AAARGH
Cet article fait de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage, perpétrés à partir du XVème siècle par les puissances européennes contre les populations africaines déportées en Europe, aux Amérique et dans l'océan Indien un crime contre l'humanité.
- La définition des crimes contre l'humanité
A l'origine, l'expression " crime contre l'humanité " est née du besoin de trouver un terme générique pour regrouper sous une qualification juridique unique les actes monstrueux commis par les nazis et qui ne pouvaient être considérés ni comme des crimes de guerre, ni comme des violations du droit international au sens strict.
Aux termes " politique d'atrocité et de persécutions contre les populations civiles " proposés par le gouvernement français, la Conférence de Londres préféra l'expression de " crimes contre l'humanité " suggérée pour les Etats-Unis par le juge Jackson.
L'article 6 c) du statut du tribunal militaire international (T.M.I.) de Nuremberg annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 définit les crimes contre l'humanité comme :
" l'assassinat, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux lorsque ces actes ou persécutions, qu'ils aient constitués ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal, ou en liaison avec ce crime.
La communauté internationale a cherché sans succès à élargir cette définition des crimes contre l'humanité , très restrictive puisque directement liée à la seconde guerre mondiale. On a vu ainsi que la convention sur la répression du crime d'apartheid, dont l'article premier déclare l'apartheid crime contre l'humanité, n'a pas été signée par la majeure partie des pays occidentaux. En revanche, le crime de génocide, catégories particulière des crimes contre l'humanité, a fait l'objet d'une définition consensuelle qui figure dans la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948.
Cela n'a pas empêché la France, avec le nouveau code entré en vigueur en 1994, de donner une définition large des crimes contre l'humanité.
Le livre du code pénal consacré aux crimes et délits contre les personnes s'ouvre sur un titre premier relatif aux crimes contre l'humanité.
Une place particulière est faite au génocide (article 211-1), qui est défini comme le fait de commettre un certain nombre d'actes (atteintes volontaires à la vie, soumission à des conditions d'existence de nature à entraîner la destruction du groupe..) en exécution d'un plan concerté tendant à la destruction d'un groupe.
L'article 212-1 définit les autres crimes contre l'humanité comme " la déportation, La réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d'exécution sommaires, d'enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d'actes inhumains, inspirés par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisés en exécution d'un plan concerté à l'encontre d'un groupe de population civile ".
La reconnaissance par la République française de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage comme crime contre l'humanité, proposée par l'article premier, s'inscrit dans le droit fil de cette nouvelle définition, plus complète que celle donnée par le statut du T.M.I. de Nuremberg.
Ce commerce odieux d'hommes pratiqué pendant des siècles répond parfaitement à la conception du crime contre l'humanité du Président Pierre Truche, pour qui " le crime contre l'humanité est la négation de l'humanité chez des membres d'un d'hommes en application d'une doctrine. Ce n'est pas un crime commis d'homme à homme, mais la mise à exécution d'un plan concerté pour écarter des hommes de la communauté des hommes ".
Rappelons en outre que cette reconnaissance ne fait qu'anticiper le débat qui aura lieu prochainement aux Nations Unies lors de l'examen du projet de résolution de la commission des droits de l'homme tendant à faire reconnaître l'esclavage et la traite transatlantique des esclaves comme crime contre l'humanité.
- Les faits visés par la qualification de crime contre l'humanité
La qualification de crime contre l'humanité est très ciblée, à la fois dans l'espace et dans le temps. L'article premier vise la traite négrière transatlantique et l'esclavage perpétrés à partir du XVème siècle par les puissances européenne contre les populations africaines déportées en Europe, aux Amériques et dans l'océan indien.
La proposition n 1302 est, elle, à la fois plus restrictive et plus large : elle ne fait commencer la traite qu'au XVIème siècle, mais ne se limite pas aux populations africaines, englobant également les populations malgaches et indiennes.
Or la traite des noirs a commencé dès la fin XVème siècle, avec la découverte du nouveau monde et l'installation des premiers colons. En revanche, il est vrai que si les populations indiennes ont été relativement peu touchée par ce phénomène, les habitants de Madagascar ont fait l'objet d'une traite importante, principalement en direction de la Réunion.
A partir de 1948, soit après l'abolition officielle de l'esclavage, ces populations ont, en outre, été le vivier des " engagés ", c'est à dire de personnes ayant souscrit librement un contrat d'engagement, d'une durée variant de un à cinq ans, pour aller travailler dans les colonies et remplacer ainsi la main d'oeuvre gratuite qui venait de disparaître.
De 1849 à 1959, le recrutement concerna essentiellement les populations africaines et malgaches : à partir de 1859, les Indes furent principalement concernées. La Réunion fut la première destination de cette nouvelle main d'oeuvre : d'après les statistiques officielles, cette île a ainsi accueilli près de 118.000 indiens provenant notamment des comptoirs français.
Si un certain nombre d'indiens regagnèrent leurs pays à l'issue de leurs contrats, la plupart s'établirent durablement dans les colonies françaises, notamment à La Réunion.
Il est certain qu'a considérer les conditions de surexploitation infligées à ces " engagés ", leur mode de recrutement et de travail faisait peser des contraintes extrêmement lourdes sur ces travailleurs asservis.
La commission a adopté un amendement du rapporteur supprimant la référence aux puissances européennes. M. Claude Hoarau a souhaité que soit introduite dans l'article premier la mention de la déportation des populations indiennes et malgaches. Après avoir considéré qu'il n'était pas nécessaire de citer les nations impliquées dans la traite, M. Louis Mermaz a souligné que le problème de l'esclavage des Indiens était très différent de celui de la traite négrière. Rappelant l'existence du comptoir de Zanzibar, M. Claude Goasguen a évoqué la dimension arabe de la traite. Tout en se déclarant favorable à l'article premier, M. Richard Cazenave a estimé que l'on devait s'en tenir là et ne pas adopter les autres articles de la proposition de loi, rappelant que le texte reconnaissant le génocide arménien ne comportait qu'un seul article.
La commission a adopté l'article premier ainsi rédigé.
Si l'on excepte les manifestations organisées à l'occasion du cent cinquantième anniversaire de l'abolition, la traite et l'esclavage sont très peu enseignés à l'école et font l'objet d'un nombre insuffisant de publications scientifiques.
L'article 2 du décret du 23 novembre 1983, pris en application de la loi du 30 juin 1983 relatif à la commémoration dans les départements d'Outre-mer et la collectivité territoriale de Mayotte de l'abolition de l'esclavage, dispose que le 27 avril de chaque année, ou, à défaut, le jour le plus proche, une heure devra être consacrée dans toutes les écoles primaires, les collèges et les lycées à une réflexion sur l'abolition de l'esclavage.
Cette "heure de réflexion" paraît bien courte pour étudier une période de l'histoire qui s'étale sur plusieurs siècles et a impliqué des millions d'hommes, avec des conséquences économiques et sociales qu'il est bien difficile, aujourd'hui encore, de mesurer.
Selon Serge Mam Lam Fouck dans son ouvrage " L'esclavage en Guyane ", " un habitant de la Guyane peut parfaitement accomplir une scolarité normale jusqu'à la classe de terminale, sans avoir eu connaissance, de manière significative, de son environnement social, et ainsi n'avoir jamais entendu parler, en classe, de l'esclavage en Guyane ".
Afin de remédier à la pauvreté de l'enseignement dans cette matière, l'article 2 dispose que les manuels scolaires et les programmes de recherche en histoire devront accorder à la traite négrière et à l'esclavage l'important que ces sujets méritent.
Il invite également à renforcer la coopérative afin de confronter les archives écrites disponibles en Europe et les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, aux Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage.
Certains ne manqueront pas de faire remarquer que ces dispositions ne relèvent pas du domaine de la loi. Il est arrivé, en d'autres circonstances, que le législateur adopte des dispositions d'ordres réglementaire. On observera, en l'occurrence, que l'importance du sujet et son lien étroit avec la philosophie qui sous-tend l'article premier justifient leur inscription dans un texte de loi.
Après que son auteur eut indiqué à M. Bernard Birsinger que le terme de déportation figurait déjà à l'article premier, la Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur supprimant précisément dans cet article une nouvelle référence à la déportation des esclaves.
Un débat s'est ensuite engagé sur l'amendement de M. André Gerin précisant que les manuels scolaires et les programmes de recherche devront mettre en lumière la place occupée par la France dans le système esclavagiste. M. Louis Mermaz a fait valoir que l'ensemble des pays européens avaient été impliqués dans la traite négrière, la France se lançant dans ce commerce après l'Espagne, le Portugal et l'Angleterre. M. Jean-Luc Warsmann s'est opposé à cet amendement, estimant que, s'il était choquant que l'histoire de l'esclavage soit si peu présente des manuels scolaires, il ne fallait pas pour autant refaire l'histoire par l'intermédiaire d'un texte de loi. M. Robert Pandraud a jugé qu'il ne fallait pas déformer l'histoire, la France esclavagiste n'étant pas celle d'aujourd'hui. Répondant à une question de M. Jean-Luc Warsmann, le rapporteur a indiqué qu'elle était prête à retirer l'article 2 de la proposition de loi, si le Gouvernement s'engageait clairement sur la place accordée de l'esclavage dans l'enseignement. La Commission a alors rejeté l'amendement de M. André Gerin.
Elle a adopté l'article 2 ainsi rédigé.
L'article 3 prévoit l'introduction auprès de l'Union européenne, des organisations internationales et de l'organisation des Nations Unies d'une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage comme crime contre l'humanité.
En effet, si, comme on l'a vu, la commission des droits de l'homme de l'O.N.U. a adopté un projet de résolution déclarant l'esclavage et la traite des esclaves crime contre l'humanité, ce projet n'est pas encore inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale de cette organisation. En outre, l'Europe ne s'est jamais prononcée sur ce sujet.
La France a donc un rôle particulier à jouer dans cette reconnaissance internationale, comme le lui propose l'article 3, en raison à la fois de son passé esclavagiste et de sa qualité de patrie des droits de l'homme.
La Commission a adopté l'article 3 dans le texte de la proposition n1297.
L'article 4 participe du même esprit, puisque qu'il fixe une date de commémoration de l'esclavage et incite le gouvernement français à la faire adopter par l'ensemble de la communauté internationale.
La date proposée est le 8 février, par référence au 8 février 1815, date à laquelle le Congrès de Vienne condamna la traite négrière transatlantique, qualifiée de " répugnant au principe d'humanité et de morale universelle ". Il s'agit en effet, comme on l'a vu, de la première condamnation internationale de système esclavagiste.
Il semble malgré tout délicat de choisir en amont une date susceptible d'être acceptée par l'ensemble de la communauté internationale. Les difficultés auxquelles ont donné lieu les tentatives de choix d'une date de commémoration de l'abolition de l'esclavage dans les départements d'outre-mer en témoignent.
Cette date est en effet différente pour chacune des collectivités concernées, afin de tenir compte des spécificités de leur histoire : la Guadeloupe commémore cet événement le 27 mai, la Guyane le 10 juin, la Martinique le 22 mai, la Réunion le 20 décembre et Mayotte le 27 avril.
D'ailleurs, la proposition n792 se contente de poser le principe d'une commémoration annuelle en France métropolitaine, sans avancer de date précise.
C'est pourquoi il semble préférable de laisser à la communauté internationale le soin de fixer cette date de manière consensuelle.
L'U.N.E.S.C.O., dans une résolution du 12 novembre 1997, a proclamé le 23 août "journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition", invitant " les Etats membres à donner toute l'ampleur voulue à cette journée et à mobiliser l'ensemble des communautés éducatives, scientifiques, artistiques, culturelles, la jeunesse et, d'une manière générale, la société civile " (résolution 29C/40).
La première journée de commémoration, le 23 août dernier, n'a pas eu le retentissement souhaité ni en France, ni dans d'autres pays européens au moins aussi largement concernés, tels que l'Angleterre ou l'Espagne. La date, supposée commémorer la nuit du 22 au 23 août 1791 au cours de laquelle a commencé, dans l'île de Saint-Domingue, l'insurrection qui devait jouer un rôle déterminant dans l'abolition de la traite négrière, et annoncer l'indépendance d'Haïti, pose des difficultés pratiques dans la mesure où elle se situe au plus fort des vacances scolaires.
C'est pourquoi il paraît souhaitable de poursuivre la réflexion sur ce sujet, afin de trouver une date symbolique acceptée par l'ensemble de la communauté internationale et qui puisse donner lieu à des manifestations commémoratives à la hauteur de l'événement.
La Commission a adopté un amendement du rapporteur prévoyant que la France saisisse, non l'Union européenne, mais le Conseil de l'Europe, en vue de la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité.
Un débat s'est engagé sur un amendement du rapporteur précisant que la requête en reconnaissance aura également pour objet la recherche d'une date commune pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage. M. Bernard Birsinger a estimé qu'il serait souhaitable de prévoir d'abord une date de commémoration nationale, comme le propose l'amendement de M. André Gerin à l'article 4. M. Louis Mermaz a fait valoir que l'objectif de l'amendement du rapporteur était différent, puisqu'il s'agissait d'obtenir une date commune au niveau international; il a ajouté que cette commémoration internationale pourrait avoir un effet pédagogique sur le pays qui tolèrent aujourd'hui encore l'esclavage. Le rapporteur a indiqué que le 27 avril de chaque année, une heure devait être consacrée dans les écoles à une réflexion sur l'esclavage. Elle a par ailleurs rappelé que l'UNESCO avait proposé le 23 août comme date de commémoration internationale, ce qui risque de poser quelques difficultés pratiques. Elle a néanmoins reconnu l'utilité d'une éventuelle date de commémoration nationale et suggéré que cette possibilité soit examinée lors de la réunion que la commission tiendra au titre de l'article 88 du Règlement. La Commission a alors adopté son amendement.
Elle a ensuite adopté un amendement du rapporteur supprimant, par coordination, l'article 4. L'amendement de M. André Gerin proposant une nouvelle rédaction de l'article 4 afin de prévoir la fixation d'une date de commémoration nationale de l'abolition de l'esclavage est ainsi devenu sans objet.
Outre une modification des programmes d'enseignement et de recherche et l'instauration d'une commune de commémoration, la reconnaissance par la France de son passé négrier passe par l'érection de lieux de mémoire permettant aux actuels descendants des victimes de la traite négrière d'intégrer le passé pour mieux construire l'avenir.
Quelques démarches ponctuelles ont déjà été entreprises : ainsi, la ville de La Rochelle a ouvert un musée consacré au Nouveau Monde ; Nantes , capitale française de la traite, a érigé un monument à la mémoire de victimes de l'esclavage, malheureusement régulièrement l'objet d'actes de vandalisme. L'Afrique et Caraïbes participent également à cette entreprise de mémoire collective à travers le projet " la route de l'esclave " piloté par l'U.N.E.S.C.O. Par ailleurs, beaucoup de sites de traite sur les côtes africaines sont devenus des monuments de la mémoire : la Maison des esclaves de Gorée fut suivie par les réalisations de Ouidah, l'un des comptoirs les plus florissants de la traite négrière.
Tel est le sens de l'article 5, qui prévoit l'instauration d'un comité de personnalités qualifiées chargées de déterminer le préjudice subi et d'examiner les conditions de la réparation du crime d'esclavage : il ne s'agit en aucun cas d'envisager des indemnisations financières, mais simplement de poursuivre et d'amplifier ce mouvement de développement des lieux de mémoire, permettant ainsi aux descendants des victimes de la traite négrière d'affronter plus sereinement leur passé.
C'est pourquoi le rapporteur a proposé à la Commission, qui l'a adopté, un amendement précisant que le rôle du comité de personnalités qualifiées est de proposer des lieux et des actions de mémoire afin de garantir le souvenir de l'esclavage à travers les générations.
La proposition de n 1050, qui demande la création d'un mémorial de l'esclavage, réalisé par des artistes d'outre-mer, d'Afrique et de France métropolitaine afin de symboliser les pays concernés par cette histoire, et prévoit un musée de l'esclavage, s'inscrit parfaitement dans cette quête des lieux de mémoire.
La commission a été saisie d'un amendement de M. André Gerin prévoyant la présence de représentants d'associations se battant pour la mémoire des esclaves dans le comité des personnalités qualifiées. M. Jean-Luc Warsmann a estimé suffisant d'interroger le Gouvernement sur la composition de ce comité, considérant que cette composition, comme d'ailleurs l'existence même de ce comité, relevait du pouvoir réglementaire. M. Louis Mermaz a fait valoir que, même en l'absence de dispositions expresses en ce sens, le Gouvernement nommerait au sein de comité des représentants de ce type d'association. MM. Claude Hoarau et Bernard Birsinger ont insisté sur l'importance de la représentation de ces associations au sein de ce comité. Après que le rapporteur eut suggéré que cette proposition soit reprise sous forme d'amendement au texte adopté par la commission, l'amendement a été retiré.
La commission a adopté l'article 5 ainsi rédigé.
Partant du constat qu'un certain nombre de propos révisionnistes échappaient à toute sanction pénale, le Parlement a adopté en juillet 1990, à l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot, une proposition de loi qui crée une nouvelle infraction, la négation du crime contre l'humanité que constitue la Shoah.
L'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse punit en effet d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F. d'amende toute personne ayant contesté l'existence de crimes contre l'humanité définis par l'article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l'accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par des membres d'une organisation déclarée criminelle en application de l'article 9 de ce statut, soit par une personne reconnue coupable d'un tel crime par une juridiction française ou internationale.
Par ailleurs, l'article 48-2 de la même loi donne la possibilité à toute association, déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et dont les statuts prévoient la défense de l'honneur de la Résistance ou des déportés, d'exercer les droits reconnus à la partie civile pour l'apologie des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité, des crimes de collaboration ou en cas de révisionnisme.
Les articles 6 et 7 de la proposition de loi prévoient d'étendre ces dispositions à la remise en cause du crime contre l'humanité que constituent la traite et l'esclavage.
L'article 6 insère dans la loi de 1881 un article 24 ter qui punit d'un an d'emprisonnement et de 300.000 F d'amende toute personne contestant l'existence de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage ; l'article 7 ouvre la possibilité aux associations de défense des intérêts moraux, de la mémoire des esclaves et de l'honneur de leurs descendants d'exercer les droits reconnus à la partie civile en cas de contestation de l'existence d'un tel crime.
Un examen juridique approfondi des dispositions de la loi " Gayssot " fait apparaître que leur extension n'est opportune pour plusieurs raisons.
Probablement du fait, mais aussi parce que les enjeux sont d'une autre nature, tous les protagonistes directs ayant disparu, la négation des atrocités de l'esclavage n'a pas atteint la même ampleur que le révisionnisme nazi. Dès lors, dans le double souci de veiller à ce que les dispositions législatives soient adaptées à la réalité du risque et que soient préservés les espaces nécessaires à la liberté d'expression des chercheurs et des historiens dans les débats que susciteront leurs travaux sur cette période encore relativement mal connue, l'extension de la loi " Gayssot " ne semble pas le meilleur choix.
Les articles 24, 32 et 33 de loi du 29 juillet 1881, répriment respectivement la provocation à la discrimination et à la haine raciale, la diffamation et l'injure, permettent d'ores et déjà de sanctionner la majorité des propos qui pourraient remettre en cause la réalité de l'esclavage.
Par ailleurs, le dispositif proposé pour l'article 24 ter risque de poser des problèmes constitutionnels. En effet, pour éviter toute critique de cet ordre, la loi " Gayssot " prenait bien soin de spécifier qu'il ne pouvait y avoir infraction de révisionnisme que si le crime contesté avait été commis par une organisation déclarée criminelle ou par une personne reconnue coupable de ce crime par une juridiction.
Or l'article 24 ter ne peut faire référence à aucune juridiction et renvoie à la définition du crime d'esclavage donnée par le législateur à l'article premier de la proposition de loi. Il pourrait donc être jugé contraire à la liberté d'expression garantie par les articles 10 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de convention européenne des droits de l'homme.
En revanche, il est peut-être utile de donner la possibilité aux associations se proposant , par leurs statuts, de défendre la mémoire des esclaves, de se constituer partie civile en cas de provocation à la discrimination et à la haine raciales, de diffamation ou d'injure qui concourent à la remise en cause des atrocités de l'esclavage.
La commission a donc adopté un amendement du rapporteur proposant une nouvelle rédaction de l'article 6 afin de donner la possibilité aux associations de défense de la mémoire des esclaves de se constituer partie en cas de provocation à la discrimination et à la haine raciales, de diffamation ou d'injure, ainsi qu'un amendement de conséquence du même auteur supprimant l'article 7.
La commission a rejeté un amendement de M. André Gerin prévoyant la création d'un mémorial et d'un musée de l'esclavage, après que le rapporteur eut souligné que l'article 5 adopté par la Commission permettait de répondre au souci de son auteur.
La Commission a alors adopté le texte de la proposition de loi ainsi rédigé.
En conséquence, la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la proposition de loi dont la teneur suit.
La République française reconnaît que la traite négrière transatlantique et l'esclavage, perpétrés à partir du XVe siècle contre les populations africaines déportées en Europe, aux Amériques et dans l'océan Indien, constituent un crime contre l'humanité.
Les manuels scolaires et les programmes de recherche en histoire et en sciences humaines accorderont à la traite négrière et à l'esclavage la place conséquente qu'ils méritent. La coopération qui permettra de mettre en articulation les archives écrites disponibles en Europe avec les sources orales et les connaissances archéologiques accumulées en Afrique, dans les Amériques, aux Caraïbes et dans tous les autres territoires ayant connu l'esclavage sera encouragée et favorisée.
Une requête en reconnaissance de la traite négrière transatlantique et de l'esclavage comme crime contre l'humanité sera introduite auprès du Conseil de l'Europe, des organisations internationales et de l'Organisation des Nations unies. Cette requête visera également la recherche d'une date commune au plan international pour commémorer l'abolition de la traite négrière et de l'esclavage.
Il est instauré un comité de personnalité qualifiées chargées de proposer, sur l'ensemble du territoire national, des lieux et des actions de mémoire qui garantiront la pérennité de la mémoire de ce crime à travers les générations. Les compétences et les missions de ce comité seront fixées par décret en Conseil d'Etat.
A l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, après les mots : " par ses statuts, de ", sont insérés les mots : " défendre la mémoire des esclaves et l'honneur de leurs descendant, ".
Source: http://www.outremer44.org/loi.htm
Ce texte a été
affiché sur Internet à des fins purement éducatives,
pour encourager la recherche, sur une base non-commerciale et
pour une utilisation mesurée par le Secrétariat
international de l'Association des Anciens Amateurs de Récits
de Guerre et d'Holocauste (AAARGH). L'adresse électronique
du Secrétariat est <[email protected]>.
L'adresse postale est: PO Box 81475, Chicago, IL 60681-0475, USA.
Afficher un texte sur le Web équivaut à mettre un document sur le rayonnage d'une bibliothèque publique. Cela nous coûte un peu d'argent et de travail. Nous pensons que c'est le lecteur volontaire qui en profite et nous le supposons capable de penser par lui-même. Un lecteur qui va chercher un document sur le Web le fait toujours à ses risques et périls. Quant à l'auteur, il n'y a pas lieu de supposer qu'il partage la responsabilité des autres textes consultables sur ce site. En raison des lois qui instituent une censure spécifique dans certains pays (Allemagne, France, Israël, Suisse, Canada, et d'autres), nous ne demandons pas l'agrément des auteurs qui y vivent car ils ne sont pas libres de consentir.
Nous nous plaçons sous
la protection de l'article 19 de la Déclaration des Droits
de l'homme, qui stipule:
ARTICLE 19
<Tout individu a droit à la liberté d'opinion
et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
Déclaration internationale des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.