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Le Monde, 29 mai 1999

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Un éditeur lyonnais condamné pour publicité en faveur d'oeuvres révisionnistes

Claude Francillon


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LYON de notre correspondant régional

Le directeur de la revue Akribeia, Jean Plantin, a été condamné, jeudi 27 mai, à six mois de prison avec sursis et 10 000 francs d'amende pour "publicité en faveur d'une publication dangereuse pour la jeunesse malgré interdiction administrative" par le tribunal correctionnel de Lyon. Il avait publié, sous sa plume, des notes de lecture sur des ouvrages interdits par arrêté par le ministère de l'intérieur. Parmi eux figuraient le rapport d'expertise sur la formation et le contrôle de la présence de composés cyanurés dans les "chambres à gaz" d'Auschwitz, établi par German Rudolf, le livre Oradour, un demi-siècle de mise en scène, publié par un collectif de "libres chercheurs", ou les revues d'histoire révisionnistes Annales d'histoire révisionniste et Révision. Le tribunal a ordonné la confiscation des objets saisis par la police au domicile de l'éditeur.

Quatre numéros d'Akribeia, tirés chacun à 1 500 exemplaires et à compte d'auteur, ont été diffusés depuis octobre 1997 par abonnement et dans des librairies de Paris, Lyon et Toulon. Cette revue, dont le nom signifie en grec "exactitude", a été qualifiée, lors de l'audience, de "négationniste" par les avocats de SOS-Racisme, de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et de la Loge Enfants d'Izieu. Ces trois associations, qui s'étaient constituées parties civiles, recevront chacune 10 000 francs à titre de dommages-intérêts. Selon la Licra, la condamnation de M. Plantin "démontre qu'il ne peut exister d'impunité face à ceux qui nient le drame de la Shoah".

Lorsqu'il a été mis en cause, Jean Plantin s'est prévalu d'une formation d'historien acquise au sein des universités lyonnaises. En 1990, Lyon-III lui a délivré la mention "très bien" pour un mémoire de maîtrise sur Paul Rassinier. Ancien résistant, ce membre de la SFIO, arrêté puis déporté en Allemagne en 1943, avait publié en 1950 un livre dans lequel il émettait des doutes sur l'existence des chambres à gaz. Régis Ladous, le professeur d'histoire religieuse de Lyon-III qui a dirigé le mémoire de Jean Plantin, affirme que ce texte n'est pas un "panégyrique" de Rassinier, mais "un travail référencé (...) d'une prudence affichée (...) qui ne peut donner prise, seul, à une accusation de révisionnisme".

L'un de ses collègues de Lyon-II, Yves Lequin, également professeur d'histoire, a suivi Jean Plantin l'année suivante dans son DEA d'histoire contemporaine. Il a autorisé l'étudiant à travailler sur "les épidémies de typhus exanthématiques dans les camps de concentration", après l'avoir, dit-il, "mis en garde contre les gens qu'il allait rencontrer sur ce genre de sujet". Aujourd'hui, Yves Lequin estime que le travail de son ancien
étudiant, à qui il avait attribué la note de 11 sur 20, était "inodore et pas de très bonne qualité". "Rien ne permettait de déceler une tendance pronégationniste, ajoute le professeur, qui ne dispose plus du document. Je ne garde pas les DEA qui n'aboutissent pas à une thèse. Je ne peux parler que de celui que j'ai lu en 1991. Tout peut arriver à un document huit ans
après. Il peut être surchargé, expurgé, complété."

Yves Lequin récuse fermement l'accusation qui lui est faite de ne pas avoir lu attentivement le travail de son étudiant. Il reconnaît toutefois avoir pu commettre une "négligence" en ne s'informant pas davantage sur les travaux antérieurs de M. Plantin lorsque le sujet de DEA lui a été soumis. "La déontologie universitaire est claire. Quand un collègue met une mention
"très bien" à un travail, vous pensez qu'il n'y a pas de problème",poursuit-il en faisant allusion à la mention obtenue l'année précédente à Lyon-III pour le travail sur Rassinier.

"INDIGNATION"

Après le procès intenté à leur ancien élève, les deux professeurs
d'histoire, Yves Lequin et Régis Ladous, ont remis leur démission, le premier de directeur du diplôme d'études approfondies (DEA) d'histoire moderne et contemporaine de Lyon-II, le second de directeur du DEA d'histoire religieuse de Lyon-III.

Leur geste n'a cependant pas calmé l'"indignation" de certains étudiants,notamment ceux de l'UNEF-ID. Depuis plusieurs années, ce syndicat et d'autres associations membres de la Coordination lyonnaise de vigilance face à l'extrême droite dénoncent le discrédit jeté sur l'université de Lyon par les "falsificateurs de l'histoire".

Le révisionniste Robert Faurisson était en effet maître de conférences à Lyon-II et Jean-Paul Allard, germaniste de Lyon-III, avait décerné la mention "très bien" à Henri Roques pour une thèse qui contestait l'existence des chambres à gaz. Quant à Bernard Notin, maître de conférences à Lyon-III,il avait publié en 1990 un article niant, lui aussi, leur existence. Enfin,en otobre 1998, les étudiants de Lyon-III avaient obtenu la fermeture de l'Institut d'études indo-européennes, rattaché à Lyon-III, qu'ils
considéraient comme un "laboratoire idélologique de l'extrême droite".

Aujourd'hui, les étudiants de Lyon-II et de Lyon-III reconnaissent que les deux professeurs de faculté visés ne peuvent être soupçonnés de complaisance à l'égard des révisionnistes, mais ils leur reprochent de ne pas avoir "deviné les sympathies négationnistes" de Jean Plantin et de lui avoir délivré un diplôme dans des conditions douteuses. Ils demandent l'ouverture d'une procédure disciplinaire, mais leur requête n'a pas été acceptée par le président de Lyon-II, Bruno Gelas. Le conseil d'administration de Lyon-II a cependant décidé d'entamer une procédre visant à annuler le DEA de M. Plantin.

Lyon-II crée une commission sur le négationnisme

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A la suite des différentes polémiques qui ont mis en cause, depuis le début des années 80, ses chercheurs et ses enseignants, l'université Lyon-II a décidé de créer une commission pluridisciplinaire consacrée au négationnisme. Cette commission sera composée d'une dizaine de personnes :
historiens, sociologues, linguistes, philosophes et "représentants du discours militant". Elle préparera une journée d'étude et de recherche sur le négationnisme pour début octobre. Un colloque international est prévu en 2000.

L'université a également demandé à l'historien Bernard Comte, ancien membre de la commission Touvier instituée par le cardinal Albert Decourtray en juillet 1989, d'établir "une chronologie détaillée et exhaustive de tous les faits qui depuis l'affaire Faurisson ont mis d'une manière ou d'une autre l'université en contact avec le négationnisme ; que ce soit une manifestation de soutien ou de condamnation", a précisé le président de l'université, Bruno Gelas.


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