AAARGH
Pourquoi avoir choisi comme sujet de thèse l'étude
des "confessions" de l'Allemand Kurt
Gerstein?
Principalement pour les raisons suivantes:
Cette incertitude sur les textes exacts des "confessions", sur leur authenticité et sur leur véracité justifie, nous semble-t-il, que la présente thèse soit soutenue dans le cadre d'une unité d'études et de recherches de langue française. Il importe d'abord de résoudre un problème d'édition de texte, même si le style de ces récits est médiocre, compte tenu du fait que l'auteur n'écrit pas dans sa langue maternelle. Bien que leur auteur soit allemand, sur les six versions des "confessions" qui nous sont connues, quatre d'entre elles sont écrites en francais. Gerstein, qui avait étudié notre langue au lycée, s'est rendu aux troupes de la 1ère Armée française qui occupaient à la fin d'avril 1945 le Wurtemberg et a rédigé pour elles ses "confessions" en francais. Son francais est souvent maladroit, incorrect, mais suffisamment compréhensible pour que soient éliminés les risques de contresens.
On peut s'interroger sur notre décision d'appeler "confessions" les textes laissés par Gerstein. Ils ont été généralement appelés "rapports" par les auteurs qui les ont reproduits ou qui en ont parlé. Ce terme "rapport" ne nous paraît pas convenir; les textes de l'ancien officier S.S. n'ont ni la rigueur, ni la sécheresse que l'on attend d'un rapport.
Pour éviter de répéter trop souvent le mot "confessions", nous avons employé parfois dans le cours de notre thèse les mots "récit" et "document", mais ce sont des termes trop neutres pour qu'ils puissent qualifier les différentes versions.
Compte tenu du ton, de la forme, du contenu de ces textes, nous pensons, comme Olga Wormser-Migot (Syst. conc. naz., p. 11 et p. 426), que le mot "confession" est le plus approprié.
Toutefois, nous avons placé le mot "confession" entre guillemets, puisqu'il procède de notre choix et non de celui de Gerstein.
On peut estimer que le sujet est d'actualité. Le 21 février 1979, le journal Le Monde publia une "déclaration d'historiens sur la politique hitlérienne d'extermination" (voir pièce annexe page 59). La rédaction de ce texte est due à Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet qui obtinrent la signature de trente-deux collègues parmi lesquels des universitaires tels que Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Chaunu, J.-P. Vernant, Jacques Le Goff, François Furet, Fernand Braudel...
Dans cette déclaration, on lit: "... Parmi tant et tant de témoignages, qui ne peuvent évidemment émaner de ceux qui ont été tués, faut-il rappeler celui du S.S. Gerstein qui tenta en vain d'alerter, dès 1942, les autorités civiles et religieuses sur ce qui se passait dans les camps? Ecrit par lui-même, le 26 avril 1945, pour les autorités françaises, dans un français hésitant, son récit, indiscutable pour l'essentiel de ce qu'il a vu à Belzec, n'en est que plus saisissant..."
Suivent 55 lignes réparties sur deux colonnes du journal à la page 23; elles sont extraites du récit de Gerstein dactylographié en français, portant la cote PS-1553, sous laquelle il fut évoqué, mais non retenu, par le Grand Tribunal de Nuremberg, le 30 janvier 1946; la reproduction partielle de ce texte (que nous appellerons T II dans cette thèse) est conforme à l'original.
Les deux historiens qui ont choisi le témoignage de Gerstein "parmi tant et tant d'autres" le tiennent vraisemblablement pour le plus convaincant de l'existence des chambres à gaz homicides. Ces témoignages ne peuvent être considérés comme nombreux que si l'on prend en compte les témoignages souvent flous et contradictoires des anciens déportés et des combattants arrivés dans les camps juste après leur évacuation par leurs gardiens. Il n'y a pas lieu ici de s'interroger sur la valeur qu'il convient d'accorder à ces témoignages. Seuls, les témoignages écrits nous intéressent; ils sont rares et les rédacteurs de la déclaration des historiens étaient donc très limités dans leur choix.
A Pierre Joffroy, qui témoignait en faveur de L. Poliakov lors du procès du 29 mai 1981, un avocat posa la question suivante: "Est-ce que le témoin peut dire au Tribunal s'il a connaissance d'un autre témoignage relatif à l'existence et au fonctionnement des chambres à gaz émanant d'un S.S. de haut grade, ou en tous cas du grade de M. Gerstein, qui soit disponible? Autrement dit, est-ce qu'il y a d'autres sources accessibles en provenance de S.S. dont on a eu la trace pendant la guerre et non pas après la Libération?"
Réponse de Pierre Joffroy: "A ma connaissance, non. Je pense que c'est pour cela que le témoignage de Gerstein est important; c'est pour cela que je me suis senti, en écrivant mon livre, presque investi d'une espèce de mission, celle de dire que cet homme était vrai, était sincère. Je pense que si on essaie de démolir ce témoignage, c'est parce qu'il vient de l'intérieur de la S.S. et qu'il n'y en a pas d'autre à ma connaissance". (Compte rendu sténographique,1981).
Peu de temps auparavant, au cours de la même audience, P. Joffroy avait spontanément déclaré à propos de Gerstein: "C'était -- j'hésite à prononcer le mot car il me semble bien insuffisant -- c'était un héros, je devrais dire un saint". (Compte rendu sténographique, 1981). Cela explique le titre donné par Joffroy à son livre sur Gerstein: L'Espion de Dieu-La Passion de Kurt Gerstein.
Dans les mêmes dispositions d'esprit, Léon Poliakov avait écrit en 1964 (Le Monde juif, mars/avril, p. 4): "L'Allemand Gerstein fut un Juste parmi les Gentils".
Face à une telle présentation du personnage et de ses écrits, l'auteur de la présente thèse ne dira pas, comme le fait Pierre Joffroy, qu'il se sent investi d'une espèce de mission, mais plus simplement qu'il lui a paru urgent d'établir ce que sont réellement les "confessions" de l'ancien officier S.S., de faire une étude comparative des différentes versions et d'évaluer le plus exactement possible le degré de crédibilité qu'on peut leur accorder.
Plus favorisé que Pierre Joffroy qui ne connaît que trois versions, que Saul Friedlander qui en énumère quatre, que Léon Poliakov et Pierre Vidal-Naquet qui en citent cinq, nous avons le privilège d'en connaître six, auxquelles s'ajoutent quelques feuillets séparés, qui ont parfois servi de brouillons.
Il n'est pas certain que nous disposions de tous les documents encore existants; en revanche, il est certain que nombre de pièces rédigées soit en francais soit en allemand ont disparu; des précisions sur ce dernier point seront fournies au cours de cette thèse.
Donc, nous possédons six textes complets, constituant chacun une version des "confessions"; ils portent des dates comprises entre le 26 avril et le 6 mai 1945 inclus. Les originaux ou leurs doubles (certains originaux ayant disparu) sont conservés dans différentes archives dont nous donnerons les noms et les adresses en étudiant chacun d'eux.
Voici la liste chronologique de ces six textes, avec le sigle que nous leur avons affecté:
TT I: Texte manuscrit du 26 avril 1945 en français;
TT II: Texte dactylographié du 26 avril 1945 en français (PS-1553);
TT III: Texte dactylographié du 4 mai 1945 en allemand;TT IV: Texte manuscrit du 6 mai 1945 en français;
TT V: Texte dactylographié du 6 mai 1945 en français intitulé: Rapport du Dr Gerstein de Tuebingen. Il en existe trois moutures: a) La version de l'O.R.C.G. [(3)], qui est la première des trois (T Va); b) Une version provenant de la précédente mais avec quelques variantes et erreurs de transcriptions; c'est ce texte qui est conservé aux National Archives de Washington, avec la mention de déclassification 01.0813 (T Vb); c) Une traduction anglaise, qui porte d'ailleurs en tête: "Translation", manifestement établie d'après la deuxième mouture, portant la même mention 01.0813 des N.A. de Washington (T Vc).
T VI: Texte dactylographié du 6 mai 1945 en allemand (PS-2170).
Outre ces six textes, nous présenterons:
-- Des compléments et brouillons (auxquels nous n'affecterons pas de sigle);
-- La dernière lettre écrite par Gerstein à son épouse, datée du 26 mai 1945;
-- Deux interrogatoires de Gerstein par la Justice militaire française en juin et juillet 1945 à Paris;
-- Un article paru dans France-Soir le 4 juillet 1945;
-- La demande d'avocat écrite par Gerstein, en lettres capitales le 15 juillet 1945;
-- Quelques fragments de documents trouvés après la mort de Gerstein, dans sa cellule de la prison du Cherche-Midi.
Des hypothèses concernant l'existence de "rapports Gerstein" (sic) dès 1942 ont été présentées par certains auteurs; il paraît indispensable d'étudier cette question et de faire part, dès maintenant, de notre conviction sur ce point.
Dans la déclaration des historiens publiée en 1979 dans le journal Le Monde, on rappelait les efforts du S.S. Gerstein "qui tenta en vain d'alerter, dès 1942, les autorités civiles et religieuses sur ce qui se passait dans les camps".
L'officier S.S. a effectivement parlé à quelques témoins qui en ont apporté la confirmation. Le diplomate suédois Baron von Otter et deux Hollandais qui travaillaient à Berlin en 1943 ont été affirmatifs sur ce point. Avec moins de netteté, quelques pasteurs protestants, Otto Dibelius et Kurt Rehling notamment, ont reconnu s'être entretenus avec Gerstein de son expérience vécue dans les camps de Pologne.
Les textes des "confessions" ne disent à aucun moment que Gerstein a fait un rapport écrit à qui que ce fût; l'un des deux Hollandais cités plus haut a même déclaré en qualité de témoin au procès du 29 mai 1981: "Gerstein nous a dit qu'il ne pouvait pas écrire à ce sujet (c'est-à-dire au sujet des gazages à Belzec et à Treblinka)" (Compte rendu sténographique, 1981).
Néanmoins, on peut lire sous la plume de Saul Friedlander: "En août 1942, Gerstein qui venait d'assister à des opérations d'extermination par les gaz essaie de se faire recevoir par le Nonce Orsenigo; il est éconduit. C'est alors qu'il communique un rapport au conseiller juridique de Mgr Preysing, archevêque de Berlin, en demandant qu'il soit transmis au Saint-Siège. Il n'y a aucune raison de croire que le texte n'ait pas été envoyé à Rome. Le rapport Gerstein de 1942 fut probablement à peu près identique à celui qu'il rédigea le 4 mai 1945, puisqu'il décrit le même événement. [...] Compte tenu du fait que le Saint-Siège n'a pas démenti jusqu'à ce jour avoir reçu le rapport Gerstein pendant la guerre, on est en droit de supposer qu'un texte sensiblement identique à celui que nous allons citer a été transmis au Souverain Pontife par Mgr Preysing à la fin de 1942" (Pie XII et le IIIe Reich, 1964, p. 123).
La déduction de l'historien Friedlander semble aventurée. Qu'un destinataire présumé n'ait pas nié avoir reçu un document supposé ne suffit pas, en effet, pour estimer que ce document a beaucoup de chances d'avoir existé.
Saul Friedlander rejoint presque, par ses suppositions, la licence théâtrale à laquelle a eu recours le protestant Rolf Hochhut dans sa pièce Le Vicaire. Gerstein y joue un rôle important; le pape Pie XII également. On voit sur la scène Gerstein, qui a pénétré au Vatican à l'occasion d'une permission, retrouver le Nonce, Mgr Orsenigo, avec lequel il s'est déjà entretenu à Berlin (ce dernier point est faux: l'ancien S.S. a écrit lui-même dans ses "confessions" qu'il avait été éconduit dès qu'il s'était présenté à la Nonciature berlinoise). Gerstein s'entretient à Rome avec des prélats très proches du pape et leur reproche avec véhémence le silence du souverain Pontife face aux exterminations dont les uifs sont victimes en Pologne. Hochhut nous présente, donc, des situations qui sont de pure invention et ses outrances scéniques ont fait scandale dans le monde entier. Mais il faut dire à sa décharge que R. Hochhut ne se présentait pas en historien mais en auteur dramatique.
En conclusion, il n'existe pas le moindre indice selon lequel Gerstein aurait rédigé un texte quelconque en 1942 ou ultérieurement, avant avril 1945 [(4)].
Trois livres ont traité fondamentalement du cas Gerstein; ils ont été publiés tous les trois dans les années 1960, après la tournée presque mondiale de la pièce de R. Hochhut, Le Vicaire, dont nous venons de parler.
C'est par l'intermédiaire d'une oeuvre théâtrale qu'a été tissée la légende du S.S. Gerstein qui, pendant la guerre, aurait tenté de faire connaître au monde entier les exterminations massives de juifs dans des chambres à gaz homicides. Certains milieux protestants et israélites cherchaient à faire réhabiliter Gerstein; en effet, à titre posthume, l'ancien officier S.S. n'avait pas été absous en 1950 par une chambre de dénazification qui se contenta de lui accorder des circonstances atténuantes. La réhabilitation souhaitée intervint en 1965. La pièce Le Vicaire sortit à la fin de 1962; c'est également à cette époque que s'ouvrit le deuxième concile du Vatican, convoqué par le Pape Jean XXIII.
La première biographie de Kurt Gerstein parut à Zurich en 1964; elle était l'oeuvre de l'Allemand Helmut Franz, lui-même frère d'un pasteur, et s'intitulait: Kurt Gerstein. Aussenseiter des Widerstandes der Kirche gegen Hitler ("Kurt Gerstein franc-tireur de la Résistance de l'Eglise contre Hitler"). Ami de longue date de Gerstein, Franz fréquenta, avec lui, les mouvements de jeunesse de l'Eglise évangélique, entre 1925 et 1933; il resta en relations avec lui et le vit plusieurs fois pendant la guerre. A la fin de son ouvrage, Franz reproduit avec exactitude, mais aussi avec coupures qu'il signale, le récit dactylographié en allemand daté du 4 mai 1945, le seul dont il ait eu connaissance, semble-t-il, grâce à la publication de Hans Rothfels (V.f.Z. 1953).
La seconde biographie, dont l'auteur est Saul Friedlander, fut publiée en France en 1967. Son titre: Kurt Gerstein ouGerstein l'ambiguité du bien. On trouve dans ce livre de nombreuses informations sur la vie de Gerstein avant, puis durant la guerre. Nos propres recherches nous ont convaincu que certaines de ces informations ne sont pas exactes. Quant aux textes de l'ancien officier S.S., il est manifeste que S. Friedlander les a empruntés à L. Poliakov; nous verrons plus loin l'usage que celui-ci en a fait.
En France également, en 1969, Pierre Joffroy franchit une étape décisive en intitulant son livre L'Espion de Dieu. La Passion de Kurt Gerstein. Dans cet ouvrage, il n'est plus question d'ambiguité comme le suggérait S. Friedlander. P. Joffroy s'efforce de faire partager à ses lecteurs sa conviction que Gerstein est une sorte de saint, intermédiaire entre Dieu et les hommes; ces derniers ne le comprirent pas et furent, soit directement, soit indirectement, responsables de sa mort dans une prison parisienne. Les textes des "confessions" connus par P. Joffroy sont au nombre de trois (op. cit., p.283); l'auteur reproduit intégralement et fidèlement celui que nous appelons T II, sans même améliorer le français souvent approximatif de l'ancien S.S., ce qui peut rebuter le lecteur (op. cit., p. 283-290). Nous avons seulement relevé deux erreurs mineures qui sont probablement des fautes dactylographiques ou des coquilles d'imprimerie.
En 1951, Léon Poliakov publie son livre Bréviaire de la Haine, avec une préface de François Mauriac; on trouve dans cet ouvrage, aux pages 220 à 224, un assez long extrait d'un récit de Gerstein. De quel récit s'agit-il? Léon Poliakov écrit qu'il porte "la date certaine du 5 mai 1945"; or, aucun des six textes ne [54] porte cette date. En réalité, Léon Poliakov a utilisé la version dactylographiée en français, datée du 26 avril 1945 (que nous appelons T II) et en a fait une reproduction partielle, comportant de graves déformations et omissions.
En 1953, en Allemagne, le Professeur Docteur Hans Rothfels reproduit la version en allemand datée du 4 mai 1945 (que nous appelons T III) dans la revue Vierteljahreshefte fuer Zeitgeschichte (n°2, avril 1953); cette reproduction est fidèle, mais incomplète: des coupures signalées par l'historien ont été faites et l'ensemble des compléments ("Ergaenzungen") n'a pas été publié.
En France, le livre de Léon Poliakov Bréviaire de la Haine est réédité trois fois (en 1960, en 1974 et en 1979); l'auteur maintient le texte infidèle de 1951 et y intercale des phrases prélevées dans la version allemande que Hans Rothfels fit connaître au public en 1953; il omet de prévenir le lecteur de ces ajouts.
Léon Poliakov, Hans Rothfels et quelques autres auteurs qui reprirent les publications des deux premiers avaient en France un lecteur attentif et critique en la personne de Paul Rassinier [(5)]. Ce dernier fut intrigué par les différences qu'il constatait d'un texte à l'autre; il prit, en particulier, vivement à partie Léon Poliakov qu'il accusa de présenter des textes protéiformes attribués à l'ancien S.S., tout en prétendant, à chaque fois, reproduire le même document. L. Poliakov ne répondit pas aux critiques de Paul Rassinier et n'en tint aucun compte.
Si l'on tente de faire le bilan de l'utilisation des six versions que nous connaissons, on constate que:
1/T II et T III ont été les versions les plus utilisées pour des reproductions parfois complètes, mais le plus souvent partielles et déformées;
2/T V n'a jamais été publié intégralement; il n'a fait l'objet que de prélèvements très fragmentaires et la source de ces prélèvements n'a jamais été indiquée avec exactitude;
3/T VI, bien que signalé par Saul Friedlander (K.G., 1967, p.11), n'a jamais non plus été publié, même partiellement;
4/T I n'a pu, jusqu'à présent, être connu des lecteurs que par le fac-similé des pages 3 et 4 que l'on trouve dans le livre de Friedlander (op. cit., p. 100-103);
5/T IV, texte manuscrit en français daté du 6 mai 1945, a été découvert par nous aux Archives de l'Eglise évangélique de Bielefeld (Westphalie), puisque personne, à notre connaissance, n'en a signalé l'existence;
[55] 6/les compléments ("Ergaenzungen") aux "confessions" T III et T IV n'ont jamais donné lieu à la moindre publication. Nous présentons ci-après la liste, peut-être non exhaustive, des reproductions de T II, de T III et de T V:
I/T II (dactylographié en français du 26 avril 45) a été reproduit:
1.Complètement et correctement par:
-- Pierre Joffroy (L'Espion de Dieu, 1969, p. 283-290), qui a seulement éliminé au début les éléments biographiques et à la fin la liste des personnes que Gerstein présente comme antinazies;
-- Arthur R. Butz, auteur révisionniste (The Hoax of the Twentieth Century, 1976, p. 251-258) qui a toutefois commis quelques erreurs mineures, notamment dans l'orthographe des noms propres. Son texte anglais provient de la traduction officielle américaine du PS-1553. L'erreur la plus fâcheuse consiste en l'omission dans une phrase du récit de l'adverbe "aussi". On lit donc: "Nus en hiver" au lieu de "Nus aussi en hiver". La visite de Gerstein au camp de Belzec ayant eu lieu en août, on pourrait penser que l'officier S.S. situe ce mois en hiver;
2. Complètement mais incorrectement par:
-- Léon Poliakov (Le Monde juif, n° de mars/avril 1964, p. 4-12);
3. Partiellement et correctement par:
-- Adalbert Rueckerl (N.S. Vernichtungslager, 1977, p. 61-66) dans une traduction allemande;
-- Léon Poliakov (Le Procès de Jérusalem, 1963, p. 224-228) qui, en 1963, présente un texte très différent de ceux qu'il a publiés auparavant et de ceux qu'il publiera ultérieurement;
4. Partiellement et incorrectement par:
-- Léon Poliakov (Bréviaire de la Haine, édition de 1951, p. 220-224) qui déclare reproduire le même document dans les rééditions de 1960, de 1974, de 1979, alors que la publication y est encore moins fidèle au texte d'origine que dans l'édition de 1951. Dans chaque édition, la reproduction s'interrompt juste avant la phrase où Gerstein évalue à 25 millions le nombre extravagant des victimes pour les seuls camps de Belzec et de Treblinka;
-- J. Heydecker et J. Leeb (Der Nuernberger Prozess, 1958, p. 456-460) dans une traduction allemande, avec de graves inexactitudes, différentes de celles que l'on relève chez L. Poliakov.
[56] II/T III (dactylographié en allemand, du 4 mai 45) a été reproduit:
1. Correctement, mais avec des coupures, par:
-- Hans Rothfels (V.f.Z., 1953, p. 177-194) qui a signalé toutes les coupures et donné de nombreuses notes explicatives; les compléments ("Ergaenzungen") sont au nombre des coupures;
-- Helmut Krausnick (Dokumentation zur Massen-Vergasung, 1956) qui reprend la publication de H. Rothfels, mais avec moins de notes explicatives;
-- Léon Poliakov et Josef Wulf (Das Dritte Reich und die Juden, 1955, p. 101-115) qui reprennent la publication de H. Rothfels, avec les mêmes coupures, plus ou moins signalées d'ailleurs, et moins de notes explicatives;
2. Incorrectement et avec des coupures par:
-- Léon Poliakov et Josef Wulf (Le IIIe Reich et les Juifs, 1959, p. 107-119). Ce texte français est présenté comme la traduction du texte allemand (op. cit. 1955, p. 101-115); or, il diffère sur plusieurs points du texte d'origine, sans que les inexactitudes constatées puissent être expliquées simplement par des maladresses de traduction;
3. Partiellement et incorrectement par:
-- Robert Neumann (Hitler/Aufstieg und Untergang des Dritten Reiches, 1961, p. 190-192) qui remplace les 700/800 personnes entassées dans une pièce de 25 m2 par 170/180 personnes.
III/T V (dactylographié du 6 mai 1945 en français) a été reproduit:
1. Fragmentairement mais correctement par:
-- Pierre Joffroy [...] qui a fait des prélèvements dans T V et les a reproduits à différentes pages de son livre;
2.Fragmentairement et incorrectement par:
-- Léon Poliakov (Le Monde juif, mars/avril 1964, p. 7-11) qui a inséré six alinéas empruntés à T V dans le récit de Gerstein présenté, à tort d'ailleurs, comme la reproduction de T II. Sur ces six alinéas, imprimés en retrait par rapport au reste du texte, il y en a deux qui sont reproduits fidèlement et quatre qui comportent de graves inexactitudes.
Dans la liste ci-dessus, nous n'avons cité ni Saul Friedlander (Kurt Gerstein ou l'ambiguïté du bien, 1967, p. 34, 73, 96-99, [57] 104-108, 118-119, 143, 156-158), ni François Delpech (Historiens et Géographes, n° 273, mai-juin 1979, p. 628-629), car l'un et l'autre ont simplement repris les textes reproduits par Léon Poliakov. Enfin, d'autres auteurs, et ce sont les plus nombreux, ont parlé de Gerstein, de son rôle présumé, de ses révélations, mais sans publier d'extrait de telle ou telle de ses "confessions".
Citons parmi eux:
Gerald Reitlinger: The Final Solution (1953), The SS (1956);
Raul Hilberg: The Destruction of the European Jews (1961);
Rolf Hochhut: Der Stellvertreter, pièce de théâtre de1963, traduite en plusieurs langues, notamment en français sous le titre Le Vicaire;
Jacques Nobécourt: Le Vicaire et l'Histoire (1963);
Lucy S. Dawidowicz: The War against the Jews (1975);
Gidéon Hausner: Justice à Jérusalem, traduction française, 1976;
John Toland: Adolf Hitler (1976), etc.
A cette liste, il convient d'ajouter l'historienne Olga Wormser-Migot qui soutint et publia la thèse: Le Système concentrationnaire nazi (P.U.F., 1968). Mais, alors que les autres auteurs cités ne mettent pas en doute la véracité des déclarations de Gerstein, O. Wormser-Migot exprime son scepticisme. Elle écrit notamment: "Les leitmotive de la confession, y compris les prières des victimes, sont tellement identiques à cinquante autres évocations -- y compris celles des Mémoires de Hoess -- que nous arrivons difficilement pour notre part à admettre l'authenticité intégrale de la confession de Kurt Gerstein ou la véracité de tous ses éléments" (op. cit., p. 426).
-- En commençant cette thèse, nous eûmes donc sous nos yeux:
-- six versions des "confessions" écrites en trois langues différentes;
-- des reproductions souvent partielles et déformées de trois d'entre elles seulement;
-- des utilisations de ces récits par de nombreux auteurs qui s'étaient contentés de faire un résumé partiel.
La tâche primordiale nous est alors apparue: établir les textes avec une rigoureuse exactitude.
[57]
p 59: fac-similé de la déclaration des historiens dans Le Monde du 21 février 1979.
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