AAARGH

 

 

Dixième anniversaire de l'AAARGH

 

DIX ANS !

 

Personne n'avait pensé que cette aventure allait durer 10 ans ! L'un d'entre nous avait réussi à se connecter sur le Web en 1994. A ce moment-là, il fallait, pour y parvenir, des prodiges d'énergie. Il n'y avait pas de fournisseur d'accès de type commercial. Le web n'était utilisé, en France, que par des chercheurs en physique et en mathématiques. Et encore ! A force de piratages, l'un d'entre nous, ayant dûment apporté son ordinateur dans le sombre sous-sol d'une illustre institution, se vit doter d'un logiciel nommé Mosaic One One, ancêtre de Netscape. Il fallait noter toute une série de codes à échanger avec une mystérieuse machine qui devait se trouver dans de lointaines catacombes. On tapotait les codes pour entrer en communication avec ce monde intersidéral et complètement inconnu, le WWW (world wide web). Après quelques tâtonnements, notre pionnier tomba sur la première page qui se présentait : celle de l'association américaine des pratiquants du ricochet. Merveille des merveilles : des pages de texte succédant à des pages de textes, agréablement illustrées, avec cette dimension absolument stupéfiante : le lien, qui menait à une autre page, elle aussi pleine de liens. Les possibilités infinies de l'hypertexte.
Cela laissait rêveur mais était diablement présent : il suffisait de se démener sur le clavier pour commencer à faire ce qui n'avait pas encore de nom : une navigation. Il y avait déjà beaucoup d'informations et de documents sur le Web, en 1994, mais pas grand chose en français. Les révisionnistes, Bradley Smith aux États-Unis et Ahmed Rami en Suède commençaient lentement à mettre des fichiers en ligne.
C'est dans cette rêverie que le site de l'AAARGH fut d'abord conçu : puisqu'il était possible d'expliquer à n'importe quel habitant de la planète, pouvu qu'il fût doté d'un appendice en forme de clavier et d'écran, les moindres subtilités de l'art du ricochet, en y joignant références (accessibles d'un clic), images et même possibilités de dialogue, alors il devait être possible d'expliquer le révisionnisme, de faire circuler des textes, bref de mettre à la disposition du lecteur quelconque, si possible dans sa langue, l'ensemble des documents sur lesquels s'appuie la démonstration révisionniste. Nous avions, les uns et les autres, les éléments d'une bibliothèque spécialisée, difficile à rassembler car beaucoup de textes, ayant peu circulé, étaient devenus plus ou moins introuvables, même pour ceux qui vivaient dans la région parisienne et fréquentait les quelques librairies qui voulaient bien vendre cette prose-là. Internet fournissait d'emblée une alternative aux publications sur papier, évidemment toujours nécessaires, mais toujours menacées par la répression, les brusques incursions de commandos, les attaques chimiques, les boules de pétanque dans les vitrines, les dénonciations auprès des autorités. Nous en savions très long sur ce chapitre. Nous ne prétendions pas détenir une vérité inébranlable, mais seulement offrir la possibilité d'une réflexion, d'un doute, d'une confrontation et, finalement, d'un choix personnel dans la compréhension du monde dont nous sortions, ou, comme le dit Saint-Simon, nous espérions « tempérer une discrète croyance par une discrète méfiance ».
Bien certainement, les meutes qui nous couraient sus et qui avaient obtenu la loi Gayssot, se jetteraient bientôt sur ce gibier d'un nouveau genre. Il nous fallait organiser la prudence, mère de la sûreté, avant même que de débusquer.
Tout restait à apprendre. Nous n'avions personne sous la main pour nous enseigner les choses élémentaires que nous devions savoir. Tout était étrange : le vocabulaire, les pratiques, la façon dont ces choses tournent sur les machines. Il fallait analyser ce terrain inconnu, tâcher de prévoir les manuvres de l'adversaire et préparer les pièges pour les déjouer avant même qu'il les ait conçues. Il nous a fallu deux ans de tâtonnements, d'essais et d'erreurs pour arriver à une maîtrise toute relative des instruments et pour organiser le brouillard qui devait envelopper nos antres et nos traces. Nous avions mis quelques fichiers chez le bon Bradley (le site Codoh) et chez l'excellent Rami (radioislam). Enfin, en octobre 1996, nous avons ouvert le site de l'AAARGH. Dès le début il nous a semblé nécessaire de mettre des livres en ligne et le premier choisi fut celui de Lenni Brenner sur les relations qu'entretinrent pendant la guerre les sionistes avec les nazis. Un dossier chaud. Trouvant insupportable d'être publié par des révisionnistes, à qui il avait déjà refusé les droits de traduction, il gronda mais ne fit rien. Six ans plus tard, il mit lui-même son livre en ligne.
Il n'a pas fallu deux ans pour mettre à l'épreuve nos précautions. Une de ces organisations de malfaisance que nous connaissons bien entreprit de chasser l'un de nos auteurs. Un juge d'instruction lança les fins limiers de la police sur nos traces. Nous fûmes en mesure de suivre leur progression et leur égarement dans le brouillard artificiel que nous avions distillé à leur intention. Ils durent avouer au juge qu'ils étaient bien marris. Notre jubilation ne fut pas mince, aussitôt tempérée par le sentiment que la prochaine fois ils feraient mieux et que nous devions revoir le dispositif pour toujours garder un temps d'avance. C'est ce qui nous a sauvés jusqu'à aujourd'hui et qui ne garantit pas que nous serons sauvés demain. Tout est sans cesse à refaire car les choses évoluent vite dans le domaine de l'internet.
Des attaques, il y en eut. Nous apprîmes rapidement que pour résister il fallait plusieurs sites, ou sites-miroirs. Certains sites ont été pris d'assaut, d'autres, assiégés, ont résisté. En fin de compte, nous avons toujours affaire à des hommes, qui ont la main sur le bouton d'effacement. Certains sont courageux et ont des principes, d'autres sont des marchands, lâches et cupides. Il y a tellement d'intermédiaires entre eux et nous qu'il est impossible de prévoir leur attitude en cas de coup dur. Nous avons été pris de court la première fois. Pendant trois semaines l'AAARGH disparut du paysage, mais ensuite, avec trois sites différents, il en est toujours resté, dans les pires tempêtes, au moins un en état de fonctionnement, nous laissant du temps pour restaurer notre présence, virtuelle certes, mais diablement réelle aussi.
Pendant que nous étions occupés de la sécurité d'un site qui avait l'honneur d'avoir une des plus belles collections d'ennemis qui se puisse trouver à l'heure actuelle, nous devions aussi faire le travail de base, le labour profond, qui consistait à se procurer les textes de notre bibliothèque virtuelle, à les scanner - sublime invention que celle du scanner et de la reconnaissance de caractères - à les corriger (le scanner fait des fautes, plus ou moins nombreuses selon la qualité de la typographie) et à les préparer pour qu'ils soient lisibles sur le Web, la "toile" disent certains. Ce qui, pour un livre, peut prendre des semaines de travail. La relecture, ligne à ligne et mot à mot, peut être fort longue et est sans aucun doute très fastidieuse. En somme, nous faisons le travail de l'éditeur-imprimeur à l'ancienne, et nous le faisons maintenant dans une quinzaine de langues.
Nous avons aussi fait un choix : celui de ne pas ouvrir de page de discussion. Après tout, nous ne cherchons pas à convertir. Nous offrons des éléments pour que le lecteur bâtisse son propre jugement. C'est un travail qu'il doit faire seul. Nous n'avons pas à intervenir dans les affres d'une prise de conscience et d'un éclatement des anciennes certitudes, que nous avons tous bien connus. Entrer dans une discussion à ce moment-là aurait consumé rapidement toutes nos énergies. En outre, il était facile de constater que tout forum de discussion appelle l'intervention de sectaires furieux qui interviennent à tout propos et cherchent à monopoliser l'attention. Nous n'avions pas à fournir à ces malades mentaux l'hébergement thérapeutique dont ils ont besoin. Le temps est la chose qui nous manque le plus et nous n'avons pas voulu le gaspiller. C'est pourquoi aussi, seuls peut-être, nous n'avons pas ouvert de blog. ("Même les chiens ont leur site internet, disait Butz. Alors, pourqui pas moi ?") Il reste toujours le courrier, pour le lecteur vraiment désireux de poser une question, et nous y répondons. Notons en passant que la grande période des lettres d'insultes est passée et qu'elles sont devenues rares. Un peu comme si, malgré une censure tenace dans la presse ("jamais l'aaargh dans tes colonnes ne mentionneras") notre présence était reconnue, avec le temps, comme légitime. On a parfois l'impression qu'avec le poids énorme de sa documentation et sa résilience, le site de l'aaargh fait un peu peur : ceux qui l'attaquent se retrouvent épinglés et parfois cruellement moqués et souvent ils n'aiment pas ça.

Quand on se retourne vers ces dix ans passés, on voit que nous ne sommes pas loin d'avoir rempli le programme : mettre en ligne la bibliothèque révisionniste. Il reste un peu à faire pour en venir à bout. Le révisionnisme a produit son effort et il ne paraît plus d'uvres majeures. Avec peut-être deux ans de tintouin, on toucherait au but. Mais deux facteurs sont intervenus pour retarder les échéances : l'actualité et l'élargissement. Ce sont les éléments qui permettront au révisionnisme de survivre et de franchir les barrages générationnels.
L'actualité du révisionnisme a pris des proportions de plus en plus large. On peut dire, sans emphase, que la notion de révisionnisme hante l'Occident comme elle hante le Moyen-Orient. Chaque jour, des milliers d'écrits, de discours et de conversations parlent du révisionnisme, pour le louer ou pour le fustiger. Nous préférons ceux qui fustigent car ils nous amusent plus. Nous trouvons ou recevons chaque jour des centaines de documents qui évoquent d'une façon ou d'une autre le révisionnisme. Il nous faut trier pour garder ce qui témoigne de la situation réelle dans le monde et rassembler, tous les trois mois, ces données éparses. Or, le terme est employé à toutes les sauces et devient parfois synonyme de "divergence de vue", comme en Italie où il a perdu tout pouvoir de démonisation par le simple effet d'un emploi généralisé, à tort et à travers. Il est aussi toutes sortes de révisionnismes légitimes. En France, les guerres de Vendée sont loin d'être encore perçues comme l'épouvantable massacre systématique que les documents montrent. Mais les victimes font encore l'objet d'un tabou politique. Ou les conquêtes coloniales. En Italie, les massacres commis par les partisans ont aussi du mal à sortir de l'ombre où le pouvoir politique les avait relégués. En Espagne, certains auteurs soulèvent le tapis sous lequel on a rangé les exactions commises par le Frente popular, ou celui qui recouvre les terribles répressions franquistes de l'après-guerre. Les massacres commis par les Alliés, et surtout le traitement inhumain des prisonniers demeurent encore des choses qui ne doivent pas être dites. Grosso modo, la logique du vainqueur prévaut toujours et on l'a sous les yeux tous les jours : voyez la masse de mensonges qui entourent l'affaire du 11 septembre ; ils ont servi ensuite de base aux invasions militaires de l'Afghanistan et de l'Iraq, opérations qui à leur tour ont engendré des nouvelles montagnes de mensonges, justifiables de ce "révisionnisme à chaud" que l'expérience historique nous incite vivement à pratiquer dès que possible, pour ne pas succomber sous les avalanches de tromperies organisées par les gens qui sont au pouvoir, quel qu'il soit. Bref, là où l'opinion est honteusement trompée, le révisionnisme se révèle nécessaire.

Tous les groupes fondés sur l'existence d'un certain nombre de militants, prêts à donner de l'argent à la "cause", comme celui qu'impulsait Ernest Zündel, ou l'Institut de révision historique, animé en Californie par Mark Weber, se sont plaints de la raréfaction de leurs supporters. Les gens qui étaient intéressés par les événements de la seconde guerre mondiale parce qu'ils l'avaient vécue sont les victimes du grand âge et ne se renouvellent pas. La base opérationnelle se restreint obligatoirement si l'accent demeure mis sur les camps de concentration de la brève époque nazie. Bon gré mal gré, les révisionnistes ont dû ouvrir leur réflexion à ce qui se passe au Moyen-Orient. Pour notre part, nous l'avions fait dès le début, et même largement avant d'aborder la question du révisionnisme. L'instrumentalisation du malheur des juifs pendant la guerre était une chose visible depuis longtemps, même si elle fabriquait ainsi un tabou que certains trouvaient difficile de contourner ou de faire sauter. Pour les gens de l'AAARGH la continuité entre les années 40-45 et le Moyen-Orient d'aujourd'hui a toujours été une évidence première.

De cette actualité sans cesse grandissante, nous extrayons la quintessence sous forme de périodiques qui furent longtemps mensuels et qui sont maintenant trimestriels. Nous en produisons huit à chaque trimestre, en français, anglais, allemand, espagnol, italien et portugais, ce qui représente six à sept cents pages de texte.
Nous sommes donc tirés en vant par cette une actualité et par un élargissement vers certains textes peu accessibles, ou même introuvables, qui constituent en fait toute une littérature que personne d'autre ne se soucie de mettre en ligne. Internet est là pour remettre sous les yeux du public les livres importants du passé que les politiques ont mis sous le boisseau. Ainsi, par exemple, nous ne sommes pas peu fiers d'avoir mis en ligne les trois pamphlets disparus de Céline. Même les céliniens ont été pris de frousse et pourtant Gallimard, détenteur des droits, n'a pas moufté.
Publier ou republier certains livres, ou certains textes, dans notre époque frileuse, est un acte de transgression, comme la levée du tabou chez les prétendus "primitifs". Depuis lors, des lecteurs, désireux d'apporter leur pierre à l'édifice commun, nous envoient d'autres livres, eux aussi frappés d'excommunication majeure et nous prêtons volontiers nos pages à ces ouvrages que la presse conformiste appelle "sulfureux", sans trop nous soucier de leur contenu. Chaque livre a ses lecteurs, qui ne sont pas ceux d'un autre livre ! Nous publions, il faut le dire, des ouvrages qui sont absolument à l'opposé des convictions de presque toute la rédaction. Nous y voyons une conséquence du fait que l'internet n'est pas beaucoup plus libre que la presse, bâillonnée par toutes sortes de lois qui écrasent méchamment la liberté de pensée. Beaucoup de pays européens ont élaboré des empilements de lois grotesques (la dernière en date, en France, condamne la "négation" du "génocide" arménien, ce qui met un comble à la bouffonnerie) qui pèsent sur tous ceux qui veulent s'exprimer sur Internet, tendance qui se renforce beaucoup avec la multiplication des blogs. Or on supprime des blogs à la pelle, tous les mois. Les flics descendent en force chez des gamins de banlieue qui ont tenu des propos de bistrot sur des blogs ! Par la matraque et par l'hermine des chats-fourrés, les puissants et les arrivés essaient de maintenir le silence dans les rangs. Comme nous avons pris la précaution de nous tenir hors de portée de ces brutes galonnées ou vêtus de la toge noire, nous sommes, paradoxalement, l'un des rares sites vraiment libres. La publication en ligne des pamphlets de Céline en est l'exemple cardinal. Notre liberté échafaudée pour pouvoir publier la bibliothèque révisionniste peut servir à d'autres, et nous n'avons pas à prendre en charge la responsabilité morale et intellectuelle des auteurs censurés. Qu'on se le dise.
Ainsi, nous avons été amenés à commencer à publier ce que l'on peut appeler les "classiques de l'antisémitisme". Dans sa grande majorité la rédaction se déclare hostile ou indifférente à l'antisémitisme. Mais à force de se faire traiter d'antisémites par les voyous des organisations de malfaisance et par une presse qui n'a d'aise qu'en léchant avec application les parties sanieuses des héroïques militants desdistes organisations de malfaisance, nous avons été pris de curiosité. Que pouvaient donc diable dire ces horribles antisémites ? En quoi étions-nous justiciables de cette curieuse appellation ? En effet, le sémitisme est une chose dont tout le monde se fout éperdument.
D'après nos premières estimations, cette littérature complètement occultée depuis la seconde guerre mondiale, mais qui était très florissante auparavant, n'a pas grand chose à voir avec le racisme. Elle ne ressemble pas à la caricature qu'en font les "philosémites" d'aujourd'hui. Il y a des racistes, mais ils sont très minoritaires. Non, ce qui est amplement décrit et même ressassé dans la littérature antisémite, c'est que le juifs ont pris ou sont en train de prendre le pouvoir. En fait, l'antisémitisme, en France du moins, est principalement une doctrine politique. En tant que telle, elle a parfaitement le droit d'exister. Et si elle a disparu corps et bien, c'est parce qu'elle est calomniée et assimilée au racisme qui, depuis 1972 et la loi Pleven, est un interdit majeur qui a cassé en deux l'ancienne liberté d'expression. Remarquons qu'au cours du débat lancé en décembre 2005 sur la nécessité d'abolir les imbéciles lois dites mémorielles, une seule intervenante, professeur de droit à Rennes, l'immortelle Anne-Marie Le Pourhiet a nettement imputé à la loi Pleven l'origine de toutes ces insupportables dérives (Le Monde, 2 décembre 2005). Personne ne l'a suivie sur ce chemin semé d'encombres.
Nous qui avons aboli de notre propre chef aussi bien Pleven (qui assure le retour du refoulé) que les hochets de la mémémoire, nous pouvons publier ces enfers de nos bibliothèques. La question de la nature et de l'ampleur du "pouvoir juif" dans nos sociétés est absolument réelle, même s'il est de bon ton de prétendre ignorer son existence. C'est un objet de questionnement légitime et il n'y aura pas de vie politique qui puisse éviter toujours cet énorme écueil. Ceci nous assure une vaste perspective. Dix ans, finalement, c'est peu. Il y a encore beaucoup à faire, comme le disait le génial marquis de Sade (publié librement après deux siècles d'interdiction !) : Français, encore un effort pour être républicains !
Cette liberté qui est la nôtre, et qui fait de notre part l'objet de soins constants, a eu un autre effet qui n'est pas toujours remarqué : nous avons entièrement mis de côté ce qu'on appelle le droit d'auteur et, ce qui est un peu différent, le copyright. Il n'était pas possible de demander aux auteurs de nous autoriser à reprendre leurs travaux dans une bonne partie des pays d'Europe où des lois nouvelles les auraient sanctionnés. Par une peur bien légitime des sanctions et des ostracismes, il auraient refusé, alors même que, dans le fond, ils auraient souhaité voir leur écrits mis en ligne. Nous avons donc, d'un coup de hache net et précis, tranché ce nud gordien. Nous ne demandons pas la permission des auteurs pour reproduire les textes qui nous intéressent. Et pour faire bonne mesure, nous avons étendu cette décision au monde entier. Dans les pays où la censure est moins dans la main des juges, elle est plus dans celle du qu'en-dira-t-on, dans les stratégies de survie et de promotion personnelle, dans les décisions de jurys obscurs, bref dans le poids de la rumeur et du puritanisme ambiant. Nous nous en affranchissons aussi. La liberté de circulation et d'accès est une valeur plus haute que la peur individuelle et le souci du porte-monnaie. En effet, nous ne rétribuons jamais les auteurs car nous n'avons pas de pompe à phynances. Mais il faut aussi reconnaître que nous avons été obligés, à trois ou quatre reprises de retirer des textes parce que leurs auteurs d'outre-atlantique, très énervés, menaçaient de poursuivre nos hébergeurs, eux aussi transatlantiques, peu désireux de recevoir du papier timbré et des appels d'avocats plus ou moins véreux, génétiquement apparentés à l'espèce des requins.
Renoncer à l'institution moderne du droit d'auteur, de plus en plus absurde à l'heure des échanges généralisés, ne nous a pas causé de grandes difficultés. Nous nous attendions à pire. Quelques auteurs, même parmi nos adversaires, sont très contents d'être ainsi pillés (par ex. Deborah Lipstadt) ; d'autres ont un peu peur du ridicule ou du scandale politique et préfèrent ignorer qu'un adversaire aussi insignifiant, et déjà ostracisé, se plaît à les piller outrageusement. Les journaux, par exemple, ont renoncé. Au début, nous avons eu quelques lettres du conseiller juridique de L'Express que nous avons envoyé sur les roses. Il a compris qu'il valait mieux se tenir coi. Les ennuis sont plutôt venus du côté du lobby-qui-n'existe-pas. Il est arrivé que la compagnie qui nous hébergeait soit rachetée par une autre, qui effaçait le site dans l'heure qui suivait l'acquisition. A croire qu'elle n'avait été réalisée que dans ce but. D'autres fois, ce fut le chantage exercé par un petit groupe de malfaisants établis sur la place de Paris. Leur plus belle réussite est certainement le filtrage, décrété en juin 2005, imposé à plusieurs grands fournisseurs d'accès français. Mais pas aux autres. C'est donc seulement une bizarrerie locale. Ils ont totalement échoué à supprimer les sites et à identifier les responsables, comme ils se vantaient de pouvoir le faire au printemps 2005. Le plus drôle a été quand la journaliste de Libération, totalement hallucinée, a cru voir planer l'ombre de l'aaargh au-dessus de la salle d'audience. Elle avait dû absorber des substances illégales...

Finalement, il faut saluer l'abnégation des membres de la rédaction. Ils acceptent de travailler dans un rigoureux anonymat, ils renoncent à toute renommée et à toute reconnaissance, dont notre époque fait une de ses valeurs suprêmes. Ces pratiquant de l'abnégation mériteraient bien d'être qualifiés d'«abnégationnistes». Ils ne touchent pas un rouge liard pour ce travail fastidieux et interminable, et ils en sont parfois de leur poche car si nous n'avons aucune recette, il y a bien de ci de là quelques dépenses. Notre choix a été rigoureux depuis le début : on ne vend rien, on ne demande pas un sou à personne, sauf, éventuellement, aux rédacteurs eux-mêmes. Avoir un financement, quelconque, un compte en banque quelque part nous aurait exposé à des indentifications malencontreuses et aurait offert un tendon d'Achille aux chiens qui sont à nos basques. L'argent qui est le nerf de la guerre offre d'infinies vulnérabilités. Regardez Bush qui s'attaque aux associations de bienfaisance du monde musulman ! ! Donc, point d'argent, point de Suisse et point de révisionniste en pâture. Ceci posé, il y a eu aussi de très aimables mécènes qui nous ont permis de mettre parfois quelques pistoles dans une chaussette et de la garder au chaud dans la pile de draps pour le cas où. C'est l'occasion de leur dire un grand merci.

Nous ne ferons aucune prédiction sur l'avenir de l'AAARGH. Le futur ne nous intéresse pas puisqu'il est, de fait, imprévisible. Les Cassandres à l'asile ! Le présent en revanche est un merveilleux point de vue pour se retourner sur le passé. C'est ça qui nous intéresse et que nous savons faire. Par conséquent, l'AAARGH va continuer son bonhomme de chemin. Il y a beau temps que nous avons renoncé à installer ces petits gadgets qui permettent de mesurer, sans contrôle, le nombre de "hits" quotidien, censé représenter les visiteurs. Il y a pas mal d'années, nous étions à 10.000 par jour. Et puis nous avons réalisé que cela ne nous intéressait pas. Nous travaillons certes pour le présent, pour l'éducation de ceux qui veulent savoir, sur tous les continents, mais aussi pour un avenir dont nul ne sait ce qu'il sera. Nous servons les générations futures. Notre seul espoir est qu'il se trouve encore parmi elles des gens qui sachent lire. Une petite minorité suffira pour transmettre. Les nombres, de notre point de vue, ne sont pas significatifs. Il suffit qu'un esprit curieux s'éveille, quelque part dans l'Alabama, ou la préfecture de Shingatsé, ou la province d'Illubabor, et qu'il se mette fiévreusement à traduire Rassinier, ou Céline, dans sa langue locale, pour que nous soyons pleinement récompensés. Malgré notre anonymat, notre aspect fantomatique, perdu dans les brouillards intersidéraux, nous faisons partie d'une vaste chaîne d'esprits à la fois curieux et rationnels qui estiment avoir un droit plein et entier à la vérité. Ce qui compte, ce n'est pas le point d'arrivée, fuligineux lui aussi, c'est le chemin pour y aller. Nous sommes ce chemin, très heureux de l'être et très heureux d'y voir passer toutes sortes de gens qui l'arpentent fraternellement.

La rédaction de l'AAARGH
Octobre 2006.

< [email protected] >