Décembre 1997
Le livre de Roger Garaudy "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne" avait provoqué un tollé général lors de sa publication en 1996. En France, l'auteur doit répondre actuellement du délit de "contestation de crimes contre l'humanité". En Suisse, en décembre 1997, c'est le diffuseur de l'ouvrage, Aldo Ferraglia, qui a été jugé et condamné à 4 mois de prison avec sursis par le Tribunal correctionnel de Vevey. L'enjeu de ce jugement helvétique revêt une importance capitale. Il s'agit ni plus ni moins que d'interpréter la nouvelle norme pénale sur la discrimination raciale (article 261 bis). Le débat sur la liberté d'expression et d'opinion ou sur la responsabilité pénale des libraires ou autres diffuseurs est ouvert. Il dépasse et de loin le simple débat juridique. Pour que chacun puisse se faire librement une opinion, nous mettons donc à disposition les considérants du jugement de première instance. Un recours de la défense (également disponible sur le site) sera jugé par le Tribunal cantonal du canton de Vaud ce printemps... En attendant que "l'affaire Garaudy" ne finisse sa course devant les juges du Tribunal fédéral. [Ajoutons que Ferraglia a gagné en appel.]
Les considérants du Tribunal correctionnel de Vevey:
CANTON DE VAUD
Tribunal du district de Vevey
Jugement rendu par le tribunal correctionnel
Le 8 décembre 1997 dans la cause FERRAGLIA Aldo
Infractions retenues : discrimination raciale
D.C. : avril à juin 1996
Audiences des 1er et 2 Décembre 1997 Présidence de M. Denis TAPPY, président Juges: M. Gaston REUTELER et Mme Marianne HIGY Greffier: Mme Simone MONOD, ad hoc Huissier: M. Eric ROTHLISBERGER
Délibérant immédiatement à huis clos, le Tribunal retient ce qui suit en fait et en droit:
A/ L'accusé
Né en 1933, Aldo Ferraglia, a eu diverses activités professionnelles, en dernier lieu comme brocanteur. Il est actuellement au bénéfice d'une rente AI complète d'environ fr. 1.800.- par mois. Il exerce une petite activité indépendante accessoire en exploitant une librairie de livres neufs et d'occasion, à l'enseigne de "Libre R", librairie installée d'abord à Montreux et qu'il a transférée en juillet 1997 à Romont. Ses comptes pour l'exercice 1995-1996 soldent par une perte et il affirme ne faire aucun bénéfice aujourd'hui encore, ce qui est plausible s'agissant d'une occupation davantage destinée à l'occuper qu'à l'enrichir. Il vit seul, bien qu'ayant encore un fils partiellement à sa charge, qui vit avec sa mère, mais qu'il voit le week-end. De nationalité italienne, il est cependant né et a toujours vécu en Suisse et bénéficie d'un permis C. Il n'a pas été recueilli de plus amples renseignements sur son compte. Son casier judiciaire est vierge.
B/ Roger Garaudy
2.- Roger Garaudy, né en 1913, est un intellectuel et homme de lettres français très connu. Résistant, apparemment déporté durant la guerre, il a adhéré par la suite au parti communiste français, dont il a toutefois été exclu en 1970 pour s'être distancé de la ligne officielle de ce parti, notamment vis-à-vis de l'Union Soviétique et de sa politique dans les autres pays communistes d'Europe de l'Est. Il a alors connu des années de grande célébrité, et a souvent participé à des colloques, débats, émissions télévisées, etc. comme homme de gauche et "communiste repenti". Il a soutenu de nombreuses causes humanistes ou humanitaires et tiers-mondistes. Par la suite, ses idées ont encore plusieurs fois évolué et il a notamment été un catholique engagé avant de se convertir apparemment à l'islam. De la fin de la guerre à aujourd'hui, il a publié plusieurs dizaines de livres, articles, etc., dont certains ont eu un succès considérable.
C/ La parution des "Mythes fondateurs de la politique israélienne"
Au début de 1996, Garaudy a publié, prétendument à compte d'auteur et sous l'adresse "Samiszdat Roger Garaudy", un nouvel ouvrage, intitulé "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne". Cet ouvrage s'annonce une dénonciation de "L'hérésie du sionisme politique" (p.7) et de la politique actuelle d'Israël. Le Tribunal renonce à citer de larges extraits de cet ouvrage, qu'il appartiendra nécessairement aux autorités de recours de lire intégralement, comme l'ont lu les juges de première instance et les parties. En résumé très sommaire, il est divisé en trois parties. L'une, intitulée "Les mythes théologiques", non directement incriminée dans la présente affaire et qui comporte une trentaine de pages (p. 29 à 62), conteste en substance que l'Etat d'Israël ou le peuple juif soient légitimés à occuper tout ou partie de l'ancienne Palestine au titre de "Terre promise" ou de "Peuple élu".
Dans cette partie notamment, Garaudy, en reprenant certains extraits de l'Ancien Testament, semble vouloir soutenir, tout en contestant leur réalité historique, que divers épisodes de la conquête de la Terre Sainte par les Hébreux, notamment sous la direction de Moïse puis de Josué, correspondraient à un véritable génocide des populations cananéennes. Sur la base d'autres passages bibliques, il voit dans les lois talmudiques l'organisation d'un véritable "apartheid", dont il soutient qu'elles auraient même servi de source d'inspiration de lois raciales nazies. L'auteur prétend trouver dans ces prétendus mythes théologiques l'explication de phénomènes contemporains, notamment s'agissant des relations entre Israéliens et Arabes, plus particulièrement entre Israéliens et Palestiniens. Il écrit par exemple :
"Pourquoi dès lors un Juif pieux et intégriste ne suivrait-il pas l'exemple de personnages aussi prestigieux que Moïse ou Josué ?" (p. 55).
"La voie de Josué n'était-elle pas celle de Menahem Beghin, lorsque, le 9 avril 1948, les 254 habitants du village de Deir Yassin, hommes, femmes, et enfants étaient massacrés par ses troupes de "l'Irgoun", "pour faire fuir par la terreur les Arabes désarmés "(p. 56).
"La voie de Josué n'était-elle pas celle que définissait Yoram Ben Porath dans le grand journal israélien Yediot Aharonoth, le 14 juillet 1972 : Il n'y a pas de sionisme, de colonisation d'Etat juif, sans l'éviction des Arabes et l'expropriation de leurs "terres" ? »(p. 56).
Dans la première partie de son ouvrage encore, Roger Garaudy affirme de manière générale que la politique du mouvement sioniste, puis de l'Etat d'Israël face aux populations arabes de Palestine a consisté systématiquement à les chasser de leurs terres, à organiser une "purification ethnique", voire à les exterminer. Il présente notamment des événements tels les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, l'attentat commis par un extrémiste israélien dans la Grande Mosquée de Jérusalem ainsi que l'assassinat par un autre extrémiste israélien d'Ytzak Rabin comme étant commandés ou en tout cas dans la logique de la tradition religieuse juive interprétée de manière intégriste.
Dans une seconde partie, la plus importante quantitativement puisqu'elle comporte près de 130 pages (p. 63 à 190), Garaudy traite des "Mythes du XXe siècle". Cette partie est subdivisée en quatre chapitres. Le premier (p. 65 à 90), sans lien direct avec l'objet du présent procès, intitulé "Le mythe de l'antifascisme sioniste" soutient notamment qu'il y a eu avant et même pendant la guerre de multiples épisodes de collaboration ou de tentatives de collaboration entre le mouvement sioniste et le régime nazi. Les deuxième et troisième chapitres, dont le contenu est au centre de la question à juger, sont intitulés respectivement "Le mythe de la justice de Nuremberg" et "Le mythe des "six millions" (l'Holocauste)". En substance, Garaudy conteste toute légitimité au jugement rendu contre les principaux dignitaires nazis à Nuremberg, par un tribunal auquel il reproche d'être un tribunal de vainqueurs et non un véritable tribunal international. Dans la foulée, il dénie toute force probante aux constatations de ce tribunal. Il met en doute en particulier:
- qu'il ait existé un ordre d'extermination systématique des Juifs donné par les instances supérieures nazies, que ce soit par Hitler lui-même ou par un autre dignitaire du régime;
- qu'il ait même existé une politique nazie d'extermination délibérée des Juifs, en soutenant d'une part que les termes "solution finale" ne concernaient en réalité qu'un projet de déportation des Juifs hors d'Europe, dans un lieu qui aurait été, dans l'esprit des dignitaires hitlériens, d'abord Madagascar, puis un territoire à déterminer en Russie soviétique, d'autre part que les Juifs morts en cours de déportation ou dans les camps de concentration seraient essentiellement décédés d'épuisement, de faim, de maladie, en particulier du typhus, voire des conséquences des bombardements alliés, mais non à la suite d'exécutions programmées;
- que les nazis aient eu recours à des chambres à gaz homicides, en soutenant notamment que les chambres à gaz existant à Auschwitz ou dans d'autres camps de concentration situés à l'Est, notamment en Pologne, n'auraient servi qu'à désinfecter des vêtements, que l'existence de "chambre à gaz itinérantes, par camions" (p.142) ne serait ni démontrée ni vraisemblable;
- que les fours crématoires installés dans les mêmes camps aient été un élément de l'extermination planifiée des Juifs, en soutenant que les nazis n'auraient pas réalisé ces installations dans le but de faire disparaître les corps de leurs victimes, mais seulement de "tenter d'enrayer la diffusion des épidémies de typhus" (p. 165);
- que le nombre des victimes juives de la seconde guerre mondiale ait été de six millions ou d'un chiffre avoisinant;
- que les Juifs aient été victimes d'un génocide pendant la Deuxième guerre mondiale, ce terme ne pouvant s'appliquer à la lettre que dans le cas de la conquête de Canaan par Josué, où il est dit pour chaque ville conquise : "il n'en reste aucun survivant".
Sur ces divers points, Garaudy prétend prouver ses affirmations par de nombreuses références à différents travaux, références qui sont, soit des passages tronqués ou extraits de leur contexte, soit des références à des travaux notoirement révisionnistes comme ceux du prétendu ingénieur Leuchter. Il soutient aussi que divers témoignages au sujet du fonctionnement des camps d'extermination, comme celui de Rudolf Höss, le journal d'Anne Frank, etc., auraient été extorqués par la torture ou falsifiés après la guerre.
Le quatrième chapitre de la deuxième partie est intitulé "Le mythe d'une terre sans peuple pour un peuple sans terre". D'une vingtaine de pages (p. 169 à 190), il n'a pas directement de lien avec l'objet du procès. Il critique d'une manière très virulente la politique d'implantation juive en Palestine dès avant 1947 à aujourd'hui, en reprenant notamment les accusations d' apartheid », de déportation de populations pré-existantes, voire de massacres organisés déjà formulées dans la première partie.
La troisième partie des "Mythes fondateurs de la politique israélienne" est intitulée "L'utilisation politique du mythe" (p. 191 à 241). Elle est subdivisée en trois chapi-tres, appelés respectivement "Le lobby israélo-sioniste aux Etats-Unis", "Le lobby israélo-sioniste en France" et "Le mythe du miracle israélien : le financement extérieur". En substance, le lecteur moyen de cette partie aboutit à la conclusion, s'il croit Garaudy, qu'il existe une gigantesque machination des Juifs d'Amérique et d'Europe, notamment de France, en faveur du sionisme et d'Israël dans le but d'imposer une vision favorable à ceux-ci, notamment par une manipulation de l'opinion publique à travers un contrôle systématique des médias et un lobby politique de tous les instants, en particulier aux Etats-Unis. Les mêmes canaux seraient utilisés pour canaliser sur Israël des fonds énormes, sous forme d'aide publique américaine, de prêts des Etats-Unis représentant en réalité des subventions déguisées et d'aide privée des Juifs de l'extérieur, pour laquelle l'Etat israélien tendrait à créer "un réseau financier mondial dont il orienterait les investissements (à l'occasion, en 1967, de la première conférence des "milliardaires juifs") (p. 236 s.). Pour parvenir à obtenir de plus amples versements en faveur d'Israël, notamment à titre de réparations versées par la RFA et l'Autriche, les mêmes milieux auraient sciemment grossi dans une mesure énorme le nombre des victimes juives de la seconde guerre mondiale. Enfin, ils recourraient à une exploitation de l'émotion suscitée par le souvenir des atrocités nazies contre les Juifs dans une utilisation commerciale systématique que Garaudy qualifie de "Shoah Business" (p. 140).
3.- Une grande partie des affirmations précitées de Garaudy rejoignent celles régulièrement développées, depuis plusieurs décennies, par de prétendus chercheurs ou historiens, habituellement appelés négationistes ou révisionnistes, et qui tendent en substance à contester l'existence ou l'ampleur de l'extermination délibérée des Juifs par le IIIe Reich, ou à mettre en doute certains épisodes particulièrement tragiques de cette extermination, comme le recours au gazage comme moyen d'extermination. En raison notamment de la personnalité de l'auteur, la publication des "Mythes fondateurs de la politique israélienne" a immédiatement entraîné de très vives réactions dans le monde politique et la presse, en France et à l'étranger. La plupart des journaux, mouvements et hommes politiques ont condamné aussitôt ces thèses et souhaité l'interdiction du livre et des poursuites contre son auteur, en France, en vertu d'une loi de 1990 interdisant en substance les écrits révisionnistes. D'autres voix se sont toutefois élevées soit pour soutenir Garaudy, ce qu'a fait par exemple, au début en tout cas, l'Abbé Pierre, soit au moins pour préconiser qu'aucune mesure d'interdiction ou de poursuites pénales ne soit prise contre son livre ou contre lui, au nom de la liberté d'expression.
4.- Il n'est pas nécessaire de s'étendre davantage sur cette controverse, dont l'écho s'est fait sentir également en Suisse jusque dans les témoignages recueillis à l'audience, mais qui n'a généralement pas reposé sur une quelconque analyse juridique, sauf éventuellement sous l'angle de l'opportunité des poursuites, principe qui n'a normalement pas cours en matière de procédure pénale vaudoise. On retiendra cependant que les enquêtes faites par les journaux français ont révélé un lien entre Roger Garaudy et un groupe actif de révisionnistes, dirigé par un dénommé Pierre Guillaume, responsable d'une maison d'édition "La Vieille Taupe", spécialisée dans l'édition ou la réédition d'ouvrages révisionnistes et qui publie aussi une revue à caractère périodique, elle aussi intitulée "La Vieille Taupe". Cette revue avait annoncé dès 1995 un prochain "coup médiatique" par la parution d'un ouvrage d'un intellectuel de gauche reconnu apportant de l'eau au moulin des révisionnistes. L'ouvrage de Garaudy lui-même avait fait l'objet, avant l'édition publique prétendument opérée par Garaudy à compte d'auteur, d'une prépublication sous forme d'un numéro de "La Vieille Taupe".
D/ La diffusion en suisse des "Mythes fondateurs de la politique israélienne"
5.- L'instruction n'a pas permis d'établir quels étaient exactement les liens d'Aldo Ferraglia avec Pierre Guillaume et ses amis. Il les connaît en tout cas et est abonné à "La Vieille Taupe". Il admet avoir reçu le numéro de celle-ci contenant le livre de Garaudy et l'avoir lu. Il a décidé de le distribuer en Suisse et a fait l'acquisition, apparemment directement auprès de "La Vieille Taupe" d'un peu plus de 200 exemplaires de l'édition publique dudit livre. Il en a pris livraison à Pontarlier, les a importés en Suisse et les a stockés dans sa librairie à Montreux. Il a alors rédigé lui-même un feuillet publicitaire, comportant d'un côté une photocopie de la couverture des "Mythes fondateurs de la politique israélienne" et, de l'autre côté, d'une part (sur la moitié droite de la page) un bon de commande, avec l'adresse de sa librairie, d'autre part (sur la moitié gauche) un texte concocté par lui et ainsi libellé
LIBRE R COMMUNIQUE "Après avoir, pendant plus d'un demi-siècle, publié plus de 50 ouvrages chez les plus grands éditeurs français, ouvrages traduits en 27 langues, et son oeuvre ayant suscité près de 25 thèses et études, Roger Garaudy, né en 1913, ancien déporté des camps de concentration du IIIème Reich, se trouve contraint, aujourd'hui, de publier son dernier livre à compte d'auteur. "Il s'agit là de l'exemple le plus incroyable, mais surtout le plus significatif du règne de la "pensée" unique, autrement dit du mensonge institutionnalisé, défendue en France comme en Suisse par une législation répressive, qui restaure le délit d'opinion, suppléant ainsi à la carence des arguments. "Cet ouvrage n'est donc pas disponible sur le marché du livre. Comme Libre R entend continuer à faire son métier, au service de la liberté d'expression, nous avons pris la décision de diffuser ce "samizdat" en Suisse. Nous sommes en mesure de vous le proposer au prix de Frs 40.- l'exemplaire, franco de port. "Il vous est possible, soit de nous le commander, au moyen du bon de commande ci-joint, soit de l'acheter à notre librairie, ouverte tous les jours de 10h à 18h 30 (samedi 17h).
"La vérité est en marche, et rien de l'arrêtera". "Roger Garaudy, Les Mythes fondateurs de la politique, israélienne, page 12. "
L'accusé a diffusé dans le public ce feuillet. En particulier, il a obtenu qu'il soit annexé au numéro 379, de mai 1996, du Courrier du Continent. Il s'agit d'un périodique ayant le sous-titre de "Bulletin du nouvel ordre européen" indiquant comme rédacteur responsable Gaston Armand Amaudruz, de tendance ouvertement révisionniste, voire néonazie, comme il est aisé de s'en convaincre en feuilletant l'exemplaire en question figurant au dossier (p. 15). Amaudruz fait d'ailleurs lui-même actuellement l'objet de poursuites pénales sous l'inculpation de discrimination raciale. Dans le numéro 379, le livre de Garaudy est signalé par le compte rendu suivant:
Garaudy, in "Les mythes fondateurs de la "Politique israélienne", 1ère édition hors commerce, p. 73, règle son compte au Procès de Nuremberg : "Ce n'est pas un tribunal international puisqu'il n'est constitué que par les vainqueurs et que, par conséquent, ne seront retenus que les crimes commis par les vaincus. ( ) il s'agissait donc d'un tribunal d'exception constituant le dernier acte de la guerre, et excluant, par son principe même, toute responsabilité des vainqueurs - d'abord dans le déclenchement de la guerre." Interdiction aux accusés d'invoquer le Traité de Versailles qui, entre autres, en imposant des réparations pour 132 milliards de marks-or, ruinait l'économie.- Et à la page 82: "Ni les responsables anglo-américains du bombardement de Dresde (...) Ni le coupable, Truman, de l'Apocalypse atomique d'Hiroshima et de Nagasaki (...) Ni Beria ni Staline (...) ne figuraient parmi les accusés." - Signalons enfin que la "Vieille Taupe", B.P. 98, F-75224 Paris Cedex 05, vient de sortir une 2e édition, revue et augmentée, la première étant déjà épuisée. »
L'accusé a nié avoir eu des liens particuliers avec Gaston Armand Amaudruz ou ses amis. Il admet cependant être abonné au "Courrier du Continent". Il a par ailleurs des relations suffisamment bonnes avec Amaudruz pour obtenir que celui-ci ait annexé à sa revue le feuillet précité.
De mars à juin 1996 l'accusé, qui a aussi inséré dans des journaux des annonces signalant que "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne" étaient en vente chez lui, a écoulé la plus grande partie des ouvrages de Garaudy qu'il avait acquis. Certains lui ont été commandés par des particuliers ou ont été achetés par des clients venus directement dans sa boutique. D'autres, plus nombreux, lui ont été commandés par des librairies, parmi lesquelles la Librairie Reymond, à Lausanne, la Librairie Payot, la section librairie du "Grand Passage" à Genève, etc. Il pratiquait un prix de vente de fr. 40.- l'exemplaire en cas d'achat par un particulier, de fr. 26.70 en cas d'achat par un libraire, alors que lui-même avait acquis l'ouvrage pour FF 80.- l'exemplaire.
Il a poursuivi cette activité alors même qu'un représentant de la FSCI, Bernard Lavrie, s'était présenté à la "Libre R", probablement en mai 1996, et avait interpellé la personne présente, soit un nommé René-Louis Berclaz, alors associé d'Aldo Ferraglia, et avait attiré son attention sur le fait que la diffusion du livre de Garaudy pouvait contrevenir à la loi, avertissement qui avait été effectivement signalé à l'accusé.
6.- Il résulte des auditions des témoins cités à l'audience qu'aucune directive n'avait été donnée à ses membres par l'Association suisse des libraires de langue française ni s'agissant de l'ouvrage de Garaudy, ni de manière générale par rapport à l'art. 261 bis CP, entré en vigueur le 1er janvier 1995. Au vu des polémiques suscitées par cet ouvrage, la plupart semblent cependant avoir adopté comme position de ne pas offrir ce livre à la vente, soit de ne pas le mettre à l'étalage, en rayon ou en vitrine, mais de répondre favorablement aux commandes de clients leur demandant expressément ledit livre, en s'adressant pour cela notamment à Aldo Ferraglia.
D'autres libraires ont cependant choisi de mettre en vente dans leurs locaux l'ouvrage de Garaudy. Deux au moins ont fait l'objet de poursuites pénales. Il s'agit de deux libraires de Genève, s'étant approvisionnés directement en France, sans passer par l'intermédiaire d'Aldo Ferraglia. Ils ont l'un et l'autre été condamnés à une amende par ordonnances de condamnation rendues en août 1997 par le Procureur général de Genève. Tous deux ont cependant fait opposition, de telle sorte que leur condamnation n'est pas entrée en force, et qu'ils passeront prochainement en jugement.
E/ Les plaignants et parties civiles
7.- La Section suisse de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (ci-après LICRA Suisse) est une association au sens des art. 60 ss CC. Selon ses statuts du 29 novembre 1982, elle a pour but:
1.- De lutter, par tous les moyens en son pouvoir contre le racisme et l'antisémitisme.
2.- De défendre par toute action qu'elle jugera utile d'entreprendre, le droit à l'existence et à la paix des victimes du racisme et de l'antisémitisme dans le monde entier.
3.- De réaliser l'union des êtres humains de toutes opinions, le rapprochement des peuples, la paix et l'égalité. »
Une modification desdits statuts votée le 25 août 1997 définit désormais l'activité de la LICRA Suisse de la manière suivante:
Art. 2 ch. 3
Elle défend en particulier les droits moraux et patrimoniaux de ses membres contre tout racisme, antisémitisme ou xénophobie, ainsi que le droit à l'existence et à la paix des victimes du racisme, de l'antisémitisme et de la xénophobie. Elle combat par tous les moyens la négation des génocides et l'apologie des crimes contre l'humanité. »
Par lettre du 23 mai 1996, la LICRA Suisse a déposé plainte et s'est constituée partie civile contre le ou les responsables de la librairie Libre R à Montreux ainsi que contre Roger Garaudy et contre toute autre personne qui contribuerait à la diffusion de son ouvrage. Philippe Nordmann et Jean Benedict, qui avaient déclaré initialement agir également en leurs noms propres ont ultérieurement renoncé à le faire, Me Nordmann restant constitué comme conseil de la LICRA Suisse.
8.- La Fédération Suisse des Communautés Israélites, ci-après FSCI, est également une association selon les art. 60 ss CC. Elle a pour but la sauvegarde et la promotion des intérêts communs des Juifs en Suisse. Représentée par l'avocat Bernard Geller, au bénéfice d'une procuration et qui déclarait agir aussi subsidiairement en son nom personnel, elle a également, le 28 mai 1996, déposé plainte et s'est constituée partie civile contre Roger Garaudy, contre le ou les responsables de la librairie "Libre R" et contre tout autre coauteur, instigateur ou participant, pour infraction à l'art. 261 bis CP, en raison de la diffusion en Suisse du livre de Garaudy.
Me Geller est membre de la Communauté Israélite de Lausanne. Interpellé à l'audience, il a confirmé qu'à toutes fins utiles il maintenait sa plainte et sa constitution de partie civile à titre personnel.
9.- Postérieurement au renvoi de l'accusé devant le Tribunal de céans, une troisième organisation, Les Fils et Filles de Déportés Juifs de France, (ci-après les F.F.D.J.F.) a demandé par lettre du 22 septembre 1997 à pouvoir intervenir au procès en qualité de partie civile. Il s'agit d'une association de droit français, avec siège à Paris, qui a notamment pour but selon ses statuts de se porter partie civile contre toute diffamation, dénaturation, falsification du sort des déportés, contre toute apologie de crime racial, ainsi que contre toute tentative de réhabilitation du nazisme. La constitution de partie civile des F.F.D.J.F. a été admise par décision présidentielle du 3 octobre 1997.
10.- Les plaignants et parties civiles ou certains d'entre eux ont paru s'inquiéter de l'admissibilité de leur qualité de parties dans le cadre du présent procès. Elle ne fait cependant pas de doute. En ce qui concerne les F.F.D.J.F., cela résulte déjà , en pure procédure, du fait que la décision du 3 octobre 1997 n'a pas été attaquée devant le Tribunal par voie incidente selon l'art. 96 al. 3 in fine CPP.
S'agissant de l'admission au procès des plaignants LICRA Suisse, FSCI et Bernard Geller, il n'y a certes pas de décision formelle qui soit devenue définitive faute d'avoir été contestée en temps utile. En qualité de Juif pour Bernard Geller, d'organisation de défense des communautés juives pour la FSCI et d'organisation de lutte contre l'antisémitisme pour la LICRA Suisse, ils doivent cependant être considérés comme potentiellement lésés par une infraction à l'art. 261 bis CP dirigée contre les Juifs ou contestant le génocide des Juifs, de telle sorte qu'ils doivent être admis à porter plainte (art. 83 al. 1 CPP) et obtenir ainsi de plein droit la qualité de partie civile (art. 94 CPP). Il suffit de se référer à cet égard à un arrêt récent du Tribunal d'Accusation (TAcc Amaudruz 1.09.95; cf aussi SJ 1995 p.181; RO 112 IA 30). On relèvera au demeurant que l'accusé n'a en l'espèce jamais contesté la qualité de partie desdits plaignants et parties civiles, qu'il a au contraire implicitement admis en passant expédient sur une des conclusions de la FSCI.
F/ Les autres livres séquestrés
11.- A réception de la plainte de la LICRA Suisse, le Juge d'instruction cantonal a ouvert une enquête, qu'il a par la suite confiée à l'un de ses substituts. Le cas de Roger Garaudy a par la suite été disjoint et une ordonnance de non-lieu rendue en sa faveur, faute de for pénal dans le canton de Vaud. L'enquête s'est en revanche poursuivie contre Aldo Ferraglia et a abouti à son renvoi devant le Tribunal de Vevey, sous l'accusation de discrimination raciale au sens de l'art. 261 bis ch. 4 CP. En cours d'enquête, une perquisition a été opérée dans la librairie de l'intéressé. Elle a révélé que celui-ci proposait à la vente, outre le livre de Garaudy, les ouvrages suivants :
- "Le mensonge d'Ulysse", de Paul Rassinier, réimpression "La Vieille Taupe", Paris 1987,
- "Le drame des Juifs européens", de Paul Rassinier, réimpression "La Vieille Taupe", Paris 1985.
Paul Rassinier, pourtant déporté lui-même, est l'un des premiers auteurs révisionnistes de langue française. Dans le "mensonge d'Ulysse", dont la première édition remonte aux années 1950, il relate notamment ses expériences de Buchenwald et Dora, mais entreprend aussi de nier l'existence de chambres à gaz utilisées comme moyen d'extermination systématique. Dans "Le drame des Juifs européens", il minimise très fortement le nombre des victimes juives de l'extermination nazie, soutenant que ce nombre a été délibérément grossi et porté au chiffre habituellement avancé de six millions afin de se procurer des fonds, sous forme d'indemnisations allemandes proportionnées au nombre des victimes, pour financer la fondation de l'Etat d'Israël.
- "Faut-il fusiller Henri Roques? " d'André Chelain, Ogmios diffusion, Paris 1986.
L'essentiel de cet ouvrage porte sur la reproduction intégrale de la thèse d'Henri Roques, soutenue à l'Université de Nantes en 1985 sous le titre "Les confessions de Kurt Gerstein, étude comparative des différentes versions", accompagnée d'une introduction et de copies d'articles de presse relatives à "l'affaire Roques". On rappelle qu'Henri Roques avait soutenu, devant un jury de complaisance, une thèse de doctorat consacrée au témoignage de l'officier, SS Gerstein, au sujet notamment des exterminations massives dans les camps de concentration situés en Pologne. De tendance clairement révisionniste, Roques prétendait démontrer l'absence de crédibilité de ces confessions. Son travail a été jugé sans valeur historique aucune et sa soutenance de thèse annulée le 3 juillet 1986 par les autorités universitaires de Nantes.
- "L'Holocausticon, des vertus de l'holocausticon composé, histoire de l'hypothétique chambre à gaz qui voulait se faire plus grosse qu'un combinat industriel", de Pierre Pithou, "La Vieille Taupe", Paris 1986.
Sous la forme d'un texte qui se veut humoristique ou caricatural, cette brochure d'une trentaine de pages met en doute la réalité de l'extermination planifiée des Juifs d'Europe et des chambres à gaz comme moyen d'extermination.
- "En lisant de près les écrivains chantres de la Shoah" de Pierre Marais, "La Vieille Taupe", Paris 1991.
Là aussi, il s'agit d'un ouvrage clairement révisionniste, qui conteste l'existence de chambres à gaz comme moyen d'extermination et le lien entre l'existence de fours crématoires dans les camps et un tel dessein d'extermination.
- "Droit et Histoire" de Pierre Guillaume, "La Vieille Taupe", Paris 1986.
Il s'agit là encore d'un ouvrage clairement révisionniste, qui met en doute notamment l'existence des chambres à gaz comme moyen d'extermination et reprend à son compte des affirmations d'autres révisionnistes dont il cite en page 18 un des ténors, Faurisson, reprenant à son compte la citation suivante:
"Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge historique dont les principaux bénéficiaires sont l'Etat d'Israël et le sionisme international ... " (p.18).
Par leur contenu, tous ces ouvrages nient ou minimisent grossièrement le génocide dont ont été victimes les Juifs pendant la Seconde guerre mondiale sur ordre du régime hitlérien. Le Tribunal tient par ailleurs pour constant que l'accusé le savait, même s'il prétend ne pas les avoir tous lus intégralement. Cela apparaît en effet pour certains déjà dans leur titre même. Cela résulte en outre de l'orientation générale de "La Vieille Taupe", maison d'édition de cinq des six livres mentionnés ci-dessus, orientation qu'en personne abonnée à "La Vieille Taupe" il connaissait et que, on le verra, il partageait. S'agissant de l'ouvrage de Chelain, publié ailleurs, son caractère révisionniste résultait à l'évidence du fait qu'il s'agissait, sous prétexte de laisser le lecteur juger, d'une défense de la thèse d'Henri Roques, dont le contenu peut être considéré comme notoire en raison de l'important scandale et des nombreux articles de journaux que cette affaire avait suscités.
12.- La perquisition effectuée chez l'accusé a également amené le séquestre de quatre exemplaires du numéro 1 de la revue "La Vieille Taupe" du printemps 1995. Tous quatre ont été séquestrés, trois étant cependant laissés en ses mains. Le numéro en question contient plusieurs articles, notamment de Pierre Guillaume. La tendance est elle aussi révisionniste, mais davantage sous forme d'un éloge d'autres auteurs révisionnistes que sous forme d'affirmations niant directement le génocide des Juifs lui-même ou certains de ses aspects. Il ne semble pas y avoir dans cet ouvrage de négation ou de minimisation de crimes de guerre ou de propos racistes ou antisémites, sauf sous forme allusive. Selon les déclarations de l'accusé, qui doivent être crues au moins au bénéfice du doute, il avait d'ailleurs reçu ces quatre exemplaires à titre privé et ne les destinait pas à la vente, contrairement aux six ouvrages précités. Dans ces conditions, il faut considérer que la détention par l'accusé des exemplaires séquestrés de "La vieille Taupe" numéro 1 ne contrevenait pas à l'art. 261 bis CP.
13.- Toujours lors de la perquisition opérée chez Aldo Ferraglia, il a encore été séquestré cinq exemplaires du livre de Garaudy, un programme d'ordinateur comportant des documents relatifs à la marche de la librairie et quelques exemplaires du bulletin de commande décrit sous ch. 5 ci-dessus. Plusieurs libraires qui s'étaient portés acquéreurs d'un certain nombre d'exemplaires ont en outre été interpellés. Sept exemplaires étaient encore détenus par la librairie Payot S.A., quatorze par le commerce au Grand Passage S.A. et cinq par la librairie "L'Age d'Homme". Le séquestre de tous ces exemplaires a été ordonné en mains des commerces concernés.
G/ Les autres activités révisionnistes de l'accusé
14.- L'accusé a été inculpé d'infraction à l'art. 261 bis CP le 14 juin 1996. Il n'est pas établi qu'il ait depuis lors vendu l'ouvrage de Garaudy ou un autre des ouvrages séquestrés ni fait de publicité pour eux. Il a continué en revanche à distribuer d'autres ouvrages de tendance révisionniste. En particulier, il résulte du témoignage de Brigitte Sion, employée de la LICRA Suisse, qu'il lui a vendu en automne 1997 un ouvrage sur le massacre d'Oradour, ouvrage dont il savait qu'il était interdit en France par Arrêté ministériel et qui présentait cette tragédie comme le résultat d'un accident non voulu par les troupes SS. Se trompant sur les convictions de Brigitte Sion, qui s'était présentée comme une lectrice du "Courrier du Continent", il lui a recommandé d'autres ouvrages révisionnistes ou antisémites, dont un "livre jaune", reprenant de larges extraits du faux notoire "Les protocoles des Sages de Sion", dont l'antisémitisme est également notoire. Il s'est aussi présenté comme étant du clan des "mal pensants", désignant évidemment ainsi les opinions révisionnistes. Enfin, il proposait également à la vente dans sa librairie plusieurs exemplaires de "Mein Kampf". Sur tous ces points, le Tribunal accorde entière foi aux déclarations de Brigitte Sion, qui n'ont d'ailleurs pas véritablement été contestées par l'accusé, celui-ci s'étant borné à dire qu'il avait été "piégé" par la manière fallacieuse dont ce témoin s'était présentée à lui.
Il a certes indiqué qu'il tenait à la disposition de sa clientèle, outre une foule d'ouvrages, neufs ou d'occasion, sans rapport aucun avec la politique ou l'histoire du XXe siècle, des ouvrages traitant de ces thèmes selon une orientation "orthodoxe", par quoi le tribunal comprend de vrais livres d'histoire de la Seconde guerre mondiale. C'est possible, voire probable, et cela doit au moins être admis au bénéfice du doute. Un témoin venu dans la librairie de l'accusé pour acheter par simple curiosité le livre de Garaudy a d'ailleurs témoigné de façon crédible que, face à lui, Aldo Ferraglia n'avait jamais abordé des thèmes révisionnistes mais avait plutôt parlé de sujets aussi innocents que les livres sur la marine ou la musique classique. Cela n'infirme cependant pas son rattachement intellectuel au révisionnisme, qui n'implique nullement un prosélytisme de tous les instants ni l'absence d'autres domaines d'intérêt.
15.- L'instruction a aussi établi que l'accusé avait à plusieurs reprises exprimé dans des articles des convictions révisionnistes, il est vrai avant l'entrée en vigueur de l'art. 261 bis CP. Dans les années 1980, il dirigeait avec un associé le journal gratuit "Bourse autos", essentiellement consacré à la publication d'annonces pour des voitures d'occasion, dont il était formellement administrateur. Il y publiait des chroniques régulières, dont l'une en novembre 1982, traitait de l'autocensure. Le 15 janvier 1985, il y avait abordé le thème des camps de concentration nazis en mettant apparemment en doute l'existence des chambres à gaz.
Cet article, dont le Tribunal ignore le texte exact, avait suscité de vives réactions au point que Claude Jacot, rédacteur en titre de "Bourse Autos", s'en était distancé dans le numéro suivant. L'accusé lui-même était revenu sur le sujet en février 1985 en parlant du "profond malaise que suscite le douloureux génocide, crime commis contre l'ethnie juive par l'Allemagne nazie" et en réclamant une enquête internationale par des institutions impartiales sur l'ampleur du génocide nazi contre les différentes ethnies ou personnes individuelles, sur le recours à des chambres à gaz dans un but d'extermination systématique et sur l'absence de bombardement par les alliés des voies d'accès à Auschwitz. Il concluait en s'engageant à ne plus aborder ce sujet dans l'intervalle tout en se réservant "le droit de dénoncer les agissements de certains journaux romands dans leurs méthodes employées à son endroit".
Effectivement, dans un numéro d'avril 1985 de "Bourse Autos", Aldo Ferraglia s'en est pris, toujours à propos de son article du mois de janvier, à "la prestation des média-torts" en général et aux réactions de deux journalistes en particulier. Dans un autre article paru en mai 1985, il a encore indiqué qu'il avait attendu de pied ferme, et en vain, une plainte de la LICRA relative à ses affirmation du 15 janvier 1985 et il a fait l'éloge de Robert Faurisson et Eric Delcroix, deux révisionnistes français. Enfin, le mois suivant dans le même périodique il exaltait les qualités de peintre d'Adolf Hitler et présentait le journal d'Anne Frank comme une mystification.
H/ L'article 261 bis al. 4 cp en général
16.- Voté au Parlement le 18 juin 1993, puis confirmé sur référendum par votation populaire du 25 septembre 1994, l'art. 261 bis CP est entré en vigueur le 1er janvier 1995. Il tend notamment à concrétiser en droit suisse les exigences de la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Il comporte cependant un alinéa 4, qui va en partie au-delà du minimum exigé par cette convention. Ledit alinéa 4, dont l'interprétation est au centre de la question à juger, réprime en réalité deux comportements différents. D'une part en effet, il punit d'emprisonnement ou d'amende celui qui aura publiquement, par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière abaissé ou discriminé d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion (art. 261 bis al. 1 pr. CP). D'autre part, il punit des mêmes peines celui qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité (art. 261 bis al. 4 in fine CP).
L'ordonnance de renvoi reproche les deux types de violation de l'art. 261 bis al. 4 CP à l'accusé dans la mesure où il lui est notamment fait grief d'avoir porté atteinte à la dignité de la Communauté juive en véhiculant l'assertion, articulée dans le livre "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne", d'une utilisation générale du génocide à des fins commerciales par les Juifs, prétendue utilisation que Garaudy résume sous l'appellation de "Shoah Business". Il est cependant évident que l'accusation principale dirigée contre Aldo Ferraglia consiste à avoir diffusé des ouvrages niant ou minimisant grossièrement le génocide des Juifs par les nazis. Il s'agit d'ailleurs du seul grief articulé dans l'ordonnance de renvoi s'agissant des autres livres séquestrés que "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne".
17.- L'art. 261 bis al. 4 in fine CP a reçu sa forme actuelle au cours des discussions devant les Chambres fédérales. Il tend à combattre les thèses généralement appelées négationistes ou révisionnistes en français et résumées en allemand par - l'expression parlante d'Auschwitzlüge. Le projet du Conseil fédéral visait déjà un but analogue en prévoyant de punir "celui qui aura, pour la même raison, déshonoré la mémoire d'un défunt" (FF 1992 III 326). Le message précisait en effet ce qui suit :
"Le fait de déshonorer la mémoire d'un défunt a été inclus dans la définition de l'infraction pour pouvoir s'en prendre aux falsifications d'histoire des révisionnistes qui diffusent dans leurs ouvrages "pseudo-scientifiques des théories qu'on désigne sous le nom de "Mensonge sur Auschwitz". Il s'agit de l'affirmation selon laquelle l'Holocauste n'aurait jamais eu lieu et les chambres à gaz n'auraient pas existé. Ce ne seraient pas six millions de Juifs qu'on aurait fait mourir, mais beaucoup moins, et par ailleurs, les Juifs retireraient des avantages économiques de l'Holocauste. Cette falsification de l'histoire ne peut être considérée comme une simple querelle d'historiens. Elle cache souvent une tendance de propagande raciste qui se révèle particulièrement dangereuse lorsqu'elle s'adresse à des auditeurs jeunes dans le cadre de l'enseignement. D'un "autre côté, il ne faut évidemment pas entraver toute recherche historique sérieuse, portant sur l'histoire du 20e siècle. Comme nous l'avons déjà relevé ci-dessus, pour apprécier le caractère répréhensible des ouvrages scientifiques il faut appliquer des critères spécifiques, reconnus dans les milieux spécialisés." (FF 1992 III 308 s.)
La formulation proposée par le Conseil fédéral a notamment été critiquée par le pénaliste bernois Karl Ludwig Kunz, dans un article publié dans la Revue pénale suisse 1992 p. 154 ss. Cet auteur relevait qu'il s'agissait de protéger la paix publique et non l'honneur des morts ou le sentiment de piété et suggérait une formulation différente, inspirée de la loi autrichienne. Ses raisons ont convaincu la Commission des affaires juridiques du Conseil National, qui a remplacé la fin du ch. 4 du projet d'art. 261 bis CP du Conseil fédéral par une formulation reprenant les termes proposés par Kunz. Elle a toutefois expressément choisi de maintenir les termes "aus einem dieser Gründe", traduits en français, d'ailleurs de façon peu exacte, par "pour la même raison", afin de limiter le champ d'application de la loi. Sur cette évolution du projet, on se réfère à l'exposé d'Alexandre Guyaz, L'incrimination de la discrimination raciale, thèse Lausanne 1996, p. 299 (cf aussi F. Hänni, Die Schweizerische Anti-Rassismus-Strafnorm und die Massenmedier, Thèse Berne 1997 p. 22 ss).
18.- L'histoire de l'élaboration de l'art. 261 bis al. 4 CP explique sans doute certaines maladresses de sa rédaction. En particulier, l'adverbe "publiquement" qui (contrairement à ce qui était le cas dans le projet du Conseil fédéral) figure aux al. 1 et 2 avant le premier verbe ("celui qui, publiquement, aura...) est placé après celui-ci dans le texte français de l'al. 4 ("celui qui aura publiquement ...), alors qu'il manque purement et simplement dans le texte italien! Cette différence n'est pas sans portée. En particulier, si l'on suit le texte français à la lettre, l'exigence d'un comportement public ne paraît posée, s'agissant de l'art. 261 bis al. 4 CP, que pour le premier comportement visé (abaisser ou discriminer d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes, en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion), mais non pour la négation, la minimisation ou la justification d'un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité. Au contraire, d'après le texte allemand, l'adverbe "öffentlich" concerne les deux incriminations.
Les considérations énoncées sous ch. 17 ci-dessus montrent cependant que le législateur a pensé la modification apportée au projet du Conseil fédéral en allemand, de telle sorte que c'est le texte allemand qui doit faire foi. Il faut dès lors admettre que l'exigence d'un comportement public vaut aussi pour l'art. 261 bis al. 4 in fine CP. C'est bien ce qu'admet la doctrine (cf Marcel Alexander Niggli, Rassendiskriminierung, Zurich 1996, no 1018 et, implicitement, Guyaz, op. cit., p. 308).
19.- Ainsi, la deuxième incrimination prévue par l'art. 261 bis al. 4 CP exige en définitive trois éléments constitutifs :
a) l'auteur doit avoir nié, grossièrement minimisé ou cherché à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité,
b) il doit avoir agi publiquement,
il doit avoir agi en raison de la race, de l'appartenance ethnique ou de la religion des victimes.
20.- Cette dernière exigence, qui correspond aux termes "aus einem dieser Gründe" ou "pour la même raison" a donné lieu, déjà , à des controverses. Pour une partie de la doctrine, elle ne correspond pas à un élément subjectif particulier. Jörg Rehberg, Strafrecht IV, Delikte gegen die Allgemeinheit, 2e éd., Zurich 1996, p. 188, et Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Besonderer Teil II, 4e éd., Berne 1995, p. 171, contestent en effet qu'une motivation raciste soit nécessaire, l'auteur étant selon eux punissable même s'il agit pour d'autres raisons (cf. aussi Niggli, op. cit., nos 1222 ss., spécialement no 1226, qui paraît voir dans les termes en question une inadvertance du législateur ainsi que dans l'exigence de motivations racistes en cas de négation, de minimisation ou de justification d'un génocide une tautologie, et Stefan Trechsel, Kurzkommentar, 2e éd., Zurich 1997, n. 38 ad art. 261 bis CP, qui parle d'une exigence "difficilement compréhensible").
Selon l'accusé en revanche, qui invoque Guyaz, op. cit., p. 299, les Chambres ont voulu expressément ne réprimer que le révisionnisme fondé sur des motivations racistes. La Cour estime qu'en réalité la vérité est intermédiaire. Sans doute les expressions "aus einem dieser Gründe" ou "pour la même raison", expressément ajoutées à la formulation proposée par Kunz, ne sauraient-elles être simplement réputées non écrites. Une analyse soigneuse du texte légal, spécialement de sa version allemande, montre qu'elles se réfèrent aux mots "en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion" (wegen ihrer Rasse, Ethnie oder Religion), qui figurent dans la première incrimination prévue par l'alinéa en question.
21.- Il en résulte que le révisionnisme, pour être punissable, doit être lié à la race, l'ethnie ou la religion des victimes dont l'extermination est niée, grossièrement minimisée ou justifiée. En revanche, point n'est besoin d'une motivation raciste sur le plan subjectif. Autrement dit, celui qui, dans le cas du révisionnisme concernant les crimes nazis, seul en cause ici, minimise l'extermination des Juifs ou des Tziganes, en les distinguant des autres morts de la Seconde guerre mondiale, tombe sous le coup de l'art. 261 bis al. 4 in fine CP, cela même s'il agit pour des motifs non racistes, "par exemple par nationalisme borné" (Stratenwerth, op. cit., p. 171).
On peut tomber d'accord avec Niggli pour y voir une sorte de tautologie s'agissant d'un génocide, qui implique par définition un lien avec la race, l'ethnie ou la religion des victimes. En revanche, la réserve introduite par la Commission des affaires juridiques du Conseil National pourrait avoir de l'importance en cas de négation, de minimisation ou de justification d'autres crimes contre l'humanité dont la définition, il est vrai assez peu précise, englobe selon divers instruments internationaux certains cas de persécution politique (cf. Guyaz, op. cit., p. 301 ss.). L'art. 261 bis al. 4 in fine CP ne pourrait ainsi peut-être pas être appliqué, en raison de la réserve précitée, à celui qui nierait, minimiserait ou chercherait à justifier des atrocités systématiques commises, indépendamment de toute considération de race, d'ethnie au de religion, contre des opposants à un régime ou une idéologie.
I/ Application aux faits de la cause
22.- En l'espèce, le Tribunal tient pour constant que les "Mythes fondateurs de la politique israélienne" et les autres livres mentionnés sous ch. 9 contreviennent tous objectivement à l'art. 261 bis al. 4 in fine CP, en ce sens que tous nient ou minimisent grossièrement l'extermination des Juifs par les nazis durant la Seconde guerre mondiale. Il est d'abord évident qu'il s'agit bien d'un génocide au sens de la loi, qui visait au premier chef la contestation de cet épisode tragique de l'histoire, même si le législateur suisse a jugé utile d'inclure aussi l'éventuelle contestation d'autres génocides, passés ou à venir. Suggérer, comme le fait Garaudy, sur la base d'arguties étymologiques, que les Juifs n'auraient pas fait l'objet d'un génocide au motif que les nazis ne sont pas parvenus à mener à son terme leur plan d'extermination est un propos extraordinairement cynique et odieux, attentatoire tant à la paix publique qu'à la mémoire des victimes, qui suffirait peut-être seul à justifier l'application de l'art. 261 bis al. 4 CP!
Il y a lieu de relever d'ailleurs que la notion de minimiser grossièrement doit recevoir une acception large. Elle s'étend non seulement au fait de sous-estimer délibérément l'ampleur de l'extermination, mais aussi à la contestation mensongère de certains aspects dudit génocide qui lui donnent son caractère historiquement particulier, notamment l'existence d'un plan décidé par les instances dirigeantes nazies et tendant à l'extermination totale de l'ensemble des Juifs d'Europe, le caractère administrativement organisé de l'extermination et les modes d'exécution utilisés, en particulier le recours aux chambres à gaz ( cf. Niggli, op. cit., nos 992 et 993). Même la simple mise en doute insistante de ces éléments ou de certains d'entre eux sont une forme de minimisation (cf. Niggli op. cit., no 989), tant ces éléments sont établis et ne prêtent pas à une controverse historique sérieuse. Sur ce dernier point, il suffit de se référer aux considérants très clairs du Tribunal fédéral dans son arrêt publié au RO 121 IV 76 = JT 1997 IV 75.
23.- L'existence d'une minimisation grossière du génocide des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale, voire d'une négation de certains de ses aspects, se constate autant si ce n'est davantage dans le livre de Roger Garaudy que dans les autres ouvrages séquestrés. Il suffit de constater à cet égard que "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne", successivement:
- contestent ou mettent en doute l'existence d'un ordre d'extermination donné par les instances dirigeantes nazies,
- contestent ou mettent en doute l'existence d'un plan délibéré d'extermination des Juifs de la part des nazis,
- contestent ou mettent en doute le recours à des chambres à gaz pour l'exécution de ce plan,
- contestent que l'expression "solution finale" figurant dans divers documents du IIIe Reich ait désigné une telle extermination,
- affirment que le nombre de six millions de victimes juives généralement avancé est très fortement surévalué.
- affirment enfin que, sur tous ces points, la vérité historique a été délibérément travestie par des milieux juifs dans le but d'en tirer des avantages notamment économiques.
On retrouve dès lors dans cet ouvrage pratiquement tous les thèmes traditionnels du négationisme, tels qu'ils sont par ex. résumés dans le message du Conseil fédéral '(FF 1992 III 308 s.) ou évoqués par la doctrine (cf. Niggli, op. cit., nos 988 ss.; Guyaz, op. cit., p. 306, etc.). Ils y sont traités non allusivement mais en détail, au point d'occuper une partie importante de l'ensemble du livre. Le ton et les expressions utilisés sont en outre systématiquement virulents et de nature à blesser la communauté juive, jusque dans le choix du mot "mythe" qui, accolé à un élément comme le nombre des victimes de cette communauté ("Le mythe des "Six millions"), réalise déjà à lui seul une négation ou une minimisation du génocide dont elle a fait l'objet (Cf. en ce sens Niggli, op. cit., no 990).
Il est dès lors certain aux yeux du Tribunal que l'impression d'ensemble faite sur un lecteur moyen par "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne" est que l'auteur entend contester la réalité ou l'ampleur du génocide précité. La Cour à vrai dire ne parvient pas à comprendre comment plusieurs témoins, par ailleurs estimables, et choisis parmi l'élite du monde politique ou journalistique, ont pu aboutir à une autre impression. La seule explication raisonnable à cet égard est qu'ils se sont laissé influencer par le passé prestigieux et la réputation d'humaniste et d'homme de gauche, luttant pour l'émancipation des peuples opprimés et les droits de l'homme, qui était celle de Garaudy jusque naguère. Il ne fait aucun doute aux yeux du Tribunal que, si le livre "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne" était sorti sous une signature d'extrême droite ou inconnue, les mêmes témoins qui ont affirmé y trouver des opinions critiques intéressantes, n'y auraient vu qu'un torchon révisionniste ...
24.- Le deuxième élément constitutif de l'infraction reprochée à Aldo Ferraglia, soit l'exigence d'une action publique, est également réalisé. Il ne s'est en effet pas contenté de détenir les ouvrages incriminés, ou de les communiquer à un cercle privé de rares intimes, mais il les a offerts à la vente sur les rayons de sa librairie, ouverte à tout client qui voulait bien y entrer. On ignore certes, s'agissant des ouvrages énumérés sous chiffre 9 ci-dessus, s'il les a activement promus, soit en les recommandant de vive voix, soit en attirant l'attention de sa clientèle sur eux d'une manière particulière (mise en vitrine ou sur présentoirs par exemple).
Peu importe cependant: un libraire qui place un ouvrage destiné à la vente dans les rayons de son commerce, à la disposition de n'importe quel acheteur potentiel, espère naturellement qu'il sera feuilleté et éventuellement acheté. Il agi dès lors publiquement, cela même s'il n'est pas établi qu'en réalité qui que ce soit s'y soit intéressé, de la même manière qu'agit publiquement celui qui colle des affiches dans un lieu de passage, même si en réalité elles ont pu être enlevées avant d'avoir été vues (JT 1985 IV 147; Guyaz, op. cit., p. 237). Il n'est pas nécessaire de déterminer ici ce qu'il en est d'un libraire qui, comme plusieurs membres de cette profession entendus en qualité de témoins, ne met pas un tel ouvrage en rayon, mais accepte de le livrer aux clients qui le demandent spécialement, soit en passant à chaque fois une commande particulière, soit en détenant quelques exemplaires gardés dans une réserve non accessible aux simples chalands.
Dans le cas du livre de Garaudy en tout cas, l'accusé ne s'est d'ailleurs pas borné à offrir publiquement l'ouvrage dans sa boutique. Il a organisé de la publicité en diffusant le feuillet décrit sous chiffre 5 ci-dessus et en faisant paraître dans des journaux des annonces recommandant l'achat dudit livre. Il s'agit a fortiori d'une action publique au sens de l'art. 261 bis al. 4 CP.
25.- Enfin, le troisième élément, soit l'exigence d'une négation, d'une minimisation ou d'une justification liée à la race, l'ethnie au la religion des victimes, est à l'évidence réalisée aussi. En effet, tous les livres litigieux ont en commun de contester le génocide commis durant la Seconde guerre mondiale, ou certains de ses aspects, par rapport à la communauté juive exclusivement. C'est particulièrement net dans le livre de Roger Garaudy, qui fait notamment grief aux Juifs, baptisés sionistes pour l'occasion, de mettre insuffisamment en lumière les autres victimes du nazisme, qu'il s'agisse d'opposants politiques, de malades mentaux et handicapés, de Tziganes, de résistants à l'occupation allemande ou simplement de combattants des armées régulières en lutte, en s'exprimant par ex. comme il suit:
"Quel fut le bilan atroce de cet acharnement hitlérien contre ses victimes politiques ou racistes?
"Cette deuxième guerre mondiale fit 50 millions de morts dont 17 millions de soviétiques et 9 millions d'Allemands. La Pologne, les autres pays occupés d'Europe, et aussi les millions de soldats d'Afrique ou d'Asie mobilisés pour cette guerre qui, comme la première, était née de rivalités occidentales, payèrent un lourd tribu de morts.
"La domination hitlérienne fut donc autre chose qu'un vaste "pogrom" dont les juifs auraient été, sinon les seules, du moins les principales victimes, comme une certaine propagande tend à l'accréditer. (p. 153)".
De tels propos, qu'on retrouve à plusieurs reprises sous d'autres formes (cf. notamment p. 248 et 258), montrent que les affirmations révisionnistes contenues dans "Les Mythes fondateurs de la politique israélienne" visent délibérément le génocide des Juifs en tant que collectivité que l'auteur entend opposer aux autres morts de la seconde guerre mondiale, pour lesquelles, soit dit en passant, il admet sans aucune discussion les chiffres habituellement avancés. L'exigence d'une négation, minimisation ou justification en raison de la race, de l'ethnie ou de la religion des victimes est dès lors réalisée et il en va de même s'agissant des autres livres énumérés sous chiffre 9 ci-dessus, qui présentent à cet égard des caractères en tous points similaires. Comme on l'a vu, cette exigence ne requiert pas que l'auteur ait agi, subjectivement, par racisme. Peu importe dès lors que Roger Garaudy prétende écrire pour lutter sur un plan politique contre le mouvement sioniste et se défende de toute motivation antisémite. Peu importe de même qu'Aldo Ferraglia affirme quant à lui avoir agi uniquement pour gagner sa vie en vendant des livres, comme son métier l'implique, voire par souci désintéressé de permettre une libre information du public.
26.- On relèvera tout de même, par surcroît de droit, que le Tribunal tient ces motivations pour invraisemblables, tant s'agissant de Roger Garaudy que d'Aldo Ferraglia. S'agissant du premier, il saute en effet aux yeux de tout lecteur non prévenu que "Les Mythes fondateurs de la Politique israélienne" véhiculent en réalité un fort antisémitisme. La distinction que prétend faire l'auteur entre les sionistes et les Juifs ne suffit pas à cet égard à le dédouaner. Il est en effet évident qu'en affirmant par exemple que les sionistes contrôlent et manipulent l'ensemble des médias, aux Etats-Unis et en Europe occidentale, et s'en servent pour égarer l'opinion publique en faveur de desseins inavouables, il ne fait que ressusciter un vieux poncif antisémite remontant à l'entre deux guerres, voire au siècle passé. Lui-même inclut d'ailleurs dans ceux qu'il baptise sionistes la plus grande partie de la communauté juive, puisqu'il écrit par ex. que dès 1967 "99% des Juifs américains défendirent le sionisme israélien" (p. 197).
Le Tribunal ne perd il est vrai pas de vue qu'il n'a pas à juger Roger Garaudy lui-même, qu'il n'a pas entendu, et qui, sur le plan subjectif, a peut-être des excuses à faire valoir. En particulier, il est possible, s'agissant d'un octogénaire, qu'il n'ait plus toute sa tête et que ses élucubrations soient en grande partie dues à la sénilité. Sur le plan objectif, on ne peut en revanche que souscrire au jugement du journal "Libération" selon lequel il est passé dans le camp antisémite, ce que confirme d'ailleurs son accointance avec Pierre Guillaume et les éditions "La vieille Taupe" ...
S'agissant d'Aldo Ferraglia, le Tribunal n'accorde aucun crédit à ses explications, d'ailleurs plutôt hésitantes, selon lesquelles il n'aurait pas en réalité de convictions révisionnistes ni antisémites. C'est le contraire, on l'a vu, qu'il a déclaré à Brigitte Sion, dont le témoignage est digne de foi. C'est le contraire aussi qui résulte de certains de ses articles publiés dans la Bourse-Autos et relatés sous chiffre 14 ci-dessus. C'est le contraire toujours qui résulte de ses liens avec Gaston-Armand Amaudruz et de son abonnement au "Courrier du Continent", dont il est risible de prétendre qu'il répondrait à un simple souci de s'informer. C'est le contraire enfin qui résulte de ses rapports avec Pierre Guillaume et avec "La Vieille Taupe", certainement plus étroits qu'il ne l'a admis si l'on songe au nombre d'ouvrages provenant de ce milieu qu'il proposait à la vente ...
Les motivations d'une personne, surtout lorsqu'elle s'exprime aussi peu et avec autant de réticence qu'Aldo Ferraglia ne peuvent être établies que par des indices. En l'espèce, sur la base de l'ensemble des indices évoqués ci-dessus, le Tribunal tient pour constant qu'Aldo Ferraglia, en diffusant le livre de Roger Garaudy et les autres livres séquestrés, était mu, en tout cas en partie, par l'intention de propager les thèses révisionnistes et par un antisémitisme au moins implicite, cela même s'il est effectivement plausible, voire probable, qu'il ait aussi cherché par là à réaliser un gain financier.
J/ Les libertés fondamentales
27.- Au cours des débats, il a été abondamment question de la liberté d'opinion ou d'expression. Il est évident que la répression pénale de certains des comportements visés par l'art. 261 bis CP, et en particulier celle de l'infraction prévue par l'art. 261 bis al. 4 in fine CP, apporte des restrictions aux droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale, de manière expresse ou implicite. outre la liberté non écrite d'expression ou d'opinion, sont touchées en l'espèce la liberté de la presse (art. 55 Cst féd. et 7 Cst Vaud.) qui en est une forme particulière, voire la liberté du commerce et de l'industrie (art. 31 Cst féd. et 9 Cst Vaud.). Dans d'autres hypothèses, il pourrait en résulter aussi une entrave à la liberté d'enseignement (art. 16 Cst Vaud.).
La question de la légitimité de ces atteintes aux libertés publiques n'est cependant pas du ressort du Tribunal de céans. Elle a été tranchée par les autorités législatives et, en dernier ressort, par le peuple lors de la votation du 25 septembre 1994. Sans tomber dans un positivisme juridique étroit, dénoncé notamment par le conseil de la LICRA Suisse, on doit rappeler ici que le Tribunal fédéral est lié par les lois fédérales, dont il ne revoit pas la constitutionnalité (art. 113 al. 3 Cst féd.). Cela vaut a fortiori pour les juges inférieurs, qui prêtent serment de se conformer auxdites lois (art. 27 OJV). Quant à une éventuelle incompatibilité de l'art. 261 bis CP ou de certaines de ses règles, en particulier l'alinéa 4 in fine, avec la Convention européenne des droits de l'homme, ratifiée par la Suisse en 1974 et qui garantit aussi la liberté d'expression (art. 10 CEDH), elle n'a pas davantage sa place ici. En tout cas lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, d'une disposition législative postérieure, les autorités judiciaires suisses n'ont en effet pas plus à en vérifier l'admissibilité au regard de ladite Convention que la constitutionnalité.
28.- Les libertés fondamentales pourraient en revanche jouer un certain rôle dans l'interprétation de l'art. 261 bis CF en incitant le juge à opter, entre deux interprétations possibles, pour celle qui respecte le plus lesdites libertés ou l'une d'elles (interprétation conforme à la Constitution). La question en l'espèce ne se pose toutefois pas, tant il est évident que la lettre comme l'esprit de la novelle du 18 juin 1993 tendent précisément à interdire des écrits révisionnistes du type de ceux qui font l'objet du présent procès.
29.- Par surcroît de droit, le Tribunal tient à préciser encore que, s'il avait la com-pétence de vérifier la constitutionnalité de l'art. 261 bis CP, spécialement de son alinéa 4, il l'admettrait sans hésitation aucune. Les libertés fondamentales peuvent en effet subir des restrictions pour des motifs légitimes et ceux qui ont conduit à l'adoption de la norme en question, qu'ils touchent à la protection de l'ordre public ou à la sauvegarde d'intérêts privés comme la protection de la dignité humaine et de l'honneur des victimes de la discrimination raciale, paraissent à cet égard à la fois pertinents et conformes au principe de proportionnalité. On peut se contenter de renvoyer sur ce point aux considérations convaincantes de J.-F. Aubert, L'article sur la discrimination raciale et la Constitution fédérale, PJA 1994, p. 1079 ss. (cf. aussi Guyaz, op. cit., p. 159 ss.)
K/ La liberté de la science et de la recherche
30.- Encore qu'il ne s'agisse pas là d'une liberté fondamentale de même rang que la liberté d'expression ou la liberté du commerce et de l'industrie, les travaux préparatoires de l'art. 261 bis CP montrent qu'il n'a jamais été question d'interdire d'effectuer ou de publier des travaux scientifiques pour lesquels "le critère du sérieux de la recherche et de l'objectivité de la présentation... devrait être déterminant" (Message, FF 1992 III 307 ) . Cela vaut aussi pour la recherche historique dans le cadre de l'art. 261 bis al. 4 in fine CP (Ibid. 309). Comme l'illustrent les changements récemment intervenus dans la perception de la position de la Suisse face à la Seconde guerre mondiale, l'histoire ne saurait être figée mais est toujours susceptible d'être réappréciée, soit en raison de la découverte de nouvelles sources, soit simplement en raison d'une évolution du regard posé sur le passé. Les historiens peuvent et doivent naturellement continuer à travailler, y compris sur le génocide des Juifs par les nazis, et l'art. 261 bis al. 4 in fine CP n'interdit aucunement une étude historique sérieuse, objective et rigoureuse (Guyaz, op. cit. p. 306), dut-elle aboutir à une remise en question sur certains points. Ainsi que le relève Guyaz, op. cit., p. 298, cette disposition laisse toute la liberté nécessaire au chercheur de bonne foi.
31.- Aucun des ouvrages faisant l'objet du présent procès ne peut toutefois être protégé à ce titre. Il s'agit soit de textes d'emblée dépourvus de toute prétention scientifique (dans le cas de l'Holocausticon), soit de travaux pseudo-scientifiques, qui se prétendent certes des études historiques rigoureuses, mais ne répondent en réalité en aucune façon aux critères de sérieux et d'objectivité requis. Il n'en va pas différemment du livre de Roger Garaudy qui, bien qu'il essaie de donner l'apparence d'une recherche approfondie, en particulier par d'abondantes citations et références, relève bien plutôt, par son ton passionné, son parti-pris systématique et sa sélection orientée des sources, du pamphlet ou de l'écrit de propagande.
Cette absence de valeur scientifique véritable des ouvrages litigieux ne peut échapper à un lecteur un tant soit peu attentif, même non spécialisé en histoire. Dans le cas des "Mythes fondateurs de la politique israélienne", elle était du reste déjà relevée par plusieurs des articles de journaux parus au sujet de cet ouvrage dès le début de 1996 et dont les extraits cités au dos de l'édition publique de l'ouvrage de Garaudy suffiraient à constituer une sérieuse mise en garde. Le Tribunal estime dès lors qu'Aldo Ferraglia savait parfaitement à quoi s'en tenir et qu'il ne peut soutenir avoir cru que la diffusion des livres faisant l'objet du présent procès était couverte par la liberté de la science et de la recherche.
L/ L'élément subjectif de l'infraction
32.- Conformément à la règle générale de l'article 18 al. 1er CP, les infractions à l'art. 261 bis CP ne sont punissables que si elles sont commises intentionnellement, soit avec conscience et volonté (art. 18 al. 2 CP). Cette notion inclue le dol éventuel (Haenni, op. cit., p. 74 ss).
En soi, un libraire, qui ne peut naturellement pas lire attentivement l'ensemble des ouvrages qu'il met en vente, pourrait donc contrevenir à l'art. 261 bis CP par simple négligence, ce qui conduirait à sa libération. En l'espèce cependant, on sait que l'accusé avait lu le livre de Garaudy et une partie au moins des ouvrages mentionnés sous chiffre 9 ci-dessus. On a vu que, même pour les autres, il ne pouvait en ignorer le contenu. Si les opinions diverses émises dans le cadre de la polémique au sujet des "Mythes fondateurs de la politique israélienne", et notamment certains articles hostiles à une intervention judiciaire, ont pu lui laisser espérer qu'il échapperait à toute poursuite pénale, il devait donc néanmoins compter avec la possibilité que la diffusion des ouvrages litigieux constitue une infraction punissable. La référence, dans le feuillet publicitaire qu'il a rédigé, à la "législation répressive" suisse montre du reste qu'il en était pleinement conscient. Il a donc bel et bien agi intentionnellement, au moins par dol éventuel.
33.- En plaidoirie, le conseil d'Aldo Ferraglia a paru vouloir soutenir que son client devrait être mis au bénéfice des articles 19 ou 20 CP. Il n'en est en réalité rien. Comme on l'a vu, l'accusé était en effet au fait du contenu du livre de Garaudy comme des autres ouvrages séquestrés et savait donc qu'ils véhiculaient des thèses révisionnistes. Il ne peut se prévaloir d'une quelconque erreur de fait.
34.- Il ne peut pas davantage prétendre s'être cru en droit d'agir au sens de l'art. 20 CP. Certes, l'art. 261 bis CP est une norme récemment introduite dans l'ordre juridique suisse. Elle a cependant donné lieu à un important débat public et a été soumise sur référendum à une votation populaire. Bien qu'en raison de sa nationalité étrangère il n'ait pu participer au vote, l'accusé admet avoir eu connaissance de l'in-troduction de l'art. 261 bis CP. Le passage précité du feuillet publicitaire qu'il a rédigé pour l'ouvrage de Garaudy en témoigne du reste.
Le fait que certains articles de journaux parus au printemps 1996 aient émis des doutes sur le caractère punissable de la diffusion de ce livre et que, interrogé par la presse, le procureur lui-même ait apparemment répondu qu'il y avait "matière à analyse" (P. 7) n'y change rien: cette réponse n'était en effet que le reflet de la prudence légitime d'un magistrat qui n'avait certainement pas alors en mains le livre en question. Elle n'autorisait en rien Aldo Ferraglia, qui était lui parfaitement au fait du contenu exact dudit livre, à continuer à le diffuser. L'art. 20 CP, qui n'entraîne du reste en principe qu'une atténuation libre de la peine et non un acquittement, exige que l'auteur ait "des raisons suffisantes de se croire en droit d'agir". Tel n'est pas le cas de celui qui choisit de poursuivre une activité dont il est conscient qu'elle pourrait s'avérer illicite, cela pour des motifs égoïstes (il s'agissait pour Ferraglia, au mieux de continuer à réaliser un profit, au pire de continuer à diffuser une idéologie condamnable).
M/ L'article 27 CP
35.- En plaidant l'acquittement, la défense a invoqué l'art. 27 CP, spécialement ses chiffres 1 et 2. En substance, elle a soutenu à cet égard que l'infraction reprochée à Aldo Ferraglia, constituait un "délit de presse", de telle sorte que les auteurs du livre diffusé en seraient seuls responsables dans la mesure où ils sont identifiés, à l'exclusion d'Aldo Ferraglia, simple agent de distribution.
La question est effectivement pertinente et constitue le seul point sur lequel le Tribunal ait eu des hésitations.
36.- On rappelle qu'aux termes de l'art. 27 ch. 1 CP, lorsqu'une infraction aura été commise par la voie de la presse et consommée par la publication elle-même, l'auteur de l'écrit en est en principe seul responsable pénalement, à l'exclusion des au-tres intervenants dans la chaîne de distribution, qu'il s'agisse du rédacteur, de l'éditeur, de l'imprimeur, des vendeurs, etc. (P. Logoz, Commentaire du Code pénal suisse, partie générale, 2e éd., Neuchâtel-Paris 1976, p. 147). Cette règle vise essentiellement la presse périodique, mais le chiffre 2 montre qu'elle s'applique aussi aux imprimés non périodiques tels précisément les livres, brochures dépliants, etc. Le même ch. 2 réserve une responsabilité subsidiaire de l'éditeur ou de l'imprimeur si l'auteur de l'écrit ne peut être découvert ou si la publication a été faite à son insu ou contre sa volonté, règle qui n'est pas applicable en l'espèce, en tout cas lorsque l'auteur des livres incriminés est vivant et connu, comme c'est le cas de Roger Garaudy, de Pierre Guillaume ou d'André Chelain, voire de Pierre Marais et Pierre Pithou, pour autant qu'il ne s'agisse pas de simples pseudonymes.
La doctrine a envisagé l'application de l'art. 27 CP aux divers délits prévus par l'art. 261 bis CP, alors que le législateur n'avait apparemment pas vu le problème. Elle a abouti à des réponses nuancées. C'est ainsi que Guyaz, op. cit., p. 274 et 280, semble admettre cette application dans le cas de l'infraction prévue à l'art. 261 bis al. 2 CP, mais non de celle prévue à l'art. 261 bis al. 3 CP, en raison de la définition très large de cette disposition, qui réprime tout encouragement ou participation à une action de propagande. Niggli, op. cit. nos 1257 ss, parait penser quant à lui que la formulation particulière de cette dernière disposition exclut l'application de l'art. 27 CP aux infractions prévues par les ch. 1 à 3 de la nouvelle disposition, alors qu'il serait en principe applicable aux activités visées par les alinéas 4 et 5 (cf dans le même sens Rehberg, op. cit., p.190).
L'art. 27 CP ne s'applique pas à toutes les infractions commises par la voie de la presse, mais seulement à celles qui sont "consommées par la publication elle-même". Selon la doctrine, il s'agit de délits formels réalisés par "l'expression d'une pensée" (Logoz, op. cit., p. 146; H. Schultz, Einführung in den Allgemeinen Teil des Strafrechts, 4e éd., Berne 1982,,p. 307). Les cas les plus courants sont les infractions contre l'honneur. Sont toutefois aussi concernées la concurrence déloyale, la provocation publique au crime, la violation de certains secrets, etc., alors que l'art. 27 CP ne s'applique pas aux délits de résultat comme l'escroquerie ou la contrainte (Trechsel, 1ère éd., Zurich 1989, n. 4 ad art. 27 CP; Logoz, op. cit., p. 146 s; Schultz, op. cit., p. 307). L'art. 347 CP consacre en principe un for spécial au lieu de l'impression en Suisse ou à la résidence en Suisse de l'auteur. La réglementation spéciale de l'art. 27 CP s'applique toutefois aussi lorsque, comme en l'espèce, un imprimé préparé et réalisé à l'étranger est diffusé dans notre pays; dans ce cas, à défaut de for spécial selon l'art. 347 CP, ce sont les autorités du lieu de diffusion en Suisse qui sont compétentes selon l'art. 346 CP (JT 1977 IV 2).
37.- En soi, les infractions prévues par l'art. 261 bis CP, en particulier son alinéa 4 in fine, apparaissent typiquement comme des "délits d'expression d'une pensée" susceptibles d'être non seulement commis par la voie de la presse mais encore consommés par la publication elle-même. Ils s'apparentent à cet égard à la provocation publique au crime ou à la violence de l'art. 259 CP, qui figure pareillement dans le titre douzième du Code pénal (Crimes ou délits contre la paix publique) et dont on a vu que la doctrine considérait qu'elle pouvait être soumise à l'art. 27 CP.
La limitation de la punissabilité à un seul responsable prévu par ce dernier peut toutefois être exclue pour d'autres motifs encore. La définition légale d'une infraction implique notamment parfois que soit susceptible d'être puni non seulement l'auteur, l'éditeur ou l'imprimeur, selon le système de responsabilité en cascade de l'art. 27 CP, mais d'autres personnes. Tel est en particulier le cas de la représentation de la violence et de la pornographie dure, le texte des articles 135 et 197 al. 3 CP incluant expressément, dans les comportements réprimés, le fait de fabriquer, importer, prendre en dépôt, mettre en circulation, promouvoir, exposer, offrir, montrer ou même simplement rendre accessibles des objets, y compris des imprimés, contraires à ces dispositions. Il convient d'examiner si la définition légale de la discrimination raciale n'implique pas elle aussi une telle extension de la punissabilité, dans les cas visés non seulement par les alinéas 1 à 3 de l'art. 261 bis CP (au sujet de ces incri-minations, cf. Niggli, op. cit., nos 1260 ss.), mais aussi par l'alinéa 4.
Le texte de ce dernier déclare punissable celui qui aura agi publiquement "par la parole, l'écriture, l'image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière". Certes, la position de ces mots dans le texte français paraît les limiter à la première infraction prévue par l'art. 261 bis al. 1er CP (abaisser ou discriminer d'une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes ...), à l'exclusion de la négation, minimisation ou justification d'un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité. Selon le texte allemand en revanche, ils valent également pour cette dernière incrimination. or, comme pour le terme "publiquement" et pour les mêmes raisons, il faut admettre que c'est celui-ci qui reflète la volonté exacte du législateur (cf. ch. 21 ci-dessus). En l'espèce, le texte italien confirme d'ailleurs cette dernière interprétation.
Même si elle n'est pas aussi précise que celle figurant aux art. 135 et 197 al. 3 CP, l'énumération précitée de modes opératoires prouve la volonté du législateur de réprimer toute participation aux activités délictueuses visées par l'art. 261 bis al. 4 CP. En particulier, les mots "ou de toute autre façon" révèlent le souci de ne laisser impunie aucune forme de collaboration à ces dernières. Le Tribunal admet que cela implique le rejet de la responsabilité unique prévue par l'art. 27 CP et la punissabilité de toute personne ayant collaboré à la diffusion publique d'imprimés contraires à l'art. 261 bis al. 4 in fine CP, qu'il s'agisse de l'auteur, de l'éditeur, de l'imprimeur, de l'importateur, du diffuseur, d'un annonceur ou même d'un simple vendeur. Cette solution est conforme à la ratio legis : vu le danger combattu par la nouvelle norme, il serait en effet incompréhensible que l'on doive laisser distribuer impunément des écrits contraires à celle-ci, en particulier des écrits révisionnistes, pour ne s'en prendre qu'à l'auteur, qui peut dans certains cas être en pratique hors d'atteinte. Le fait que l'art. 261 bis CP ne soit applicable qu'en cas d'infraction intentionnelle constitue une protection suffisante pour ceux qui auraient contribué à la diffusion de tels écrits de bonne foi ou par simple négligence.
Il n'y a dès lors pas lieu de libérer Aldo Ferraglia en application de l'art. 27 CP, mais il doit au contraire être reconnu coupable de discrimination raciale au sens de l'art. 261 bis al. 4 in fine CP. Les propos illicites contenus dans le livre de Garaudy ou dans les autres ouvrages séquestrés se rapportent en l'espèce tous, directement ou indirectement, à la négation ou la minimisation grossière du génocide des Juifs par les nazis. Le Tribunal estime dès lors que cette incrimination absorbe d'éventuelles atteintes à la dignité humaine de la communauté juive et renonce dès lors à examiner si certaines affirmations des "Mythes fondateurs de la politique israélienne" pourraient aussi, comme le suggère l'ordonnance de renvoi, tomber sous le coup de l'art. 261 bis al. 4 principio CP.
N/ Les sanctions
39.- La ou les peines doivent être fixées conformément aux principes généraux et à l'art. 63 CP. S'agissant d'une infraction nouvelle, pour laquelle le Tribunal de céans, et d'ailleurs les Tribunaux en général, manquent encore d'éléments de référence, il est difficile d'apprécier la gravité intrinsèque des faits. On doit relever cependant de manière générale que la volonté du législateur était de réprimer sans faiblesse les nouvelles incriminations prévues par l'art. 261 bis cp. En particulier, au cours des travaux préparatoires, la peine maximum a été portée à trois ans d'emprisonnement dans tous les cas d'infraction à cette disposition, alors que l'avant-projet prévoyait parfois une limite à six mois, ou même trois mois d'emprisonnement (Guyaz op. cit., p. 308). On ne saurait se fonder sur l'absence de répression des comportements visés jusqu'au 31 décembre 1994, pour considérer qu'ils devraient par principe n'être sanctionnés aujourd'hui que de peines modestes. C'est en effet précisément le danger représenté par ces comportements et le caractère choquant de leur impunité qui a amené le législateur à introduire la novelle du 18 juin 1993. Un autre indice du fait que le législateur n'entend pas prendre à la légère les infractions à l'art. 261 bis CP est qu'il en a fait dans tous les cas des délits poursuivis d'office, contrairement là aussi à ce que prévoyait l'avant-projet.
Une infraction à l'art. 261 bis CP ne saurait dès lors être en soi traitée à la légère. Si l'on tient compte en outre des circonstances particulières du cas, on admettra que la culpabilité d'Aldo Ferraglia est en l'espèce moyenne. D'une part en effet, il n'est pas l'auteur lui-même d'aucun des écrits révisionnistes qu'on lui reproche d'avoir diffusés et le dommage causé par son activité propre ne doit pas être surestimé dans la mesure où il s'est borné à mettre en circulation quelques centaines d'exemplaires d'ouvrages de toute façon disponibles par d'autres voies aussi. En particulier, s'agissant des "Mythes fondateurs de la politique israélienne", le tort considérable à l'ordre public fait par la parution de cet ouvrage et par le soutien de Roger Garaudy aux thèses révisionnistes est largement indépendant des quelque 200 exemplaires distribués en Suisse du fait de l'accusé, d'autant que ledit ouvrage reste semble-t-il librement accessible dans notre pays sur le réseau Internet ...
D'autre part en revanche, on doit relever que l'activité de l'accusé a eu une durée et une intensité certaines, puisqu'il a distribué plusieurs livres contraires à l'art. 261 bis ch. 4 CP, pendant plusieurs mois et qu'il a persisté dans cette activité malgré l'avertissement résultant de l'intervention de Bernard Lavrie auprès de son associé Berclaz. On est loin d'une infraction à l'art. 261 bis CP purement occasionnelle, pour laquelle l'auteur pourrait faire valoir qu'il a agi inconsidérément et sous l'emprise d'une impulsion qui ne se renouvellera pas.
Sur le plan subjectif, il faut tenir compte, à la charge de l'accusé, qu'il était mu au moins en partie, on l'a vu, par des convictions révisionnistes. Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'il a essayé de soutenir, d'un libraire qui aurait agi par pur souci de favoriser la libre circulation des idées, dans le respect de l'aphorisme voltairien "je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrais pour que vous puissiez le dire". Certes, les convictions révisionnistes ou racistes ne sont pas en soi interdites, pour autant qu'elles ne soient pas propagées publiquement. L'art. 261 bis CP n'institue pas des délits d'opinion, mais tout au plus des délits d'expression d'opinion. Les mobiles de l'auteur de l'infraction doivent cependant être pris en compte pour fixer la peine à lui infliger, conformément au texte exprès de l'art. 63 CP.
Toujours à la charge d'Aldo Ferraglia, on doit tenir compte de son refus de manifester des regrets clairs. En sa faveur, plaident en revanche l'absence de mauvais renseignements et d'antécédents pénaux. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le Tribunal estime justifiée une peine d'emprisonnement, d'une durée sensiblement plus proche du minimum légal de trois jours, que du maximum de trois ans. Pour en fixer la durée exacte, il convient de résoudre préalablement, comme le permet la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, la question du sursis (cf. JT 1995 IV 37).
40.- En effet, il n'est pas contesté que les conditions objectives du sursis sont réunies. Le Ministère public a cependant requis une peine ferme, en se fondant sur l'absence de réparation à l'égard des plaignants et parties civiles, sur le refus d'exprimer des regrets et sur l'attitude postérieure à l'ouverture de l'enquête de l'accusé, qui a continué à distribuer des livres révisionnistes ou racistes.
Sans doute une telle attitude est-elle des plus antipathiques. On doit toutefois relever que l'accusé plaidait l'acquittement, avec des arguments qui, s'agissant en tout cas de l'art. 27 CP, étaient loin d'apparaître d'emblée comme dénués de pertinence. Dans ces conditions, on ne pouvait guère attendre de lui qu'il s'arrange avec les parties adverses. L'absence de regrets exprimés est par ailleurs certes blâmable, mais elle est déjà prise en considération, on l'a dit, pour la fixation de la peine. Outre qu'elle ne devrait pas influencer doublement le Tribunal en défaveur de l'accusé, elle ne permet pas en soi de conclure que l'accusé ne se soumettra pas aux décisions de justice une fois celles-ci définitives. De même, si l'on peut tenir compte du témoignage de Brigitte Sion pour établir que l'accusé persiste dans des opinions révisionnistes, voire antisémites, on ne saurait dire sur cette seule base, et sans avoir examiné les livres proposés à ce témoin, qu'Aldo Ferraglia ait commis d'autres infractions à l'art. 261 bis CP en cours d'enquête.
Compte tenu par ailleurs du passé jusqu'alors exempt de toute condamnation d'un accusé de 64 ans, le Tribunal estime en définitive ne pas avoir de motif de ne pas poser un pronostic favorable. La peine d'emprisonnement sera dès lors assortie du sursis.
41.- Cela influe forcément sur la quotité de la peine à prononcer. En soi justifiée, voire très sévère, s'agissant d'emprisonnement ferme, la peine requise par le Ministère public apparaît comme insuffisamment dissuasive dans la mesure où elle est finalement assortie du sursis. En définitive, le Tribunal estime dès lors adéquate une durée légèrement supérieure.
42.- L'art. 261 bis CP prévoit comme peine principale l'emprisonnement ou l'amende. Un cumul est donc possible (art. 50 al. 2 CP).et paraîtrait en soi justifié, vu l'octroi du sursis, l'amende devant servir de sanction immédiate. En l'espèce cependant, l'accusé ne dispose que de ressources financières très modestes, dépassant à peine le minimum vital. Il devra déjà supporter des frais de justice et des dépens pénaux très importants. Dans ces conditions, le Tribunal estime en opportunité qu'il n'est pas nécessaire de lui infliger de surcroît une amende.
43.- Le même raisonnement vaut pour une éventuelle créance compensatrice. Les quelque 200 exemplaires du livre de Garaudy vendus ont procuré à l'accusé un chiffre d'affaires total de plusieurs milliers de francs. Il en a retiré un bénéfice net impossible à connaître exactement, mais de l'ordre de quelques centaines de francs si l'on considère qu'il avait une marge brute de fr. 6.70 par exemplaire en cas de vente à un libraire, de fr. 20.- par exemplaire en cas de vente à un particulier, marge brute dont il faudrait encore déduire quelques frais de publicité, voire de transport. On ignore s'il a réalisé un quelconque gain sur les autres livres séquestrés, dans la mesure où l'instruction n'a pas permis d'établir si Aldo Ferraglia en avait effectivement vendu et le cas échéant combien. Quoi qu'il en soit, les conditions pour prononcer une créance compensatrice selon l'art. 59 CP sont en soi réunies. Elle serait cependant forcément modeste et son recouvrement fort aléatoire. En opportunité, il se justifie d'y renoncer, comme le permet l'art. 59 ch. 2 CP. On relèvera que le Ministère public avait d'ailleurs omis de requérir une telle créance.
44.- L'accusé est de nationalité italienne. Par son activité délictueuse, il n'a pas fait montre des vertus de tolérance et d'ouverture à l'autre que les autorités suisses souhaitent voir régner sur le territoire de la Confédération. La question d'une peine accessoire d'expulsion pourrait sérieusement se poser. S'agissant cependant d'un étranger né en Suisse et y ayant toujours vécu, on renoncera en l'espèce à une telle mesure, même assortie du sursis. L'accusé doit cependant être conscient qu'il ne bénéficierait pas nécessairement à nouveau d'une telle bienveillance s'il devait commettre à l'avenir de nouvelles infractions.
45.- Pour les motifs indiqués ci-dessus au ch. 12, les quatre exemplaires séquestrés, soit en mains du Tribunal, soit en mains de l'accusé, du numéro 1 de la revue "La Vieille Taupe", ne contreviennent pas à l'art. 261 bis CP. Ce séquestre sera levé. L'exemplaire en mains du Tribunal ne sera cependant restitué à Aldo Ferraglia qu'après épuisement de toutes les voies de recours éventuelles, suspensives ou non suspensives, afin que les autorités supérieures puissent au besoin consulter ledit ouvrage à titre de pièce à conviction.
L'ensemble des autres ouvrages ou feuillets séquestrés, en mains du Tribunal ou en mains de tiers, sont en revanche des publications contraires à la loi ou, s'agissant des feuillets publicitaires, des objets devant servir à commettre une infraction. Ils compromettent par ailleurs la morale ou l'ordre public, de telle sorte qu'il y a lieu d'en ordonner la confiscation au sens de l'art. 58 al. 1 CP. Vu le nombre relativement modeste des exemplaires séquestrés, même s'agissant de l'ouvrage de Roger Garaudy, il n'y a pas lieu d'en organiser la destruction au sens de l'al. 2 de cette disposition, mais ils pourront rester annexés au dossier.
46.- Les plaignants et parties civiles ont tous requis la publication du jugement. Le Ministère public a renoncé à se déterminer à ce sujet. En soi, une telle mesure, prévue par l'art. 61 CP, se justifierait effectivement s'agissant d'une infraction "d'expression et d'une pensée" commise publiquement. Ses modalités seraient cependant très difficiles à déterminer. Une publication intégrale d'un jugement d'une cinquantaine de pages n'est évidemment pas concevable. La simple reproduction dans la presse du dispositif, qui ne détaille pas les faits dont Aldo Ferraglia est reconnu coupable, ne serait cependant guère explicite et il serait très difficile d'arrêter un résumé à la fois concis et complet.
En opportunité, une telle publication n'apparaît d'ailleurs en l'espèce pas comme indispensable, dans la mesure où ce procès a de toute façon fait l'objet d'une couverture médiatique très importante. On peut raisonnablement compter sur la douzaine de journalistes présents, provenant, de tous les types de médias et de toutes les tendances, pour informer le public d'une manière suffisamment exacte sur le résultat des délibérations du Tribunal. D'autres motifs encore font douter de l'opportunité d'une publication. En particulier, celle-ci ne pourrait de toute façon être exécutée, si elle était ordonnée, qu'à l'échéance d'un recours cantonal suspensif dont le dépôt paraît très probable. Elle risquerait alors d'intervenir à contretemps. Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu'une publication ordonnée par le juge implique des frais non négligeables. Certes, ceux-ci doivent en principe être supportés par le condamné (art. 61 al. 1 CP). Vu les faibles ressources d'Aldo Ferraglia, il existerait cependant un risque sérieux que lesdits frais restent en l'espèce finalement à la charge de l'Etat de Vaud, qui n'a nul besoin d'une telle dépense supplémentaire.
Pour toutes ces raisons, le Tribunal renonce finalement à la publication demandée. Cela n'exclut naturellement pas la faculté pour les plaignants et parties civiles de communiquer à la presse, en tout ou partie, le jugement rendu, qui n'est pas soumis au secret de l'enquête.
47.- Les plaignants et parties civiles ont tous pris des conclusions. Outre à la condamnation de l'accusé, à la confiscation et la destruction des ouvrages séquestrés ainsi qu'à la publication du jugement, elles tendent uniquement à l'allocation de dépens pénaux et, s'agissant de la FSCI, à l'allocation d'une indemnité pour tort moral d'un franc symbolique. Aldo Ferraglia a passé expédient sur cette dernière prétention, ce dont il y a lieu de prendre acte. Pour le surplus, les conclusions en dépens des plaignants et parties civiles sont justifiées et il leur sera accordé à ce titre des montants tenant compte de la difficulté et de l'ampleur particulières de la cause, la somme allouée aux FFDJF, intervenus plus tard au procès, devant à cet égard être légèrement plus faible que celles revenant aux deux associations plaignantes.
48.- L'entier des frais de ladite cause devront en outre être supportés par le condamné.
Par ces motifs,
le Tribunal,
appliquant les art. 36, 41, 58, 63, 261 bis al. 4 CP, 157 et 370 ss CPP :
I.- condamne Aldo FERRAGLIA, pour discrimination raciale, à quatre mois d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans;
II.- lève le séquestre ordonné sur quatre exemplaires de la Revue "La Vieille Taupe" No 1 et ordonne la restitution à Aldo FERRAGLIA de l'exemplaire actuellement en mains du Tribunal, cela après droit connu sur tout recours éventuel, suspensif ou non suspensif;
III.- ordonne la confiscation et le maintien au dossier, à titre de pièces à conviction, de tous les autres ouvrages ou documents séquestrés en cours d'enquête, que ce soit en mains du Tribunal ou en mains de la Librairie Payot, à Lausanne, de la Librairie "L'Age d'Homme" à Lausanne, ou du Grand Passage à Genève;
IV.- prend acte du passé expédient par lequel Aldo FERRAGLIA a adhéré à la conclusion de la Fédération Suisse des Communautés Israélites en paiement d'une indemnité symbolique d'un franc à titre de tort moral;
V.- dit qu'Aldo FERRAGLIA est le débiteur de la LICRA Suisse de la somme de fr. 10 000.- (dix mille francs), à titre de dépens pénaux;
VI.- dit qu'Aldo FERRAGLIA est le débiteur de la Fédération Suisse des Communautés Israélites et de Bernard Geller personnellement, en solidarité active, de la somme de fr. 10 000.- (dix mille francs), à titre de dépens pénaux;
VII.- dit qu'Aldo FERRAGLIA est le débiteur des Fils et Filles de Déportés Juifs de France de la somme de fr. 8 000.- (huit mille francs), à titre de dépens pénaux,
VIII.- met les frais de la cause, par fr. 15,075.- (quinze mille septante-cinq francs), à la charge du condamné.
Ainsi approuvé, rédigé et signé à huis clos.
Nous avons corrigé quelques petites fautes typographiques.
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Nous nous plaçons sous
la protection de l'article 19 de la Déclaration des Droits
de l'homme, qui stipule:
ARTICLE 19
<Tout individu a droit à la liberté d'opinion
et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
Déclaration internationale des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.