Attention aux contrefaçons: La presse a donné un
écho, ces dernières semaines, à un procès
intenté par Maurice Papon, ancien préfet de Paris,
ancien ministre, à un éducateur, historien à
ses heures, Jean-Luc Einaudi, auteur d'un livre paru il y a quelques
années sur le massacre des Algériens à Paris,
en octobre 1961. A l'occasion du procès intenté
au même Papon par des familles de déportés
juifs de Bordeaux, cette affaire avait ressurgi du passé
lointain où elle est enfouie depuis qu'elle a ensanglanté
les pavés de Paris. Einaudi avait porté témoignage
sur une affaire qui est normalement couverte par une loi d'amnistie
votée en hâte peu après la fin de la guerre
d'Algérie. Cette loi a eu, chacun le sait, pour effet,
de soustraire entièrement tous ceux qui avaient commis
des crimes lors de la guerre et de la répression, en Algérie
et en France, -- guerre et répression n'étant pas,
à l'époque, proclamées en tant que tels;
les autorités ne connaissant que le "maintien de l'ordre.
On sait que le préfet avait décrété
un couvre-feu spécial pour les "Nord-Africains".
On était en guerre, même si le mot n'était
pas reconnu. A l'appel du FLN, qui menait la lutte pour l'indépendance
de l'Algérie -- occupée depuis 1830 ! -- une bonne
partie des travailleurs algériens de la région parisienne,
massivement hébergés dans les taudis infâmes
qu'on appelait "bidonvilles", aux portes de Paris, sont
descendus dans la rue, le 17 octobre 1961. Certains cortèges
ont pu se former dans Paris et s'avancer vers les grands boulevards.
D'autres ont été arrêtés aux portes
de la ville. Toute la flicaille était sur pied de guerre.
Les Algériens étaient sans armes, très déterminés
et très calmes.
Ils ont été massacrés. Par milliers, ils
ont été fusillés, tabassés, abrutis
de coups et d'insultes, ramassés et regroupés dans
des grandes enceintes, d'où plusieurs centaines ont été
ramenés en Algérie dans les conditions que l'on
imagine.
Plusieurs centaines de morts. Les témoins ne manquent pas.
Einaudi, dans son livre, raconte les faits avec une sobriété
exemplaire. Tous ceux qui ont vécu cette période,
qui étaient engagés dans les événements
(d'un côté ou de l'autre) savent parfaitement ce
qui s'est passé. Nous en avons tous eu des récits
immédiats, à chaud et nous pouvons nommer ceux qui
ont disparu, ce soir-là, pour toujours.
L'incroyable culot du chef responsable de ces tueries, qui nie
les faits les plus aveuglants de la vie que nous avons vécue,
est quelque chose qui écoeure au plus haut point. C'est
parce qu'il espère profiter des effets de l'amnistie que
ce goret sanguinaire ose dire à la télévision
qu'il y a eu, ce soir-là, "un mort". Certains
journaux le traitent de révisionniste. Que ces gens-là
aillent jouer ailleurs. Le révisionnisme consiste là
comme ailleurs, dans toutes les circonstances, à chercher
à établir les faits qui seraient occultés
par des pouvoirs ayant des intérêts idéologiques
ou politiques.
Le cas ici est très clair: Papon est un menteur à
100%. Il est vrai qu'il avait au-dessus de lui un premier ministre
(Michel Debré) et un Chef d'Etat (de Gaulle) qui lui avaient
certainement demandé de maintenir l'ordre à tout
prix. Mais ils savaient, eux, que cette politique algérienne
était un échec et qu'il allait falloir se résoudre
, six mois plus tard, à donner l'Algérie aux Algériens,
démontrant ainsi que les massacres n'avaient servi à
rien. Nous sommes parfaitement favorables à toute mesure
qui incriminerait les plus hautes autorités de l'Etat dans
ce massacre. Mais Papon n'était pas un pion et il pouvait
parfaitement refuser de ceindre le tablier du boucher.
Nous donnons notre soutien entier à J.-L. Einaudi dont
le travail d'historien, mené dans des conditions difficiles,
est entièrement vérifiable. Les archives le confirmeront,
quand elles seront pleinement ouvertes.
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