AAARGH
" Ah ! qu'en termes galants ces choses-là sont mises. "
Molière, Le Misanthrope. I, 2 - Philinte.
Colombes, le 8 octobre 1997
Maître,
Le 25 septembre, je suis venu au Palais de Justice de Paris pour assister au procès du professeur Faurisson qui affrontait, une fois de plus, le tribunal de la XVII. chambre correctionnelle.
Sans surprise, j'ai constaté qu'au nom de plusieurs associations spécialisées dans le culte d'une certaine mémoire, vous étiez le contradicteur habituel de votre confrère, Maître Eric Delcroix, infatigable défenseur du professeur. J'ai donc entendu votre plaidoirie.
A un certain moment, vous vous en êtes pris à ma thèse soutenue à Nantes le 15 juin 1985. Vous avez délibérément choisi mon analyse critique des "confessions" du SS Gerstein, dans ses six versions, pour tenter de démontrer "l'ineptie" de la méthode révisionniste. Vous avez relevé deux ou trois absurdités des célèbres "confessions" en les qualifiant d'erreurs, voire d'étourderies qui ne remettent pas en cause, pour l'essentiel, la valeur du témoignage de Gerstein.
Vous vous êtes gaussé des conclusions de mon travail universitaire qui visait à refuser toute fiabilité à un texte relevant, selon moi, du mauvais roman feuilleton. Selon vous, et contrairement à l'opinion de l'historien Raul Hilberg qui, après avoir lu ma thèse, avait retiré pour la deuxième édition, les 24 citations de ce "document" que comportait la première édition de son livre, ce serait un document historique digne d'être régulièrement utilisé dans les ouvrages qui traitent des chambres à gaz homicides hitlériennes.
Puis, vous vous êtes exclamé : " Prise en défaut [?] la thèse, qui avait été acceptée et couronnée par le jury, a heureusement été annulée par le ministre de l'enseignement supérieur à l'époque, Alain Devaquet. Malgré cela, avez-vous ajouté, cette thèse a été éditée en français, traduite en anglais et en allemand, On la trouve partout. "
Vous êtes évidemment libre d'exprimer votre opinion qui est défavorable à ma thèse. Je suis un inconditionnel de la liberté d'expression.
Je me console aisément, d'ailleurs, en rappelant le soutien sans faille qui me fut apporté par le doyen Michel de Bouard, membre de l'Institut, ancien déporté à Mauthausen, membre du comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Si j'avais besoin d'être rassuré, je relirais les appréciations flatteuses pour la rigueur de mon travail; celles-ci émanaient d'historiens aussi éminents que l'académicien français Alain Decaux, l'Allemand Ernst Nolte, le Belge Jean Stengers, le Britannique Hugh Trevor Roper (Lord Dacre). Ces historiens qui ne sont pas révisionnistes, sont toutefois guidés par un réel effort d'honnêteté intellectuelle.
Vous comprendrez, je l'espère, que l'avis d'un membre du barreau, porte-parole attitré d'associations gardiennes jalouses d'un dogme historique, ne m'importe guère plus qu'un pet de lapin.
Puisque l'occasion m'en est offerte, je tiens à adresser publiquement mes remerciements à deux personnages qui, bien malgré eux, ont fait le succès de ma thèse.
Je remercie donc le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, dont je fus l'invité, accompagné de Maître Eric Delcroix, à l'émission "Découvertes " sur Europe I le 23 mai 1986. Bénéficiant du professionnalisme incontesté de Jean-Pierre Elkabbach, l'envol médiatique de mon " affaire " date de ce soir-là.
Je remercie également le ministre délégué, Alain Devaquet qui, le 2 juillet 1986, au cours d'une conférence de presse tapageuse, annonça l'imminente annulation de ma thèse, à moins que ce soit seulement celle de la soutenance. On ne sait pas très bien.
Toujours est-il que je n'ai pas tardé à récolter les fruits du scandale que Monsieur Devaquet provoqua ce jour-là.
Ainsi, au lieu de dormir sous la poussière d'un rayonnage de bibliothèque universitaire, ma thèse, à ma grande surprise, a fait le tour du monde. Vous le dites vous-même, on la trouve partout, notamment sur Internet, en français, et bientôt en anglais et en allemand.
Je reviens à votre plaidoirie.
Vous avez évoqué le jugement du 13 juin 1995 qui vit condamner le professeur Faurisson, au titre de la loi Fabius-Gayssot, pour son ouvrage intitulé Réponse à Jean-Claude Pressac. Je fus également condamné dans le même procès comme éditeur du livre.
Eberlué, je vous ai entendu déclarer :
"Y'avait Roques qu'était là en supplément ou en suppositoire... " Diable! Que vient faire là ce médicament solide, dont je n'ai ni la forme conique, ni la surface glycérinée ?
Dois-je prendre ce mot pour une injure ? Je penche plutôt pour un lapsus linguae. Votre langue a fourché. Vous cherchiez un autre mot, " supplétif" peut-être? Et c'est le suppositoire qui est sorti de votre bouche (si j'ose dire). On parle constamment de lapsus révélateur. Dans le Petit Larousse (édition de 1995) on peut lire : " Freud voit dans le lapsus l'émergence de désirs inconscients ".
Désirs inconscients ? Je me refuse à croire, Maître, que sans le savoir encore, vous brûliez d'impatience d'avoir un suppositoire révisionniste dans le rectum.
Ce serait du masochisme, mais il faut s'attendre à tout en ce temps où la repentance est fort à la mode.
Si l'on écarte l'hypothèse des "désirs inconscients", on voit surgir celle de la prémonition.
Seriez-vous accablé par les démonstrations du professeur Faurisson que les adversaires eux-mêmes estiment de plus en plus brillantes?
Votre moral serait-il sournoisement sapé par les magistrales plaidoiries de votre confrère Me Delcroix, qui, à chaque procès, présente de nouveaux arguments juridiques pour combattre la "police de la pensée", selon l'expression d'Annie Kriegel?
Eprouvez-vous une grande lassitude? Avez-vous le pressentiment de parvenir à un tournant décisif de votre carrière, voire même de votre vie? J'ai rappelé plus haut les espérances brisées d'Alain Devaquet et de Jean-Pierre Elkabbach, -- bénis soient leurs noms -- en dépit de leurs grands efforts pour diaboliser et ridiculiser ma thèse.
Or depuis dix-huit ans environ, lors de procès faurissoniens, nous avons bénéficié des talents successifs de Maître Bernard Jouanneau, Korman, Quentin et d'autres encore. Pour mémoire, je cite Maîtres Robert Badinter et Kiejman, appelés ultérieurement, l'un et l'autre, à de hautes fonctions. L'un après l'autre, ces maîtres du barreau ont jeté l'éponge.
Quant à vous, cher Maître, la prémonition du suppositoire incite à penser qu'un jour, peut-être proche, à votre tour, vous passerez la main. Car, suppositoire ou pas, vous en aurez plein... le dos.
Henri Roques