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Le discours de la dernière chance

Paul Rassinier

1953

 

Réponse de Rassinier

(Critique du Discours)

 

Témoins n°5 (printemps 1954)


Correspondance



À la suite de la triple présentation de son ouvrage « Le Discours de la dernière chance », publiée dans le précédent numéro de  Témoins, Paul Rassinier nous a fait parvenir la lettre suivante :


Mâcon, le 31 mars 1954.


Mon cher Samson,


Je suppose qu'ayant donné, dans votre dernier numéro, un compte rendu de mon « Discours de la dernière chance », vous ne verrez aucun inconvénient à publier ces quelques observations amicales.


I. Il y a quelques années, j'ai écrit sous le titre  Le Mensonge d'Ulysse  un ouvrage qui a été porté à la connaissance du public par les trois quarts des journaux français, sous le titre « La légende des camps de concentration ».
Je ne m'en suis pas étonné : les journaux en question étaient dans le camp d'en face et, au lieu de citer objectivement, ils interprétaient. Or, quand on interprète...
L'an dernier, j'écris Le Discours de la dernière chance  précisément pour tenter de démontrer qu'aucune voie ne conduit au salut qui ne propose d'abord une transformation totale des structures du monde à partir d'autres impératifs. Chemin faisant, j'écris :
« Aujourd'hui les accords de Yalta et de Potsdam mettent de nouveau à la disposition des démocraties bourgeoises, c'est-à-dire d'un peu moins de la moitié de la population du globe, les quatre cinquièmes à peu près des richesses disponibles, tandis que le cinquième restant est affecté aux États totalitaires, c'est-à-dire à l'autre moitié. On ne saurait soutenir que cette répartition soit équitable. Et il faudrait être totalement démuni de sens pour parler de coexistence pacifique des deux blocs dans ces conditions : la moitié frustrée ne cesse de monter à l'assaut de la moitié grassement nantie, et, si cette dernière s'obstine à garder ses avantages, immanquablement, nous aurons la guerre ».
C'est la constatation d'un fait indiscutable qui se produit et ne peut cesser de se répéter, dans le cadre des structures nouvelles.
Là-dessus, vous écrivez que je reprends « la thèse du repartage mondial » et « ressuscite la vieille querelle des frustrés et des nantis ».
Votre interprétation est, certes, moins cavalière que celle des trois quarts des journaux français à propos du  Mensonge d'Ulysse, mais, venant d'un ami, elle m'est beaucoup plus sensible. J'ai peur que vous n'ayez lu un peu hâtivement Le Discours de la dernière chance  et ce qui me fait vous le dire, c'est que, quelques lignes plus haut, vous écrivez que, dans  L'Impérialisme dernière étape du capitalisme, Lénine « admet le principe de la guerre mondiale ». Or, rien non plus n'est si loin de la vérité.


II. Il est naturel que m'ayant prêté l'intention de ressusciter la querelle des « frustrés et des nantis », vous en déduisez que je propose aux seconds de faire des concessions aux premiers : sur un raisonnement qui est faux dès le départ, toutes les constructions de l'esprit sont permises et les plus invraisemblables.
Sur ce point, il est possible à André Prunier de me clouer au pilori et d'écrire : « Dans ces conditions, tout supplément ou complément d'espace vital ou de richesses naturelles accordé aux États totalitaires serait sans effet modérateur quelconque sur leur politique et ne ferait qu'accélérer le caractère guerrier de leurs revendications. »
« Fournir au militarisme pansoviétique, pour l'apaiser », ce qui peut lui manquer encore de pétrole, d'acier, d'uranium, etc. (ce sont là, avant tout ses exigences en « matières premières ») serait bien joli, comme geste... Mais je crois que cette façon d'égaliser les « richesses naturelles » priverait trop évidemment les hommes (soviétiques et occidentaux) de leur dernière chance de ne pas finir leurs jours par les soins du napalm, des tanks, des bombes H et autres armes moderne de la révolution mondiale totalitaire, dont l'URSS partage si glorieusement le secret avec les USA ­ ou par ceux du NKVD-MVD, dont l'efficacité est encore aujourd'hui sans concurrence. »


Ou à vous :
«  ledit sixième du globe est devenu tout le bloc russo-chinois. Comment admettre, dans ces conditions, que la misère qui ne cesse d'y affliger les masses a son origine dans une insuffisance de territoire et de ressources de toute sorte ? Nous savons bien que la racine du mal est ailleurs, et s'il est tout naturel que la bureaucratie au pouvoir aime mieux parler d'autre chose, dénoncer par exemple à ceux qu'elle frustre les nantis d'en face, un homme comme Rassinier est vraiment trop bon de s'employer à lui fournir tous les meilleurs arguments qu'il croit avoir trouvés en la matière. »
Le malheur, c'est que je n'ai jamais proposé cela et que, par conséquent, ces observations ne s'adressent pas à moi.
Je vous dirai cependant que j'admire cette façon de raisonner qui postule un blocus effectif du bloc russo-chinois par les États atlantiques. Ici, c'est Robert Proix qui vous a répondu par avance :
« Le libéralisme occidental, en vertu même des principes sur lesquels il est établi, est absolument incapable d'interdire le trafic, sur les routes du globe, des matériels théoriquement prohibés, à plus forte raison des matières « libéralement exploitées ». Si M. de Rothschild se refuse à procurer du nickel à M. Malenkow, nous nous doutons bien que certains intermédiaires battant pavillon neutre se chargent de le faire. Et ainsi de toutes les « fournitures stratégiques ».
Dans le cas où cette réponse ne vous suffirait pas, je me permets de vous renvoyer à cette dépêche de l'AFP, en date du 6 mars dernier :
« Washington, 6 mars (AFP). ­ Le président Eisenhower a ordonné hier la continuation de l'aide américaine au Danemark, à la France, à l'Italie, à la Norvège et à la Grande-Bretagne, bien que ces pays aient exporté certains produits d'importance stratégique au-delà du rideau de fer. »


Aux concessions dont vous me prêtez gratuitement l'intention, vous ripostez par le blocus que vous supposez réalisé et vous tombez dans le piège : le blocus n'existe pas, n'a jamais existé et ne peut pas exister, ­ même pas pendant la guerre à laquelle il conduit et qui a pour mission de le parachever et de le faire respecter.
Je fournis aux Russes « les meilleurs arguments », dites-vous, et je suis « bien bon », mais Eisenhower est meilleur que moi qui leur fournit les choses.
Et que dire de vous qui lui permettez de continuer en lui faisant confiance ?
Ne croyez-vous pas qu'il serait plus indiqué de me suivre hors des structures actuelles comme je le fais dans Le Discours de la dernière chance ? Cela vous éviterait au moins de ne pas faire des « concessions » aux Américains sous prétexte de refuser aux Russes, celles, qu'un peu légèrement vous m'accusez de vouloir faire aux Russes.


III. Je voudrais encore vous dire ceci : lorsque André Prunier écrit qu'« il ne croit pas à la justice entre nations, c'est-à-dire entre États souverains » , je suis d'accord avec lui, mais, s'il ajoute qu'« il croit à l'équilibre provisoire entre nations » je ne le suis plus, cet équilibre n'étant jamais que de façade. De toutes façons, c'est faire une singulière concession au capitalisme dans son ensemble que de ramener nos discussions sur le plan de cette grue métaphysique qu'est « le droit national » et de poursuivre sa recherche. Or, si on se donne pour mission de priver « les États nationaux le plus possible de la souveraineté et de la propriété en transférant celle-ci aux individus sans distinction de race ou de lieu d'origine, de façon à assurer de plus en plus à tous les vivants les mêmes droits d'accès personnel ou familial à la possession du sol et au bon usage de ce qui s'y trouve », on ne peut, en fin de course, manquer d'aboutir à une souveraineté étatique et, par voie de conséquence, à un droit national. La propriété n'est pas un problème de « transfert » mais un problème de « suppression » et c'est le thème central du  Discours de la dernière chance.
Il est bien évident que, développant ce thème, je ne pouvais me dispenser d'analyser les structures actuelles et, dans le cadre de ces structures, le comportement des individus, des classes et des États. Votre erreur a été de prendre, dans cette analyse, des constatations de fait ­ l'une d'entre elles particulièrement ­ pour des justification et de me les imputer. Elle ne sera pas grave si vous voulez bien ­ ce dont d'ailleurs je ne doute pas ­ me permettre de la réparer dans vos colonnes.


Dans cet espoir, veuillez me croire bien fraternellement vôtre


Paul Rassinier

 


Tout en remerciant Paul Rassinier du ton si amical de sa réplique, et en laissant essentiellement au lecteur le soin de juger par lui-même le fond du débat, nous croyons pouvoir nous permettre de faire suivre la lettre de notre camarade de deux observations seulement, que voici :


1. Lorsque, de nos jours, on ouvre un livre traitant de la « dernière chance » de sauver la paix, l'on s'attend à une étude concrète du problème comme il se pose hic et nunc, dans le monde tel qu'il est. Il n'est pas impossible, dès lors, que nous ayons quelque peu mérité le reproche d'avoir lu trop vite l'ouvrage de Rassinier. Mais lui-même n'a-t-il pas, oserons-nous demander, choisi son titre un peu vite ? S'il avait essentiellement dans l'idée de nous montrer que ce monde-ci ne peut être préservé de la guerre qu'à la condition de subir une transformation totale, donc de ne plus être ce qu'il est, ce n'est pas nous qui, sur le plan de l'absolu, en disconviendrions, ­ mais il fallait le dire ! S'il s'agit non de la paix, mais de la subversion générale qui en serait peut-être la condition (nous disons bien peut-être, car nous sommes payés pour savoir que les révolutions, même « sociales », ne sont pas nécessairement pacifiques), on aurait répondu à Rassinier : nous, on veut bien. Mais comment ? Faute de résoudre la question de ce comment, il y a toutes les probabilités que la dernière chance dont nous parle notre ami soit, par rapport à l'humanité tout entière, une chance posthume.


2. Que d'autre part Rassinier prenne garde à ne pas suivre lui-même la méthode qu'il croit pouvoir nous reprocher, en nous prêtant des arguments qui n'ont jamais été les nôtres. Il se peut que nous ayons eu tort d'estimer qu'à ses yeux le problème de la sauvegarde de la paix résidait dans une nouvelle répartition des richesses du monde. Mais nous n'avons en aucune façon, quant à nous, proposé le « blocus ». Loin de tomber dans le piège en croyant à la réalité du blocus en question ­ ou plutôt pas en question ­ nous savons fort bien qu'il n'est jamais parfait, que, par exemple et heureusement, lorsque les Russes ont essayé de réaliser celui de Berlin, il fut bel et bien brisé par ces puissances « capitalistes » auxquelles, du reste, nous sommes loin de faire autant confiance que Rassinier l'imagine. Non sans toutefois nous féliciter que la plus grande puissance totalitaire actuelle, en dépit des fuites forcément inévitables de matériel stratégique, doive cependant éprouver quelques difficultés (relatives) à s'en procurer autant qu'il lui en faudrait pour transformer le reste du monde en une collection de Tchécoslovaquie et autres satellites.

 

 ARTICLE 19 <Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.


Déclaration internationale des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948


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