AAARGH

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Jugement suisse dans l'affaire de la distribution du Rapport Rudolf



Dokumentation zu Art. 261bis StGB (Rassendiskriminierung)

René-Louis Berclaz: Vertrieb des Rudolf-Berichtes sowie Verbreitung von antisemitischen Flugblättern
Sachverhalt:

Sanktion:
Tribunal Correctionel de l'arrondissement de la Veveyse: Coupable Art. 261 bis al. 1 et 4. 4 mois d'emprisonnement, avec sursis durant 3 ans. Nicht rechtskräftig.
Aus den Erwägungen:

René-Louis Berclaz a commandé, au prix d'achat de 20 fr., frais de port exclus, entre 30 et 40 exemplaires du rapport Rudolf, auprès de l'éditeur VHO (Vrij Historisch Onderzoek), Fondation européenne pour le libre examen historique, en Belgique. Selon ses déclarations, il en a vendu une vingtaine aux prix de 36 fr. et distribué une dizaine dans les milieux officiels, dont le Ministère public de la Confédération et le Conseil d'Etat fribourgeois. Ce document est considéré comme un instrument du révisionnisme mais cet aspect sera examiné plus avant dans le présent jugement. Il convient en effet de se demander préliminairement si le comportement décrit ci-dessus est punissable au sens de l'art. 261 bis CP ou s'il doit qualifié de délit de presse au sens de l'art. 27 CP. (...) En matière de délits commis par la voie de la presse, la tendance à régler la responsabilité par des dispositions spéciales, dérogeant à certains égards au droit commun et spécialement aux règles générales sur la culpabilité et la participation, répond aux conditions particulières dans lesquelles la presse travaille. D'une part, la production d'un imprimé tel qu'un journal, une revue, un livre, etc., met généralement en oeuvre diverses personnes: auteur, rédacteur, éditeur, imprimeur, éventuellement d'autres encore. Cela étant, il arrive souvent que l'application du droit commun, notamment en ce qui concerne la culpabilité et la procédure pénale, ne permet pas de déterminer de manière satisfaisante celui ou ceux qui doivent être punis pour un délit commis par la voie de la presse. D'autre part, la pratique de l'anonymat qui est fréquente surtout dans la presse périodique peut, elle aussi, mettre obstacle à la répression poursuivie selon les règles du droit commun. L'art. 27 CP est applicable seulement quand une infraction a été commise par la voie de la presse et si elle a été consommée par la publication elle-même. Par presse, on n'entend pas forcément le seul imprimé, soit celui produit par les installations mécaniques d'une imprimerie, mais tout écrit reproduit par un moyen mécanique permettant d'établir facilement un très grand nombre d'exemplaires. La disposition s'applique donc à tous les genres de publications telles que journaux, périodiques, livres, tracts, affiches, prospectus, catalogues, etc. Partant, il convient de se demander si l'importation et la diffusion des exemplaires du rapport Rudolf constituent des délits de presse, de sorte que René-Louis Berclaz ne serait pas punissable en application de la disposition précitée. Le Conseil fédéral décrit la structure de l'art. 261 bis CP selon les principaux modes de commission du délit, soit: la propagande raciste au sens large du terme (1er à 3ème al.); l'atteinte à la dignité humaine (4ème al.); le refus d'un bien ou service offerts publiquement (5ème al.). Il distingue encore les véritables actions de propagande, au sens courant du terme, qui sont couvertes par le 3ème alinéa, de la propagande raciste au sens large, à savoir l'influence exercée sur un public plus ou moins nombreux dans le but d'exciter celui- ci contre certaines personnes ou certains groupes de personnes, qui, elle, est couverte par les 1er et 2 ème alinéas. Selon Guyaz, la dénomination de propagande au sens large ne convient qu'à moitié pour désigner les trois premiers alinéas de l'art. 261 bis CP. En effet, alors qu'ils désignent tous un comportement de communication de nature à renforcer les sentiments et les comportements racistes au sein de la population, seuls les deux derniers visent des actes impliquant une certaine planification, dans un but de communication. Pour cet auteur, l'art. 261 bis al. 3 CP exclut l'application de l'art. 27 CP en matière de délits de presse. En reprimant à titre d'auteur direct celui qui prend part à une action de propagande raciste, l'organise ou l'encourage, la loi vise manifestement toutes les personnes qui participent à la mise sur pied d'une telle action et ne se contente pas de punir le cerveau de l'opération. Dès lors, par exemple, si un imprimeur accepte de reproduire à un grand nombre d'exemplaires les tracts nécessaires à une action de propagande, il tombe sans aucun doute sous le coup de l'art. 261 bis al. 3 CP, même si l'auteur de ce tract est également condamné. Niggli, qui s'est exprimé largement sur se sujet, pense que les comportements punissables au sens de l'art. 261 bis al. 1 à 3 CP concernent la propagande raciste au sens large et ne peuvent, de ce fait, être qualifiés de délits de presse (art. 27 CP). Cet avis semble correspondre à la volonté de législateur. En effet, par les trois premiers alinéas de l'art. 261 bis CP, le législateur a souhaité punir l'organisation et l'encouragement d'actions de propagande raciste, ainsi que la participation £ de telles actions. Par là, il a voulu indiquer clairement que tout personne qui prend part à une action de propagande raciste, sous quelque forme que ce soit, est considérée comme coauteur et non pas comme simple complice. L'application des art. 27 CP (responsabilité exclusive de l'auteur) et 261 bis al. 1 à 3 CP (propagande au sens large) amène à des résultats contradictoires. Pour ces motifs, il convient de soutenir la thèse de Niggli qui exclut l'application de l'art. 27 CP aux actes de propagande raciste au sens large (art. 261 bis al. 1 à 3 CP). En revanche, pour les alinéas 4 et 5, le législateur n'a pas retenu la propagande raciste comme mode de commission du délit, mais l'atteinte à la dignité humaine (al. 4) et le refus d'un bien ou service offerts publiquement (al. 5). Ce faisant, il a exclu la condamnation pour la simple participation à la diffusion d'idées révisionnistes. C'est donc avec raison que Niggli relève que les manifestations de discrimination raciale entreprises hors du contexte de la propagande raciste au sens large, soit les alinéas 4 et 5, qui servent avant tout à préserver un intérêt individuel, la dignité humaine, peuvent représenter des délits de presse auxquels l'art. 27 CP s'applique. Dans le même sens, le Tribunal cantonal vaudois a annulé un jugement rendu par le Tribunal correctionel de Vevey le 8 décembre 1997, arguant qu'en application de l'art 27 CP, la seule diffusion d'un livre révisionniste n'est pas punissable. La notion de propagande employée à l'art. 261 bis CP ne diffère pas de celle consacrée à l'art. 275 bis CP. La doctrine et la jurisprudence suisses la définissent comme une attitude de communication qui peut résider dans toute action perceptible pour autrui, telle qu'un discours, le prêt ou la diffusion de textes écrits, l'exposition d'images ou de photographies, le port de certains insignes ou même de simples gestes. Ainsi, il convient de ne pas s'écarter du principe de la responsabilité exclusive de l'auteur, soit de la personne qui est à l'origine du contenu de la publication, et par conséquent, de libérer René-Louis Berclaz pour l'importation et la diffusion des exemplaires du Rapport Rudolf. L'acquittement du prévenu sur ce point n'est dû qu'à l'application de l'art. 27 CP, ce qui a dispensé le Tribunal d'examiner, à ce stade, si le rapport tombe sous le coup des dispostions relatives à la discrimination raciale. (...) René-Louis Berclaz a déclaré ce jour avoir envoyé une cinquantaine de bulletins de commande du rapport en y joignant un document intitulé «Holocauste & Révisionnisme, 33 questions et réponses, Ce que vous aviez (peut-être) toujours désiré savoir, mais que les médias taisent unanimement.» Selon ses déclarations, ce document a été publié part VHO (Vrij Historisch Onderzoeck). René-Louis Berclaz n'en connaît pas l'auteur, mais s'est passer pour tel en signant le document au nom de son officine «...». Il reconnaît d'ailleurs expressément avoir pris ce document à son compte et cautionner ce questionnaire. Il en assume donc la responsabilité en tant qu'auteur au sens de l'art. 27 CP. Partant, il convient d'analyser si par ses actes, le prévenu s'est rendu coupable du délit de l'art. 261 bis al. 4 CP. (...) Cette incrimination exige trois éléments constitutifs: a) l'auteur doit avoir nié, grossièrement minimisé ou cherché à justifier un génocide ou d'autres crimes contre l'humanité. La négation d'un événement implique que l'auteur conteste fondamentalement son existence et qu'il prétende purement et simplement qu'il n'a pas eu lieu. Celui qui déclare que le régime national-socialiste n'avait aucune volonté délibérée de détruire le peuple juif nie sans aucun doute le génocide commiss par ce régime. Il conteste en effet un élément essentiel de ce crime contre l'humanité et remet ainsi en cause toute l'atrocité et la barbarie de cet acte. Relevons quelques passages du document incriminé: «Personne ne conteste que de nombreux juifs sont morts pendant la seconde guerre mondiale, du fait de leur déportation en Europe de l'Est de des conditions inhumaines qui régnèrent en certaines périodes dans les camps de concentration. Rien ne prouve, toutefois, qu'un plan ait existé (et ait été exécuté) pour la mise à mort de qui que ce soit en raison de sa race. Ni les Juis, ni les Tziganes n'ont été systématiquement exterminés. Tous ceux qui moururent dans les camps de concentration, des malfaiteurs de droit commun aux résistants et partisans de diverses nationalités etc., connurent le même sort tragique ... Il n'existe pas un seul ordre écrit pour l'extermination des juifs. Il est inimaginable que, dans l'Allemagne rigoureusement bureaucratique et hiérarchique de cette époque, une action d0une telle envergure ait pu être exécutée sans une chaîne d'ordres explicites, écrits, clairs et détaillés. On prétend que des mots comme «Sonderbehandlung», «Umsiedlung», «Arbeitseinsatz» et «Endlösung» étaient des mots de code pourextrermination. A notre avis, c'est une spéculation sons fondement... Le camps 'Auschwitz faisait partie d'un vaste complexe industriel où l'on fabriquait notamment du caoutchouc synthétique et de l'essence à partir du charbon. Le camp des détenus servait de réservoir de main-d'oeuvre, mais aussi de camp de passage... Il aurait aussi servi de plaque tourmante pour l'implanation de juifs en Biélorussie... Les causes principales de décés étaient surtour les épidémies de typhus, mais aussi les conditions de vie terribles et le traitement souvent barbare des détenus...» Il est évident que ce document nie le génocide juif. b) l'auteur doit avoir agi publiqument Pour la doctrine, ce terme a le même sens qu'à l'art. 259 CP réprimant la provocation publique au crime et à la violence. Des propos sont donc tenus publiquement s'ils s'adressent à un large cercle de personnes, dont le nombre est indéterminé et qui nie sont pas liées à l'auteur ou à la victime par des relations personelles. Le lieu et le nombre d'interlocuteurs ne sont pas en soi déterminants, des propos étant également tenus publiquement si l'auteur doit compter avec une diffusion ultérieure sur laquelle il n'a aucune influence. Des propos haineux ou dénigrants publiés dans une revue destinée à des personnes ayant les mêmes convictions que l'auteur sont publics. Ils le sont aussi si le tirage est très limité, le risque que des exemplaires ne sortent du petit cercle visé étant réel. En l'espèce, René-Louis Berclaz reconnaît avoir envoyé une cinquantaine d'exemplaires de ce document. Cependant, il affirme avoir uniquement visé des personnes qu'il connaît personellement. Le prévenu a peut-être bien envoyé ces «33 questions et réponses» uniquement à des connaissances et à diverses personnes montrant de l'intérêt pour les thèses s'y trouvant soutenues. Toutefois, un risque existe que ce document soit encore multiplié par les destinaires et sortent ainsi du groupe visé à l'origine par le prévenu. Ce risque est d'autant plus grand que ces envois peuvent avoir été perçus par d'autres révisionnistes qui, à leur tour, désirent diffuser ce document plus largement encore. Ajoutons que la diffusion s'est faite un peu partout en Suisse Romande et que le document est constitué de 2 pages A4 facilement reproductibles, ce qui permet une distribution rapide et étendue dans l'espace. C'est d'ailleurs une large diffusion que visait René-Louis Berclaz puisque le document en question mentionne expressément: «Soutenez le révisionnisme en diffusant ce tract!» Il serait trop facile d'éviter la sanction de la loi, si le prévenu pouvait se prévaloir du fait d'avoir uniquement touché des connaissances et d'être ainsi resté dans le domaine privé. Dès lors, même si le tract a été diffusé à moins de cinquante exemplaires, ce qui n'est pas exclu compte tenu des déclarations faites par René-Louis Berclaz durant l'enquête, il faut admettre qu'il a agi publiquement. c) L'auteur doit avoir agi en raison de la race, de l'appartenance ethnique ou de la religion de personnes. Cette dernière exigence, qui correspond aux termes «pour la même raison» a déjà donné lieu à de nombreuses controverses. Pour une partie de la doctrine, elle ne correspond pas à un élément subjectif particulier. L'auteur est punissable même s'il agit pour des mobiles autres que racistes. Guyaz explique que l'élément subjectif apparaît mal approprié pour délimiter de façon claire et cohérente le camp d'application de l'art. 261 bis al. 4 CP qui ne réprime pas exclusivement la négation des crimes contre l'humanité perpétrés par le régime national-socialiste. Comme le fait remarquer à juste titre Stratenwerth, l'exigence d'un mobile raciste est ici trop restrictive. Il est parfaitement concevable en effet que l'auteur nie un crime contre l'humanité pour des raisons politiques, par patriotisme ou par opportunisme; il n'en demeure pas moins que son comportement porte atteinte à l'identité raciale d'autrui et constitue une menace pour la paix publique. En l'espèce, il est clair que René-Louis Berclaz a, à travers ce document, nié les chambres à gaz et l'extermination systématique des juifs par les nazis. Il tombe ainsi sous le coup de l'art. 261 bis al. 4 CP et cela même indépendamment des motifs, racistes ou non, qui l'ont poussé a agir. Il est néanmoins incontestable que c'est mu par de tels motifs au'a agi le prévenu qui, bien qu'esquivant la question de savoir s'il était antisémite, a déclaré que, pour lui, le peuple juif demeurait le peuple déicide. Son antisémitisme transparaît d'ailleurs dans toutes ses actions, en particulier dans celles dont il sera question ci-dessous. Pous ces motifs, le Tribunal reconnaît René-Louis Berclaz coupable de discrimination raciale au sens de l'art. 261 bis al. 4 CP. René-Louis Berclaz a signé le texte intitulé «Pour la liberté d'expression et d'information» et l'affiché, une centaine de fois, un peu partout en Suisse Romande. Dans ce document, il s'insurge contre le fait que l'article 261 bis CP réprime seulement «ceux qui osent mettre en doute l'existence de certains crimes commis contre l'humanité» et pose la question suivante: «Mais le crime en question a-t-il réelement été perpétré? C'est la question que l'on reste en droit de poser en prenant connaissance de certains documents, comme le livre de roger Garaudy, 'Les Mythes fondateurs de la politique israélienne', ou le trop confidentiel Rapport Rudolf, de l'Institut Max Planck, des documents que l'on cherche à interdire faute de pouvoir les réfuter.» Il est contestable que, par le nombre d'affiches et les personnes pouvant prendre connaissance de chacune d'elles, René-Louis Berclaz a diffusé publiquement ce document. Le prévenu se prévaut, tout d'abord, de son droit à critiquer la loi, ce que chachun admet, aussi longtemps qu'il agit sans violer la norme sur la discrimination raciale. Il fait ensuite valoir le fait que son texte, formulé de manière interogative, constitue une simple mise en doute et non pas la négation du génocide au sens de l'art. 261 bis al. 4 CP. C'est donc ce dernier point qu'il convient de discuter. Le génocide commis par les nazis durant la seconde Guerre mondiale n'est ni une idée, ni une opinion. C'est une réalité incontestable et indubitable ne se prêtant, par définition, à aucune controverse historique sérieuse. Mettre en doute la réalité de ce fait constitue une remise en cause de l'atrocité du génocide et porte ainsi déjà atteinte à la dignité du peuple juif. En effet, devrait-il sie sentir moins offensé par une interrogation (le crime a-t-il été perpétré?) que par une affirmation (le crime a été perpétré.)? Il existe diverses méthodes pour propager une idée, faire connaître une doctrine telle que le négationnisme. Il est bien égal que l'endoctrineur use de formes interrogatives ou affirmatives. Ce qu'il désire, c'est susciter «une prise de conscience chez le lecteur» et la gagner à son fanatisme. En l'espèce, René-Louis Berclaz a posé ses affiches au moment où la Suisse connaissait des débats de tous genres à propos des fonds juifs. Il s'est servi de ce contexte pour alimenter un antisémitisme résurgent et gagner à sa cause une population fragilisée et souvent agacée par cette révision de son passé. Il serait incompréhensible de punir seule la personne qui formule des idées de manière affirmative et de relaxer celle qui avance les mêmes propos sous la forme interrogative. Ce serait aussi créer un trop large champs de manoeuvre aux révisionnistes pour lesquels il suffirait alors d'avancer leurs idées sous la forme interrogative pour pouvoir détourner la loi. Pous tous ces motifs, il serait faux d'interpréter le verbe nier comme la seule et simple affirmation de l'inexistence d'un événement et de ce fait de ne pas retenir le document incriminé comme constitutif du délit de l'art. 261 bis al. 4 CP. Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime que le prévenu a réalisé les éléments constitutif de l'infraction visée par l'Art. 261 bis al. 4 CP. En créant la Congrès juif mondial en 1938, Nahum Goldmann fit accréditer l'idée de l'existence d'un peuple juif. Pendant la dernière guerre mondiale, il émergea comme un des grands dirigeants du tumultueux judaïsme américain; il réunit les sionistes et ceux qui voulaient rester à l'écart du Mouvement national juif. De 1956 à 1968, il cumula la fonction de président du Congrès juif mondial avec celle de président de l'Organisation sioniste mondiale. Son livre «Le paradoxe juif» est le compte rendu d'une conversation tenue avec Léon Abramowicz. A la question «Le Congrès juif mondial a donc été longtemps un instrument antinazie. Mais qu'est-il devenu aujourd'hui?», Nahum Goldmann répond, notamment: «...en cherchant d'abord à informer, le Congrès juif mondial change une politique juive aussi traditionelle que discutable. Depuis deux mille ans, en effet, les Juifs protestent! Tant que nous étions pas reconnus, que nous étions persécutés, qu'on nous accoardait aucun droit, la seule chose à faire effectivement de protester ... Mais à la chute d'Hitler, nous sommes devenus un facteur d'importance mondiale. Nous avons un Etat recnonnu par la plupart des autres pays, respecté par beaucoup, détesté par d'autres, admiré de temps en temps. Même au sein de la diaspora, nous n'avions jamais eu une aussi bonne position: après Auschwitz, les non-Juifs ressentirent une mauvaise conscience et eurent tendance de nous traiter en privilégiés. C'est pour cette raison qu'îls votèrent en faveur de l'Etat juif. Or que faisons nous de ce nouveau pouvoir? Nous continuons principalement à protester. J'exagère à peine. La vie juive est composée de deux éléments: ramasser de l'argent et protester. Les Juifs perturbent un concert de David Oistrafkh sous prétexte qu'il est soviétique, envoient des télégrammes à tout le monde, manifestent aujourd'hui contre Brejenev, demain contre Kissinger, après-demain contre Ford ... Cela devient absurde ...» René-Louis Berclaz a confectionné et placardé une centaine d'affiches relatent la phrase suivante: «La vie juive est composée de deux éléments: Ramasser de l'argent et protester.», extraite du passage précité. Il convient de déterminer si ce faisant, le prévenu s'est rendu coupable du délit de discrimination raciale au sens de l'art. 261 bis CP. (...) Cette disposition (art. 261 bis al. 1 CP) déclare punissable «celui qui publiquement, aura incité à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse.» Ce délit comprends donc les éléments suivants: a) Il doit avoir agi publiquement. En l'espèce, il est manifeste et incontesté que ce document a été créé en de nombreux exemplaires et largement diffusés partout en Suisse Romande. b) Il doit avor agi envers uns personne ou un groupe de personnes en raison de leur appartenance raciale, ethnique ou religieuse. Par ce message, René-Louis Berclaz s'en prend à tous les juifs. Or, il est incontestable que le judaïsme constitue une religion au sens de l'art. 261 bis CP ayant droit au respect et à la tolérance nécessaire à l'exercice de la liberté de croyance. c) Le message doit avoir incité à la haine ou à la discrimination. L'article premier de la Convention internationale de 1965 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale donne une définition exhaustive de l'expression discrimination raciale, terme qui «vis toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans des conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique.» Un comportement discriminatoire est tout acte ou omission qui restreint, pour d'autres êtres humains, l'exercice de leurs droits fondamentaux ou qui a simplement cet effet. L'incitation à la haine consiste à faire adopter ou à suggérer à ses interlocuteurs un certain état d'esprit. L'incitation apparaît comme un mécanisme plus subtil et plus sournois que la simple provocation visée par les art. 259 CP (provacation publique au crime ou à la violence) et 276 al. 1 CP (provocation à la violation des devoirs militaires), bien qu'elle doive elle aussi être propre, par sa forme et son contenu, à influencer la volonté des personnes à qui elle s'adresse. La haine est une notion assez subjective. Elle apparaît comme une forme avancée d'hostilité, au-delà du simple rejet ou du mépris, précédant de peu des comportements agressifs ou des actes de violence. Il est certain que la haine ne saurait en soi constituer une infraction, et que le législateur n'a pas pour tâche d'apprendre aux citoyens à aimer leur prochain. Un tel sentiment représente un facteur important d'instabilité et de troubles sociaux, notamment lorsqu'il est dirigé contre un groupe entier de personnes. Répandre au sein de la population des sentiments de haine raciale trouble sans aucun doute la paix publique. Enfin, bien que la liberté d'expression protège également l'expression des sentiments, elle n'autorise pas pour autant la violation des droits d'autrui, tels que l'honeur et la dignité humaine. En résumé, incite à la haine ou à la discrimination raciale au sens de l'art. 261 bis al. 1 CP celui qui, en raison de l'appartenance raciale, ethnique ou religieuse d'une personne ou d'un groupe de personnes portent atteinte à leur dignité humaine, poussant ainsi le public à des actes discriminatoires et à des sentiments de haine envers ces personnes. L'incitation est consommée aussitôt qu'elle est commise publiquement, c'est-à-dire dès que la déclaration est accessible à un large cercle de personnes. N'importe quelle critique ou la contestation objective d'une différence ne suffisent pas, le message doit atteindre la personne dans sa dignité d'être, et ceci en raison de son appartenance raciale, ethique ou religieuse. Le message doit faire apparaître les personnes qui appartiennent à une race, une ethnie ou une religion comme étant de moindre valeur du point de vue de la dignité humaine. Guyaz définit la dignité humaine, en tant que bien juridique protégé par la loi pénale, comme un droit au respect dû à chaque individu en raison de sa qualité d'être humain égal aux autres. De toute évidence, la définition des Juifs contenue dans la phrase incriminée remplit ces conditions. Il est vrai que René-Louis Berclaz a emprunté cette citation à Nahum Goldmann. Toutefois, comme on l'a vu ci-dessus, il ne s'agit pas d'une phrase isolée. Goldmann explique, auparavant, les raisons qui poussent les juifs à protester, soit la persécution et la non-reconnaissance. Le prévenu ne tient nullement compte de ces éléments. Il sort cette phrase de son contexte général, l'agrandit sur une page A3 qu'il placarde un peu partout. Ce faisant, il permet à tout profane de le percevoir et de l'interpréter en toute liberté indépendamment du contexte donné par son auteur. René-Louis Berclaz a non seulement sorti cette citation de son contexte, mais également d'une époque, pour la replacer dans une situation bien déterminée. En effet, on ne peut occulter les relents d'antisémitisme qu'a connu notre pays ces dernières années en relation avec «l'affaire des fonds juifs». Chacun a pu suivre à travers tous les types de médias, les diverses critiques formulées à l'égard de l'attitude de la Suisse durant la seconde Guerre mondiale. Une grande partie de la population s'est retrouvée fragilisée, notamment par la répétition et l'origine des accusations et a donc dû douloureusement revoir l'histoire de son pays. Il est évident que René-Louis Berclaz a voulu tirer profit de cet état de fait. Ce faisant, il ne pouvait qu'éveiller, voire renforcer un sentiment de haine ou suggérer un état d'esprit négatif des lecteurs envers les juifs. La forme employée par le prévenu peut être qualifiée de sournoise. Le fait d'emprunter la citation d'un auteur juif, artisan qui plus est de la création de l'Etat juif et, surtout, des négociations avec l'Allemagne relatives aux réparations dues au peuple juif, pour inciter des sentiments négatifs à l'égard de ce même peuple peut être considéré comme un comportement sournois et attentatoire à la dignité des Juifs. L'amalgame de l'emprunt de cette citation à un homme politique, artisan de la création d'Israèl, et de sa diffusion dans un contexte d'antisémitisme latent, ne peut que qu'offenser et porter atteinte à la dignité du peuple juif. Conformément à l'art. 18 al. 1 CP, les infractions de 261 bis CP ne sont punissables que si elles sont commises intentionellement. L'auteur doit donc savoir et vouloir, à tout le moins par dol éventuel, que sa déclaration porte atteinte à la dignité d'autrui, en ce sens qu'elle présente les membres de la communauté concernée comme inférieurs ou dangereux, et qu'elle est ainsi suffisamment violente pour influencer autrui. Pour certains auteurs, il n'est pas nécessaire que la conscience et la volonté de l'auteur portent sur le résultat de l'incitation, à savoir la commission par les personnes auxquelles il s'adresse d'actes discrminatoires ou la naissance chez elles d'un sentiement de haine à l'encontre d'un certain groupe racial, ethnique ou religieux. D'autres prétendent que l'incitation à la haine ou à la discrimination raciale n'est possible que si l'auteur désire réellement exercer une influence sur autrui. Le Conseil fédéral pense que l'auteur des infraction décrites aux alinéas 1 et 2 exerce une influence sur le public dans le but d'exciter celui-ci contre certaines personnes ou groupes de personnes. Il oppose cependant cette attitude aux actes de propagande au sens strict, qui impliquent, selon lui, l'intention de gagner des adhérents ou de fortifier leurs convictions. Selon René-Louis Berclaz, son intention était de susciter une prise de conscience, de faire connaître une information intéressante. Cependant, il connaissait les tensions suscitées par «l'affaire des fonds juifs» et ne pouvait pas légitiment penser que le lecteur se contenterait de prendre connaissance du message, sans que cela n'éveillât chez lui un fort sentiment d'hostilité, d'agacement ou de haine. On peut même affirmer que le prévenu a agi sournoisement, lorsqu'il a décidé de tirer profit du dudit contexte. Les autres infractions retenues à sa charge et l'antisémitisme qui transparaît dans ses actes et ses paroles en sont la preuve. Pour ces motifs, le Tribunal est convaincu que le prévenu a bien agi intentionellement, ou du moins par dol éventuel.» La confiscation du rapport Rudolf (Art. 58 al 1 CP) «Il apparaît dès lors évident que cette expertise est révisionniste, dans la mesure où elle tente, par des analyses chimiques uniquement, de nier ou, tout au moins, de relativiser un fait historique établi depuis près d'un demi-siècle. Ce qu'a d'ailleurs répété le Tribunal fédéral dans sa jurisprudence constante. Or, c'est ce genre d'ouvrages pseudo-scientifiques que vise l'art. 261 al.4 in fine. Il est bon de rappeler ici la teneur du message du Conseil fédéral (...): «Le fait de déshonorer la mémoire d'un défunt a été inclus dans la définition de l'infraction pour pouvoir s'en prendre aus falsifications d'histoire des révisionnistes qui diffusent dans leurs ouvrages pseudo-scientiques des théories qu'on désigne sous le nom de 'Mensonge sur Auschwitz'. Il s'agit de l'affirmation selon laquelle l'Holocauste n'aurait jamais eu lieu et les chambres à gaz n'auraient pas existé. Ce ne seraient pas six millions de Juifs au'on aurait fait mourir, mais beaucoup moins, et par ailleurs, les Juifs retireraient des avantages économiques de l'Holocauste. Cette falsification de l'histoire ne peut pas être considérée comme une simple querelle d'historiens. Elle cache souvent une tendance de propagande raciste qui se révèle particulièrement dangereuse lorsqu'elle s'adresse à des auditeurs jeunes dans le cadre de l'enseignement.» Au vu de ce qui précède, la confiscation de rapport Rudolf doit être ordonnée, quand bien même René-Louis Berclaz n'est pas punissable l'avoir diffusé.»

http://www.gra.ch/prozesse/artach13.html
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