Dans
quelle mesure les révisionnistes sont-ils présents
dans les élections européennes qui vont se tenir
en juin 1999 ? Il est probable que leur présence dans
le monde politique est à peine moins forte que dans l'opinion
publique, où les estimations sérieuses situent entre
20 et 30 % la proportion de ceux qui ne croient pas à
tout ce qu'on leur raconte sur la disparition des juifs, nonobstant
les lois qui leur en font obligation.
Comme il faut s'y attendre, les révisionnistes sont, en
matière politique, répartis sur tout l'éventail
politique. Ils sont présents aussi bien chez les villiéristes
que chez les communistes, chez les socialistes comme chez les
gaullistes, chez les francs-macs comme chez les thalas, chez les
mégrétistes comme chez les Verts. Les seuls groupes
dont ils sont à peu près absents sont les trotskistes
et autres gauchistes larvaires en raison des violentes épurations
des dernières années. Mais pour le reste, ceux qui
ont des convictions révisionnistes, souvent appuyées
sur un effort personnel de lecture et d'information, savent qu'il
faut fermer sa gueule, qu'il faut s'en tenir à l'intime
conviction et pour le reste, pour la carrière, il faut
aboyer avec la meute. Nous le savons. Comme nous ne ressemblons
en rien aux petites frappes d'Act-Up, nous ne ferons pas d'outing.
Nous ne dénoncerons pas nos alliés muets et nos
amis cachés. Nous savons aussi ce que nous leur devons
et notre gratitude leur est acquise, ils le savent.
Mais la question devient publique dans le cas des Cohn-Bendit.
On sait les deux frères très liés et déjà,
dans le courant du Mai 68, quand Dany écrivait des livres,
on savait que Gaby tenait souvent la plume. Bien qu'ils aient
chacun leur vie, il y a comme une symbiose en politique où,
pour caricaturer, l'un pense et l'autre parle. Beaucoup de ceux
qui font l'AAARGH ont été proches, à un moment
ou à un autre, des frères Cohn-Bendit et l'amitié
militante s'est souvent vécue dans l'amitié cordiale.
Bien qu'elle ne nous concerne en rien, la nouvelle aventure politique
des Gebrüder CB nous paraît sympathique. A côté
des ectoplasmes qui se présentent à nos suffrages,
Dany-le-parleur et Gaby-le-penseur donnent de la couleur à
la grisaille. Il est temps ici de justifier cette pseudo-gémellité:
Le Monde du 15-16 novembre 1998 note en effet, p. 9: "Pour
sa campagne européenne, il a promu son frère "conseiller
politique", malgré les dénis des dirigeants
de l'avenue Parmentier. Passé par Génération
Ecologie, en 1988, ce militant arrive chez les Verts sur le tard,
avec Noël Mamère, traîne pourtant quelques casseroles
sonores depuis que, en 1980, il a défendu (au coté
d'Eric Delcroix, avocat de Faurisson, aujourd'hui conseiller régional
FN de Picardie), dans Intolérable intolérance,
aux éditions de La Vieille Taupe, la liberté de
recherche pour les historiens révisionnistes. "Mon
frère a toujours été un libertaire radical.
Quand on en arrive à un certain niveau de contradiction,
on peut trébucher. ", justifie [Daniel Cohn-Bendit
]". [Le livre en question a été publié
aux Editions de la Différence, qui existent toujours.]
Et lorsqu'on voit Dany à la télévision, on
voit aussi souvent son frère à l'arrière-plan,
muni maintenant d'une réjouissante bedaine et barbu comme
un autre nain de Blanche-Neige.
L'aîné Gabriel, instituteur, syndicaliste, militant
libertaire, avait tenté de se présenter à
Saint-Nazaire, où il habite, aux élections municipales.
Tapant sur les "casseroles", la presse locale l'avait
contraint à se retirer. Nous avons cru entendre qu'il nous
attribuait la cause de ce tintamarre. Au vrai, nous n'y étions
pour rien. Nous aurions trouvé très amusante l'idée
de le voir élu à un conseil municipal.
Mais comme nous ne sommes pas pour autant partisans d'occulter
le passé, il nous paraît normal de remettre sous
les yeux de ceux qui les ont écrits des textes qui nous
paraissent éminemment honorables. Ces textes appartiennent
aux lecteurs. C'est une conséquence simple et inéluctable
du fait que l'auteur les a donnés à publier. Ils
ont cette vertu supplémentaire à nos yeux de faire
la démonstration que l'on pouvait écrire des textes
il y a vingt ans que l'on ne pourrait plus écrire aujourd'hui
-- sans l'abominable couverture de l'anonymat.
Certes, nous savons que les auteurs de ces textes en rejetteront
aujourd'hui la paternité: c'est la condition nécessaire
à la continuation de leurs activités. Nous le savons
et nous ne leur en ferons nullement grief.
Lorsque Dany dit que son frère a pu "trébucher",
il jette les bases d'un système d'excuse de son grand frère.
Mais à ceux qui se souviennent -- et il y en a -- de ce
qu'il déclarait, il y a tout juste vingt ans, à
Harris et Sédouy:
« Vous-même, et les gauchistes de 68, avez été les premiers dans la gauche française à renvoyer dos à dos la droite et les communistes, pour ce qui est de la conception de la liberté...
Écoutez, il faut être sérieux ! Il y aurait d'un côté les camps de concentration « avec droits de l'homme », qui seraient les camps staliniens, et d'un autre côté les camps de concentration « sans droits de l'homme », qui seraient les camps nazis... La chambre à gaz, ce serait à ranger dans les camps « sans droits de l'homme »... Vous comprenez, disent les staliniens, en Sibérie il y avait quand même les droits de l'homme ! Il y a eu tant de millions de morts, mais sans chambre à gaz... juste avec le travail, le froid et la faim... On essaie de définir l'horreur nazie seulement par les chambres à gaz... Mais même sans chambres à gaz, ce serait l'horreur!
De ce fait, vous pensez qu'on fait un mauvais procès au professeur Faurisson qui prétend que les chambres à gaz n'existaient pas?
Non... Je me fous complètement de ce que dit Faurisson. Ce que je trouve impensable, c'est qu'après le stalinisme, quelqu'un puisse dire : « On ne peut pas discuter là-dessus... » Pourquoi on ne discuterait pas ? Depuis quand un historien sérieux refuse de discuter ? On apporte des arguments mais on ne refuse pas de discuter... Tout se discute ! Autrement, c'est le stalinisme... Parce qu'il faut voir la logique du raisonnement. Si on ne peut pas discuter des chambres à gaz, si ce que raconte Faurisson c'est tabou, alors les staliniens vont s'estimer approuvés, parce que pendant vingt ans, ils ont nié l'existence des camps de concentration soviétiques... Eux aussi refusaient de discuter... encore une fois, je ne connais pas Faurisson, mais c'est le principe ! Qu'il y ait eu des chambres à gaz, c'est évident pour moi... Mais dire : « Celui-là, on ne lui répond pas », c'est le stalinisme. »
Voilà qui est clair. C'est exactement
le stalinisme. Nous espérons qu'au cours de sa campagne,
Daniel Cohn-Bendit saura trouver les mots pour dénoncer
se stalinisme. Cette citation se trouve dans le livre d'André
Harris et Alain de Sédouy, Juifs et Français,
paru au Livre de poche en 1979, à la page 195. Un peu avant,
p. 191: il dit : « L'Europe, ça me
fait marrer. C'est pas pour demain ! »
Le libertaire a changé. Il s'est débarrassé
de tout un tas de principes qui pourraient gêner aux entournures
élektorales. La presse a dit qu'il avait beaucoup contribué
à convaincre les Verts allemands des bienfaits de l'intervention
en Bosnie. Il soutient actuellement l'intervention otanique en
Yougoslavie. Il se gagne ainsi le mépris durable des honnêtes
gens. Son frère Gabriel avale-t-il joyeusement d'aussi
énormes couleuvres? Il est temps de passer à l'examen
de sa prose. Certains ont cru pouvoir dire qu'il était
un affreux révisionniste; il s'en défend comme un
beau diable, à preuve ce passage que l'on retrouvera dans
les documents:
A chacun de juger !!! Chez nous aussi
la plume est serve (ce qui est écrit est écrit)
mais la pensée est libre (comprenne qui pourra).
« Question de principe »,
Libération, 5 mars 1979. (publié ensuite
dans le volume Intolérable intolérance, texte intégral sur le site de l'AAARGH.)
« Le faux-témoignage
est un art difficile », juin 1980, en collaboration
avec Serge Thion.
Je plaide non-coupable, été
1980.
Mon analyse
du « Journal de Kremer », 1981.
« Gaby Cohn-Bendit,
pourfendeur de mythes », Le canard de nantes
à brest, mars 1981.