Les frontières ravagées, fondées dans un immense royaume de Frénésie, les hommes voulant du progrès et le progrès voulant des hommes, voilà ce que furent ces noces énormes. L'humanité s'ennuyait, elle brûla quelques Dieux, changea de costume et paya l'Histoire de quelques gloires nouvelles.
Céline, Semmelweis, p. 1.
Avec des commentaires majuscules coordonnés par un piéton de Paris
Le Point, n° 1232, 27 avril 1996, p. 54-55
(commentaires majuscules de trois jeunes tambours)
RÉVISIONNISTES. C'est une tempête médiatique qu'a déclenchée l'abbé Pierre en prenant la défense de Roger Garaudy. Une faute qui aura permis de découvrir qu'il existe une véritable nébuleuse négationniste.
"Qui sème le vent récolte la tempête." L'abbé Pierre, personnalité préférée des Francais et prêtre catholique, n'a pas craint de déclencher une tempête médiatique et de braver la prophétie d'Osée en volant au secours de Roger Garaudy, embourbé dans les marécages du négationnisme après la publication de son dernier ouvrage, "Les mythes fondateurs de la politique israélienne".
Comment l'ancien résistant et déporté atil pu commettre une telle faute? Une amitié de cinquante ans entre les deux hommes ne suffit pas à expliquer pareil fourvoiement. Car, non content de soutenir la personne, l'abbé Pierre, dans la lettre de cinq pages qu'il adresse à Garaudy, salue "l'étonnante et éclatante érudition, scrupuleuse, sur laquelle chaque propos se fonde", allant jusqu'à qualifier de "loyale recherche historique" ce qui relève d'une simple compilation de textes négationnistes.
Dès lors, le fondateur de la communauté d'Emmaüs peut toujours souligner qu'il tient "les négationnismes et révisionnismes comme tromperies intellectuelles et morales qu'il faut à tout prix combattre ", il ne fait qu'entretenir davantage la confusion dans les esprits. Comment qualifier, en effet, d'"historien vrai" celui qui reprend à son compte les textes de négationnistes comme David Irving, qui affirme que "Hitler ne savait pas ", ou Ernst Zündel (ce dernier faisant l'objet d'un mandat d'arrêt international)? On retrouve ici toutes les vieilles obsessions révisionnistes que Pierre Vidal-Naquet a décortiquées dans "Les assassins de la mémoire", (La Découverte).
D'ailleurs, outre le soutien de l'abbé Pierre, Garaudy a recu celui, plus encombrant, d'un des maîtres à penser du révisionnisme, Robert Faurisson. Ce dernier s'est réjoui, la semaine dernière, de la "victoire" de ses thèses: "Il faut appeler un chat un chat: ce génocide et ces chambres à gaz sont une imposture. Si j'étais juif, j'aurais honte à la pensée que, pendant plus d'un demi-siècle, tant de juifs ont propagé, ou laissé se propager, une pareille imposture."
Je prends connaissance, dans Le Monde daté du 20 avril, de l'article de Nicolas Weill intitulé "L'abbé Pierre soutient les aberrations négationnistes de Roger Garaudy".
A supposer que N. Weill dise vrai, voici mes réactions au contenu de cet article :
1. Je me réjouis de ce que tant de personnes , depuis quelques mois, volent au secours de la victoire révisionniste;
2. Je déplore qu'il ait fallu attendre 1996 pour que ces personnes commencent à entrevoir ce qui, dès 1979, aurait dû être, pour tout le monde, d'une clarté aveuglante : le prétendu génocide des juifs perpétré notamment grâce aux prétendues chambres à gaz nazies n'est qu'un mensonge historique ; je rappelle que j'avais souligné le caractère techniquement impossible de ces prétendus abattoirs chimiques ; or, dans Le Monde du 21 février 1979, trente-quatre historiens francais se réunissaient pour signer une déclaration commune qui valait acte de reddition ; ils me répondaient piteusement : "Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu'il a eu lieu";
3. J'attends que, selon l'usage, les personnes mises en cause par l'article de N. Weill viennent prétendre qu'elles n'ont pas dit ce qu'elles ont dit, qu'elle n'ont pas écrit ce qu'elles ont écrit; j'attends que ces personnes se livrent à des surenchères d'antinazisme (quel courage !);
4. Je trouve que ces personnes continuent de tourner autour du sujet. Il faut appeler un chat un chat : ce génocide et ces chambres à gaz sont une imposture. J'ajoute que, si j'étais juif, j'aurais honte à la pensée que, pendant plus d'un demi-siècle, tant de juifs ont propagé ou laissé se propager une pareille imposture, cautionnée par les grands médias du monde entier.
R. Faurisson
Que Garaudy ne parle pas de génocide mais de "pogrom" ne choque pas l'abbé Pierre, qui relève que la plaque posée devant le camps d'Auschwitz 2-Birkenau parle de 4 millions de morts, alors que &laqno; depuis on est revenu à 1 million ». Et de conclure: "Aux historiens de débattre."
Oublie-t-il que ce sont les Soviétiques qui sont à l'origine de cette estimation ? Les véritables historiens, et en particulier ceux de l'institut Yad-Vashem de Jérusalem, n'ont pas attendu les "travaux" de Garaudy pour travailler sur la Shoah et situer, depuis longtemps, le nombre des martyrs d'Auschwitz autour de 900 000.
Venu s'expliquer mercredi soir devant la Licra, le fondateur d'Emmaüs a confirmé "sa confiance" en Garaudy tout en l'enjoignant de se démarquer des thèses négationnistes.
Mais en réclamant un débat public sur cette question historiquement tranchée, le fondateur d'Emmaüs comble d'aise un courant en pleine expansion.
C'est ainsi que le négationniste Ernst Zündel recueille des centaines de milliers de dollars de dons par an pour ses "recherches".
Un colloque réunit chaque année en septembre, en Californie, quelques centaines de négationnistes à l'Institute for Historical Review. De plus, le réseau Internet leur sert désormais à propager leurs idées et à débattre.
En fait, cette "secte minuscule mais acharnée" est désormais sortie de la confidentialité. Au cours des années 80, elle est passée, en effet, de la marginalité des brochures vendues sous le manteau, des livres semi-clandestins refusés par les librairies normales à l'entrée tonitruante dans les médias. "Affaire Faurisson", "affaire Roques", "affaire Notin" La France a désormais le triste privilège d'être en tête du mouvement.
Les deux revues négationnistes Révision et Annales d'histoire révisionniste n'ontelles pas été diffusées un temps par les NMPP ? N'a-t-il pas fallu deux mois pour que le premier tirage du livre de Roger Garaudy, pourtant diffusé hors commerce, soit épuisé? Un livre qui figure, encore aujourd'hui, sur le serveur Minitel des libraires, Electre, à la rubrique "Sciences humaines".
En fait, si le négationnisme a marqué des points, c'est parce qu'il a prospéré sur un étrange terreau. Car le plus curieux dans cette affaire est que l'élément le plus "dynamique" de cette secte provient moins de la nébuleuse néonazie que d'une ultragauche organisée, persuadée de connaître les arcanes de la révolution mondiale et qui développe méthodiquement sa stratégie d'entrisme dans la "jungle médiatique".
Paul Rassinier, qui passe à juste titre comme le fondateur en France du révisionnisme, est un ancien député socialiste quand il publie, au lendemain de la guerre, "Le mensonge d'Ulysse", premier ouvrage négationniste. Ce pamphlet est alors salué par L'École émancipée, organe de l'aile gauche de la FEN. Exclu de la SFIO, Rassinier trouvera refuge dans les colonnes de Révolution prolétarienne.
L'analyse de Rassinier sera reprise par Robert Faurisson, qui à son tour sera défendu par Alain Guionnet, ancien animateur de la revue La Guerre sociale puis fondateur du mensuel Révision, et l'éditeur Pierre Guillaume.
Cet ancien de Socialisme ou Barbarie et de Lutte ouvrière, persuadé que les juifs sont responsables de la Seconde Guerre mondiale et qu'ils en provoqueront une troisième par l'intermédiaire d'Israël, fonde, dans les années 70, La Vieille Taupe, où est édité le livre de Roger Garaudy, mais aussi ceux de Rassinier et de Faurisson. Pour légitimer l'illégitimable, Guillaume et son groupe ont l'idée de faire appel à des amis juifs révolutionnaires au nom de la liberté d'expression. C'est ainsi que collabore à La Vieille Taupe Jean-Gabriel Cohn-Bendit, frère de Daniel, qui cosignera un pamphlet, "Intolérable intolérance". A la recherche de cautions d'universitaires au-dessus de tout soupcon, Guillaume accueille Serge Thion, sociologue au CNRS. Ce dernier personnage est intéressant non seulement en raison de son parcours mais surtout de l'étendue de ses réseaux. Dans "Mes démons", paru chez Stock, Edgar Morin confie à la page 98: "J'ai toujours naturellement donné la primauté à l'amitié sur les intérêts, les relations et l'idéologie [. . .] Je reste ami de Serge Thion, qui a pris la défense du négationniste Faurisson. " Au fond, l'abbé Pierre ne dit pas, aujourd'hui, autre chose quand il parle de Roger Garaudy.
Toute structure est bonne pour propager les thèses négationnistes. Faurisson et Guillaume investissent ainsi la vénérable Union des athées, (qui a adopté dans ses statuts "le principe de non-exclusion"), et ils défendent aux assemblées générales de l'association leurs thèses, non sans avoir provoqué de nombreux départs de cette organisation.
La progression de l'antisémitisme
Personne n'est aujourd'hui à même de mesurer l'étendue exacte des réseaux négationnistes, qui marient anarchomarxistes et membres de l'extrême droite. Ce qui est sûr, c'est que leur influence suit cette progression de l'antisémitisme que les différents observatoires antiracistes notent depuis quelques temps.
Une progression qui s'effectue notamment dans les milieux les plus populaires, ceux qu'une ultra-gauche présente à nouveau comme un "lumpen-proletariat, fer de lance de la Révolution mondiale".
Le semaine dernière, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) a porté plainte contre le journal de rue Le Réverbère pour "provocation à la haine raciale et à la discrimination». Dans un article signé "La petite dame" et paru le 17 février, le directeur de la publication, Georges Mathis, écrit: "Où est l'indépendance de la justice? Il serait intéressant de savoir quel est le pourcentage d'implication des macons et des juifs: 1. directement dans la politique. 2. indirectement dans la politique affairiste. 3: dans le judiciaire, par rapport aux populations et aux régions européennes."
Un dérapage ? Il y a deux ans déjà, le secrétaire général du MRAP, Mouloud Aounit, mettait en garde le journal au sujet de propos et d'écrits jugés &laqno; tendancieux». Pour sa défense, le directeur du Réverbère tiendra-t-il les mêmes propos que l'abbé Pierre dans La Croix: "Ne plus pouvoir dire un mot relatif au monde juif à travers les millénaires sans se faire traiter d'antisémite, c'est intolérable. "
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Le Monde, 24 avril 1996
(commentaires majuscules de la poupée Barbie)
Les commentaires qui entourent l'ouvrage de Roger Garaudy, et surtout l'appui public que lui a apporté l'abbé Pierre, font bon marché d'une vérité simple: ni l'histoire ni la recherche n'ont attendu l'injonction du philosophe ou du prêtre pour travailler sur le sujet qui s'est imposé sous le nom de "Shoah".
C'est en France même, avant la fin de la seconde guerre mondiale qu'est créée, par - Isaac Schneerson en avril 1943 -, rue Bizanet à Grenoble, le Centre de documentation juive contemporaine (CDJC). Avec sa revue Le Monde juif, le CDJC devient ainsi l'un des premiers lieux d'étude du génocide, avant même l'institut Yad-Vashem à Jéerusalem. Au sein du CDJC se recrute la première génération de chercheurs: Georges Wellers, Joseph Billig, Léon Poliakov. Actuellement, en France, les travaux d'André Kaspi, d'Annette Wievorka, de Francois Bédarida et de l'lnstitut d'histoire du temps présent (IHTP), l'un des instituts du CNRS, dirigé par Henry Rousso, font de l'historiographie de la Shoah autre chose que le désert qu'en dépeignent les négationnistes.
Les historiens n'ont pas non plus attendu M. Garaudy ni l'abbé Pierre pour estimer que le chiffre de quatre millions de victimes attribué par le gouvernement polonais pour le seul centre de mise à mort d'Auschwitz constituait bel et bien une exagération. Dès 1961, avec la parution de la première version de La Destruction des juifs d'Europe, ouvrage qui fait référence, Raul Hilberg établit à un million le nombre de victimes du camp. Aujourd'hui, le dernier débat sur le chiffre des juifs morts à Auschwitz oppose deux spécialistes, Jean-Claude Pressac, qui l'évalue à sept cent mille environ, et Franciszek Pipper, lequel penche plutôt pour le chiffre de neuf cent cinquante mille. (BEDARIDA DONNAIT UN TOUT AUTRE CHIFFRE) Que ce chiffre, qui ne porte que sur l'un des centres de mise à mort, soit affiné n'a d'ailleurs pas réellement de conséquences sur le bilan final de la Shoah
Quasi-consensus
Le chiffre de six millions de morts juifs a été avancé au procès de Nuremberg, le 6 novembre 1946, par un SS, le docteur Wilhelm Hoettl. Celuici rapportait alors, sous serment, une conversation d'avril 1944 avec Eichmann, l'artisan de la "solution finale". Pluls tard, HoettI reviendra sur sa déposition, tout en confirmant qu'Eichmann lui avait bien dit avoir "des millions de vie juives sur la conscience".
Le chiffre de six millions reste en tout cas une hypothèse de travail sérieuse et ne peut être considéré encore comme récusé ou purement mythique.
Même s'il est vain d'espérer un chiffrage à l'unité près pour un massacre commis de diverses facons, un quasi-consensus historiographique, ou en tout cas une forme de majorité, s'est aujourd'hui déegagé autour d'un total qui varie, selon les auteurs, entre cinq millions cent mille et cinq millions neuf cent mille victimes juives.
S'il est des chantiers nouveaux qui s'ouvrent à l'historiographie de la Shoah, ils ne concernent nullement les pistes que les négationnistes, et Roger Garaudy à leur suite, prétendent ouvrir. Ceux-ci portent plutôt sur la réévaluation du rôle de l'opinion publique allemande et de son consentement passif ou actif au génocide (dans les ouvrages de l'Américain Christopher Browning ou de l'Anglais Ian Kershaw). Les historiens ouvrent également de nouvelles perspectives sur la part, longtemps occultée et tout récemment mise en lumière par l'Allemand Jurgen Forster, prise par la Wehrmacht, l'armée allemande, à la destruction des juifs.
L'historiographie de la Shoah est donc foisonnante, même si sa part dans l'Université francaise demeure à développer. Elle s'enrichit surtout d'archives nouvelles, venues notamment de l'ex-URSS. Une réalité scientifique qui a bien peu à voir avec le silence engoncé dans le discours officiel auquel s'obstinent à la réduire ceux dont elle dérange l'engagement politique ou l'idéologie.
Nicolas Weill
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VEUT-ON UN EXEMPLE DE LA VIGUEUR INTELLECTUELLE DE CETTE RECHERCHE FRANCAISE ? OYEZ DONC LA LUGUBRE ANNETTE :
Le Journal du CNRS , mars 1996
Le colloque organisé du 26 au 28 octobre derniers par le Mémorial et le Centre de recherche d'histoire quantitative (CRHQ) de Caen donne un nouvel éclairage aux procès de Nuremberg et de Tokyo. Tour d'horizon des débats avec Annette Wievorka, directrice de recherche au CRHQ, membre du conseil scientifique du Mémorial, historienne chargée de la rédaction des actes du colloque publiés en mars 1996 par les éditions Complexe.
Le colloque a-t-il mis en évidence des faits nouveaux sur les grands procès de la victoire ?
Annette Wieviorka. Tout d'abord, c'est la première fois en France qu'un colloque international rassemble des historiens et des juristes sur le sujet. Et c'est aussi la première fois qu'une rencontre est organisée dans notre pays sur le procès de Tokyo.
L'ouverture récente des archives du Komintern et de la Fédération de Russie (et non celles du KGB, comme on le dit souvent à tort) a permis à nos collègues russes de progresser sur la vision des procès par Moscou. Leurs communications montrent à quel point le procès de Nuremberg, comme celui de Tokyo, a été préparé avec soin et suivi au plus haut niveau de l'appareil soviétique, par Staline en personne. Il voyait dans les procès une importante fonction politique, à usage externe plus qu'interne d'ailleurs.
D'après Irina Cherbakova, qui a travaillé sur la perception des procès en URSS, la presse soviétique a rendu compte des audiences avec modération. Certains passages des minutes n'ont jamais été publiés à Moscou, car ils présentaient des aspects qui déplaisaient aux autorités soviétiques, par exemple sur le génocide juif.
En quoi le génocide des juifs gênaitil Staline ?
Le génocide met en lumière la nature raciste de l'idéologie nazie. Or cela ne correspond pas à l'analyse marxiste.
De plus, pour Moscou, le martyrologe des juifs ne doit pas être distingué du martyrologe soviétique. Le fait de mettre en avant les morts du génocide risquait de créer une identité nationale juive par souvenir d'un destin commun. Staline n'en voulait à aucun prix.
L'attitude soviétique diffère grandement de l'attitude des gouvernements francais, qui semblent se désintéresser de Nuremberg...
La seule chose qui a intéressé les Francais, à l'époque, c'était l'épuration. Il fallait à tout prix effacer la défaite : on observe alors un déni complet du nazisme et de l'occupation.
Comparés à celui de Nuremberg, les procès des personnalités de Vichy ont été particulièrement mal conduits. Celui de Laval, en particulier, est un scandale du point de vue juridique. Cela permet maintenant à certains de s'efforcer de le réhabiliter. Voilà la grande différence:aujourd'hui, malgré les efforts des négationnistes, il n'y a pas moyen de se débarrasser de Nuremberg.
Ce procès a sans a doute eu des défauts, mais la volonté américaine d'un procès équitable, fondé sur des preuves écrites irréfutables, a été dans l'ensemble respectée. Pour les historiens, l'observation des pièces de l'accusation est hallucinante: tout y est ! Nuremberg nous a fait gagner trente ans de recherches.
Une des grandes premières du colloque de Caen est d'aborder le procès de Tokyo sur les crimes nippons. Pourquoi avoir attendu 1995 ?
Parce que les historiens francais s'intéressent peu à l'Asie. Et puis le procès de Tokyo gêne car il présente les mêmes défauts que Nuremberg, poussés jusqu'à la caricature.
Tokyo, mené un an après le jugement des chefs nazis, est typiquement un procès de guerre froide. MacArthur tient manifestement à conserver le Japon dans son camp. Et les Américains couvrent certaines abominations, comme les travaux de l'unité 731, spécialiste de la guerre biologique.
D'autre part, l'absence de Hirohito dans le boxe, condition de la reddition japonaise, a enlevé de la profondeur au procès, même si les accusés sont effectivement de hauts dignitaires.
Ces défauts ont-ils eu une conséquence ?
La conséquence la plus importante est qu'ils ont empêché les Japonais de prendre conscience de l'ampleur de leurs crimes.
Les bombardements atomiques leur ont permis de se faire passer pour des victimes, alors que leur rôle en Asie a été semblable à celui de l'Allemagne nazie en Europe et qu'ils ont commis des atrocités comparables.
Cela n'enlève rien au fait que l'Allemagne et le Japon soient réellement devenus des démocraties. C'est la grande lecon des procès et des phases d'occupation.
Propos recueillis par Pierre Grumberg.
VOILA POUR LA PROFONDEUR INTELLECTUELLE DE L'UN DE CES "HISTORIENS" DONT LA PRESSE FAIT GRAND CAS (SANS LIRE LEURS LIVRES).
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Pendant ce temps-là se développe aux Etats-Unis une violente polémique. Un jeune freluquet publie un livre qui veut démontrer que tous les Allemands voulaient faire du mal aux juifs, qu'ils l'ont d'ailleurs tous fait et qu'ils en avaient du plaisir.
La moisson que l'on a pu en faire sur Internet est assez volumineuse. Le point d'orgue a sans doute été la rencontre opposant le freluquet aux aux chars lourds de l'histoire holocaustique orthodoxe (Yehuda Bauer, Christppher Browning) lors d'une séance au Holocaust Memorial Museum. Il était intéressant de constater que la très grande majorité des historiens rejette ce livre comme absurde alors que le publkic de jeunes juifs du Musée mémorial l'applaudissait frénétiquement, à la douloureuse stupeur des historiens patentés. La presse a en parlé et la télévision allemande a retransmis les débats (vers le 2 ou 3 mai.) En France, rien, sinon ce papier dans Le Monde. Le livre n'est pas encore traduit en francais ; donc, on reparlera de ce gigantesque pas en avant dans la mystification.
Le livre du politologue américain Daniel Goldhagen relance aux EtatsUnis et outre-Rhin la question de la complicité du peuple allemand dans l'entreprise génocidaire menée par les nazis
Gustav Heinemann l'ancien président de la République fédérale, avait coutume de dire "L'Allemagne est une patrie difficile ", en référence au poète Heinrich Heine. Un de ses successeurs, Richard von Weizsacker, a su trouver les mots pour exhorter ses compatriotes à ne pas échapper à leur responsabilité devant l'Holocauste et la guerre. Responsabilité et non-culpabilité collective. Cinquante ans après la capitulation du régime national-socialiste, les Allemands peuvent légitimement penser avoir menée à bien la Vergangenheitsbewaltigung - le travail sur le passé.
Or c'est justement le thème de cette culpabilité collective que relance un livre paru il y a quelques mois aux EtatsUnis: Hitler's Willing Executioners. Ordinary Germans and the Holocaust (Alfred A. Knopf, New York, 622 p., 30 $). Cette oeuvre d'un jeune politologue, professeur à Harvard, Daniel Jonah Goldhagen, a suscité des louanges et des polémiques outre-Atlantique et en Allemagne, avant même d'y être publiée. Ce sera chose faite en août chez Siedler et l'année prochaine, en francais, au Seuil.
La thèse de Daniel Goldhagen peut se résumer ainsi: des centaines de milliers, voire des millions d'Allemands ont participé ou assisté sans broncher au massacre des juifs, parce qu'un antisémitisme enraciné dans la vie politique et culturelle allemande depuis le XlXe siècle créait une adéquation parfaite entre les sentiments profonds de la majorité et lesfantasmes du Führer. Ainsi existaitil un accord au moins tacite, sur le fait que l'Allemagne et l'Europe devaient être débarrassées des juifs. L'histoire de l'Allemagne depuis le siècle dernier mène, avec une logique implacable, à Auschwitz.
BOURREAUX
Pour arriver à cette conclusion, Daniel Goldhagen s'est intéressé non aux victimes, mais à leurs bourreaux, à cette cohorte de gens ordinaires, policiers, gendarmes, surveillants des camps, soldats de la Wehrmacht qui ont participé directement à l'exécution des juifs. Ce n'étaient pas des fanatiques de la SS, mais des pères de famille tranquilles, des braves gens, des Allemands moyens.
Pourquoi suivirent-ils les ordres qu'ils recurent ? Daniel Goldhagen écarte les explications classiques: la contrainte, la tradition de l'obéissance aveugle, le poids psychologique des institutions, le carriérisme, l'ignorance du caractère global de la Solution finale. "Ces interprétations ignorent, nient ou minimisent dans une large mesure l'importance de l'idéologie nationalsocialiste ainsi que le poids des valeurs morales, des représentations que les exécuteurs se faisaient des victimes et leur disposition à tuer, écritil. Mon explication est la suivante: tous les Allemands "tout à fait normaux" étaient poussés par une certaine forme d'antisémitisme qui les amenait à la conclusion que les juifs avaient mérité la mort. Cet antisémitisme spécifique auquel ils croyaient n'était certes pas la seule raison de leurs actes, mais j'affirme qu'elles constituent une raison extrêmement importante et incontournable. Pour le dire très simplement: les exécuteurs, se laissant guider par leurs propres convictions et par leurs conceptions de la morale, estimaient justifié l'anéantissement massif des juif . (...) Plus l'ampleur et le caractère des actes commis par les exécuteurs allemands étaient connus, moins il est possible de soutenir que ces exécuteurs ne partageaient pas la même conception du monde qu'Adolf Hitler. »
"Contribution remarquable à la compréhension de l'Holocauste », a déclaré le Prix Nobel de la paix Elie Wiesel; "un modèle pour de futures recherches", estime Gordon Craig, professeur à Stanford. Dans un éditorial, Die Zeit annonce une nouvelle "querelle des historiens ". Daniel Goldhagen soulève-t-il une interrogation salutaire ou tendil un piège à la mauvaise conscience récurrente des intellectuels allemands dans lequel certains d'entre eux sont encore prêts à tomber ?
"Une provocation qui vise à susciter l'indignation " remarque le quotidien libéral de gauche Frankfurter Rundschau. Rudolf Augstein, le patron du Spiegel, considère que le sociologue s'est transformé en exécuteur de basses oeuvres. &laqno; On ne peut pas contredire cette thèse, sans s'abêtir soi-même », renchérit Frank Schirrmacher, citant Karl Kraus, le grand journaliste autrichien, témoin de la décadence de l'empire austro-hongrois. Le feuilletoniste en chef du Frankfurter Allgemeine Zeitung s'étonne qu'en 1996 "l'écriture de l'histoire puisse se présenter sous la forme d'une anthropologie". Il traque derrière le succès du livre de Goldhagen "un aspect éminemment politique": "Le lecteur américain, qui ne connaît pas grandchose à l'histoire allemande contemporaine, trouve ici l'ethnologie d'un peuple échappé du Moyen Age, pour qui l'antisémitisme était une forme perverse de la "quête du bonheur", écrit-il. Dans le magazine américain The New Republic un spécialiste du IIIe Reich, Omer Bartov, lui fait écho: il n'y a pas de Sonderweg allemand, de &laqno; voie particulière » qui conduirait inexorablement de Luther à Auschwitz.
Beaucoup de bruit pour rien? L'explication n'est pas "entièrement nouvelle ". Elle a été utilisée dans les premiers temps de l'après-guerre, jusqu'à ce que des travaux scientifiques éclairent le fonctionnement de l'Etat totalitaire nazi. On pense à Eugen Kogon et à son Etat SS, ou à la monographie qu'a consacrée Christopher Browning au bataillon de policiers réservistes 101 qui a sévi dans les années 40 dans l'est de la Pologne (Des Hommes ordinaires, Belles Lettres, &laqno; Le Monde des livres» du 25 février 1994). L'auteur accepte le mode de questionnement de Daniel Goldhagen; mais il n'en partage pas les conclusions: &laqno; Comment et pourquoi des gens ordinaires ont pu devenir des assassins", atil déclaré lors d'un débat consacré au livre de Daniel Goldhagen au Musée de l'Holocauste, à Washington. "Je ne crois pas que la réponse soit simplement que c'est parce qu'ils ont voulu être les exécuteurs du génocide, parce qu'ils partageaient la haine d'Adolf Hitler pour les juifs. Un antisémitisme allemand démoniaque ne paraît pas une explication suffisante."
Une étude comparative de l'antisémitisme en Europe au tournant du siècle aurait montré que l'Allemagne n'était pas un cas particulier. "Ce n'est qu'avec le nazisme que ces sentiments diffus on eu l'onction d'un régime et l'appui d'une machine de propagande sophistiquée, dirigée par un Etat moderne", écrit Omer Bartov. Cette remarque renvoie à une autre question: "Pourquoi précisément en Allemagne ?". Mais on ne peut y répondre en invoquant une causalité univoque.
Daniel Vernet
CE LIVRE NOUS PROMET ENCORE DE BELLES ESCALADES VERS LES PLUS HAUTES CIMES DE LA CONNERIE. MAIS ON NOTERA SEULEMENT QUE LE FAUSSAIRE BIEN CONNU ELIE WIESEL N'A PAS RATE L'OCCASION DE DISTILLER SON VENIN.
REVENONS A NOS MOUTONS.
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Libération, 29 avril 1996
Dans les Mythes fondateurs de la politique israélienne, publié fin 1995 aux éditions de la VieilleTaupe, Roger Garaudy considère que "le mythe des six millions de juifs exterminés" est devenu un dogme "sacralisant (comme l'indique le mot même d'Holocauste) toutes les exactions de I'Etat d 'Israël en Palestine".
Selon lui, l'exploitation de la Shoah a permis aux juifs de se placer "audessus de toute loi internationale", Garaudy estime qu'aux historiens "critiques" de l'ampleur des exterminations nazies comme Faurisson "ne fut opposée aucune réfutation critique, aucune discussion scientifique contradictoire: seuls leur furent opposés au mieux le silence, au pire la répression". Pour Garaudy, tant que n'aura pas eu lieu un débat "entre spécialistes de compétence égale" sur les chambres à gaz, "le doute existera et même le scepticisme". Et d'ajouter: "Jusqu'ici, l'on n'a donné, même à des artistes d'un grand talent et d'une parfaite bonne foi, que des chiffres arbitraires et des faux." Il fustige le "Shoahbusiness", "l'interminable navet de Claude Lanzmann" (le film Shoah, ndlr), "l'apothéose" étant le Journal d'Anne Frank: "Le roman merveilleusement émouvant se substitue au réel, et une fois de plus le merveilleux se déguise en histoire."
"Sans aucun doute, les juifs ont été l'une des cibles préférées d'Hitler en raison de sa théorie raciste de la supériorité de la race aryenne", concède Garaudy. Mais c'est à tort, écritil, que fut employé le mot "génocide" à leur propos à Nuremberg, "puisqu'il ne s 'agit pas de l'anéantissement de tout un peuple, comme ce fut le cas pour les "exterminations sacrées " des Amalécites, des Cananéens et d'autres peuples encore dont parle le Livre de Josué (de l'Ancien Testament, ndlr)". Le "mythe faisait l'affaire de tout le monde: parler du "plus grand génocide de l'histoire ", c'était, pour les colonialistes occidentaux, faire oublier leurs propres crimes (...)"
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Suit un article de Lévy-Willard, dont j'ai perdu le titre. On se souvient qu'Annette Lévy-Willard avait commis un soi-disant reportage télévisuel sur les revisionnistes, fondé sur l'emploi d'un petit flic anglais. Elle a été corrigée de la belle manière et semble s'être abstenue de recommencer.
Ni "accident" ni bavure, ni dérapage sénile ni ignorance, ni emportement pour cause d'amitié fidèle à Roger Garaudy: l'abbé Pierre avait déjà, en 1993, tenu des propos identiques contre les Juifs et contre Israël. C'était au cours des entretiens avec Bernard Kouchner et Michel-Antoine Burnier, pour le livre qu'ils feront ensemble, Dieu et les hommes, paru en 1993 chez Laffont. Michel-Antoine Burnier, qui a gardé la cassette de l'enregistrement peut même préciser la date: "C'était très exactement le 27 mars 1993",dit-il. Et l'abbé Pierre s'adressait aux Juifs et leur disait: "Fouteznous la paix avec la Terre promise!". "Sous le prétexte que Josué, il y a trois mille ans, aurait massacré les Philistins, les Amalécites et les habitants de Jéricho, il accusait les Juifs de génocide et mettait en cause l'existence de l'Etatd'lsraël."
La lettre de soutien de l'abbé Pierre à Roger Garaudy - auteur des Mythes fondateurs de la politique israélienne, mis en examen depuis jeudi à la demande du parquet de Paris pour "négation de crimes contre l'humanité - n'est donc pas une erreur de parcours. "L'abbé Pierre pèse toujours ses mots", rappelle Michel-Antoine Burnier. "J'ai été très choqué par la lettre de l'abbé Pierre à Garaudy, mais pas surpris. L'abbé Pierre pratique une certaine forme d'antijudaisme religieux."
Ce soutien de l'homme le plus populaire de France réjouit évidemment le petit groupe de négationnistes incarné par Robert Faurisson et l'éditeur la Vieille Taupe, qui a publié le livre de Garaudy. On retrouve dans oe noyau dur, s'acharnant à nier la réalité historique de l'extermination nazie, des hommes venus de l'extrême droite antisémite comme Faurisson, et de l'extrême gauche antisioniste comme Pierre Guillaume et Jacques Vergès, ancien avocat de Klaus Barbie, et aujourd'hui défenseur de Garaudy.
Bernard Kouchner, coauteur des dialogues avec l'abbé Pierre sur Dieu et les hommes, qui, il y a quelques semaines encore, faisait avec lui et avec un groupe de chrétiens, le voyage à Jérusalem et à Gaza, ne croit pas à l'hypothèse d'une manipulation de l'abbé Pierre par les négationnistes. Il se souvient, lui aussi, de l'échange violent qu'ils ont eu en 1993 sur les Juifs et Israël. Propos que l'abbé avait d'ailleurs tenus dans la Vie catholique en 1991, rappelle Bernard Kouchner, qui ajoute: "Je regrette de le dire, mais ce n'est pas parce qu'on est humanitaire qu'on est progressiste. L'humanitaire n'est pas un label garanti."
De retour à Paris, Bernard Kouchner vient d'adresser une lettre à l'abbé Pierre: "Je lui dis dans cette lettre ma douleur, pas mon étonnement. Il se montre plus palestinien que les Palestiniens, qui viennent de reconnaître le droit à l'existence de deux Etats, Israël et la Palestine. L'abbé Pierre n'est pas antisémite - il l'a prouvé - mais antijuif et antiisraélien. J'ai senti, au cours de notre voyage à Jérusalem, que les chrétiens pensent qu'ils n'auront plus de place dans la Terre promise maintenant que les Palestiniens et les Israéliens s'entendent ensemble". Bernard Kouchner a tenté, il y a un mois, de dissuader l'abbé Pierre de soutenir Garaudy, lui expliquant ce que sont la Vieille Taupe et les négationnistes.
Aujourd'hui, il attend la réponse à sa lettre, mais sans illusion: "L'abbé Pierre croit avoir levé un tabou en parlant des camps nazis. Ce qu'il a levé, c'est le retour de la haine. Le seul vrai tabou a été levé par ce professeur de Harvard qui a osé parler de la participation de tous les Allemands au génocide des Juifs. Je connais l 'abbé Pierre, je sais qu'il est têtu, il risque de s 'enferrer jusqu'à devenir profondément révisionniste. J'espère que non."
Un autre de ses proches, le professeur Léon Schwarzenberg, avait lui aussi discuté avec l'abbé Pierre "J'ai dit à l'abbé: "Attention, vous allez soutenir la Vieille Taupe, les révisionnistes, l'extrême-droite." J'ai expliqué leurs thèses. Ensuite, il a affirmé qu'il n 'avait pas lu le livre, que des gens autour de lui l'avait lu pour lui. C'est bien le problème: l'abbé Pierre est entouré d'antisémites qui ont trouvé formidable le livre ignoble de Garaudy.»
Côté communauté juive, une phrase du Grand Rabin de France Joseph Sitruk a suscité une certaine émotion hier. Sur Judaique-FM il indiquait en effet que pour en finir une bonne fois pour toute avec le négationnisme, il pensait qu'il fallait "bien évidemment réunir les historiens pour débattre de la Shoah". Jean Kahn, président du Consistoire central des Israélites de France, a estimé pour sa part que "cette histoire est tragiquement trop vraie pour avoir besoin, 50 ans après, d'être réévaluée."
L'abbé Pierre avait déclaré, mercredi dernier, aux responsables de la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'anti-sémitisme), organisation dont il est membre du comité d'honneur depuis vingt ans, qu'il avait envoyé à Roger Garaudy le texte de Léon Schwarzenberg réfutant les thèses du livre (lire page 4). Il attendait donc que son ami revienne publiquement sur ses positions. Autrement, il serait contraint de lui retirer son soutien. Garaudy ne semble pas avoir changé d'avis et l'abbé Pierre, qui confiait dimanche avoir recu un texte "excellent" de ce dernier en réponse à ses questions, ne s'est pas désolidarisé.
Annette Levy-Willard
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Libération, 29 avril 1996
L'abbé Pierre s'indigne des thèses défendues par les négationnistes mais n'hésite pas à réécrire, avec son ami Roger Garaudy, l'histoire du peuple juif.
L'abbé Pierre ne désarme pas pour assumer ses convictions dans l'affaire Garaudy. S'il s'indigne de toute assimilation avec le discours révisionniste, il refuse de désavouer son vieil ami mettant en cause la spécificité de la Shoah. Le fondateur d'Emmaüs se dit persuadé de la nécessité de lever le "tabou" qui fait taxer d'antisémite quiconque remet en cause l'histoire de l'Holocauste.
Votre soutien à Roger Garaudy semble reposer sur une réflexion méditée sur la question du peuple élu. Quelle est-elle?
Je me fonde sur l'opposition entre promesse et violence. Une violence qui, comme le montre le livre de Josué dans l'Ancien Testament, a ouvert la Terre promise au peuple juif. Il n'y a rien de plus à ajouter que ce que j'ai dis dans ma lettre à Garaudy: "Si je te promets ma voiture. et, si toi, dans la nuit, tu viens tuer le gardien, forcer les portes et t'emparer de la voiture promise, que peutil rester de la promesse?"... J'ajoute que pour des raisons historiques, reprises d'ailleurs par Garaudy, le peuple juif a perdu son élan missionnaire après l'empereur Constantin qui a érigé la religion chrétienne en religion d'Etat. Sont apparus les évêques princes, avec toute leur ambiguité, et les juifs qui propageaient leur foi se sont repliés sur euxmêmes. En fait, après Constantin, je crains que la notion d'alliance se soit limitée à la fidélité entre juifs.
L'enseignement "du mépris" à l'égard des juifs par l'institution catholique n'a-t-il pas enraciné la conscience chrétienne dans l'antijudaisme?
L'évolution historique du peuple juif est en effet largement imputable à l'attitude de l'Eglise, qui a parlé de "peuple déicide". Il a fallu attendre Jean XXIII et Paul VI pour faire arracher des missels des paroles absolument insultantes à l'égard des juifs. Mais le chrétien, dès le petit catéchisme, a appris que les juifs avaient tué Jésus.
Certains de vos amis voient dans votre soutien à Garaudy le reflet d'une forme d'antijudaisme marqué par cette théologie antérieure au concile Vatican II.
C'est avoir mal lu mon texte et je suis prêt à en répondre. J'ai eu de longues conversations avec des amis juifs sur ce débat millénaire et notamment avec l'écrivain André Chouraki. (IL S'AGIT EVIDEMMENT D'ANDRE CHOURAQUI) Je n'ai en tête qu'un ennoblissement de la conception que j'ai de leur mission.
Pourquoi, sur ces bases historico-bibliques, avoir justifié votre soutien à Garaudy, qui remet en cause le génocide?
C'est un terrain sur lequel un organisme comme la Licra (1) déclare d'une manière absolument dogmatique qu'il s' agit d'un sujet sacré et que toute recherche historique - comme on pourrait chercher à mieux comprendre l'Inquisition ou les croisades - n'est pas nécessaire. Ils n'acceptent absolument pas le dialogue, contrairement à Garaudy. Ils considèrent que le débat est clos. Qu'oser le rouvrir n'est pas possible. Par exemple, sur la question des chambres à gaz, il est vraisemblable que la totalité de celles projetées par les nazis n'ont pas été construites.
Cela change-t-il quelque chose?
Rien du tout. Mais mes amis de la Licra me disent qu'avancer de telles affirmations, c'est contester la Shoah. Ce n'est pas sérieux.
Quarante ans de recherches et des milliers de témoignages ne vous semblent pas probants?
Croyez - vous qu'avec quarante ans de recherche on a épuisé, mesuré toutes les dimensions d'un pareil événement. Ce que veut Garaudy, c'est situer l'horreur de ces crimes dans l'horreur de la totalité des crimes d'Hitler. Qu' importe, ditil, de parler de six millions. En réalité, ce sont vingt ou trente millions d'humains qui ont été broyés. Il ne nie pas le fait particulier du peuple juif. D'autant que les nazis ont utilisé pour les exterminer tous les moyens modernes d'élimination. Mais c'est un sujet sur lequel le débat n'est pas clos.
N'avezvous pas trouvé étrange que le livre de Garaudy soit publié chez un éditeur diffusant les thèses négationistes comme la Vieille Taupe?
Dès que je l'ai su, je lui ai dit: "Tu es fou!". Il m'a répondu: "Mais aucun autre éditeur n a accepté mon livre!". La manière dont il m'en a parlé m'a donné l'impression que luimême n'avait pas clairement conscience que cette maison d'édition était spécialisée dans les écrits néonazis. C'est une égale ânerie d'avoir choisi Me Vergès comme avocat. Je crois que les dons de polémiste de Roger Garaudy l'ont emporté parfois sur la sérénité de la réflexion scientifique. Dire du film la Shoah que c'est un navet, c'est dommage.
Vous n'êtes pas choqué qu'un négationniste comme Faurisson se soit "réjoui" de votre soutien à Garaudy?
Vous me l'apprenez. Bien entendu que ca me fait mal. Il représente tout l'opposé de mon engagement, de ma vie.
Rien, dans votre soutien à Garaudy, ne peut vous ranger du côté des révisionnistes?
Cela serait pure mauvaise foi que de le croire. Mais il faut voir les témoignages que je recois. J'arrive de Belgique. Dès que je suis sorti de voiture à l'aéroport de Bruxelles, des gens sont venus vers moi. Il y a longtemps que je n'avais pas vu autant de personnes venir me dire: "Merci, parce que vous avez eu le courage de mettre en cause un tabou." Pour le Francais moyen, qui, luimême ou son père, n'a été ni collaborateur ni résistant comme la grande masse du peuple francais, je suis convaincu qu' il y a une espéce de "ouf!": le tabou est levé! On ne se laissera plus traiter d'antijuif ou d'antisémite si on dit qu'un juif chante faux.
Avezvous évoqué l'affaire Garaudy avec Mgr Lustiger?
Du tout. Il se peut qu'il y ait une lettre demain. Mais depuis le début de cette tornade où il y a eu tant de confusionnisme, je n'ai pas eu un mot, pas un seul, de qui que ce soit au sein de la hiérarchie catholique.
En octobre dernier, vous êtes allé dans la bande de Gaza, invité par Yasser Arafat, où vous avez demandé pardon au nom des Européens pour le drame des Palestiniens provoqué par l'établissement de l'Etat d'lsraël. Pourquoi?
Les crimes qui ont provoqué la naissance d'Israël en chassant les Palestiniens n'ont été commis par aucun Arabe. C'était Hitler, un Européen catholique, apostat, qui les avaient provoqués. Quand nous avons voulu ensuite nous faire pardonner, nous avons pris la solution la plus facile, qui était de chasser les Palestiniens de leurs terres.
Ce serait, à vos yeux, le prix de la Shoah?
C'est ca. On s'est un peu lavé les mains sur le dos d'un autre. C'est très délicat à dire, car on aborde la question de l'Etat d'Israël.
Vous qui êtes l'homme le plus adulé des Francais, n'avez - vous pas l'impression que cette affaire va briser un lien privilégié?
Je vous répondrai une seule chose: le jour de paraître devant le bon Dieu, ce qui me préoccupe, ce n'est pas de venir lui dire que je suis le meilleur des Francais, mais de l'entendre me dire: "Tu es un honnête homme."Une fois la tornade passée, beaucoup de Francais moyens diront: "Il nous a aidés à y voir plus clair. "
Recueilli par Francois Devinat
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Libération, 29 avril 1996
PAR J - M HELVIG
L'abbé Pierre avait fait de sa soutane un efficace et sympathique drapeau au service des sanslogis, on savait moins que ladite soutane pouvait offrir aussi refuge à l'engeance négationniste. Bien qu'il s'en défende, l'octogénaire ecclésiastique apporte aux antisémites de tout poil une caution inespérée. Ou en tout cas habilement mise en scène par l'ancien avocat de Klaus Barbie devenu sans trop se forcer, celui d'un exstalinien tourné zélote islamiste. Et tout cela dans un fatras de justifications théologiques qui, aujourd'hui, l'empêcherait probablement de franchir l'examen d'entrée au séminaire.
Car ce qui ressort surtout de ce naufrage, c'est que l'abbé a l'univers mental d'un curé de campagne du XIXe siècle abreuvé d'antijudaisme. L'Eglise vaticane a mis des siècles à nettoyer ses dogmes de toutes les scories antijuives charriées par des textes bibliques et évangéliques historiquement situés dans la compétition religieuse qui a opposé, aux premiers temps, judaisme et christianisme. Il n'y a officiellement plus de "peuple déicide" depuis une trentaine d'années, mais on n'efface pas d'un coup de décret romain des siècles d'abrutissement. On peut discuter à perte de vue sur le moment du passage de l'antijudaisme religieux ou philosophique à l'antisémitisme racial, on voit mal ce qu'il y aurait à discuter aujourd'hui des conséquences tragiques de la haine des Juifs. L'abbé Pierre, qui professe des idées socialement avancées, défend une cause politiquement nauséabonde en se posant en défenseur de la liberté de débattre de la Shoah. Quel débat après tant d'enquêtes, tant de témoignages, tant de traces? Pour donner quelques points d'Audimat à Faurisson? Si tout cela devait démontrer qu'il n'y a aucun saint, fûtil &laqno;humanitaire», auquel se vouer, ce serait déjà ca...
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Pendant ce temps-là, les malheureuses victimes d'une histoire impitoyable tenaient à Paris une petite réunion politique, dans le cadre de la campagne électorale israélienne.
Libération, 29 avril 1996
Le président de l'Autorité palestinienne a été pris violemment à partie lors d'un banquet au profit des colons d'Hébron, jeudi à Paris.
L'orateur martèle ses mots: "Lippu, hirsute, hideux" Il n' y manque que le nez crochu pour rappeler l'antisémitisme des années 30. La cible, cette fois, est Yasser Arafat, le chef de l'OLP, victime d'une charge sans nuance de la part d'un dirigeant juif francais: Jacques Kupfer, chef du Likoud de France, la branche francaise de la principale formation de la droite israélienne. "Assassin hirsute", "terroriste saneguinaire"
Nullement impressionné par les derniers développements au sein de l'OLP, il ironise au contraire sur la "roulette palestinienne", qui, à la différence de la russe qui laisse une chance au joueur, n'offre à Israël qu'un "barillet plein et chargé". La scène se déroule à l'Aquaboulevard, le grand complexe de loisir parisien, lors d'un banquet de quelque 2000 personnes venues, jeudi dernier, pour une soirée de collecte de fonds au profit des colons d'Hébron, les plus extrémistes des habitants juifs des territoires occupés. &laqno;Le Likoud de France avec les juifs de JudéeSamarie» (noms bibliques de la Cisjordanie, ndlr), proclame une banderole. Avec comme hôte d'honneur, le général Raphaël Eytan (dit &laqno;Rafoul»),ancien chef d'état major démissionnaire aprés le massacre de Sabra et Chatila en 1982. Le général, n°3 de la liste de la droite aux prochaines élections israéliennes, a fait une entrée triomphale à l'Aquaboulevard, précédé par les scouts du Bétar, drapeaux israéliens en tête, et accompagné d'une chanson rythmée annoncant la venue du Messie.
Pas de place au doute idéologique au cours de cette soirée préélectorale: pour Jacques Kupfer, l'Etat hébreu va "de la mer (Méditerranée, ndlr) au Jourdain", c'est-àdire y compris les territoires palestiniens. Il ne cache d'ailleurs pas son admiration pour les 120.000 colons juifs installés dans ces territoires, "muraille protectrice" d'Israël, que le Likoud de France soutient plus activement encore que la "maison mère" en Israël: une vente aux enchères d'oeuvres d'artistes d'Hébron a ainsi été organisée jeudi (à laquelle a même contribué le représentant du maire de Paris à cette soirée)."Nous avons une tâche difficile dans un monde munichois", a estimé Kupfer.
Rien dans les derniers développements n'ébranle les intervenants: le général Eytan, possible ministre de la défense en cas de victoire du Likoud le 29 mai, n'a aucune intention ou désir de rencontrer Yasser Arafat, malgré la modification de la Charte de l'OLP la semaine dernière, et il entend renégocier "paragraphe par paragraphe" les accords d'Oslo, avec comme seul critère: "Estce que ca sert les intérêts d'lsrael ?". Aux Palestiniens, &laqno;Rafoul» estime qu'Israël n'a rien à proposer: &laqno;Nous ne leur devons rien. Cette terre nous appartient et vous êtes sur notre sol. Si vous voulez vivre en paix tant mieux, mais si vous vous lancez dans le terrorisme, nous savons faire ca encore mieux que vous. » Un discours sur une mesure pour une salle chauffée à blanc par les assauts deJacques Kupfer contre le "hideux de Gaza". L'Aquaboulevard, ce soirlà, n'était pas le rendezvous de la paix.
Pierre Haski
LES COMMENTAIRES SERAIENT INUTILES.
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On se rend bien compte que toutes ces campagnes de presse sont évidemment complètement spontanées mais qu'un zeste de coordinatioon ne peut pas faire de mal. Or, c'est toujours le même Jean Kahn qui pointe l'oreille dans toutes ces "affaires". Portrait, tiré de la lettre confidentielle d'Emmanuel Ratier, fort accessible (BP 254-09, 75424 Paris cedex 09) :
&laqno; Mon parti politique c'est le peuple juif. » Une déclaration sans
fioriture ni ambiguité de Me Jean Kahn (Tribune juive, 4 avril 1986).
C'est ou &laqno; peuple juif » que ce gros industriel du textile (également
avocat) a consacré les vingt dernières années de sa vie. Ce proche des
Rothschild a occupé les plus hautes fonctions: président du Consistoire
Central, président du Conseil représentatif des instituions juives de
France, président du Congrès juif européen, viceprésident
du Congrès juif mondial, haut responsable du B'nal B'rith, etc.
Représentant de la 3e communauté juive mondiale il était évidemment
la personne idoine pour être nommé par Jacques Chirac à la présidence
du Conseil national consultatif des droits de l'homme,
où il remplace Paul Bouchet.
Le 19 mars dernier, le Conseil européen des ministres de l'Intérieur et de la Justice est parvenu à un accord, non sur la lutte contre le chômage ou l'immigration clandestine, mais sur la nécessaire répression du racisme et de la xénophobie en Europe. Les Etats membres se sont engagés à assurer une coopération policière et judiciaire pour poursuivre peu ou prou toutes les incitations à la discrimination raciale, I'apologie de la xénophobie, la participation à des groupes à caractère raciste ou xénophobe, la négation publique des crimes contre l'humanité perpétrés par les nazis, etc. Et ce, malgré les réticences du Danemark, de la Grèce et du Royaume Uni, qui auraient pu chacun imposer leur veto. Seul le Royaume Uni a exigé une rectification sur le révisionnisme, obtenant que l'accord précise que le délit ne serait constitué que s'il y avait intention de nuire à un groupe de personnes. Mais les Britanniques n'ont pu obtenir que ce soit l'offense faite aux victimes ou à leurs ayant droits qui soit poursuivie au lieu de se voir créer une histoire officielle.
Pourquoi insister sur cette nouvelle limitation des libertés individuelles ? Parce que le maître d'oeuvre de cette nouvelle législation répressive n'est autre que Jean Kahn, en tant que président du Congrès juif européen (dès son élection, en 1991, il déclarait "vouloir agir pour généraliser à I'échelle de l'Europe la législation contre I'antisémitisme et le racisme") et surtout comme président de la Commission consultative européenne contre le racisme et la xénophobie. Avec ces deux casquettes, il a mené une intense activité de lobbying pour obtenir l'adoption de cette nouvelle législation. Le 6 mars dernier, honneur insigne, ce fut même lui qui ouvrit très officiellement la session du Conseil européen des affaires générales (présidée par Alain Juppé) consacrées à l'adoption de la dite législation. Ce, évidemment dans le but, selon lui, de combattre "les fléaux qui menacent la construction européenne". Bref, raconter une plaisanterie raciste sera bientôt un délit menacant la construction européenne...
Tout ceci se tient parfaitement, puisque selon Kahn, qui se rend quatre fois par an au minimum en Israël (La Croix, 29 septembre 1991): "Les juifs ont apporté énormément à l'Europe, et je crois qu'ils ont été les premiers Européens. Cette nonreconnaissance de la culture juive qui a faconné l'Europe constitue d'ailleurs un point de désaccord avec l'Eglise catholique." C'est pourquoi, comme il l'a déclaré tout récemment au cours d'un procès intenté par Jean-Marie Le Pen, "la référence au baptême de Clovis par l'évêque de Reims (est) puissamment incitative à la haine raciale". Cette critique anti-chrétienne, on la retrouve aussi dans l'affaire du Carmel d'Auschwitz, dont il fut l'un des principaux protagonistes. Pour lui, la négociation était simple: il n'y avait rien à discuter puisqu'il fallait "éviter la christianisation d'Auschwitz"(Le Monde, 10 août 1991). "L'affaire du couvent d'Auschwitz sera close lorsque la porte du couvent se refermera devant la dernière carmélite et que les symboles chrétiens auront disparu du site d'Auschwitz" (Le Monde, 5 avril 1993). Dans un même ordre d'idée, ce représentant éminent du B'nai B'rith (qui ne cessera de combattre pour le rétablissement du scrutin majoritaire) expliquait juste avant les élections législatives de 1986 qui virent l'entrée du FN à l'Assemblée: "L'électeur juif est un électeur avec un supplément d' âme."
Il est peu connu que c'est également aux fonctions européennes "consultatives" de Jean Kahn qu'on doit, pour l'essentiel, les diverses levées d'immunité parlementaire européenne de JeanMarie Le Pen. A propos de celle concernant les "grandes internationales, dont l'internationale juive", il déclarait (Actualité juive, 10 janvier 1990): "Je me félicite de cette décision. Je travaille à cette affaire depuis longtemps. A Strasbourg, j'ai rencontré de nombreux parlementaires européens. L'un des principaux sujets de discussion était la levée d'immunité parlementaire de Le Pen. Deux heures avant le vote, nous avons envoyé un message aux groupes politiques pour les informer de la position de la communauté juive de France." A noter que, sans doute très bien informé en raison de ses fonctions, Jean Kahn sera l'un des très rares responsables juifs à ne pas accuser en mai 1990 ad hominem Jean-Marie Le Pen et le Front National d'être responsables de l'affaire de Carpentras, se contentant de parler du "climat malsain qui a pu amener les esprits simples à cet acte inimaginable".
A l'étranger, il résume clairement d'une phrase le serment des B'nai B'rith (The Canadian Jewish News, 18 janvier 1996): "La communauté juive francaise n'est pas particulièrement inquiète dans la mesure où tous les partis politiques qu'ils soient de gauche ou de droite ont catégoriquement refusé de sceller des alliances avec le Front national." Lorsqu'il sera élu président du CRIF, le journal interne du B'nai B'rith saluera chaleureusement l'élection de ce "frère" : "Jean Kahn n'est pas un débutant () Membre actif de nombreuses loges du B'nai B'rith, Jean Kahn est frère de la loge René Hirschler de Strasbourg. Son président, Yves Alexandre, note qu'il "agit en tant que président de communauté comme devrait agir n'importe quel président de loge." Maurice Honigbaum (président du district XIX du B'B') se félicite de la présence de Jean Kahn à la tête du CRIF (...) et se déclare "impressionné" par l'engagement de Jean Kahn dans son action dans les instances européennes." On notera que dès 1990, alors que le communisme n'avait pas encore disparu, Jean Kahn se rendait en Union soviétique au titre de sa loge pour inaugurer, à la faveur de la perestroika gorbatchevienne, la loge du B'nai B'rith de Leningrad.
De par sa position, Strasbourg a joué un rôle majeur dans sa carrière. Né le 17 mai 1929 à Strasbourg, ce docteur en droit (qui a rédigé une thèse sur La Conclusion du mariage en droit juif et en droit romain) ne plaida que peu de temps avant de reprendre les affaires familiales de négoce de textile (qu'il a depuis lors largement étendues en France et surtout au Luxembourg). De l'Occupation, il n'a pas grand souvenir, s'étant trouvé en zone libre, mais lorsqu'il est interrogé sur les Tziganes (Tribune juive, 10 décembre 1992), il répond: "Je suis solidaire du sort des Tziganes: nous avons été dans les mêmes chambres à gaz." Très certainement une fleur de rhétorique puisque dans sa biographie publiée par L'Arche (mars 1995), mensuel officiel de "la communauté", on peut lire: "Lorsqu'il a dix ans, c'est la guerre. Il ne l'a pas vécue de près et néanmoins il ne s'en est jamais remis. Ou, peut - être, ne s'est - il jamais remis de ne pas l'avoir vécue. Lorsqu'il s'agit de la guerre, des camps d'extermination, de la Shoah, il y a chez cet homme, par ailleurs modéré, une grande violence qui naît sans doute d'une blessure: celle d'avoir été épargnée. Celle d'avoir été trop jeune et trop chanceux pour partager la souffrance de son peuple."
Administrateur dès 1969, puis président de la communauté israélite de Strasbourg de 1972 à 1993, il présidera aussi le premier club sportif juif de l'Est de la France, l'AS Menorah, qu'il a créé en 1963, pour encadrer 300 juifs venus d'Algérie. Il présidera par la suite également le Consistoire du BasRhin, avant d'être de mai 1989 à mai 1995 président du Conseil représentatif des institutions juives de France. Le Parlement européen lui servira de tremplin: comme leader de la communauté de Strasbourg, il sera le principal organisateur des manifestations antiArafat lorsque ce dernier sera invité à Strasbourg par le groupe socialiste européen en 1989. C'est toujours dans cette ville cosmopolite qu'il se créera un réseau incroyable de relations: "La moitié de la Knesset a été recue à dîner chez lui par sa charmante épouse, Nicole Kahn" (L'Arche, mars 1994). Encore en 1994, il coordonnait les pressions pour interdire toute entrée des &laqno; néofascistes » de Gianfranco Fini dans le futur gouvernement de Silvio Berlusconi. Au même moment. il menait également campagne contre l'entrée de l'Autriche dans l'Union européenne, car ce pays n'avait pas connu de "dénazification sérieuse" après guerre
Elu enfin président du Consistoire central israélite de France (la plus importante organisation communautaire de France) à partir de janvier 1995, il est également président du Congrès juif européen depuis 1991 et viceprésident du Congrès juif mondial depuis la même date. Ce Protée siège également dans de nombreux comités: Conseil économique et social depuis 1994, Comité francais de l'Institut Weizmann, Fondation européenne des sciences. des arts et de la culture, Alliance israélite universelle, Conseil national du Fonds social juif unifié, etc.
Tant de qualités et de titres ne pouvaient que favoriser une nouvelle carrière, essentiellement politique. C'est sans doute pourquoi il devait figurer en très bonne place sur la liste européenne RPRUDF en 1994, à la demande personnelle d'Edouard Balladur. Las, la nouvelle fut éventée un peu trop tôt dans Tribune juive (10 février 1994) et les remous furent tels dans les institutions communautaires que le président du Crif, qui se devait de n'avoir aucune sensibilité politique déclarée officiellement, dut déclarer forfait, à son grand dam.
En septembre 1995, Alain Juppé le choisit pour siéger comme viceprésident à la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Aujourd'hui, il en devient le président.
Note: Pour une biographie détaillée, reprenant d'autres éléments, se reporter à Encyclopédie politique francaise, Emmanuel Ratier, F&D, 1992, p. 371 - 372.
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Journal du Dimanche, 28 avril 1996
(commentaires majuscules de Nini Peaudechien)
L'abbé Pierre a douté. C'est par deux fois et à un autre vieil ami qu'il s'est adressé : le professeur Léeon Schwartzenberg. Bien avant de prendre position publiquement et de provoquer le tollé que l'on sait. Le professeur lui a donc répondu en lui envoyant une longue et discrète missive. Afin de lui déemontrer que les propos tenus par Roger Garaudy, auteur controversé du livre les Mythes fondateurs de la politique israélienne, n'étaient pas ceux du bon sens.
Le professeur, aujourd'hui s'interroge sur cette dérive. Qui sont donc ces amis de confiance qui ont affirmé à l'abbé Pierre que le livre ne contenait rien de contestable ?
&laqno; Permettezmoi de vous dire, mon père, lui a écrit le professeur lundi dernier, que j'ai eu beaucoup de peine. Je comprends fort bien que l'amitié soit une vertu que vous respectiez totalement. J'aurais fort bien compris, et des dizaines de milliers d'autres personnes avec moi, que vous apportiez au nom d' une amitié vieille de quarante ans à un ami dans la difficulté et dans la peine l'aide d'une personnalité aussi éminente et généreuse que la vôtre. Mais j'ai du mal à comprendre que ce soutien puisse s'accompagner d'une justification de ces thèses. »
Selon Léon Schwartzenberg, le fondateur d'Emmaüs ne pouvait pas imaginer qu'un ami de plus de quarante ans puisse soutenir de telles thèses. Roger Garaudy aurait téléphoné, d'abord irrégulièrement puis chaque jour, en appelant l'abbé Pierre au secours. Il se disait victime et persécuté. &laqno; J'aime bien l'abbé, dit Léon Schwartzenberg, mais je suis certain que son entourage et la grande compassion qui l'anime pour certaines amitiés sont à l'origine de sa prise de position. »
&laqno; J'étais sûr qu'il changerait d'avis », ajoute Léon Schwartzenberg. Lorsque l'abbé recoit la lettre du professeur, il en fournit immédiatement une copie à la LICRA
dont il est membre du comitée d'honneur depuis une vingtaine d'années. Puis il téléphone à Schwartzenberg. Un débat public est organisé, mercredi soir, au cours duquel la LICRA demande à l'abbé de retirer &laqno; publiquement sa caution morale au livre de Roger Garaudy". L'abbé affirme de nouveau que son ami est honnête et que, &laqno; si on lui apporte un document lui prouvant qu'il s'est trompé, il le reconnaîtra ».
&laqno; Ce n'est pas dans l'esprit d'Emmaüs »
Y a - t - il eu manipulation ? Interrogé par le JDD la semaine dernière, l'abbé luimême s'insurgeait : " Faux et insultant. " Selon l'écrivain Pierre Lunel, qui a rédigé un ouvrage sur l'homme d'Eglise, "Mes images de bonheur, de misères et d'amour" (Fixot), et à qui il a longuement téléphoné, c'est un homme qui écoute beaucoup et qui ne laisse pas trop de prise aux pressions. Il recoit tous les jours et il y a beaucoup de gens qui passent. "C'est un homme qui vieillit bien. Cette idéee de manipulation me fait rire."
Pour d'autres, L'entourage serait un début d'explication. "Il y a de tout, explique quelqu'un qui a longuement travaillé à ses côtés. C'est un ensemble de gens qui défilent. Il y a eu les Italiens, Paul de Normandie, Francis le Belge (ce dernier avait fait don d'une somme d'argent que l'abbé a finalement refusée hier), bien d'autres encore Roger Garaudy le connaît depuis longtemps. Il a dû faire de l'entrisme et lui demander de le soutenir au nom de leur vieille amitié. Il y a toujours une volonté d'entraîner l'abbé un peu partout et ca marche."
Pour Hervé Le Ru, secrétaire national de la Fédération de l'union centrale des communautés Emmaüs, I'abbé Pierre est manipulé. "On ne sait pas qui entoure l'abbé Pierre. Une chose est sûre, la personne qui lui a parlé du livre n'appartient pas au mouvement d'Emmaüs. Cela ne correspond pas à notre esprit. Roger Garaudy a pu tout simplement l'influencer. L'abbé est un homme sans défense, qui s'est laissé aveugler par son affectivité. Il n'est en rien historien. Il a sûrement été victime d'un entourage. Mais il est difficile de dire qui précisément. Ici. on a été concerné parce qu il incarne une consclence."
Le comité éxécutif d'Emmaüs International et le conseil d'administration d'Emmaüs France ont fait part hier de leur soutien à l'abbé Pierre "dans l'épreuve qu'il traverse actuellement".
Quant à Roger Garaudy, il a été mis en examen jeudi. A la suite d'une information judiciaire ouverte en début d'année par le parquet de Paris qui vise la "négation des crimes contre l'humanité", sur la base de la loi Gayssot de 1990.
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Même journal, même jour.
Interview Koren Lojon
Historien, professeur à l'école des Sciences politiques de Paris, Jean-Pierre Azéma est spécialiste de l'histoire de la France pendant la Seconde Guerre mondiale. Nous lui avons demandé son avis sur l'affaire et le soutien que l'abbé Pierre a accordé à son ami Roger Garaudy
- C'est un discours de type idéologique dans lequel l'abbé s'est trouvé entraîné sans probablement y connaître grand-chose. La preuve, il a admis ne pas avoir lu le livre et avoir fait confiance à d'autres pour s'exprimer ensuite. Le seul véritable intérêt dans cette histoire est de savoir comment fonctionne le corps ecclésiastique par rapport à ce genre de discours.
Jusquelà, il y a toujours eu résurgence d'un vieil antijudaisme. L'abbé Pierre qui jusqu' à preuve du contraire est un homme d'Eglise, ne s'estil pas tout simplement laissé aller à exprimer un sentiment qui ne date pas d'hier ?
- Quelle est la vérité des chiffres ?
- Il est vrai que les premiers chiffres ont été approximatifs. C'est le gouvernement polonais qui a d'abord avancé le nombre de 4 millions de victimes pour le seul camp d'Auschwitz.
Il faut rappeler que, au départ, les juifs ont été &laqno; sélectionnés » en deux groupes: ceux qui pouvaient encore travailler et ceux qui étaient tués aussitôt. Au camp d'Auschwitz, on sait parfaitement que 405.000 juifs ont ainsi été &laqno; comptabilisés ». Un chiffre matricule figurait même sur l'avant-bras gauche de chaque "sélectionné".
Mais il y a eu également des vieillards et des enfants dans les camps. Ces derniers, parce qu'ils ne rentraient pas dans cette logique de répartition liée au travail, n'ont jamais été comptabilisés. Il ne fait pourtant aucun doute qu'ils ont péri.
La fourchette établie pour le seul camp d'Auschwitz serait de 920 000, 950 000 à 1 million de victimes juives. Ce sont des chiffres qui peuvent nous apparaître fiables aujourd'hui parce qu'ils ont été vérifiés par plusieurs historiens.
Le total des juifs ayant trouvé la mort à l'issue de cette politique d'extermination s'inscrit lui aussi dans une fourchette. Au total, moins de 6 millions de juifs ont trouvé la mort dans les chambres à gaz. Tout cela est certes approximatif, il faut le dire, mais il y a une échelle de grandeur qui montre bien qu'il y a eu extermination.
- Discuter des chiffres indiscutables, quel est donc l'enjeu des négationnistes ?
- L'enjeu fondamental est bien connu. Il est de vouloir affirmer que les chambres à gaz n'ont pas existé et que la Shoah n'est rien d'autre qu'une vaste invention orchestrée par la "juiverie internationale". C'est ce que j'appelle une stratégie pour faire tomber les dominos. Il y a, à l'heure actuelle, deux courants. L'un, bien connu et culminant, qui vient de l'extrême droite. L'autre a été rejoint par des minoritaires de l'ultra-gauche qui se positionnent davantage comme anti-sionistes avec, comme arrière-plan, une remise en cause d'lsraël et donc de l'Etat d'lsraël. Roger Garaudy semble s'inscrire dans cette mouvance.
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Le Monde, 30 avril 1996
(commentaires majuscules du Chien qui fume.)
La hiérarchie catholique refuse de se laisser entraîner dans la polémique suscitée par le soutien de l'abbé Pierre à Roger Garaudy, mis en examen pour négation de crime contre l'humanité. Alors que l'abbé Pierre déclare dans Libération que la Shoah est un "sujet sur lequel le débat n'est pas clos", le grand rabbin de France Joseph Sitruk "refuse clairement toute idée de débat contradictoire " sur ce sujet.
L'abbé Pierre a toute chance de rester isolé dans sa demande d'un débat contradictoire sur la Shoah. Il la réitère pourtant dans un entretien à Libération de lundi 29 avril. Il dit ne pas comprendre l'obstination de la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA) à présenter ce débat comme "sacré " et "clos ". Justifiant la nécessité d'éclaircir des points encore historiquement obscurs, il indique par exemple qu'"il est vraisemblable que la totalité des chambres à gaz projetées par les nazis n'ont pas été construites". Et il ajoute: "Croyez - vous qu'avec quarante ans de recherche on a épuisé, mesuré toutes les dimensions d'un pareil événement? Ce que veut Garaudy, c'est situer l'horreur de ces crimes dans l'horreur de la totalité des crimes d'Hitler. Qu'importe de parler de six millions. En réalité, ce sont vingt ou trente millions d'humains qui ont été broyés. Il ne nie pas le fait particulier du peuple juif. D'autant que les nazis ont utilisé pour les exterminer tous les moyens modernes d'élimination. Mais c'est un sujet sur lequel le débat n'est pas clos. "
Le débat est tout à fait clos, répond pour sa part, de manière ferme, le grand rabbin Joseph Sitruk: "Je refuse clairement toute idée de débat contradictoire" sur la Shoah, dont "la réalité historique n'est plus à démontrer" écritil. Son communiqué voulait préciser des propos tenus, dimanche 28 avril, sur Radio Judaique-FM, estimant qu'il était souhaitable de " réunir les historiens pour débattre de la Shoah" car " les témoins de la Shoah sont de moins en moins nombreux". Dans son communiqué, le grand rabbin de France souligne qu'il avait tenu ainsi à "réaffirmer la nécessité de diffuser largement les informations concernant la Shoah", car "il est urgent de lutter contre tous ceux, négationnistes ou révisionnistes, qui continuent d'affirmer que le génocide n'a pas eu lieu ". Il faut continuer, poursuitil à "recueillir les témoignages des derniers rescapés de ce drame incommensurable, avant que les faits ne deviennent de l'histoire et que l'on assiste, comme aujourd'hui, à un réveil de la haine antisémite".
C'est un sentiment largement partagé par la hiérarchie catholique, dont les responsables n'ont pas l'intention de se laisser emporter dans le "tournis médiatique" provoqué par l'abbé Pierre. Ils n'entendent pas, sauf si le besoin s'en faisait sentir, intervenir dans cette affaire. L'abbé Pierre n'ignore d'ailleurs pas cette distance entretenue par les responsables de l'Église de France: "Depuis le début de cette tornade, ditil à Libération, je n'ai pas eu un mot, pas un seul, de qui que ce soit au sein de la hiérarchie catholique ".
"ENTETEMENT "
Le dépit est manifeste, dans l'épiscopat précisément, sollicité d'intervenir, soit pour désavouer l'abbé Pierre, soit pour le sortir du piège dans lequel il s'est placé. Ses représentants disent que l'abbé Pierre est " une personnalité incontestable ", mais regrettent qu'il se soit ainsi "entêté" dans un soutien tout à fait contestable à un livre "provocateur". Ils incriminent Roger Garaudy, auteur de ce livre - Les Mythes fondateurs de la politique israélienne -, en l'accusant d'avoir fait pression sur l'abbé Pierre. Certains ajoutent même que la lettre de soutien de l'abbé Pierre à Roger Garaudy a été diffusée par des milieux anticléricaux (le réseau Voltaire, qui regroupe des personnalités proches des librespenseurs est cité)." L'abbé Pierre ne sort pas grandi, estime un expert catholique, de toute cette mousse médiatique qui fait le bonheur des révisionnistes. Et, sur le fond du problème, que les tribunaux fassent leur travail à l'égard de Garaudy ! "
En toute hypothèse, il ne serait guère sérieux, dans cette affaire, d'entretenir la confusion entre la position de l'abbé Pierre et celle de la hiérarchie catholique. La déclaration Nostra aetate (1965) du concile Vatican II avait rompu avec tout le discours antijudaique de l'Église depuis deux mille ans. C'est même sous le choc de l'événement de la Shoah qu'étaient nées des initiatives, qui durent aujourd'hui, comme l'Amitié judéo-chrétienne.
Si, du côté catholique, des ambiguités persistent et si le pape tarde à publier un document annoncé en 1987 sur l'holocauste, l'Église de France, pour sa part, a toujours reconnu le caractère sérieux et complet des travaux des historiens de la Shoah. Elle a été la première, en 1973, à demander au Vatican la reconnaissance de l'État d'Israël. Et ses cardinaux, comme Mgr Lustiger ou Mgr Decourtray, aujourd'hui décédé, avaient été les plus en vue pour débrouiller l'imbroglio créé autour du carmel d'Auschwitz. Tout soupcon de complicité serait donc malvenu et les organisations juives en sont les premières convaincues.
Henri Tincq
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Le Monde, 30 avril 1996
(Commentaires majuscules du Petit Poucet)
Tu m'as fait de la peine, mon père, je ne m'en remets pas. D'où cette lettre que l'on me presse d'écrire et que je ne voulais pas entreprendre, lâchement aidé par l'éloignement de la France où je me tiens.
En négligeant de te répondre, je tentais, en vain, d'exorciser le mal que tu nous fais. Je te sais en parfaite santé mentale. Je ne mets pas sur le compte de l'âge une affirmation consternante de soutien au négationnisme. Tu fondes cette opinion dans l'Histoire.
Tu tentes très clairement de nous l'imposer, sur la foi de ta notoriété, la sincérité de tes engagements et le rappel du sauvetage de nombreux juifs que tu opéras pendant l'occupation nazie. C'est l'utilisation de cette célébrité pour une mauvaise cause qui me pousse à intervenir.
Je t'écris ces mots parce que j'ai, à ton égard, un devoir d'affection.
Mon père, mon frère, tu es un spécialiste de la colère, sentiment que tu revendiques et illustres par le geste de Jésus s'emparant d'une corde pour chasser les bêtes du temple.
Eh bien, je suis en colère contre toi. Et cette fois, mon père, si Dieu existe, il doit être fâché aussi. En tout cas, c'est l'idée que, en désespoir de cause, je me fais parfois de Lui.
Je ne suis pas troublé parce que tu soutiens ton vieil ami Roger Garaudy; je n'en attendais pas moins de ta fidélité. Je suis blessé parce que les arguments de ta missive à Garaudy me paraissent pervers et surtout parce que tu emploies, pour accabler les juifs en général et les Israéliens en particulier, des explications malséantes et bibliques.
Te souviens-tu de nos débats sur la nature humaine ?
Eh bien, te voilà pris en flagrant délit d'amour excessif pour un homme.
Sous ce prétexte, tu absous l'intolérable. Car Roger Garaudy a écrit des choses inacceptables et entrepris une sinistre comptabilité de l'Holocauste. Il accepte des travaux des historiens négationnistes, rejette la Shoah comme un mythe, n'accepte ni les principes ni les conclusions du procès de Nuremberg, ni l'existence des chambres à gaz et même le projet d'extermination des juifs par Hitler ! Comment peuxtu être aux côtés de ce salaud, mon père ?
J'accepte que tu nous offres une morale, que tu nous proposes un combat; je refuse que tu nous imposes tes amitiés.
Oh, bien sûr, je sais que tu n'as pas lu le livre incriminé; mais alors de quoi parlestu ? C'est cet aveu qui constitue, à mes yeux, le plus grand péché dont tu te rends coupable. Tu t'en remets au jugement d'un improbable conseil de lecture issu de ton entourage.
Lisle ce livre, mon père, je te le demande, et change de conseillers, car ceuxlà vont te perdre. Je te porte trop de respect et d'amitié pour te juger à leur aune.
A la parution du livre de Garaudy, je suis venu te voir à Esteville, comme je m'efforce de le faire, avec joie, tous les mois.
Je t'ai mis en garde contre cette thèse pernicieuse qui nie le génocide des juifs et que colportait ton compagnon communiste de l'Assemblée nationale. Je t'ai dit ma mémoire de cet homme. Je t'ai rappelé que, jeune étudiant en médecine, militant de l'indépendance de l'Algérie, nous nous heurtions au Parti communiste. Le professeur Garaudy faisait partie du bureau politique. Nous aurions voulu voir en lui un allié, nous découvrîmes un oppresseur.
Lorsqu'il quitta le PCF, ce ne fut pas pour se départir de sa rigidité, mais pour choisir le camp de l'extrémisme. Garaudy, t'ai-je dit ce jour-là, a choisi d'illustrer, de Staline à Saddam Hussein et à David Irving, la loi de l'oppression maximum. Sa ligne de vie, comme une ligne de pente, incline vers le pire.
Je me souviens de lui, laudateur patenté du petit livre vert de Muammar Kadhafi.
Ses pratiques et ses recherches philosophiques le tirent vers l'ombre. Protestant, il devint catholique avant de choisir la religion musulmane à l'inverse de l'ouverture et de la fraternité.
Tu m'as écouté gentiment.
Venons-en à l'essentiel. Je trouve déplacé, et pour tout dire suspect, que tu viennes nous asséner tes connaissances bibliques et tes réticences devant les tueries ordonnées par Josué. Que veuxtu dire ?
Dès lors qu'un juif aurait commandé un massacre il y a deux millénaires, la Shoah se justifieraitelle mieux ?
Ton emportement ne t'égare-t-il pas ? L'existence de l'Etat d'lsraël devient-elle moins légitime sous le prétexte que Shimon Pérès s'est rendu responsable - hélas ! - d'une canonnade horrible et meurtrière, comme toutes les guerres de cet endroit du monde en engendrent ?
Pourquoi mélangestu l'histoire des religions avec les jugements de l'Histoire ?
En ces matières fragiles et assassines, ta ligne du partage des eaux est une crête étroite: chaque mot compte qui modèle le génocide.
Il y a quelques semaines, nous étions ensemble à Jérusalem en compagnie d'un groupe de chrétiens. Nous avons entendu ensemble, avec admiration, le premier ministre Shimon Pérès justifier son choix de la paix par la morale.
Nous avons écouté ensemble Yasser Arafat parler de la nécessaire entente de deux peuples pour construire deux Etats.
Les meurtres, le terrorisme immonde, la fatalité des combats disparaissaient devant la volonté commune de ces deux hommes de bâtir l'avenir. Et voilà que le curé de Gaza produisit un discours de haine et de guerre et prêcha la croisade pour la reconquête de Jérusalem. Cet homme déclencha deux réactions semblables et indignées: la tienne et la mienne. Comme je réagissais devant les provocations du prélat, tu m'as dit: &laqno; Oui, je sais que tu le sens, il y a encore beaucoup d'antisémitisme chez certains hommes d'Eglise. Et cette terre d'amour sent aussi l'intolérance. »
Mon père, j'ai détesté t'écrire cette lettre dont chaque mot ravive ma blessure, que je sais collective.
Il est possible que nos relations en restent là: c'est le risque de la franchise. Je souhaite infiniment le contraire.
Du Biafra à Sarajevo, et contre chaque racisme et chaque exclusion dans notre pays, je me suis tenu à tes côtés, sans jamais, je crois, être courtisan. Je me sens encore capable d'apprendre de toi. C'est pour cela même que je t'écris aujourd'hui, abbé Don Quichotte, qui est aussi mon Père la justice.
Amitié et chagrin. Je reste, malgré tout - comme tu le dis de la Foi - ton très dévoué et très fidèle ami. (pas pour longtemps, a mon humble avis de pieton.)
Bernard Kouchner, ancien ministre, est le coauteur, avec l'abbé Pierre, de &laqno; Dieu et les hommes » (Pocket, 1994).
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Pendant ce temps-là, le navire Wiesenthal était en perdition. Il faut dire que tout le monde avait joyeusement tiré dessus, la télévision allemande, les anciens du Mossad qui tenaient enfin l'occasion de se débarrasser de ce parasite, les sionistes ultra qui voulaient lui faire payer le soutien qu'il avait donné au président Waldheim (alors qu'eux-mêmes n'avaient jamais pu prouver autre chose que le fait que Waldheim avait été soldat dans la Wehrmacht), les révisionnistes qui avaient mis à jour ses petites et grandes faussetés, jusqu'à certains esprits sceptiques qui se demandaient si l'homme à la tête de requin exophtalmique n'avait pas travaillé pour les Allemands, en Ukraine occidentale, pendant la guerre, dans ce qu'il faut bien considérer, provisoirement, comme un trou dans sa biographie.
Il lui avait fallu organiser une contre-offensive sur plusieurs terrains. Il allait facilement trouver au Monde ce qu'il lui fallait, un thuriféraire subalterne :
Le Monde, 26 avril 1996
(avec les commentaires majuscules d'un pékin de Pékin.)
SIMON WIESENTHAL A Life in Search of Justice, de Hella Pick. Weidenfeld & Nicolson, 349 p., 20 £.
Celui qu'on a appelé le "chasseur de nazis", Simon Wiesenthal, aujourd'hui âgé de quatre-vingtsept ans, n'avait jamais fait l'objet d'une biographie. Celle - ci paraît d'autant plus à propos que le fondateur du Centre de documentation juive, établi à Linz d'abord puis à Vienne, fait aujourd'hui l'objet d'accusations graves, émanant notamment du Congrès juif mondial américain (Le Monde du 12 février). C'est une journaliste britannique du quotidien The Guardian, née en Autriche, Hella Pick, qui, sur la suggestion de l'éditeur anglais Lord Weidenfeld, publie aujourd'hui ce travail, lequel a tous les traits d'un plaidoyer.
Simon Wiesenthal s'est attiré de nombreuses inimitiés au long de son existence, à commencer par la haine tenace que lui a toujours vouée le chancelier autrichien, lui-même d'origine juive, Bruno Kreisky, soucieux d'unité nationale dans une Autriche où le Parti national-socialiste avait compté cinq cent mille adhérents pour sept millions d'habitants. Les attaques, aujourd'hui, viennent des ÉtatsUnis et d'lsraël.
En 1993, dans un ouvrage au titre significatif: Betrayal (trahison, St. Martin Press/New York), un ancien membre du Congrès juif mondial, Elie Rosenbaum, accusait Simon Wiesenthal d'avoir couvert Kurt Waldheim, en refusant de le considérer comme un criminel de guerre, à l'époque où la révélation du passé de l'ancien secrétaire général de l'ONU au cours de la deuxième guerre mondiale menacait de mettre ce pays et son président au ban des nations. En outre on reprochait à Simon Wiesenthal une longue série d'échecs.
S'agissant d'Eichmann, raconte pourtant Hella Pick, ce serait bel et bien à Wiesenthal qu'on devrait sinon son arrestation, du moins sa localisation. En 1947 d'abord, quand ce rescapé des camps encore inconnu qui, après 1945, a renoncé à sa profession d'architecte pour se consacrer à la recherche des bourreaux, parvient à empêcher Veronika Eichmann d'obtenir pour son mari un acte de décès, et donc une radiation ipso facto de la liste des criminels de guerre. En 1953 ensuite, quand le philatéliste qu'il est aussi, invité à jeter un coup d'oeil à la collection du baron Mast a la surprise de découvrir sur une lettre en provenance de Buenos Aires, une allusion à la présence d'Eichmann dans la capitale argentine.
Malheureusement, les Américains, en ce début des années 50 s'intéressent moins au châtiment des responsables de la "solution finale" qu'au recrutement d'anciens nazis autrichiens propres à constituer des réseaux clandestins en cas d'invasion soviétique. Simon Wiesenthal se tourne alors vers Nahum Goldmann, le très fameux président du Congrès juif mondial (CJM), pour l'informer de sa découverte, dans une lettre du 30 mars 1954 dont le CJM contestera l'existence. Nahum Goldmann ne prend même pas la peine de répondre. Quant aux Israéliens, ils ont pour l'heure d'autres priorités, et ne se mettent à la recherche d'Eichmann qu'en 1957. C'est que Simon Wiesenthal, en dépit des mythes qui ont entouré son action, aura été dans la plus grande partie de son chemin un homme seul, Si ses filatures et ses enquêtes doivent beaucoup à l'artisanat et à la patience, elles nécessitaient aussi l'appui d'organisations, juives ou pas, qui parfois ne surent ou ne voulurent pas tenir compte des renseignements qu'il était parvenu à fournir.
Nicolas Weill
Mais ce n'est pas tout :
The Times, 12 avril 1996
At 87 Simon Wiesenthal is still passionately committed to his stubborn solitary mission to seek out and destroy Nazi war criminals
"I tell you an old Jewish joke," Simon Wiesenthal says. "Why is it that grandparents like grandchildren, and grandchildren like grandparents? You know why? Because they have a common enemy!"
The most surprising thing about meeting Simon Wiesenthal is his fondness for jokes. "Humour is very important to Jews. But in the concentration camp" - where he produced vivid cartoons and caricatures- "there were no jokes."
The "Nazi hunter" is now 87 years old. His admirers are legion. But so are his detractors, notably among Jews. He is obstinate, cussed, tunnel-visioned. Hella Pick's new biography, Simon Wiesenthal: A Life in Search of Justice, is scrupulously objective in giving his critics views, and candid about Wiesenthal's egocentricity and his relish - though denied the Nobel Peace Prize - for fame and honours.
He is a large physical presence with long gnomic ears,
and expressive eyes that often seem on the verge of tears of sentiment or passion until he laughs.
I am in Vienna to see him because he is not well enough to come to London - "yesterday I was the hole day in pyjamas" -yet his vigour matches his unimpaired zeal. His office, on the site of former Gestapo headquarters. is simply marked "Documentation Centre'.
On the second floor is a long, sunny library lined with box files. Several are marked "Neo-Nazis".
Rows of files contain letters. Memories and inquiries pour in at the rate of 50 a day. Wiesenthal opens them meticulously and finds that many contain small donations enabling him to carry on his solitary, messianic mission to ensure that no Nazi murderer. however old, will be allowed to die in peace.
This remains his aim, "even as my life draws to its biological end".
Six years ago, the equally venerable Lord Shawcross (now 94), the chief prosecutor at Nuremberg, told me why he opposed the War Crimes Bill. Trying aged Nazis would merely fan the flames of antiSemitism. The hangings at Nuremberg had not deterred subsequent murderous regimes. And he had always said that after Nuremberg, a line had to be drawn; otherwise the trials might continue "to the crack of doom".
I started to offer Wiesenthal Lord Shawcross's objections, but he stopped me with a caveat about using the euphemism "war criminals". "The crimes of the Nazis start six years before the War, and the majority of the crimes have nothing to do with the war."
Wiesenthal came home from Nuremberg despondent "My wife asks me: "What is with you? You don't eat, you don't sleep, you wish not to talk to anybody". I say: "The Nazis lost the war. But we have lost the post-war". The difficulty after 1945 was that the Cold War diverted attention to a new monster, Uncle Joe Stalin. Protecting Europe became the priority. The only winners of the Cold War were the Nazis and the Nazi criminals."
The story of Wiesenthal's wartime survival is miraculous. (DU MIRACLE, EN EFFET.) He was beaten, rounded up to be killed twice; escaped, was recaptured to do forced labour. Once he survived because they needed an artist to paint a sign for Hitler's birthday. (c'est a ce genre d'invention qu'on decele le fumiste.) Twice he tried to commit suicide: he shows the scars on each wrist. In 1944 at Plaszow- the camp of SchindlersList - he marched 20 and collapsed in the snow, a frozen skelton, left for dead. (SUSPENSE) He assumed his wife Cyla - who, with her blonde hair and Aryan looks, had managed to disguise her identity in Germany - was dead. (MAIS POURQUOI DONC ?). The story of how they found each other again is the stuff of fiction.
"September 9 this year, I hope we will be alive, is our sixtieth wedding anniversary."
Wiesenthal was born in a shtetl in Buczacz in Galicia.
But as a Jew. wanting to study architecture, young Szymon had to go to Prague. In the 19330's in Lvov, he edited a student magazine featulring his caricatures of Hitler.
His mother, Rosa, was taken from the ghetto in Lvov to a concentration camp in 1942. and never seen again. "Look, that was nothing special, hundreds of survivors had such backgrounds. Half the population of Lvov -149 000 - were Jews: less than 500 survived.
I feel guilty that I survived, while people more intelligent than I that can give society more than I, did not. I recognise that I should be the mouth of them, they are forever silent." In 1947 he set up his documentation centre.
The most interesting document here is Wiesenthal's own list. In February 1945, he told his American liberators at Mauthausen that he could not simply return to his old life as an architect: he was determined to bring the guilty men to justice. Impressed by his passion, they gave him a pen, ink and paper. "After five days I had written 91 names. and what I knew about what these people had done."
The list - written in Polish and dated May 25, 1945 - is extraordinary.
It includes Amon Goeth, for instance, the Plaszow camp commander (played by Ralph Fiennes in Schindler's List). "the greatest killer of all. Victims run into thousands. Master of cruelties." Other are defined as "maltreating the prisonners" "Speciality killing women and children" "Torturing people Sadist from Cracow".
Her had no copy of this until 40 years later, when the screenwriter Abbie Mann, who as a US officer had met Wiesenthal at Mauthausen, was writing a television film of his life. (Ben Kingsley, who shares his birthday, December 31, played Wiesenthal.) Mann had found Wiesenthal's list in the National Archives, and gave him a copy.
How had he managed to store so many names. including previous professions, in his mind "like in a computer"? Wiesenthal asked a fellow survivor from the camp, now a doctor in Long Island. He recalled that Wiesenthal would quiz fellow inmates for names: "And we think you are crazy. In 50 minutes yoo might he the victim." (IL SEMBLE PROBABLE QUE CE TEMOIN VIENT DU MANS.) His memory, even today, is prodigious. (CELA RELEVE DU MIRACLE, ON NOUS L'A DEJA DIT.)
He has scored many viecories- Eichmann, Stangl and many frustrations: Bormann, Mengele. the acquittal of Murer in Vienna. "I am against the death sentence, he says. "A death sentence is only a half-minute."
What is extraordinary is his fearless tenacity, even when vilified by the World Jewish Council. "When I arrested my first Nazis, these people were not even a gleam in their father's eye. About Waldheim, I proposed an international commission of military historians. andtheir conclusion was the same as mine. There was no evidence against him of personal involvement. So the WJC lose the case against Waldheim, and blame me. These are very bad losers. They believe they can kill my image with one television programme. (ET PRETENTIEUX AVEC CA.)
"Yes, Waldheim was in a Nazi student group. but this is nothing. They make from the dwarf an elephant! He was a well-informed officer, but had no possibility to make military orders. He was stupid in my opinion, and he lied. Why did he not say immediately: 'I saw everything, I know everything, but what could I do, as a second lieutenant?" Lord Weidenfeld, publisher of the Hella Pick biography and native of Vienna, concurs: when Weidenfeld was a student. and his father a prisoner, young Waldheim would smuggle lecture notes to him.
This month Wiesenthal goes to receive another honorary degree from Ben Gurion University in Israel, where he will see his only daughter Paulinka. born in 1946. "My daughter is religious, my grandchildren also. For me and my wife, after what happened to us, only the ethical part of religion remains. I am happy that I am a Jew, (DANS SON CAS, C'EST UN METIER, QUI A RAPPORTE GROS) but after four years in camps. we have only questions to the Lord. and no answers. We are asking why? Why did this happen? From time to time I go to the synagogue as a matter of solidarity-but not to pray.
He finds the under-30s more receptive to Holocaust memories than his generation, or mine.
(Grandparents keep silent: the matter is taboo. Their fathers, the 50-year-olds, say: "The Allies commit crimes too." But the young ask questions, they travel. they are open: they want to know.
"I know my age. and I know that our office is the last office in the world. The fact that we can bring for trial people aged over 80 is a warning for the murderers of tomorrow. Everything in history is a repetition."
Later I walked past the house where W. H. Auden died in 1973, en route for Sacher's (the café Wiesenthal recommended) where Graham Greene wrote his outline for The Third Man. In Vienna, the past is everywhere a muddy past, replete with complicity with Nazis.
Too late, I remembered a joke Wiesenthal might enjoy. told me by the late Sam White, the great Paris correspondent.
It runs like this. A: "I call prove that you are anti-Semitic. What would you say if I told you that all Jews and all photographers were to he exterminated?" B: "Why would anyone want to exterminate photographers"? A: "You see?"
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Cette Chronique a été publiée dans le n° 5 de Global Patelin.
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inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
Déclaration internationale des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.