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Christopher Hitchens,

Les Paroles de Wiesel,

The Nation, 19 février 2001

 




On se demande s'il existe un poseur et une baudruche plus méprisable qu'Elie Wiesel. Je suppose que ça peut exister, mais il n'existe sûrement pas de poseur et de baudruche qui, en plus, est l'objet, dans le domaine moral, d'une déférence grotesque qu'il considère comme son dû. Prenons, par exemple, son article sur Jérusalem dans le New York Times du 24 janvier 2001.

 

Quelle étonnante magnanimité: reconnaître le droit de le critiquer! Mais on ne nous dit pas de quand date cette abstention exemplaire de Wiesel dans le domaine es affaires intérieures israéliennes: il appartenait en effet à l'Irgoun de Menahem Begin dans les années quarante, à l'époque où cette bande exerçait une violence inouïe à l'encontre les civils arabes et était tout à fait prête à faire de même contre les juifs. Quoi qu'il en soit, son affirmation douteuse n'est que la prélude à l'abandon de ce principe de non-intervention imposé par les circonstances actuelles, car c'est Jérusalem qui est en cause, et "le fait que je ne vive pas à Jérusalem est secondaire, Jérusalem vit en moi." (toujours modeste). Malheureusement, le paradis intérieur de Wiesel est plein de serpents qu'il faut aussi maîtriser.

"Souhaitent", "Liens", "Compréhensible", Troisième ville sainte". Wiesel a du mal à faire ces concessions, qui paraissent pourtant bien méprisantes et condescendantes. Après tout, il annonce que "la ville est mentionnée plus de six cents fois dans la Bible" ce qui (du point de vue d'un fanatique religieux) donnerait aux chrétiens arabes, qui représentent quinze pour cent de la population palestinienne, une revendication extrêmement solide sur ce lieu antique. (Incidemment, quelqu'un peut-il me dire combien de fois la ville est mentionnée dans la Thora?) Mais pour Wiesel, tous les Arabes sont musulmans et même s'ils vivent à Jérusalem, cela ne change rien à la façon dont Jérusalem vit en Wiesel. Evidemment, Jérusalem vivrait plus à l'aise en lui si ces Arabes n'y habitaient pas du tout. On me dira que j'exagère, mais je ne pense pas: au cours d'une tournée de propagande sur l'histoire de notre temps, il affirme qu'en 1948, "à l'instigation de leurs dirigeants, six cent mille Palestiniens ont quitté le pays, persuadés que dès qu'Israël serait vaincu, ils pourraient y revenir."

Cette affirmation est un mensonge pur et simple et Wiesel le sait très bien. De plus, c'est un mensonge auquel personne ne croit et que les dirigeants israéliens eux-mêmes ont complètement abandonné. Les historiens israéliens et juifs l'ont dit et redit: la BBC écoutait et transcrivait tout ce que disaient les stations de radios arabes de la région, en 1947 et 1948, tous les journaux étaient soigneusement épluchés et on n'a pas un seul exemple d'une telle "instigation", directe ou rapportée. A la fin des années cinquante, le défunt historien et diplomate Erskine Childers avait lancé sur le thème un défi que personne n'a jamais relevé et que personne ne relèvera jamais. Et ce mensonge, on le comprend bien, est fondamental parce que "la négation de l'expulsion" est à la base de tous les événements ultérieurs et empoisonne la situation aujourd'hui encore. (quand les négociateurs israéliens abordentla question du droit au retour, avec les plus grandes précautions, eux au moins ne font pas semblant de parler d'âmes mortes ou de fantômes.)

Dans une remarquable réponse à Wiesel publiée dans Vesti, le plus grand quotidien israélien en russe, I. Chamir fait preuve d'indulgence lorsqu'il compare Wiesel non à Jabotinski mais au Chevalier de la Triste Figure et à sa folle quête de pureté.

 

Chamir évoque la belle ville que les Palestiniens, il y a des siècles, ont "couronnée du Dôme d'or d'Al Charif, ce joyau magnifique, ils y ont construit leurs maisons à arche pointue et large porche, l'ont plantée de cyprès et de palmiers." Mais il perd son temps avec Wiesel, qui prétend que la Palestine était un désert avant qu'il y arrive avec les autres voyous de Begin, et qui diffame ceux qu'il a aidé à déposséder, d'abord en prétendant à tort qu'ils s'étaient enfuis de la ville chérie de leurs ancêtres, puis en leur déniant le droit d'éprouver de la nostalgie.

En 1982, lorsque le général Ariel Sharon prit les habitants de Sabra et Chatila comme cible d'exercice de ses mercenaires, Wiesel nous a régalés d'un de ses exercices de neutralité. Au New York Times qui lui demandait de commenter le massacre, il n'exprima pas le moindre remords, et il fut presque le seul parmi les juifs américains interrogés sur la question: "Je crois que nous ne devrions pas faire le moindre commentaire", dit-il, ajoutant immédiatement un commentaire bêlant sur "la tristesse qu'il éprouvait pour Israël -- et non contre". Quant aux victimes, il n'eut même pas un regret de commande pour elles.

Au moment où j'écris, il semble que le même Sharon s'apprête à devenir premier ministre d'Israël. Vous vous souvenez qu'il avait envahi l'ouest de Beyrouth en septembre 1982, en s'abritant derrière le prétexte fallacieux qu'après l'assassinat du premier ministre maronite, Bachir Gemayel, il fallait protéger les civils palestiniens contre les représailles des phalangistes. Il envoya alors dans leurs camps sans défense la milice phalangiste le plus extrémiste et assista ces fascistes notoires dans leur sale boulot nocturne en allumant les projecteurs et en couvrant leurs arrières dans la journée: le tout dura trente-six heures au bout desquelles il couvrit leur retraite triomphante et les remercia de leur travail. En d'autres termes, l'essentiel de l'aide militaire américaine à l'étranger va bientôt être mis à la disposition d'un homme qui, harnaché de pied en cap, les mains sur les hanches, contemplait avec satisfaction, à la jumelle, l'amoncellement toujours grandissant de cadavres humains. Le sol de ce triomphe avait été engraissé des pensées superbes d'Elie Wiesel.

 




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