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Comment combattre le révisionnisme ?

Un entretien avec Pierre Chaunu



Information juive : Comment expliquez-vous le fait que des gens qui se prétendent historiens puissent professer des thèses révisionnistes ?


Pierre Chaunu : Selon moi, ces individus ne peuvent être considérés comme des historiens. Ils tirent profit du terme même de "révisionnistes", un mot que nous avons à tort accepté d'utiliser à leur égard. En effet, au sens large, le révisionnisme qualifie un processus intellectuel qui est au coeur même du progrès et de la civilisation. Galilée était un révisionniste ; toutes
les connaissances sont en procès constants de révision et pour reprendre un mot célèbre, la science progresse de rature en rature. On voit bien alors pourquoi les "révisionnistes" ont revendiqué cette expression connotée positivement. Or, ceux qui réfutent l'existence de la shoa sont des négationnistes et, par conséquent, on ne devrait utiliser à leur égard le terme de "révisionniste" qu'avec des guillemets.

I. J. : Les thèses "révisionnistes" , sont donc totalement incompatibles avec la connaissance et la science historiques ?

P C : Absolument. Je constate que la plupart des "révisionnistes" sont des littéraires de formation. Leurs motivations sont claires : elles traduisent toujours plus ou moins un sentiment de haine antisémite. Mais il est remarquable que leur raisonnement reflète une ignorance radicale du maniement de la connaissance historique. Une seule anecdote permettra de l'illustrer.
Il y a une dizaine d'années, Faurisson a fait irruption dans mon bureau. Il m'a sommé de lui montrer un texte signé par Hitler dans lequel il ordonnerait le massacre de six millions de juifs. Je lui ai répondu qu'un tel document n'existait pas "C'est un aveu" m'a-t-il dit. "Mais ces millions de juifs, où sont-ils passés ?", lui ai-je demandé. Il m'a déclaré que ce n'était pas son problème. Il est bien évident que la vérité historique ne consiste pas à trouver un tel document; elle se construit par la prise en compte de la totalité des sources et des témoignages.

I. J. : Comment combattre les arguments de ceux qui nient l'existence de la shoa et empêcher la propagation de leur idées ?

P . C. : Il faut s'employer à diffuser tous les ouvrages historique qui montrent que la shoa est la chose la plus incontestable qui soit et que le "révisionnisme" repose sur des erreurs monstrueuses. A ce titre, je ne peux que faire l'éloge du livre de
Pierre Vidal Naquet, Les Assassins de la Mémoire (Ed. La Découverte), où l'historien décrit les origines du phénomène "révisionniste" en France et démontre rationnellement comment les thèses professées ne tiennent pas debout. Pour chasser les idées "révisionnistes" de la tête des gens, il faut fournir des arguments de bon sens.

I. J. : Que pensez-vous de la
loi Gayssot de juillet 1990 et qui institue le délit de contestation des crimes contre l'humanité ?

P C. : Je comprends très bien qu'on ait pris une législation d'exception et qu'on cherche à protéger les victimes. On ne peut dire à des gens qui ont perdu parfois la moitié des leurs que le génocide n'a jamais existé. Mais je pense que d'un point de vue pratique, une législation d'exception est inefficace à long terme. Les "révisionnistes" sont certainement des "salauds" mais ils sont surtout des imbéciles. Et on n'arrête pas des imbéciles . il n'y aurait pas de place dans les prisons !

I. J : . Vous privilégiez donc un travail de prévention sur l'oeuvre de dénonciation ?

P C. : La dénonciation, c'est la pire des bêtises. Elle transforme dans ce cas l'agresseur en agressé. Et au bout de cinquante ans, on dira qu'on s'est acharné sur de pauvres types. Il faut traiter les "révisionnistes" avec mépris sans quoi on risque de provoquer un sentiment de compassion en leur faveur. Je crois qu'une législation d'exception peut faire du "révisionnisme" une sorte de fruit défendu. Il ne faut jamais répondre avec des armes sur-dimensionnées. Faire de la réclame aux "révisionnistes" ce serait leur conférer une dignité qu'ils ne méritent pas.
L'arme la plus efficace contre eux c'est de les ridiculiser en leur opposant des arguments de la raison. [NOUS ATTENDONS LES ARGUMENTS DU SIEUR CHAUNU...]

I. J. : Les thèses " révisionnistes ", ont-elles, selon vous, un avenir en France ?

P C. : Il ne faut pas grossir le phénomène. Certes. il s'agit d'une bande d'individus dont les idées peuvent se répandre dans certains secteurs de l'opinion, de plus en plus au fur et à mesure que le temps se sera écoulé. Mais il ne faut pas s'affoler. On doit raison garder et confier à quelques-uns la tâche de réfuter.




Propos recueillis par Nathalie Hamou, Information juive, janvier 1992


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