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L'opération « Vicaire »

Le rôle de Pie XII devant l'Histoire

Paul Rassinier

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APPENDICES DOCUMENTAIRES

 

APPENDICE I


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CE QU'ON PENSAIT GÉNÉRALEMENT DE PIE XII JUSQU'À M. ROLF HOCHHUTH


I. LE POPULAIRE (3-3-1939)

 

Échec à Mussolini

 

Le cardinal Pacelli contre lequel le comte Ciano avait lancé l'exclusive a été élu dès la première journée du Conclave.

Pour marquer la continuité de sa politique de paix et de résistance au racisme, il prend le nom de Pie XII.

Sous ce titre et ces deux sous-titres significatifs d'une opinion bien arrêtée et d'une satisfaction non déguisée, on pouvait lire dans Le Populaire du 3 mars 1939 et en première page, sur trois colonnes, un article de Pierre Brossolette qui se félicitait qu'au moment où la paix était si gravement compromise, le Conclave eût, en élisant le cardinal Pacelli futur Pie XII, «apporté à la sauvegarde de la paix, une contribution presque sans prix»:

«Si le seul drame qui se joue en ce moment n'était pas celui de la paix, nous aurions pu assister avec indifférence à l'élection pontificale. Libérale ou autoritaire, nous savons [236] que l'Église est toujours l'Église, que sa foi l'oppose à la liberté des esprits, que rares sont les cas où sa pratique ne l'a pas opposée à la liberté des hommes. Qui sait si demain [Ici est reproduit un fac-similé de l'article par lequel, sous la signature de Pierre Brossolette, Le Populaire (organe du Parti socialiste français), annonçait, le 3 mars 1939, l'élection de Pie XII.] le socialisme n'en fera pas l'expérience comme la République l'a faite si longtemps et si amèrement?
«Ce n'est cependant pas dans cette bataille que s'inscrivait la désignation du successeur de Pie XI. «Pace! Pace!» avait murmuré en mourant le pontife défunt. Ce n'était pas [237] un voeu pieux et vain. La gravité de la menace que les dictatures tiennent suspendue sur le monde avait hanté ses dernières années. Sans doute, l'atteinte portée par les régimes totalitaires aux intérêts spirituels et matériels de l'Église avait-elle hâté chez lui cette claire intelligence du péril; mais qu'importe? Ce qui demeure, c'est qu'à peine eut-il pressenti le danger, son ardente piété le porta à se dresser tout entier contre lui et, qu'au cours de ces derniers mois, l'action tenace de la papauté, aussi bien que sa condamnation solennelle du fanatisme et de la violence, a apporté à la sauvegarde de la paix, une contribution presque sans prix.»

Pierre Brossolette avait eu grand peur

«L'Église cependant allait-elle faire sienne la clairvoyance de son dernier pasteur? Parmi les successeurs qu'on pouvait imaginer à Pie XI, allait-elle choisir celui qui paraissait le plus capable de poursuivre sa politique après en avoir été l'instrument le plus actif et le plus illustre? Les intrigues, les tractations, la pression exercée par le gouvernement fasciste sur un collège de cardinaux en majorité italiens, ne suffisaient-elles pas à empêcher sur la personne du cardinal Pacelli, un plébiscite en faveur de la ferme attitude qui avait été celle de Pie XI? Tout le sens du Conclave devait tenir dans la réponse à ces questions.
«On sait pourtant que le cardinal Pacelli était desservi par sa qualité même de Secrétaire d'État du pape défunt. L'Église n'aime pas les dynasties. Un solide préjugé la détourne ordinairement de donner pour successeur à un pape celui qui a été son collaborateur le plus direct. Depuis l'élection de Léon XIII, ni le cardinal Rampolla, ni le cardinal Merry del Val, ni le cardinal Gasparri n'avaient réussi à vaincre cet obstacle. Le Secrétaire d'État de Pie XI a été plus heureux: la tradition a fléchi en sa faveur, devant la nécessité d'affirmer par un geste retentissant la conti[238]nuité d'une politique qui n'entend accorder à la violence le droit ni de troubler la paix ni de la dicter.»

Malgré ces considérations qui jouaient contre le cardinal Pacelli, «dont l'ardente piété l'avait porté à se dresser contre le péril représenté par les régimes totalitaires» malgré «les intrigues et la pression» la réponse du Conclave avait été...

«... éclatante. En dépit du veto formulé par le Telegrafo (ou peut-être à cause de ce veto), en dépit de la campagne persévérante menée dans les milieux fascistes contre l'élection d'un pape «politique», le cardinal Pacelli a été élu au trône de saint Pierre. Fait à peu près unique dans les annales de l'Église, c'est après moins d'une journée de délibérations que le vote a été acquis au troisième tour de scrutin seulement.
«Un peu penauds de cet échec, les milieux fascistes insinuaient dès hier soir que, en fin de compte, ils avaient observé en faveur du cardinal Pacelli une neutralité bienveillante, et il ne fallait pas les presser beaucoup pour leur faire dire qu'ils comptaient beaucoup sur le nouveau pontife, étant donné qu'après tout il est plus facile de s'entendre avec un «politique» qu'avec un «saint». Ce n'est pas à nous qu'il appartient de les détromper, encore que nous soyons convaincus que si l'action des «politiques» est parfois moins frappante que celle des «saints» elle a du moins sur celle-ci l'avantage de s'exercer plus utilement parce qu'elle s'exerce plus tôt. Nous n'avons pas besoin qu'on foudroie les dictatures le jour où elles auraient déclaré la guerre. Ce que nous demandons ardemment, c'est qu'on nous aide à les empêcher de la déchaîner.
«Or, dans le monde entier, la conviction est que le successeur de Pie XI y contribuera avec un zèle aussi ardent que Pie XI lui-même. Le nouveau pape l'a d'ailleurs renforcée en choisissant pour nom celui qu'avait porté son prédécesseur.
«Puisse seulement Mussolini le comprendre! Puisse Hitler [239] le comprendre avec luit Puissent-ils comprendre que, dans la personne de son nouveau chef comme dans celle de ses cardinaux, la catholicité vient de se prononcer sans appel contre les dictatures et la politique de la menace, de la violence et de la guerre. Et puissent-ils l'arrêter à temps en songeant que nul au monde, s'appelât-il Hitler ou Mussolini, ne peut gagner une partie dans laquelle il aurait à la fois contre lui les peuples et le pape!»

PIERRE BROSSOLETTE.

(Le Populaire, 3 mars 1939, P. I.)



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II. L'HUMANITÉ (3-3-1939)


Rapide élection du cardinal Pacelli

Pie XII comme successeur de Pie XI

 

L'insolente exclusive lancée contre lui par les gouvernements fascistes de Berlin et de Rome a reçu sa réponse.

Ce titre et ce sous-titre de première page, sur trois colonnes, de L'Humanité du 3 mars 1939, ne sont pas moins significatifs et ne témoignent pas moins de satisfaction que ceux du Populaire du même jour. L'auteur de l'article, Pierre-Laurent Darnar est plus catégorique encore que Pierre Brossolette: «C'est un pape antiraciste, ami de la liberté de conscience et respectueux de la dignité humaine», qu'il nous présente en la personne du cardinal Pacelli devenu Pie XII.

«Avec le nom, n'entend-il pas reprendre l'action de celui dont il fut le collaborateur le plus direct, le secrétaire d'État de toutes ces dernières années? [240] «Car on ne pouvait séparer le cardinal Pacelli du pape quand il s'agissait de condamner l'ineptie du racisme, la persécution hitlérienne, les attentats du fascisme contre la liberté de conscience et la dignité humaine.

[ Ici est reproduit un fac-similé de l'article par lequel, sous la signature de P.-L. Darnar, L'Humanité (organe du Parti communiste français), annonçait, le 3 mars 1939, l'élection de Pie XII.]

«Reçu par le gouvernement socialiste du Front Populaire avec de grands honneurs en 1937, le Secrétaire d'État d'hier - le pape d'aujourd'hui - incline au rapprochement avec les démocraties pour la défense commune des [241] biens les plus hauts des hommes libres menacés ou persécutés.

. «Comment les communistes français, dont le chef Maurice Thorez ouvrît sa main tendue, devenue le symbole de l'appellation même d'une politique d'union dès avril 1936, n'auraient-ils pas apprécié un concours apporté selon les paroles d'hommage du Président Herriot à la cause de la paix et de la liberté?

«L'élection faite dès le premier jour du Conclave et le choix tout de suite porté sur le cardinal Pacelli prennent plus de sens encore quand on sait quelles insolentes exclusives lancèrent Hitler et Mussolini contre sa personne et contre ce qu'elle signifie pour eux.

«Trop ami de la France», ainsi le désignait avec haine le Telegrafo du Comte Ciano au surlendemain de la mort de Pie XI...»

Les gouvernements fascistes n'étaient pas moins hostiles à l'élection du cardinal Pacelli que ce dernier ne le leur était:

«... Les gouvernements fascistes auraient voulu couper court à la tendance du Vatican, mettre la main sur la papauté, la réduire à leurs ordres. Espérant, à défaut tout de même d'une créature à eux, placer quelqu'un de faible, craintif et docile.

«Ils ont leur réponse.

«D'autant plus cinglante que les cardinaux italiens sont la majorité et que, pour élire le pape interdit par Mussolini, bon nombre d'entre eux ont dû donner sur-le-champ leur suffrage.

«Déjà Berlin et Rome laissent percer leur fureur. Les outrages vont pleuvoir sur ce «judéo-marxiste» à coup sûr! Comme s'il y avait collusion de doctrines, quand simplement les hommes s'unissent pour leur sauvegarde et quand la liberté de conscience cherche l'asile de la liberté tout court.

«Mais Pie XI était déjà «le pape de Moscou» pour la [242] Gestapo! L'élection de Pie XII sera sans doute «une manoeuvre bolchevique»!

«Pauvres gens! L'événement est autrement profond et significatif que cela!»

P.L-. DARNAR.

(L'Humanité, 3 mars 1939, P. I-)

Comme si l'article de P. L. Darnar ne se suffisait pas à lui-même, en troisième page du même numéro de L'Humanité, Gabriel Péri venait enchérir encore sous le titre: «La réaction hitlérienne.»

LA RÉACTION HITLÉRIENNE

 

«Berlin, 2 mars. - L'élection du cardinal Pacelli a provoqué une très grosse émotion dans les milieux politiques allemands qui soutiennent que les cardinaux «ont fait un geste insolite en élevant un «politicien professionnel» au poste suprême du monde catholique».

«On sait que le nouveau pape a toujours été très attaqué par les nazis.

«En effet, il joua dans les milieux diplomatiques étrangers de Berlin un rôle très important dans la période d'après-guerre et c'est lui qui négocia et signa le nouveau Concordat entre le Saint-Siège et l'Allemagne après la révolution de 1918...»

 

SAUVER LE FASCISME OU SAUVER LA PAIX...

 

«... C'est un autre fait que le Conclave vient d'élire l'ancien collaborateur le plus direct de Pie XI, et cela en dépit des conseils de von Bergen et des exclusives du Telegrafo.»

GABRIEL PÉRI.

(L'Humanité 3 mars 1939, P. 3.)

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APPENDICE II


PIE XII PAR LUI-MÊME :


Lettre de Pie XII à Mgr Preysing, archevêque de Berlin

 

Le 30 avril 1943, Pie XII adressait à Mgr Preysing, archevêque de Berlin, la lettre suivante:

«Nous voulons tout d'abord, vénérable Frère, vous remercier des bons voeux que vous Nous avez adressés, personnellement ou au nom de votre clergé et de votre diocèse, en différentes circonstances, notamment en décembre, pour les fêtes de fin d'année, et pour l'anniversaire de Notre élection au souverain pontificat. Nous savons de quel coeur fidèle et rempli d'esprit de foi ils proviennent. Nous vous remercions particulièrement, vous et vos fidèles, de vos saintes prières. Dans votre lettre du 27 février dernier, vous Nous assuriez de vos prières instantes, ayant bien conscience que «rarement Dieu avait imposé une «charge aussi lourde sur les épaules d'un pape pour le «début de son pontificat, avec cette effroyable guerre mondiale et tous les maux et péchés qui en sont la conséquence». Certes, il faut toujours faire preuve de prudence lorsque l'on veut comparer le présent au passé, et Nous ne voulons aucunement sous-estimer les préoccupations et les misères qui ont pesé sur les épaules de Nos prédécesseurs. Cependant, la sincère volonté du pape d'aller, en toute impartialité, au-devant de toutes les puissances de ce monde, dans le vaste et bouleversant conflit qui les oppose et en même temps de protéger soigneusement la [244] Sainte-Église contre ses conséquences - a rarement constitué pour le Saint-Siège une aussi lourde épreuve que maintenant. Mais le plus préoccupant, ce sont «tous les maux et péchés qui sont la conséquence de la guerre», selon votre juste expression. La cruauté de la technique de guerre, qui se développe d'une façon effrénée, rend insupportable la perspective que ce massacre réciproque puisse se poursuivre encore longtemps. jour après jour parviennent à Notre connaissance des actes inhumains qui n'ont rien à voir avec les réelles nécessités de la guerre et qui Nous remplissent de stupeur et d'effroi. Seul le recours à la prière auprès du Dieu qui voit tout, auprès du tabernacle du Rédempteur, fait trouver la force morale permettant de surmonter psychiquement l'impression causée par de tels actes.»

L'attitude, nazie devant les efforts du pape Pour rendre la guerre moins inhumaine.

«Vous aussi, vous avez dû connaître la terrible expérience de la guerre sous cette forme si pénible que sont les bombardements aériens. Encore une fois, Nous vous disons à vous et à vos diocésains combien avec vous Nous déplorons la destruction de la cathédrale Sainte-Hedwige à la suite du dernier raid sur Berlin. Les fidèles doivent savoir que chaque jour Nous avons une prière et une bénédiction spéciales pour ceux qui, ce jour-là, dans un camp ou un autre, tombent victimes des bombardements aériens. Nous faisons ce qui est en Notre pouvoir pour atténuer les maux de la guerre, et sans cesse Nous travaillons à ce que la population civile soit le plus possible épargnée, sans Nous laisser rebuter par les maigres chances de succès. Ce n'est pas Notre faute si la totale équité devant les problèmes posés par la guerre Nous oblige, maintenant que c'est l'Allemagne qui a le plus à souffrir des attaques aériennes, à entreprendre une discrète médiation - indépendamment du fait que les autorités allemandes, à la suite de la présence [245] à Rome de l'archevêque de New York, ou plutôt à la suite des bruits qui ont couru à propos de sa visite à Rome, ont fait savoir publiquement que l'Allemagne n'était pas intéressée aux efforts du pape pour rendre la guerre plus humaine. Dans Nos démarches pour rendre la guerre plus humaine, Nous avons une égale sollicitude pour toutes les victimes de la guerre, pour tous ceux qui souffrent matériellement ou moralement à cause d'elle. Ceux-là, en Allemagne, comme dans le reste du monde, mettent leur espoir en Notre aide.

«Nous aurions vivement désiré que Notre service de nouvelles des prisonniers puisse profiter à l'Allemagne comme aux autres pays. C'est à la suite des demandes d'intervention faites au Saint-Siège, et auxquelles bien souvent d'autres autorités n'auraient pas pu répondre, que ce service s'est développé de lui-même pour devenir ce qu'il est maintenant. En même temps que Nos autres _uvres de guerre - et Nous rendrons grâce à Dieu - il a pu faire beaucoup de bien. Nous n'arrivons pas à comprendre quel motif a pu pousser les autorités allemandes à interdire l'accès du territoire allemand aux oeuvres pontificales. Cette interdiction a été particulièrement ressentie ici lorsqu'il s'est agi d'un millier de nouvelles concernant des prisonniers allemands, qui ont été adressées à Notre service pour être transmises à leurs familles en Allemagne. Nous y sommes finalement parvenu, mais d'une façon détournée, et avec les plus grandes difficultés. Depuis l'automne 1942, arrivent d'Allemagne, en nombre toujours croissant, des demandes au sujet de disparus ou de prisonniers qui étaient sur le front russe, surtout à Stalingrad. Ces démarches expriment une détresse bouleversante. Pour Notre part, Nous ferons toutes les démarches possibles pour avoir des nouvelles des prisonniers qui sont en Russie, mais malheureusement, Nous n'avons jusqu'à maintenant obtenu aucun résultat.»

[246]

Les lettres pastorales des évêques allemands.

«Nous vous sommes reconnaissant, vénérable Frère, des paroles claires et franches que, en diverses circonstances, vous avez adressées à vos fidèles, et à travers eux au public. Nous pensons, entre autres, à vos déclarations du 28 juin 1942 sur la conception chrétienne du droit; du dimanche des morts de novembre dernier sur le droit de chaque homme à la vie et à l'amour; Nous pensons spécialement à votre lettre pastorale de l'Avent, qui a également été adoptée dans les provinces ecclésiastiques allemandes de l'Ouest, sur les droits souverains de Dieu, les droits de l'individu et de la famille.

«Que l'on n'aille pas prétendre que les courageuses prises de position des évêques nuisent à votre patrie devant l'opinion mondiale lorsque ceux-ci revendiquent à l'égard de leur gouvernement les droits de la religion, de l'Église, de la personne humaine, en faveur de ceux qui sont sans défense et opprimés par la force publique, que les victimes soient ou non des enfants de l'Église. Loin de compromettre votre patrie, cette courageuse défense du droit et de l'humanité lui vaudra, à elle et à vous, le respect de l'opinion mondiale, et elle pourra, dans l'avenir, s'avérer bénéfique,

«En tant que Pasteur suprême des fidèles, Nous avons le souci que les convictions et la foi de vos catholiques restent pures de la compromission avec des principes et des actes contraires à la loi de Dieu et à l'esprit du Christ, et qui même les tournent souvent en dérision. Pour prendre un exemple récent, ce fut pour Nous une consolation d'apprendre que les catholiques, notamment ceux de Berlin, avaient fait preuve de beaucoup de charité devant les souffrances des «non-aryens». Que ce soit pour Nous l'occasion d'exprimer Notre paternelle reconnaissance et Notre profonde sympathie à Mgr Lichtenberger qui se trouve en prison.

«Mais elle nous fait mal, la seule pensée que progressivement, et peut-être inconsciemment, ces conceptions [247] puissent pénétrer dans la mentalité des catholiques, particulièrement des jeunes, par la force de l'habitude et d'une incessante propagande. Vous savez que le Saint-Siège a considéré les questions liturgiques qui se sont posées chez vous comme suffisamment importantes pour qu'il s'en saisisse. Nous reconnaissons cependant que Nous attachons infiniment plus d'importance à ce que les consciences chrétiennes soient protégées contre tous ces poisons qui les menacent. A quoi servirait de rendre plus belle la liturgie de l'Église si, en dehors de l'Église, la pensée et les actes des fidèles deviennent, dans leur vie, étrangers à la loi et à l'amour du Christ?»

Les raisons de la réserve du pape.

«En ce qui concerne les déclarations épiscopales, Nous laissons aux pasteurs en fonction sur place le soin d'apprécier si, et dans quelle mesure, le danger de représailles et de pressions, ainsi que peut-être d'autres circonstances dues à la longueur et à la psychologie de la guerre, conseillent la réserve - malgré les raisons qu'il y aurait d'intervenir - afin d'éviter des maux plus grands. C'est l'un des motifs pour lesquels Nous-même Nous Nous imposons des limites dans Nos déclarations. L'expérience que Nous avons faite en 1942, en laissant reproduire librement à l'usage des fidèles des documents pontificaux, justifie Notre attitude, dans la mesure où Nous pouvons le voir.

«Nous vous avons parlé longuement de ces questions, non parce que vous avez besoin de Notre exhortation pour agir, mais parce que, d'une part Nous connaissons votre courage et votre grand souci de l'honneur de la SainteÉglise, et d'autre part parce que Nous savons que vous jugez la situation avec prudence et sang-froid. Pour le représentant du Christ, le sentier sur lequel il doit cheminer pour tenir la juste balance entre les exigences contradictoires de sa charge pastorale, est toujours plus malaisé et rocailleux.

[248]

«Nous pensons aux mesures contre l'Église dont vous Nous avez informé dans votre lettre: confiscation de biens ecclésiastiques, saisie de votre séminaire d'Hedwigshöhe, limitation ou interdiction de l'apostolat auprès des Polonais déportés en Allemagne, ou de l'enseignement religieux des enfants polonais; interdiction de procéder au mariage de Polonais, etc. Tout cela, toujours et encore, n'est qu'une partie d'un vaste plan qui vise à étouffer la vie de l'Église sur le territoire où s'exerce l'autorité allemande. La plus durement frappée, comme vous le savez, est l'Église catholique de la Warthegau. Nous souffrons vivement de la détresse sans nom des fidèles de cette région, d'autant plus que toutes les tentatives d'intervention en leur faveur auprès du gouvernement, se sont heurtées à un refus brutal. Les considérations dont Nous avons parlé plus haut - et, dans le cas particulier de la Warthegau, surtout la crainte que ce qui y subsiste de vie pastorale soit à son tour menacé - Nous ont retenu jusqu'à maintenant de dénoncer ouvertement la situation qui y est faite à l'Église.

«Nous sommes relativement bien renseigné sur la situation et le sort des prêtres qui sont en camp de concentration, parmi lesquels les Polonais sont de loin les plus nombreux. Si la possibilité s'en présente de quelque façon, il faudrait faire savoir à chaque prêtre et à leurs compagnons de captivité qu'ils sont l'objet de Notre plus profonde sympathie, que dans ce temps de souffrances et de cruautés, peu de sorts sont aussi proches de Notre c_ur que le leur, et que chaque jour Nous prions beaucoup pour eux.

«Nous avons devant Nous le texte du mémoire adresse par l'épiscopat allemand au gouvernement du Reich. Vous pouvez maintenant voir par vous-même le peu de chances de succès que peut avoir une supplique confidentielle adressée au gouvernement. Cependant, en tout état de cause, ce mémoire servira à justifier l'épiscopat devant le monde après la guerre.»

[249]

L'action du Saint-Siège en faveur des juifs..

«Pour les non-aryens catholiques, aussi bien que pour ceux de confession juive, le Saint-Siège a exercé dans la mesure de ses responsabilités une action charitable sur le plan matériel et moral. De la part des organismes d'exécution de Nos oeuvres de secours, cette action a nécessité beaucoup de patience et de désintéressement pour répondre à l'attente - on pourrait même dire aux exigences - de ceux qui demandaient de l'aide, et aussi pour arriver à bout des difficultés diplomatiques qui surgissaient. Ne parlons pas des sommes élevées que Nous avons dû verser en argent américain pour les transports par bateau des émigrants. Ces sommes, Nous les avons données volontiers, car ces gens étaient dans le malheur. Elles ont été données pour l'amour de Dieu, et Nous avons bien fait de ne pas compter sur de la reconnaissance ici-bas. Cependant, des organisations juives ont remercié chaleureusement le SaintSiège pour ses opérations de sauvetage.

Dans Notre Message de Noël, Nous avons dit un mot de ce qui se fait actuellement contre les non-aryens dans les territoires soumis à l'autorité allemande. Ce fut court, mais cela a été bien compris. Que Notre amour et Notre sollicitude paternels soient aujourd'hui plus grands à l'égard des catholiques non aryens ou semi aryens, enfants de l'Église comme les autres, alors que s'effondre leur existence extérieure et qu'ils connaissent la détresse morale, il est superflu de le dire. Malheureusement, dans l'état actuel des choses, Nous ne pouvons pas leur apporter d'autre secours efficace que Notre prière. Nous sommes cependant décidé, selon ce que les circonstances indiqueront ou permettront, à élever de nouveau Notre voix en leur faveur.»

L'éducation nazie.

«Nous avons entendu ces jours derniers des choses très consolantes au sujet de la fidélité inébranlable des catho[250]liques allemands à leur foi et à leur Église. Au-delà de tous les sujets d'inquiétude et d'espoir, l'unique grave question qui reste pour Nous en ce qui concerne l'avenir est celle-ci: après avoir été complètement soumise à l'influence et à l'éducation d'un système fermé, étranger au christianisme, émanant de l'organisation du parti et des prescriptions déjà connues du futur Volksgesetzbuch, comment la jeunesse catholique, comment la génération montante pourra-t-elle garder et transmettre intacte sa foi catholique? Notre consolation, Nous la trouvons seulement dans cette promesse de l'Écriture: «Dieu est fidèle; «il ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos «forces. Avec la tentation, il vous donnera le moyen d'en «sortir et la force de la supporter.» (I Cor. 10-13.)

«En gage de ce «moyen d'en sortir», Nous vous donnons «sous le signe de la croix», ainsi que vous disiez dans votre lettre pastorale pour le dernier «Dimanche du pape», à vous-même, vénérable Frère, à vos collaborateurs dans l'apostolat et à tous vos diocésains, avec affection paternelle et de tout coeur, la Bénédiction apostolique implorée 1

1.

***

APPENDICE III


LES PRINCIPAUX ARGUMENTS

DES DÉFENSEURS DE PIE XII


Maïmonide (Bulletin de l'Athénée israélite, de Bruxelles, n· 2, juin 1963).

Les faits furent tels que, dès 1937, les journaux allemands pouvaient écrire: «Pie XI était à moitié juif, le cardinal Pacelli (Pie XII) l'est complètement.»

ÉDITH MUTZ.

Dr SAFRAN, grand rabbin de Roumanie:

La médiation du pape «sauva les juifs du désastre à l'heure où la déportation des Roumains était décidée». Maïmonide, loc. cit.

Paul KLETZKI conduit à Rome, le 26 mai 1955, quatre-vingt-quatorze musiciens juifs, originaires de quatorze pays, qui viennent exécuter la IXe Symphonie de Beethoven.

«En reconnaissance de l'oeuvre humanitaire grandiose accomplie par Sa Sainteté pour sauver un grand nombre de juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.»

M. PINHAS LAPIDE, consul d'Israël à Milan (du temps de Pie XII):

«Le pape, personnellement, le Saint-Siège, les nonces et toute l'Église catholique ont sauvé de 150.000 à 400.000 juifs [252] d'une mort certaine. Lorsque j'ai été reçu à Venise par Mgr Roncalli, qui devait devenir jean XXIII, et que je lui exprimai la reconnaissance de mon pays pour son action en faveur des juifs, alors qu'il était encore nonce à Istanbul, il m'interrompit à plusieurs reprises pour me rappeler qu'il avait chaque fois agi sur ordre précis de Pie XII. je comprends très mal d'ailleurs que l'on s'en prenne maintenant à Pie XII, alors que pendant de nombreuses années, on s'est plu, ici, en Israël, à lui rendre hommage. Au lendemain de la libération de Rome, j'ai appartenu à une délégation de soldats de la brigade palestinienne qui a été reçue par le pape et qui lui a transmis la gratitude de l'Agence juive, qui était l'organisme dirigeant du Mouvement sioniste mondial, pour ce qu'il avait fait en faveur des juifs.» M. Pinhas Lapide fait ressortir que le jour de la mort de Pie XII, Mme Golda Meïr, ministre israélien des Affaires Étrangères, avait cordialement remercié le Pontife «parce que sa voix s'était levée en faveur des juifs». «Par le mot de «voix», poursuit M. Lapide, Mme Meïr voulait certainement entendre les nombreuses méditations du pape en faveur des juifs et elle considérait cette voix beaucoup plus précieuse qu'une protestation publique: une chose est certaine: de nombreux chefs d'État et de princes de l'Église - même d'autres Églises chrétiennes - qui se trouvaient en état d'aider le judaïsme avec des paroles et des faits, ont fait beaucoup moins que Pie XII contre le «crucifiement d'innombrables frères du Seigneur».
Le Monde, 3 janvier 1964.
 

«On se plaint que le pape ne parle pas. Il ne peut pas parler; s'il parlait, ce serait pire.» Citant ces paroles que prononça Pie XII au cours d'un entretien qu'il eut avec lui, le P. Paolo Dezza, ancien recteur de l'Université grégorienne, signale que l'archevêque de Cracovie, cardinal Adam Sapieha, et d'autres évêques polonais firent savoir [253] au Saint-Père qu'il valait mieux ne Pas Publier les lettres qu'il leur avait adressées pour dénoncer les atrocités des nazis et cela, disaient-ils, afin de ne pas aggraver le sort des victimes. Le religieux rappelle ensuite que le grand rabbin de Rome, M. Zoll, se fit baptiser, après la libération de la Ville éternelle, en reconnaissance de ce que le pape avait fait pour ses coreligionnaires. Il relève que ce fut M. Zoll qui, après avoir reçu le baptême, sollicita de Pie XII l'élimination de l'expression «perfides» qualifiant les juifs dans la liturgie de la Semaine sainte.

Les journaux du 2 au 5 janvier 1964.

 

LE GRAND RABBIN ULLMANN rend visite après la Libération au cardinal Van Roey pour le remercier de l'avoir personnellement sauvé de la déportation et pour ce qu'il a fait pour les juifs de Hollande.

EN SLOVAQUIE les «pressions» du Saint-Siège depuis 1941 obtiennent «l'arrêt des déportations des juifs en été 1943, et la survie du quart d'entre eux».

LE GRAND RABBIN DE Rome ISRAEL ZOLL s'est converti et fait baptiser sous le prénom de Pie XII, Eugenio, pour exprimer sa reconnaissance à Pie XII. «Le 29 septembre 1945, on vit entrer au Vatican, un groupe de juifs au visage marqué par la souffrance: 70 rescapés des fours crématoires venaient remercier Pie XII de son attitude pendant la guerre.»

Maïmonide, juin 1963.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL ROBERT M. W. KEMPNER DÉCLARE:

M. Robert M. W. Kempner, Israélite allemand et ancien procureur général américain au procès de Nuremberg, a fait au sujet de la pièce de Rolf Hochhuth Der Stellvertreter, [254] les déclarations suivantes. Il se fonde sur des documents officiels aussi bien que sur des entretiens privés:

«1· Seul un rapide effondrement militaire du régime hitlérien, et non une protestation de Pie XII qui ne pouvait s'appuyer sur des forces armées, aurait pu sauver de l'extermination les juifs européens jusque-là épargnés. Cela, le pape le savait fort bien, comme le savaient aussi Franklin D. Roosevelt et Winston Churchill. Si Pie XII en est venu à cette conviction, c'est qu'il était remarquablement informé et avait connaissance de certains faits dont nous ne citerons ici que quelques-uns:
2· En 1942 et 1943, le Président Roosevelt, les gouvernements en exil et la «déclaration de Moscou» avaient officiellement menacé d'un châtiment les assassins des juifs et autres criminels. Mais cette menace était demeurée sans effet. Le régime nazi ne se laissa pas intimider et, comme nous l'avons appris à Nuremberg, ses fonctionnaires inscrivirent en marge de la déclaration des remarques telles que «je me sens très honoré» ou «A mettre aux archives».
«3· Le pape n'avait malheureusement enregistré que des résultats décourageants en ce qui concerne ses nombreuses protestations relatives aux persécutions infligées à des prêtres catholiques et à certains juifs. Ces protestations demeurèrent sans effet et le Service de Sécurité du Reich, aussi bien que les rouages de la «justice» nazie, assassinèrent en Allemagne, en Autriche, en Pologne, en France et dans d'autres pays occupés, plus de 3.000 prêtres catholiques, comme en fait foi une Chronique des prêtres martyrs publiée par Mme B. M. Kempner.
«4· Lorsque le ministre des Affaires Étrangères du IIIe Reich, Joachim von Ribbentrop, qui avait à de nombreuses reprises donné des réponses mensongères aux interventions et aux protestations du pape, apprit que le Vatican envisageait éventuellement une prise de position officielle sur ces questions, il envoya à l'ambassadeur d'Allemagne auprès du Vatican, Ernst von Weizsäcker, la note
commi[255]natoire suivante (télégramme n· 181 du 24 janvier 1943): «Si le Vatican en venait sur le plan politique ou de la «propagande, à prendre position contre l'Allemagne, il «serait indispensable de lui faire comprendre sans équivoque qu'une détérioration des relations (entre l'Allemagne magne et le Saint-Siège) ne porterait pas seulement préjudice à l'Allemagne: le gouvernement du Reich, en effet, dis pose d'un matériel de propagande suffisamment efficace et de «possibilités d'action assez larges pour répondre efficacement «à toute tentative d'attaque du Vatican contre l'Allemagne.»
«5· Au plus tard après la victoire de Hitler, certaines mesures devaient être prises, parmi lesquelles celles-ci: a) tout État catholique doit élire son propre pape; b) l'évêque de Münster sera fusillé 3; c) la peste judéo-chrétienne doit prendre bientôt fin. Ces déclarations de Hitler, ainsi que d'autres similaires, sont extraites de passages encore inédits du journal d'Alfred Rosenberg (cf. la revue Der Monat, n· 10, 1949). Rosenberg lui-même attira, en 1943, l'attention sur ce point: «Le Vatican continue inlassablement son travail de sape.»
«6· Du fait de cette prise de Position et de l'avance des Alliés, Pie XII ne pouvait pas élever une protestation officielle. Mieux valait au contraire, opérer, par l'intermédiaire des archevêques, des interventions locales appropriées, comme par exemple en Slovaquie, en Hongrie et dans quelques autres pays. Le pape lui-même devait officiellement se taire, agir officieusement (comme il le fit d'ailleurs) et attendre une avance rapide des Alliés. Toute intervention officielle n'aurait pas seulement équivalu à un «suicide «provoqué» comme l'avait déclaré Rosenberg, mais encore hâté l'exécution d'un plus grand nombre de juifs et de prêtres catholiques.»

Katholische Nachrichten Agentur, n· 22, 1963.

[256]

Maurice EDELMANN, président de l'Association anglo-juive et député travailliste:

«Londres, 21 janvier. - M. Maurice Edelmann, député travailliste, président de l'Association anglo-juive, a déclaré aujourd'hui dans un discours au Conseil londonien de l'Association, que l'intervention de Pie XII avait permis de sauver des dizaines de milliers de juifs pendant la guerre. Il a révélé que le pape l'avait reçu, dès la fin de la guerre, et lui avait annoncé avoir donné secrètement des ordres au clergé catholique pour protéger les Israélites de la persécution nazie.»

Gazette de Liège, 23 janvier 1964.

Armand BARUCH a édité aux États-Unis, une brochure publiée tout spécialement par la grande association juive Bnaï Brith, pour défendre la mémoire de Pie XII.

 

«Je romps le silence parce que, en ces mois où se déroule l'action du Vicaire, j'étais membre de l'ambassade allemande près le Saint-Siège, et parce que je crois, avec mon expérience de douze années de nazisme et de terreur, pouvoir contribuer à porter un jugement sur les faits romains.
«La tâche de notre ambassade près le Vatican n'était pas facile, Hitler était capable dans son hystérisme de tout crime. Il avait toujours envisagé la possibilité de faire prisonnier le pape et de le déporter dans le «Grand Reich» - dans la période qui va de septembre 1943 à juin 1944 - c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée des Alliés. Si le pape s'était opposé à cette mesure, il était possible qu'on le fasse abattre «tandis qu'il tentait de s'enfuir» comme on l'a annoncé à ce moment-là à propos de certains morts... auf der Flucht erschossen!
«Nous pensions que notre principal devoir était d'empêcher au moins ce crime (l'assassinat du pape), méfait qui aurait été perpétré au nom du peuple allemand.
[257]
«M. von Weizsäcker devait lutter sur deux fronts - recommander au Saint-Siège - au pape donc - de ne pas entreprendre d'action inconsidérée, c'est-à-dire d'action dont peut-être il ne percevait pas toutes les dernières et catastrophiques conséquences... D'autre part, il devait chercher à persuader les nazis au moyen de rapports diplomatiques faits avec art que le Vatican faisait preuve de «bonne» volonté et que les innombrables actions particulières du Saint-Siège en faveur des juifs étaient choses insignifiantes à ne pas prendre au sérieux.
«Nous tous membres de l'ambassade d'Allemagne près le Vatican, bien que nous fussions d'avis différents sur la situation, nous étions sans exception d'accord sur un point . une protestation solennelle de Pie XII contre la persécution des juifs l'aurait probablement exposé, lui et toute la curie romaine, à un très grave danger et certainement alors en l'automne 1943, celle-ci n'aurait sauvé la vie à aucun juif. Hitler déchaîné, réagissait d'autant plus horriblement qu'il trouvait plus de résistance...»

ALBRECHT VON KESSEL, Collaborateur de Weizsäcker, ambassadeur d'Allemagne près le Vatican.

(Osservatore della Domenica, 28 juin 1964.)

Il serait injuste de ne pas citer encore les deux livres Pour ou contre «Le Vicaire» de Dom Claude Jean-Nesmy (Desclée de Brouwer) et Pie XII, le pape outragé, d'Alexis Curvers (Robert Laffont) qui, pour être passés à côté du vrai problème historique, n'en sont pas moins deux remarquables plaidoyers philosophiques. On y renvoie le lecteur.

 

***
APPENDICE IV


LE CARDINAL MERRY DEL VAL

ET LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

 

Le 27 juillet 1914, le comte Palffy, conseiller de l'ambassade d'Autriche au Vatican, vient s'enquérir auprès du secrétaire d'État de Pie X, de ses impressions sur l'ultimatum à la Serbie du 23 juillet. Dès le lendemain 28 juillet, des bruits courent selon lesquels le cardinal avait «exprimé l'espoir que la Double Monarchie irait jusqu'au bout», c'est-à-dire à la guerre. Aussitôt, il consigne dans un journal, l'entretien qu'il eut avec le comte Palffy, pour lui-même et pour l'histoire.

«Venu chez moi (le comte Palffy) pour connaître mes impressions sur l'ultimatum à la Serbie. je dis qu'il semblait très dur. «Votre Éminence croit-elle que la Serbie l'acceptera? me demanda le comte - J'en doute beaucoup, répondis-je, surtout sur quelques points 3. - Tout [259] «ou rien! s'exclama. le comte. - Mais alors, c'est la guerre, dis-je. - Oui, répliqua le comte, et moi j'espère que la Serbie ne l'acceptera pas. - Mais alors, il y a le péril d'une conflagration générale, observai-je. - Que vienne la catastrophe, cela vaudra mieux que de continuer dans la situation présente, dit le comte.
Je répondis seulement que cela me semblait fort grave. Il est vrai qu'après le crime atroce de Serajevo, je dis au comte Palffy que l'Autriche devait tenir dur et qu'elle avait droit aux plus solennelles réparations  4 et à sauvegarder son existence, mais je n'exprimai jamais l'espérance ou l'avis que l'Autriche ait recours aux armes. Rien d'autre ne fut dit. Ceci pour la vérité 5

Voici maintenant le texte de la dépêche que le comte Palffy envoya, le 29 juillet, au comte Berchtold, ministre austro-hongrois des Affaires Étrangères:

«Pendant la conversation que j'eus, il y a deux jours, avec le cardinal Secrétaire d'État , celui-ci en vint spontanément à me parler des grands problèmes et des grandes questions qui agitent en ce moment l'Europe. Il aurait été impossible de ressentir dans les paroles de Son Éminence, un esprit quelconque d'indulgence et de conciliation. Il caractérisa, c'est vrai, comme très rude, la note à la Serbie, mais il l'approuva néanmoins sans aucune réserve et exprima, en même temps, de manière indirecte, l'espoir que la Monarchie irait jusqu'au bout. Certes, ajoutait le cardinal, il était dommage que la Serbie n'eût pas été humiliée beaucoup plus tôt car, alors, cela aurait pu se [260] faire sans mettre en jeu, comme aujourd'hui, des possibilités tellement immenses. Cette déclaration correspond aussi à la façon de penser du pape car, au cours de ces dernières aimées, Sa Sainteté a exprimé à plusieurs reprises le regret que l'Autriche-Hongrie ait négligé de châtier son dangereux voisin danubien 6

La comparaison de ces deux textes dit tout le crédit qu'on peut accorder aux messages par lesquels les ambassadeurs rendent compte à leurs gouvernements des conversations qu'ils ont avec les personnages qualifiés de ceux auprès desquels ils sont accrédités, messages qui, dans le cas de l'accusation portée contre Pie XII, sont tout l'argument de M. Saül Friedländer.

Dans ses Mémoires publiés en 1923, le comte Sforza qui fut ambassadeur d'Italie à Paris avant le fascisme et ministre des Affaires étrangères de ce pays en 1945, cite la dépêche du comte Palffy, pour montrer que «le Vatican vit avec satisfaction au moins au début, une entreprise (la guerre) où l'écrasement de la Serbie aurait entraîné une diminution d'influence de la Russie» parce qu'il voyait en celle-ci, «l'obstacle principal à une réconciliation de l'Église d'Orient avec le Siège de Rome». Mais il ne cite pas la mise au point du cardinal Merry del Val que, d'ailleurs, il ne connaissait pas puisqu'elle n'a été rendue publique que le 23 mai 1936. Par contre, il cite une autre dépêche datée du 26 juillet 1914, du baron Ritter, chargé d'affaires de Bavière au Vatican, dépêche qui corrobore en ces termes, celle du comte Palffy: «Le pape approuve que l'Autriche procède sévèrement contre la Serbie. Il n'a pas une grande estime des armées de la Russie et de la France en cas de guerre contre l'Allemagne. Le cardinal Secrétaire d'État espère que, cette fois, l'Autriche ne cédera pas. Il ne voit pas quand l'Autriche ferait la guerre si elle ne se décide pas à présent à repousser par les armes [261] une agitation étrangère qui a conduit à l'assassinat du successeur du trône et qui, après tout, menace dans les conditions actuelles l'existence de l'Autriche. Tout cela prouve aussi la grande peur que la Curie a du panslavisme 7

Le cardinal Merry del Val était toujours de ce monde. Voici ce qu'il répliqua: «Le souvenir des journées angoissantes entre le 29 juin et le 20 août 1914 est encore si vivant en moi que je me rappelle tout ce que je dis dans mes conversations, soit avec le baron Ritter, soit avec d'autres diplomates, et avec quel soin je mesurai mes paroles. C'est très vrai qu'après l'horrible crime de Serajevo, je déclarai à plusieurs reprises que l'Autriche devait tenir dur, qu'elle avait plein droit aux réparations les plus solennelles et à sauvegarder efficacement son existence. Mais je ne me servis nullement des expressions qui me sont attribuées dans le télégramme du baron Ritter, ni n'exprimai jamais l'espoir que l'Autriche aurait recours aux armes. Cela constitue une glose et une interprétation que je n'admets d'aucune façon 8

MM. Pierre Dominique 9 et Jacques Nobécourt 10 qui, en 1964, connaissent tous ces textes, les citent et conviennent l'un et l'autre que les dépêches du comte Palffy et du baron Ritter sont suspectes, que la version du cardinal Merry del Val ne l'est pas, mais ils ne sont pas pris de court pour autant: ils mettent l'un et l'autre l'accent sur l'expression «tenir dur» (= tener forte, dans l'original) comme si elle avait été prononcée le 27 juillet 1914, et non comme le dit le cardinal «après le crime atroce de Serajevo».

Pour conclure que la responsabilité du Vatican, dans le premier conflit mondial, est engagée.

[262]

Mais il est clair que, située à sa véritable date, elle n'a pas le sens qu'ils lui donnent et n'engage en rien la responsabilité du Vatican.

Quand donc en aura-t-on fini avec ces façons d'écrire l'histoire?

 

***

APPENDICE V


LE PROBLÈME DES RÉPARATIONS DUES PAR L'ALLEMAGNE

 

En l'état actuel des choses, un accord signé à Londres le 27 février 1953 entre les anciens Alliés et l'Allemagne a repoussé jusqu'au moment de la signature du Traité de Paix avec l'Allemagne réunifiée, le règlement de toutes les revendications qui pourraient lui être présentées par tous les pays qui s'estiment lésés par elle du fait de la guerre. En échange de quoi l'Allemagne occidentale a accepté d'indemniser déjà toutes les personnes spoliées ou persécutées pour des raisons de race, de religion ou d'opinion politique, et cela s'est traduit par des lois d'indemnisation (Entschädigungsgesetz) et de restitution (Reicherstattungsgesetz) précisées à diverses reprises par des lois complémentaires (Bundesergänzungsgesetz) notamment le 1er octobre 1953, le 29 juin 1956, le 19 juillet 1957 et, tout récemment encore, le 24 juin 1964- On eût pu s'attendre à ce que l'Allemagne de l'Est s'associât à ces mesures. Que non point. Si bien que, de tous côtés, on met au point des factures, les unes au nom d'États lésés à présenter au moins théoriquement, au moment de la conclusion du Traité de Paix dont on espère qu'il consacrera définitivement la division actuelle de l'Allemagne, ce qui fait que celle de l'Ouest sera seule à les payer, les autres établies au nom des victimes individuelles du nazisme, qu'on peut déjà présenter à l'Allemagne occidentale seulement.

Au nombre des premières, n'ont encore été rendues [264] publiques que celles de la Yougoslavie (70 milliards de dollars, nous dit L'Express du 20 février 1964) et de la Grèce (20 milliards de dollars). On peut être sûr que, lorsque la Russie et ses satellites auront mis au point les leurs, la note qui sera présentée à l'Allemagne, réunifiée ou non, sera particulièrement gratinée.

Au nombre des secondes figurent les indemnisations pour dommages physiques (morts, ayant-droits, invalidité, etc.) et dols matériels (vols de biens) causés aux victimes du nazisme. A la suite d'accords passés à Luxembourg le 10 septembre 1952, entre, d'une part l'Allemagne occidentale, de l'autre la Conférence on Jewish Material Claims against Germany et l'État d'Israël, accords qui ont été précisés dans la suite par toutes les lois successives ci-dessus citées, l'Allemagne occidentale a fini par porter à 5.000 marks 1.250 dollars) l'indemnité pour dommages physiques à laquelle avait droit chaque victime du nazisme ou, en cas de mort, à 3.000 marks (750 dollars) pour chacun de ses ayant-droits. Et, dans le courant de l'année 1964, toutes les victimes du nazisme, juifs ou non, ont été indemnisées sur ces données.

Avec les 3 milliards de marks payables en dix annuités qui lui ont été accordés par les accords de Luxembourg et que dans la suite, diverses négociations (notamment celle que le procès Eichmann rendit inévitable en 1960-1961) ont portés à quatre, payables en quinze annuités, l'État d'Israël, qui s'est institué l'héritier des 6 millions de juifs donnés comme ayant été exterminés par les nazis, s'estime lésé: à 1.250 dollars pour chacun, il va de soi qu'il n'a pas son compte. D'où ses perpétuelles réclamations dans le sens d'une augmentation de l'indemnité qui lui a été octroyée. S'il obtient satisfaction...

De son côté, la Conférence on Jewish Material Claims against Germany ne perd pas de vue le problème de la restitution par l'Allemagne des biens qu'elle est accusée d'avoir volés aux juifs du monde entier. Réunie à Bruxelles les 8, [265] 9 et 10 mars 1964, elle a fait le bilan des sommes que l'Allemagne devra restituer aux juifs du monde entier à ce titre et La Terre retrouvée (1er avril 1964) nous en donne le détail:

 Juifs allemands . . . . . . . . . . . . . . . .  2.000 millions de dollars
    -       slovaques . . . . . . . . . . . . . . . .  140 - -
     -       polonais . . . . . . . . . . . . . . . .  3.000 - -
     -       belges . . . . . . . . . . . . . . . .  618 - -
     -       roumains . . . . . . . . . . . . . . . .  1.000 - -
     -       tchécoslovaques . . . . . . . . .  650 - -
     -       hongrois . . . . . . . . . . . . . . . .  570 - -
     -       français . . . . . . . . . . . . . . . .  950 - -
     -       hollandais . . . . . . . . . . . . . . .  450 - -
     -       grecs . . . . . . . . . . . . . . . . . . .  120 - -
                            Total  9.498 millions de dollars

 En gros: 10 milliards de dollars.

 

Sur ces données connues et fort incomplètes, le total général qu'on obtient atteint déjà des proportions astronomiques: plus de 100 milliards de dollars! On frémit à [266] la pensée de ce que deviendra ce total quand tout le monde aura présenté sa facture.

Par comparaison, ai-je dit , ce qui fut réclamé à l'Allemagne par le Traité de Versailles n'était qu'une bagatelle.

La preuve est faite.


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