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DA ZI BAO / TABLEAU MURAL

 

 

 

CELINE VOUS EMMERDE

 

 

Voici les trois pamphlets qui ont disparu de la circulation depuis près de soixante ans. Ce sont des écrits antisémites. C'est incontestable. Céline, après la guerre, ne souhaitait pas qu'on les réimprime, il en avait soupé. Gallimard, quand il a repris les oeuvres de Céline, a soigneusement fait l'impasse sur les pamphlets. La veuve envoie les avocats quand on murmure qu'ils se réimpriment en loucedé. Bref, il y a une vaste conjuration des imbéciles, des bien-pensants, des trouillards, des céliniens du dimanche, des hommes de loi, des âmes bien nées et de l'immense foule des hypocrites qui voudraient bien les lire à condition qu'ils restent interdits, pour empêcher les quidams, les Français moyens, les lecteurs normaux, comme vous et moi, de lire ces trois livres, qui n'en font qu'un. On en parle, on en cause, on évoque, on palpite, on allusionne, on réfère, on cite même, mais on n'imprime pas. Il faut avoir des accointances dans les librairies de la rue Saint Sulpice et pas mal de talbins en fouille pour se procurer des réimpressions clandestines de qualité variable.
Nous faisons sauter le verrou de cette noire hypocrisie. Nous mettons les pamphlets en ligne. Les lira qui peut. Chacun, à ses risques et périls. Une seule chose est certaine: ils forment un chef d'oeuvre de la littérature française. Et c'est pour nous beaucoup d'honneur que d'avoir l'occasion de servir cette belle déesse.

Le succès des pamphlets antisémites de Céline est fulgurant dès leurs premières éditions par Denoël. Jean-Pierre Martin, professeur de littérature à l'université Lyon II et auteur d'un Contre Céline, ou d'une gêne persistance (José Corti, 1995), note : « Bagatelles pour un massacre est un énorme succès : plus de 20.000 exemplaires pour le premier tirage, très vite épuisé, et autour de 75.000 vers la fin de la guerre. » Pendant l'Occupation, Céline ne s'est d'ailleurs pas contenté de simples retirages de ses brûlots. L'École des cadavres (1939) reparaît augmentée d'une préface explicitement raciste et pro-nazie (« européenne »). Les  Bagatelles pour un massacre (1938) se voient alors illustrées de vingt photographies antisémites légendées par Céline lui-même. Et c'est en 1941 qu'explose, dans Les beaux draps (Nouvelles éditions françaises), le délire célinien : « Plus de Juifs que jamais dans les rues... dans la presse... au barreau... en Sorbonne... en médecine... au théâtre, à l'Opéra, au Français ; dans l'industrie, dans les banques. » (Antoine Peillon )

Céline s'impegna anche in un antisemitismo outré,  cui s'era iniziato negli anni precedenti.
Nel 1936 si reca nell'URSS da dove ritorna ferocemente ostile ad un regime che si dice egualitario senza esserlo. Pubblica il primo di quattro pamphlets, Mea culpa, cui seguireanno Bagattelle per un massacro, in cui il delirio antisemita trova il suo esito ultimo, La scuola dei cadaveri (1938), dove auspica un'allenza franco-tedesca, e infine Les beaux Draps, 1941, dove estende il suo razzismo ai negri e ai gialli, popolazioni che Céline intende " rigenerare". Durante la seconda guerra sceglie le file collaborazioniste, ma vive la guerra in disparte, posando da  franco-tiratore e anarchico.

De la larga lista de sus obras, cuatro continúan prohibidas a casi medio siglo de haber sido escritas: Bagatelles pour un massacre, L'école des cadavres, Les Beaux Draps y Mea Culpa. Y esto en Francia, país que se reconoce a sí mismo como cuna del liberalismo, precursor de la moderna democracia, practicante del lema Igualdad, fraternidad, solidaridad.

Mit zwei extrem antisemitischen Büchern, «L'Ecole des cadavres» und «Bagatelles pour un massacre» (beide 1938), geriet er in das Fahrwasser des Faschismus und mußte deshalb der Vichy-Regierung 1944 nach Sigmaringen folgen


« Le Contrôle militaire des Informations (Ministère de la Guerre) porte à la connaissance des libraires la liste des ouvrages d'esprit collaborationniste et tombant sous le coup des consignes militaires, qu'ils sont instamment priés de retirer de la vente et de retourner aux éditeurs.... Céline, Bagatelles, L'Ecole, Les beaux-Draps... (Bulletin du Centre de Documentation juive contemporaine, n° 1, avril 1945.) Soixante ans plus tard, nous sommes toujours sous le Contrôle militaire des Informations...


Même sur la porte des chiottes, il faut qu'ils effacent Céline :

Strasbourg, 23 deptembre 2008:

Ce n'est pas le contenu de la citation qui posait problème, mais la personnalité, l'histoire de son auteur. Les mots de Louis-Ferdinand Céline avaient trouvé leur place sur la porte des toilettes (celle des hommes, au rez-de-chaussée) de la grande médiathèque André-Malraux, un édifice effectivement parsemé de citations de grands auteurs, aussi bien peints sur ses murs extérieurs que gravés dans le sol de ses couloirs intérieurs.

Quelques jours avant l'inauguration de la médiathèque, la citation du génial auteur (194-1961) du Voyage au bout de la nuit et de Mort à crédit, a été promptement effacée. Céline ne peut pas seulement être réduit à un grand écrivain: il est aussi l'auteur d'écrits violemment antisémites et racistes. A la Libération, il fut condamné à un an de prison et à l'indignité nationale. Il sera toutefois amnistié en 1951. [C'est faux. la justice a simplement constaté que le dossier était vide]

Une citation de Céline, ce n'est donc pas chose anodine. Elle ne peut être livrée sans précaution à la foule qui fréquentera la médiathèque, parmi laquelle de nombreux enfants. C'est ce qu'a considéré le sociologue Freddy Raphaël [sioniste et complice des assassins israéliens], ancien doyen de la faculté des sciences sociales, lorsqu'il a décidé d'en alerter par écrit le maire de Strasbourg [donc Raphaël est à la fois un délateur et un maître - chanteur]. Roland Ries a immédiatement [fait caca dans sa culotte et] fait procéder à la suppression de la citation. Elle était déjà invisible lors des portes ouvertes de ce week-end.

Denis Tricard (les dernières nouvelles d'Alsace). On aimerait bien que ce soit vraiment les dernières...

Comme quoi il suffit d'un seul juif pour imposer sa terreur. Alors quand il y en a mille...


 

13 octobre 2008


Un pamphlet de Céline à nouveau disponible

Pierre Assouline


    C'est bien la première fois que je reçois dans un paquet posté au Paraguay, ancienne terre promise des nazis en déroute, un livre neuf en français d'un auteur français désormais disponible en France chez un diffuseur parisien et un libraire niçois. Il est vrai qu'il s'agit du dernier des trois pamphlets antisémites de Louis-Ferdinand Céline Les Beaux draps et qu'on ne le trouvait en principe jusqu'à aujourd'hui dans son édition originale que chez les bouquinistes des quais de Seine à 150 euros en moyenne, en microfilm dans les grandes bibliothèques et sur le site Dernières nouvelles du front parfaitement référencé en tête sur Google. Non qu'il soit interdit, contrairement à ce que rapporte la rumeur, mais Lucette Destouches, la veuve et ayant-droit de l'écrivain, ainsi que son avocat François Gibault, également biographe de Céline, se sont toujours opposés à la réédition de ces livres maudits afin de respecter sa volonté de ne plus les rééditer après 1945, et surtout pour ne pas réveiller la colère et le scandale qu'elle ne manquerait pas d'entraîner. Pétitions, tribunes enflammées dans la presse, procès pour apologie de la haine raciale. Jusqu'à présent, les milieux céliniens s'accordaient sur le fait qu'après la disparition de Lucette Destouches, aujourd'hui âgée de plus de 90 ans, les dits pamphlets seraient discrètement réédités au sein d'une grosse Pléiade Céline. Sauf que certains n'attendent pas.

J'ai donc reçu Les Beaux draps, édition tirée à 5010 exemplaires, publié par les éditions de la Reconquête, créées "en exil" en 2006, lesquelles se placent sous l'autorité de Léon Bloy :"Le Verbe s'est incarné pour la Rédemption du Péché. Faudra-t-il que le Saint-Esprit s'incarne pour la rédemption de la sottise ?" Il est vrai que le catalogue a une résonance fortement religieuse. Dans la lettre accompagnant le volume, le responsable de cette maison "paraguayenne", Philippe Regniez, lui-même auteur d'ouvrages sur Claudel notamment, me précise qu'il a aussi réédité Ecrits de guerre, Mea Culpa et A l'agité du bocal, manifestement sans guère plus d'autorisation. Et aussi Alain Laubreaux, Léon Degrelle, Lucien Rebatet et autres classiques de la collaboration, de même que des ouvrages prisés par l'extrême-droite, en particulier dans les milieux intégristes. Cette édition des Beaux draps (48 euros + 10, 250 pages) reprend celle de 1941 aux Nouvelles éditions françaises. Elle est complétée par une courte étude de Robert Brasillach sur "Céline prophète" tirée des Quatre jeudis. En liminaire, l'éditeur tient à préciser :
"Il est bien évident que cette publication est d'intérêt purement littéraire. L'auteur, Louis-Ferdinand Céline, est sans conteste l'un des principaux écrivains du siècle dernier, et le texte ici présenté fait partie d'une oeuvre complexe qui mérite d'être étudiée dans son ensemble. Les vues et opinions exposées dans cet ouvrage étaient celles de l'auteur à un moment particulier de l'histoire, et à un moment particulier de son développement personnel. Qu'il soit clair que les Les éditions de la Reconquête ne drainent aucune idéologie raciste ou antisémite"

  C'est même tellement clair et évident qu'on se demande pourquoi ils éprouvent le besoin de se justifier. Comme si cela allait empêcher les ayant-droit de réagir ! Il est des garde-fous qui ne gardent vraiment rien. La question n'est pas de savoir ce que vaut ce pamphlet, s'il a sa place dans l'oeuvre de Céline, etc. Toutes ces questions ont été déjà maintes fois battues et rebattues partout -- et ici en particulier. Simplement, lorsqu'on découvre qu'une édition illégale est à nouveau disponible en France, on peut soit étouffer l'information [
comme le font les céliniens patentés qui sont des trouillards de la pire espèce] soit la faire connaître. J'ai choisi de ne pas l'ignorer, et tant pis s'il y en a encore pour croire qu'on tue le message en essayant de tuer le messager.

http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/10/13/un-pamphlet-de-celine-a-nouveau-disponible/

L'adresse de ce sauveur de l'humanité :

Editions de la Reconquête

Catalogue : http://www.editionsdelareconquete.com/

Les livres sont en vente à:

Duquesne Diffusion, 27 av. Duquesne, 75007 Paris, ou
Librairie du Paillon, 2 rue Georges Ville, 06300 Nice

Signalons une réimpression anastatique récente de la traduction de 1938 de Bagatelle per un massacro (Corbaccio, Milan) en vente à la Libreria di Ar, Largo Dogana Regia, I=84121 Salerno, Italia.


 


EN AMERIQUE AUSSI, IL Y A DES AMATEURS DE CÉLINE...

 

 

Céline, Smasher of Every Known Taboo


by
Michael Hoffman

 

The French they are a funny race, as the limerick says, and from rebel Archbishop Marcel Lefebvre, who tied the Vatican in sacerdotal knots for a decade, to Paul Rassinier, Robert Faurisson, Henri Roques, Roger Garaudy and now Abbé Pierre, Frenchmen have regularly monkey-wrenched the manufactured consensus of our aspirant mind-molders, sending the Learned Elders into paroxysms of show-trial prosecutors and media maledictions. The godfather of this on-going intellectual insurrection is Louis-Ferdinand Céline. The Times of London recently termed his writings, "The most spectacularly virtuoso anti-Semitic diatribes in modern letters."

These "diatribes" are sprinkled throughout much of his literary output, but especially in three books: Bagatelles pour un massacre, (Trifles for a Massacre); L'Ecole des cadavres (The School for Cadavers) and Les beaux draps (A Fine Mess). These works earned him a death sentence from the post-WWII French government. [Untrue.ed.]

Louis-Ferdinand Destouches was born in Paris in 1894 of Celtic parents from Brittany. His father was a clerk; his mother a lace-maker. He would later take his mother's first name, Céline, as his pseudonym. For his service in the French army in WWI, he was awarded the Medaille Militaire...and invalided out of the army with the rate of 75% invalidity. One arm was severely affected and damage to his eardrums left him with permanent tinnitus (ringing in the ears). (1)

In the 1920s Céline worked for the medical department of the League of Nations, later traveling to America where he labored as a doctor in the Ford Motor Company.

Céline's first novel, Journey to the End of the Night, was published in 1932 by the major French house, Denoël. Its avant-garde theme created a sensation. It was translated into a dozen languages and acclaimed as one of the monumental works of French literature. Wrote the critic, Lucien Rebatet: "Céline...since Proust the greatest event in French literature."

The prize-winning book was followed in 1936 by another bestseller, Death on the Installment Plan. By now a cataclysmic, strangely vital voice had emerged in France. Never mind that it constituted the blackest vision and harshest truths articulated in modern literature.

Céline was soon a hero to the left for both his innovative, slap-dash writing style and the ferocity of his critique of bourgeois society. After a 1936 trip to Soviet Russia, however, he denounced the Reds as just another gang of swindlers:

The program of communism? In spite of all assertions to the contrary: completely materialistic. The claims of the brute for the usage of brutes...to stuff the belly. Take a look at the mug of fat Marx, his belly full. (2)

Céline was not opposed to communism in principle. He believed the white race was dying due to a lack of community consciousness and the prevalence of a ferocious egotism that he spotted behind the jingoism of Soviet propaganda:


In Leningrad, all around the hotels for tourists, many loiter who would buy anything from you, from head to foot, from your shirt to your overshoes. This basic individualism directs the whole farce, in spite of everything, undermines everything, corrupts everything. A frenzied, feverish, bitter, gibbering egotism, that permeates and corrodes a destitution that is atrocious enough in itself -- a desperate egotism that saturates everything and makes it stink all the more...Self-interest may be curbed, but it is not merged.

Céline's profound and vicious reaction against the modern world was expressed in his rage against the machine, the cult of which Lenin, Ford and Stalin had raised to a pinnacle of optimism and idolatry:

As for the spirit of Man, as for his happiness in Russia there is the Machine....To tell the truth, Machinery rots, corrupts, condemns and kills all who come near it. But Machinery is now "good form." It means "mass production," it means "progress"....So it makes a great hit with the masses. It makes them feel like technicians and specialists; it inspires loyalty....Machinery is infection itself. The supreme defeat. What a sorry joke! The best machine ever invented has never effected deliverance for anyone. It has brutalized Man more cruelly and that is all there is to it!...All the Ford factories resemble each other, whether in the Soviets or anywhere else. To rely on machinery....means to evade the real question, the closest, the only, the crucial one, hidden in the depths of every regular gu, in his own heart, in his own guts and nowhere else! ...As long as he is standing up, on all fours, lying down or even upside down, Man has never had, in the air, or on this ear th, but one single Tyrant: Himself!... And he will never have any other....Maybe a real Tyrant could have tamed him, made a social being out of him after all. (3)

Paradoxically, Céline, the dyed-in-the-wool revolutionary, was bitterly hostile to all modern rebellions. He knew what he wanted -- an organic white community -- and he knew it had to be built on poetry. But he believed that contemporary Aryan man was cursed; that modern "progress" was a mirage and hope an imposture. "The only true revolution would be the one that would abolish man's despicable nature." (4)

Céline's definition of hell was 20th-century modernism, which blinded man, lured him materialism and exhausted him -- all for the sake of profit.

We are croaking because we have no legends, no mysteries ....Without artistic creation by everyone there can be no lasting society....The only defense, the only resource of the white man against robotism, and undoubtedly against war...is to return to his own emotive rhythm.

The raging French author would be ostracized for pronouncing the unthinkable: that God was "undergoing repairs" (Dieu est en réparation), and human nature was terminally defective. In conveying his negation of Faustian Man from the perspective of his ancient Breton peasant cunning, he did so in a rapturous, corrosive prose which invokes horror, hilarity and the kind of lucidity found only in the graveyard, only in the 20th-century apocalypse, at the center of which Louis-Ferdinand Céline has staked out his claim. Though he has no faith in mankind, he saluted and propagated the revolt of the German people in the early years of National Socialism, calling it in his remarkable and prescient language, "The butter rebellion....The insurrection of the eternally skimmed!"

What's this! What's this! Insolence! Horror! The Aryan, that so docile, always bending butter-brain, who always on every occasion has submitted to Jewish will; whom the Jewish knife has ground up, splattered, mashed, spread like butter for all eternity; that perfect comestible for commerce par excellence, for all war and peacetime trafficking, whom any bleary Kike can slice up, chop up, speculate on, barter, stew, vilify, shit on at leisure, here he is getting together with his own now, en masse, suddenly standing up! The butter rebellion!....That's never been seen before! Heard of! Suspected possible, ever!

In Céline's estimation:

"The trick of the Jew who is "hunted" and "martyred" never fails to work on the stupid cuckold of an Aryan. It is they who are persecuting us...We are the martyrs' victims."

Céline was all in favor of communism, not Marxism or Russian communism, but communism of a very special type, which had thus far only prevailed in the distant past of Europe and which he hoped National Socialism would embody. He outlined this in 1938 in his volcanic work of black comedy and intractable anti-humanism, The School for Cadavers, which he dedicated to the pagan emperor, Julian the Apostate. Identifying himself as a "Communist of the soul," he proclaimed: "The Jew is afraid of only one thing,: communism without Jews."

Frédéric Vitoux noted:

Deep down, Céline was very jealous of what he called Jewish solidarity. He hardly denounces it in his writing. Mostly he scolds others, Aryans, Bretons...for their terrible lack of it....The Aryan has no family.....That's the essential horror of it...We are anti-solidarity out of principle, religion and damnable habit...[therefore] we must lose. (5)

In most French eyes Céline appeared to be an anarchist and individualist. Actually he was pro-tribal but incapable of subscribing to the illusions which the hucksters of political dogmas and doctrines employed to recruit and manipulate the masses.

His anti-Semitism of the late 1930s would garner him the jubilant support of racists...But, for all that, he would avoid any ideology codified in little red, black and brown books; any party memberships; any label devised by yellow journalism. It was impossible to enlist Céline under a banner. The socialist or communist intellectuals in 1932, the fascists in '38, and the collaborators in '40 all found that out very quickly. An objective ally on occasion, perhaps, but no more. (6)

 

The Charnel House

As the drumbeat for war against the Germans echoed across Europe, Céline argued for a French alliance with Hitler on pacifist grounds.

Above all, war must be avoided. War, for us means the end of the show, the final tilt into the Jewish charnel house. We must demonstrate the same stubbornness in resisting war as the Jews display in dragging us into it. The Jews are motivated by a fearful, talmudic, unanimous tenacity, an infernal perseverance, and we oppose them only with a few groans....I don't want to go to war for Hitler, I'll admit it, but I don't want to war against him, for the Jews....Hitler doesn't like the Jews. Neither do I.

Céline predicted -- correctly -- that his bamboozled countrymen would choose the path of mass fratricide:


Frenchmen, you'll go off to war at the moment chosen by M. le Baron de Rothschild, your lord and absolute master, at the hour fixed, in full accord with his sovereign cousins in London, New York and Moscow.

Céline hated all phonies and was equally unsparing of the dregs of human ignominy among Aryans: "Our Aryan bourgeois are debased, they wail like babies, they are a thousand times worse than the stinking Yids."

Unsurprisingly he was no fan of the English. "The English our allies? Balls! Another great swindle!...We'll be maggots by the time the first Oxford queers disembark in Flanders."

Nor did he spare his native countrymen: "[N]o northernere, no Negro, no savage, no civilized being can come close to the Frenchman in the speed and capacity of swilling wine."

Describing the retreat by French troops fleeing the invading Wehrmacht, Céline calls his nation's army, "the champions of the world at bragging." As he and other civilians fled Paris, he commented:

We could not possibly go any faster. We tried all we could to catch up with the French army, road after road, bends and curves....We could never catch up....

Céline saw France as a country essentially owned and operated by Jews in which the native or Gentile population could only exist with the indulgence of their Jewish rulers.....If the bourgeois can "smell a little Jewish," then this is all to their benefit as a kind of life insurance. The dream of the French bourgeois is to be Jewish, to worship the Golden Calf. (7)
Though he was raised Catholic and had positive things to say about the early Church Fathers in his 1936 pamphlet, Mea Culpa, in his work, A Fine Mess (1941), he remarked:

Crime of crimes, throughout our history the Catholic religion has been the great pimp, the great crossbreeder of noble races, the great procuress for t he corrupt....The Catholic religion, founded by 12 Jews, will have proudly fulfilled its role when we have all disappeared under the great boggy waves of that giant Asiatic whorehouse brewing on the horizon.
As the critic Henri Guillemin wrote: "[O]ne needs to don armor -- or better yet, steel plating -- to approach Céline." Accused of racism, Céline responded:

Racism! Of course! And how! The more of it the merrier! Racism! Enough of our soft religions! We've been stuffed enough as it is by all the apostles, all the Evangelists.

it was about time, Céline opined, "that France and the real Aryans find their own white religion." Céline's theology consisted solely of, "To be or not to be Aryan, that is the question."

 

Céline's Three Laws

As dictator he would enact three simple laws:

1. All male jews from 17 to 60 to be attached at the outbreak of war to front-line infantry units. No conscript to rise above the rank of captain.

2. No duty other than front-line infantryman to be permitted to any Jew in wartime.

3. Any breach of these laws punishable by death.

"During WWI," he pointed out, 1,350 French Jews were killed....That represents one Jew for every 1,300 French killed (1,750,000 dead)....I find that this 1/1,300 killed represents most precisely the total extent of Jewish rights in our territory. I would gladly give them 1/1,300 of the rights to practice each profession. Thus for example, in medicine, where we have about 30,000 French practitioners, well, we would accept 23 Jews as colleagues! Gladly!

1n 1940, with Britain near collapse and the armies of Hitler everywhere triumphant, Céline made an astonishing prophecy of disaster to Lucien Rebatet, a fellow pro-German who had come to him for advice and encouragement. What he received was a terrible letdown. Céline told him: "The Germans have lost the war." Rebatet describes his own reaction:

I looked at him stupefied. What had happened to him? This was around October 12 or 15 [1940]. The most unbridled Gaullists would have been staggered by such a statement, as would even Churchill himself. "No kidding...What makes you think that?" [Rebatet asked] They blew it [Céline replied] and us with them. In wars like this an army that doesn't bring a revolution with it is all washed up. The Krauts have had it.

Céline was appalled by the accommodations that Germans had made with the French system and French society. In a letter to Jean Lestandi, he wrote, "In order to recreate France it would have to be rebuilt entirely on racist-communal foundations."

Since the Germans were doing little in that direction, he believed their occupation was too complacent. They were overwhelmed by French food, French wine, French women and café society. The Germans would never win enough friends among the French poor and working classes to achieve a lasting victory because they accomplished nothing revolutionary. Céline desired a total cleansing, a complete shakeout. When he realized the German army was disposed to do no such thing, he was certain they would lose.

After a December 1941 meeting between Céline and the Prussian officer and novelist, Ernst Jünger, the latter reported:
He [Céline] says how surprised and stupefied he is that we soldiers do not shoot, hang, exterminate the Jews...."If the Bolsheviks were in Paris, they'd show you how to go about it; they'd show you how one purifies a population, neighborhood by neighborhood, house by house."

Jünger wrote that Céline "has the gaze of a maniac, inward-turning, that shines as if from the depth of a pit."

Céline applauded the formation of the LVF, the League of French Volunteers against Bolshevism, which fought on the Eastern Front:

I know Russia well -- come the winter, we'll certainly need as much medical and epidemiological help over there as we will artillery reinforcements! If the idea took root, I'd be happy to join -- but frankly, killing, and I've done a lot of it, doesn't do much for me anymore.

Because of his incendiary writing, Céline was a standing target for assassination by the Resistance, which murdered the eloquent Vichy radio broadcaster, Philippe Henriot in 1944, and would kill many more writers and artists in the years ahead, including Denoël, Céline's publisher, who would be gunned down while repairing his car. Céline constantly carried a pistol concealed on his person. When writers and fans offered to hide and defend him, he was appalled:

For God's sake don't ever come to my defense! I do, and will continue to do, everything in order to be and to remain, if not the richest then at least the most unpopular man in France....The total contempt of all of humanity is extremely pleasant to me -- as is total oblivion....I know what I'm doing. I know the risks. That's how I like it and that's all that matters. (8)

Céline's relationship with the Nazi authorities was rocky. Though a highly competent medical doctor and a best selling author with money stashed in Denmark, Céline "occasionally showed up at colloquia or receptions in rumpled pants held up by a string, wearing a three-day beard, spewing forth streams of invective and gibes at his hosts." (9)

Céline refused to speak at any political meetings. At one pro-Nazi gathering he attended, several pompous, professional anti-Semites were pontificating about the "stupidity of the Jews." An exasperated Céline, who a waiter had earlier mistaken for a hobo and attempted to evict, shouted from the back, "Why don't you talk about Aryan stupidity for a change?"

Like Richard Walther Darré, Germany's visionary Minister of Agriculture whose organic farming policies helped lay the basis for today's ecology movement, but who was eventually dismissed at the insistence of Göring and Bormann, Céline was regarded as too far Left for the prim Nazi hierarchy.

Bernard Payr, head of the Amt Schrifftum, the literary department of Alfred Rosenberg's propaganda agency, wrote in a January 1942 report the extent to which Céline's personality seemed suspect:

He had questioned and dragged through the mud almost everything of positive value in human existence. For several years now he has been writing books against the Jews and Freemasons, whom he hysterically thrashes in a smutty, colloquial French. (10)

Céline had the greatest contempt for the academic style of writing acquired in a lycée education, regarding it as dried up and dead. "Slang is the language of hatred which enables you to stun your reader...." Kurt Vonnegut wrote that Céline

discovered a higher and more awful order of literary truth by ignoring the crippled vocabularies of ladies and gentlemen and by using instead, the more comprehensive language of shrewd and tormented guttersnipes. (11)

After the Allied invasion of Normandy, Céline fled east into the true holocaust of the 20th century -- Germany aflame. This horrendous ordeal, which he recounts in his novels, Castle to Castle, North, and Rigadoon, suited him: "Nothing intoxicates me so much as great disasters, I easily get drunk on calamities...."

In 1945 he, his wife and their cat, Bebert, jumped aboard the last Swedish Red Cross train out of Berlin and found haven in Denmark, where he was jailed on death row for several months and nearly died from ill treatment. The French government sentenced him to death in absentia, but when he returned to France in 1950 to face trial, the courtroom spectators laughed uproariously as the prosecutor read passages from Céline's delirious, incantatory anti-Jewish polemics. He was acquitted.

Unlike Ezra Pound, who in his dotage repudiated his attacks on Jews, Céline never recanted and stayed defiant to the bitter end. In 1960 journalists quizzed him on his definition of tragedy. His reply:

Stalingrad. There's a catharsis for you. The fall of Stalingrad was the end of Europe. There's been a cataclysm. Its epicenter was Stalingrad. After that you can say that white civilization was finished, really washed up.

The man who had written Journey to the End of the Night, "The truth of the world is death," died peacefully at his home of a brain hemorrhage on July 1, 1961, at the age of 66.

Céline had asked that his corpse be tossed into a common grave, but his wife, Lucette, did not carry out his wish. "The parish priest of Meudon had refused to allow Céline to be buried on consecrated ground....so the funeral was to take place in the municipal cemetery." (12)

A druidic holly tree was planted over the grave by Lucette in honor of the dead genius's Celtic-pagan inclinations. Céline had said of himself, "I'm a Celt in every inch of my miserable body."

Céline's anti-Semitic books remain under interdict in France and have not been republished for 50 years. They have never been translated into English. The French publisher of the supposed Collected Works of Céline tried to pretend the books never existed. Nevertheless, Céline's literary output remains the focus of a constant stream of books and articles in France. Interest in his material in English is unflagging.

Céline continues to haunt the dark century of his incarnation. He sought not happiness, but truth, which he defined as facing up to the worst, a vocation that he practiced so relentlessly that he obtained, through his convulsive and oracular verbum, admission to the mysterious dance and eternal dream of racial memory, which he managed to manifest even in this, the worst of times.
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NOTES

1. Merlin Thomas, Louis-Ferdinand Céline
2. L.F. Céline, Mea Culpa and the Life and Work of Semmelweis (1937), pp. 12-16.
3. Ibid.
4. Allen Thiher, Céline: The Novel as Delirium (1972)
5. Frédéric Vitoux, Céline: A Biography
6. Ibid., p. 61.
7. David O'Connell, Louis-Ferdinand Céline (1976)
8. Erika Ostrovsky, Voyeur Voyant: A Portrait of Louis-Ferdinand Céline
9. Vitoux, op. cit., p. 376.
10. Ibid., p. 382.
11. Kurt Vonnegut, introduction to Rigadoon, p. xiv.
12. Patrick McCarthy, Céline (1975), p. 282.

Instauration (U.S. magazine now defunct) - October 1996

 

An English Celine Bibliography :

Death on the Installment Plan; Louis
Ferdinand Celine; Paperback; $13.45

Guignol's Band; Louis-Ferdinand Celine;
Paperback; $11.65

Journey to the End of the Night;
Louis-Ferdinand Celine; Paperback; $11.65

London Bridge : Guignol's Band II;
Louis-Ferdinand Celine, Dominic Di Bernardi
(Translator); Hardcover; $23.95;

North; Louis-Ferdinand Celine, Ralph Manheim
(Translator); Paperback; $13.95;

Castle to Castle; Louis-Ferdinand Celine, et
al; Paperback; $13.95

Celine Letters to Elizabeth; Louis Ferdinand
Celine; Paperback; $24.00

Dances Without Music, Without Dancers,
Without Anything (Sun & Moon Classics , No
129); Louis-Ferdinand Celine, Thomas
Christensen (Translator);

Castle to Castle; Louis-Ferdinand Celine,
Ralph Manheim (Translator); Paperback

Conversations With Professor Y;
Louis-Ferdinand Celine;

Mea Culpa and the Life and Work of
Semmelweis; Celine;


http://www.epc.buffalo.edu/sound/mp3/sp/celine_l-f/01-Mort-a-Credit.mp3

Arletty lit le certificat d'étude


La Bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline publiée en 1985 par Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, épuisée depuis longtemps, vient d'être transposée sur Internet sur le site : <http://www.biblioceline.com>


Céline, le pérégrin
Lucien Combelle
Depuis 1932, avec Céline si vous avez choisi de lui être fidèle compagnon, on voyage. Mais il faut être prudent, ne pas partir sans biscuit. De marin, si possible.
En 1932, je n'avais pas vingt ans, Né dans un port, un des plus importants de France à l'époque, je rêvais d'impossibles voyages, surtout quand je déchiffrais Singapore à la poupe d'un cargo. Et je lisais. À l'âge où l'on peut aimer la verve d'un Léon Daudet. Et c'est comme ça que « le voyage » commence
Bien sûr « la nuit » m'échappe si me séduit déjà le nihilisme. Et si je tente sur mon pont à moi qui s'appelait Corneille d'apprendre par cur : « De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l'écluse, un autre pont, loin, plus loin... Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne, et nous, tout qu'il emmenait, la Seine aussi, tout, qu'on en parle plus. »
Comme je regardais toujours vers l'aval, cette sirène du remorqueur m'appelait moi aussi...
Bientôt Paul Valéry, le poète du Cimetière marin et du « vent qui se lève » qualifiait Céline de « criminel ». Agréable frisson pour un adolescent.
Vétilles. Broutilles. Ce que contient ce livre. Mais l'important est dit par un M. Fourmont, organisateur d'une exposition consacrée à Céline à Houilles après la publication en 1969 de Rigodon. Je cite « Nous n'avons pas abordé le problème de l'antisémitisme, ni de la prétendue "collaboration" car 1° nous avons tous de vingt à vingt-cinq ans. Donc notre jugement ne pouvait être correct. 2° notre seul but était : faire lire Céline avant tout. » Un encadré dans Le Monde, inséré dans le feuilleton de Pierre-Henri Simon, de l'Académie Française, chroniqueur littéraire rendant compte de Rigodon : « Vais-je conclure que Rigodon aurait pu rester dans le ti?roir des papiers médiocres. Non. Céline représente un cas assez extraordinaire dans notre littérature pour avoir droit à une attention totale, il a un souffle qui, même fatigué, peut encore soulever sa prose à de belles hauteurs. »
Le manuscrit de Rigodon est annoncé chez Gallimard les derniers jours de juin 1961, Céline meurt le 1er juillet.
La tombe au cimetière de Meudon est basse et plate, avec un petit voilier gravé dans la pierre. Lui reste dressé tel un vaisseau de haut bord, voiles carguées, chargé d'explosifs sur la Mer des Sarcasmes. Et de partout, de tous les continents partent à l'abordage avec des grappins plus ou moins solides du grand navire que j'ai baptisé « L'Imprécator ». L'approche n'est pas facile.
Vagues géantes ou clapotis selon les talents : Céline, un fou, un parano, un tout, un rien, le sabbat commence, prophète, barde, visionnaire, la nuit de Ferdinand, sa misère, ses mensonges, on ne sait pas lire Céline, la poétique de Céline, Lili sa femme, Bébert son chat, son ami La Vigue, sans oublier la divine Arletty, en vrac, comme ça, à l'infini.
Déjà en 1952, Roger Nimier écrit : « il est très naturel de ne pas aimer Céline », en 69, Le Clézio déclare : « On ne peut pas ne pas lire Céline ». Au fait ! fasciste ou pas ? Et le voilà en chemise noire ou brune, de surcroît avec des « idées politiques » dès 1972 selon la thèse de Jacqueline Morand, doyenne de la Faculté de Droit. Antisémite depuis toujours selon Philippe Alméras, professeur en Californie... A hue, à dia... Et on pose la question où est Céline ? Qui est Céline ? Et qui n'a pas lu Céline ?
Moi ! répond un romancier dont je préfère taire le nom.
Poursuivant cette préface, je dis à Pierre Assouline : Pierre, Céline est une auberge espagnole, on y trouve ce qu'on y apporte...
Plus que ça me répond-il, Céline, c'est l'Unesco...
Réponse justifiant le monument de Jean-Pierre Dauphin La bibliographie des écrits de Louis-Ferdinand Céline, extraordinaire travail sur l'uvre, ses traductions, le cursus du monstre, de 1932 jusqu'à nos jours. Et si on ajoute à ce livre que tout Célinien devrait posséder les trois volumes de la biographie de Céline de François Gibault, réunissant avec rigueur et dévotion tout ce qui explique, éclaire une vie aussi exceptionnelle que l'uvre, eh bien ! qu'y ajouter ?
Des livres thématiques, antithématiques, des synthèses, des mauvaises humeurs, des haines recuites, des critiques revanchardes, des cautions bizarres, un peu de snobisme, beaucoup de curiosité, comme si Céline restait un mystère créant un malaise...
Bibliophiles fidèles d'un écrivain, ces gens connaissent les truffes. On truffe un livre comme on pique de clous de girofle l'oignon du pot-au-feu. Tous mes Céline sont truffés d'articles découpés au hasard des lectures se rapportant souvent au volume concerné.
Ainsi ai-je pu pour cette préface que je voulais quelque peu intimiste, retrouver des textes surprenants, celui de Xavier Grall par exemple, publié dans Le Monde ; du Grall merveilleux évoquant un Céline amoureux de la mer : « la seule tendresse durable de Louis-Ferdinand ».
Ça s'intitule « Céline blues », Saint-Malo en toile de fond, deux sous-titres que j'eusse aimé trouver : « Le voyage au bout de la mer » et « Meudon maudit », la Tamise du « Pont de Londres », sloops, barques, cargos, voiliers et tous les marins du monde... Et j'en rajoute, du « Guignols Band », les entrepôts, les himalayas de sucre en poudre, les trois mille six cents trains d'haricots, les mille bateaux d'oignons, du café pour toute la planète, des allumettes à frire les pôles, des mammouths truffés comme mes bouquins, je suis comme Grall, je m'exalte, les Docks que j'ai visités, « Pont de Londres » sous le bras, la mer, l'estuaire, mon pont Corneille sur la Seine, sister de la Thames River, c'est vrai, ce bougre d'homme m'a toujours fait rêver même si, m'accompagnant au portillon de la route des Gardes à Meudon, et la Seine, là, c'était Billancourt, Céline me disait : « Ne bois pas d'alcool, petit lapin, des nouilles, de l'eau... » Mais la truffe de Grall m'a permis une belle escapade à laquelle n'échappe pas le plus benoît des agrégés.
Encore une poignée de truffes sous la forme de lettres écrites de Copenhague à son ami d'enfance Georges Geoffroy. Son ami a quelque soucis matrimoniaux, Céline lui écrit « Bien sûr gros baffreux c'est pour ça qu'Hélène est partie, à cause de ton ventre... il te coûte des millions ton ventre, et tant d'illusions! et la vie bientôt si tu ne te mets pas enfin au régime net, et non à un régime cafouilleux pour clients de villes d'eaux qui ont les moyens... affreux tu dois maigrir de 10 kilos »
Une autre lettre au même en 47-48. « Ne bois pas une goutte de vin du tout ni d'alcool du tout. Ne fume pas du tout. Mange peu. Maigre. Tu as un bide ridicule ­ tu es frais de teint et solide tu vivras cent ans et heureux si tu n'écoutes pas ces médecins optimistes, ils sont endormeurs et ils s'en foutent. Sois sévère pour toi. Couche-toi de très bonne heure. Maigre... mort au bide ! Pas de brioche ­ maigre ­ pas de vin, de l'eau... » Et pour finir avec ce divertissement hygiénique : « Profite au contraire de ce déchirement. Attache-toi à une toute jeunette, bien sportive, bien libérale, tu vois ce que je veux dire et jolie il faut avoir de la jeunesse autour de soi. » Une autre : « Le rêve serait de n'avoir jamais plus de 60 ans à deux... » Pour finir et changer de tempo : « Regarde cette Europe imbécile, pourrie, bâtarde ! et paumée... »
Pour échapper aux maléfices, charmes, facilités universitaires, je butine de fleur en fleur, cherchant avec mes historiettes, nouilles à l'eau et pas d'alcool, un enchaînement sur Semmelweiss , petit livre admirable qui a droit à un ex-voto dans l'église célinienne. Mais voilà, comment faire ? Le livre commence très simplement par cette phrase « Mirabeau criait si fort que Versailles eut peur. » Suit l'histoire dramatique du toubib hongrois.
Avec Céline, se méfier des choses simples ; l'histoire commence en réalité par une présentation de l'auteur dont voici le dernier alinéa : « Supposez qu'aujourd'hui, de même, il survienne un autre innocent qui se mette à guérir le cancer. Il sait quel genre de musique on lui ferait tout de suite danser ! ça serait vraiment phénomenal ! Ah ! qu'il redouble de prudence ! Ah ! il vaut mieux qu'il soit prévenu. Qu'il se tienne vachement à carreau ! Ah ! il aurait bien plus d'afur à s'engager immédiatement dans une Légion étrangère ! Rien n'est gratuit en ce bas monde. Tout s'expie, le bien, comme le mal, se paie tôt au tard. Le bien c'est beaucoup plus cher, forcément ».
Ne rien négliger, ni préface, présentation, exergue, une m'a toujours plu : « Dieu est en réparation ». Cherchez-la, le reste en vaut la peine...
Une phrase d'introduction à ce qui va suivre, elle est de Frédéric Vitoux, l'auteur du pertinent : Céline, misère et parole .
« Céline est un écrivain déraisonnable. »
Pascal Pia ajoute : « L'art de se mettre dans son tort. »
Nous sommes en 1973. Deux truffes, l'une du journal Le Monde (Paul Morelle), l'autre du journal Combat (Michel Bourgeois). Ce dernier présente trois ouvrages parus simultanément d'un Canadien, André Smith : La nuit de Louis-Ferdinand Céline  ; d'une Américaine, Erika Ostrovski : Céline, le voyeur-voyant  ; d'un Français, Frédéric Vitoux : Misère et Parole , auxquels s'ajoutent deux autres dans Le Monde : "les idées politiques de Louis-Ferdinand Céline" de Jacqueline Morand, docteur es-Sciences Politiques et Drieu la Rochelle, "Céline, Brasillach et la tentation fasciste" du finlandais Tarmo Kunnas. Titre du Monde : « Céline et les universitaires ou la fin d'un purgatoire », qui annonce d'autres ouvrages.
Dans les « papiers de la même époque, on trouve ici et là, citations ou réflexions taillées dans le granit, celles de Céline : « I  faut mentir ou mourir. » - « Notre voyage à nous est imaginaire. Voilà sa force. Il va de la vie à la mort. Hommes, bêtes, villes et choses, tout est imaginé. C'est un roman, rien qu'une histoire fictive. » Et l'inévitable « À quoi bon ? »...
Celles des chroniqueurs : « Échecs, révolte sans avenir, absence d'illusion, folie et mort composent la toile de fond de l'univers célinien » (Smith). « Refus de toute transcendance, de tout espoir qui prolonge la misère matérielle et morale de l'homme sans Dieu, sa faiblesse et son néant dans le sentiment aigu et constant de son inutilité, de sa mort   (Vitoux-Morelle). Enfin, à Combat, ce bilan « Voué aux insultes, à la malédiction, à la haine féroce, Céline, l'homme, a connu de profondes humiliations, de sanglantes antipathies, de virulentes attaques, des haines de premier ordre » (Michel Bourgeois).
Avant, pendant, après ces signes de renaissance du maudit, cinq tomes « haut-de-gamme » chez l'éditeur Balland, trois cahiers de L'Herne, deux volumes de la Pléiade, le démarrage des Cahiers chez Gallimard (aujourd'hui sept volumes). Sans oublier la précieuse biographie en trois volumes de Gibault et la monumentale bibliographie de Dauphin et Fouché. Comme disait Céline « Et voilà tout ! » Pour l'instant...
Oui, pour 1973 mais en 1987, quoi de nouveau ?
Je retrouve mon auberge espagnole qu'Assouline, du moins en ce qui concerne Céline, appelle l'Unesco !
Premier semestre trois volumes importants et non des opuscules. L'un pour refuser à Céline le «  dignus est intrare  » dans la cathédrale fasciste qui est sans doute gothique ; l'autre, qui le veut antisémite depuis le berceau ; enfin, le troisième qui avec « celtitude », situe le génie de Céline dans la tradition des chevaliers du Graal en le faisant chevaucher un peu à la manière de Don Quijote... Trois livres, trois auteurs de qualité universitaire et eux-mêmes hommes de qualité ! Alors ? Où allons-nous avec ces quelques milliers de pages nouvelles ?
Mais finalement, qui est Céline   D'où vient-il ? À quelle époque appartient-il ? Médecin. Ecrivain. Prophète. Visionnaire. Banalités dites, redites. Je ne sais pourquoi je retrouve à cet instant cette phrase de Cioran « Seul un monstre peut se permettre le luxe de voir les choses telles qu'elle sont » ( Histoire et Utopie ).
Céline, me dit un ami, libertaire lettré, c'est l'écriture d'hier, d'aujourd'hui, de demain, écriture parlée, langage de la vie ; à la fin de la guerre, mes copains de lycée lisaient tout Céline j'ai eu moi-même une faiblesse pour Semmelweiss - nous avions enfin le langage, le style littéraire que nous attendions...
Savaient-ils le lire ? Sait-on le lire ? Quinze lecteurs - quinze pour ne pas dire dix mille - quinze lectures, quinze émotions différentes, quinze perceptions de la musique des mots et aussi du non-dit, alchimie comme une autre, langue vivante et forte, vieillie sans âge depuis des années ; celle de demain encore, qui sait ? Nombreux sont les jeunes lecteurs venus me demander par quel livre commencer la lecture de Céline. J'ai toujours conseillé le Voyage ... si vous suivez, vous marcherez... N'avais-je pas écouté la chanson, ne provoquais-je pas à la première occasion la lecture à haute voix, histoire de me casser la voix d'émotion, les adieux à Molly : « Bonne, admirable Molly, je veux si elle peut encore me lire, d'un endroit que je ne connais pas, qu'elle sache bien que je n'ai pas changé pour elle, que je l'aime encore et toujours, à ma manière, qu'elle peut venir ici quand elle voudra partager mon pain et ma furtive destinée. Si elle n'est plus belle, eh bien tant pis ! Nous nous arrangerons ! J'ai gardé tant de beauté d'elle en moi, si vivace, si chaude que j'en ai bien pour tous les deux et pour au moins vingt ans encore, le temps d'en finir. Pour la quitter il m'a fallu certes bien de la folie et d'une sale et froide espèce. Tout de même, j'ai défendu mon âme jusqu'à présent et si la mort, demain, venait me prendre, je ne serais, j'en suis certain, jamais aussi froid, vilain, aussi lourd que les autres, tant de gentillesse et de rêve Molly m'a fait cadeau dans le cours de ces quelques mois d'Amérique. »
Mon premier Voyage , 1932, il est là, 623 pages, Denoél et Steele ; annoncé en préparation, du même auteur : « Tout doucement. »
Mon premier Mort à crédit , 1936, 697 pages, même éditeur. Total : 1 320 pages.
Plus tard, beaucoup plus tard, pour la valise et le chevet, la Pléiade 1962, préface d'Henri Mondor;  un seul volume Voyage - Mort à crédit . Total: 1 090 pages... Merveilleux pour les pérégrins.
1981 : même collection, mêmes titres : 1 582 pages, 500 pages de plus, les deux uvres préfacées, annotées - notices, notes, variantes, répertoire, vocabulaire, le tout signé d'Henri Godard, professeur d'Université qui doit, j'imagine, aimer et faire lire Céline. Ma déférence lui est acquise. Et j'ai lu Henri Godard, avec crainte d'abord, les rêves sont fragiles de même que les enthousiasmes d'adolescents, les complaisances ou les inappétences de l'adulte, ensuite avec un plaisir si vif que j'éprouvais le besoin de noter à mon tour ; « La terre est abhorrée : elle est la matière même, lourde, collante, jamais plus atroce que quand elle est devenue boue, et pour cette raison montrée de préférence sous cette forme, des boues de Flandres au début du Voyage au bout de la nuit , à celles de la côte anglaise autour de Brighton dans Mort à crédit ou du Brandebourg dans Nord . Elle est, humus, faite de la décomposition et de la pourriture de ce qui est revenu à elle après en avoir été un moment détaché : végétaux, cadavres ; ce corps, le mien, s'y fondra un jour. La terre pour Céline est image de mort. À l'opposé, mers et fleuves, ciels, nuages et brouillards lui présentent toute la féerie du monde par visions brèves. Tout ce qui s'y rattache, ports, bateaux, du bateau-mouche à la péniche et au trois-mâts goélette, est occasion de lyrisme... »
Voilà pourquoi, Monsieur le Professeur, je n'aime pas le cimetière de Meudon. Ni les autres.
Énorme paradoxe que cette uvre visionnaire, sombre comme notre époque, écrite à l'encre noire du nihilisme mais aussi transparente comme eau de source, scintillante souvent d'une certaine joie de vivre, écrivain sachant faire rire, sa tonicité est là, il bouffonne, rigole, ment, triche, avec lui c'est la santé et avec Ferdinand, couché sur un lit d'hôpital militaire, si on refuse les oranges de Clémence c'est, puisqu'on a faim, pour brouter le bouquet de violettes de l'infirmière. Un glossaire célinien ne donne pas la recette, seule, la lecture, le chant des mots, comme un cantique en latin pour un intégriste à Saint-Nicolas-de-je-ne-sais-quoi !
Allons bouffonner ensemble par 3472 mètres de fond, à proximité de Terre-Neuve, là où se situe le Palais de Neptune et de Vénus aux Abysses. Les soubrettes sont des sirènes, fort girondes mais Neptune fait pépé ; quand à Vénus, malgré les bains de lait de Baleine, ses seins divins n'ont aucune tenue alors que ceux de Pryntyl, la jolie sirène que Neptune a rapatriée de chez ces chiens terrestres, dardent sous la caresse d'un espadon. Et dans le Palais se prépare un banquet de 492 000 couverts pour fêter le retour de la Lolita des Abysses alors que là-haut hurlent sourdement les cornes de brume. L'histoire de pépé Neptune, mémé Vénus et la jolie Pryntyl, ce trio célinien, sans oublier le capitaine Krog commandant de l'« Orctöström », ce nom que Céline invente en rêvant peut-être d'un fjord, a été publiée par son ami Pierre Monnier en 1950, alors que Ferdinand tremblait de rage et de froid sur les rivages danois.
Mais il y aura toujours des pisse-froid qui jamais ne sauront que Céline fait rire ceux qui aiment le lire.
« Je jure que j'avais ce poison en ma possession depuis 1944. Ni mes avocats, ni mes gardiens, ni ma famille ne sont coupables de me l'avoir procuré » (page 513 du Laval de Fred Kupferman, édité chez Balland, 1987).
Cette ultime déclaration manuscrite de l'homme d'Etat concerne 1° son suicide manqué, 2° son effroyable exécution. Mais l'auteur de cette excellente biographie de Pierre Lavai émet une hypothèse en ces termes « Ce poison éventé, ou mal pris, vient-il de la pharmacie personnelle de Louis-Ferdinand Céline, qui en aurait fait cadeau à Laval lors de ses visites à Willflingen ? »
Voilà la chronique célinienne évoquée, sans référence précise certes mais dans cette apocalyptique trilogie ( D'un château l'autre , Nord , Rigodon - Pléiade, tome II), Laval est présent, réelles les rencontres avec Céline...
Fred Kupferman répète « Le suicide manqué de Lavai conserve son secret. » Mais Céline, lui, est mis par un historien - sinon par l'Histoire en situation shakespearienne. Une dimension qu'il me plaît de choisir pour terminer cette préface.

 

Voilà, on a trouvé ça, on ne sait plus où....


CÉLINE, C'EST AUSSI UNE MASSE DE FRIC

Tirages courants (il y a quelques années...)

1. Voyage au bout de la nuit

Denoël et Steele, Paris 1932, 623 pages, 11 X 18,5 cm.

Édition originale sur papier courant par la Grande Imprimerie de
Troyes. Mention de mille comme toujours. Bien complet du catalogue sur
papier vert. 700 F

2. Voyage au bout de la nuit

Denoël et Steele, Paris 1932, 623 pages, 11 X 18,5 cm.

Retirage en offset par l'Imprimerie française de l'édition. Bel état.
500 F

3. Voyage au bout de la nuit

Denoël et Steele, Paris 1932, 623 pages, 11 X 18,5 cm.

Fabriqué par l'Imprimerie moderne à Montrouge, cette première
recomposition du Voyage "corrige de nombreuses coquilles et
imperfections" (Bibliographie 32 A1) du premier tirage. Très bel
exemplaire, pratiquement neuf, partiellement coupé. 750 F

4. Voyage au bout de la nuit

Férenczi, Paris 1935, 2 tomes de 192 et 192 pages, 14 X 20,5 cm

Première édition illustrée par 20 gravures sur bois de Clément SERVEAU.
Exemplaire très frais, ce qui est rare car cette édition populaire
était manipulée sans grand soin, en excellent état excepté de petits
manques au coin supérieur des pages 9, 11 et 13 qui ont été mal
coupées. 600 F

5. Le même

Dos abimés, intérieurs en bon état. Les 2 volumes: 200 F

6. Voyage au bout de la nuit

Denoël, Paris 1942, 356 pages, 14 X 22,5 cm

Première édition illustrée sur papier courant , exemplaire en excellent
état. 650F

7. Le même,

Charnière du premier plat fendue, petit manque au pied du dos. Tel quel
(L). 350 F

8. Voyage au bout de la nuit

Club du meilleur livre, Paris 1954, 620 pages, 14 X 19,5 cm

Tirage limité à 5500 ex. justifiés sur vélin. Relié toile rouge d'après
une maquette de MASSIN. Il s'agit du seul tirage où la préface du N°
précédent a été supprimée conformément aux voeux de Céline. Exemplaire
strictement à l'état de neuf. 500 F

BONABEL Éliane: Illustrations pour Voyage au bout de la nuit

9. Retirage à 300 ex. numérotés sur Bouffant du N°29

Sous forme de volume, couverture sur papier ivoire. 1ère de couverture
en typographie bicolore, reproduction de la signature de Céline. 2ème
de couv. fac-simile de la préface autographe de Céline rédigée pour ces
dessins. 3ème de couv. dessin du projet de couverture pour une
éventuelle édition par Céline, 4ème de couv. portrait d'E. Bonabel à 12
ans par LFC. Même contenu que le premier tirage sinon que le portrait
est désormais signé dans le dessin. 350 F

10. Neuf et une

Gallimard, Paris 1936, 218 pages, 12 X 19 cm

Édition originale collective (il n'a été tiré que 68 grands papiers)
regroupant des nouvelles des dix premiers lauréats du prix Renaudot.
Exemplaire du service de presse, couverture un peu défraîchie, traces
de feutre au dos. Première publication de "Secrets dans l'île" préfacé
par Noël Sabord, "scénario" plein de violence qui reste encore trop
méconnu. Par ailleurs un texte remarquable de Marcel Aymé "Knate". Peu
courant, en l'état. 300 F

11. Mort à crédit

Denoël et Steele, Paris 1936, 700 pages, 12,5 X 21 cm

Exemplaire sur papier courant du 2ème tirage (23 mai 1936), complet du
catalogue des éditions Denoël, couverture légèrement passée. 700 F

12. Le même,

demi reliure cuir vert empire, dos à 4 nerfs, signet. La couverture n'a
pas été conservée. Exemplaire très frais. 600 F

13. Mort à crédit

Denoël et Steele, Paris 1942, 432 pages, 14 X 23 cm

Avec 16 dessins pleine page (plume rehaussée d'encre de chine) par GEN
PAUL. Bel exemplaire (L). 700 F

14. Le même,

Retirage de 1943, bel état. 700 F

15. Mort à crédit

Frédéric Chambriand, Paris 1950, 516 pages, 15,5 X 21 cm

Première réédition d'après guerre. Petit manque au coin inférieur du
deuxième plat. Tirage à 5000 ex. seulement. Couverture passée. Cette
édition est aujourd'hui le moins courant des tirages de Mort à Crédit.
700 F

16. (Mort à crédit) DENOËL Robert: Apologie de Mort à Crédit

Denoël et Steele, Paris 1936, 32 pages, 13 X 20 cm

La publication de Mort à Crédit entraîna un véritable déchaînement de
la critique contre Céline. "Le livre fut mal accueilli au point que
Robert Denoël décida de publier une apologie de Mort à Crédit, fait
sans doute unique dans les annales de l'édition. (F. Gibault, Céline
T.2 Délires et persécutions). Exemplaire du service de presse de cette
rare plaquette contenant l'originale de l'Hommage à Émile Zola.. 1200 F

17. Mea culpa suivi de la vie et l'oeuvre de Semmelweis

Denoël et Steele, Paris 1936, 128 pages, 12,5 X 19 cm

Édition originale sur papier courant, fausse mention de mille. Le
premier pamphlet de l'auteur qui marqua sa rupture avec la gauche . 650
F

18. Bagatelles pour un massacre

Denoël, Paris 1938, 380 pages, 14 X 23 cm

Exemplaire du premier tirage, fausse mention d'édition, papier
légèrement jauni.

1100 F

19. Bagatelles pour un massacre

Denoël, Paris 1941, 228 pages, 13,5 X 22,5 cm

Réédition pendant l'occupation du premier pamphlet de L.F. Céline. 1000
F

20. L'école des cadavres

Denoël, Paris 1938, 308 pages, 14 X 21,5 cm

Édition originale sur papier courant, exemplaire du premier tirage,
complet (voir ci-dessous) fausse mention de mille. Très bel exemplaire.
1200 F

21. Le même,

Mention de mille, excellent état. Il s'agit d'un des exemplaires
retirés de la vente après les plaintes de Léon Treich et du Dr Pierre
Rouquès et remis en circulation après coupe des pages 17-18, 121-122 et
301-302. Bien complet du papillon des éditions Denoël annonçant ces
coupes. Il sera joint les photocopies des pages manquantes. 1100 F

22. Les beaux draps

Nouvelles éditions françaises, Paris 1941, 224 pages, 12 X 18,5 cm

Édition originale sur papier courant, mention de mille. Les Beaux Draps
est le seul livre de Céline que l'on pourrait qualifier de "politique"
puisqu'il y donne sa vision d'une société idéale régie par le
"communisme Labiche". 900 F

23. Guignol's Band

Denoël, Paris 1944, 352 pages, 12 X 18,5 cm

exemplaire du premier tirage (5000 ex. Cf. Biblio 44 A1), les seuls à
contenir le frontispice photographique représentant une proue de
bateau. Au 12 juin 1944 les éditions Denoël avaient fait fabriquer
36692 ex. et 344 S.P. de Guignol's Band, ce qui sur 3 mois et pendant
la période troublée de la toute fin de l'occupation, constitue un
véritable succès, contrairement à la légende qui voudrait que le livre
se soit mal vendu. Dans un état voisin du neuf. 500 F

24. Le même,

couverture passée. 300 F

25. Guignol's Band

Gallimard N.R.F., Paris 1967, 316 pages, 11,5 X 18,5 cm

Réimpression sous couverture rempliée. Le premier tirage de Guignol's
Band chez Gallimard date de 1952 et fut de 5000 ex. seulement. Il ne
connut aucun succès puisqu'il faudra attendre 15 ans (1967) pour voir
le livre réimprimé. 150 F

26. A l'agité du bocal

Aux dépens d'un amateur, Genève 1978, non paginé (32 p.) 14,5 X 21,5

Cette plaquette tirée à 550 ex numérotés (50 Arches et 500 Vergé
teinté) est une édition non autorisée publiée à Liège et non à Genève
comme indiqué (Biblio. 78A3). Avec un dossier de l'éditeur et des
extraits de lettres à M. Hindus et à Paraz. En couverture portraits de
Céline et Sartre par Michel Lhomme. Un des 500 sur Vergé. 400 F

27. Casse-Pipe

Frédéric Chambriand, Paris 1949, 152 pages, 12 X 18,5 cm

Sur papier courant. 600 F

28. Frédéric Chambriand éditeur de Céline

Le Lérot rêveur N°33, Février 1982, 72 pages,15 X 21 cm

Dans Industrie littéraire I, tiré au total à 250 exemplaires. Pages 6 à
34 Fréderic Chambriand éditeur par J-P Louis, biographie de Pierre
Monnier et en annexe le catalogue des éditions Chambriand et la liste
des adresses etablies par Céline pour le service de presse de
Casse-Pipe. 450 F

29. Entretiens avec le professeur Y

NNRF N°18 juin 1954, N°23 nov 1954, N°24 déc 1954, N°26 fév 1955, N°28
avril 1955

Pré originale des Entretiens avec le professeur Y. Rare réunion de ces
cinq livraisons. La publication dans la revue fut chaotique, Céline
renâclait contre le morcellement du texte et la "loi des 20 pages" qui
transformait son texte en "papillotes".

Les 5 volumes: 1000 F

30. Entretiens avec le professeur Y

Gallimard N.R.F., Paris 1955, 160 pages, 12 X 18,5 cm

Édition originale numérotée sur alfama. Nom sur la page de garde. 500 F

31. D'un château l'autre

Gallimard, Paris 1957, 316 pages, 13,5 X 20,5 cm

Edition originale sur papier courant. 300 F

32. Nord

Gallimard, Paris 1960, 464 pages, 14, 5 X 20,5 cm

Édition originale sur papier courant (1er tirage), carte en fin de
volume. Seuls les deux premiers tirages, 13 mai et 15 juin 1960,
comportent les noms originaux des personnages réels que Céline croyait
disparus dans la débâcle allemande de la fin de la guerre. Ces
exemplaires furent retirés de la vente par Gallimard (lettre aux
libraires du 11 septembre 1961) à la suite des plaintes de la famille
Scherz et du Dr. Haubold. Le texte fut réédité en 1964 avec des
patronymes différents et amputé de la carte. 700 F

33. Le même

Tirage du 15 juin 1950, exemplaire du Service de Presse. 700 F

34. Rigodon

Gallimard, Paris 1969, 324 pages, 14 X 20,5 cm

Édition originale sur papier courant, exemplaire du premier tirage (4
février 1969), complet de sa jaquette illustrée d'une photographie de
Céline. Rappelons que pour Ph. Alméras, Rigodon est un véritable
testament politique où Céline ne renie aucune de ses idées racistes.
Bel état. 350 F

35. Le même

Sans la jacquette. 300 F

36. Le même

Publié dans la Collection Soleil parallèlement à l'édition du N°
précédent en collection Blanche. Relié toile rouge d'après la maquette
de MASSIN. Exemplaire du premier tirage à 3100 ex. numérotés sur alfa
Calypso. Papillon de libraire collé sur la page de faux titre. État de
neuf. 350 F

37. Le Pont de Londres (Guignol's band II)

Gallimard, Paris 1964, 408 pages, 14 X 20 cm

Edition originale sur papier courant sous couverture rempliée. 300 F

38. Le Pont de Londres (Guignol's band II)

Publié dans la Collection Soleil parallèlement à l'édition courante.
Reliure toile rouge de Massin, tirage à 5100 ex numérotés. 350 F

39. Progrès

Le mercure de France, Paris 1978, non paginé, 12,5 X 16,5 cm

Édition originale tirée à 2920 ex. justifiés sur vélin Phénix. Il
s'agit d'une oeuvre de jeunesse dont Céline avait offert le tapuscrit à
Madame Robert Denoël. Complet de sa bande. 500 F

40. Textes et documents 1

Bibliothèque Louis-Ferdinand Céline, Paris 1979, 184 pages, 18 X 23,5
cm

Tout ce qui a été retrouvé sur Céline pour la période, lettres
fragments, articles, etc.. Tiré au total à 250 ex numérotés. 1200 F

41. Le même

Couvertutre défraîchie, intérieur parfait. 1100 F

42. Textes et documents 3 (J.-P. Dauphin et P. Fouché)

Bibliothèque L.-F. Céline, Paris 1984, 216 pages, 18 X 23,5 cm

Édition originale tirée à 400 ex.numérotés. Contient entre autres la
texte intégral de la célèbre lettre de Céline à Brasillach (juin 1939),
adressée à celui-ci à la suite d'un écho ironique publié sous la
signature de Midas dans Je suis partout du 26 mai 1939: "Vous ergotez
Brasillach, je ne vous traite pas de lope, ni de salope moi, si j'avais
envie de le faire, je ne choisirais pas un prétexte. J'irais vous le
dire et en face. Venez me le dire on verra bien." etc. 600 F

43. Tout Céline (1)

BLFC, Paris 1981, 144 pages, 18 X 23,5 cm

Edition originale tirée en tout à 350 ex. numérotés. Répertoire des
livres, manuscrits et lettres de Céline passés en vente en 1979-1980.
900 F

44. Vingt lettres

Jean-Paul Louis Le Lérot rêveur N°29, Tusson 1980, 92 pages, 15 X 21 cm

Édition originale, tirage ronéoté à petit nombre de ces lettres à G.
Daragnès, C. Frémanger, C. de Jonquières, Manouvriez, E. Pirazzoli et
A. Pulicani. Présentation de J.P. Louis et note de P. Monnier sur
Pulicani. Devenu très rare. 400 F

45. Lettres de guerre Février 1941-Juin 1944

Sans éditeur, Sans lieu 1981, 144 pages, 12 X 20,5 cm

Edition non autorisée tirée en tout 200 ex, ronéotée sous couverture à
rabats. Avant propos, index, première reprise de la préface de
l'édition de 1942 de l'Ecole. 500 F

46. Chansons dossier réuni et présenté par Frédéric MONNIER

La flûte de Pan, Paris 1981, 54 pages, 15 X 21 cm

Édition originale, un des 60 ex. numérotés à la plume sur vergé ivoire,
en frontispice portrait de Céline chantant Katika par Henri Mahé qui ne
se trouve pas dans le tirage courant. 900 F

47. Le même,

Réédition augmentée de 1985. 250 F

48. Céline oeuvres

Club de l'honnête homme, Paris 1981-1983, 18 X 22,5 cm

Édition en 9 volumes de plus ou moins 400 pages, notices de Frédéric
Vitoux, 80 illustrations originales pleine page couleurs de Raymond
MORETTI, maquette de MASSIN, tête dorée, signet. Tirage à 6100 ex. sur
vergé justifiés au volume 9. Reliure plein cuir décorée, étuis.
Strictement neuf, complet du fascicule de 12 pages qui accompagnait le
bulletin de souscription. 4500 F

49. Tout Céline N°2

Bibliothèque L.-F. Céline, Paris 1983, 136 pages, 18 X 24 cm

Édition originale, tirée à 500 exemplaires numérotés. Répertoire des
livres, manuscrits et lettres de Céline passées en vente publique ou
sur catalogue. Citations de lettres inédites pour la plupart.
Exemplaire neuf. 600 F

50. Lettres à son avocat

La flûte de Pan, Paris 1984, 220 pages, 15 X 21,5 cm

Édition originale, un des 60 ex. sur parchemin blanc premiers grands
papiers, non justifié. 118 lettres à Me Albert Naud présentées par
Frédéric Monnier et sept documents reproduits en fac simile en fin de
volume. Maître Naud fut le premier avocat de Céline avant d'être
remplacé par Tixier-Vignancour. 1400 F

51. Le même,

Un des 100 ex. justifiés sur Vergé édition ivoire (L). 1200 F

52. Le même,

Sur papier courant. 180 F

53. (NAUD Albert): Les défendre tous

Robert Laffont, Paris 1973, 408 pages, 15,5 X 24 cm

Edition originale. Mémoires de ce qu'il est convenu d'appeler un ténor
du barreau. Cahiers photographiques, un chapitre sur Céline avec des
citations de correspondance. Par ailleurs, évocations, entre autre, des
procès Laval ou L. Léger. Dos passé. 180 F

54. Quinze lettres

Le Lérot rêveur N°39, Tusson 1984, 112 pages, 14,5 X 21,5 cm

Présentées par J.P. Louis, 15 lettres inédites à Denoël, Henri-Albert
Mahé, Daragnès etc... avant propos de Poétique de Céline par Henri
Godard. A la suite et ne concernant pas Céline, fragments de Trappeurs
parisiens de P.-L. Imbert. 250 F

55. Lettres à Tixier

La flûte de Pan, Paris 1985, 144 pages, 14 X 20,5 cm

Édition originale, un des 150 ex. sur vergé Conquéror chamois, seuls
grands papiers (N° 146). 44 lettres présentées par F. Monnier, cahier
de 18 photographies. Tixier obtînt par un tour de passe-passe juridique
l'amnistie de la condamnation de Céline à un an de prison. Exemplaire
neuf. 1200 F

56. Le même,

Sur papier courant. 180 F

57. Lettres de prison suivies d'un synopsis de ballet inédit

Copenhague (Liège) 1945 (Juin 1985), non paginé 24 pages, 15 X 21,5 cm

Édition originale en feuilles sous couverture, tirée à 53 (?)
exemplaires, un des 50 ex. sur papier teinté marqués hors-commerce.
Reproduction en fac-simile de trois lettres de Céline à Bente Johansen.
Exemplaire strictement neuf. 400 F

58. Lettres à Joseph Garcin

La flûte de Pan, Paris 1987, 128 pages, 15 X 21,5 cm

Édition originale sous couverture rempliée, papier teinté rose, parmi
les 120 ex. sur vergé grand style seuls grands papiers un des XX
hors-commerce (H-C N°X) neuf, non coupé. Lettres établies et présentées
par Pierre Laîné. En frontispice, portrait de Joseph Garcin, qui fut un
de ces marginaux dont Céline recherchait la compagnie, et qui servit de
modèle au personnage de Cascade dans Guignol's Band. 1500 F

59. Le même,

Tirage sur papier courant. 250 F

60. "31" Cité d'Antin

Du Lérot, Tusson 1988, 96 pages, 15 X 22,5 cm

Édition originale un des 7 ex hors commerce sur Vélin d'Arches seul
tirage de tête avec 33 autres ex. numérotés sur le même papier. États
successifs d'un texte qui devait servir de préface à un album
d'esquisses peintes pour une maison close. On sait que Céline, voyeur
proclamé, avait le goût des lieux de plaisir; ne disait-il pas à A.
Parinaud: "La débauche ce n'est pas d'entrer au bordel, c'est de ne pas
en sortir." Nombreuses reproductions de peintures de Mahé, fac simile
de lettres et de manuscrits. Présentation de Eric Mazet. Neuf, non
coupé. 1800 F

61. Lettres à Charles Deshayes

Bibliothèque L.-F. Céline, Paris 1988, 192 pages, 18 X 24 cm

Édition originale, tirée à 750 ex. numérotés. Introduction et notes de
Pierre-Édmond Robert. Du 3 juin 1947 au 5 mars 1951, Charles Deshayes
(voir N°12), jeune journaliste lyonnais qui s'était proposé de prendre
la défense de Céline, reçut de celui-ci 144 lettres répertoriées et
joua auprès de lui un rôle semblable à ceux d'Albert Paraz et de Pierre
Monnier (réfutation des accusations de collaboration et projets
d'édition). Index des personnages cités. Exemplaire strictement neuf.
600 F

62. Le questionnaire Sandfort

Librairie Monnier, Paris 1989, 144 pages, 13,5 X 20 cm

Édition originale tirée à 1135 ex. un des 1000 non numérotés sur
bouffant, portrait de J.A. Sandfort en frontispice, nombreux fac
simile. Sandfort était le traducteur de Céline en néerlandais. La
correspondance porte essentiellement sur les problèmes rencontrés
durant la traduction. 100 F

63. Tout Céline, 5

À la Sirène, Liège 1990, 174 pages, 16,5 X 23 cm

Tirage à 200 ex. numérotés. Réuni par Henri Thyssens, répertoire des
lettres et manuscrits de Céline passés en vente entre 1987 et 1989. 400
F

64. Lettres à Marie Bell

Du Lérot, Tusson 1991, 78 pages, 15 X 23 cm

Édition originale, il n'a été tiré que 50 ex. sur vélin d'Arches et
quelques exemplaires H.C. non numéroté sur le même papier, le livre que
nous proposons est l'un de ces H.-C. La couverture des ex. sur Arches
diffère de celle de l'édition courante. Photographies, fac simile.
Neuf, non coupé. 750 F

65. Le même,

Tirage courant. 120 F

66. Lettres à la N.R.F.

Édition Gallimard, Paris 1991, 624 pages, 17,5 X 23 cm

Édition originale, un des 72 ex. sur vergé blanc de Hollande van Gelder
(N°42), seuls grands papiers. 744 lettres présentées par Philippe
Sollers, fac simile, index. Avant de présenter le Voyage au comité de
lecture on demanda au docteur Destouches de résumer son livre. Il
répondit: "Il s'agit d'une symphonie littéraire émotive plutôt que d'un
véritable roman. (...) ce récit est assez voisin de ce qu'on obtient ou
devrait obtenir avec de la musique. (...). C'est du pain pour un siècle
entier de littérature. C'est le prix Goncourt 1932 dans fauteuil(...).
Céline n'était pas encore inventé (le pseudonyme ne sera choisi qu'un
peu plus tard) que tout Céline est déjà là, avec l'émotion, la musique,
l'argent, et jusqu'au fameux prix Goncourt de 1932. Livre neuf, non
coupé. 4500 F

67. Le même

Tirage courant, état de neuf. 250 F

68. Lettres des années noires,

 

Berg international, Paris 1994, 144 pages, 15,5 X 24 cm

Édition originale sur papier courant. Lettres établies et présentées par
Philippe Alméras, correspondance avec Henri Poulain entre 1938 et 1961 pour
la dernière, et les Bonny amis suisses des Destouches rencontrés à
Baden-Baden et retrouvés à Sigmaringen. Poulain, né en 1912, publia un
premier article dans Je suis partout le 22 octobre 1937. Pendant l'été 1940
il est rédacteur à la radio de Vichy. Dès la reparution de JSP en 1941 il
devient gérant responsable du journal auquel il donne de très nombreux
textes; c'est durant cette période qu'il sera l'interlocuteur privilégié de
Céline (qui n'aimait ni Brasillach ni P.A. Cousteau) au sein de la
rédaction. Après la crise qui secoue l'hebdomadaire (été 1943), il quitte le
journal avec Brasillach. On retrouve sa signature au Cri du peuple, au Petit
Parisien, à la Gerbe et à Révolution Nationale de Combelle. Condamné aux
travaux forcés à perpétuité en 1947, il se réfugie en Suisse où il devient
rédacteur à La tribune de Genève. À la suite d'une action de Madame
Destouches ce livre est interdit de réédition. 300 F

 

Pour toute commande ou renseignement, merci d'envoyer un message à M. Émile Brami


 

Letter to Combat


by Louis-Ferdinand Céline, translation by Fabrice Arfi

 

Sirrah, Sir! I bet the Dardanelles that this fucker from the "Investias" [sic] never read one line from my books! What does all his babble mean? What do I have in common with Sade, Sartre, Millner [sic] or the Pope? Does that dumb-ass even know anything about them? Can he even read? I don't think so. Can he write? Certainly not. He mumbles things with neither head nor tail, writes God knows what!... He gets paid! He mixes everything up, misunderstands everything, craps it all out, barks, and there we are. Just thinking that great empires employ such cretins makes one sick. Telling such bullshit about such a sad state of affairs! What would it be with more important ones? I'd like to talk about all these sad things to Dr. Braun or Mr. Sokoline, who I knew well... They'd be quite embarrassed... What crass morons those "Investians" are! And there we are for existentialism! Bang! Homosexuality! Weez! Voltaire! Boom! The moon! What a mess! What a shame!
I don't mind making another slight effort, which is a gesture of supreme kindness for the Soviets, to fix a little detail in the History of French Literature for them, so they'll stop messing around with it. "Céline-the-literary-Zero" will teach them (since they know nothing, not even their own concerns, they dribble on themselves!) that Voyage au bout de la nuit was launched through an article published by Georges Altman in Henri Barbusse's Communist Le Monde in 1934 [sic]. The articles by Daudet, Descaves or Ajalbert only came "later." I, by the way, always had very cordial relations with Altmann. And secondly, I shall teach them that Voyage was automatically translated by the Soviets (without their asking me at any moment what I thought about it!) and that the translators were none other than Elsa Triolet and her husband Aragon, who didn't hesitate to retouch my text for the needs of their propaganda. By the way, the Soviets still owe me money for that translation. Before arguing with people, it's a good idea to pay them what they're owed. To start off with! Aren't the "Investians" aware that although I'm a "fascist criminal," "all my novels" were "forbidden" in Germany upon Hitler's arrival, and for the length of the Hitlerian reign? Do they know that my latest "German" editor is Julius Kittel, a Jew who fled to Marich-Ostrau, Morovia (1936)?
Such stupidity discourages polemics and it is easy to understand why the spoken word is now reserved for bombs, mines and the deluge!

Yours faithfully,
L.-F. Céline.

http://www.corpse.org/issue_5/celine/arfi.htm

mmmmmmmmmmmmmmmmm

 

Louis-Ferdinand Céline
L'idole antisémite
(mai-juin 2001)
 
Antoine Peillon (coq de village, vrai rigolo)


 
   L'actualité « culturelle » des dernières semaines ne fait que confirmer un engouement massif pour un écrivain dont la haine antisémite n'est un mystère pour personne (sauf aveuglement volontaire) depuis la fin des années trente.
 
1-     Aujourd'hui
 
1-1        Qui discutera que les ventes aux enchères, dans une société où la marchandisation de la vie règne presque sans partage, sont devenues les lieux et instants de la valorisation (au sens de mesure de la valeur) la plus pertinente des oeuvres[1]. Or, à l'aune des enchères, Céline bat désormais des « records », d'ailleurs salués avec enthousiasme par la presse la plus politiquement correcte.
1-1-1      Exemple le plus récent : le lundi 18 juin dernier, à Brest, lors de la vente d'une quarantaine de lettres autographes de l'écrivain, écrites entre 1941 et 1958, « le prix record de 71.000 francs, près de dix fois l'estimation de départ, a été atteint par une lettre datée du 25 mai 1947 dans laquelle l'auteur décrit ses difficiles conditions de vie au Danemark (où il s'est exilé après la Libération) et se défend d'avoir collaboré avec l'Allemagne nazie »[2].
1-1-2      Exemple le plus spectaculaire : le 15 mai précédent, le manuscrit autographe du Voyage au bout de la nuit a été acquis au prix de 11 millions de francs par la Bibliothèque nationale de France. Compte tenu des frais d'acquisition, le texte a été finalement acheté 12,184 millions de francs : un record pour un manuscrit littéraire. A titre de comparaison, le manuscrit du Procès, de Kafka, avait été adjugé 10 millions de francs chez Sotheby's, en 1988, et celui du premier tome de A la recherche du temps perdu, de Proust, avait atteint 7 millions, lors d'une vente organisée par Christie's, en 2000[3]. L'exemplaire du Voyage a donc été préempté (salle Drouot, à Paris) par la Bibliothèque nationale de France (BNF), sous un tonnerre d'applaudissements du public. La BNF, qui avait déjà acquis neuf volumes des Mémoires d'outre-tombe de Chateaubriand pour 4 millions de francs en 2000, a utilisé cette fois trois sources de financement : ses fonds propres, le Fonds du patrimoine et un don personnel de Mme Nahed Ojjeh, principal mécène de cette institution et veuve d'un marchand d'armes milliardaire saoudien, Akram Ojjeh (mort en 1991), fille du ministre syrien de la Défense, Moustapha Tlass... L'acteur Fabrice Lucchini, fervent admirateur de Céline et grand lecteur du Voyage au bout de la nuit, qui assistait à cette vente, a déclaré « ne pas pouvoir dépasser les 4 millions de francs, sous peine de se faire tuer par (sa) femme ». Sans commentaire.
 
1-2      L'autre mesure commerciale pertinente est évidemment celle du « succès de librairie » de Céline, tel qu'il peut se mesurer par les ventes réelles, l'abondance des (bonnes) critiques et l'enthousiasme publicitaire des catalogues de son éditeur.
1-2-1      Parmi tous les « classiques » de la littérature française, il semble que « Céline » soit une marque qui se vend toujours particulièrement bien. Ainsi, sorti au moment de la vente aux enchères du manuscrit du Voyage au bout de la nuit, le petit livre de souvenirs idolâtres de Lucette Destouches (Céline secret, de Véronique Robert, Grasset, mai 2001), laquelle partagea la vie de Céline pendant vingt-cinq ans il y a bien longtemps, n'a pas eu grande difficulté à accéder presque immédiatement au quatrième rang du « palmarès » des meilleures ventes (catégorie essais, semaine du 30 avril au 5 mai) de L'Express, ce qui est signe et garantie d'écoulements massifs en hyper-marchés (Carrefour...).
1-2-2      Quelques jours plus tard, André Meury signait une note de lecture on ne peut plus complaisante[4] de la nouvelle édition revue et augmentée du Céline de Philippe Muray (Gallimard, collection Tel, 2001 ; première édition : Seuil, 1981). Relayant la dénonciation, par Muray, d'une bien mystérieuse « campagne anticélinienne », le « critique littéraire » va jusqu'à écrire, à propos des « pamphlets » antisémites de Céline : « Alors que les romans, écrits laborieusement, ne délivraient aucun message, se contentant d'être « un cri ouvert », les pamphlets, « crachés en quelques mois », s'attacheraient à définir le bien et le mal. Du positif, en quelque sorte. » Avant de sombrer totalement dans l'odieux : « Comment en arrive-t-il (Céline) à la haine raciale, à la croisade antisémite, à l'anéantissement d'un petit nombre ?... » Vous avez bien lu : « anéantissement d'un petit nombre » ! Certes, le propos d'André Meury manque de clarté. Qu'a-t-il vraiment voulu dire par ces quelques mots ? Ne pouvant désigner par là des actes concrets de Céline, visait-il des dénonciations (lire plus loin) ? Ou évaluait-il ainsi -en douce, au passage- le génocide des Juifs d'Europe ? Pour tous ceux qui ont travaillé sur le discours révisionniste et/ou négationniste[5], il y a ici un procédé rhétorique, pétri de raccourci logique, qui ne trompe pas. L'antisémitisme est un code culturel[6], que les amateurs inconditionnels de Céline savent décoder immédiatement pour la plus grande fluidité de leurs échanges.
1-2-3      Il n'est pas vain de relever que Philippe Muray et Céline ont aujourd'hui le même éditeur : Gallimard. C'est peu dire que cette écurie veille jalousement sur la (bonne) image de l'auteur des Bagatelles pour un massacre (Denoël, décembre 1937). Il faut dire que ce sont plus de 105.000 volumes de Céline (source : Quid 2001) qui ont été vendus, depuis 1961, par l'éditeur, en luxueuse collection de « la Pléiade » ! A la fin de l'année... 1937 (date de parution des Bagatelles pour un massacre), déjà, Gaston Gallimard -un « épicier », selon l'auteur du Voyage- proposait à Denoël de reprendre son fonds, parce qu'il rêvait de mettre la main sur Céline[7]. Depuis, la vénérable maison de la rue Sébastien-Bottin a inscrit (presque) tout Céline à ses catalogues (une dizaine de titres en Folio ; 4 tomes de romans en Pléiade). Et se livre, dans ceux-ci, à une hagiographie, oublieuse, de « L'écrivain ». Extraits :
1-2-3-1                        Catalogue 2001 de la Bibliothèque de la Pléiade (comme depuis des années) : « S'il n'y a de roman sans style, si son pouvoir est de nous montrer le monde transformé par un imaginaire, et s'il acquiert une force supplémentaire quand il parvient à saisir l'histoire de son époque, alors l'uvre romanesque de Céline est une des grandes oeuvres de son temps, quoi qu'il y ait d'autre part à reprocher à son auteur. » Savourons le « d'autre part » qui est sans doute la part du silence, puisque les préfaces ou introductions aux oeuvres de Céline publiées par Gallimard ne citent pas les « pamphlets » interdits de réédition[8], ni les raisons de l'exil au Danemark...
1-2-3-2                      Mais cette part -les pamphlets- est-elle si « autre » que les aficionados du Dr Destouches le disent ? Michel Bounan expédie la question rapidement et définitivement. Il y a des traces très nettes d'antisémitisme dans les soi-disant « chefs-d'oeuvre » publiés en Pléiade, et qui ne choquent visiblement personne : « Quoi qu'il en soit des mobiles financiers qui ont pu l'inciter à soutenir en son temps la politique hitlérienne, Céline ne s'est pas gratté beaucoup pour faire suinter ses purulences racistes. Et du « youpinium » de L'Eglise (1926) à « l'air youtre » ou à « la tronche sémite » de D'un château l'autre (1959), en passant même par la « musique négro-judéo-saxonne » du Voyage (1932), le lecteur suit aisément la ligne mélodique de cette petite musique »[9]
1-2-3-3                      Il est intéressant de noter que les « pamphlets », principalement les Bagatelles sont un des fonds de commerce préférés des sites internet racistes et négationnistes, comme en témoigne, par exemple, leur publication intégrale sur le très important portail néonazi d'Ahmed Rami[10] (Stockholm) qui propage aussi, entre autres monstruosités, une version électronique des Protocoles des sages de Sion et deux textes du célèbre négationniste Robert Faurisson sur Céline (« Notes céliniennes » et « Céline devant le mensonge du siècle »).
1-2-3-4                         Enfin, pour en revenir au politiquement correct : dans le Supplément 1998 (je n'ai pas poursuivi, depuis, l'examen chaque année) du catalogue de la Bibliothèque des Sciences humaines (Gallimard), voici la notice (p. 28) des Lettres à des amies de Céline (édition de Colin W. Nettelbeck, 1979) : « Les lettres réunies ici (...) ne résolvent pas l'énigme de Louis-Ferdinand Céline, mais elles l'éclairent. (...) Il en résulte pour le lecteur un être complexe, certes, et parfois désagréable, mais toujours vivant, incarné. Céline y révèle tout le paradoxe de sa personnalité à la fois irréductible et fidèle, brutale et tendre. Ses commentaires -que ce soit sur la vie privée ou sur les troubles des années trente- trahissent ses préjugés en même temps qu'ils témoignent de sa finesse et de sa lucidité. Et, derrière l'ensemble, se dresse la figure angoissée d'un homme de plus en plus réduit à la solitude par le génie artistique qui éclôt en lui. » Cela ne s'invente pas : « troubles des années trente », « finesse », « lucidité », « génie artistique » ! Quelques échos, sans doute, au délire de Philippe Muray célébrant « son » Céline, c'est-à-dire « la cohabitation chaotique du crime et de l'art, de la plus touchante humanité et de l'humanité irréparable, du racisme et du génie... »
1-2-3-5                         Le ton magico-religieux de ces proses idolâtres ne surprend pas ceux qui connaissent la sous-culture fasciste et raciste. Le romantisme païen, mâtiné de nihilisme, si cher à l'axe idéologique « aryen »[11], affleure, sourd, suinte des « défenses » actuelles de Céline. Voici, par exemple, la thèse de Philippe Muray (relayée par André Meury), pour expliquer/excuser l'antisémitisme exterminateur de Céline : « Mais c'est bien au judéo-christianisme, assure-t-il (Muray), que s'en prend Céline. C'est « l'idole païenne » qu'il veut libérer. Une idole qui a quelque chose à voir avec la langue et la littérature qui, seules, pourraient consoler de la non-intervention d'un Dieu dans la maladie des hommes... »[12] On ne peut être plus explicite !
 
 
2-     Années noires, années fastes
Le succès
des pamphlets antisémites de Céline fut fulgurant dès leurs premières éditions par Denoël. Jean-Pierre Martin, professeur de littérature à l'université Lyon II et auteur d'un excellent Contre Céline, ou d'une gêne persistance (José Corti, 1995), note : « Bagatelles pour un massacre est un énorme succès : plus de 20.000 exemplaires pour le premier tirage, très vite épuisé, et autour de 75.000 vers la fin de la guerre. »[13]
   Au-delà des « tirages », l'importance de l'antisémitisme célinien se mesure à l'influence plus ou moins forte (les spécialistes parlent de « réception ») qu'il a eu sur nombre d'esprits de grand renom littéraire. Jean-Pierre Martin poursuit[14] : « Marcel Arland trouve dans Bagatelles pour un massacre « de l'indépendance, de la franchise, et de l'émotion lyrique » ; Gide imagine que c'est un « jeu littéraire »... » Bien entendu, Brasillach s'enflamme : « Ce livre énorme, ce livre magnifique, c'est le premier signal de la révolte des indigènes. » Et l'universitaire cite encore les « vieux compagnons de route » de Céline : Marcel Aymé, Paul Morand, Lucien Rebatet, Abel Bonnard et Lucien Combelle.
   En 1963, un certain Philippe Sollers se scandalisait ainsi « qu'on ose reprocher à un littérateur ses engagements politiques de la veille au risque de nuire à sa carrière littéraire »[15], précédé, sur ce thème, par « tous ceux qui tels Lévi-Strauss, Altman, Elsa Triolet, Nathalie Sarraute, Bernard Steele (...) l'avaient juché si haut que lui-même (Céline) considérait ces dévots comme un lectorat captif »[16].
 
3-     Un antisémite exterminationniste
   Une guignolade, l'antisémitisme de Céline ? Sans plus de conséquence que d'amuser la galerie anti-dreyfusarde de la France de Pétain ? Mythe singulier, démenti par les très nombreuses recherches des historiens de la littérature et historiens tout court des « années noires ». La haine raciale de Céline est originaire[17], construite, systématique et exterminationniste ! Ne le voient pas ceux qui ne veulent pas le voir[18].
   Parmi une multitude de documents prouvant la volonté célinienne d'« éliminer » la « race juive », Philippe Alméras cite une lettre d'octobre 1937, adressée à Marie Canavaggia[19], est particulièrement révélatrice de l'adhésion de l'écrivain aux méthodes hitlériennes vis-à-vis des Juifs : « Je veux les égorger... (...) Lorsque Hitler a décidé de « purifier » Moabit à Berlin (leur quartier de la Villette) il fit surgir à l'improviste dans les réunions habituelles, dans les bistrots, des équipes de mitrailleuses et par salves, indistinctement, tuer tous les occupants ! (...) Voilà la bonne méthode. »
   Jünger s'est souvenu longtemps, et avec dégoût, de sa rencontre avec Céline, le 7 décembre 1941, à l'Institut allemand de la rue Saint-Dominique (Paris), parce que l'écrivain lui parla de « l'usage à faire des baïonnettes, et du nettoyage maison par maison qui s'imposait »[20]. De même, il est bien connu que, tout le long de l'Occupation, le docteur Destouches ne cesse de s'exaspérer publiquement de « l'insuffisance de l'action d'« assainissement » » du régime de Pétain[21]. Ainsi, dans une lettre ouverte publiée le 9 avril 1942 par L'Appel, Céline déplore : « L'on me signifie assez bien en tout lieu que le national-socialisme n'est pas d'exportation, que les lois de Nuremberg pour races nordiques n'ont aucune raison d'être en France. (...) Le maréchal Pétain notre chef est-il raciste, Aryen ? » Question lourde de menace à peine voilée... Pour d'autres personnalités, Céline ne s'embarrasse pas d'un tel voile, quand il dénonce le mortel défaut d'arianitude...
 
4-     Le délateur
  
Pendant l'Occupation, Céline s'est en effet livré à la pire des collaborations : la délation. « Pendant l'occupation de la France, rapporte Michel Bounan[22], Céline adresse une trentaine de lettres aux journaux les plus chaleureusement collaborateurs. Il y proclame son admiration pour les SS allemands, pour la L. V. F. de Doriot et pour les lois racistes de Nuremberg. Il s'inquiète encore du nombre de Juifs en liberté, -cause des souffrances publiques de l'Occupation- et réclame l'épuration révolutionnaire de la « race française », rue par rue, immédiatement, au couteau de boucher. Il met lui-même la main à la pâte : il attire l'attention de la Gestapo sur certaines personnes qu'il soupçonne d'être juives et qu'il a pu connaître dans les milieux qu'il fréquente, médicaux, littéraires, lyriques : des médecins comme Rouquès ou Mackiewicz, des poètes comme Robert Desnos ou Jean Cocteau, des danseurs comme Serge Lifar ou la Pavlova, le directeur de la Bibliothèque Nationale ( !) Huysmans : tous en liberté ! encore en vie ! »
   Voici, au sujet de Desnos (arrêté le 22 février 1944 par la Gestapo, déporté, il meurt au camp de Terezin le 8 juin 1945), un texte hallucinant que Céline (Louis Destouches) impose (droit de réponse porté par l'huissier de justice Lucien Poré), le 4 mars 1941, au journal Aujourd'hui, pour lequel le poète-résistant écrivait régulièrement[23] : « (...) mais pourquoi M. Desnos ne hurle-t-il pas plutôt le cri de son cur, celui dont il crève inhibé... « Mort à Céline et vivent les Juifs ! » M. Desnos mène, il me semble, campagne philoyoutre (et votre journal) inlassablement depuis juin. Le moment doit être venu de brandir enfin l'oriflamme. Tout est propice. Que s'engage-t-il, s'empêtre-t-il dans ce laborieux charabia ?... Mieux encore, que ne publie-t-il, M. Desnos, sa photo grandeur nature, face et profil, à la fin de tous ses articles ? La nature signe toutes ses oeuvres -« Desnos », cela ne veut rien dire... » Ces mots, en zone occupée, en mars 1941 !
   La réponse de Desnos, publiée immédiatement par Aujourd'hui, est pleine d'ironie cinglante : « (...) Je crois utile cependant de souligner la théorie originale suivant laquelle un « critique littéraire » n'a qu'une alternative : ou crier « Mort à Céline » ou crier « Mort aux Juifs ». C'est là une formule curieuse et peu mathématique dont je tiens à laisser la responsabilité à M. Louis Destouches dit « Louis-Ferdinand Céline ». » Elle est signée : « Robert Desnos dit « Robert Desnos » ».
 
5-     Au service de Hitler
  
Dès 1938, Hanns-Erich Kaminski a établi que le Céline des Bagatelles était « au service de Hitler »[24]. Le propos n'est pas une simple figure de rhétorique ; il s'appuie sur une comparaison minutieuse des thèmes racistes -mais pas seulement- développés par l'écrivain avec ceux de la propagande conçue et diffusée par les services de Goebbels et le Stürmer de Streicher. Michel Bounan a parfaitement résumé la démonstration de Kaminski qui avait relevé, dans Bagatelles pour un massacres, les « attaques circonstancielles précises contre les pays sur lesquels l'Allemagne nazie a des visées expansionnistes, complaisances envers ceux que la diplomatie allemande s'efforce de ménager », ainsi que la « terminologie du racisme nazi »[25].
   Sartre, en 1947, affirma que Céline était « payé » par les nazis. Aujourd'hui, Philippe Alméras[26] cite aussi cette sorte d'aveu de Céline : « Si demain Hitler me faisait des approches avec ses petites moustaches, je râlerais comme aujourd'hui sous les juifs. Mais si Hitler me disait : « Ferdinand ! c'est le grand partage ! On partage tout ! », il serait mon pote ! » (Bagatelles pour un massacre, p. 83).

 

[1] La sociologie critique (dans la lignée de l'école de Francfort : Adorno, Horkheimer...) de l'art et du marché de l'art est une discipline particulièrement féconde. Citons seulement les travaux de Jean Beaudrillard, Paul Virilio, Pierre Bourdieu.
[2] Le Monde des livres daté 22 juin 2001, p. VIII. Les lettres de Céline vendues à Brest étaient adressées à un ami médecin de Quimper, le docteur Tuset.
[3] Le Monde daté du 17 mai 2001.
[4] Le Monde des poches daté du 8 juin 2001, p. XI.
[5] Je pense aux travaux de Pierre Vidal-Naquet, Kogon-Langbein-Rückerl, Pierre Ayçoberry, Enzo Traverso, Bernard Conte, Marc Knobel, Christian Terras, Didier Daeninckx, Gérard Panczer et à la thèse de Valérie Igounet, Histoire du négationnisme en France, Seuil, mars 2000.
[6] Enzo Traverso, « L'antisémitisme comme code culturel », dans Pour une critique de la barbarie moderne. Ecrits sur l'histoire des Juifs et de l'antisémitisme, nouvelle édition revue et augmentée, éditions Page Deux, 1997.
[7] Philippe Alméras, Je suis le bouc. Céline et l'antisémitisme, Denoël, 2000, p. 161. Dans ses souvenirs, le sonderführer Gerhard Heller affecté à la Propaganda-Staffel, à Paris, pendant l'Occupation, dresse un portrait ambigu de Gaston Gallimard : "Il dut jouer un jeu assez délicat et périlleux pendant ces années d'Occupation. Il y avait, parmi les auteurs de la maison, aussi bien des collaborateurs que des résistants et même des juifs (il dut, évidemment, renoncer à les publier, mais il resta toujours en contact personnel avec eux). (...) Gaston Gallimard était avant tout soucieux de la survie de sa maison d'édition ; pour atteindre ce but, il accepta la reprise de la NRF par Drieu et la publication de nombreux ouvrages de collaborateurs..." (Un Allemand à Paris, 1940-1944, avec le concours de Jean Grand, éd. du Seuil, 1981, p. 135).
[8] Marc Laudelout, dans Le Bulletin célinien, Bruxelles, 1984 : « Les pamphlets de Céline -à l'exception de Mea culpa- ne peuvent, comme on le sait, être réédités. Contrairement à l'opinion habituelle, l'interdiction n'émane pas d'une quelconque autorité légale. En réalité, c'est Lucie Almansor-Destouches, veuve de Céline et ayant droit en la matière, qui s'oppose de la façon la plus énergique à une réimpression des pamphlets, y compris sous la forme d'extraits. Ainsi a-t-elle intenté un procès à l'éditeur milanais Ugo Guanda qui a publié en traduction italienne Bagatelles pour un massacre, Mea culpa et Les beaux draps, ces deux derniers textes en un volume. En 1975, elle fit retrancher, par autorité de justice, les pages extraites des pamphlets reproduites par Philippe Ganier-Raymond dans un essai anthologique intitulé Une certaine France (éd. Balland).
 
   Sur le plan juridique, elle exerce là un droit dont on ne pourrait sérieusement mettre en doute la légitimité. Sur le plan moral, il en va peut-être autrement. On sait qu'en 1952, lors de la réédition de ses uvres chez Gallimard, Céline en avait volontairement exclu les pamphlets, Mea culpa inclus. D'aucuns ont cru trop rapidement y voir un reniement. En fait, l'écrivain n'a jamais renié ses pamphlets d'avant-guerre (Bagatelles... - 1937 ; L'Ecole des cadavres - 1939), ni Les beaux draps publiés, eux, au début de l'Occupation (1940). Les entretiens qu'il accorda sur ce sujet aux journalistes, à la fin de sa vie, sont suffisamment explicites à cet égard : "Je ne renie rien du tout... je ne change pas d'opinion du tout... j'émets simplement un petit doute, mais il faudrait qu'on me prouve que je me suis trompé, et pas moi que j'ai raison" (Entretien avec Albert Zbinden, 1957). »
[9] Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, 3e éd. revue et augmentée, éd. Allia, 1998.
[10] Le 3 mai 1999, les Bagatelles étaient téléchargeables à partir de l'http://www.abbc.com/solus/index.html
[11] Outre les ouvrages classiques de Jules Isaac et Léon Poliakov : Emmanuel Lévinas, Quelques réflexions sur la philosophie de l'hitlérisme (1934 !), éditions Payot & Rivages, 1997 ; Pierre Sorlin, L'Antisémitisme allemand, Flammarion, 1969 ; George Steiner, Martin Heidegger (1978), Albin Michel, 1981 ; George Steiner, « Une saison en enfer », in Dans le château de Barbe-Bleue... (1971), nouvelle éd.,  Gallimard, Folio, 1986 ; Victor Farias, Heidegger et le nazisme, Verdier, 1987 ; Jean-François Lyotard, Heidegger et « les juifs », Galilée, 1988 ; Jean-Pierre Faye et Anne-Marie de Vilaine, La Déraison antisémite et son langage..., Actes Sud, 1993 ; Pierre-André Taguieff, La Couleur du sang. Doctrines racistes à la française, éditions Mille et une nuits, janvier 1998 ; P.-A. Taguieff (sous la dir. de), L'Antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, Berg International éditeurs, 1999 ; Christian Delacampagne, Une histoire du racisme, Le Livre de Poche (inédit), 2000 ; Georges Nataf, Les Sources païennes de l'antisémitisme, Berg International éditeurs, 2001 ; Leo Strauss, « Sur le nihilisme allemand » (1941), dans Nihilisme et politique, Rivages & Payot, 2001 ; Arno Munster, « Heidegger nazi, la preuve par l'eugénisme », dans Libération daté des 9 et 10 juin 2001, pp. 30 et 31...
[12] Le Monde des poches daté du vendredi 8 juin 2001, p. XI.
[13] Postface à : Kaminski, Céline en chemise brune (1938), éd. Mille et une nuits, 1997, p. 79.
[14] Ibidem, p. 80.
[15] Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, 3e éd. revue et augmentée, éd. Allia, 1998, p. 64.
[16] Philippe Alméras, Je suis le bouc..., Denoël, 2000, p. 221.
[17] Philippe Alméras a définitivement démontré (Les Idées de Céline, Berg International, 1992 ; Céline entre haines et passion, Robert Laffont, 1994 ; Céline : Lettres des années noires, Berg International, 1994 ; Je suis le bouc..., Denoël, 2000) combien le racisme de Céline imprègne déjà ses premiers livres, y compris le Voyage au bout de la nuit, et s'enracine dans l'enfance (Affaire Dreyfus...) de l'écrivain, mais aussi dans une « certaine culture française », plus massive qu'on ne veut toujours bien le dire. Dès 1933, Céline dénonce, dans L'Eglise, la S. D. N. menée par les Juifs (Judenzweck et Mosaïc), ce qui motive un article de Ramon Fernandez (Marianne, 11 octobre 1933) qui a remarqué la communauté de vue de Céline avec l'Action française et... Hitler.
[18] Sur l'ensemble de cette considérable question, la meilleure synthèse a été écrite par Annick Duraffour : « Céline, un antijuif fanatique », dans L'Antisémitisme de plume, 1940-1944, études et documents, sous la dir . de Pierre-André Taguieff, Berg International, 1999, pp. 147 à 203.
[19] Lettres à Marie Canavaggia, Du Lérôt éd., 1995. Citée par Ph. Alméras, dans Je suis le bouc..., Denoël, 2000, pp. 201 et 202.
[20] Philippe Alméras, Je suis le bouc..., Denoël, 2000, p. 204, et surtout Ernst Jünger, Journal, tome I, 1941-1943, Julliard, 1951, pp. 94 et 95 :  « Il (Céline) dit combien il est surpris, stupéfait, que nous, soldats, nous ne fusillions pas, ne pendions pas, n'exterminions pas les Juifs - il est stupéfait que quelqu'un disposant d'une baïonnette n'en fasse pas un usage illimité. « Si les Bolcheviks étaient à Paris, ils vous feraient voir comment on s'y prend ; ils vous montreraient comment on épure la population, quartier par quartier, maison par maison. » ».
[21] Ibidem.
[22] Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, 3e éd. revue et augmentée, éd. Allia, 1998, pp. 57 et 58.
[23] Cahiers Céline 7, Céline et l'actualité, 1933-1961, textes réunis et présentés par Jean-Pierre Dauphin et Pascal Fouché, Gallimard, 1986, p. 114.
[24] Céline en chemise brune, éd. Mille et une nuits, 1997, pp. 27 à 34.
[25] Michel Bounan, L'Art de Céline et son temps, 3e éd. revue et augmentée, éd. Allia, 1998, pp. 53 et suivantes.
[26] Ph. Alméras, Je suis le bouc. Céline et l'antisémitisme, Denoël, 2000, p. 194.


 

Tout Céline ?

[article paru en novembre 1984 dans Le Bulletin célinien]

On peut se demander si ce n'est pas pour sauver sa réputation posthume,
plutôt que pour préserver la sensibilité de ses lecteurs, que ses uvres les
plus outrageusement antisémites n'ont pas été réimprimées.
Herbert R. LOTTMAN

Réédition des pamphlets : Pour - Contre

    Les pamphlets de Céline - à l'exception de Mea culpa - ne peuvent, comme
on le sait, être réédités.
    Contrairement à ce que croit l'opinion générale, l'interdiction n'émane
pas d'une quelconque autorité légale. En réalité, c'est Lucie
Almansor-Destouches, veuve de Céline et ayant droit en la matière, qui
s'oppose de la façon la plus énergique à une réimpression des pamphlets, y
compris sous la forme d'extraits. Ainsi a-t-elle intenté un procès à
l'éditeur milanais Ugo Guanda qui a publié en traduction italienne
Bagatelles pour un massacre, Mea culpa et Les beaux draps, ces deux derniers
textes en un volume. En 1975, elle fit retrancher, par autorité de justice,
les pages extraites des pamphlets reproduites par Philippe Ganier-Raymond
dans un essai anthologique intitulé Une certaine France (éd. Balland).
    Sur le plan juridique, elle exerce là un droit dont on ne pourrait
sérieusement mettre en doute la légitimité.
    Sur le plan moral, il en va peut-être autrement. On sait qu'en 1952,
lors de la réédition de ses uvres chez Gallimard, Céline en avait
volontairement exclu les pamphlets, Mea culpa inclus. D'aucuns ont cru trop
rapidement y voir un reniement. En fait, l'écrivain n'a jamais renié ses
pamphlets d'avant-guerre, ni Les beaux draps publiés, eux, au début de
l'occupation. Les entretiens qu'il accorda sur ce sujet aux journalistes, à
la fin de sa vie, sont suffisamment explicites à cet égard : "Je ne renie
rien du tout... je ne change pas d'opinion du tout... j'émets simplement un
petit doute, mais il faudrait qu'on me prouve que je me suis trompé, et pas
moi que j'ai raison". (Entretien avec Albert Zbinden, in Romans II,
Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", 1974).
    Plus de trente ans après sa décision de ne pas voir rééditer ses
pamphlets, peut-on préjuger de ce qu'eût été sa volonté s'il avait vécu
jusqu'ici ?
    A l'instar des Décombres de Rebatet (réédités en 1976 par Jean-Jacques
Pauvert dans une édition caviardée), on peut estimer que ces livres
constituent aussi des documents historiques qu'il serait vain de vouloir
garder indéfiniment sous le boisseau. Leur valeur littéraire conduit
également beaucoup de spécialistes de Céline à souhaiter une réimpression.
    Quid de la Justice ? On sait que la loi française du 1er juillet 1972,
qui proscrit les textes racistes, s'applique aussi aux livres. Le MRAP et la
LICRA y ont eu recours à plusieurs reprises. Mais il ne peut y avoir, dans
ce cas, rétroactivité. Les choses étant ce qu'elles sont, on peut imaginer
qu'il faudra, avant l'année 2011 (année où l'uvre célinienne tombera dans
le domaine public), cumuler deux autorisations pour qu'il puisse y avoir
réédition effective.
    Afin d'éclairer le débat, nous avons souhaité mettre dans la balance des
avis favorables à une réédition et des avis opposés à celle-ci. Parmi les
"contre", la position de François Gibault, avocat de l'ayant droit ; et
parmi les "pour", celle d'Ugo Guanda, éditeur "non autorisé" des pamphlets
en version italienne.

M. L.

 

[Image]

NDLR : A cet article paru en 1984, nous avons ajouté d'autres prises de
position prises depuis la publication de celui-ci.

 

POUR UNE RÉÉDITION

Ce que je n'accepte pas, ce que je refuse de toutes mes forces, c'est la
violence odieuse que, sous le couvert de la loi, on veut faire subir à
l'histoire de la culture et au libre arbitre de chacun. Il ne s'agit pas d'
"être d'accord" avec les idées exprimées dans ces écrits de Céline ; il
s'agit de tout autre chose : défendre avant tout la liberté de diffusion de
son uvre - dont la valeur et l'intérêt ne souffrent aucun doute - et cela
dans son intégrité.

Ugo GUANDA

 

Plus l'audience des textes disponibles en librairie s'accroît, plus il
devient anormal que les mêmes lecteurs n'aient accès qu'en bibliothèque ou
au prix du commerce spécialisé, aux écrits qu'ils trouvent cités,
interprétés et jugés dans des travaux critiques.

Henri GODARD

 

D'une part on a bien tort de donner à tout un secteur du corpus célinien
l'attrait de l'interdit, d'autre part si cette pensée est aussi "bête",
"aberrante", "incohérente" qu'on le dit, pourquoi ne pas l'étaler et la
laisser se détruire toute seule ?

Philippe ALMÉRAS

 

Le critère du "danger" invoqué par les apprentis-censeurs est le plus
mauvais critère qui soit. Je constate qu'il est employé dans les pays
totalitaires où l'on justifie l'interdiction de certains ouvrages en
prétextant qu'ils menacent la société ou troublent la population. On doit
pouvoir tout publier.

Jean-François KAHN

 

Aucun bouquin ne doit être interdit. Ceux qui ne connaissent que Voyage au
bout de la nuit ou Mort à crédit sont dupés par omission.

Christian LE VRAUX

 

Quand serons-nous suffisamment adultes pour avoir le droit de lire les
pamphlets de Céline - dont l'un au moins, Bagatelles, est un chef-d'uvre,
au même titre que le Voyage ?"

Robert MASSIN

 

Le meilleur moyen de dédiaboliser ces textes, c'est encore de les rééditer
librement. Sans leur odeur de soufre, ils perdent l'essentiel de leur impact
"politique". Comment faire ? Il est hors de question d'édulcorer les
pamphlets. Ce serait contraire à l'esprit de l'auteur, qui avait horreur
qu'on lui retranche ne fût-ce qu'une virgule. Ce serait malhonnête par
rapport au lecteur. De toute façon, ce serait techniquement irréalisable, eu
égard à la particularité de l'écriture célinienne. Pourquoi ne pas les
rééditer avec une préface destinée à calmer les esprits ? Après tout, le
Mein Kampf des Nouvelles Editions Latines est en vente on ne peut plus libre
dans les librairies de France. Il s'en écoule 1500 exemplaires par an :
seule édition française complète, traduction de 1934, 688 pages, 195
francs... Ce qui le distingue de ses précédentes éditions, c'est la préface
: huit pages, rédigées à la suite d'un procès en 1980, avec le concours d'un
avocat de la LICRA, sous la tutelle du président de la cour d'appel,
rappelant ce que fut cet ouvrage et ce qu'il a engendré avant de devenir ce
qu'il est : une uvre de référence historique. Qui oserait soutenir que,
dans la France de 1989, on a le droit de lire Hitler mais pas celui de lire
Céline ? Faudra-t-il attendre pour les acheter en toute liberté que les
pamphlets de cet écrivain exceptionnel tombent dans le domaine public en
2011 ?

Pierre ASSOULINE

 

...Revenons à nos Bagatelles, dont certains réclament la réédition. Je
trouve leur prosélytisme suspect, et leur désinvolture sans excuse. Je dis
que Lucette Destouches a parfaitement raison d'interdire, de son vivant,
toute réédition des pamphlets de Céline. La "villa Maïtou" a déjà flambé une
fois, cela suffit.
D'aucuns ironisent sur la volonté de Lucette Destouches de respecter la
volonté de son mari, d'autant qu'à la fin de sa vie, assurent-ils, Céline
n'avait rien renié de son uvre polémique. Je préfère rappeler qu'il n'a
même pas permis de laisser figurer Bagatelles, L'Ecole, Mea culpa et Les
beaux draps à la page de garde de ses romans d'après-guerre. Rebatet, lui,
rappelait crânement : "Les Décombres (Editions Denoël). Epuisé."
Qu'on laisse aux ayants droit de Mme Destouches le soin de l'opportunité
d'une réédition. Et de trouver un éditeur. Voyez-vous ressortir ces
pamphlets chez Brottin, où officient les successeurs de Norbert Loukoum,
staliniens en diable et grands châtreurs de textes "non conformes" ? Séebold
proposait qu'une vingtaine d'éditeurs, "tous co-éditeurs déclarés" rééditent
ces livres, pour décourager les mal intentionnés. C'était déjà l'idée de
Paraz en 1950 : une coopérative, "pour qu'il soit plus difficile de faire
assassiner l'éditeur." C'est vrai que si Denoël avait moins "incarné" ses
auteurs, il n'aurait peut-être pas récolté une balle de 11mm dans le dos."

Henri THYSSENS

 

Pour verser mon grain de sel, ou de poivre, ou de sulfure, à propos des
pamphlets qu'on devrait BIEN ENTENDU réimprimer officiellement, je pense que
Bagatelles pour un massacre - indépendamment de toute question juive à la
clé - est un des meilleurs ouvrages de Céline : peut-être le plus formidable
quant à la démonstration de son génie littéraire ! En revanche, L'Ecole des
cadavres - je persiste et signe - en vaut moins la peine : ce livre
n'ajoute, n'apporte pas grand'chose. Les beaux draps, plusieurs degrés
au-dessous, mais indispensable (un peu moins que Mea culpa toutefois). Voilà
mon avis.

Marc HANREZ

 

...L'argument du respect de la volonté du défunt n'est guère convaincant. De
son vivant, Céline s'était, il est vrai, opposé à la réédition de ses
pamphlets, les retirant même de la page "Ouvrages du même auteur" de ses
livres d'après-guerre. Mais cette opposition concernait aussi le pamphlet
anticommuniste Mea culpa. Or, l'ayant droit en a autorisé la publication à
plusieurs reprises. Deux poids, deux mesures ? Et si les autres pamphlets
n'ont effectivement pas bénéficié de cette autorisation, il est piquant de
constater que la préface de la réédition de l'un d'entre eux l'a, elle,
reçue. Et que dire d'autres textes sulfureux commes les lettres aux journaux
de l'occupation publiées également dans les Cahiers Céline ? Pense-t-on
respecter la volonté de Céline en rééditant ceux-ci mais non pas ceux-là ?

Marc LAUDELOUT

 

Je suis tout à fait favorable à une réédition. Ce sont des textes violents,
choquants, mais intéressants quant à la littérature de Céline. On ne peut
pas faire un saut par-dessus les pamphlets qui l'éclairent en amont et en
aval. Ces textes que l'on a trop tendance à isoler devraient être publiés
dans un cinquième tome de la Pléiade pour bien montrer qu'ils font partie de
l'uvre. Ils devraient être préfacés par Alice Yaeger Kaplan dont on possède
déjà une préface à Bagatelles pour un massacre qui ne montre aucune
complicité avec l'antisémitisme de Céline, ni aucun acharnement contre sa
littérature.

Stéphane ZAGDANSKI

 

Sur le principe, je suis catégorique : je suis contre les mesures
d'exception et les mises à l'index, quelles qu'elles soient. Si on publie
Sade, Les versets sataniques de Rushdie et toutes sortes de pamphlets comme
Les décombres de Rebatet, qui est d'une violence incroyable, alors on doit
aussi publier les pamphlets de Céline qui apportent quelque chose de décisif
à la connaissance de l'uvre. Sinon, où doit-on s'arrêter ? Est-ce qu'on va
aussi s'en prendre à Voltaire qui a écrit des pages d'une extrême violence
sur le christianisme ?

Jean-Louis KUFFER

" La censure ne peut pas, ne doit pas exister. L'infect parternalisme qui
consiste à décider ce qui est bon ou pas pour les autres récèle au moins
deux erreurs : qui peut s'estimer apte à juger ce qui est "bon" ou ce qui ne
l'est pas ? La notion même du "bon" n'est-elle déjà pas un subjectivisme qui
échappe à tout critère objectif ? De plus, pour les pamphlets de Céline, la
censure morale se double d'une censure économique : avec de la patience et
AVEC DE L'ARGENT, on peut se procurer ces livres. Ce côté permissif que
donne l'argent pour aborder ce qui est refusé (inacessible) au plus grand
nombre n'est pas l'aspect le moins répugnant de la question. (...) En
définitive, réclamer une réédition des pamphlets revient à manifester notre
droit à l'information. L'histoire qui nous a produit nous appartient. Un
écrivain est un personnage public. Sa production appartient au domaine
public."

Eric SÉEBOLD

 

CONTRE UNE RÉÉDITION

 

Il est certain que les pamphlets sont des uvres intéressantes pour les
chercheurs et les gens qui s'intéressent à Céline et que, sur le plan
littéraire, ce sont des textes importants. D'un autre côté, ce sont tout de
même des uvres de circonstance qui doivent être replacées dans leur temps,
c'est-à-dire avant la guerre, à une époque où beaucoup de gens, dont Céline,
sentaient poindre un nouveau conflit mondial et où un vent d'antisémitisme
soufflait sur toute l'Europe. Les évènements tragiques de la guerre ont
donné à ces pamphlets un aspect dramatique qu'ils n'avaient pas avant la
guerre. Le risque, c'est donc que le lecteur moyen ne comprenne absolument
pas ce qu'a voulu écrire Céline et déforme complètement l'esprit dans lequel
il a écrit ces pamphlets. Une réédition aurait alors un succès de scandale
et relancerait une mauvaise querelle à une époque où malheureusement, les
passions ne sont guère éteinte dans notre pays. Sur le plan politique, je
crois donc qu'une nouvelle publication des pamphlets serait tout à fait
inopportune. Les chercheurs qui veulent travailler sur ces textes peuvent
toujours les consulter en bibliothèque.

François GIBAULT

 

Céline a écrit, avec talent, de grands livres. Les uns ne sont pas
antisémites. Quelques uns le sont. Je suis pour l'interdiction de ces
derniers.

Beate KLARSFELD

 

Seront sauvés Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit. Tout le reste doit
être jeté à la poubelle.

RABI

 

Peu importe son talent. Céline participe de Vichy, d'Hitler et d'Auschwitz.
Comme tel, le mieux qui puisse arriver à sa mémoire, c'est qu'on l'oublie.

Roger ASCOT

 

Les pamphlets ne sont pas réimprimés et c'est très bien ainsi.

Marc CRAPEZ

 

Je n'ai pas lu ces pamphlets, mais j'imagine que leur publication, en leur
temps, a pu contribuer aux persécutions. Les mots peuvent tuer : l'histoire
l'a montré. Aujourd'hui, ce genre d'incitation à la haine est condamnée par
la loi. Dans le contexte tendu qui est le nôtre, je crois qu'il faut d'abord
préserver les survivants de ces persécutions d'une souffrance inutile. Une
réédition des pamphlets serait donc inacceptable. Il faut que l'accès à ces
textes soit garanti aux chercheurs, mais on ne peut pas les faire circuler
librement au nom de la liberté d'expression.

Boël SAMBUC

 

Les arguments en faveur de cette republication s'organisent autour du
principe de liberté ­ ici la liberté pour les lecteurs de découvrir et de
juger par eux-mêmes de ce qui n'est pas bon pour eux. Défendre une
republication en vertu de ce principe ­ en faisant l'impasse, comme il se
doit, sur ses effets pervers ­ relève d'un progressisme absurde. Au principe
de liberté s'adjoint celui de protection. Il arrive qu'il s'y oppose et
qu'il n'y ait aucun compromis possible. Dans le combat contre
l'antisémitisme, le moyen terme et la demi-mesure ­ concrétisés dans le cas
des pamphlets par l'idée de "réédition critique" ­ ne peuvent que
relativiser ce combat : dans un combat, le relativisme fait toujours le jeu
de l'adversaire. Et le droit à l'erreur, ce bouclier de circonstance
derrière lequel courent se réfugier les croisés de la Liberté quand les
faits leur donnent tort, n'existe plus pour ce combat-là : l'antisémitisme
n'est pas un humanisme !...
Le "droit à l'information" mis en avant par les partisans d'une
republication des pamphlets s'appuie sur la supposition que ces livres,
s'ils étaient réédités, seraient sans danger pour la collectivité. Un tel
point de vue nous semble d'une grande légèreté : le coup d'arrêt qu'a connu
l'antisémitisme après la révélation des atrocités commises à l'encontre des
Juifs lors de la Deuxième Guerre mondiale ne doit pas être tenu pour acquis.
L'antisémitisme existait déjà dans l'Antiquité, il serait naïf de croire
qu'il est mort avec Auschwitz : les leçons de l'Histoire sont la plupart du
temps à ranger au niveau des vux pieux. L'homme ne change guère : le «
progrès infini de l'humanité » appelle pour le moins du scepticisme ! Avec
l'antisémitisme, plus encore qu'ailleurs, ce septicisme est une nécessité
primordiale. S'en départir participe d'un aveuglement irresponsable.
La lutte contre l'antisémitisme ne passe pas seulement par l'éducation et la
pédagogie, mais aussi par la surveillance, l'interdiction et la répression.
L'oublier, c'est abdiquer ; et abdiquer, c'est accepter.

Christian FERREUX

 

Le 18 octobre1989, l'hebdomadaire L'Idiot international, que dirigeait
Jean-Edern Hallier, avait reproduit un extrait des Beaux draps sous la
mention "Interdit". Cette initiative suscita la réprobation de Lucie
Destouches qui adressa à cet hebdomadaire une réplique qui fut publiée le 25
octobre :
"Je tiens, Monsieur, à vous faire part de ma profonde irritation à la suite
de la parution dans le dernier numéro de votre hebdomadaire, d'un extrait
des "Beaux Draps". Vous n'ignorez sûrement pas que mon mari, Louis-Ferdinand
Céline, s'est toujours opposé à de nouvelles éditions des pamphlets après
les abominations de la dernière guerre mondiale et ses désastreuses
conséquences. Il avait à une certaine époque ses raisons pour les écrire et
en d'autres temps ses raisons pour en interdire la réédition. Comme je crois
discerner en vous une certaine admiration pour l'uvre de mon mari, je vous
serais reconnaissante, à l'avenir, de respecter sa volonté comme je la
respecte moi-même.
Croyez, Monsieur, malgré ma vive protestation, à mes meilleurs sentiments."


 
CELINE ET L'ITALIE

L'Italie est le seul pays (*) où l'on dispose de traductions des trois fameux pamphlets de Louis-Ferdinand Céline. Bagatelles avait été traduit dès avril 1938 par Alex Alexis chez Corbaccio à Milan (Bagatelle per un massacro). Dans les années 90, une version trafiquée de cette traduction avait paru aux éditions Aurora à Caserte. L'originale de 1938 est reparue, exactement 60 ans plus tard, en édition anastatique, tirée à 400 exemplaires, en vente à la Libreria di Ar (Largo Dogana Regia, I=84121 Salerno, Italie). La chose a été rendue possible par la suppresion judiciare d'une bien meilleure traduction, due à Giancarlo Ponteggia et parue chez Guanda en 1981. Dès le mois de janvier 1982, sur intervention de Mme Destouches, le tribunal de Milan avait ordonné le séquestre de cette édition, devenue une rareté bibliographique.
Cependant Guanda pouvait sans encombre publier Mea Culpa et Les beaux draps (La bella rogna) dans une traduction de Giovanni Raboni et Daniele Gorret, livre aujourd'hui épuisé et non réédité.
Enfin, L'Ecole des cadavres (La scuola dei cadaveri) est paru en 1997 dans une traduction fort médiocre de Gianpaolo Rizzo, qui s'en était fait l'éditeur - Edizioni Soleil). Le traducteur-éditeur est mort juste après la sortie du livre et sa famille a fait procéder à la destruction des ouvrages, si bien que cette édition est devenue rarissime. Elle a néanmoins été portée récemment sur Internet.

(*) En fait, en japonais aussi on trouve des traductions des trois pamphlets. Le lecteur japoais qui le signale au Bulletin, ajoute que celle de l'Ecole des cadavres est exécrable. Traduire Céline n'est pas à la portée de tout le mode.

( Le Bulletin célinien, 306, mars 2009)

Cet articulet a provoqué une réaction italienne :

à propos de Céline en Italie (BC mars) Il y a aussi un autre très rare edition de Bagatelles (editeur Robespierre, 1965), voir:

http://lf-celine.blogspot.com/2007/12/bagatelle-per-un-massacro_24.html

Il y a aussi un "faux" Mea Culpa-Les beaux drap ed. Guanda (Réimpression anastatique sans authorisation, c.1990)

http://lf-celine.blogspot.com/2008/11/mea-culpa-e-la-bella-rogna-di-guanda.html

Et un autre Mea Culpa:

http://lf-celine.blogspot.com/2007/12/mea-culpa.html

Ciao!!! Andrea Lombardi

 

Réponse : Il faut évoquer le remarquable blog italien intitulé "Louis-Ferdinand Céline" nourri par deux bibliophiles confirmés, Andrea Lombardi et Gilberto Tura. Ils recensent, en particulier, les éditions sauvages ou clandestines des traductions italiennes, en particulier des pamphlets. C'est le même phénomène qu'en France : les textes demeurent, mais les éditions clandestines qui cherchent à imiter étroitement les originales doivent être signalées. Pour les distinguer, il faut la patience et la loupe des philatélistes.
Céline a toujours eu beaucoup de lecteurs en Italie et ce site remarquable est à la fois témoin et acteur de l'actualité célinienne, en Italie et ailleurs.
http://lf-celine.blogspot.com/

En 1995, Lucette, veuve Destouches, déclarait à un visiteur italien, Alberto Arbasino, que "les Italiens ont toujours été les meilleurs avec mon mari". (Arbasino, Parigi o cara, 2e éd. Adelfi

 

 

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VIDEO

 

Céline
Henri Godard est interrogé par un blaireau tête-à-claques de l'Observateur (Grégoire Leménager, une tronche à retenir) non daté mais ce doit être 2008.

http://bibliobs.nouvelobs.com/20081016/7849/en-video-celine-lennemi-public

 

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CÉLINE AVAIT BIEN RAISON

 

Le génial Céline avait bien prévu ce qui allait se passer. Peu avant sa mort, en 1961, il avait eu ces propos désabusés et prophétiques:

« Quelque chose a été brisé. Nous avons l'histoire contre nous, je veux dire « leur histoire » avec tout ce qui compte d'obligations, de soumissions, d'interdits, de tabous, d'exclusives, de chasses gardées. Nous n'aurons jamais connu dans l'histoire une période aussi longue de haine, de vengeance... Autrefois, après un bouleversement, il fallait attendre dix ans pour qu'une amnistie mette le point final aux antagonismes... Dix ans après la Commune tout a été effacé... Tu verras, cette fois-ci... Trente ans, quarante ans passeront sans que rien ne soit fait pour apaiser, remettre les choses en place... L'Histoire a été arrangée pour cent ans... « Ils » ont sûrement détruit tout ce qui a été écrit et publié avant et pendant la guerre à l'encontre de leurs « thèses »... Ils vont ressasser... Pilonner... la télé... » (Citation de Louis-Ferdinand Céline, dans Ferdinand furieux de Pierre Monnier, p. 261, réédité par L'Age d'Homme, passage extrait de la revue Le Petit Célinien, n°20, 5 octobre 2009, qui paraît chaque semaine depuis peu sur internet : http://lepetitcelinien.blogspot.com Adresse : [email protected]

Notre devoir sera donc de « désasser », de « dépilonner », de republier ce qui a été écrit avant et pendant la guerre, non pas pour l'approuver, ce qui serait grotesque ; mais pour y repenser; de casser la télé, bref, de renouer avec une histoire multiple, contradictoire, incommode, trop salée, une histoire inutilisable, qui ne donne plus de leçons à la con. Tas de tarés, l'aaargh vous obligera à penser avec vos propres demi-cervelles, et même à coups de pieds au cul, s'il le faut. Vive Céline et les pommes de terres frites !

Arrivée aussi d'un blog intéressant:

L'OMBRE DE LOUIS-FERDINAND CÉLINE : http://celinelfombre.blogspot.com/

 

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L'inévitable Passouline :

08 juillet 2008


Mais comment peut-on traduire Céline ?

C'est vrai : comment peut-on ? Non qu'il ne faille pas l'ouvrir à l'immense marché chinois, comme on dit dans Les Echos, mais comment les traducteurs étrangers arrivent-ils à rendre dans d'autres langues ce français si travaillé, imagé, recréé, inventé, néologisé, violé et violenté qui horrifiait par sa "grossièreté" et par sa "vulgarité" les Gerhard Heller, Ernst Jünger, Karl Epting, Otto Abetz et autres Allemands lettrés sous l'Occupation ? On peut puisque l'oeuvre de Louis-Ferdinand Céline, l'une des plus décryptée par l'Internationale universitaire, a un grand rayonnement à l'étranger dans un certain nombre de langues. Le chantier est même actif si l'on en juge par le colloque international qui vient juste de se tenir à Milan sur le thème "Traduction et transposition". La Société d'études céliniennes qui l'organisait y était l'invitée du Centre culturel français dirigé par l'écrivain Christian Combaz. L'avocat François Gibault, biographe et gestionnaire de l'oeuvre de l'écrivain, qui préside également la Société, en est revenu comblé ainsi qu'il me l'a exposé :


"C'était passionnant, cette confrontation entre des spécialistes venus de partout et animés par une même admiration. On a focalisé les travaux sur le Voyage au bout de la nuit. Très vite, il est apparu que nombre d'éléments du lexique célinien ne correspondent à rien dans d'autres langues. En grec notamment où la traductrice a exposé ses difficultés car s'il y a bien des expressions populaires, il n'y a pas à proprement parler d'argot au sens titi parisien du terme. Le problème, c'est que cela a provoqué d'innombrables contre-sens. Ainsi dans la traduction de John Hugo Marks qui a fait autorité pendant 50 ans en Angleterre, "viol" est devenu "vol". Dans la traduction chinoise, lorsque le gouverneur est "affecté" d'avoir été traité de cocu, il devient "infecté"; et quand il dit qu'il "se tape Vichy pour soigner son foie", c'est traduit non comme s'il allait en cure mais comme s'il s'envoyait des caisses de bouteilles d'eau gazeuse ! Ces traductions sont refaites aujourd'hui mais les éditeurs hésitent car c'est cher. Mais on a appris par exemple qu'en Tchéquie, par admiration pour Céline qui y est publié chez le même éditeur que lui, Milan Kundera a renoncé à ses droits d'auteur afin que cela serve à financer une nouvelle traduction du Voyage au bout de la nuit"


Le programme était alléchant. Il fut question du repérage de l'empreinte célinienne chez Bohumil Hrabal et Kenzaburo Oé, de la transposition du mythe du "Péril jaune" dans le pamphlet antisémite Bagatelles pour un massacre, de l'occultisme comme source privilégiée et inavouée de métaphores que Céline prétendait avoir fait naître par son seul labeur de styliste, de la traduction du Voyage en russe en 1934 par une Elsa Triolet qui escamota 45% du texte original de concert avec la censure soviétique...
Des interventions dont j'ai pu prendre connaissance sous forme de résumés, il en est plusieurs que j'ai hâte de lire intégralement lors de la publication des Actes : celle de David Fontaine sur la conception binaire de Céline opposant la traduction comme "langue de robots et entreprise juive de standardisation littéraire", à la transposition vue comme un "élan verbal créateur au rythme émotif aryen"; celle de Marie Hartmann qui a repéré dans les textes des dernières années de Céline nombre d'échos et de résonances des Mémoires d'outre-tombe ; celle enfin de Suzanne Lafont qui a suivi dans la triologie allemande les tribulations du guéridon Louis XV, seul objet authentique de la boutique familiale dans Mort à crédit.

http://passouline.blog.lemonde.fr/

L'excellent Passou mentionne le programme du colloque. (Averti de sa tenue prochaine, nous avions signalé aux organisateurs l'existence d'une traduction italienne des trois pamphlets. Il ne semble pas qu'ils y aient fait écho, un combre pour un colloque qui se tenait... en Italie). Voici ce programme:

Vendredi 4 juillet (2008) 9 h 30- 13 h
Transpositions (1) - Présidence : François Gibault
Echos de théâtre par Johanne Bénard
Du corps verbal au corps verbal dans Mort à crédit par Isabelle Blondiaux
Transposition de Chateaubriand chez Céline par Marie Hartmann
14 h 30- 18 h
Intertextualités - Présidence : Marie Hartmann
Céline chez Hrabal par Alice Staskovâ
Céline à travers Oé par Tomohiro Hikoé
Mon Bard à moi : Shakespeare et Céline par Anne Seba-Collett
 
Samedi 5 juillet 9 h - 13 h
Transpositions (2) - Présidence : Éric Mazet
Remédiation / Réinvention : Voyage au bout de la nuit par Véronique Flambard-Weisbart
Céline : Trois transpositions libres de l'uvre du dramaturge, du peintre et du musicien par Anne Baudart
Transposition du mythe du « Péril jaune » dans Bagatelles pour un massacre par Olivier Moncharmont
Le français, « langue de traduction » : un spectre célinien par David Fontaine
14 h 30- 18 h
Traductions - Présidence : Isabelle Blondiaux
Entre histoire et politique : Céline en allemand par Christine Sautermeister
Voyage au bout de la nuit en anglais : d'une traduction l'autre par Pascal Ifri
Un traducteur de Céline : John Hugo Marks par Éric Mazet
« Rien à chiquer pour les coupures. Monstrueux outrage ! » ou le Voyage en russe dans les années trente par Olga Chtcherbakova
18 h 30
Table ronde : Les traductions de Céline - animation : André Derval (imec) avec Donata Feroldi, traductrice en italien et universitaire, Anna Kareninova, traductrice en tchèque et chercheuse Maroussia Klimova, traductrice en russe, John Calder, éditeur en anglais
Dimanche 6 juillet 9h30-12h
Thématiques et rhétorique - Présidence : David Fontaine
Les tribulations du guéridon Louis XV de Mort à crédit à Rigodon par Suzanne Lafont
Des « petits trucs (...) » géniaux « au (grand) truc » magique de l'inversion... par Denise Aebersold
Rhétorique et roman dans Voyage au bout de la nuit par David Décarie

 

Tout ça, il faut bien le dire, ne donne pas envie de LIRE Céline. Mais le but est peut-être de dégoûter les lecteurs ??? Le malheureux ermite de Meudon est donc la proie d'une bande de rats qui apardent déguisés en "gensdelettres", une espèce qui faisaient éclater Céline d'un rire tonitruant. C'est leur dis-septième colloque ! Ils vont nous bassiner encore pendant 150 ans ... C'est une énorme fromage.

Voyez leur site : htt://www.celine-etudes.org

Voyez les thèmes des colloques : à faire gondoler trente-six baleines ! Ces gensdelettres publienbt évidemment de savantissimes travaux. Pour ne pas encombre, nous en avons choisi un sur un sujet qui fait habituellement détourner le chef chenu des vieux savants:

Céline vociférant
par Christine Sautermeister

ISBN : 2-913193-03-X - Prix public : 51 Euros.

Attaque verbale, l'injure a de multiples significations: elle peut être
réaction de défense, libération de l'affect, dénonciation et vengeance,
haine et rejet de l'autre, provocation, pur plaisir de la joute verbale
ou simple jeu de mots d'esprit tendancieux. Toutes ces facettes, plus
ou moins accentuées selon l'ouvrage considéré, se retrouvent chez
Céline dont on a souligné de tout temps le goût pour la controverse
et la polémique. Le but de l'auteur n'est-t-il pas, dès Voyage au bout
de la nuit, de « tout dire » de la méchanceté des hommes et de
communiquer au lecteur l'émotivité du narrateur ?
Ce programme d'écriture suppose la complicité de ce lecteur appelé
à adhérer à la violence et à la virtuosité de l'insulteur vis-à-vis de
l'injurié, car la complicité est la condition sine qua non de
l'acceptation de l'injure.
Le scandale de la dérive antisémite célinienne entraîne des
modifications dans la stratégie injurieuse de l'auteur d'après-guerre
qui, tout en continuant son travail de dénonciation, renchérit sur
la provocation, l'accusation et l'auto-injure, inverse les rôles de
persécuteur - persécuté, jouant ainsi avec son lecteur et avec sa
propre culpabilité jamais avouée comme telle.
Au-delà du code lexical et métaphorique propre au genre, Céline
a fait de l'injure une part intégrante de son art du langage, la
renouvelant non seulement par ses néologismes mais en l'insérant
dans un réseau sémantique, syntaxique et rythmique qui en intensifie
l'effet.

À ce prix-là, il n'y aura pas beaucoup de clients.

Cette société savante publie une revue qui restitue les actes des colloques. Un exemple : dans le n°1 (automne 2005) on trouve le résumé suivant (ils ne vont pas jusqu'à publier les textes...):

Marie HARTMANN
La vision célinienne de l'Histoire dans Semmelweis
Lorsqu'il rédige sa thèse dans les années 1920, Louis Destouches a une vision romantique et pessimiste de l'Histoire. L'individu et le monde se correspondent : il décrit la dérive d'un homme, Semmelweis, dans les tourments de l'Histoire. Cette thèse de médecine, lue à posteriori comme un document, permet de mesurer les constantes et les évolutions de la transposition célinienne de l'Histoire. Outre le pessimisme et un antisémitisme latent, on y trouve déjà un travail de distorsion par rapport aux faits avérés et, d'un point de vue politique, une ambivalence par rapport au rôle possible du « Grand Homme » dans l'Histoire. En revanche, au style emphatique qui caractérise cette thèse, il va substituer dans les romans, une prose plus légère dont la discontinuité apparente épouse les soubresauts de l'Histoire.

Il n'est pas sûr qu'accablés par cette tonne de banalités, nous voulions poursuivre la lecture... Mais les universitaires vivent sous la règle de fer : Publish or Perish...

La diffusion des publication de l'auguste Société est aux mains de la librairie Aichelbaum, rue du Cardinal Lemoine... Cela rappelle la boutade de Céline dans Bagatelles : quand on créera une société antisémite en France, le président sera juif, le secrétaire général sera juif, le trésorier sera juif...

 

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Les éditions Montparnasse ont eu la bonne idée de sortir un coffret de deux DVD dans lequel figurent les entretiens télévisés de Louis-Ferdinand Céline ainsi que d'autres raretés. En voici le détail :
DVD 1 :
- Les grands entretiens de Louis-Ferdinand Céline à Lectures pour tous (1957)
- Entretien avec Pierre Dumayet (19 mn) à Voyons un peu : Céline (1958)
- Entretien avec Alexandre Tarta (18 mn) dans En français dans le texte (1961)
- Entretien avec Louis Pauwels (19 mn)
- Lecture d'un extrait de Nord de L.-F. Céline, par l'auteur (1960 - 11 mn)
- Enregistrement sonore inédit, réalisé par Marie Canavaggia, secrétaire de L.-F. Céline

DVD 2 :
- Autour de Louis-Ferdinand Céline En marge du prix Goncourt (1932)
- À propos de la non-attribution du prix à Céline (1 mn)
- Témoignage d'Elisabeth Craig, grand amour de L.-F. Céline et dédicataire de Voyage au bout de la nuit
- Entretien avec Jean Monnier (3 mn)
- D'un Céline à l'autre (en deux parties - 115 mn environ - 1969 - de Y. Bellon et Michel Polac)
Cliquez ici pour commander ce DVD


 
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L'affaire Haddock

par Jérôme Dupuis
Lire, juillet 2004 / août 2004

 Pour créer les célèbres jurons du capitaine Haddock, Hergé aurait directement puisé dans le plus sulfureux pamphlet antisémite de Céline. Révélations et réactions.
Petite devinette. Qui a prononcé les jurons suivants: «Vampires des cavernes! Cromagnons salaces! Valets de cirque! Pourchasseurs de martyrs!»? Le capitaine Haddock? Perdu. Louis-Ferdinand Céline. Pourtant, à première vue, tout semble séparer Tintin et Bardamu, le château de Moulinsart et la tanière de Meudon, le très lisse Hergé et le terrible Céline. C'est dire si la thèse proposée ici par Emile Brami risque d'atterrer bien des tintinophiles, faire doucement sourire les lecteurs de Céline et, au-delà, étonner tous les amoureux des mots. Résumons d'une phrase: pour créer les célèbres jurons du capitaine Haddock, Hergé aurait puisé directement dans les pages de Bagatelles pour un massacre, le sulfureux pamphlet antisémite de Louis-Ferdinand Céline interdit de publication depuis la guerre! Lecteur distancié, exigeant et sans concession du père de Voyage au bout de la nuit, auteur l'an dernier d'une passionnante promenade dans la vie et l'uvre de Céline*, Emile Brami étaie sa découverte d'une étude statistique et d'éléments puisés dans la vie d'Hergé. Prudent, il estime n'avoir, pour l'heure, aucune certitude absolue, mais parle d'un «extraordinaire faisceau de présomptions». Avant de rassembler le fruit de ses recherches sur les liens Céline-Hergé dans un ouvrage qui paraîtra à l'automne aux éditions Ecriture, Emile Brami a accepté de livrer la primeur de sa découverte aux lecteurs de Lire.

Dans quelles circonstances avez-vous été amené à établir un lien entre Bagatelles pour un massacre et les jurons du capitaine Haddock?
EMILE BRAMI.
Tout à fait par hasard. Pour les besoins de mon livre sur Céline, j'ai relu toute son uvre. Un jour, à mon bureau, j'étais en train de parcourir distraitement Bagatelles pour un massacre, l'esprit ailleurs, dans un état propice aux associations d'idées. Au détour d'une phrase dans laquelle Céline prend à partie les prolétaires anglais, je suis tombé sur ceci: «[...] fellahcieux, Incas à plumes, coolies, benibouffes, anthropogans, cafans rouges, orthocudes, Karcolombèmes [...]» Cela m'a littéralement sauté aux yeux: c'était du Haddock! Il suffisait de remplacer les virgules par des points d'exclamation. En continuant, je suis tombé sur d'autres chapelets d'injures comme, par exemple: «Vampires des cavernes! Cromagnons salaces! Valets de cirque!» J'ai d'abord terminé mon Céline, qui est paru en septembre 2003, et me suis mis à creuser cette piste. J'en ai parlé au biographe d'Hergé, Pierre Assouline, qui m'a encouragé, car cette «découverte» ou cette intuition, comme on voudra, corroborait en partie sa vision du père de Tintin. N'étant pas tintinophile, j'ai travaillé avec un il frais et mon but n'est en aucun cas de détruire le mythe. Au terme de mon enquête, je ne possède aucune certitude absolue mais je dispose d'un extraordinaire faisceau de présomptions.
Comment avez-vous procédé?
E.B.
Il convient tout d'abord de bien regarder les dates. La parution de Bagatelles pour un massacre et la première mention du capitaine Haddock dans le travail d'Hergé sont contemporaines. Les deux se situent en 1938. Dans sa biographie du père de Tintin, Benoît Peeters cite en effet un carnet de 1938 où le capitaine apparaît pour la première fois. Hergé travaille donc au personnage de Haddock au moment où sort Bagatelles. Le capitaine fait officiellement son apparition dans les aventures de Tintin avec Le crabe aux pinces d'or, dont la publication débute en 1940, dans le quotidien belge Le Soir, rebaptisé par les Bruxellois Le Soir volé, car il était aux ordres de l'occupant allemand. J'ai donc relevé tous les jurons de Haddock dans cet album. Si l'on exclut ceux relevant du lexique de la marine («Marins d'eau douce!», «Mille sabords!», etc), propres à la profession du capitaine, on s'aperçoit que sur les trente-cinq jurons restant, quatorze se trouvaient dans Bagatelles. Si certaines de ces insultes communes à Céline et à Hergé sont assez classiques («parasite», «renégat»), d'autres coïncidences sont vraiment troublantes: «Aztèque», «noix de coco», «iconoclaste» ... On trouve déjà le célèbre «Sapajou» dans Bagatelles, qui fera son apparition dans la bouche du capitaine Haddock dans L'étoile mystérieuse, l'aventure suivant immédiatement Le crabe aux pinces d'or. Quant à l'emblématique «ornithorynx», il apparaît à la page 68 de Bagatelles pour désigner Yubelblat, le médecin juif, patron de Céline à la S.D.N.
Justement, qu'en est-il dans les albums suivants de Tintin?
E.B.
Je me suis surtout intéressé à la naissance du personnage de Haddock, car je pense que, très vite, Hergé, qui est un créateur, s'est démarqué de l'influence initiale de Céline et a inventé un système autonome. Il est intéressant d'observer, comme l'avait noté le linguiste Jacques Cellard dans un article paru à la mort d'Hergé, en 1983, que la toute première bordée d'injures du capitaine, dans Le crabe, est à très forte connotation raciste. Elle s'adresse à des Arabes, lors d'une fusillade dans le désert. Il les traite de «Macaques!», insulte que l'on trouve déjà dans Bagatelles. Dans ce même album, «Canaque!» et «Cannibales!», présents eux aussi dans le pamphlet de Céline, ont également des relents racistes.
Les deux auteurs font-ils la même utilisation des jurons?
E.B.
Comme Céline, Hergé procède en détournant le sens des jurons, jouant essentiellement sur les sonorités. Ce qui n'était pas une insulte le devient sous la plume de l'écrivain ou dans la bouche du capitaine. Prenez «Bachi-Bouzouk»: cela ne renvoie pas à grand-chose pour un enfant, mais sa sonorité le transforme en invective. Et, à ce titre, Bagatelles est un formidable laboratoire à jurons. Remarquez aussi que, comme chez Céline, les bordées d'injures du capitaine fonctionnent selon des litanies, des périodes très longues, très particulières. Il est désormais établi que Haddock, c'est Hergé sans son costume, Hergé désinhibé. «C'est moi quand j'ai besoin de m'extérioriser», confiait-il dans ses célèbres entretiens avec Numa Sadoul. Mais, au fil des ans, plus le personnage du capitaine prendra une importance considérable aux côtés de Tintin, plus le registre de ses invectives deviendra technique.
Dans ses entretiens avec Numa Sadoul, Hergé a pourtant situé l'origine des jurons de Haddock beaucoup plus tôt, en 1933: sur un marché de Bruxelles, il aurait entendu une marchande de quatre-saisons invectiver une cliente en la traitant de «Pacte à quatre!», allusion à l'alliance entre la France, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie...
E.B.
Cela me paraît un peu court, d'autant que cette scène aurait eu lieu cinq ans avant l'apparition de Haddock dans ses carnets. Cela dit, l'un n'exclut pas l'autre. Hergé, qui avait un goût très belge pour l'invective, a pu être amusé par cette expression, puis, quelques années plus tard, puiser dans Bagatelles. Et si c'est effectivement le pamphlet de Céline qui l'a inspiré, on imagine bien que cela n'est pas très facile à avouer...
Mais Hergé avait-il lu Bagatelles pour un massacre?
E.B.
On n'en sait rien. Hergé n'était pas un très grand lecteur, sauf lorsqu'il se documentait pour ses albums. Mais on a pu lui en conseiller la lecture. Dans les années trente, il évoluait dans une mouvance très à droite, naturellement antisémite, qu'un tel livre ne pouvait pas choquer. L'abbé Wallez, le patron du Vingtième Siècle, qui publiait Tintin, était un catholique ultraconservateur, admirateur de Mussolini. Il a eu une grande influence sur Hergé qui l'a toujours soutenu, même lorsque l'abbé a été emprisonné à la fin de la guerre. Le père de Tintin avait pour amis Raymond De Becker, Paul Jamin, Paul Werrie, qui ont tous collaboré activement avec les Allemands. Selon son biographe, Benoît Mouchart, qui a pu avoir accès au journal intime de Jacques Van Melkebeke, autre proche d'Hergé à partir de 1940, celui-ci cite très souvent Céline. Par ailleurs, l'écrivain belge Pol Vandromme m'a confié que ce petit milieu avait accueilli avec enthousiasme la parution de Bagatelles, d'ailleurs édité par un Belge, Denoël. Rien d'étonnant à cela, car, au-delà des convergences idéologiques, Céline avait en commun avec la communauté wallonne un goût prononcé pour le parler fleuri (un peu comme Achille Talon ou Benoît Poelvoorde, dans un tout autre registre). A sa sortie, Bagatelles a connu un succès considérable en Belgique tout comme en France, où il a été porté aux nues par Brasillach et Rebatet.
Et puis il y a Robert Poulet...
E.B.
Ce célèbre critique littéraire et écrivain belge, très marqué à droite et qui finira sa carrière à Rivarol, constitue le lien le plus direct entre Hergé et Céline car il était un ami du premier et un très proche du second. Il a publié plusieurs critiques dithyrambiques de Bagatelles pour un massacre. Sa réaction à la publication du livre a été immédiate. Le pamphlet de Céline est mis en vente début janvier 1938, le premier de ses articles paraît dans La Nation belge du 8 février 1938. On peut y lire: «A ce degré d'abondance, il me semble que la trivialité devient noble, pure l'obscénité et raisonnable la frénésie» (les adjectifs «noble», «pur» et «raisonnable» sont habituellement appliqués à Hergé plutôt qu'à Céline), ou encore «Il [Céline] ne s'appuie pas sur le vocabulaire, mais sur la puissance et la rapidité incroyable de ses tournures», ce qui deviendra le principe même des injures de Haddock. Cet admirateur éperdu de l'uvre célinienne avait sorti, en 1931, un roman, Handji, chez Denoël, maison d'édition qui publiera l'année suivante Voyage au bout de la nuit. Reçu régulièrement à Meudon par Céline, Robert Poulet en tirera un livre d'entretiens intitulé Mon ami Bardamu. En le brocardant un peu, Céline en fera même l'un des personnages de son ultime roman, Rigodon, qui débute ainsi: «Je vois bien que Poulet me boude... Poulet Robert condamné à mort... il parle plus de moi dans ses rubriques... autrefois j'étais le grand ceci... l'incomparable cela... maintenant à peine un petit mot accidentel assez méprisant.» Enfin, il sera celui que Gallimard choisira pour mettre au point l'édition posthume du Pont de Londres, la suite de Guignol's Band.
Quelles étaient les relations entre Poulet et Hergé?
E.B.
Les deux hommes étaient très proches. Poulet apparaît à trente reprises dans la biographie d'Assouline! Après la guerre, Hergé l'aidera, notamment en finançant l'achat de son appartement en banlieue parisienne. A la mort d'Hergé, Poulet rendra d'ailleurs hommage à la fidélité et à la générosité de son ami dans Rivarol, en écrivant qu'il «fut la providence des inciviques» condamnés à la Libération. Or, le critique belge avait été enthousiasmé par Bagatelles pour un massacre. On peut donc parfaitement imaginer qu'il en ait conseillé la lecture à Hergé. Peut-être saurons-nous un jour si le livre s'est trouvé, à un moment ou à un autre, dans la bibliothèque d'Hergé, ou ressurgira-t-il un témoignage, une lettre, une trace, qui le confirmeront...
Malgré les centaines d'études parues sur Hergé et Céline, personne n'avait fait le rapprochement avant aujourd'hui?
E.B.
Je me suis posé la question. En fait, à ma connaissance, deux livres ont établi un rapprochement très allusif entre Céline et Hergé. Dans L'anarchisme de droite, Pascal Ory fait de Céline l'exemple type de ce pseudo-anarchisme petit-bourgeois, mais aussi, il situe précisément le père de Tintin sur le plan idéologique en écrivant qu' «il y a donc une politique d'Hergé» et que «Le sceptre d'Ottokar [est un de] ces traités en douceur du paternalisme catholique»; quant au capitaine Haddock, il est présenté ainsi: «L'histoire que l'anarchiste de droite préfère relire est celle de ce capitaine à nom de poisson, ce loup de mer dévoyé aux fréquentations douteuses. [...] Transmué châtelain, le capitaine Haddock ne remet plus les pieds sur un bateau. Derrière les murs de son domaine il peut s'adonner tout son saoul à son goût pour les eaux-de-vie fortes, l'enrichissement de sa collection d'injures et la misogynie, bref tous les attributs des officiers à la retraite.» Albert Algould, dans son Petit Haddock illustré, recueil commenté de tous les jurons du capitaine, cite Céline parmi les inspirateurs possibles des injures, mais au milieu d'une douzaine de «polémistes» où l'on trouve aussi bien Vallès que Juvénal, Dada que Guy Debord. Dans les deux cas, le lien demeure extrêmement diffus et ni l'un ni l'autre ne soupçonnent l'influence directe de Bagatelles. Dans sa biographie d'Hergé, Assouline, pourtant bon connaisseur de Céline, cite Bloy, Béraud et Léon Daudet, mais pas l'auteur du Voyage au bout de la nuit. Benoît Peeters non plus ne le mentionne pas.
Comment expliquer cela?
E.B.
Nous sommes dans deux univers aux antipodes l'un de l'autre. D'un côté, une bande dessinée pour enfants ayant un gentil boy-scout comme héros et, de l'autre, la part la plus sombre de l'humanité exprimée dans un langage outrancier. Et puis, nous avons affaire à deux personnalités que tout semble opposer: Hergé, le dandy toujours impeccable, qui maîtrise parfaitement ses sentiments, et Céline, qui se complaît dans son image de clochard, mettant «sa peau sur la table» à chaque livre. Enfin, il y a le caractère difficilement accessible des pamphlets de Céline. Bagatelles pour un massacre, L'école des cadavres et Les beaux draps ne sont pas, comme on le dit souvent, interdits par la loi, mais seulement interdits de réédition par Céline lui-même, aujourd'hui par sa veuve, Lucette Destouches, qui vit toujours. Et puis, au-delà de toutes ces raisons, peut-être y a-t-il quelque chose de profondément choquant, de presque monstrueux, dans ce rapprochement. Comment imaginer que trois générations de Français ont peut-être appris à lire à leur insu dans le pamphlet antisémite du siècle?
* Céline, Editions Ecriture. Emile Brami est également le fondateur de la librairie D'un livre l'autre, rendez-vous mondial des céliniens (6, rue Bréa, Paris VIe)

 

Cet excellent Brami, au moment où il arrive à la question "Comment expliquer cela?" ramollit de la couille. Il est pris de vapeurs. Il ne peut pas faire, ne serait-ce qu'une allusion, à la proximité qui existait entre Rémy (Hergé) et Léon Degrelle, dans la Belgique de la fin des années trente. Degrelle faisait alors une carrière politique météorique que nous n'allons pas résumer ici. Mais il a expliqué ses rapports avec le jeune dessinateur du "Vingtième Siècle" :

Tintin mon copain
Un livre extraordinaire. Degrelle, au soir de sa longue vie de combattant, revient sur sa prodigue jeunesse et sur sa rencontre avec un jeune homme timide et rangé, qui passait son temps à crayonner dans un journal de curés. C'était Georges Remi, qui deviendra, sous le nom de Hergé, l'immortel auteur des Aventures de Tintin. Degrelle montre ensuite que le jeune reporter aux culottes de golf a énormément emprunté au jeune Degrelle, qui s'agitait beaucoup et partait au Mexique pour de terribles aventures. Degrelle raconte aussi la suite, la guerre et l'après-guerre et tout ce que la Belgique ingrate lui revaut. (aaargh, page "livres/livres.html )

 

 

Robert FAURISSON

4 novembre 2009

 

Quand Céline, peu avant sa mort, se confiait
à un journaliste américain

Tout récemment, dans un message adressé à un correspondant français, j'ai été amené à écrire :

Pour moi, « la trilogie allemande » (D'un château l'autre / Nord / Rigodon) constitue une épopée de l'Allemagne. C'est, je le redis, un cavalier français qui l'a écrite, un cavalier qui, en 1914, pied à terre, a été si grièvement blessé par une balle allemande que, jusqu'à la fin de son existence, il en a souffert.

Il y a évidemment là [de la part du cavalier Destouches] une attitude quasi incompréhensible pour des générations de néo-Français, soûlés au gaz d'Auschwitz et auxquels, dès l'école, on apprend à aller cracher sur les tombes du vaincu.

J'ajoutais qu'en 1960 Céline avait fait à Robert Stromberg, journaliste (juif ?) d'une revue littéraire américaine, la déclaration suivante à propos de Nord :

Ça parle de la manière dont les Allemands ont souffert pendant la guerre. Personne n'a écrit sur ce sujet Non ! Non ! Vous êtes supposé ne pas mentionner ça, la manière dont ils ont souffert Restez tranquille Chut ! (Il met le doigt sur les lèvres). Ce n'est pas bien de parler de ça. Pas un mot. Non ! Seul l'autre côté a souffert ! Chut !

C'est en relisant l'un des Cahiers Céline que j'ai redécouvert cette interview et, en particulier, ce dernier passage (Cahiers Céline 2, NRF / Gallimard, 1976, p. 172-177 ; p. 174). La traduction en était signée d'Henri Godard qui écrivait : « Cette interview, parue en anglais pendant l'été de 1961, semble dater de l'été précédent. Stromberg, précisant dans le texte d'introduction que Céline s'adresse à sa femme en français, donne à penser que dans l'interview elle-même [Céline] s'exprimait directement en anglais. » Pour ma part, je me demande si l'interview ne daterait pas plutôt du début de l'année 1961 puisque, aussi bien, on y lit : « J'ai presque 67 ans - en mai j'aurai 67 ans ». Né le 27 mai 1894 (« je suis né en mai, c'est moi le printemps »), Céline est mort le 1er juillet 1961.

La traduction française comportant des coupures, qui sont d'ailleurs signalées au lecteur, j'ai pensé qu'il serait intéressant de retrouver dans son intégralité l'article de Stromberg (« A Talk with L.-F. Céline », Evergreen Review [New York], vol. V, n° 19, juillet-août 1961, p. 102-107). J'en ai reçu le texte grâce à l'obligeance de correspondants étrangers, dont l'un est le révisionniste américain Michael Hoffman, un fervent célinien. Les portions qui ont été traduites en français par H. Godard sont ici reproduites en gras.

 

Evergreen Review 19, 1961 ROBERT STROMBERG

A TALK WITH LOUIS-FERDINAND CELINE

It is a very strange feeling, to be seeing Celine. Celine the terrible! Celine the outraged! Celine the put upon! Celine the Fou!

Celine lives in Meudon, on the fringe of Paris. He lives in a three-story nineteenth-century wood and mortar house with his wife Lucette Almanzor and about half-a-dozen dogs, as near as I could count. His wife, he says, is the owner of the house.

"I thought you were coming tomorrow I wasn't expecting you I haven't prepared I thought tomorrow come in, come in."

Those were his first words. He addressed his wife in French, telling her to take my coat, to get me a chair. He is a large man - but he is bent. He moved slowly, a shuffle - as if he were too weak to do anything else - to the other side of a large room that seemed to be a combination kitchen, dining area and writing room. He sat down at a large round table, pushing to one corner, and some of it to the floor, piles of books, papers and magazines and made room for us to talk.

"What is it you want? Who is this for? I don't want scandal! I've had enough."

When I satisfied him finally, he settled more comfortably in his seat.

"There is a good deal of interest in you in America," I began.

He dismissed this with a blow of air and a wave of his hand. "What interest? Who is interested? People are interested in Marlene Dietrich and insurance - that's all!"

"How have you been feeling, are you still practicing medicine?"

"No, no more, I gave it up six months ago, I'm not well enough."

"Do the people here know you as Celine?" (Celine's real name is Louis-Ferdinand Destouches, M.D. [Docteur])

"They know me well enough to be unpleasant about it."

He gave no further explanation.

"What do you do with most of your time?"

"I'm around the house, always the dogs, I have things to do, I keep busy, I don't see anyone, I don't go out, I'm busy."

"Are you writing?"

"Yes, yes, I'm writing I have to stay alive, so I write No! I hate it. I have always hated it it is the most terrible thing for me to do I never liked it, but I'm good at it it does not interest me in the least, the things I write - but I have to do it. It is torture, it is the hardest job in the world."

His face is bony, gaunt, and it is gray; and his eyes are terrible things to look into; he was angry at the thought of still having to work.

"I am almost 67 - in May I shall be 67 to do this torture, the hardest job in the world"

Gallimard, his publisher, recently brought out his latest book, North. "It is about how the Germans suffered during the war," Celine said. "No one has written about that no! no! you're not supposed to mention that, how they suffered keep quiet shhh!" He put his finger to his lips for quiet. "It isn't nice to talk about that be still NO! only the other side suffered shh!"

Among Celine's books translated into English are Death on the Installment Plan [Mort à crédit, 1936], Journey to the End of the Night [Voyage au bout de la nuit, 1932] and Guignol's Band. Celine had been accused by many responsible people of having written inflammatory and anti-Semitic articles and pamphlets during the German occupation of France. They appeared in a number of French newspapers and were reportedly reprinted by the Germans for consumption in Germany. His books, however, were banned in Nazi Germany. As a result of these accusations he was forced to leave the country. He went to Denmark where he lived for six years, but spent two of those years in a Danish jail.

"Why did you go to Denmark?"

"I had money there. I had nothing here."

"Were you forced to leave France did the government tell you to leave did you leave of your own account?"

"They tore up my apartment in Montparnasse [Montmartre]"

"Who?"

"Madmen, that's who they tore everything I owned, everything I had I was out at the time, with my wife, when we came back the apartment was destroyed ruined everything murdered I went to Denmark."

A few days following my talk with Celine I met a former member of the French resistance movement who happened to have been in on the raiding party Celine had spoken of. I was assured by this man that if CeIine had been home when the raiders struck, he almost certainly would have been murdered.

"Why were you in jail in Denmark?"

"I was a criminal of war."

"Were you accused of collaboration?"

"I said criminal of war! Don't you understand! Criminal of war! I was not accused of collaboration I was a criminal of war! Is that clear!"

"You were supposed to have written things against the Jews."

"I wrote nothing against the Jews all I said was that 'the Jews are pushing us into war,' that's all. They had a fight with Hitler and it was none of our business, we shouldn't have mixed into it. The Jews have had a war of lamentation for two thousand years and now Hitler has given them more lamentations. I have nothing against the Jews it is not logical to say anything good or bad about five million people."

That was the end of the discussion on this subject. Celine came back to France in 1950, after the six unhappy years in Denmark.

Even when he came back a great cry was heard from many quarters of the French press and from many government officials who demanded that he be further punished. Nothing was done officially, however, but from Celine's own inferences, his neighbors made it quite plain what they thought of him.

I had the feeling, sitting in Celine's kitchen, watching and listening to him, that in spite of all he said, in spite of all his natural crankiness and apparent loathing of personal contacts, he was pleased to have someone come to him, someone listen to him
and to ask questions of him; to recall the past, to show that he was not forgotten - people were still reading Death on the Installment Plan and Journey to the End of the Night.

He was being discussed in spite of all the difficulties and the hatreds and foul taste he left with many. If there is any kind of spirit left in him at all, and it seems doubtful, it is a spirit which says "I know what's the proper music I know the right tune they hear nothing"

"You once said that you couldn't read modern books, that they were 'stillborn, unfinished, not written' Do you read anything now?"

"I read the Encyclopedia and Punch, that's all. Punch is not funny, they try to be funny but they are not."

"Is there anyone whom you consider to be a worthwhile writer today?" Before I could suggest anyone he snapped, "Who, Hemingway? He is a faker, an amateur the French realists of the 19th century are a hundred times better." And he quickly rattled off a number of French writers, so quick that I did not get them.

"Dos Passos had a good style, that's all."

"How about Camus?" I asked innocently.

"Camus!" I thought he would throw the vase at me.

"Camus!" he repeated, astonished.

"He is nothing a moralist always telling people what is right and what is wrong - what they should do and what they should not do get married, don't get married that is for the church to do he is nothing!"

Then Celine volunteered the English novelist Lawrence Durrell.

"A whole book about how a girl kisses, the different ways she can kiss and what this means is that writing? That is not writing, it is nothing, a waste. I never had that in my books, my books are style, nothing else, just style. That is the only thing to write for.

"Who knows how many have tried to copy my style but they can't. They can't keep it up for four hundred pages, just try it, they can't do it that's all I have, just style, nothing else. There are no messages in my books, that is for the church!"

He blew the air and waved his hand, dismissing it all.

"No, my books will soon be forgotten, they mean nothing, books don't change anything, it means nothing I have been everything, a cowboy in America, a bootlegger in London, a shark, everything in fact. I have worked since I was eleven. I know what it's all about I know the French language. I can write, that's all.

"Listen to the conversation in the street it has nothing to do with books it is always 'Then I said to him and he said to me and then I said' - actors, that's all. Everybody wants applause the bishop says 'yesterday I spoke before two thousand people, tomorrow I will speak before three thousand'. That's religion! Look at the Pope - when people see the Pope they want to eat him! He is so fat - he eats too much, he drinks too much actors, that's all they are! People are interested in insurance and good times - that's all.

Sex! That's [what] all the fight is about everybody wants to eat everybody else. That is why they are afraid of the Blacks. He is strong! Full of strength! He will take over. That is why they are afraid of him it is his time now, there are too many of them, he is showing his muscle the white man is afraid he is soft. He has been too long on top the smell stinks to the roof, and the Black, he feels it, he smells it, and he is waiting for the take-over it won't be long now.

"It is time for the yellow color the black and the white will mix and the yellow will dominate, that's all. It is a biological fact, when black and white mix the yellow comes out strongest, that is the only thing in two hundred years someone will look at a statue of a white man and ask if such a strange thing ever existed someone will answer, 'No, it must have been painted on.'

"That is the answer! The white man is a thing of the past he is already finished, extinct! It is time for something new. They all talk here, but they know nothing let them go over there and then talk, it is another song there, I was in Africa, I know what it is, it's very strong, they know where they are going the white man buried his head too long in the womb he let the church corrupt him, everybody was taken in you're not allowed to say anything like that the Pope is watching, be careful say nothing! heaven forbid NO! It is a sin you'll be crucified keep it still be quiet be a nice dog don't bark don't bite here is your pap shut up!

"There is nothing inside them they are like bulls, wave something to distract them; tits, patriotism, the church, anything in fact, and they will jump. It doesn't take much, it is very easy they want always to be distracted nothing matters life is very easy."

For what seemed a long time, Celine said nothing. Finally, I said that I had never met a woman who was not sickened by his books, they can never finish them.

"Of course, of course, what did you expect my books are not for women they have their own tricks bed money their own little games my books are not their tricks they know how to go about it

"No, I don't see anyone anymore yes, my daughter is living, she lives in Paris, I never see her. She has five children. I have never seen them." A long silence again. And then " There is no doubt - I am a persecuted man I am a leper." Silence. "You open the door and an enemy enters" Silence. "I have to quit you now I have to write." He walked me to the door.

SORTIE DU VOLUME "LETTRES" DANS LA PLÉÏADE :

1/

 

"Lettres", de Céline : comment Céline devint Céline

Cécile Guilbert

Quoi, encore Céline ? Et encore des lettres ? Après toutes celles déjà éditées par Gallimard dans les "Cahiers Céline" et rééditées en partie dans ceux de la NRF (masse à laquelle il faut ajouter ses correspondances publiées dans la "Blanche" et même de plus récentes (1)) ? Quel intérêt ? Oui, quel intérêt (penseront les plus blasés ou croyant l'être) de replonger à nouveau dans les râlantes rafales de cette bourrique lyrique au puissant génie comique, certes, mais dont la victimisation tordue, l'atroce mauvaise foi, les sempiternelles suées d'angoisse et les roublardises rabâchées ont fait long feu ?
Eh bien justement, réactivation ne signifie pas répétition. Car s'il est des entreprises éditoriales qui limitent le sens d'une oeuvre, d'une expérience, d'une vision, il en est d'autres qui les libèrent, les élargissent, les rendent à leurs variations d'infini comme à leur infernale complexité. Concernant le cas explosif de Céline (c'est-à-dire l'increvable refoulement dont il fait toujours l'objet), il va sans dire que ce volume de la "Pléiade", qui comprend de nombreuses lettres inédites, appartient à la seconde catégorie, opérant un rééquilibrage focal et acoustique définitif.
Couvrant un bloc temporel (1907-1961) enfin confondu avec l'existence agitée et voyageuse d'un certain Louis Destouches en train de devenir l'écrivain Céline, il montre d'abord comment sa tonalité vocale fusionne progressivement avec le style épileptoïde de ses romans à partir de l'écriture de Féerie pour une autre fois.
Ensuite, et parce que sont enfin rassemblés, dans l'ordre chronologique, l'ensemble des destinataires jusque-là épars, éclatent non seulement le riche et nuancé clavier rhétorique actionné par Céline selon qu'il s'adresse à ses maîtresses, ses copains, ses avocats, ses éditeurs, d'autres écrivains, etc., mais aussi, du coup, les fascinants ressorts d'une hyperlucidité et d'un flair stratégique hors pair sur chaque front. Un ruissellement de perles et merveilles voisinant évidemment avec l'odieux délire biologico-raciste qu'à défaut de pouvoir lire ou relire dans les fameux pamphlets toujours interdits de réédition, le lecteur trouvera ici.
Mais surtout, cette éblouissante correspondance qui scelle définitivement son appartenance au top five des épistoliers français (avec Sévigné, Voltaire, Sade - désormais le seul dont la correspondance ne soit pas publiée dans la "Pléiade" - et Flaubert) démontre une fois encore qu'à rebours du fastidieux lieu commun ayant toujours cours, il n'y a pas deux Céline subdivisés entre l'antisémite abject et le styliste génial, l'auteur de l'encore tolérable - car "littéraire" - Voyage au bout de la nuit et celui des romans ultérieurs "illisibles", le signataire des pamphlets et du "reste", mais un seul, quoique multiple, "cas Céline".
En tout cas, le seul écrivain (avec Karl Kraus et Antonin Artaud) dont l'oeuvre cataclysmique et convulsée se soit hissée à la hauteur de ce "moment où l'atroce n'est plus qu'une distraction comme une autre", à savoir : l'histoire du XXe siècle révélée à travers la saisie de l'espèce humaine comme pathologie incurable nécessitant une nouvelle poésie.
D'où, dans les lettres comme dans tous les romans , ces constantes antinomies entre "boucherie" et "féérie", "maléfice" et "danse", "délire" et "dentelles" proliférant pour révéler ce que Céline vit, sent, voit, comprend et ne cesse d'approfondir depuis qu'il est revenu de la guerre de 14-18 et d'Afrique comme le spectre maudit d'outre-mort qu'il ne cessera plus d'être.
C'est pourquoi, métaphysiquement, Voyage au bout de la nuit achève plus qu'il ne l'inaugure la phase de présence "normale" de Céline parmi ses semblables. En effet, à partir de cette vitrification négative ("Je suis un spécialiste du cadavre"), il ne se situe plus, émotionnellement, que dans un point d'extériorité à l'hystérie humaine qui lui échoit comme destin ("Je ne me réjouis que dans le grotesque aux confins de la mort", écrit-il à Léon Daudet en 1932) et terrible vocation (une "vocation de malheur" dit-il la même année).
Chauffée à blanc par sa curiosité, son voyeurisme, sa propension à se ruer au pire pour en jouir, c'est cette singulière "damnation" située au confluent de son élection pour l'horreur et de son époustouflant don pour l'apesanteur qui lui permet de surenchérir verbalement sur la catastrophe en cours, de la prendre de vitesse à travers la descente directe dans "l'intimité des choses, dans la fibre, le nerf, l'émotion des choses, la viande"... Un "horrible travail" accompli "en transe", "comme un médium fait tourner les tables".
Aussi, parallèlement aux lettres préfigurant son drôlissime Entretien avec le Professeur Y dans lequel il définit sa méthode et son style à travers les célèbres images du "métro" émotif et du langage semblable au "bâton" préalablement tordu pour paraître "droit" quand il est plongé dans l'eau, c'est une prodigieuse révélation que de l'entendre, dès 1947, comparer son labeur à celui d'un archéologue de l'impalpable : "Tout est déjà dans l'air il me semble. J'ai ainsi vingt châteaux en l'air où je n'aurai jamais le temps d'aller. (...) Quand je m'approche de ces châteaux il faut que je les libère, les extirpe d'une sorte de gangue de brume et de fatras... que je burine, pioche, creuse, déblaye toute la gangue, la sorte de coton dur qui les emmaillote. (...) Je ne crée rien à vrai dire. (...) Tout est fait hors de soi - dans les ondes je pense..."
C'est son côté "Ariel" éternellement en prise avec "Caliban" (ou "Lucifer"), des références shakespeariennes revenant aussi souvent que l'invocation des "sorcières" de Macbeth dans les lettres de ce formidable chaman auto-halluciné en Hamlet vengeur. Rimbaud affirmait que "le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes" ? "Il faut une certaine assurance spirituelle pour ne pas se perdre au milieu des hommes et des choses", corrobore Céline qui la possédait en diable. Conclusion ? "Boum ! Amen !"

LETTRES de Céline. Edition établie par Henri Godard et Jean-Paul Louis. Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 2080 p., 66,50 ¤ (59 ¤ jusqu'au 31 janvier 2010).
(1) Devenir Céline, Lettres inédites de Louis Destouches et de quelques autres (1912-1919), Gallimard ; Lettres à Joseph Garcin (1929-1938), Ecriture.
A lire chez le même éditeur : Céline, de Philippe Sollers, volume regroupant divers textes écrits de 1963 à 2009.

Le Monde des livres 18.12.09

 

 

2/

Céline ? "De quel désastre obscur"

Pierre Assouline

Il serait temps de s'aviser qu'un écrivain est un bloc. Rien à jeter. Ses lettres font uvre comme le reste. Céline n'y échappe pas. L'épistolier en lui n'est pas seulement abondant : il est nombreux, multiple. Il suffit d'observer les signatures au bas des milliers de mots reproduits dans le fort volume (2080 pages, 59 euros, Gallimard) de cette Pléiade timbrée : « Louis », « Destouches », « Louis Destouches », « L d T », « L. Destouches », « L.D. », « L. des Touches », « Louis Des Touches », « Louis F. Destouches (Céline), « Destouches-Céline »,« L.F. Céline », « Louis F.C. », « LFD », « Ferdinand », « Ton pote Ferd », « Dr Destouches », « Louis Ferdinand », « Dest ». Important, la signature. Elle ne fait qu'augmenter le mystère profond de ces hommes réunis en un. Le cas Céline, Henri Godard, minutieux éditeur avec Jean-Paul Louis de Lettres (2 080 pages, 59 euros), cette Pléiade épistolière, le résume remarquablement dès l'incipit de sa préface : « De quel désastre obscur faut-il que son uvre nous parvienne, pour contenir, à côté de tant de pages qui répondent à l'idée que nous nous faisons d'une littérature pour notre temps, tant d'autres qui sont la négation même du lien que la création littéraire cherche à établir entre les hommes ? » On ne saurait mieux dire le double mouvement dialectique d'attraction/répulsion que provoque son uvre complète. Ce recueil de correspondances couvrant le spectre 1907-1961, on passe effectivement par les différents stades de l'amusement, de l'admiration, de la fascination, du dégoût et du doute face aux différentes explosions de « l'antinomie célinienne ». Céline n'écrivait pas ses lettres comme Gide les rédigeait. Il ne les plaçait pas dans la perspective d'une Pléiade à venir aussitôt l'encre sèche. Elles n'entraient pas dans un projet littéraire. Rien de moins prémédité. Des lettres, ni plus ni moins. Brèves pour la plupart, sauf dans les moments d'exil durant lesquels il est privé de la conversation de vive voix et de téléphonages. C'est le cas pendant la première guerre, puis lors de ses voyages au long cours, enfin à l'occasion de ses retraites forcées au Danemark.On le sait, cet écrivain-là ne fut jamais essayiste. Qu'on n'attende pas de lui qu'il théorise sur sa création, et encore moins sur celle des autres. Il écrit pour informer, s'informer, questionner et surtout réagir tel un moteur à explosions. Qui sont ses correspondants ? La famille (papa, maman), les traducteurs (John Marks), les critiques (André Rousseaux, Claude Jamet, Robert Brasillach), les journalistes collabos (Lucien Combelle, Pierre Costantini, Henri-Robert Petit, Henri Poulain, Alphonse de Chateaubriant), l'Occupant (Karl Epting), les confidents (Marie Canavaggia, Milton Hindus, Albert Paraz, Gen Paul, Roger Nimier), son avocat (Albert Naud) sans oublier, bien sûr, son éditeur Gaston Gallimard qui fut le destinataire de son ultime lettre, celle dans laquelle il annonçait l'arrivée du manuscrit de Rigodon. Le lendemain, il était terrassé par une congestion cérébrale. Ce recueil a ceci de passionnant qu'il permet d'observer plusieurs phénomènes qu'une biographie ne peut mettre en lumière. D'abord, la permanence d'un thème, obsessionnel : la mort, la mort, la mort Puis la recherche permanente du point limite, de manière à savoir en toutes circonstances jusqu'où aller trop loin puisque le propre d'un tabou est d'être transgressé. Enfin, le dernier mais pas le moindre, l'évolution de son style. Et là, on entre vraiment dans la fabrique. Toutes ses voix intérieures se font entendre. Il n'est pas de circonstance personnelle, littéraire, politique qui ne les fasse résonner chacune dans son registre approprié. A partir de 1932, c'est Céline qui signe mais c'est Bardamu qui tient la plume, avec ce qu'il faut de désabusé dans le ton. Normal : l'un est l'autre. Jusqu'en 1936, l'écriture des lettres est aussi classique et provocatrice que celle du Voyage au bout de la nuit.C'est à peine si l'on sent la diatribe antisémite affleurer ça et là. Il en est encore à séduire la feuille de papier, et, à l'occasion, à la faire marrer, voire à la branler. Bientôt, il lui crachera à la gueule. Dès l'avènement du juif Léon Blum à la présidence du Conseil, à la faveur du Front populaire, c'est un fleuve de haine et de vomissures dans un déferlement d'invention langagière, qui atteindra son paroxysme sous l'Occupation ; au passage, on remarquera l'habileté avec laquelle Céline, qui assurera n'avoir jamais publié d'article dans la presse sous la botte, ce qui n'est pas faux formellement, jouera sur l'ambiguïté qui consista à composer ce qu'Henri Godard désigne fort justement comme « des lettres quasi ouvertes » adressées personnellement à des rédacteurs en chef de feuilles collaborationnistes qui se sont empressés de les y publier en bonne place. Ainsi, l'écriture de l'épistolier est-elle en parfaite harmonie avec celle du romancier. Pas de hiatus. Preuve si besoin est qu'il serait vain et dérisoire de persister à séparer le dieu Céline du diable Destouches. Si les lettres de jeunesse de la période 1907-1915 nous étaient inconnues, la plupart des autres nous sont bien connues grâce à diverses publications plus ou moins confidentielles, à des revues ou des travaux universitaires, pour ne rien dire des biographies. Mais cela ne gâte en rien l'immense intérêt de cette réunion car elle offre une continuité saisissante des révoltes au jour le jour du bonhomme Céline. D'autant que, contrairement à nombre d'épistoliers littéraires, il ne s'écoutait pas écrire. Quelle que soit la longueur, c'est presque toujours dense, précis, drôle ou accablant. On n'y trouvera guère de notes de blanchisserie. Henri Godard remarque, au passage, que les pamphlets (Bagatelles pour un massacre, L'Ecole des cadavres, Les Beaux draps) sont « toujours interdits de réimpression » ce qui laisserait à croire qu'une loi l'en empêche ; en réalité, Lucette Destouches, sa veuve, âgée de 96 ans, est la première à s'y opposer car elle entend finir ses jours en paix sans avoir à affronter l'inévitable scandale qui entourera cette édition. Après elle, le déluge, lequel prendra certainement la forme d'un volume de la Pléiade dans laquelle les textes maudits, qu'on peut facilement lire sur la Toile en toute liberté, paraîtront enchâssés parmi des textes moins inflammables, précédés d'un avertissement contextualisant la chose et suivis d'un appareil de notes conséquent. En ce sens, la publication de la correspondance complète est un chevau-léger de l'ultime charge à venir de l'ancien cuirassé Destouches. Ca risque d'être hénaurme et violent. Mais comme l'a répondu l'intéressé à un correspondant qui lui reprochait l'usage immodéré de « merde » dans ses textes : « Chie pas juste qui veut ».

Blog de Pierre Assouline
Le Monde.fr, 29 décembre 2009

Suivi des commentaires des Hurleurs anonymes... La foule des pathétiques, y'zaiment, y' zaiment pas... On repense à l'éléphant, avec sa patience et sa vaseline... On s 'en fout, on les lit pas.

 

Louis-Ferdinand Céline, l'immortel auteur de Bagatelles, avec un rare sourire,
et Marcel Aymé, l'immortel auteur des Contes du Chat Perché,
toujours grognon. Au bois de Meudon.

 

L'ENTERREMENT DE CÉLINE

par Lucien Rebatet

[Journal de L. Rebatet, cahier XX, p. 334 ­ 335 (inédit)]
 
            Nous rentrons à l'instant de l'enterrement de Céline. Il est mort samedi vers 6h du soir, d'une congestion cérébrale. Depuis le matin, il se sentait encore plus patraque que d'habitude, il avait les nerfs à vif. Il s'est étendu un instant en disant à Lucette :
- Je vais crever.
A quoi Lucette lui répond avec son air serein :
- Tu dis ça tous les jours.
- Non, cette fois je sens que je vais crever.
Peu après, il a perdu connaissance, et en vingt minutes, tout était fini.
            Je n'ai appris sa mort qu'hier soir par un coup de téléphone de Robert Poulet. Lucette tenait absolument que cette nouvelle restât aussi secrète que possible, que les meutes de journalistes ne fussent pas alertées. Elle a bien fait. Nous n'étions ce matin qu'une trentaine d'amis (pour la littérature, Roger Nimier, Marcel Aymé, Robert Poulet, Claude Gallimard et moi). Et cet enterrement presque clandestin a été une extraordinaire page célinienne. Le cercueil était posé dans sa chambre à coucher, à côté de la porte de la salle de bain grande ouverte. On voyait le lavabo, les serviettes, et en tournant la tête de l'autre côté, les hardes de Louis-Ferdinand, ses cinq ou six canadiennes élimées, accrochées en tas à un porte-manteau. Lucette aurait voulu une messe (Céline s'en fichait, il aurait voulu la fosse commune), mais le curé du Bas-Meudon a refusé. Il a refusé d'envoyer aussi une religieuse pour faire sa dernière toilette. Nous sommes donc allés directement au cimetière du Vieux-Meudon. Juste à cet instant, il s'est mis à tomber un petit crachin, comme pour une illustration de Mort à crédit. Ce fut vraiment étonnant, car nous étions à peine sortis du cimetière que le soleil reparaissait sur cette banlieue hétéroclite. Nous avons tous jugé qu'il était parfaitement dans l'ordre de ce temps que le plus grand écrivain français d'aujourd'hui fût enterré ainsi, à la sauvette, par une poignée de copains, beaucoup plus pauvrement qu'un concierge.





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