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Pour
ceux qui, comme nous, ont observé de près, souvent
sur place, le remplacement, à partir du Biafra, des humanitaires
traditionnels, bonnes soeurs et croix-rouges, par des personnalités
merdiatiques, des médecins en quête de carrières
politiques et autres plumitifs ignares, le mot humanitaire
déclenche un mouvement antipéristaltique difficilement
contrôlable. En mai 1991, nous intitulions l'éditorial du numéro
4 de la Gazette du Golfe et des banlieues: "La
guerre humanitaire" (voir
annexe).
L'idée qu'on allait pilonner la Serbie pour des raisons
"humanitaires" était évidemment une fumisterie
gigantesque. Depuis un mois la question se pose: est-ce que cette
guerre otanique est faite par des imbéciles qui n'avaient
pas imaginé que les bombes tombant sur la Yougoslavie auraient
un effet quasi mécanique au Kossovo, ou, si les chefs militaires
l'avaient prévu, cette guerre aurait-elle des buts cachés,
inavoués parce qu'inavouables?
On peut répondre franchement: les deux, mon général.
J'ai eu l'occasion d'observer de très près, sur
le terrain, et parfois sous les bombes et le mitraillage des hélicoptères,
le comportement des gradés des armées américaines,
ce que leur jargon militaire appelle le "top brass",
la clinquaille supérieure. Je puis confirmer que le degré
de stupidité et d'étroitesse mentale est aussi élevé
et peut-être même plus, dans l'armée américaine
que dans les autres. Essayer de faire comprendre quoi que ce soit
à un général US est un vrai travail de Sisyphe. [Note de l'auteur : Vous en trouverez
des chroniques dans Catch-22, de Joseph Heller ou, mieux
mais mois drôle, dans Neil Sheehan, L'Innocence perdue,
A Bright Shining Lie,Random, 1988, Le Seuil, 1990]
La discussion sur le choix des cibles doit être surréaliste,
car les militaires ont des euphémismes bizarres pour parler
des destructions et des meurtres de masse qu'ils pratiquent professionnellement.
On ne parle pas d'une maison mais d'une "structure ennemie",
et ainsi de suite...
Il faut déjà relever d'entrée un paradoxe:
dans une zone petite comme la Yougoslavie actuelle, les Otaniques
ont l'air de ne pas savoir exactement quoi frapper. D'ailleurs,
ils restent très discrets sur les cibles réelles
et les dégâts réels. Or, ils ont, au-dessus
de la zone, vingt ou trente satellites qui prennent des photos
ou des mesures radar qui doivent permettre de lire le titre du
journal qu'un idiot de Serbe serait en train de lire le matin
au bistrot. Ils ont des avions d'espionnage électronique
qui survolent en permanence. Et en même temps, on nous dit
qu'on ne sait pas où sont passées des colonnes de
dizaines de milliers de réfugiés, qui se seraient
soudainement évanouies. Les états-majors se fichent
du monde.
Ce qu'ils cherchent à dissimuler c'est l'ampleur de leur
impuissance. Les bombardements ne sont pas une arme très
efficace.
Ce procédé fonctionnait de la façon suivante: arrivant chez des gens qui n'avaient pas de biens industriels (bateaux à vapeur, canons modernes) les puissances coloniales amenaient un bateau ainsi équipé. Il s'embossait devant le palais royal et menaçait directement le souverain local. Les moyens matériels des indigènes ne permettaient pas de menacer la canonnière. Un bateau suffisait. C'est ainsi que furent conquises maintes possessions africaines et asiatiques par les heureux possesseurs d'une petite supériorité technique, disponible dans les débuts du XIXe siècle. Cette petite supériorité purement matérielle a permis également les plus énormes "nettoyages ethniques" -- pour employer le mot à la mode -- que l'histoire ait connus: la quasi disparition des Amérindiens de l'Amérique du Nord, et des aborigènes d'Australie. Ce que fait Milosevitch au Kossovo, à l'échelle artisanale, a été pratiqué en grand par les prédécesseurs de gens qui profitent aujourd'hui de ces vastes espaces, de ces énormes ressources naturelles, qu'ils ont volés à leurs légitimes possesseurs en les obligeant, fusils dans les reins, à quitter leurs villages en flammes. Personne n'est venu bombarder Washington ou Sydney pour empêcher de si colossaux crimes contre l'humanité -- toujours pour rester dans les expressions à la mode. Ce que fait l'Otan est donc dans le droit fil d'une politique de puissance, d'une Machtpolitik, qui ne s'est jamais embarrassée de scrupules quant au cortège de morts et des destructions qu'elle laisse après elle. Et il n'est pas besoin de remonter bien haut: il suffit d'évoquer l'action sur le Panama (décembre 1989), la capture de Noriega et les mille à deux mille morts qu'elle a coûtés, jamais montrés à la télévision. Rappelons que Noriega, trafiquant notoire, était un employé des services de renseignement américains, et donc pas même un "ennemi" véritable.
Au début de ce siècle, des
amateurs de canular avaient inventé la Poldévie,
un quelconque pays balkanique victime d'un destin funeste. Si
ce canular a connu un certain succès dans les milieux du
journalisme et de la politique, c'est que la perception de cette
région balkanique a toujours été confuse.
Depuis le début du XIXe siècle, elle a été
le lieu principal de l'affrontement entre l'Europe occidentale
qui s'industrialisait et le vieux géant qui somnolait,
l'empire ottoman. Si la Grèce obtint l'indépendance,
dans des frontières encore étroites, la Serbie s'est
autonomisée. Mais tout le XIXe siècle a été
un affrontement sanglant entre deux dysnaties de soudards, les
Karageorgevitch et les Obrenovitch. Placés de part et d'autre
de la ligne de fracture entre Est et Ouest, catholicisme et orthodoxie,
Habsbourg et Ottomans, les Croates et les Serbes, qui ne sont
sous tous les autres critères qu'un seul et même
pleuple, héritent d'une identité fondée entièrement
sur l'affrontement avec le voisin. Les Européens, alors
nommés « les Puissances » fouaillèrent
les embryons de nationalisme. A coups d'intrigues et d'argent,
on se faisait des clientèles balkaniques que l'on lançait
les unes contre les autres. C'est de là que vient la pseudo
« amitié traditionnelle » entre les
Serbes et les Français. Manipulations et guerres civiles.
Car si les Européens étaient unis dans leur désir
de démanteler l'empire ottoman, ils ne s'entendaient pas
du tout sur la dévolution des morceaux qu'ils arrachaient
peu à peu à la Sublime Porte. Alors la Poldévie
pouvait bien exister dans l'imaginaire qui ne voyait dans les
Balkans qu'une fourmillière de types basanés toujours
fort occupés à s'entrégorger.
Déjà à cette époque-là (avant
la guerre de 14) les Balkans et la Mer Noire fournissaient un
lieu propice aux affrontements en vase clos: Anglais, Français,
Austro-Hongrois, Turcs, Russes pouvaient y jouer leur partie,
faire leur kriegspiel et s'adonner à de longues
et furieuses conférences internationales. C'est un rôle
utile, que le Liban a joué pendant quinze ans, et qui revient
à nouveau dans les Balkans. On peut se demander pourquoi.
On peut se demander ce que vient faire là une Puissance
qui n'y avait jamais joué aucun rôle auparavant,
les états-Unis. Pour l'opinion américaine, la Yougoslavie,
les Balkans, le Kossovo n'existent évidemment pas plus
que la Poldèvie ou les pingouins du pôle sud. Tous
les pétochards mondains vous le disent avec insistance,
comme pour mieux justifier l'intervention : les Américains
n'ont pas d'intérêts au Kossovo [Note de l'AAARGH : l'auteur se
trompe ; les États-Unis ont toujours intérêt à
bombarder et à détruire ; leur économie
ne survit que par l'anéantissement et l'assujettissement
des autres économies du monde. C'est ce que les professeurs
de géographie et d'économie appellent pieusement
« la mondialisation » ; c'est ce qu'à
l'AAARGH nous appelons la loi du plus fort, ou encore le grand
capital ; voyez les Espagnols obligés de jeter leur
maïs à la mer pour acheter du maïs américain,
voyez les bananes antillaises et surtout, voyez le « plan
Marshall » ! Mais Serge Thion croit fermement
à la puissance américaine, comme d'autres croient
à l'extermination des juifs par les nazis.]. C'est vrai. Et c'est d'autant plus inquiétant.
En Irak, ils avaient, si l'on peut dire, l'excuse du pétrole.
On sait que la décision d'attaquer l'Irak a été
prise au cours d'une réunion du conseil de sécurité
américain où les participants se virent infliger
un laïus du président Bush sur le pétrole auxquels,
de l'aveu des témoins, ils n'ont rien compris, n'ayant
pas eu l'avantage comme ledit Bush d'avoir fait fortune dans le
pétrole avant d'entrer dans le renseignement et la politique.
Là, au Kossovo, il y a bien un complexe minier intéressant,
mais son importance semble minime.
En réalité, les Américains se fichent éperdument
de ce qui se passe au Kossovo dont les habitants étaient
certes opprimés par le régime Milosevitch, surtout
depuis dix ans, mais il faut bien admettre qu'ils l'étaient
beaucoup moins que les Kurdes en Turquie, les Tibétains
en Chine, les Indiens au Guatemala et beaucoup d'autres minorités
maltraitées par des gouvernements alliés des Américains.
L'idée qu'il y aurait d'ailleurs le moindre sentiment humanitaire,
le moindre respect d'un quelconque des droits de l'homme dans
la politique extérieure (et intérieure) des Etats-Unis
d'Amérique serait immédiatement démentie
par un examen sommaire de son passé, de ses pratiques actuelles
et de sa structure de pouvoir. Demandez aux Noirs américains
ou aux Amérindiens ce qu'ils en pensent, aujourd'hui.
On peut donc écarter toutes les motivations avouables que
le pouvoir US met en avant, tant auprès de son opinion
publique que de celle des Européens. En fait, la raison
profonde de l'intervention américaine, otanique par surcroît,
reste profondément enfouie.
Pourtant, il est clair que l'origine est
américaine. De bons esprits voudraient nous faire croire
que c'est l'Europe qui aurait désiré intervenir.
Depuis les débuts de la crise yougoslave, on voit bien
que l'Europe n'intervient qu'avec les armes et les concepts du
XIXe siècle, par clientèles locales interposées.
Les Allemands ont armé les Croates et mis le feu aux poudres.
Vieille technique. Dans le cas du Kossovo, soumis à la
botte de fer de Belgrade depuis une dizaine d'années, la
situation était relativement stable. Le Kossovo avait profité,
au cours des vingt ou trente dernières années, d'une
relative amélioration des niveaux de vie dans la Yougoslavie.
La faiblesse de la participation des Albanais dans la vie politique
locale était un fait, malheureux mais établis depuis
des décennies. Le détonateur aura été
le surgissement d'une sorte de milice, l'UCK. La politique non-violente
de Rugova, qui n'avait pratiquement aucun écho du côté
européen, était depuis le début menacée
par une telle irruption. Or les origines de l'UCK sont entourées
d'un épais mystère. On nous dit que les uniformes
flambants et les armes ont été payés par
de mystérieux "trafiquants de drogue". C'est
une aimable plaisanterie destinée à être avalée
par les gogos du journalisme. Il n'y a pas de drogue au Kossovo
et les trafiquants ne feraient pas de choses de ce genre d'eux-mêmes.
Ils ont donc servi de couverture à une opération
qui doit être purement américaine. On sait que les
militaires américains ont un passé solidement établi
de collaboration avec des réseaux de trafics de drogue,
à commencer par la mafia en Sicile en 1944-45, pour continuer
par le Laos et la "guerre secrète", l'Afghanistan
et d'autres.
La création d'une milice armée, dans une région
où les Serbes sont très minoritaires, depuis très
longtemps, a forcément été perçue
par Belgrade comme le début d'une entreprise de destruction
de la Yougoslavie réduite aux acquêts, comme la création
des milices croates l'avaient été de la destruction
de l'ancienne Yougoslavie, de Pierre Ier et de Tito.
Le reste est un enchaînement logique: soumis à la
pression, les forces militaires serbes commencent à se
créer des zones de sécurité en chassant les
habitants albanais et en brûlant les villages qui pourraient
abriter et nourrir l'UCK. Les Américains imposent l'ouverture
de négociations à Rambouillet et mettent au point
des conditions totalement inacceptables pour n'importe quel gouvernement
siégeant à Belgrade. Une des clauses de l'« accord »
de Rambouillet prévoit, par exemple, que les forces américaines
auront libre accès par terre, par mer et par le ciel à
tous les points du territoire yougoslave, en cas de besoin, et
que lesdites troupes américaines ne pourraient pas faire
l'objet de poursuites judiciaires locales. (voir annexe 2) En somme, la bonne vieille extra-territorialité
coloniale. (Les Italiens viennent d'en jouir amèrement
avec l'avion qui a fait tomber un téléphérique
dans les Alpes). Celui qui a vu qu'il y avait le nom de Rambo
dans Rambouillet a bien vu.
A Rambouillet, la menace était simple et claire, avec l'hypocrite
complaisance des Européens qui jouaient sur le devant de
la scène (le numéro des clowns Fox et Védrine
était particulièrement affligeant) : ou vous
acceptez ou on vous bombarde. On fait ça à l'irakienne.
Ce genre de procédé ne relève pas de la diplomatie
mais bien plutôt des méthodes de la Mafia, que les
politiciens américains connaissent si bien. Du pur chantage.
L'exemple irakien montre que les hyènes du Potomac inventent
de nouvelles conditions à remplir à chaque fois
que l'ennemi, battu et humilié, cherche à remplir
celles qu'on lui a proposées pour sortir de la guerre.
Les bombardements sont tombés sur des gens qui étaient
prévenus et qui ont donc pris des dispositions de nature
militaire : ils ont dispersé les hommes et le matériel
lourd et, dans la perspective d'une tentative de conquête
du Kossovo, ils ont dégarni les zones frontalières
de leurs populations prêtes à collaborer avec l'envahisseur,
qu'ils ont chassées par la force et la terreur. Tout cela
était parfaitement prévisible. Dire que les militaires
ne l'avaient pas prévu sous-entend qu'ils sont payés
pour penser, ce dont on ne risque pas de les accuser.
Les Américains étaient donc d'autant mieux préparés
à entrer dans le conflit qu'ils l'ont déclenché
eux-mêmes et qu'ils le pilotent pour l'instant avec persévérance,
et non sans succès. Nous sommes donc dans cette situation
extraordinairement bizarre d'avoir une guerre menée en
Europe par les États-unis d'Amérique, une guerre
qui fait penser à celles qu'ils ont faites en Asie, Corée,
Viêt-Nam, et en Amérique latine. Au Moyen-Orient
et en Afrique, ils n'ont fait que de brèves et grotesques
interventions.
Sur le plan du droit, cette guerre est totalement dépourvue
du moindre fondement. L'Otan, qui est un pacte de défense,
passe à l'attaque d'un pays qui ne le menace nullement.
On apprend donc que l'Otan n'est pas ce que l'on croyait que c'était.
L'ONU n'est qu'une fiote inutile. Nous avions déjà
observé que la Charte avait été totalement
et définitivement abrogée de facto lors de
l'intervention en Somalie: là, la charge de l'intervention
avait été confiée, non pas aux Nations Unies
ni à un groupe de pays agissant au nom de la communauté,
mais aux seuls États-Unis, avec un mandat qui recommandait
la "reconstitution" d'un pouvoir politique. On sait
que nulle autorité somalienne n'avait demandé cette
intervention. Les Nations unies sont légalement mortes
lors d'un débarquement ridicule des Marines sur la plage
de Mogadiscio. Alain Joxe avait alors attiré l'attention
sur la manière qu'avaient les Américains de jouer
entre « casques bleus » et « casques
kaki ».
Débarrassé de l'ONU et de l'Otan organisation de
défense, on peut donc attaquer un pays souverain et le
bombarder : il n'y a donc plus de droit international, fondé
sur la souveraineté des États. On peut s'en plaindre
ou s'en réjouir car ce droit était hypocrite, mais
enfin, il a fondé l'ordre mondial depuis la deuxième
guerre mondiale. On a donc affaire à un pouvoir qui agit
arbitrairement et qui se fabrique des ennemis comme il se crée
des alliés. Lorsque Hitler pratiquait cette même
politique aux dépens de ces voisins, avec sans doute un
peu plus de justifications, on le condamnait. Son régime
est aujourd'hui voué à une juste exécration.
Est-il probable que l'avenir réserve le même traitement
aux expansionnistes américains?
Il semble bien que le premier but de cette guerre soit là :
en dehors de toutes considérations juridiques (plus de
droit) et politique (la Poldévie), le Pouvoir (mondial)
demande à ceux qui voudraient être ses alliés
de se mettre en rang, le petit doigt sur la couture du pantalon
et d'obéir sans moufter. Washington veut éprouver
notre nature d'esclaves, à nous autres Européens.
L'Europe, et avec tout le mal que l'on peut -- et que l'on doit
-- en penser, vient de faire un geste qui pourrait avoir des conséquences :
l'unification monétaire. Mais elle n'a pas abordé
le problème de l'unification politique. C'était
donc le bon moment pour les Américains de convaincre chacun
des gouvernements de l'Europe qu'ils ne sont que de petites crottes
de pigeon qu'il est facile de piétiner. Ils doivent défiler
enchaînés au char de la politique américaine.
Le cinquantenaire de l'Otan, c'est le triomphe de César,
et la montée vers le Capitole. Toute l'imagerie est là.
Mais nous ne savons plus où est la Roche tarpéïenne.
Avec la Poldévie comme terrain, les Poldèves comme
chair à canon et les idiots albanais comme lamentables
téléréfugiés, l'Otan comme instrument
militaire à 90 % made in USA, la cohorte des
larbins chirac, des pauvres blairs, des lamentables schröder,
Israël dans la poche revolver, l'Amérique rassemble
les éléments de son hégémonie.
Certains, qui seraient animés par un anti-américanisme
primaire qui a très mauvaise cote dans la presse servile
qui nous bat les oreilles tous les jours, pourraient croire que
l'Amérique veut l'hégémonie pour l'hégémonie,
pour le plaisir narcissique de se dire la plus grande, la plus
forte, etc. Certes, il doit y avoir de ça dans la culture
des vachers (dits aussi cow-boys) qui occupent les fauteuils
à Washington.
Mais la vérité se cache sans doute derrière
une illusion que nous pourrions formuler ainsi : la guerre
froide est finie. Or, justement, elle n'est pas du tout finie.
Certes, le communisme, ou ce qui en portait le nom, est tombé
il y a dix ans. Certes, l'empire soviétique s'est effrité.
Certes l'armée rouge n'est plus que l'ombre d'elle-même.
Certes, le pitre alcoolique que l'Occident a imposé au
Kremlin s'y vautre toujours. Certes, toute la substance financière
russe se transmute dans les banques suisses. Tout cela est vrai,
et même plus vrai encore. Mais il reste une extraordinaire
menace. Il reste dix ou vingt mille armes nucléaires, dotées
de vecteurs en état de marche, contrôlés par
des groupes militaro-business éclatés, agités
de querelles intestines que nous ne connaissons pas bien. Les
seigneurs du moyen âge avaient recours à des routiers,
des bandes de mercenaires qui finissaient par guerroyer à
leur propre compte. La décomposition de l'Union soviétique
pourrait créer des situations semblables. L'État
russe s'affaiblit toujours plus. Il n'est pas une menace politique
mais il recèle un potentiel de danger militaire nucléaire.
La guerre froide ne sera pas finie, tant que ce danger ne sera
pas physiquement éliminé. Le politique ne suffit
pas. Pour les candidats à l'hégémonie mondiale,
il reste le souvenir de la trouille qu'ils ont eue pendant quarante
ans des fusées soviétiques. L'avenir de ces milliers
d'armes nucléaires, plus ou moins abandonnées, est
incertain. L'hégémon veut les détruire, pour
ne plus avoir de cauchemars. C'est logique.
On pourrait négocier, racheter, une par une, ces armes
monstrueuses. Ça coûterait cher, mais ça injecterait
de grosses quantités d'argent dans l'armée russe
et c'est une solution qui pourrait se révéler à
double tranchant. Il faut donc, du point de vue des hégémonistes
US, procéder d'une autre manière: continuer à
détruire tout ce qui se trouve autour du coeur soviétique,
les ressources financières, les matières premières,
les bases industrielles, la centralisation politique, le glacis
centre-européen, les franges d'Asie centrale, l'arrière
sibérien, etc. Tout doit être rasé, dissous,
déconstruit, vendu, exporté.
Avec l'Opération Kossovo, les Américains font un
grand pas en avant : à l'instant où ils intègrent
la Pologne et la Hongrie dans l'Otan, promettant à ces
nouveaux toutous un avenir doré contre de solides chaînes
d'acier, ils entreprennent d'écrabouiller l'un des deux
seuls alliés inconditionnels de Moscou dans les Balkans
(l'autre étant l'insignifiante Bulgarie). Ils mettent leurs
esclaves européens en ordre de bataille, montrant ainsi
à toutes les républiques bananières d'Europe
centrale et orientale , y compris, sans doute l'Ukraine, qu'il
faut ramper aux pieds du maître pour ne pas se faire écraser
sous les bombes.
Toutes ces pressions n'ont qu'une seule
cible: les militaires russes. Toute une activité entièrement
bidon se développe autour du « rôle »
que pourrait jouer la Russie dans un « règlement ».
Mais il n'y aura pas de règlement, il n'y aura que des
étapes dans la destruction des ennemis décrétés.
Toute l'agitation autour d'un éventuel « rôle »
de la Russie n'est qu'une manière d'agiter les sinistres
pantins du Kremlin devant le nez des militaires russes, assis
sur leurs fusées qui rouillent, leurs troupes qui ronflent,
leurs bateaux qui manquent d'huile et de charbon, leurs avions
qu'ils ont vendus à des clients plus fortunés...
Ces militaires ne peuvent pas ne pas être sensibles à
l'énorme provocation qui consiste à bombarder Belgrade
sous leur nez.
Le deuxième but de guerre, caché derrière
le premier, est donc de convaincre les militaires russes de leur
totale impuissance, de leur montrer que l'armée américaine
peut impunément s'installer dans leur périmètre
défensif et massacrer leurs amis et leurs alliés
parce, trahis dans tous les cas par toute leur hiérarchie,
ils ne pourront pas appuyer sur le bouton rouge. Ils doivent comprendre
que, très bientôt, les Américains seront chez
eux, installés dans leurs casernes, avec leur saint-frusquin,
pour venir prendre livraison des armes dites « de destruction
massive ». On aura ainsi fini de détruire la
Russie. Aux Russes dépouillés de leurs industries,
de leurs ressources naturelles vendues à l'Ouest, de leur
argent accumulé par le collectivisme, de leurs intellectuels
recrutés ailleurs, de leurs femmes transformées
en putes sur la Côte d'Azur, il restera à manger
l'herbe des steppes et l'écorce des bouleaux.
Alors la vengeance des riches contre les sales pauvres qui lui
ont fait peur sera accomplie. Ce sera au tour des Chinois de se
sentir visés par ce nouvel hégémonisme forcément
totalitaire. Et nous, au fond de notre gamelle, probablement à
moitié vide, attachés au piquet, nous pleurerons
notre liberté perdue. C'est déjà trop tard.
Précision: Tous les ignorants du monde, et en particulier ceux qui font journalistes, parlent de « Kossovo » ou « Kosovo ». C'est le nom d'une plaine où s'est déroulée la fameuse bataille du même nom. La région comporte une autre zone de plaine appellée Metohija, ou Métohine en français. Traditionnellement, en Yougoslavie, on parle donc du territoire du Kossovo-Metohija, ou Kosmet. Quand à la majorité albanaise, elle doit beaucoup à Mussolini qui a expulsé plusieurs centaines de milliers de Serbes du Kosmet. Certains s'en souviennent peut-être.
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l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.