Il y a quelques jours, la revue d'extrême gauche Politis indiquait: "I'affaire Dauvé-Quadruppani-Daeninckx-Perrault pourrit depuis plus d'un an les réunions de Ras I'Front, entravant son développement". Quel aveu de faiblesse. Mais il faut remonter à environ une bonne année pour comprendre l'affaire qui secoue actuellement toute l'extrême gauche.
Dès juin 1996, de très fortes tensions se font jour au sein de l'extrême gauche antifasciste à la suite de la publication par le groupe Scalp/Reflex de Libertaires et ultra-gauche contre le négationnisme, cosigné par Serge Quadruppani, Gilles Dauvé et un certain François-Georges Lavacquerie, qui est le pseudonyme d'un militant d'extrême gauche qui ne souhaite pas être identifié. Ces trois ex-libertaires, qui militent alors à Ras l'Front, ont appartenu -- ou furent proches dans les années 70 -- de diverses revues révisionnistes d'ultra-gauche (thèses révisant l'histoire de la Seconde Guerre mondiale telle qu'elle a été définie par le Tribunal de Nuremberg, notamment à propos des chambres à gaz homicides) comme La Banquise, La Guerre sociale ou La Vieille Taupe. C'est Gilles Perrault qui signe la préface, cautionnant ainsi cette publication, ce qui lui vaut d'être alors mis en accusation, tout comme un autre des fondateurs de Ras l'Front, Maurice Rajfus (de son vrai nom Plocki), par le romancier Didier Daeninckx, qui n'attendait qu'un faux pas pour tenter de prendre le contrôle de l'organisation.
Historien spécialiste de la collaboration des autorités juives avec Vichy ou l'occupant allemand (Union générale des israélites de France, etc.), il a toujours oscillé entre Ligue communiste révolutionnaire (qui contrôle Ras l'Front) et extrémisme politique pur et dur. Lors d'une conférence de presse, Maurice Rajfus, qui n'apprécie pas de vivre à ses dépens les mésaventures de l'abbé Pierre, attaque donc bille en tête avec le groupe Reflex/No Pasaran: "Ces gens qui montrent du doigt, maintenant, des militants politiques oublient que pendant des années, ils ont été eux-mêmes des négationnistes. Ils ont nié les purges soviétiques, les millions de morts, les goulags, par leur appartenance au PCF (...) On voit se monter cet habituel amalgame du complot en sorcellerie que les staliniens savent si bien faire. On montre un certain nombre de gens du doigt. On fouille leur passé, on leur demande pourquoi ils n'ont pas dit ce qu'ils faisaient tel jour à telle heure il y a 25 ans. (...) La question principale, désormais maintenant, ce n'est plus de faire sur le terrain du contre Le Pen, c'est: Est-ce que nous sommes d'accord avec Daeninckx ?" Depuis lors, les livres accusateurs se sont succédés.
On a eu droit à Didier dénonce de Patrick Besson, Les chiffonniers de l'histoire de Daeninckx, Bihr, Terras (le patron de Golias), etc., Le Jeune poulpe contre la vieille Taupe de Daeninckx, et enfin, toujours du même, chez l'important éditeur universitaire Verdier, un livre d'attaque consacré au père de Ras l'Front, I'historien et enquêteur Gilles Perrault, Le Goût de la vérité, réponse à Gilles Perrault. Quadruppani se retrouve pratiquement interdit de publication dans les maisons d'édition policières, interdit de salon littéraire et d'émission. Il commence enfin à subir ce que tous les militants nationaux vivent chaque jour.
Qui est donc ce Daeninckx? Né le 24 avril 1949 à Saint-Denis, ce faux "damné de la terre" n'est autre que le petit-fils du maire communiste stalinien de Stains, Chardavoine (et par son autre grand-père, de descendance anarchiste). Toute sa famille est composée de militants communistes importants. Leur appartement servira à héberger des émissaires de Hanoï. "Pendant les négociations américano-vietnamiennes, deux émissaires d'Hanoï que la presse traquait, habitaient dans notre appartement HLM (...) Plus tard (ma mère) jouera à la touriste en Espagne, ses valises pleines de documents, de directives destinées aux militants communistes." Sa mère, agent de l'lnternationale communiste, sera considérée comme suffisamment sûre pour servir de garde malade au secrétaire général du Parti communiste (trèes entouré) Waldeck-Rochet. Daeninckx est passé par les mouvements de jeunesse communiste (Pionniers, avec qui il fera des séjours en Allemagne de l'Est), les Jeunesses communistes, puis le PC au'il ne quittera qu'en 1982. L'homme passe pour avoir un caractére odieux: "Daeninckx se voit en redresseur de torts, en rédempteur. Il croit qu'il a une mission, se faire puisatier de la vérité au risque de se fracasser sur la margelle de sa paranoia" (Libération, mars 1997).
Cet ancien ouvrier-imprimeur (1966-1975) a pourtant beaucoup à se faire pardonner. Lui qui dénonce les errements intellectuels de quelques camarades a été permanent communiste, comme animateur culturel à Aubervilliers. Prix Paul Vaillant-Couturier (un grand stalinien) décerné par L'Humanité pour Meurtres pour mémoire. ll a -- ses petits camarades ne doivent pas le savoir -- participé à des commandos de nervis communiste "cassant" du gauchiste, avant de se reconvertir chez Pierre Juquin: dans un ouvrage méconnu, Ecrire en contre (Paroles d'Aube, 1997), il reconnaît par exemple avoir participé à des commandos staliniens pur jus. Dans le même temps, il ménage ses arrières, ne négligeant pas les loges, comme le Grand Orient de France où il planche sur le thème finement intitulé Du Roman noir à la filière brune, le 20 mai 1997. C'est qu'entre-temps, Didier Daenincks a quitté l'imprimerie. Il est devenu auteur, signant des textes aux titres aussi riches que Nazis dans le métro, Le Facteur fatal, Le Der des ders, etc. Ce crève-la-faim gagne quand même, selon Libération, la bagatelle, de 50 000 F par mois et est, entre autres, actionnaire d'une importante librairie parisienne, la librairie Nordest. ll dispose surtout d'un impressionnant réseau rela-tionnel ayant participé au lancement avec Gilles Perrault, Daniel Bensaïd et Edwy Plenel, du "Syndicat pour résister à l'air du temps (SPRAT)", un club qui regroupe les anciens trotskystes ayant réussi dans les affaires, la politique et les médias. Dès 1992-1993, il est largement à l'origine de la campagne contre un fantômatique complot "rouge-brun", censé réunir militants nationaux-bolcheviques et tenants de la Nouvelle Droite d'Alain de Benoist. En 1996, comme on l'a vu, il récidive en prononçant les premières excommunications dans son propre camp envers les militants "compromis" dans les affaires révisionnistes. On s'interroge sur les véritables buts poursuivis par Daeninckx, comme l'écrit No Pasaran (juin 1996), estimant qu'il fait le jeu objectif de l'extrême droite: "Daeninckx vise ainsi directement ceux qui n'acceptent pas de le suivre dans sa campagne de dénonciation et sa tentative de démonisation de tout un courant au nom des dérives de quelques uns (...) Nous refusons les amalgames simplistes (...) Nous ne pouvons que nous opposer à la tentation d'une "chasse aux sorcières": à l'instauration d'une véritable inquisition."
Durant l'été 1997, la crise éclate au sein des groupes RLF (Ras l'Front). Six secrétaires nationaux démissionnent. Dans le nouveau numéro de RLF, son président Rémy Barrou, qui avait pourtant poussé à la roue en son temps, tente de remettre les pendules à l'heure, sans véritablement donner d'informations sur la crise de RLF mais plutôt de se justifier quant aux questions d'argent, de fichier, de contrôle du titre, etc. Mieux, il fait voter une véritable motion de défiance vis-à-vis de Daeninckx, ce qui devrait entraîner un véritable éclatement. C'est normal: le mouvement faisant ses choux gras en attaquant le FN qui ne cesse de monter, il recrute évidemment en grand nombre la lie de l'extrême gauche apatride et mondialiste.
Ceux qui l'ont lancé, ceux qui l'ont infiltré, ceux qui l'ont financé, tentent donc aujourd'hui d'en prendre le contrôle. D'où des luttes de tendances. Pour les libertaires, il s'agit de la Gauche socialiste de Dray, Mélenchon, Lienemann, etc.
On voit donc deux groupes se dessiner: l'un soutenant Daeninckx, avec la Ligue communiste révolutionnaire et sans doute le parti communiste derrière, qui infiltre depuis plusieurs années le mouvement antifasciste, (Alain Bihr, Philippe Videlier, l'équipe du magazine faussement catho Golias, I'hebdomadaire juif fondamentaliste Actualité juive, une bonne partie des "Vigilants" du Monde avec Nadine Fresco et Maurice Olender). Gêné aux entournures, Libération a publié trois pages plutôt favorables à Daeninckx et critiques vis-à-vis de Perrault. De son côté, la revue d'extrême gauche Politis a pris parti pour Perrault et Quadruppani. L'historien Pierre Vidal-Naquet se porte caution de Perrault. Les anciens amis des libertaires révisionnistes parlent de les "liquider". Le Monde libertaire (11 septembre 19976) parle ainsi des "petits voyous d'ultra-gauche (...) ll faut ''assassiner'' _s gens et _s revues (. . .) _s crétins congénitaux (. . .) _s crétins infinitésimaux." De leur côté, quelques rescapés du maoisme tentent de tirer les marrons du feu, en lançant une manoeuvre avec leur livre Paroles à la bouche du présent, le négationnisme.. C'est aujourd'hui pétition contre pétition. Dans la meilleure tradition du lénino-stalinisme qui affirmait que le parti se renforce en s'épurant, ce ne sont qu'excommunications croisées. Politis (6 novembre) reproduit par exemple une pétition intitulée "contre Quadruppani", cosignée par de nombreux responsables de RLF comme Alain Bihr, Jacques Bretenstein, Roger Martin, Roland Pfefferkorn, Patrick Silberstein, etc. C'est dire si l'affaire fait des vagues au sein de l'extrême gauche activiste et qu'elle n'a pas terminé d'en faire. Ce n'est pas nous qui nous plaindrons, surtout lorsqu'on a la satisfaction de lire, comme dans L'Evénément du jeudi (30 octobre 1997): "Rien ne va plus à Ras l'Front: I'association antitasciste est au bord de l'explosion. Déjà sept membres du secrétariat national du mouvement ont démissionné (...) climat de guerre civile. "
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National Hebdo No 695 -- du 13 au 19 novembre 1997
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