AAARGH
La rencontre que fit Henri Roques avec Paul Rassinier le 9 juin 1962, jour où ce dernier lui dédicaca son livre Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles, fut déterminante. Par une étrange prémonition, Paul Rassinier écrivit: "Pour Henri Roques, avec qui j'ai eu le plaisir de faire connaissance, et que j'ai mis au travail aussitôt". Néanmoins, Henri Roques, absorbé par d'autres tâches, attendra près de vingt ans avant de se mettre effectivement au travail.
Au début de l'année 1979, éclate l'affaire Faurisson. Cet universitaire lyonnais publie dans le quotidien Le Monde un article intitulé "La rumeur d'Auschwitz", dans lequel il nie l'existence des chambres à gaz homicides. Ce premier manifeste révisionniste paru dans la presse francaise attire l'attention d'Henri Roques. Le 21 février 1979, le même quotidien, Le Monde, publie une longue déclaration d'historiens; les rédacteurs en sont Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet qui ont obtenu la caution de trente-deux universitaires historiens, parmi lesquels des noms très connus: Pierre Chaunu, Fernand Braudel, Emmanuel Le Roy Ladurie, Jacques Le Goff, Francois Furet (le texte complet se trouve à la page 59 de la thèse ci-après; avec étonnement, on constate que la signature de Georges Wellers, le grand témoin de la conscience juive, n'y figure pas. Il est vrai que Georges Wellers n'est pas universitaire). Dans la déclaration était inséré un seul témoignage, "choisi parmi tant et tant d'autres", selon l'expression des rédacteurs de la déclaration: celui de l'officier SS Kurt Gerstein. Cette déclaration catégorique, contresignée par des historiens fort réputés, incite Henri Roques à se replonger dans les ouvrages de Paul Rassinier qu'il avait un peu oubliés. En effet, il se souvenait que l'historien (décédé en 1967) s'était longuement interrogé sur la nature de ce témoignage et avait conclu à son extravagance. Rassinier avait également remarqué que les versions présentées par différents auteurs n'étaient pas identiques, en particulier que Léon Poliakov, prétendant reproduire des extraits du document Gerstein dans plusieurs de ses ouvrages, donnait des textes qui comportaient des variantes inexplicables, d'autant plus que Poliakov affirmait qu'il s'agissait du même document.
L'extrait du témoignage, inséré dans la déclaration des historiens, se terminait par les deux phrases suivantes, dans le francais approximatif de Gerstein: "Sept cents à huit cents personnes debout, à vingt-cinq mètres carrés, à quarante-cinq mètres cubes. Les portes se ferment". (Nos lecteurs ont compris qu'il s'agit du nombre de personnes entassées dans la chambre à gaz homicide du camp de Belzec, en Pologne).
Henri Roques n'est pas le seul à sursauter à la lecture de la déclaration des historiens et à celle des dernières phrases du rapport Gerstein citées par Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet. Des lecteurs avisés écrivent à leur journal pour lui signaler qu'il est absolument impossible d'entasser vingt-huit à trente-deux personnes sur un mètre carré, même en tenant compte de la présence de nombreux enfants.
Le 8 mars 1979, Le Monde publie une mise au point de Léon Poliakov et de Pierre Vidal-Naquet, précisant que le rapport Gerstein doit être considéré comme "vrai pour l'essentiel", en dépit de nombreux détails erronés. Ils expliquent ces erreurs par le fait que Gerstein était très bouleversé par ce qu'il avait vu à Belzec et aussi par le fait que la précision arithmétique n'était pas le point fort de l'officier SS (pourtant ingénieur de son état).
Henri Roques acquiert très rapidement la conviction qu'il faut tirer au clair cette affaire. La préretraite allant lui laisser prochainement du temps libre, il concoit le projet d'entreprendre des recherches sur le sujet, et il lui vient même l'idée de rédiger une thèse universitaire.
En 1981, Henri Roques entre alors en contact avec le professeur Jacques Rougeot qui enseigne les lettres à la Sorbonne. Il était normal de s'adresser à un professeur de lettres, car il s'agissait d'entreprendre une thèse de critique de textes qui, en majeure partie, avaient été rédigés par Gerstein directement en un francais émaillé de fautes de style et d'orthographe.
Jacques Rougeot a le mérite (ou l'imprudence?) d'accepter, en sachant que ce sujet est en relation avec la question controversée des chambres à gaz homicides. Le professeur et l'élève se mettent d'accord sur le titre: Les confessions de Kurt Gerstein, étude comparative des différentes versions. L'inscription régulière à l'université de Paris IV Sorbonne est datée du 5 février 1982.
Les recherches d'Henri Roques commencent à partir des derniers mois de 1981. Les textes laissés par Gerstein (ou qui lui sont attribués) sont éparpillés dans des archives du monde entier, à savoir les National Archives de Washington, les Archives de l'Eglise évangélique de Bielefeld, en Westphalie, les Bundesarchive de Coblence, etc. En France, Henri Roques présente au ministre de la Défense nationale une demande aux fins de consulter le dossier du "criminel de guerre" Gerstein à la Direction de la justice militaire à Paris. Le ministre, Charles Hernu, aurait pu opposer à H. Roques la prescription de cent ans prévue, sauf dérogation, pour de tels dossiers; Charles Hernu a la sagesse d'accorder au chercheur révisionniste l'autorisation qu'il avait sollicitée. C'est ainsi que des documents inédits enrichiront la thèse qui, à l'époque, s'élaborait.
Au mois de février 1983, Henri Roques apprend que l'historien Alain Decaux prépare une émission télévisée sur l'Obersturmfuehrer Gerstein, "espion de Dieu", et il entre alors en contact avec lui. Alain Decaux paraît très intéressé par son interlocuteur et l'invite à diner.
Alain Decaux souhaitait vivement faire intervenir Henri Roques dans son émission; il doit renoncer à son projet, car l'enregistrement en est presque terminé. En revanche, l'académicien promet à Henri Roques d'exposer le résultat de ses recherches dans son livre à paraître à la fin de l'année 1983, L'histoire en question, 2, à la Librairie Académique Perrin.
L'éminent historien a tenu sa promesse. Il expose dans son ouvrage, avec beaucoup d'objectivité, la position d'Henri Roques dans les pages 308 à 315 de son chapitre consacré à Kurt Gerstein. Il dit notamment: "J'estime que M. Roques est l'homme qui connaît actuellement le mieux l'affaire Gerstein. Même s'il tire de ses recherches des conclusions qui ne sont pas toujours les miennes, j'estime que tous les chercheurs devront désormais tenir compte de ses travaux. D'ailleurs, sur un grand nombre de points, je me trouve d'accord avec lui."
En avril 1984, la thèse est achevée. Pendant deux ans et demi, les utiles conseils de Jacques Rougeot ont été déterminants pour la bonne fin des travaux de recherche et la rédaction définitive de la thèse. Mais le problème qui inquiète Jacques Rougeot et qu'il ne parviendra jamais à résoudre est celui de la constitution du jury. Selon ses propres expressions, le professeur souhaitait un jury "au-dessus de tout soupcon" en raison du "caractère explosif" de la thèse.
Avec l'accord d'Henri Roques, Jacques Rougeot se met à la recherche d'"adversaires loyaux" du révisionnisme historique. Henri Roques lui suggère Pierre Vidal-Naquet. Il semble que les démarches du directeur de thèse n'aient pas abouti. A titre d'exemple, Jacques Bariéty, professeur d'histoire contemporaine à Paris IV, qui avait donné son accord de principe, se récuse quelques semaines plus tard, sans pourtant mettre en cause la qualité scientifique du travail d'Henri Roques. Malgré tous ses efforts, Jacques Rougeot ne parvient pas à convaincre un nombre suffisant d'universitaires pour former un jury. Il informe Henri Roques qu'il n'a trouvé qu'un seul professeur assez courageux pour prendre parti, Francois-Georges Dreyfus, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Strasbourg.
Les mois passent, sans que la soutenance ait lieu. L'année universitaire 1983-1984 s'achève sans changement. En octobre 1984, Henri Roques relance son directeur de thèse sans plus de succès. Au début de l'année 1985, Henri Roques propose à Jean-Claude Rivière, qui accepte, de prendre la succession de J. Rougeot.
Henri Roques avait déjà correspondu avec Jean-Claude Rivière au sujet de sa thèse en raison des compétences de celui-ci dans l'édition de textes. Jacques Rougeot envoie à son tour, avec un soulagement certain, une lettre de désistement. Henri Roques entreprend alors les démarches de transfert du dossier, dans les conditions les plus régulières, de Paris IV Sorbonne à Nantes, où enseigne Jean-Claude Rivière. En effet, contrairement à ce qu'affirmera par la suite le ministre Alain Devaquet sans donner la moindre précision, le transfert et l'inscription à l'université de Nantes ne paraissent pas comporter d'irrégularités.
D'ailleurs, dans un bulletin de l'Agence télégraphique juive daté du 7 juillet 1986, on pourra lire: "M. Paul Malvy, président de l'université de Nantes, et plusieurs responsables de cette université ont estimé jeudi que le rapport d'enquête rédigé par le recteur et repris mercredi par M. Alain Devaquet, ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur, laisse apparaître une ambiguité certaine au niveau de l'attitude des responsables administratifs. Le ministre de la Recherche et de l'Enseignement supérieur a, notamment, donné instruction à M. Malvy de porter plainte contre X pour les faux en écritures que comprend, selon l'enquête, le procès-verbal de la soutenance. Or, lors d'une conférence de presse donnée le jeudi 3 juillet, M. Malvy, en rendant public, à la demande du ministre, le rapport d'enquête, a tenu à préciser que "les services administratifs sont au-dessus de tout soupcon". Dans une motion diffusée le même jour, les chefs de service de l'université ont, par ailleurs, indiqué qu'"il n'a jamais existé aucune connivence entre eux et les organisateurs enseignants de la thèse" et que "la procédure administrative suivie préalablement à la soutenance a été normale pour ce type de thèse". Estimant que les décisions prises dans cette affaire sont de nature à mettre en cause leurs compétences, ils ont, de plus, demandé au ministre de "lever immédiatement toute ambiguité dans ce domaine".
A Nantes, le jury est rapidement constitué. Il réunit, outre le rapporteur de thèse Jean-Claude Rivière (qui peut prétendre assumer cette charge puisqu'il est éditeur de textes au même titre que Jacques Rougeot), un germaniste, le professeur Jean-Paul Allard, qui enseigne à l'université de Lyon-3, et un historien spécialiste de l'histoire contemporaine, le professeur Pierre Zind, qui enseigne à Lyon-2. Il est vrai que Jean-Claude Rivière n'a guère trouvé de collègues suffisamment "intrépides" à Nantes pour participer au jury, notamment parmi les professeurs d'histoire. Paradoxalement, la défaillance des enseignants nantais a, en quelque sorte, renforcé la valeur du jury, puisqu'il était composé de trois professeurs appartenant à des universités différentes.
A titre uniquement consultatif, Jean-Claude Rivière a jugé bon de s'adjoindre la compétence d'un assistant d'histoire contemporaine, Thierry Buron, qui, n'ayant pas son doctorat d'Etat, ne pouvait ni appartenir au jury, ni participer aux délibérations.
Du commencement de l'année 1985 au mois de juin de la même année, Jean-Claude Rivière étudie avec sérieux la thèse, demande à Henri Roques des modifications que Jacques Rougeot n'avait pas suggérées, et plusieurs pages sont ainsi refaites en conséquence. Les services administratifs de l'université de Nantes ont accepté au mois de mars la soutenance en vue d'un doctorat d'université à condition que la date de cette soutenance soit fixée avant le 30 juin 1985 (en raison du changement, à cette date, du régime des doctorats). Jean-Claude Rivière fixe alors au 15 juin la date de la soutenance.
Cette soutenance semble s'être déroulée dans des conditions normales. Selon Jean-Claude Rivière, une affiche a été apposée aux endroits habituels, avec l'indication de la salle et de l'heure. Outre les trois membres du jury et Henri Roques, quelques amis du candidat qui avaient fait le voyage, des collègues de Jean-Claude Rivière, des personnes inconnues et des étudiants de l'université de Nantes, au total, d'après notre enquête, une quarantaine de personnes, chiffre plus qu'honorable, car beaucoup de soutenances se déroulent devant une demi-douzaine d'auditeurs.
Selon l'usage, la porte de la salle est restée ouverte durant les trois heures de soutenance. Cela n'a pas fait apparaître pour autant Thierry Buron, qui s'est décommandé trois jours avant. Cet assistant en histoire contemporaine avait agi correctement après avoir tenu son rôle de consultant puisque la thèse fut en sa possession durant environ quatre semaines. La lettre qu'il adressa à Henri Roques exprimait tout l'intérêt qu'il avait trouvé à la lecture de cette thèse. Quoi qu'il en soit, aucun des membres du jury n'a considéré avec inquiétude l'absence de ce jeune collègue qui n'était invité qu'en surnombre.
Le nom de Buron figure pourtant sur le procès-verbal comme membre consultatif. Il est courant dans la pratique administrative de dactylographier à l'avance les procès-verbaux de ce type, à charge de les compléter à la main pour les données qui demeurent incertaines. Ainsi, le procès-verbal de la soutenance de doctorat d'Henri Roques comporte, à la main, les formules: "docteur de l'université de Nantes", "mention très bien", ainsi que la date précise de la soutenance.
Thierry Buron n'a donc pas signé le procès-verbal, non seulement en raison de son absence, mais vraisemblablement aussi par le fait qu'il n'était pas membre de plein droit du jury pour les raisons mentionnées précédemment.
En tout cas, la signature de Thierry Buron n'était pas nécessaire sur le procès-verbal. Ultérieurement, une fausse signature a été apposée, signature pour laquelle le doyen Malvy, d'une part, Jean-Claude Rivière et Jean-Paul Allard, d'autre part, ont porté plainte pour faux et usage de faux. La question se pose donc de savoir à qui profite le "crime". Certainement pas au candidat et encore moins aux membres du jury. Pour cette raison, les conclusions de l'enquête administrative ultérieure nous paraissent pour le moins hâtives.
Suivant l'usage, Henri Roques a remis à son rapporteur deux exemplaires de sa thèse afin qu'ils soient déposés à la Bibliothèque universitaire de Nantes.
Dans les tout premiers jours d'octobre 1985, un communiqué de presse adressé à l'AFP, à l'ACP et à quelque cent cinquante journalistes et historiens a porté à leur connaissance l'objet de la thèse et le résultat de la soutenance. Des commandes de thèse ont rapidement afflué et ont été satisfaites, notamment auprès du CDJC (Centre de documentation juive contemporaine), dont Georges Wellers est le directeur de la commission historique, et auprès de Pierre Joffroy, auteur du livre "Kurt Gerstein, espion de Dieu".
Fort curieusement, la seule et unique réaction à cette thèse pour le moins explosive est due à Robert Poulet, qui publia dans Rivarol (numéro du 25 octobre 1985) un article très favorable intitulé: "Un pas de plus vers la vérité".
Il faudra attendre janvier 1986 pour que paraisse dans un périodique de Lausanne, Le Pamphlet, un article très modéré rendant hommage à l'objectivité de la thèse et signé de Mariette Paschoud, professeur d'histoire. La seule réaction hostile à cet article fut l'oeuvre d'un rédacteur de La Gazette de Lausanne; Mariette Paschoud répondit avec une grande pondération dans le numéro du mois suivant.
En France, c'est Le Monde juif (numéro de janvier/mars 1986), revue publiée par le CDJC, qui ouvre le débat. Il propose à ses lecteurs un article très vif de Georges Wellers (pages 1 à 18, dont huit pages d'appendice et de bibliographie) qui n'en rend pas moins compte de la masse considérable de travail accompli par Henri Roques. Travail qualifié, en outre, de minutieux. Le numéro du Monde juif est abondamment distribué à l'université de Nantes, où chaque professeur en trouve un exemplaire dans sa case postale, vers la mi-avril 1986.
Par une étrange et paradoxale coincidence, Henri Roques recoit à son domicile, à peu près en même temps, une lettre de l'université de Nantes datée du 18 avril 1986. Que dit cette lettre? Elle informe simplement Henri Roques que son diplôme de Docteur d'université est à sa disposition au bureau de la scolarité.
Il n'est pas possible de faire savoir plus clairement que tout est en ordre et qu'aucun scandale ne couve!
Le 30 avril 1986, le quotidien Ouest-France, dans son édition de Loire-Atlantique, publie un article sous le titre: "Après Faurisson, un chercheur soutient à Nantes que l'existence des chambres à gaz nazies n'est pas prouvée". A la suite de cet article, les tracasseries de tout ordre vont accabler le professeur Jean-Claude Rivière. Le 5 mai, dans le même quotidien, le doyen Paul Malvy, administrateur provisoire de l'université de Nantes, fait connaître son sentiment sur cette affaire. Il déclare en substance que la lecture de la thèse l'a profondément troublé et "qu'il n'y a, hélas, aucune ambiguité sur la conclusion qui ressort de l'analyse des textes étudiés". Malheureusement, nous n'en saurons pas plus, le doyen réservant ses appréciations pour lui-même. A-t-il jugé la conclusion bonne ou abusive?
Dans son numéro du 15 mai, La Tribune, un hebdomadaire de gauche de Loire-Atlantique, offre à ses lecteurs trois pages d'enquête sur le thème "Mention Très Bien pour une thèse niant les chambres à gaz". Dans un sous-titre, on peut lire: "A nouveau, un historien révisionniste tente d'instiller le doute sur le génocide perpétré dans les camps de concentration. Mais il a, cette fois, première en France, la caution d'une université, celle de Nantes, avec mention Très Bien". Est-ce cette enquête qui met la puce à l'oreille des journalistes d'Europe 1? Toujours est-il qu'au journal de 18 heures du 22 mai, on signale l'existence de la "scandaleuse thèse de Nantes".
A la suite de quoi Henri Roques est interviewé par les radios et les télévisions, et invité à l'émission de Jean-Pierre Elkabbach, Découvertes. Le débat se déroule le vendredi 23, de 18 à 20 heures, en présence de Claude Lanzmann (cinéaste et réalisateur du film Shoah), Georges Wellers (déjà cité), Jean-Claude Pressac (pharmacien), Me Bernard Jouanneau (avocat), Jacques Tarnero (journaliste), et Roger Deweck (correspondant du journal allemand Die Zeit). Interviennent dans l'émission par téléphone: Simone Veil (député européen) et deux ministres, M. Noir et A. Devaquet. Face à cet important aréopage, H. Roques et Me Eric Delcroix. On ne peut pas dire qu'il se soit agi d'un authentique débat, la thèse n'ayant pu ni être exposée ni faire l'objet d'une critique honnête. C'est dans un climat totalement passionné que cette confrontation a lieu. En effet, comment interpréter autrement l'injure proférée par un homme comme Claude Lanzmann qui, perdant tout sang-froid, lance à H. Roques: "Sale gueule de rat"? Ces excès ont peut-être contribué à asseoir la crédibilité de la thèse d'Henri Roques auprès d'un vaste public.
André Frossard, ne voulant pas être en reste, consacre dans Le Figaro, dans un style plus courtois, trois de ses rubriques "Cavalier seul" (23 et 24 mai, 14-15 juin) à ce qui va devenir "l'affaire Roques".
Le 24 mai, toute la presse nationale traite le sujet (Libération, Le Matin, Le Quotidien de Paris, Le Monde). La semaine suivante, les hebdomadaires prennent le relais des quotidiens: Le Nouvel Observateur, L'Express, Le Point. Tous ces journaux manifestent une complète unanimité; il s'agit d'une mise en coupe réglée de la thèse d'Henri Roques. Les arguments avancés, dans le meilleur des cas, s'en tiennent à la thèse qui, manifestement d'ailleurs, n'a pas été lue; dans le pire des cas, on s'en prend à l'auteur lui-même en rappelant perfidement ses activités politico-journalistiques, d'ailleurs modestes, remontant à vingt-cinq ans.
Toutefois, il faut noter qu'au milieu de ce concert très négatif pour les thèses révisionnistes, seul Le Figaro a eu l'honnêteté de publier trois lettres de lecteurs favorables à Henri Roques, dans ses numéros du 29 mai et du 5 juin.
Le 30 mai, le directeur de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, Francois Bédarida, réunit plusieurs auteurs francais et étrangers, dont Georges Wellers, Pierre Vidal-Naquet, Saul Friedlander, Jean-Pierre Azéma, Harry Paape, Harlem Désir (mais nous ne savons pas à quel titre), le grand rabbin Sirat et Mme Ahrweiler. Les conclusions de cette table ronde sont catégoriques: la thèse de Nantes est absolument nulle.
Face à cette hostilité quasi-générale, à l'exception de Francois Brigneau dans le quotidien Présent, et de l'hebdomadaire Rivarol, Henri Roques exerca son droit de réponse dans Le Monde (du 20 juin) et Le Quotidien de Paris (du 23 juin).
Il convient de noter que Jean-Paul Allard, président du jury de thèse, adressa à tous les journaux une mise au point très ferme concernant l'objet même de la thèse, à savoir les "confessions" de Kurt Gerstein, et les conditions dans lesquelles s'était déroulée cette soutenance. Il ne trouvera d'écho que dans Le Matin de Paris (9 juin), Le Figaro (12 juin) et Rivarol (13 juin).
Si l'on peut comprendre la réaction de ceux qui ont souffert et celle de leurs descendants, on s'étonne toutefois devant l'ampleur de l'hostilité que suscite une thèse qui ne vise qu'à démontrer que l'on a peut-être accordé au document Gerstein une confiance excessive. En effet, la thèse d'Henri Roques n'a jamais eu comme intention seconde de nier l'existence des chambres à gaz homicides. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'Henri Roques peut faire état de deux soutiens particulièrement représentatifs: le premier est celui de Michel de Bouard, historien, membre de l'Institut, ancien doyen de la faculté des lettres de Caen, ancien déporté NN à Mauthausen au titre de la Résistance, commandeur de la Légion d'honneur, médaillé de la Résistance, membre du Comité d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale 1946 à 1981, membre actuel de l'Institut d'Histoire du Temps Présent (commission Résistance et déportation). Michel de Bouard n'a pas hésité à écrire à Henri Roques que, s'il avait été sollicité pour participer au jury, il aurait certainement accepté, considérant qu'un tel travail était utile et justifiait amplement le titre de docteur d'université.
Le deuxième soutien est celui de l'éminent historien Alain Decaux, membre de l'Académie francaise, qui, après avoir lu intégralement la thèse, a confirmé à Henri Roques le jugement flatteur qu'il avait porté sur son travail dans le chapitre de son livre L'histoire en question, 2, consacré à Gerstein, "espion de Dieu". Alain Decaux a toutefois précisé à Henri Roques que lesconclusions auxquelles il aboutissait pouvaient être contestées, mais qu'elles n'étaient en aucun cas abusives.
Le 2 juillet, le ministre Alain Devaquet tient une tapageuse conférence de presse, au cours de laquelle il livre les conclusions de l'enquête administrative menée par le recteur de l'Académie de Nantes, conclusions qui, faisant état d'irrégularités administratives que beaucoup jugent peu convaincantes, amenaient le ministre à annuler, non pas la thèse, mais simplement la soutenance. Pour la première fois dans l'histoire de l'université francaise, une soutenance est annulée pour vice de forme. Ceci vaudra à un collaborateur du journal Libération de rapporter les propos suivants tenus par un enseignant de l'université de Nantes: "S'il faut annuler toutes les thèses bidon, sur des sujets douteux, soutenues devant des jurys de complaisance, il faut en annuler tout de suite au moins trois cents". S'il faut, de surcroît, annuler toutes les thèses qui dérangent, à quel total parviendrions-nous? Dès le 4 juillet, on peut lire dans Le Quotidien de Paris, sous la plume de Gérard Leclerc: "Alain Devaquet a-t-il outrepassé ses droits en réclamant l'annulation de la thèse d'Henri Roques? Un débat sur la franchise des universités".
Dans le même journal, on peut noter deux réactions des plus significatives:
-- celle du Premier ministre Jacques Chirac qui, par l'intermédiaire de son porte-parole, s'est déclaré "outré par le sujet, le manque de sérieux de la thèse et le ton adopté";
-- celle du Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles, qui se réjouit de la décision du ministre francais et ajoute: "Cette mesure montre que la France reconnaît [...] sa responsabilité envers les victimes de l'Allemagne nazie".
M. Chirac n'a pas, semble-t-il, été "outré" par le "manque de sérieux" du communiqué du centre Simon Wiesenthal, pas plus d'ailleurs que par "le ton adopté".
Interrogé par les médias, après les mesures prises par le ministre, Henri Roques a déclaré: "Ce qui me scandalise, c'est la suspension qui frappe le professeur Jean-Claude Rivière qui a eu un comportement courageux en acceptant d'être le rapporteur de ma thèse après le désistement de Jacques Rougeot. Quant à moi, j'accueille l'annulation de ma soutenance avec un grand éclat de rire. Je constate que, incapable de critiquer ma thèse sur le fond, ce qui aurait été normal dans un pays où le délit d'opinion n'existe pas, on s'est contenté de chercher des vices de forme dans les procédures administratives. Cela me fait penser au proverbe: "Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage". Avec ou sans label universitaire, ma thèse désormais existe et, avec la publicité qui lui a été faite, je pense que nombreux seront ceux qui souhaiteront la lire". L'argument d'Henri Roques est vrai. Aucune réfutation sérieuse des thèses de ce chercheur n'a été proposée à la presse. Au cours de notre enquête, divers professeurs d'histoire (qui ont tous demandé l'anonymat!) nous ont fait part de leur désarroi. Le contenu de la thèse d'Henri Roques heurte les convictions profondes de la plupart, mais ils n'ont aucun argument rationnel à lui opposer. S'agit-il là d'une attitude responsable? Il serait plus bénéfique pour l'opinion publique qu'un vrai débat puisse s'ouvrir, et non pas un simple échange d'invectives. Ce dossier veut être un premier pas dans cette direction.
Dans les mois suivants, l'affaire Roques a continué à soulever les passions. Quelques dates jalonnent les prolongements de cette étrange affaire:
Le 30 juillet 1986, dans un grand hôtel parisien, Henri Roques tient une conférence de presse; Mariette Paschoud, ce professeur de Lausanne qui fut, bien avant le "scandale", l'une des premières à rendre hommage à l'objectivité de l'auteur de la thèse, avait accepté de présider cette conférence; la télévision suisse romande ne manqua pas de déléguer son correspondant parisien pour interviewer Mariette Paschoud et Henri Roques. Les organisateurs de la réunion n'avaient pas jugé utile de prévoir un service d'ordre; s'ils l'avaient fait, on n'aurait pas manqué de le leur reprocher, en invoquant leurs "méthodes totalitaires".
Il est donc très aisé à "S.O.S. Racisme" d'introduire dans la place vingt à trente membres de son association; la plupart sont des adolescents encadrés par quelques "lieutenants" d'Harlem Désir. Peut-être ces censeurs vigilants pensent-ils opposer à un "vétéran nostalgique du nazisme" la jeunesse de leurs militants. Ils en sont pour leurs frais, car ils trouvent, aux côtés d'Henri Roques, une jeune enseignante venue spécialement de Lausanne pour le soutenir, ainsi qu'un des animateurs des éditions Polémiques, qui a moins de 30 ans. Les "potes" de S.O.S. Racisme font un beau chahut qui étonne fort la plupart des journalistes présents, notamment les correspondants de la presse étrangère.
Après une heure et demie d'obstruction, la police alertée se décide à faire quitter la salle aux perturbateurs. En quelques secondes, le calme revient et la conférence de presse peut se dérouler normalement. Un certain nombre de journalistes suivent les "potes", soit par solidarité idéologique, soit par lassitude, soit encore par obligation professionnelle. Cependant, il reste un nombreux auditoire, au premier rang duquel on remarque la présence de correspondants de presse égyptien, libyen, syrien, chinois, polonais et américain. Nul doute que plus d'un auditeur s'est alors interrogé avec perplexité sur le prétendu racisme d'Henri Roques et sur le prétendu antiracisme des séides d'Harlem Désir.
Henri Roques expose longuement ses motivations aux journalistes présents qui lui posent de nombreuses questions; puis il annonce qu'il a lancé une contre-offensive judiciaire, à savoir: un recours en excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Nantes en vue de retrouver son titre universitaire; des procès devant des juridictions parisiennes contre l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur et contre le quotidien Libération pour injures et diffamation.
Les 1er, 2/3 août 1986 paraissent dans le quotidien Ouest-France deux articles qui marquent un tournant d'une extrême importance dans l'"affaire". Dans le cadre d'une enquête due à Jacques Lebailly, l'historien Michel de Bouard, précédemment cité, prend publiquement position en faveur de la thèse de Nantes; il n'hésite pas à écrire: "Si j'avais fait partie du jury, j'aurais probablement donné la mention très bien à la thèse de M. Roques". Plus loin, l'éminent membre de l'Institut, lui-même ancien déporté, ajoute: "La thèse est une bonne édition critique. Il est vrai qu'on y sent parfois une certaine... partialité, mais quelle est la thèse qui n'en comporte pas? Une thèse n'est pas un catéchisme! Une thèse, ca se discute...".
Dès le début du mois d'août 1986 éclate en Suisse l'"affaire Paschoud". Après avoir présidé la conférence de presse d'Henri Roques, Mariette Paschoud est retournée dans le canton de Vaud, où elle a affronté une campagne de presse d'une extrême violence. Professeur de francais et d'histoire dans un lycée de Lausanne, Mariette Paschoud est, en outre, capitaine dans le service auxiliaire féminin de l'armée helvétique, et même juge militaire suppléant. Ces différents titres accroissent le "scandale". Le ton est donné par le grand rabbin de Lausanne qui exprime son indignation de voir un membre de l'enseignement public vaudois (apparemment au-dessus de tout soupcon) apporter son soutien à un "faussaire" (sic). Une enquête administrative est ouverte et Mariette Paschoud immédiatement privée, à titre provisoire, de son enseignement de l'histoire. Nous verrons ultérieurement que l'affaire n'en est pas restée là!
L'année 1986 sera-t-elle appelée celle du révisionnisme en France et, nous venons de le voir, chez ses plus proches voisins?
C'est encore au mois d'août, traditionnellement consacré aux vacances, que la presse s'empare de l'"affaire Konk". Ce dessinateur qui gagna sa réputation en collaborant au journal Le Monde avant de rejoindre l'équipe de l'hebdomadaire L'Evénement du Jeudi, fait paraître en juin 1986 un album de bandes dessinées: Aux voleurs!. Le lecteur y découvre dans les dernières pages des dessins accompagnés de légendes que ne désavouerait pas le professeur Faurisson. Cela suffit pour alimenter les rubriques de plusieurs journaux qui ne manquent pas de disserter sur le thème "Konk-Roques, même combat". Le mois d'août se termine par la publication d'une enquête dans Le Matin intitulée: "Comment les émules d'Henri Roques préparent la rentrée à l'université de Nantes".
Dans ce même quotidien, Le Matin, on peut lire, le 13 septembre 1986, la lettre d'un lecteur prestigieux: Alain Decaux. L'académicien, "abonné de toujours au Matin", précise-t-il, a été surpris de lire dans son quotidien préféré qu'il "approuvait toutes les thèses de M. Roques". Alain Decaux fait donc une "longue mise au point". "J'ai trouvé le travail de M. Roques remarquable et je l'ai écrit", déclare-t-il, et il ajoute: "La consultation que j'ai pu faire de la presse quotidienne et hebdomadaire, l'audition des radios et des télévisions m'ont persuadé que je dois être probablement l'un des rares à avoir lu la thèse".
L'historien explique par la suite qu'il ne partage pas toutes les conclusions d'Henri Roques; on peut penser qu'à l'instar de Michel de Bouard, son collègue à l'Institut de France, il estime qu'"une thèse n'est pas un catéchisme".
Le 1er octobre 1986, Me Delcroix, avocat d'Henri Roques, plaide devant la 1e chambre civile contre l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur qui a qualifié l'auteur de la thèse de "faussaire de Nantes".
Par jugement rendu le 5 novembre, l'hebdomadaire est condamné pour injure, car il n'a pu présenter aucun exemple de falsification.
Le jugement est définitif, Le Nouvel Observateur ayant renoncé à faire appel.
La télévision s'intéresse à l'"affaire" sur le même ton que les journaux poursuivis en justice par Henri Roques. TF1 programme le 7 octobre 1986, en soirée, son émission "Contre-enquête", au cours de laquelle le premier sujet traité s'intitule: "Devoir de réponse". A cette occasion, l'hebdomadaire L'Evénement du Jeudi titre dans sa rubrique de télévision: "Contre-enquête répond à Henri Roques". Même si les noms de l'auteur de la thèse et de l'université où cette thèse fut soutenue ne sont pas donnés à l'antenne, les intentions de la réalisatrice sont sans ambiguité. Relevons seulement une affirmation particulièrement absurde lue au cours de l'émission et présentée comme extraite de la thèse: "Aucun Tzigane n'était dans les chambres à gaz, puisque aucun n'en est revenu pour témoigner. Donc, les chambres à gaz n'ont pas existé". Il est aisé au lecteur de la thèse de constater que cette élucubration malsaine n'a jamais été énoncée par Henri Roques. En revanche, ces deux phrases avaient été imprimées, quelques semaines plus tôt, dans L'Evénement du Jeudi pour "stigmatiser" le travail universitaire couronné à Nantes.
Le commencement du mois de novembre est marqué par plusieurs événements. Le 5, comme nous l'avons dit précédemment, la 1re chambre civile condamne Le Nouvel Observateur et, le même jour, un procès est plaidé devant la même juridiction contre le quotidien Libération.
Ce sont deux affaires identiques puisque l'une et l'autre publications ont traité Henri Roques de "faussaire". Paradoxalement, on saura le 7 janvier 1987 que le quotidien Libération bénéficie de la bonne foi et Henri Roques, gagnant contre l'hebdomadaire, se retrouvera débouté devant le quotidien de gauche. Mystère insondable de la justice! A toutes fins utiles, pour que le lecteur puisse comprendre comment se rend la bonne justice, il lui est recommandé de lire l'ouvrage explosif d'André Giresse, président durant dix ans de la cour d'assises de Paris, Seule la vérité blesse, qui met en pièces les dernières illusions que peut entretenir tout citoyen de bonne foi à l'égard de la justice. Il reste des magistrats intègres; l'exemple d'André Giresse l'atteste.
Le 6 novembre a lieu l'"escapade" à Genève d'Henri Roques et de Pierre Guillaume (directeur de la maison d'édition La Vieille Taupe). Quelque temps auparavant, la télévision suisse romande avait fait des travaux d'approche pour amener devant ses caméras l'auteur de la thèse de Nantes et l'éditeur du professeur Faurisson. De leur côté, des révisionnistes de Genève (mais oui, ils sont partout!) proposent de louer une salle pour tenir une conférence de presse dans la cité de Calvin. Henri Roques et Pierre Guillaume se présentent à la porte d'une salle de l'Union chrétienne des jeunes gens, le 6 novembre en début de soirée; les journalistes sont au rendez-vous avec des mines à la fois effarouchées et gourmandes: effarouchées, car il est inconvenant pour de bons Suisses de prêter l'oreille aux propos du Diable; mais aussi gourmandes, car il est tentant de rédiger le soir même un article pour dénoncer le scandale perpétré dans les murs de leur bonne ville.
Les révisionnistes venus de Paris apprennent que le directeur de la salle de l'U.C.J.G. rompt le contrat de location, sous prétexte que sa bonne foi a été surprise. Par ailleurs, les journalistes révèlent que, dans la journée, Bernard Ziegler (chef du département de Justice et Police) les a convoqués pour leur faire savoir qu'il ressortait des oubliettes un arrêté du Conseil fédéral daté de 1948, arrêté déjà utilisé quelques mois plus tôt pour empêcher la venue à Genève de Jean-Marie Le Pen. Que dit cet arrêté? Simplement que les étrangers sont soumis à autorisation préalable s'ils souhaitent prendre la parole en Suisse sur un sujet politique. Le révisionnisme est-il politique? Certainement pas, puisqu'il a pour but d'étudier des faits qui remontent à plus de 40 ans. Il s'agit d'histoire et non pas de politique. La présence côte à-côte d'Henri Roques, qui n'a jamais fait mystère de ses idées de droite, et de Pierre Guillaume, militant de l'ultra-gauche depuis un quart de siècle, apporte la preuve du caractère extra-politique du révisionnisme.
Les représentants de la presse romande expliquent alors aux conférenciers que, même pour le Diable, il y a des arrangements avec le ciel. Ils les dirigent donc vers une salle de café en sous-sol où, justement (!), les caméras de télévision sont installées.
Deux inspecteurs de police se présentent fort courtoisement et remettent à H. Roques et P. Guillaume une lettre signée de B. Ziegler et adressée à un Genevois inconnu qui avait retenu la salle de l'U.C.J.G. en utilisant un pseudonyme. Les futurs orateurs rassurent les policiers sur leurs intentions et ces derniers s'installent tranquillement au fond de la salle pour veiller à ce que les interdits du fameux arrêté fédéral ne soient pas violés. A aucun moment les inspecteurs n'auront à intervenir; ils feront ultérieurement un rapport précisant que les exposés qu'ils ont entendus traitent uniquement de la thèse soutenue par H. Roques.
Les journalistes romands manifestent ce soir-là un étrange manque de curiosité; ils ne trouvent qu'une seule question à poser: qui vous a invités? On aurait compris que les policiers posent cette question, mais des journalistes...!
Tour à tour, H. Roques et P. Guillaume prennent la parole; ils ont des sensibilités différentes pour aborder le même problème, mais cela fait seulement ressortir la richesse du révisionnisme qui n'oblige personne à se couler dans un moule préétabli.
Une jeune rédactrice du quotidien La Suisse fait une tentative d'esclandre avant de quitter la salle; pour elle, disserter sur le problème des chambres à gaz en incitant au doute, c'est faire de l'antisémitisme, donc commettre l'acte le plus impardonnable. Elle s'attire cette réplique d'Henri Roques que l'on retrouvera le lendemain dans son journal: "Dans notre société permissive, on peut tout dire, on peut tout faire, sauf mettre en doute l'existence des chambres à gaz!"
Dès le lendemain, H. Roques et P. Guillaume s'en retournent à Paris; ils emportent en souvenir une affichette apposée le matin même devant les kiosques à journaux de Genève. Que lit-on sur cette affichette? "Orateurs hors la loi", "Antisémitisme dans nos murs".
Dans les derniers jours de novembre, Henri Roques se rend en Allemagne à l'occasion de la sortie de son livre; la thèse est proposée aux lecteurs allemands dans une version allégée; on y trouve des avant-propos de l'éditeur et de l'auteur, ainsi qu'un dossier sur l'"affaire". A Munich et dans la région de Mannheim, Henri Roques, accompagné de son interprète-traducteur, Gunter Deckert, prend la parole devant des auditoires attentifs. Peu d'échos dans la presse.
Avant la trêve de Noel, deux événements se produisent: le 3 décembre, l'Office fédéral des Etrangers à Berne, à la demande du département de Justice et Police à Genève, frappe H. Roques et P.Guillaume d'une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée de trois ans. Des recours contre cette mesure sont déposés à Berne par un conseiller juridique. L'affaire suit son cours. A peu près à la même date, l'un des protagonistes de l'"affaire Roques" (et non des moindres), Alain Devaquet, en proie à la colère estudiantine, est contraint d'abandonner son poste de ministre délégué à la decherche et à l'enseignement supérieur. Le quotidien Le Monde (numéro du 4 déc. 1987, p. 6) publie un long article destiné à verser quelque baume dans le coeur de ce fils de boulanger vosgien parvenu par son travail acharné (sic) à trouver sa place sous les lambris ministériels. Alain Devaquet, "l'homme-charnière", écrit le rédacteur du quotidien vespéral; il est triste, Alain Devaquet, comme le sont les incompris, mais il a pour lui la pureté de ses intentions et la satisfaction du devoir accompli... "Et puis, il caresse de la main l'épais dossier de lettres de félicitations recues après avoir pris une position très en flèche (sic) sur l'affaire de la thèse de Nantes, qui tentait de nier la réalité des chambres à gaz. Et cela se passe de mots".
Toutefois, Devaquet lui-même nuancera le satisfecit qui lui a été décerné. En mars 1987, il s'épanche dans le giron de Patrick Poivre d'Arvor qui le questionne pour Le Journal du Dimanche; il laisse entendre que "sa très sévère condamnation de la thèse Roques sur les camps de concentration (!) à l'université de Nantes, si elle fut très appréciée par la plupart, lui a aussi valu de farouches animosités". Pour nous qui avons recueilli l'avis d'éminents universitaires de toutes disciplines, et notamment d'universitaires historiens, ce n'est pas une révélation. 1987 enterre joyeusement l'année 1986, celle où éclata l'affaire Roques, qui, elle, est loin d'être enterrée. En janvier, on plaide le 7 et le 19 devant la 17e chambre correctionnelle; le quotidien Libération est à nouveau poursuivi par H. Roques cette fois pour diffamation publique à cause d'un article publié dans le numéro du 24 mai 1986 annoncé en page de couverture de la manière suivante: "Des mandarins priment une thèse antisémite". Parmi les témoins cités par Libération, on remarque deux enseignants nantais dont les noms évoquent la Provence et les comédies de Labiche: l'un s'appelle Tartarin et il enseigne le droit; l'autre s'appelle Bridonneau et il fut, avant la retraite, assistant en sciences économiques. Pour M. Tartarin, "la thèse reflète un antisémitisme fondamental, qui, certes, ne ressort pas de chaque phrase prise isolément, mais d'un ensemble de procédés, d'une démarche dont le résultat est révélateur".
Le professeur Tartarin nous rappelle ces commercants qui déclarent vendre à perte leur marchandise au détail mais comptent bien se rattraper sur la quantité. Quant à M. Bridonneau, ancien déporté, il proclame devant le tribunal: "C'est eux ou nous. Si les révisionnistes ont raison, alors nous avons tort. Nous sommes des menteurs". M. Bridonneau place le débat sur un terrain purement émotionnel qui fait fi des arguments rationnels, et il oublie que les quarante années passées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale autorisent un certain recul à l'égard des événements passés, si douloureux soient-ils.
Le tribunal est pourtant sensible à de tels témoignages; il est également touché par les plaidoiries de Mes Leclerc et Lévy; habituels défenseurs de Libération, ils comptent, parmi leurs clients, le héros de la rébellion contre la société répressive, Roger Knobelspiess. Toujours est-il que, par jugement du 18 février, les juges admettent que "la preuve parfaite et complète des faits diffamatoires n'a pas été rapportée par les prévenus"; toutefois, compte tenu du "climat de stupeur et d'émotion intense" qui régnait lorsque l'article incriminé parut, H. Roques est débouté. Henri Roques use assez rarement de son droit de réponse; il lui faudrait un secrétariat particulier pour faire face à toutes les occasions qui lui sont offertes. Cependant, l'auteur de la thèse ne manque pas d'exercer son droit de réponse à l'égard de la revue de l'association des professeurs d'histoire et de géographie Historiens et géographes, revue dans laquelle il avait été violemment pris à partie. Le texte d'Henri Roques est publié dans le numéro de décembre 1986; la rédaction de la revue ajoute quelques commentaires: "Nos amis Alain Decaux et Georges Wellers ont en effet reconnu les mérites du travail littéraire de H. Roques qui a réuni, comparé et confronté tous les rapports concernant Gerstein. Cela est incontestable. Mais Georges Wellers comme Alain Decaux n'approuvent pas les conclusions de cette étude". La réplique à ces commentaires a été donnée à l'avance par l'historien Michel de Bouard qui, rappelons-le, a déclaré: "Une thèse n'est pas un catéchisme".
Le changement de ton adopté par l'association des professeurs d'histoire marque un début de compréhension dans une affaire qualifiée de scandaleuse sans le moindre examen préalable. L'hebdomadaire Rivarol, fidèle soutien de la thèse de Nantes, écrit à ce propos: "L'histoire se fait lentement, mais elle se fait tout de même" (numéro du 6 mars 1987).
En février 1987, à l'ouest, du nouveau: à Nantes, l'affaire Delaporte. A l'est, également: à Lausanne, les suites de l'affaire Paschoud.
Qu'est-ce que l'affaire Delaporte? André Delaporte est un historien, docteur d'Etat, qui brigue un poste de professeur à l'université de Nantes; il remplit les conditions requises et ses pairs souhaitent l'accueillir parmi eux. Fort bien, mais ce professeur Delaporte sent le fagot révisionniste. A vrai dire, sa thèse "révisionniste" porte sur l'"Idée d'égalité au XVIIIe siècle", ce qui est très éloigné du sujet "sulfureux" choisi par Henri Roques. L'historien fort connu, Pierre Chaunu, membre de l'Institut, dont l'ardent révisionnisme s'applique exclusivement aux événements antérieurs à 1815, soutient André Delaporte. Certes, Pierre Chaunu est une référence respectable, mais les professeurs Yves Durand et Jean-Claude Rivière siégeaient dans le jury de thèse du candidat Delaporte; en outre, ce dernier est connu pour ses idées de droite; il a même eu l'imprudence de confier quelques articles à une publication ultra-nationaliste.
Le quotidien Libération, toujours prêt à dénoncer des complots imaginaires, titre le 7 février: "Un émule d'Henri Roques à l'université de Nantes". L'Evénement du Jeudi (semaine du 26 février au 4 mars 1987) pose une question angoissante: "La contre-révolution passe-t-elle par la fac de Nantes?". Il est évident, pour les belles consciences de la gauche bien pensante, que la contre-révolution ne passera pas plus que le "fachisme", ni à Nantes, ni ailleurs. A Lausanne également, les médias qui fabriquent l'opinion appellent à la mobilisation contre la "scandaleuse" Mariette Paschoud. D'abord, "on" trouve que les conclusions de l'enquête administrative ouverte à son sujet sont bien longues à venir. "Consternant", s'afflige l'éditorialiste de La Gazette de Lausanne, qui aurait souhaité que "la question soit réglée en 48 heures".
A l'heure de grande écoute (20 h 05), le 19 février, les téléspectateurs de la télévision suisse romande sauront tout, tout, tout sur le... révisionnisme grâce à l'émission Temps présent.
André Frossard a acquis sa célébrité "en rencontrant Dieu"; il semble que la TSR se soit inspirée de son exemple. "Le Diable existe, je l'ai rencontré", tel apparaît le leitmotiv de l'émission. Le Diable? C'est peut-être Henri Roques qui, par la séduction malsaine de sa thèse, a détourné de ses devoirs de réserve une jeune fonctionnaire de l'enseignement public vaudois. Le Diable? Il prend également l'aspect du professeur Faurisson, maître à penser du révisionnisme francais, qui vint prendre la parole en Suisse en octobre 1986; tout aussi diabolique, voici Pierre Guillaume, l'éditeur qui se prétend toujours de l'ultra-gauche; voici telle ou telle figure de révisionniste vaudois, par exemple G. A. Amaudruz, directeur du Courrier du continent, coupable de sympathie pour les "pollueurs" idéologiques venus de France. Heureusement, il existe des exorciseurs: le professeur Pierre Vidal-Naquet, la journaliste militante Annette Lévy-Willard, Pierre du Bois, qui professe à l'Institut d'études européennes de Genève et surtout le pharmacien Jean-Claude Pressac, révisionniste repenti (selon certaines sources, il serait à nouveau sur le point de changer de camp!) qui bénéficie de l'appui logistique de Serge Klarsfeld pour effectuer des recherches sur le site d'Auschwitz; ce Pressac, espoir suprême de quelques "exterminationnistes", caresse l'ambition de publier un livre magistral, pour "faire éclater la vérité". Preuve, s'il en est besoin, qu'elle n'a pas encore éclaté depuis plus de quarante ans!
Quarante-huit heures après cette édifiante émission télévisée, les lecteurs romands apprennent par leur journal habituel que Mariette Paschoud ne fera pas l'objet d'une enquête disciplinaire; elle recoit seulement une admonestation et il lui est fortement conseillé d'être à l'avenir moins "naive" et plus réservée dans ses appréciations. Une telle mansuétude indigne les gardiens vaudois de l'orthodoxie tant morale qu'historique. Campagnes de presse, manipulation des élèves de Madame Paschoud par les militants locaux de S.O.S. Racisme, exposition sur les camps de concentration organisée au gymnase (lycée) de la Cité où enseigne la "maudite": rien n'est épargné pendant un mois pour que, de guerre lasse, le Conseil d'Etat en vienne "à condamner sans réserve les opinions exprimées par les révisionnistes". Encore quelques semaines de pressions, de manoeuvres perfides et, vers la mi-avril, Mariette Paschoud quitte son poste d'enseignante pour être mutée à un service d'archives dépendant de l'Instruction publique et des Cultes à Lausanne. On ne badine pas impunément avec l'histoire officielle! Mais on peut s'interroger sur la disproportion qui existe entre la réaction "officielle" (d'ailleurs très peu spontanée) et la participation, certes fort courageuse, mais symbolique, de la jeune enseignante suisse à une conférence de presse; elle y a tenu avec honneur sa place de présidente. Est-ce suffisant pour qu'elle devienne dans son pays une martyre de la cause révisionniste?
Mais, voici du nouveau à l'est, et même au Proche-Orient. Le 15 mars 1987, le Teheran Times, quotidien iranien en langue anglaise, publie un grand article sur le "mythe juif". Son titre: "Student loses his doctorate for exposing Jewish myth" (un étudiant perd son doctorat en dénoncant le mythe juif). Deux semaines plus tard, Le Nouvel Observateur signale l'article qui, selon l'hebdomadaire, aurait causé de l'inquiétude dans les milieux juifs iraniens. Pourquoi cette inquiétude? La communauté juive d'Iran a-t-elle eu à souffrir de "l'holocauste"?
Le papier du Teheran Times était signé "Muslimédia", du nom d'une agence de presse célèbre dans le monde arabo-musulman. Le fait est à rapprocher de la publication de deux grands articles avec photographies d'Henri Roques, sous le titre: "Un homme persécuté" dans le plus grand quotidien égyptien Al Ahram, en juillet 1986.
L'hebdomadaire Rivarol, à propos des commentaires publiés dans la revue Historiens et Géographes faisant suite au texte en droit de réponse d'Henri Roques, écrit en avril 1987: "On aura remarqué que l'association (des professeurs d'histoire), quand M. Roques lui dit: "Decaux et de Bouard", répond: "Decaux et Wellers". On attendait pourtant que, pour une association de professeurs, le grand universitaire qu'est le professeur de Bouard, dont la carrière a honoré l'université de Caen, passât avant [...] Alain Decaux et le chercheur très engagé qu'est Georges Wellers. Point du tout: ce sont ces derniers seuls que l'association appelle "nos" amis. Le professeur de Bouard n'a pas droit à ce titre, ni même à être nommé". Rivarol a-t-il été entendu? Le temps travaille-t-il pour la cause révisionniste? Courant avril est diffusé le numéro du 1er trimestre 1987 de la Revue d'Histoire moderne et contemporaine. C'est une revue réservée aux universitaires spécialistes; elle mentionne dans son sommaire une étude due à Michèle Cointet de l'université de Poitiers, et à Rainer Riemenschneider de l'Institut historique allemand à Paris. Son titre: "Histoire, déontologie, médias: à propos de l'affaire Roques". Les auteurs proposent à leurs collègues une documentation assez nourrie "pour rendre compte à la fois du déroulement de l'affaire et du fonctionnement du révisionnisme"; les références à la prise de position de Michel de Bouard sont nombreuses et son interview donnée à Ouest-France le 2 août 1986 est intégralement publiée. Le dernier chapitre de l'étude s'intitule: "Le procédé des révisionnistes: un processus révisionniste réussi?". Lorsque l'on pose ainsi une question, c'est que la réponse n'est pas loin d'être donnée. Dans son exposé oral de soutenance, Henri Roques a dit que l'un des buts de sa thèse était de "contribuer quelque peu à ce que l'école révisionniste se voie reconnaître un droit de cité dans l'université", c'est-à-dire qu'un débat s'instaure entre historiens d'avis différents. Timidement, ce débat semble s'engager.
Dans un tout autre "registre" le mensuel satirique Zéro, qui compte dans sa rédaction Gebé, Cavanna, Wolinski, s'intéresse, lui aussi, au révisionnisme. En avril, il a publié les interviews de Pierre Guillaume, Robert Faurisson et Pierre Vidal-Naquet; dans son numéro de mai, le rédacteur Michel Folco rend compte de ses entretiens avec Georges Wellers et avec Henri Roques. Ce dernier, dans sa biographie, éclaire quelque peu le lecteur sur son passé militant, qu'Annette Lévy-Willard n'avait pas manqué de "diaboliser" dans Libération et à la télévision suisse romande. "Faurisson nie l'existence des chambres à gaz. Moi, dit Henri Roques, je n'y crois pas beaucoup, mais je les mets en doute... L'acharnement de mes adversaires et leur mauvaise foi à défendre ce témoignage si suspect qu'est le rapport Gerstein ne peuvent dissiper mes doutes, au contraire, ca ne peut que contribuer à les augmenter".
"Il arrive que l'on puisse compter plus encore sur ses adversaires que sur ses amis pour la célébration des anniversaires", remarquait récemment devant nous Henri Roques, en feuilletant le quotidien Ouest-France. En effet, dans l'édition de Loire-Atlantique, le numéro des 16/17 mai 1987 annonce en première page un article: "L'affaire Roques": que faire de l'enseignant nantais "complice"? Même avec des guillemets, le mot complice est certainement jugé choquant par l'éminent historien, membre de l'Institut, Michel de Bouard, qui, courageusement, avait apporté son soutien total au professeur Jean-Claude Rivière, bien avant qu'il ne fût suspendu de ses fonctions par Alain Devaquet, éphémère ministre.
Suspendu durant un an, J.-C. Rivière a été muté au début de l'année universitaire 1987-1988 au CNED (Centre national d'enseignement à distance). Le lundi 18 mai, Ouest-France revient à la charge: "Alors que s'est ouvert le procès Barbie à Lyon, convient-il de laisser passer en silence le double anniversaire de la thèse d'Henri Roques: de sa soutenance pratiquement clandestine à Nantes en juin 1985." Nous savons ce qu'il faut penser de cette "clandestinité" et du scandale qu'a provoqué, au printemps dernier, sa découverte à retardement... Etrange "découverte" en effet que celle d'un document déposé très régulièrement à l'issue de la soutenance à la bibliothèque universitaire de Nantes, puis annoncé dès octobre 1985 par un communiqué de presse adressé à cent cinquante personnes!
"Les enseignants qui posent cette question y répondent, bien sûr, par la négative", poursuit le quotidien, qui annonce pour le 20 mai, à l'université de Nantes, une journée d'information et de réflexion intitulée: "Parler du génocide nazi, aujourd'hui".
Après le calme relatif des vacances, la presse reparle de l'"affaire Roques" chaque fois qu'il lui paraît utile d'agiter l'épouvantail du racisme et de l'antisémitisme.
Jean-Marie Le Pen et le Front National sont souvent les premières cibles, surtout depuis l'émission piège du Grand Jury RTL Le Monde du 13 septembre 1987. Ce soir-là, J.-M. Le Pen a dit qu'il était "partisan de la liberté de l'esprit". Quel scandale! A propos des chambres à gaz, le chef du Front National a dit qu'il se posait des questions. Il a déclaré textuellement: "Je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé". Or, le professeur Faurisson déclare quant à lui: "Les chambres à gaz homicides n'ont jamais existé". Il est donc impossible à une personne de bonne foi de dire que Le Pen et Faurisson partagent le même point de vue sur la question. Cela n'a pas empêché Bernard-Henri Lévy d'écrire dans un hebdomadaire que "Le Pen parle comme Faurisson..." B.-H.L. se moque-t-il de ses lecteurs?
Un certain Jean-Pierre Rioux, qui fait profession d'historien, a écrit un article d'une particulière mauvaise foi dans le quotidien vespéral Le Monde du 22 septembre 1987. Ce J.-P. Rioux qui appartient à l'"écurie" de Francois Bédarida, directeur de l'Institut d'Histoire du Temps Présent, reprend maladroitement quelques-unes des critiques avancées par Georges Wellers et Pierre Vidal-Naquet contre la thèse d'Henri Roques; puis Rioux décoche le coup de pied de l'âne aux professeurs du jury de Nantes. Il n'hésite pas à parler d'un "jury de complices". Complices ou non complices, J.-P. Rioux n'aurait pas pu lui-même participer à ce jury faute de titres nécessaires pour y siéger.
Nul n'est prophète en son pays. Le révisionnisme historique est international; les premiers numéros de la sérieuse revue Annales d'Histoire Révisionniste l'attestent par les nationalités des rédacteurs (l'Italien Carlo Mattogno, l'Américain Howard F. Stein, les Britanniques Jessie Aitken, Arthur Ponsonby... Les principaux auteurs révisionnistes viennent à tour de rôle au rendez-vous annuel que leur fixe à Los Angeles l'Institute for Historical Review. Cette année 1987 se tenait la 8e conférence internationale révisionniste. Henri Roques y retrouva le professeur Robert Faurisson qui est un des orateurs habituels de ces rencontres californiennes. Henri Roques fut très chaleureusement accueilli par les congressistes, auxquels il adressa la communication dont le texte est présenté à nos lecteurs aux pages 459 à 479. Nous tenons à remercier M. Roques de nous avoir autorisés à reproduire son texte.
Henri Roques a lancé en octobre de Los Angeles un défi à l'ex-ministre Devaquet et à ses complices.
Est-ce pour répondre à ce défi qu'un colloque est organisé les 9, 10 et 11 décembre 1987 à la Sorbonne sur le sujet suivant: "La politique nazie d'extermination"? Qu'est-ce qu'un colloque? Une réunion où l'on confronte des points de vue. En toute logique, les révisionnistes auraient d y être invités pour exposer leurs idées. Henri Roques adressa donc une demande d'invitation à Hélène Ahrweiler, recteur de l'Académie de Paris. Nous ne résistons pas au plaisir de reproduire ci-dessous la réponse que recut H. Roques:
"Monsieur,
En accusant réception de votre lettre du 2 décembre, j'ai l'honneur de vous préciser que le colloque international portant sur la politique nazie d'extermination comprendra les communications d'universitaires francais et étrangers sans aucun débat.
Je vous prie de croire, Monsieur, etc."
Un colloque sans aucun débat! Reconnaissons que c'est une inquiétante nouveauté.
Naturellement, ces mesures bien peu démocratiques n'empêchèrent pas les révisionnistes d'obtenir indirectement des cartes d'invitation et d'assister aux différentes séances du colloque. On pouvait reconnaître parmi les auditeurs attentifs et quelque peu narquois le professeur Faurisson, l'éditeur Pierre Guillaume, Henri Roques et quelques-uns de leurs amis.
On assista à une série de grand-messes exterminationnistes, particulièrement soporifiques. Aucune idée neuve, aucune réplique irréfutable aux thèses révisionnistes ne furent même énoncées. D'ailleurs, le révisionnisme n'était pas à l'ordre du jour du colloque. Quel paradoxe, alors que la manifestation était organisée contre lui!
Seul, Pierre Vidal-Naquet effleura (sic) le sujet. Il déclara sentencieusement que l'historien ne peut rien négliger, même l'ordure; il qualifia textuellement les idées révisionnistes "d'excréments intellectuels". Il est évidemment plus facile d'injurier bassement que de discuter sérieusement.
Au symposium du dimanche matin se côtoyaient Alain Devaquet, Alfred Grosser, Alain Finkielkraut, Claude Lanzmann et l'inévitable Simone Veil qui tint la vedette. Hélène Ahrweiler, maîtresse de maison ès Sorbonne, avait annoncé au début du symposium que des questions écrites pouvaient être posées, auxquelles il serait répondu à la fin de la séance. Le professeur Faurisson posa une question et Henri Roques en fit autant; ce dernier nous a communiqué le texte de sa question adressée à l'ex-ministre Devaquet: "M. Devaquet, avez-vous lu ma thèse? Si oui et si vous pensez qu'elle a pour but de nier l'existence des chambres à gaz, comment expliquez-vous que des historiens comme Alain Decaux et Michel de Bouard pensent le contraire et rendent hommage au sérieux de mon travail?"
On vit la question écrite parvenir entre les mains d'Hélène Ahrweiler d'abord, entre celles d'Alain Devaquet ensuite. Peu après, M. Devaquet se pencha vers Mme Ahrweiler pour lui faire une confidence. Il est aisé d'en deviner la teneur. Toujours est-il qu'à l'heure des réponses aux questions, on entendit Hélène Ahrweiler faire une annonce qui disait en substance: "Après l'intervention de Mme Veil, seul le recueillement convient. Il ne sera pas répondu aux questions qui ont été posées."
Nous avons parlé précédemment de grand-messe. Après le sermon du prédicateur, aurait-on l'idée d'ouvrir un débat? Mais, alors, diantre! Pourquoi avoir appelé "colloque" cette cérémonie cultuelle? L'année 1987 s'achève et 1988 s'annonce. L'affaire Roques, loin d'être finie, entre dans une nouvelle phase. Le 14 janvier 1988, à Nantes, devant le tribunal administratif, le recours pour excès de pouvoir présenté par Henri Roques est examiné en audience publique.
Nous faisons vraisemblablement preuve de naiveté en écrivant que le recours pour excès de pouvoir a été examiné. En fait, le commissaire du gouvernement, jeune et ambitieux, s'est donné beaucoup de mal pendant une heure et demie pour démontrer que, s'il était impossible d'annuler la délibération d'un jury, en revanche un président d'université pouvait parfaitement refuser de délivrer un diplôme en raison d'irrégularité administrative.
Les juges n'avaient qu'une hâte: suivre aveuglément les conclusions du commissaire du gouvernement pour se décharger d'une affaire bien encombrante; ils ont donc délivré quatre jours plus tard un "jugement de circonstance". Ce délai ridiculement court de quatre jours atteste bien, s'il en était besoin, que l'audience était superflue.
Henri Roques se trouve donc proclamé docteur de l'université de Nantes par un jury dont la délibération n'a pas été annulée, mais privé d'une peau d'âne dont l'université de Nantes lui avait elle-même proposé l'envoi par lettre datée du 18 avril 1986. Cette situation qui défie tout bon sens aurait inspiré Georges Courteline. Henri Roques a immédiatement fait savoir qu'il saisissait le Conseil d'Etat.
Dans cette affaire Roques aux multiples rebondissements, il n'y a pas que des échecs. L'obstination des révisionnistes obtient parfois quelques résultats encourageants.
Ainsi, une conférence de Pierre Vidal-Naquet devait avoir lieu à l'université de Nanterre (section Sciences-Po.) le 15 février 1988; l'annonce en avait été faite dans · Le Monde, · Libération et ·Le Parisien. Ce même 15 février, ·Le Parisien publiait une interview d'Henri Roques dans laquelle celui-ci déclarait qu'il était prêt à se représenter devant n'importe quel jury de France et pourquoi pas à Nanterre. En attendant une éventuelle soutenance de thèse à Nanterre, plus de douze révisionnistes parmi lesquels Henri Roques et Pierre Guillaume, se sont installés dans la salle où Pierre Vidal-Naquet devait parler des "historiens révisionnistes". Soixante à soixante-dix étudiants étaient présents. Tout le monde regardait sa montre en guettant l'arrivée de Pierre Vidal-Naquet. Tout le monde fut décu: Pierre Vidal-Naquet ne vint pas! Les révisionnistes devenus, par forfait, maîtres du terrain purent engager des conversations avec les étudiants et leur distribuer des tracts. Etait-ce le but recherché par Pierre Vidal-Naquet qui a écrit récemment: "On doit discuter sur les révisionnistes... On ne discute pas avec les révisionnistes... Je n'ai rien à leur répondre et ne leur répondrai pas." Curieuse conception du débat démocratique!... Toujours est-il que Pierre Vidal-Naquet joint au téléphone en début d'après-midi du 15 février a déclaré qu'il avait oublié la réunion.
L'auteur du livre Les Assassins de la mémoire a d'inquiétants trous de mémoire.
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