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The Case for Auschwitz

Quelques réflexions sur le livre de R. J. van Pelt

Par Henry Gardner

 

 

Introduction

Il est curieux qu'un événement, ou plutôt une série d'événements qui a marqué l'histoire du 20e siècle plus profondément peut-être qu'aucun autre à l'exception de l'anéantissement d'Hiroshima et de Nagasaki n'ait jamais suscité le moindre débat historique digne de ce nom. Si des échanges d'arguments ont eu lieu, ils ont pris la forme de ce que les Français appellent un dialogue de sourds.
Une des raisons pour lesquelles un échange ouvert d'idées n'a pas eu lieu pourrait être que pendant presque cinquante ans les camps d'Auschwitz et de Birkenau étaient, non pas inaccessibles, mais du moins non ouverts aux chercheurs indépendants ; par ailleurs, il n'est même pas connu du grand public qu'une quantité énorme de documents a survécu à la fin de la 2e Guerre Mondiale en étant mise en lieux sûrs dans les archives soviétiques, entre autres.

Il faut reconnaître au professeur Van Pelt le mérite d'avoir resitué Auschwitz sur la carte de l'Europe avec son livre d'histoire sur la ville et sa région, bien documenté et écrit en collaboration avec Deborah Dwork, (Auschwitz, 1270 to the Present ). A l'issue du fameux procès du début de l'an 2000 au cours duquel David Irving porta plainte contre Penguin Books et Deborah Lipstadt pour diffamation, le professeur van Pelt mit en forme son travail au service de la défense dans un livre, The Case for Auschwitz. Cet ouvrage est beaucoup moins facile à lire que le précédent, car il présente de manière incohérente une sélection d'éléments fragmentaires de l'histoire du camp, et déçoit le lecteur qui s'attendait à une présentation détaillée et probante.

Ceci dit, les bons livres sont faits pour vous faire réfléchir, et en ce sens, c'est un bon livre. Il vous conduit à vous interroger sur un certain nombre de choses, surtout s'il est lu en même temps que d'autres publications sur ce sujet douloureux ; telles les hésitations de Roseman - ce qu'il appelle des reconsidérations - sur la conférence de Wannsee où il démolit maints dogmes très appréciés; tel le livre d'Hilberg sur les sources de l'Holocauste qui abandonne discrètement des témoignages restés longtemps essentiels comme ceux de Kurt Gerstein et de Jan Karski ; ou tel le livre de Yehuda Bauer Rethinking the Holocaust, qui mentionne en passant que le régime nazi n'était pas aussi totalitaire que beaucoup ne semblent le penser, ou parle de la difficulté de documenter les événements réellement centraux de l'Holocauste. Cette courte liste d'écrits critiques récents sur la persécution allemande des Juifs d'Europe est loin d'être complète, en particulier si l'on pense à l'article de Fritjof Meyer dans "Osteuropa" (5/2002) qui, en dépit de ses nombreuses erreurs, a certainement ouvert de nouvelles perspectives.

Encore un autre livre sur Auschwitz

Face à cet éventail de publications qui abandonnent en quelque sorte des positions antérieures, le lecteur commence à sentir qu'il se déroule, en arrière-plan, une sorte de redéploiement de forces avec des uvres de fiction occupant le devant de la scène alors que des travaux académiques portant un point de vue différent sont publiés hors de portée du regard du public. En allant plus loin, le lecteur s'interroge sur la façon que d'aucuns choisiraient s'il fallait en venir à une réévaluation révolutionnaire. Il en vient à la conclusion que l'on essaierait par tous les moyens d'éviter que la vision traditionnelle ne soit jetée à terre d'un seul coup et d'étirer la chose le plus possible dans le temps derrière un maximum de fumée, pour camoufler une retraite plus ou moins ordonnée. L'objectif serait de gagner le plus de temps nécessaire à la consolidation d'aspects essentiels que l'on tiendrait pour acquis, mais aussi de reléguer toute l'affaire au domaine de l'histoire, en espérant que seuls quelques chercheurs consacreraient leur temps et leur énergie à ces questions. Cependant, tant qu'une somme substantielle de profits politiques ou autres peut être tirée de l'état actuel des choses, la tendance sera de garder de vieilles idées vivaces, quels que soient les éléments nouveaux apportés. Il est possible que ce nouveau livre sur Auschwitz est un exemple de ce courant qui s'est développé dans ce champ historique.

Robert J. van Pelt nous met en présence d'une abondante quantité de matériaux, regroupés par type - intentionnel, légal, accidentel - mais, au final, tout ceci ne parvient pas à convaincre le lecteur que van Pelt a réellement défendu sa cause. C'est une chose que de repousser un plaignant dans une affaire de diffamation devant une cour d'Angleterre, mais c'en est une autre que de rassembler les preuves d'une manière telle qu'un public neutre accepte la démonstration.

Le travail de van Pelt n'est pas, au sens académique, un traité fondé sur une progression cohérente d'hypothèses et d'arguments qui mène au bout vers une conclusion. Il s'agit plutôt d'une structure composite faite de nombreux éléments dont aucun n'est véritablement probant en lui-même ni n'est indispensable à l'ensemble du dossier. L'auteur nous les présente et sélectionne ensuite parmi eux les traces individuelles qui, lorsqu'il les montre toutes ensembles, tiennent lieu de preuve ou de convergence de preuves.

Il y a (au moins) deux choses qui paraissent étranges dans cette façon de procéder. La plus importante est l'admission tacite qu'il n'y a pas de preuve indiscutable du caractère unique, singulier, etc., des crimes d'Auschwitz. La moins importante est qu'en appliquant une telle méthode, l'auteur rejette l'ancienne règle in dubio pro reo - signifiant qu'en cas de doute on doit se prononcer en faveur de l'accusé. Au contraire, van Pelt interprète des points qui sont douteux f comme bon il lui semble et semble considérer qu'à un moment donné, un nombre suffisant d'éléments discutables formera un nouveau tout qui servira de preuve solide contre l'accusé.

L'auteur n'était certainement pas qu'un loup solitaire travaillant dans son coin, et il serait surprenant qu'il n'ait pas été conscient ou mis au courant des défauts de son raisonnement. On en vient donc à penser que David Irving, en prenant le risque immense de lancer sa plainte pour diffamation, entendait peut-être secrètement faire abattre les cartes de ses adversaires, si bien que l'on en voit désormais la main, sous la forme du livre de van Pelt.

" Pravda " ou vérité ?

Si telle était l'intention d'Irving, elle a certainement payé malgré la défaite subie en cour de justice. En effet, il est dorénavant possible de se concentrer sur ce qui apparaît comme les arguments essentiels du dossier sur Auschwitz. Avant d'examiner certains d'entre eux plus en détail, il est utile de noter la déclaration explicite de van Pelt selon laquelle l'histoire officielle du camp, c'est-à-dire ce qu'il en fut dit une fois que les Soviétiques y fussent parvenus, a commencé par une pure invention puis par une erreur monumentale que d'autres personnes seraient tentées d'appeler un mensonge. La première assertion est celle du reporter travaillant pour le journal soviétique Pravda (la Vérité) selon laquelle un tapis roulant à haute tension électrocutait les victimes avant de les précipiter dans un haut fourneau. La suivante est le chiffre de quatre millions de victimes annoncé dans un reportage spécial publié en Union Soviétique en mai 1945. Jusqu'à la chute de l'empire soviétique, ce chiffre était inscrit sur des plaques en métal au camp d'Auschwitz afin que tous les visiteurs le voient ; il fut ensuite modifié. L' " usine de mort " avec ses électrocutions de masse et ses bûchers infernaux fut par la suite abandonnée au profit des chambres à gaz et des crématoires, plus réalistes.

Les premiers faux-fuyants pourraient peut-être s'expliquer par la façon dont on cria haro à la fin de la guerre. Abandonner discrètement les détails techniques impossibles était chose assez aisée à faire, même si des absurdités similaires concernant d'autres camps allemands en Pologne faisaient partie des documents de Nuremberg et constituent toujours des obligations légales pour les historiens de certains pays. Cependant, le fait que le chiffre de quatre millions de victimes ait été un élément majeur de la présentation officielle du camp pendant près de cinquante ans montre la difficulté qu'il y a à emprunter de nouvelles voies dans ces eaux troubles.

Naturellement, on pourrait rétorquer qu'il importe peu que le chiffre officiel actuel de un million de victimes soit vrai et que l'ancien soit faux, et cela peut se défendre d'un point de vue moral, mais nous ne devons pas perdre de vue que l'argument de base sur Auschwitz n'est pas que des foules aient été tuées (des choses semblables se sont malheureusement produites au cours de l'histoire, y compris pendant la Deuxième Guerre Mondiale), mais plutôt que le nombre extrêmement important de victimes y rendait nécessaire, pour les auteurs du crime, d'inventer, d'appliquer et de perfectionner une méthode industrielle d'assassinat, et que l'" industrie de la mort " constitue quelque chose de qualitativement nouveau dans la longue chaîne d'horreurs que l'homme a infligées à son voisin.

Le chiffre de quatre millions de victimes a donc servi un double objectif. D'une part, les Soviétiques l'ont utilisé pour cacher leurs propres atrocités de masse, plus étendues en nombre et dans le temps. D'autre part, une nouvelle dimension fut conférée aux crimes commis par les Nazis qui permit aux vainqueurs de la guerre mondiale de justifier n'importe laquelle de leurs actions comme étant quelque chose d'inévitable dans la lutte à mener contre un ennemi si diabolique. En prenant un peu de recul, on se trouve face à un raisonnement circulaire : l'énormité du nombre de victimes et la manière industrielle correspondant à la nécessité de les tuer conféra une qualité propre au site d'Auschwitz, aussi, en raison de son caractère unique, il était désormais inutile de revoir les nombres à la baisse. Par conséquent, si quelqu'un veut vraiment comprendre le dossier d'Auschwitz, il est très important de connaître le nombre réel de gens qui y périrent et les circonstances de leur disparition - quelque chose que Fritjof Meyer a tenté de faire d'une manière quelque peu boiteuse. Ce dont on a besoin maintenant n'est pas tant une révision de haut en bas qu'une analyse fondamentale, un examen de toutes les bases de ce que beaucoup de gens considèrent comme le crime du millénaire.

En procédant de la sorte, on ne devrait pas oublier que l'histoire du monde occidental après la Deuxième Guerre Mondiale repose, dans son essence même, sur notre vision d'Auschwitz, ce qui se ressent de multiples manières, politiquement, moralement et économiquement. Par ailleurs, notre perception d'Auschwitz modèle encore le futur de notre partie du monde, et quoiqu'il soit raisonnable de s'en tenir à des opinions traditionnelles pour ce qui est de la situation politique actuelle de l'Occident, ces questions prennent une toute autre signification quand on examine les problèmes qui s'annoncent.

Mais ne nous écartons pas trop du sujet qui nous intéresse ici, qui est après tout le dernier livre de Robert J. van Pelt, et examinons d'un peu plus près quelques uns des détails qu'il discute.

Un témoin

Au chapitre " Preuves intentionnelles ", on note, par exemple, le témoignage de Janda Weiss. Il arriva à Auschwitz âgé de quatorze ans, et, assez étonnamment, ne fut pas envoyé directement à la chambre à gaz, malgré son jeune âge. Au lieu de cela, il fut engagé comme aide de cuisine et apportait la nourriture au Sonderkommando du crématoire dans lequel il serait affecté lui-même un an après. Comme tant d'autres témoins, il échappa au destin qui, dit-on, frappait régulièrement cette unité, et survécut pour raconter son histoire.

Pour un certain nombre de raisons - Weiss effectue des allégations spécifiques et fournit des détails spécifiques - van Pelt s'accorde avec Staeglich, cet ultra-révisionniste, pour dire que Weiss devrait être considéré comme un témoin sérieux. Jusque là tout va bien. Mais si l'on examine ce que Weiss a à dire, au moins deux détails qu'il donne sont ridicules au point de le disqualifier complètement.

Il y a, tout d'abord, l'histoire des personnes âgées que l'on emporte de la " rampe " sur un camion poubelle, lequel les emmène jusqu'aux tranchées en feu et les fait basculer vivants dans les flammes. Laissons de côté la question de savoir s'il est possible à de lourds camions de parcourir le sol marécageux de Birkenau sans s'embourber. On atteint tout de même une limite lorsqu'on imagine ce camion faire prudemment marche arrière jusqu'au bord d'une tranchée illuminée par les flammes pour y déverser son chargement réticent. Cette action ne peut simplement pas être réalisée en quelques secondes et il y a donc un sérieux risque d'exposer le camion aux flammes jusqu'à le faire exploser. Un soldat allemand suffisamment stupide pour entreprendre une opération aussi risquée et totalement inutile se retrouverait certainement en cour martiale pour mise en danger de la propriété du gouvernement, sinon directement pour sabotage.

Il s'y ajoute aussi la question de l'aspect de ces tranchées : soit leurs bords étaient inclinés, auquel cas le camion ne pouvait s'approcher suffisamment des flammes au cours de l'opération, soit ces bords étaient droits, et dans ce cas l'arrière du camion se retrouvait au-dessus des flammes et le bord de cette tranchée de fortune risquait de s'écrouler et de provoque ainsi un désastre.

L'autre point où Weiss ne sait pas de quoi il parle est lorsqu'il évoque des poumons de victimes explosant en un bruit de tonnerre à cause du gaz, trois minutes après que celui-ci eût été introduit dans les chambres. Il semble imaginer que les poumons des victimes enflent comme des ballons au point de faire éclater les cages thoraciques. Au bout de soixante ans, les effets toxiques de l'acide cyanhydrique devraient être connus de toute personne concernée, et un tel témoignage aurait dû convaincre à lui seul un homme intelligent comme van Pelt que ce témoin est, au mieux, en train de colporter ce qu'il a entendu dire, mais qu'il ne peut en lui-même être pris au sérieux.

Ce n'est là qu'un exemple parmi de nombreux autres où les sources citées par van Pelt sont présentées sans le moindre sens critique ; il en résulte des exposés qui contiennent des informations qui pourraient être vraies si les personnes qui les donnaient ne racontaient pas par ailleurs des histoires qui ne le sont clairement pas. Cette façon d'exposer transforme la lecture du livre de van Pelt en une tâche difficile. Le lecteur a l'impression que l'intention était moins de fournir une base à la compréhension traditionnelle de ce qu'il s'est passé à Auschwitz que d'embrouiller le camp adverse par un assemblage de vérités, de demi-vérités et d'erreurs, un fouillis qui doit être rangé avant que la discussion ne puisse réellement progresser. Ce genre de tactiques s'apparente au sabotage des ponts derrière une armée en retraite, dans le but de ralentir les poursuivants et de les occuper le temps d'échafauder de nouvelles fortifications.

Les chambres à gaz

Le point central de tout récit sur les faits de ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé dans les camps d'Auschwitz et de Birkenau devrait être la discussion des chambres à gaz, prétendues ou pas. Ce sujet est bien entendu lié à celui des crématoires, à tel point que la majeure partie des lecteurs confondent fréquemment les unes avec les autres. Alors que durant des décennies, beaucoup d'auteurs ont entretenu la croyance que les crématoires étaient construits précisément dans le but de perpétrer l'Holocauste, l'opinion de van Pelt n'est pas aussi tranchée.

Dans leur ouvrage sur l'histoire de la région d'Auschwitz, van Pelt et Dwork ne comptent que les petits crématoires (n°IV et V à Birkenau) à avoir été conçus dès le début comme des lieux d'extermination, les deux autres (II et III) ayant été seulement modifiés plus tard dans ce but. Ils passent beaucoup de temps sur le sujet du crématoire II, d'abord conçu pour le camp principal d'Auschwitz avant d'être finalement construit à Birkenau.

La " glissière "

Un des points qu'ils examinent particulièrement au sujet de ce changement d'utilisation et d'emplacement est l'accès aux morgues au sous-sol. Selon le plan proposé pour Auschwitz à la fin de l'année 1941, une voie d'entrée à un étage inférieur était située à l'intérieur du bâtiment et incluait, entre deux volées d'escalier, une pièce que les auteurs appellent une glissière. La partie supérieure de cet escalier était reliée à un palier avec une porte donnant vers l'extérieur, et la partie inférieure était située dans un vestibule d'où un ascenseur assurait l'accès à la salle des fourneaux. Dwork et van Pelt attribuent une grande importance au fait que, lorsque les plans originaux furent adaptés au site de Birkenau, le bureau d'études de la SS élimina cet escalier et cette glissière. Ils considèrent que la raison de cette modification était un changement d'intention dans l'utilisation du crématoire - à l'origine, " les cadavres étaient jetés dans cette glissière mais maintenant des victimes vivantes iraient à pied à la mort " ("corpses were dropped through a chute but now live victims would walk to their death").

L'histoire de cette glissière est assez intéressante : pour un nouveau crématoire, le bureau d'études de la SS à Auschwitz avait proposé, à la fin du mois d'octobre 1941, un plan avec un escalier menant d'un porche à deux morgues de l'étage inférieur (" longueur adaptée aux besoins "), mais sans glissière. Un mois plus tard, des dessins plus détaillés furent tracés à Berlin, et la zone d'entrée fut changée de manière à s'adapter au reste du bâtiment. L'accès à l'étage inférieur fut transféré vers l'autre côté, agrandi, et une glissière fut ajoutée. Par ailleurs, la localisation de l'ensemble du bâtiment, tout en restant à l'intérieur du camp principal, semble alors avoir été fixée car ces nouveaux plans montrent une orientation particulière. En février 1942, l'agencement apparaît sur un plan du camp principal, comme le montre la planche n°7 du livre de Dwork et van Pelt (Auschwitz, 1270).

L'endroit proposé dans le camp principal était beaucoup trop petit pour permettre d'incorporer la moindre des morgues construites ensuite à Birkenau. L'emplacement, proche du petit crématoire déjà en place, n'autorisait, dans le futur, que la construction d'une morgue réduite avec un axe longitudinal perpendiculaire au crématoire lui-même, aussi une entrée directe aurait-elle occupé encore plus de place. Par conséquent, lorsque le site fut transféré du camp principal à Birkenau, les modifications devinrent non seulement possibles, mais obligatoires du fait du nombre plus important de détenus et des épidémies qui y sévissaient. Par conséquent, le changement majeur dans la conception était la réincorporation de deux larges morgues aux étages inférieurs avec un accès direct à l'une d'entre elles.

Dwork et van Pelt ne sont pas les seuls auteurs à parler de " glissière ". Franciszek Piper du musée d'Auschwitz-Birkenau mentionne également un élément de ce genre, non seulement au cours de processus de planification, mais en tant que partie de fait du crématoire III dont le plan était similaire à celui du crématoire II, mais pas absolument identique. Dans le livre Anatomy of the Auschwitz Death Camp", il écrit (p.168) : " Le crématoire III disposait d'une deuxième entrée En plus de l'escalier, une glissière (Rutsche) spéciale en béton par où les cadavres étaient descendus directement vers la cage d'ascenseur ", mais il n'explique pas comment cette glissière fonctionnait ; une sorte de demi-tuyau en métal aurait pu aller pour faire glisser des corps, mais en béton, cela devait aller beaucoup moins bien. Etant donné ce qu'écrit Piper de la glissière dans le crématoire III, l'argument mis en avant par Dwork et van Pelt devient plutôt faible.

Lorsqu'il fut décidé de déplacer à Birkenau le crématoire prévu, d'autres conditions avaient également changé. Le sol de Birkenau était si marécageux et le niveau de l'eau si haut que l'étage inférieur ne pouvait pas être totalement enterré ; en fait, la dalle du plafond des morgues dépassait du sol de quatre-vingt dix centimètres environ. La différence de sol entre Auschwitz et Birkenau est montrée clairement sur plusieurs illustrations dans le livre de Pelt et Dwork ; la photographie de travaux de construction dans le camp principal à la p.232 est particulièrement parlante comparée aux fossés d'écoulement inondés creusés à Birkenau, p.193, ou au fossé p.323, également rempli d'eau, dans la section " Kanada ".

Pour ce qui est de l'entrée des morgues, les conséquences imposées par ces questions étaient de deux ordres : nous pouvons voir au moins dans le cas du crématoire II, grâce aux plans fournis par van Pelt et d'autres, que la sortie d'origine au sommet de l'escalier avec sa glissière serait désormais bloquée par le remblai qui devait couvrir la morgue. Par conséquent, un autre accès au sous-sol devenait nécessaire (il se peut que des parties de la glissière déjà construite furent simplement condamnées). Au crématoire III, à lire F. Piper, cela fut évité, peut-être au moyen d'un déplacement de la morgue, ce qui permit à l'ancienne cage d'escalier et à sa glissière d'être maintenus. Dans les deux cas, autour de ces crématoires, il y avait assez de place pour un nouvel accès, direct, droit et grand à l'une des morgues qui devait y être installée ; ce qui reste de ces marches est montré à la p.213 de The Case pour le crématoire II. L'autre morgue dans les deux crématoires, la chambre de gazage supposée, était trop proche d'une clôture pour permettre de créer un tel accès.

Ces modifications présentaient d'évidents avantages : on pouvait accéder directement à la zone de la morgue et des civières pouvaient être manuvrées facilement ; par ailleurs, une nouvelle entrée (au moins pour le crématoire II) ou l'ancien escalier avec sa glissière (au crématoire III) permettait au personnel de service de rentrer dans les pièces du sous-sol sans avoir à passer à travers la zone mortuaire.

Les portes

Le plan des installations du sous-sol du crématoire II (et III, à la conception similaire) est longuement abordé dans The Case. Un des détails auquel van Pelt accorde une grande importance est le fait que quand les escaliers/glissières furent abandonnés pour le crématoire II, la double porte menant à la morgue 1 (la prétendue chambre à gaz) fut mise dans l'autre sens : elle s'ouvrait d'abord vers l'intérieur de la morgue et s'ouvrirait maintenant dans le vestibule. La question de savoir s'il fallait placer les portes dans un sens ou dans un autre dans une chambre à gaz n'est cependant pas facile à résoudre, comme nous le verrons plus tard.

La question de la façon dont les portes s'ouvraient est assez complexe. Leuchter, dans son rapport sur les chambres à gaz, a avancé que si les portes s'ouvraient dans les chambres à gaz elles seraient difficiles à ouvrir à cause des cadavres entassés contre elles, aussi van Pelt fut-il content de pouvoir montrer que le réaménagement du crématoire II pour son installation à Birkenau avait aussi conduit à réorienter les portes de la morgue 1 afin qu'elles s'ouvrent maintenant vers l'extérieur. Une raison de ce changement est cependant que ces portes devaient d'abord s'ouvrir vers l'intérieur parce qu'autrement elles auraient bloqué le bas de l'escalier avec la glissière. Cet élément étant supprimé, il y avait maintenant le choix.

Bien que plusieurs dessins des installations souterraines de ces crématoires publiés par van Pelt montrent toujours des portes à deux battants d'environ deux mètres de large, pour Piper, l'entrée de la prétendue chambre à gaz mesurait seulement 1.92 sur 1 mètre [de large] (Anatomy, p.166). Piper ne dit pas dans quel sens cette porte s'ouvrait.

Piper a passé toute sa vie professionnelle à Auschwitz, R.J. van Pelt et son équipe ont visité le site et y ont mené des enquêtes détaillées, et pourtant, ils ne sont pas d'accord entre eux sur ce qui pourrait bien être un élément essentiel des chambres à gaz - peut-être que Yehuda Bauer pensait à ce genre de contradictions quand il parla de la difficulté de documenter l'Holocauste.

La foule

Ces considérations sur les plans conduisent notre attention vers une question qui n'a pas encore été traitée suffisamment en détail dans les nombreux travaux sur le sujet, qu'ils soient affirmatifs ou révisionnistes : comment déplace-t-on des centaines voire plus d'un millier de personnes nues dans le calme et de manière efficace depuis la salle de déshabillage jusqu'aux chambres à gaz ? Cela n'est pas aussi facile que cela en a l'air, parce qu'il faut prendre en compte le plan de ces chambres souterraines. De manière générale, diriger une foule n'est jamais une chose simple, particulièrement si la foule est hostile.

Quelques chiffres tout d'abord : à voir les plans et les photographies publiées dans The Case et ailleurs on peut déduire que la " salle de déshabillage " mesurait environ huit mètres de largeur sur cinquante en longueur, soit environ quatre cents mètres carrés, tandis que la " chambre à gaz " était plus petite : environ sept mètres de large sur trente de long, c'est-à-dire à peu près deux cents mètres carrés.

L'auteur de ce compte-rendu n'a pas l'intention de discuter du nombre de personnes qu'il est possible d'entasser dans un espace d'un mètre carré afin de les tuer. Ce qui est plus intéressant est de chercher quel espace il leur fallait pour se déshabiller et ranger leurs vêtements dans un calme suffisant - il est certain que pour se préparer à aller au " bain " il leur aurait fallu bien plus de place que le pied carré par personne que van Pelt leur accorde avant le meurtre final. La salle de déshabillage est environ deux fois plus grande que la " chambre à gaz ", mais même si cela donne à cette foule un espace de quatre personnes par mètre carré (ou une personne sur un carré de cinquante centimètres sur cinquante), les gens ne pouvaient se déshabiller de façon ordonnée. Cela engendrerait forcément un début de désordre parmi les futures victimes.

Aussi n'est-il pas convaincant que les grands crématoires aient été capables de traiter tant de personnes à la fois. Dans une certaine mesure, toutefois, il n'est pas nécessaire de discuter ce point d'une manière ou d'une autre, parce que pour un massacre quel qu'il soit, le goulot d'étranglement serait les fours, et il resterait toujours à diviser des groupes importants en groupes plus petits et à étendre les opérations dans le temps.

Quoi qu'il en soit, on nous dit que des centaines de victimes, voire deux milles à la fois, descendaient sans se méfier de rien les dix marches de l'extérieur, enlevaient leurs vêtements, laissaient ceux-ci quelque part dans la salle de déshabillage et traversaient ensuite la double porte de l'autre côté de la pièce. Pour franchir cette double porte, ils avaient à s'entasser dans un passage de cinq mètres de long et de deux mètres de large (alors que le hall était large de huit mètres). Après avoir franchi cette porte (en supposant que les deux battants de la porte étaient restés ouverts) les victimes se retrouvaient dans un vestibule ayant un espace de quatre mètres sur quatre, sans fenêtres, face à plusieurs portes fermées et quelque chose qui ressemblait à un ascenseur à marchandises sur le mur opposé. A cet endroit, il étaient censés faire un virage de 90 degrés et entrer dans les " bains " qui, au moins pour van Pelt, étaient munis d'une porte à deux battants de deux mètres de large (qui s'ouvrait, nous dit-on, à contre-sens). S'il faut en croire Piper, la foule des victimes devait s'entasser pour passer une porte simple deux fois moins large que celle qu'y place van Pelt.

Pour quelle raison cette foule de gens dénudés et apeurés se déplaçait ? Et bien parce que quelque part derrière eux des SS féroces munis de fouets et peut-être de chiens leur criaient dessus pour qu'ils avancent. Pourtant, dès que les premiers auraient atteint la chambre à gaz, auraient réalisé qu'il ne s'y trouvait pas de véritables douches, et auraient crié que tout était faux et tenté de faire demi-tour face à la foule qui s'avançait, on peut facilement imaginer que les gens n'avanceraient plus dans le passage étroit et le vestibule. Le cordon de SS situé à l'arrière aurait beau se mettre à battre de la pire façon les pauvres gens nus devant eux, il ne pourrait atteindre ceux qui se trouvaient plus loin. Il en résulterait une panique et des morts finissant par s'entasser dans le passage et le vestibule, et la douzaine de SS de l'arrière seraient alors exposés au risque d'être déchiquetés par une foule désespérée de plusieurs centaines de personnes s'attroupant autour d'eux.

Tant que les victimes étaient des personnes âgées et des jeunes enfants, il se peut qu'il n'y aurait pas eu de résistance active, mais on nous dit aussi que des groupes de combattants clandestins venus de France et ailleurs furent exécutés de la sorte. On peut douter que les victimes aient été généralement fouillées sérieusement avant leur départ, et certainement tel n'était pas le cas à l'arrivée pour ceux qui étaient sélectionnés pour être gazés sur le champ, aussi aurait-il été très facile pour quelques uns des condamnés de cacher des couteaux ou d'autres armes pouvant se révéler utiles en combat rapproché. Ils auraient aussi pu simplement utiliser leurs mains nues.

Si quelqu'un, dans la cohue, réussissait à fermer la porte des " bains " (c'était assez facile à faire puisqu'elle s'ouvrait maintenant à l'extérieur), la seule solution aurait été de massacrer la foule et d'essayer de recommencer l'opération, bien que dans ce cas les survivants ne se seraient pas laissés conduire comme des agneaux à l'abattoir et auraient dû être débarrassés de manière plus conventionnelle.

On attribue beaucoup d'importance au fait prétendu que l'opération d'élimination comportait deux phases - l'une étant le déshabillage et l'autre le gazage. L'accord semble général parmi les spécialistes sur le fait que l'opération d'épouillage à laquelle les nouveaux détenus étaient sujets impliquait en effet deux phases - le déshabillage et la douche - mais après avoir réfléchi à la difficulté de faire déplacer des milliers de gens nus au travers des chambres souterraines on se demande pourquoi les SS voudraient vraiment rendre les choses si difficiles pour eux.

Il aurait été beaucoup plus simple d'envoyer les groupes dans un hall, de fermer la porte derrière eux et d'introduire alors le gaz. Au vrai, cela signifierait que les vêtements portés par ces pauvres gens ne pourraient pas être facilement récupérés, mais cela n'était pas, après tout, l'objectif principal. L'opération en elle-même aurait été beaucoup plus facile et les vêtements sales auraient pu être brûlés en même temps que leurs possesseurs. De toute façon, les valises qu'ils avaient abandonnées contenaient déjà suffisamment de vêtements pour rendre les SS contents.

The first crematorium

While the Birkenau crematoria were the largest in the Auschwitz area, they were not the first to be operated there, as has already been mentioned. An existing building at the main camp had been equipped with Topf double-muffle ovens and a morgue which is said to have been used for the first gassings. Robert J. van Pelt quotes the testimony of the SS-man Pery Broad on p. 224ff of his book. Broad claims to have observed the preparations for such actions from his office in the building of the Political Department. He even goes so far as to state what happened inside the building and what the eventual victims said to one another, but this is no doubt hear-say.

According to Broad, the victims, several hundred of them, at first stood in the courtyard of the crematorium, which was surrounded by a high wall and were then led into the building. If we follow the plan that Dwork and van Pelt publish as Plate 3 of their book, the victims entered a hall some 4 m wide and 6 m long, then turned right to move on, through a door of normal width, into the corpse washing room which measured about 4 by 4 meters. Here, they made a left turn, passed through another door of normal width which led into the morgue. Broad states that they were accompanied by several guards who withdrew once the hall had been filled and closed the morgue door from the side of the corpse washing room.

This account, again, is somewhat hard to accept, because the whole procedure certainly took some 5 or 10 minutes which means that the victims at the front of the queue had plenty of time to notice that any showers that may have existed in the morgue were fake, and to react accordingly. It takes little effort to imagine the scenes that would then have taken place in the narrow space in front of the orgue.

Les autres camps

Bien que van Pelt n'aborde pas les camps autres que celui d'Auschwitz, les mêmes considérations générales sur la gestion des foules valent mutatis mutandis pour les autres camps d'extermination. A Treblinka, Sobibor ou Belzec, des masses de victimes nues de l'ordre de un à deux milles auraient attendu dans un passage, à l'air libre mais entravé, de quelques cent mètres de long et peut-être trois mètres de large, menant au côté étroit d'un bâtiment à 1,5 m du sol. Les victimes avaient ensuite à monter trois marches, puis à traverser une première porte pour entrer un couloir d'environ 1,5 m de large avec plusieurs portes ordinaires de chaque côté. Ces portes menaient aux chambres à gaz qui mesuraient elles-mêmes quatre mètres sur huit et pouvaient donc contenir quelque chose comme cent à trois cents personnes, en fonction de la description que le lecteur préfère suivre.

Les gardiens à l'entrée du bâtiment auraient eu à compter les personnes, arrêtant la file lorsque le quota d'une des chambres avait été atteint. Puis les gardiens eux-mêmes auraient eu à entrer dans le couloir, pousser les victimes hésitantes par la force dans une chambre spécifique à remplir puis fermer la porte derrière une foule en train de batailler et de crier. Ceux qui étaient à l'extérieur devaient assister à tout cela jusqu'à ce que leur tour n'arrive. Une fois toutes les chambres remplies, le moteur diesel seraient déclenchés et le gaz d'échappement envoyé dans les chambres. Même un partisan de la vision traditionnelle conviendrait qu'un tel scénario serait difficile à mettre en pratique.

Une année sans gazages

Il se pourrait bien que des images confuses de cet ordre aient traversé l'esprit de Fritjof Meyer et que cela ait renforcé son idée de renoncer aux morgues des crématoires comme lieux des massacres. Dans sa remarquable étude, Meyer affirme qu'à partir du moment où ils furent achevés (mars - juin 1943), les crématoires étaient à peine utilisés pour les gazages, les massacres ayant probablement (aux dires de Meyer) lieu dans deux petites fermes. Il attribue l'arrêt des gazages à un ordre d'Himmler donné en avril 1943 qui précisait que tous les détenus, même les alités, devaient faire uvre utile ; toutefois, Meyer ne dit pas pourquoi les massacres systématiques furent rétablis un an plus tard, ni pourquoi il en est convaincu.

Il y a cependant un problème au sujet de ces petites fermes : les historiens traditionnels estiment d'un commun accord qu'elles ont cessé leur activité au printemps de 1943, le " bunker 1 " étant démantelé et le " bunker 2 " étant provisoirement fermé pour un an. Si deux et deux font quatre, il serait possible de conclure de manière sûre sur la base d'informations parfaitement acceptables, que pendant une période d'un an environ à partir du printemps de 1943, aucun gazage systématique n'a eu lieu dans la zone d'Auschwitz-Birkenau. A la lumière de cette situation il conviendrait de réexaminer tous les récits de témoins sur cette période, dans le but d'écarter ceux sur lesquels on ne peut compter.

La conclusion que nous venons juste de mentionner est corroborée par ce qu'on appelle le rapport Kas(z)tner que van Pelt connaît mais dont il parle seulement en citant l'écrivain révisionniste français Rassinier; à ce dernier il fait dire que Kas(z)tner, une figure dirigeante juive de Hongrie du temps de l'" action hongroise ", affirma que les chambres à gaz d'Auschwitz étaient inactives pendant huit à neuf mois entre l'automne de 1943 et le mois de mai 1944. Même si la citation par Rassinier du rapport Kas(z)tner apparaît deux fois dans le livre de van Pelt, l'auteur ne la commente pas, ni n'inclue le nom de Kas(z)tner dans son index. Van Pelt ne conteste pas l'affirmation de Kas(z)tner.

Pour ceux qui n'ont pas entendu parler des activités de Kas(z)tner à l'époque, disons que Kas(z)tner a essayé de négocier, au nom des Allemands, un accord " Juifs-contre-camions " avec les Alliés. Les négociations n'ont pas abouti et seul un groupe d'environ deux milles Hongrois fut autorisé à quitter les territoires de l'axe via la Suisse. Kas(z)tner fut plus tard mystérieusement assassiné en Israël.

Les " cheminées "

Un autre sujet abordé par van Pelt dans son livre est la question des petites cheminées au-dessus des morgues des crématoires II et III à travers lesquelles les pastilles de Zyklon B contenant de l'acide cyanhydrique toxique étaient supposées être introduites. Il y eut de nombreux débats sur le sujet de ces ouvertures, les diverses questions étant de savoir s'il y avait la moindre ouverture sur le toit, à quoi ces ouvertures pouvaient ressembler, à quoi elles pouvaient bien servir, et quand elles furent installées.

 

Parmi les historiens traditionnels, le raisonnement est le suivant : bien que les sous-sols des crématoires II et III n'étaient d'abord pas prévus pour être des chambres à gaz, ils furent modifiées dans ce but vers la fin de l'année 1942. Ce qui signifie (pourquoi, au fait ?) que des trous avaient été percés sur la dalle faisant office de toit ainsi que de petites cheminées construites au-dessus d'eux au travers desquelles les pastilles de Zyklon B étaient jetées dans des colonnes grillagées. Ces derniers dispositifs auraient assuré une distribution uniforme des pastilles et permis de retirer ces dernières par le haut via les cheminées dès que les victimes auraient été tuées ; l'extraction des cadavres pouvait ainsi démarrer immédiatement. Les raisons d'une telle précipitation pour vider les chambres à gaz ne sont pas très claires parce que la capacité d'élimination des morgues excédait de toute façon la capacité de crémation des fours ; ainsi, tuer plus de gens que les crématoires ne pouvaient en traiter aurait rendu difficile de s'en débarrasser.

Dans plusieurs livres, il est possible de trouver une photographie du crématoire II un peu avant l'hiver de 1942-1943, au moment de sa construction. La partie située au-dessus du sol de la chambre à gaz est visible, comme le sont quatre objets en forme de boîtes sur la dalle du toit, mais leur disposition ne correspond pas tout à fait aux indications données par van Pelt ou aux petites taches visibles sur les photos de reconnaissance aérienne qui sont censées prouver leur existence.

Ce qui est raisonnablement clair, cependant, lorsque l'on considère la hauteur de la partie supérieure de la morgue (environ quatre-vingt centimètres selon van Pelt et Dwork, p.325) est la hauteur des structures rectangulaires - environ la moitié de la hauteur de la morgue dépassant du sol, soit environ cinquante centimètres. Maintenant, s'il est vrai qu'un objet de cette taille a des chances d'être vu assez clairement sur des photographies de reconnaissance aérienne, surtout si la lumière du soleil rase le sol, nous ne devons pas oublier que la dalle des morgues n'est pas restée telle quelle ; en fait, les plans montrés par van Pelt indiquent clairement qu'elle fut recouverte d'une couche de bitume, d'une couche de gravier et d'une couche de terre, le tout s'élevant à cinquante centimètres. Si l'on convient que la couche de terre serait elle-même couverte de végétation, on peut se demander si la hauteur restante pour ces cages serait réellement visible sur des photos de reconnaissance aérienne. Les sept lucarnes du toit des deux crématoires, d'une hauteur d'un mètre chacune, sont à peine visibles sur la même image imprimée.

Il est important de noter à cet égard qu'à la page 208 de The Casevan Pelt montre un plan de ce que les colonnes grillagées pourraient ressembler ; le sommet est contenu dans une sorte de cage surmontée d'un couvercle, mais ce couvercle est presque au niveau d'une ligne indiquant apparemment la surface de la couche de terre sur le toit du crématoire. L'arbitraire dans le dessin et dans l'interprétation de ces colonnes grillagées devient ainsi évidente.

Il s'y trouve une autre étrangeté : van Pelt prétend que la colonne grillagée et les cheminées pour Zyklon B avaient été retirées avant que les Allemands n'aient fait sauté la morgue d'en dessous et qu'il est possible que les trous aient été comblés. Il est assez facile de démonter les colonnes grillagées qui apparaissent dans les récits de témoins (mais qu'en a-t-on donc fait ?) alors que pour retirer ces petites cheminées, il aurait été nécessaire de déblayer aussi la terre tout autour, puis peut-être remplir le trou (l'auteur reste songeur à ce sujet) avant de faire exploser le tout - ce qui n'est pas vraiment convaincant au premier abord. Comme si cela lui était venu après coup, van Pelt introduit dans la discussion les découvertes d'une autre équipe qui prétend avoir identifié ces trous dans les ruines grâce à la présence de fers d'armature coupés et courbés sur eux-mêmes. Il n'y a pas grand-chose à dire sur cette affirmation parce que van Pelt ne donne pas plus de détails.

Le gaz et les pastilles

En arrière-fond à ces considérations architecturales, se trouve une question plus fondamentale : l'administration du camp d'Auschwitz avait été informée presque au moment où il avait été établi, du travail de Degesch Co. - les fabricants du Zyklon B - dans le domaine de la mise en forme et du fonctionnement des chambres de désinfestation. En fait, les chambres d'épouillage utilisant le système Degesch-Kreislauf fonctionnaient pour traiter les vêtements et d'autres objets dans les installations d'Auschwitz réservées à l'accueil - et presque tout ce Zyklon B, sinon tout, fut acheminé à Auschwitz pour être employé à cette fin. Il est même prétendu que le travail de Degesch inspira les autorités du camp au moment où l'on cherchait un agent adapté au meurtre de masse, à savoir le Zyklon B. Ce système fonctionna d'une manière indépendante et automatique : dans une chambre étanche au gaz, les boîtes de Zyklon B étaient ouvertes mécaniquement en toute sécurité, les pastilles tombaient dans une cuvette, et un courant d'air chaud accélérait la libération et la distribution du gaz dans la chambre.

Ce procédé aurait pu être facilement incorporé dans les chambres à gaz homicides des crématoires II et III qui étaient équipés de systèmes de ventilation. Il aurait suffit de connecter la partie adéquate d'une chambre Kreislauf au système d'entrée d'air de la ventilation. Mais au lieu de cela, on nous dit qu'en raison de leur objectif criminel, les autorités du camp ont opté pour une solution primitive et potentiellement dangereuse qui n'était même pas plus simple à installer que ne l'aurait été une solution de type Kreislauf.

Pour ce qui est du gaz toxique, le lecteur remarquera une ligne du livre de van Pelt (p. 499) indiquant que " le cyanure se dégageait durant vingt-quatre heures après l'ouverture d'une boîte ". Pour cette raison, nous dit l'auteur, il était nécessaire de retirer les pastilles de la chambre à gaz via les colonnes grillagées avant que les portes de la chambre ne s'ouvrent et que l'on enlève les cadavres. Ainsi, _ heure environ après que les pastilles de cyanure étaient jetées dans la cheminée, le petit container qui libérait désormais généreusement son contenu empoisonné aux alentours devait être remonté au niveau du toit, vidé dans un réceptacle adéquat, et éliminé de manière sûre. Tandis que l'acheminement de boîtes de Zyklon B dans les installations de gazage a été décrit par de nombreux témoins, aucun n'a jamais mentionné, et encore moins décrit cette peu convaincante mais inévitable seconde phase des opérations. En fait, les témoins sont généralement d'accord pour dire que le véhicule de la Croix Rouge qui était censé apporter le poison dans les locaux repartait aussitôt après que le gaz ait été introduit dans la chambre.

En outre, s'il est possible d'accepter ce genre de procédures primitives pour le crématoire II et III avec leurs systèmes de ventilation, une telle méthode deviendrait inapplicable dans l'autre crématoire ou dans les fermes " bunkers " où les pastilles étaient simplement jetées dans les chambres à gaz via des ouvertures appropriées. Face à l'argument avancé par van Pelt que les crématoires II et III n'étaient pas conçus à l'origine pour être des installations homicides et avaient été modifiés plus tard en conséquence tandis que les crématoires IV et V étaient construits précisément pour ce but, un dilemme devient apparent: si l'on doit croire les partisans de la vision traditionnelle, il est prouvé qu'à de nombreuses occasions, il suffisait, avec les fermes " bunkers ", de jeter les pastilles dans une pièce pleine de victimes pour parvenir au résultat escompté, retrait des cadavres compris avant la prochaine fournée - mais alors pourquoi était-il nécessaire d'améliorer cette façon de faire en installant des colonnes grillagées dans les crématoires II et III quand ils étaient convertis en chambres à gaz ? Et s'il était nécessaire de trouver une meilleure méthode pour les crématoires II et III, pourquoi cette nouvelle façon de procéder n'a-t-elle pas été appliquée aux crématoires (IV et V) qui étaient conçus dès le début comme des machineries à tuer ?

Par conséquent, les questions de savoir si les pastilles devaient être enlevées des chambres ou pas et si une ventilation mécanique puissante était nécessaire ou pas deviennent cruciales : on ne peut avancer à la fois qu'il y eut une première méthode (pour les crématoires II et III) et une deuxième (pour les crématoires IV et V, et/ou les bunkers/abris). On ne comprend pas non plus clairement pourquoi, si les fermes bunkers fonctionnaient de manière satisfaisante, il était nécessaire d'installer des systèmes de retrait des pastilles dans les crématoires II et III malgré l'efficacité de leur système de ventilation (van Pelt le prouve mathématiquement) alors que ni la ventilation ni le retrait des pastilles n'était recommandé dans les crématoires IV et V qui étaient construits au même moment et auraient, selon van Pelt et Dwork, été conçus comme stations de massacre dans ce but même sans le moindre effort pour les déguiser. Si l'on considère la chose en détail, cette dernière assertion n'est certainement pas convaincante parce que la ventilation était aussi primitive dans les crématoires IV et V que dans les " bunkers ", sinon pire, en dehors du fait que les planchers ne pouvaient être correctement nettoyés et que le plafond des chambres à gaz était à une hauteur de deux mètres et consistait en une plaque d'aggloméré poreuse et fragile de trois centimètres d'épaisseur.

Les caves

Nous avons déjà abordé les différents changements subis par les morgues souterraines au cours des mois qui ont précédé leur construction finale pour faire partie des crématoires II et III de Birkenau. Si nous nous reportons aux premiers plans du nouveau crématoire tels que dessinés par l'administration du camp (Anatomy, p.202/3) nous voyons qu'il y avait deux morgues, l'une appelée " B-Keller " (perpendiculaire à la salle des fourneaux), et l'autre " L-Keller " (parallèle à la salle des fourneaux). Il ne fait pas de doute que L-Keller vient de Leichenkeller, cave à cadavres, c'est-à-dire morgue ; B-Keller, par contre, n'est pas immédiatement clair. Dans le texte d'Anatomy les auteurs du chapitre qui traite de cela (Pressac et van Pelt) expliquent que le B vient de " belüftet ", c'est-à-dire aéré, mais ceci n'est pas convaincant parce que les morgues étaient toutes aérées d'une manière ou d'une autre ; aussi, d'un point de vue linguistique, cette explication ne paraît pas tenir.

Que signifie donc le B ? Comme tout le monde le sait, les Allemands ont toujours été des gens qui obéissaient à la loi, même si les lois qui les régissaient n'étaient pas toujours équitables. En 1934, le gouvernement, dans une probable tentative de promouvoir l'incinération (une coutume germanique, au moins pour les gens importants) promulgua une loi établissant les procédures qui s'appliquaient aux crématoires. Au vu de l'irréversibilité du processus d'incinération, il était stipulé que les cadavres devaient subir une " Leichenbeschau " (une inspection des cadavres) avant la crémation. Nous savons que, au moins pour les crématoires II et III, le code de construction allemand qui demandait une apparence " digne " pour de tels bâtiments était respectée (au point que les bords des embrasures des portes étaient faits de grès). Il est donc fort probable que, des installations destinées à l'examen des corps aient été incorporées, car le médecin du camp veillait sur ses compétences. Si cette hypothèse est acceptée, un tel endroit se serait logiquement appelé B(eschauungs)-Keller.

En fait, ce point de vue devient plus convaincant si on regarde le crématoire lui-même (II et III à Birkenau) : il y a maintenant une entrée directe à l'intérieur d'une des morgues qui devait être chargée d'être une salle d'inspection ; après avoir été examinés, les cadavres devaient être emmenés dans la seconde morgue puis dans les fours. Le système de ventilation ajouté au cours de l'étude correspondait à ces fonctions : la salle d'inspection n'avait qu'une extraction d'air, l'arrivée étant assurée par la large porte donnant sur l'extérieur, tandis que l'espace confiné de la morgue rendait obligatoire un système à la fois d'entrée d'air frais et d'évacuation. L'arrangement final était une inversion des deux morgues par rapport aux plans initiaux des caves B et L, et, dans le même temps, les morgues furent rebaptisées - mais nous devons nous souvenir que, au début, l'emplacement n'avait pas été fixé et qu'il aurait de toute façon fallu adapter le plan du crématoire au site choisi.

La lettre et le mémo

Il est un document dont l'importance est telle aux yeux de van Pelt qu'une partie de celui-ci est montrée sur la couverture de son livre ; une traduction anglaise est donnée p.209f. C'est la copie de référence de la Zentralbauleitung (copie carbone ?) d'une lettre adressée le 29 janvier 1943 à Kammler, un officier SS de haut rang, au sujet de l'avancement des travaux de construction du crématoire II. Pour van Pelt, l'importance de ce document réside dans le fait qu'il mentionne explicitement l'expression " cave à gazage " pour l'une des deux morgues. Ceci constitue pour lui un lapsus éloquent d'une profonde signification.

En lui-même, le document présente un certain nombre d'étrangetés de forme: il n'y a pas moins de trois fautes de frappe et l'on se demande si une lettre de ce genre, adressée à un homme important de l'administration SS à Berlin, serait véritablement partie du camp. En dehors de cela, elle indique que " l'on a allumé le feu dans les fours et ils fonctionnent de manière très satisfaisante ". Pourquoi cela est-il étrange ? Parce qu'en ce même jour du 29 janvier 1943, une réunion avait lieu entre le représentant local d'AEG, le fournisseur des systèmes électriques de ce crématoire, et la Zentralbauleitung, dont le compte-rendu est publié par van Pelt p.330. Le sujet de la conversation était qu'il était impossible d'achever l'installation des systèmes électriques pour la fin du mois de janvier ; à titre de mesure provisoire, un branchement limité était prévu pour mi-février.

L'interprétation de la lettre et/ou de la note de service varie en fonction des livres écrits par Pressac et/ou van Pelt que le lecteur consulte. Dans son livre sur les crématoires d'Auschwitz, Pressac ne discute pas en détail l'aspect contradictoire des deux documents et mentionne simplement le lapsus de la " cave à gazage ". Dans le chapitre qu'ils écrivirent ensemble pour Anatomy(p.227), Pressac et van Pelt ignorent à nouveau cette question et n'indiquent pas explicitement que Kammler était induit en erreur sur l'état d'avancement des travaux du crématoire. Ils disent, cependant, que c'est Kammler qui parlait d'une " cave à gazage " dans une lettre datée du 29 février 1943 dans laquelle il faisait accéder Bischoff à un rang plus élevé. Ainsi, il semble qu'il existe une certaine confusion sur qui écrivit quoi, quand et à qui, d'autant plus que l'année 1943 n'était pas une année bissextile et n'incluait donc pas de 29 février.

D'un autre côté, le compte-rendu d'AEG est discutée par Dwork et van Pelt dans leur livre sur l'histoire d'Auschwitz ( "1270", p.330), mais ici les auteurs ne parlent pas de l'utilisation du mot " cave à gazage ", bien qu'Anatomy fût en vente depuis deux ans et que van Pelt avait co-écrit le chapitre sur le même sujet. Dwork et van Pelt citent toutefois une ligne de la note d'AEG disant que " la capacité du système temporaire [d'électricité] ne permettrait pas simultanément le "traitement spécial" et l'incinération ". A l'opposé, la compte-rendu d'AEG reproduit par van Pelt dans "The Case " énonce clairement qu' " une incinération avec un traitement spécial simultané sera rendue possible ". Tout ceci ne vient pas vraiment illustrer le soin qu'a prêté van Pelt à l'analyse et à l'interprétation des sources sur ce sujet si important. Si l'analyse critique d'un document important et aisément visible est si superficielle, on est en droit de se demander comment sont traitées d'autres sources qui sont seulement citées.

Le chauffage

Pour ce qui est de l'objectif assigné aux crématoires IV et V, van Pelt souligne que leurs " morgues " contenaient des poêles et estime que ceux-ci était installés pour préchauffer les chambres à une température à laquelle les pastilles de Zyklon B répandraient plus facilement leur gaz toxique. D'un autre côté, pour les " bunkers ", aucun poêle n'a jamais été mentionné, et, pour les crématoires II et III, un projet de récupération de chaleur était discuté avec Topf Co. mais ils pouvaient apparemment aussi fonctionner sans cela. Par conséquent, soit les " bunkers " ne fonctionnaient pas bien pendant l'hiver, soit les poêles des crématoires IV et V ne constituent pas vraiment des preuves.

Quoi qu'il en soit, il doit être rappelé qu'un corps humain ordinaire dégage en moyenne une énergie de 100 watts ou quelques 100 kilocalories par heure. Même si quatre personnes seulement sont concentrées par mètre carré, cette unité d'espace recevra pratiquement un demi-kilowatt en énergie (pour van Pelt même huit personnes peuvent être entassées sur un mètre carré, parce que les Allemands ont conçu leurs tramways suivant cette norme). Dans les crématoires IV ou V, par exemple, où - pour utiliser des chiffres raisonnables - peut-être 350 personnes pouvaient être rassemblées dans un espace d'environ 90 mètres carrés, un tel volume aurait été chauffé par une énergie humaine totale de quelques 35 kilowatts - bien plus que ce qui serait utilisé pour chauffer un bâtiment normal (autour de six ou huit kilowatts serait la quantité habituelle en pareil cas), et l'atmosphère dans cette pièce aurait atteint en quelques minutes une température largement suffisante pour une vaporisation des pastilles de Zyklon B. Ceci est un autre exemple où van Pelt, tout en essayant de prouver une histoire, invalide un autre de ses arguments.

La fumée

Un exemple supplémentaire de ce genre de dilemme est la fumée que des témoins disent avoir vue s'élever des cheminées des crématoires. Pour quelques uns d'entre eux, la fumée était accompagnée de flammes, mais il s'agit certainement là d'un élément décoratif que nous pouvons écarter. La plupart des témoins s'accordent pour dire que la fumée était épaisse et noire. D'une certaine façon, il est un peu amusant de voir que les révisionnistes, pendant un bon moment, affirmaient qu'il n'y avait pas de fumée de ce genre, ou qu'au moins, elle n'apparaissait que lorsque les fourneaux étaient en début de chauffe, tandis que van Pelt s'efforce longuement de convaincre ses lecteurs que les cheminées des crématoires en activité produisaient constamment de la fumée. Aujourd'hui, pour une raison ou pour une autre, les révisionnistes ont apparemment accepté l'idée que de la fumée était bien visible, par conséquent tout le monde devrait être content.

Mais là encore, il y a un deuxième côté à l'histoire : si une fumée dense était libérée quand les crématoires fonctionnaient, et si la période de mai à octobre 1944 était le moment où les gazages et les incinérations atteignaient leur point culminant, au point que les crématoires ne pouvaient pas absorber le chargement maximum prétendu de 25 000 cadavres par jour et que les autorités devaient revenir à des incinérations en plein air, nous devrions voir de la fumée se répandre constamment non seulement des cheminées de tous les crématoires en état de fonctionner, mais aussi des tranchées d'incinération.

Cependant, les photographies de reconnaissance aérienne publiées par van Pelt, prises les 31 mai, 26 juin et 25 août 1944, ne montrent pas la moindre fumée s'échappant du moindre crématoire. Cela signifie qu'au moins pendant trois des jours considérés comme les plus intenses de l'activité meurtrière, les crématoires eux-mêmes étaient restés inactifs. Sur la photographie du 31 mai, il y a une traînée de fumée blanche émanant du terrain situé derrière le crématoire V, similaire à celle qui peut être vue sur une photographie aérienne datée du 23 août 1944 que nous allons discuter. En dehors de cet endroit particulier, il est possible de dire que quand ces photographies furent prises, aucune crémation à l'air libre n'avait lieu à quelque endroit que ce soit à l'intérieur ou à proximité du camp pendant au moins un ou deux jours, sinon plus puisque nous savons depuis l'expérience de l'épidémie de fièvre aphteuse qui a frappé l'Europe occidentale il y a quelques années, que les bûchers ayant servi à incinérer les animaux morts brûlaient plusieurs jours en dégageant une forte fumée, et couvaient ou restaient chauds pendant plus de deux semaines.

Incinérations en plein air

Une photographie de reconnaissance aérienne prise le 23 août 1944 a été documentée ailleurs. Comme les autres, elle ne montre pas de fumée au-dessus des cheminées mais cette fois-ci, comme pour le 31 mai 1944, on voit un mince volute de fumée blanche s'élevant entre le crématoire V et l'enceinte du camp. Ceci fut interprété comme une preuve de gazage et d'incinération d'un convoi de 759 juifs venus du camp de Mauthausen à Auschwitz le jour précédent. La photographie est suffisamment claire pour qu'il soit possible d'estimer les dimensions de la zone d'embrasement ; la taille du crématoire V, tout proche du feu, nous donne commodément l'échelle : nous voyons donc que la zone a peut-être quarante mètres de long et cinq mètres de large ; il n'est pas facile de discerner si le volute de fumée blanche provient de l'ensemble de cette espace ou seulement d'un coin. Nous pouvons voir également qu'il n'y avait pas beaucoup de place de chaque côté du feu ; celui-ci se consuma dans l'espace réduit d'environ trente mètres entre l'enceinte et le crématoire.

La triste expérience de l'épidémie de fièvre aphteuse nous a enseigné que le bûcher le plus efficace est long et plutôt étroit, et ne doit pas faire plus de trois mètres de large. Des bûchers trop larges ont tendance à s'effondrer en leur centre faute d'air ce qui rend la combustion incomplète ; il n'y a pas grand-chose à faire quand cela se produit car il est impossible de s'approcher suffisamment près pour attiser le centre. Il peut aussi être raisonnablement considéré que les SS d'Auschwitz, qui ont eu à brûler quelques cinquante ou cent mille cadavres au moins au cours des années précédentes, auraient su ce qu'il fallait faire pour brûler des cadavres sur un bûcher de la manière la plus efficace.

On peut conclure des procédures contre la fièvre aphteuse qu'il est possible, avec une disposition optimale, d'incinérer une douzaine d'animaux de la taille d'un mouton par mètre linéaire de bûcher, ce qui devrait valoir aussi pour un nombre d'êtres humains équivalent. Mais les articles de journaux sur la fièvre aphteuse rapportent aussi qu'il faut consacrer plusieurs journées à construire de tels bûchers pour huit cents carcasses de mouton, même en utilisant de l'équipement moderne, ne serait-ce qu'à cause du combustible qu'il est besoin d'apporter au site et d'empiler convenablement. En prenant en compte le temps qu'il faut pour construire un bûcher, ainsi que la durée d'incinération elle-même qui s'étend sur plusieurs jours, et le fait que tant qu'il reste de la matière grasse ou huileuse à brûler la fumée sera plus noire que blanche, il est plutôt douteux de penser que de la fumée blanche est ce qui reste des détenus de Mauthausen, ou d'un autre groupe de gens.

Si nous prenons en compte l'assertion de Höss selon laquelle, à cette période, il n'était plus possible de brûler des cadavres de nuit, interpréter ce volute de fumée blanchâtre comme provenant d'un bûcher sur lequel des cadavres étaient brûlés devient encore plus arbitraire.

Le carburant

Quand on aborde les incinérations en plein air, la question du carburant est très importante parce que la consommation de carburant est dans ce cas beaucoup plus grande qu'avec les crématoires en raison d'une perte de chaleur plus importante. Ici aussi, nous pouvons utiliser des informations obtenues durant la crise de la fièvre aphteuse : un mètre cube de bois sec serait nécessaire pour brûler trois corps humains. Les questions de logistique pour ce qui est de l'apport du carburant nécessaire à l'incinération (autre que la coke pour les crématoires) ont été à peine esquissées dans la littérature, bien qu'elles soient cruciales. Ces problèmes sont ignorés par les témoins qui disent simplement que de l'huile ou du méthanol était versé sur les cadavres qui ensuite continuaient de se consumer eux-mêmes dans une sorte de tranchée. Mais cela n'est pas très convaincant.

Nous devons comprendre que si des milliers de cadavres doivent être incinérés de manière continue dans des tranchées (ce qui n'est de toute façon pas le meilleur arrangement) il est très dangereux de les inonder de méthanol car cette substance, volatile et toxique, pourrait rendre aveugle (même les SS seraient affectés) et ses vapeurs sont explosives. Au moment où suffisamment de méthanol aurait été versé sur les cadavres dans une longue tranchée, il y en aurait suffisamment dans l'air un jour de chaleur pour se mettre à exploser lorsque le feu serait allumé, la limite explosive inférieure du méthanol étant un petit pourcentage par volume. Il serait aussi pratiquement impossible d'ajouter du méthanol ou des substances similaires à une tranchée déjà en feu, pour ne rien dire du fait qu'une fois que ces liquides inflammables se seraient épuisés, les cadavres seraient carbonisés mais seraient toujours largement en place, ne serait-ce que parce que les flammes brûlent à la surface du fluide et non autour des corps (comme dans le cas d'un empilement de bois et de corps). Après qu'Hitler et Eva Braun se soient suicidés, leurs cadavres furent mis dehors, inondés de quarante litres d'essence (allumée à distance au moyen d'un chiffon en feu), et pourtant, lorsque le feu s'éteignit, l'incinération était loin d'être complète.

Même si un millier seulement de cadavres avaient à être incinérés par jour à l'air libre, il aurait fallu amener sur les lieux près de trois cents mètres cubes de bois sec (ou trente chargements de camion) pour chaque chargement de corps. De plus, un espace de près de cent mètres de longueur aurait été bloqué pendant au moins une semaine parce que la cendre retient longtemps la chaleur et ne peut être manipulée sur-le-champ pour écraser les os restants et enlever les dents en or comme on le lit dans la littérature. Aussi aurait-il fallu prévoir assez d'espace, non seulement pour l'activité considérable liée à la phase d'assemblage du bûcher, mais aussi parce que, dans la phase initiale de crémation elle-même, le rayonnement de chaleur est si fort qu'une distance minimum d'une trentaine de mètres de chaque côté aurait dû être interdite. Cela signifie que seul un nombre insignifiant de cadavres aurait pu être incinéré dans des zones aussi petites que l'arrière-cour du crématoire V.

A en juger par l'expérience des incinérations de l'épisode de la fièvre aphteuse, tout le monde peut se rendre aisément compte qu'en termes de logistique, de temps, de carburant, d'espace, etc., les besoins matériels pour une incinération quotidienne en plein air de dix mille cadavres humains (comme certains témoins voudraient nous le faire croire) auraient été si énormes qu'ils auraient dépassé de loin les capacités de l'administration du camp d'Auschwitz. Déjà, la matière combustible nécessaire, environ trois milles mètres cubes de bois sec aurait requis la mise à disposition d'un parc de trente camions de dix tonnes, en supposant que chaque camion faisait dix voyages par jour (chargement et déchargement compris), sans parler du lieu de provenance du bois (sec), jamais décrit, ou de la façon dont il était pris en main dans le camp - ou même payé.

Par ailleurs, la libération initiale d'une fumée dense, surtout si le vent changeait de direction et de vitesse, aurait gêné les surveillants des tours de guet des alentours. Toute analyse de la localisation possible des bûchers devrait prendre en compte les flammes et la chaleur intense associées aux premières phases de l'embrasement ; toute activité de ce genre supposée se dérouler dans des zones vaguement désignées comme étant " dans les bois " ou " derrière cette petite ferme " (au toit en chaume, de surcroît, comme certains témoins veulent nous le faire croire) doit être considérée avec beaucoup de scepticisme.

Parmi les innombrables témoignages auxquels van Pelt confronte les lecteurs de son livre figure aussi une remarque faite par le commandant du camp Höss à propos des bûchers. Höss disait que, fondamentalement, la capacité de crémation des bûchers à Auschwitz était illimitée. Ce n'était que lorsque l'activité aérienne de l'ennemi devenait menaçante, à partir de 1944, que des problèmes apparurent, parce qu'il n'était plus possible de brûler les cadavres de nuit (cette période de raids aériens potentiels coïncide d'ailleurs avec la plus grande capacité meurtrière imputée au camp).

A première vue, il semble raisonnable de penser que les incendies seraient, après tout, un bon point de repère pour les bombardiers alliés volant la nuit. Mais si l'on y réfléchit, les choses deviennent bien moins convaincantes, , notamment si l'on a en vue l'expérience de la fièvre aphteuse qui nous montre que de tels brasiers brûlent et couvent pendant des jours et des jours. Par conséquent, pour sécuriser les lieux la nuit, il aurait fallu éteindre les brasiers - une opération qui, bien qu'étant possible, aurait causé, comme on peut bien se l'imaginer, un désordre incroyable : les incinérations qui, nous dit-on, se déroulaient dans des tranchées, lesquelles finiraient par être remplies d'eau et de cadavres à moitié carbonisés, avec des bûches flottant partout. Il serait aussi très difficile de ranimer de tels feux ou tout autre feu au même endroit le jour suivant. La longueur totale nécessaire aux bûchers pour brûler dix mille corps par jour aurait été de plusieurs kilomètres, parce que ces choses-là ne peuvent être accomplies en vingt-quatre heures - nous devons nous souvenir qu'il faut plusieurs jours pour que des carcasses humaines ou animales se consument complètement sur un bûcher.

Même pour un endroit aussi marécageux que Birkenau, le problème du transport de l'eau serait insurmontable - et aucun témoin n'a jamais décrit une scène d'extinction de feux de ce genre. Dans le cas improbable où du mazout aurait été utilisé pour de la crémation, l'eau n'aurait pas été adaptée pour éteindre le feu, parce que du pétrole en feu flotte en surface et risquerait même de se répandre en dehors des " tranchées " - un scénario terrifiant pour tout le monde. Les lecteurs tireront leurs propres conclusions sur la confiance à accorder à de tels témoignages.

Par ailleurs, si des brasiers avaient lieu en plein jour, on peut se demander s'ils étaient moins dangereux que ceux de nuit car les fumées forcément noires de ces feux seraient un signal tout aussi clair pour guider des bombardiers que des flammes au milieu de la nuit. Enfin, toute personne au fait des raids aériens de la Deuxième Guerre Mondiale devrait savoir qu'en 1944 la technique consistant à utiliser un bombardier pilote pour marquer une cible avait été perfectionnée au point où les signaux au sol étaient certes utiles mais en aucune façon nécessaires à l'attaquant, que ce soit de jour comme de nuit. Nous avons ici un autre exemple de la façon dont van Pelt utilise à tort et à travers le moindre argument qu'il rencontre.

Tout cela ne veut pas dire qu'aucun cadavre n'était incinéré en plein air à Birkenau. Il est certainement vrai qu'il fallait se débarrasser ainsi des nombreuses victimes de fièvre typhoïde et d'autres maladies (entre 50 et 100 000 en fonction des sources) qui s'étaient accumulées avant que les crématoires d'Auschwitz ne deviennent opérationnels, sans parler des gens qui furent fusillés ou qui périrent de mauvais traitements. La plupart de ces crémations semblent s'être produites en automne 1942 à l'extérieur des limites occidentales du camp.

L'homme lui-même

Un autre aspect dont il faut tenir compte pour qui souhaite comprendre davantage l'histoire des camps d'Auschwitz et de Birkenau est la question de la confiance à accorder aux déclarations du commandant du camp, Rudolf Höss. Il est maintenant de notoriété publique qu'il fut torturé par ceux qui l'avaient fait prisonnier et obligé de signer une confession extravagante rédigée à l'origine en anglais. On peut le voir clairement à partir du mot allemand Ausrottungs-Erleichterungen utilisé dans le texte signé par Höss, qui est une traduction erronée de l'expression " extermination facilities " du texte anglais. Un allemand lisant cela comprendrait " quelque chose qui facilite l'extermination ". Jamais Höss n'aurait employé cette expression pour décrire son travail. Le mot allemand correct aurait été " Ausrottungs-Einrichtungen ".

Nous savons maintenant que le chiffre de trois millions de victimes reconnu par Höss est, pour le moins, une exagération, et cela suffirait en soi à disqualifier Höss en tant que témoin. Aussi, le moins que l'on pourrait attendre d'un homme comme van Pelt serait qu'il montre clairement comment les chiffres exagérés de Höss lui avait été arrachés, et qu'il démontre pourquoi, en dépit de cela, une partie des déclarations qu'il fit aux Alliés ou aux Polonais devraient être tenues pour valables. Mais il ne le fait pas, et va jusqu'à déclarer explicitement au tout début de son livre que Höss, interrogé par le procureur américain Amen, avait déclaré avoir signé volontairement sa confession - si l'on est cynique, on comprend ce que Höss voulait dire.

Van Pelt lui-même dit, cependant, qu'à l'exception de Höss, personne dans le camp n'aurait été capable de rassembler suffisamment d'éléments pour établir un chiffre crédible du nombre de victimes, et la façon dont il manque d'esprit critique au sujet de la confession de Höss devient par conséquent difficile à accepter. Un témoin clef tel que Höss aurait certainement justifié les pages de disculpation détaillée que van Pelt consacre au juge polonais Jan Sehn, lequel avait été trop rapide, en ces premiers jours de l'après-guerre, à tirer des conclusions de différents termes allemands incluant le mot " Sonder" et avait exprimé un certain nombre de propos absurdes et inexplicables que van Pelt présente dans son livre. L'auteur reconnaît que certains d'entre eux sont incroyables et l'affirme (les chiffres sur les capacités de crémation), mais il laisse tels quels d'autres propos, par exemple sur la façon dont la morgue était préchauffée avec des braseros de coke, ou sur l'air " pompé hors " des chambres à gaz avant que les pastilles de Zyklon B n'y soient jetées.

Ce sont là des demi-vérités : les braseros de coke étaient probablement utilisés dans les morgues durant la construction parce que les crématoires étaient construits en hiver, et l'air était sûrement extrait de certaines des morgues, puisque après tout les systèmes de ventilation avaient été installés pour cela - mais présenter cela comme un élément de plus parmi d'autres qui, collectés, deviennent des éléments convergents, affaiblit plutôt que renforce les arguments pour prouver Auschwitz.

Conclusion

Comme nous l'avons déjà dit, voici le défaut fondamental du livre : nous sommes confrontés à des erreurs ou des impossibilités, mais l'auteur ne dit rien d'elles, même s'il semble noter ces insuffisances ; à certains moments, il dit que l'on peut contester certains aspects, mais il ne va pas plus loin et ne pose pas les questions indispensables. Loin de nous dire tout ce que l'on a toujours voulu savoir sur le camp, R. J. van Pelt a assemblé un mélange répétitif de faits et de fiction ; son livre montre sur quelles fondations branlantes est bâtie notre vision actuelle d'Auschwitz et de Birkenau.

Nous avons noté au début, que Yehuda Bauer de Yad Vashem a parlé de la difficulté qu'il y a à documenter les événements réellement centraux de l'Holocauste. Par là, il doit vouloir dire que personne n'a encore réussi à présenter des preuves solides des gazages à Auschwitz ou ailleurs, car si tel n'est pas ce qu'il a voulu dire par " documenter les événements centraux ", qu'avait-il en tête ? Robert J. van Pelt a sans doute écrit son livre dans le but de surmonter la difficulté de Bauer, mais il est loin d'avoir réussi sa tâche ambitieuse et n'a fait qu'élargir davantage encore les failles dans les preuves et qu'apporter plus de contradictions à son interprétation : The Case for Auschwitz est un livre qu'il n'était pas indispensable d'écrire.

 

 

Le présent article existe aussi en anglais et en allemand.


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