ces zones. Le Ministère palestinien de la Santé a pu recueillir des échantillons des bombes ayant contenu le gaz, et diligente une enquête sur cette attaque.

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1er mai 2001 <http://www.solidarite-palestine.org>

Visitez ce site. Il vous donnera toutes les nouvelles utiles du dernier grand génocide en cours avec l'appui des grandes puissances.


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