AAARGH
le 5 avril 1996
Monsieur le Premier Ministre
C'est avec consternation que nous avons appris avant-hier que
l'Europe vous propose de détruire quatre millions de bovins
dans les cinq ans à venir afin d'éradiquer l'Encéphalite
spongiforme bovine, dite maladie des vaches folles. Il est incontestable
que le vent de panique qui souffle aujourd'hui sur des esprits
précontraints par des années de peur entretenue
autour du SIDA s'apparente à ces fameuses grandes peur
de l'An Mil et qu'il n'y guère plus de matière à
perdre l'esprit devant les risque d'une épidémie
d'encéphalite spongiforme chez les humains que de voir
cent mille diables trouducuter la reine-mère en place publique
devant la Tour de Londres.
Mais on doit reconnaître, Monsieur le Premier Ministre de
Sa Gracieuse Majesté, que vous êtes coincé.
Le Continent s'est ligué et vous obligera à abattre
ces pauvres bêtes dont, la viande, rappelons-le, même
chez les bêtes contaminées, est parfaitement saine
puisque cette maladie s'attache aux viscères et aux tissus
conjonctifs. Je pleure à l'idée de tous ces excellent
beefsteaks irrémédiablement perdus.
Quatre millions de bovins à faire disparaître en
cinq ans, je sors ma calculette, Monsieur le premier Ministre,
vous voudrez bien m'excuser, cinq fois 365 sont 1825. Je vais
quand même soustraire les dimanches anglais parce que je
crois que même dans cette époque de décadence
il faut respecter le dimanche anglais. Soit 52 fois 5 égalent
260. Il reste donc, sans compter les vacances, ni les samedis,
ni les jours de congé légaux, 1565 jours ouvrables
pour se débarrasser de quatre millions de carcasses, que
l'on peut sans doute estimer au minimum à 400 kg en moyenne.
Les veaux ne sont pas dans le lot. Il faut donc brûler 2556
carcasses par jour.
Or si j'en crois les nouvelles diffusées par TF1 hier soir,
la Grande-Bretagne dispose de neuf incinérateurs dont la
capacité serait, au total, de 3000 carcasses par semaine,
soit, si j'utilise le même compte de 6 jours de travail
chaque semaine de l'année, 500 par jour, ce qui ferait
55 bêtes chaque jour dans chaque incinérateur, en
moyenne. Soit 22 tonnes de carcasse (viande, os, peau) par jour.
Je ne vous parle pas de la note de carburant mais vous avez du
gaz en Mer du Nord. Ce chiffre de 55 est déjà assez
énorme et je suis prêts à parier qu'il n'a
jamais été atteint dans aucun incinérateur
dans un passé proche. Mais si nous le prenons comme une
base théorique, on voit, Monsieur le premier Ministre,
que vous souffrez d'un déficit de 2500 carcasses par jour
ouvrable. Si vous les tuez quand même, il vous faudra des
réfrigérateurs de plus en plus pharaoniques pour
les garder et si vous ralentissez la cadence du massacre, il vous
faudra allonger le temps. Au lieu de cinq ans, il faut faudra
vingt ans. A cette époque là, évidemment,
vous ne serez plus premier ministre depuis longtemps et vous n'aurez
plus assez de dents pour manger du b_uf. Et peut-être l'Angleterra
aura-t-elle coulé.
Vous êtes donc, Monsieur le Premier Ministre, dans ce qu'on
appelle en français la merde (holy shit ). Mais
je connais, Votre Excellence, le moyen de vous en sortir. Nous
avons en France l'homme providentiel. (C'est notre habitude.)
Il peut sauver votre pays de la déchéance et de
la honte procurée par la prolifération de carcasses
spongiformes, ce qui est un spectacle bien déprimant pour
les petits enfants qui vont à l'école le matin et
qui n'aiment pas tous rencontrer et savater ces carcasses avachies
sur leur chemin.
C'est un obscur pharmacien de la banlieue parisienne. Harassé
par sa pratique, il trouve la force la nuit de se pencher sur
les questions d'incinération. Depuis des années
il a collecté, à travers toute l'Europe, ls documents
qui touchent à ces questions. Il a fouillé des montagnes
d'archives pour se familiariser avec des constructeurs d'installations
d'incinération comme Topf und Söhne, en Allemagne,
ou de géniaux ingénieurs comme le célèbre
Prüfer. L'incinération des corps n'a pas de secret
pour lui et il a même publié sous son nom, Jean-Claude
Pressac, des livres immortels dans lesquels on voit qu'on peut
incinérer très vite des quantités énormes
de morts par le miracle d'opérations techniques qu'il
ne dévoile pas à la curiosité du public mais
qui sont certaines parce qu'elles ont été observées
par des témoins dignes de foi et que ces observations ont
été plusieurs fois répétées
devant des tribunaux qui sont bien là pour connaître
la vérités des faits, sinon, je vous le demande,
Monsieur le premier Ministre, à quoi servirait la Justice,
et les experts, et tous ces gens qu'elle rétribue grassement?
Il vous faut donc Pressac, Monsieur le Premier Ministre, comme
consultant en Incinération de masse, vous ne pouvez pas
tomber mieux. Demander à notre Président qu'il vous
le prêtes. Nous pouvons même aller jusqu'à
vous dire que Pressac s'est préparé avec soin à
cet holocauste avec l'esprit expérimental qu'un scientifique
doit toujours avoir, en creusant dans son jardin, il y a déjà
quelques années, pour procéder à l'incinération
d'un lapin. Il s'agissait d'expérimenter la technique de
l'incinération en fosse ouverte qui avait fait l'objet
de rumeurs contradictoires. Il est probable que le boucher de
la Ville-du-Bois avait refusé de vendre à notre
potard un boeuf entier qui aurait fait défaut à
ses clients habituel. Mais le lapin a suffi à montrer qu'on
ne peut pas brûler des corps au fond d'un trou. Vous voyez
donc que Pressac est fin prêt. Soyez, de votre côté
prêts à le recevoir, nous vous l'injecterons dans
le tunnel à votre premier signal.
Et s'il vous reste un petit Ordre de la Jarretière, ou
de Chevalier du Bain, vous pourriez, en signe de gratitude pour
avoir sauvé votre poste, faire cadeau d'une petite distinction
à notre collègueVidal-Naquet, qui aime bien les
décorations et qui a commencé une collection, pour
avoir été le premier à lancer Pressac dans
le monde, sous les projecteurs et les plafonds dorés.
Croyez, Monsieur le Premier Ministre et fidèle serviteur
de la Couronne, à ma très haute considération.
Serge Thion
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Global Patelin, numéro 5 (et dernier), juillet 1996.
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