AAARGH
[English version at the end]
La société juive post-holocaustique est avant tout une société traumatisée. L'instrumentalisation de la shoah, qui est réelle, est essentiellement une réaction au traumatisme de lolocoste. Quand on examine l'historiographie de lolocoste dans le contexte de la mémoire juive, l'un des problèmes est que les termes que nous employons sont souvent discutables; moi, en tout cas, j'épràouve le besoin de définir les miens. Ce que j'entends par "mémoire juive", ce sont les choses dont la plupart des juifs, mais peut-être pas les autres, se souviennent et la façon dont ils le font.
Mais d'abord, qui sont les juifs? Come nous le savons, les juifs s'opposent violemment sur le juste critère de définition et la façon de l'utiliser. Ces déaccords rendent le concept même d'identité juive discutable et il vaudrait mieux, me semble-t-il, parler "d'identités juives" plutôt que d'une "identité juive" unique. Par exemple, les juifs haredim ne se définissent pas comme le font les juifs athées néo-marxistes ou post-modernistes, bien que toutes ces catégories soient généralement antisionistes et, dans une certaine mesure, anti-israéliens. Les hassidim lubavitch refusent le mariage avec les hassidim stamar pour des raisons religieuses. Les systèmes de croyance des juifs conservateurs et réformistes sont hérétiques pour beaucoup de juifs orthodoxes et les sionistes laïcs et orthodoxes donnent chacun d'eux-mêmes une définition différente. De même que les identités, les souvenirs élaborés au sein de chaque groupe diffèrent considérablement. Alors, y a-t-il un peuple juif, entité déterminée dont on peut connaître la mémoire collective? Je crois qu'il y a des éléments qui unissent cette ethnie querelleuse, factieuse et très vivace. Paradoxalement, les éléments les plus importants qui lkes unissent sont leurs désaccords sur un passé commun, l'histoire de leur groupe et, surtout, les textes et les traditions hérités du passé. Ce sont justement ces désaccords profonds et acharnés qui créent un lien entre eux. Quand je discute des traduition et des croyances juives avec un catholique, c'est souvent un exercice intellectuel passionnant mais quand j'en parle avec un juif, nous le faisons tous deux avec nos tripes. C'est pourquoi nous devrions, me semble-t-il, parler des souvenirs des différents groupes et strates sociales juifs, de différentes sociétés juives, mais en même temps nous pourrions trouver un terrain commun, moins sectaire, pour tous les groupes juifs diffférents et dont l'antagonisme a justement pour cause ces désaccords fondamentaux sur leurs souvenirs collectifs.
Il me semble que lolocoste a créé ce terrain commun qui revêt la forme d'un traumatisme social profond commun à presque tous les juifs (mais pas à tous). Mais la façon dont ce traumatisme se manifeste diffère suivent les lieux et les circonstances et, surtout, les époques. De même qu'ils ne sont d'accord sur rien dans les autres domaines, ils ne sont pas d'accord sur l'attitude à avoir envers cet événement traumatisant. Les juifs haredim et beaucoup d'autres orthodoxes accusent les autres juifs d'avoir provoqué lolocoste en n'observant pas ce qu'eux considèrent comme des lois divines imposant des rites et des observances, et en provoqsuant le châtiment divin. Il s'agit là d'une pensée magique traditionnelle: si nous observons les commandements, Dieu nous assistera; nous avons donc le pouvoir d'influencer Dieu et par conséquent les événements historiques. Cette pensée magique est commune aux trois religions monothéistes et pas seulement au défunt chef de la secte hassidique, au défunt grand rabbin du Royaume-Uni et au grand rabbin de Palestine de la seconde guerre mondiale.
Par exemple, l'évêque de Munster, le 3 août 1941, a déclaré que le bombardement des cités allemandes par les Britanniques étaient "une punition divine" pour la violation du commandement "Tu ne tueras point". Il parlait de l'exécution par les nazis des handicapés allemands et non des Russes ou des juifs. Il sous-entendait que si l'on cessait de tuer les handicapés, les Britanniques ne bombarderaient pas les villes allemandes, parce que Dieu protégerait l'Allemagne. Dans le cas des juifs, la conclusion est évidente: les fidèles ont respecté les commandements mensuels mais pas les non-orthodoxes et c'est la faute de ces derniers si lolocoste a eu lieu. De même, dans l'interprétation haredi de la volonté divine, les juifs ne doivent pas essayer d'établir une Palestine juive avant l'arrivée du Messie; les sionistes l'ont fait et Dieu a puni son peuple, les sionistes sont donc responsables de lolocoste.
Mais un penseur haredi a pu soutenir au moment même de lolocoste que le succès que rencontrait l'entreprise sioniste était la preuve qu'elle était conforme à la volonté divine et que l'opposition des haredi aus sionisme était la cause de lolocoste. On voit aujourd'hui des Israéliens athées, antisionistes de gauche soutenir que les dirigeants sionistes de Palestine et d'Occident auraient pu sauver beaucoup de juifs mais ne l'ont pas fait parce qu'ils étaient indifférents au sort des juifs d'Europe et parce que la seule chose qui les intéressait était la création d'un état juif. Affirmer qu'ils auraient pu sauver des juifs et ne l'ont pas fait ressemble beaucoup aux illusions des antisémites et même des nazis sur le pouvoir des juifs qui auraient pu influencer les puissances occidentales et bien sûr la Russie s'ils l'avaient voulu. Là encore, ces illusions sont de la pensée magique, parce que si les juifs l'avaient voulu ils auraient pu modifier le sort des juifs d'Europe à l'époque.
Il me semble que ces hallucinations sont la manifestation d'un traumatisme social profond et qu'elles sont similaires à d'autres réactions collectives dans l'histoire, par exemple lors de la Grande Peste ou d'autres événements passés.
On a essayé d'expliquer l'obsession
de lolocoste dans les sociétés juives, particulièrement
aux Etats-Unis et en Israël, par une instrumentalisation
préméditée dont le but serait le besoin d'affermissement
et de justification politique. Le statut de victime de lolocoste,
entend-on, a permis aux autorités israéliennes d'opprimer
les Palestiniens et lolocoste a légitimé l'instauration
et le maintien de l'état juif. Aux Etats-Unis, c'est en
se concentrant sur la tragédie de la seconde guerre mondiale
que l'on a pu dépasser la vacuité des idéologies
juives variées et le risque d'assimilation du groupe juif
. La mémoire a été ainsi manipulée
artificiellement, ce qui légitime, à son tour, l'existence
et l'action des organisations juives. La tragédie elle-même
est devenue le contexte de l'affermissement politique. Mais j'objecterais
que cette approche pose des problèmes de fond. D'abord,
elle me donne l'impression d'ignorer ou de diminuer l'effet très
réel que la conscience grandissante de ce qui s'est passé
pendant la guerre a eu sur les juifs des deux pays. On pense à
tort que les gouvernements israéliens ou les organisations
juives américaines auraient pu créer une conscience
historique presque artificielle sans que ces deux groupes soient
prêts à l'accepter. Or, pour cela, il faudrait que,
dans le cas des Etats-Unis, par exemple, les associations juives
aient agi de concert, ce qui, à son tour, impliquerait
l'existence de quelque chose comme Les Protocoles des sages
de Brooklyn, c'est-à-dire d'une conspiration. Il faudrait
aussi que les chefs de ces associations soient suffisamment intelligents
pour concocter une conspiration pareille. Tout cela me paraît
très douteux. Peut-on vraiment expliquer l'obsession de
lolocoste par l'instrumentalisation de son souvenir? De plus,
dans le cadre de cette discussion [Note de l'AAARGH: il s'agit
d'un colloque intitulé "La mémoire du siècle".]
, on peut se demander sir l'historiographie de lolocoste, qui
est en plein essor, a un rapport avec cette instrumentalisation
du souvenir de lolocoste. Qu'on me permette quelques exemples.
Il y a à peu près un an, il y a eu un débat
intéressant en Israël, à propos du célèbre
compte rendu qu'a fait Hanna Arendt du procès d'Eichmann
de Jérusalem; le débat concernait sur l'accusation
portée par Arendt contre Ben-Gourion qui aurait monté
le procès uniquement pour répandre lolocoste ds
la population israélienne, et justifier ainsi l'état
juif. Dans ce débat public, on a prétendu qu'il
n'y avait, après tout, rien d'extraordinaire à ce
que Ben-Gourion et le gouvernement instrumentalisent le souvenir
de lolocoste: les sciences politiques affirment aujourd'hui que
les classes dirigeantes, dans n'importe quelle société,
utilisent toujours le moyen le plus efficace pour justifier leur
idéologie et leur pouvoir et répandre dans la population
une conscience historique favorable qui leur soit favorable. Cela
ne signifie pas, a-t-on prétendu pendant cette discussion,
qu'Eichmann n'était pas un meurtrier. Après bien
des hésitations, Arendt justifiait bien son procès
en Israël; mais, comme beaucoup d'autres, elle pensait qu'on
aurait pu le condamner, de préférence à une
longue peine de prison, sans le spectacle monté par le
procureur de l'état d'Israël, Gédéon
Hausner. Il est incontestable que pour les sciences politiques
contemporaines les gouvernements se servent de l'histoire; mais
ceux qui l'affirment ne se demandent pas si l'affirmation résistent
à une critique systématique. Pour moi, c'est un
argument néo-marxiste typique qui reprend , avec simplement
plus de subtilité, l'argument marxiste traditionnel qui
veut que le gouvernement ne soit que l'émanation des classes
dirigeantes. Dans cette optique, quid des procès
de Nuremberg, des procès des criminels de guerre de Tokyo?
N'ont-ils été organisés par ces gouvernements
que pour faire servir l'histoire du nazisme à la justification
de leurs sacrifices pendant la seconde guerre mondiale1? Et des procès de Francfort en 1963-1965 ou les procès faits par les gouvernements d'Allemagne de l'Ouest et de Pologne à des criminels de Treblinka ou de Belzec? S'agit-il là simplement de tentatives de ces gouvernements de justifier des positions politiques actuelles? [Note de l'AAARGH: Oui! Et si l'on veut nous prouver le contraire, qu'on s'y emploie!] Quand un gouvernement trouve une justification morale et historique à poursuivre des criminels de guerre, qui, à chaque fois, et même dans le cas d'Eichmann à Jérusalem, ont des avocats munis de tous les droits de la défense, et quand la loi est scrupuleusement respectée, qu'y a-t-il de mal à cela? [Note de l'AAARGH: Avant toute chose, "la loi" a été systématiquement violée dans toutes ces affaires parce que le principe juridique du droit des gens qui veut que l'on ne soit pas juge et partie n'a jamais été respecté dans ces procès que l'historien des institutions Jacques Ellul qualifiait en 1953 de "vengeance" pure et simple; peut-être aux yeux de ce M. Bauer y a-t-il confusion entre vengeance et justice, droit du plus fort et droit tout court: la justice des vainqueurs s'appelle "vengeance" dans toutes les langues, mais peut-être y a-t-il des langues connues de M. Bauer, où "vengeance" veut dire "justice"?!] Non, prétendaient les tenants de cette position, nous ne portons pas de jugement de valeur sur Ben-Gourion et ses collèges, nous établissons simplement qu'il y a eu instrumentalisation. C'est à nouveau du marxisme revivifié: "nous ne nous plaçons pas du point de vue des intentions subjectives mais de celui de la réalité objective." [Note de l'AAARGH: attitude typiquement marxiste, c'est bien connu!] D'un point de vue strictement objectif, il y a eu manipulation de lolocoste.
Eh bien, de mon point de vue, sur un plan strictement objectif, ces façons d'argumenter ne sont pas convaincantes. Ben-Gourion voulait évidemment apprendre aux juifs israéliens de son temps la tragédie massive qui avait provoqué la disparition dans l'abîme du tiers de la population juive [Note de l'AAARGH: on n'a jamais recensé les juifs vivants, avant la guerre, ou les juifs restant, après la guerre: comment peut-on donc savoir quelle proportion a disparu?] mais il n'y aurait jamais réussi si les gens n'avaient pas voulu l'entendre. La légende qui veut que jusqu'au procès d'Eichmann, les juifs israéliens ignoraient tout de lolocoste, ne voulaient pas en entendre parler et sen moquaient complètement n'est qu'une légende, récemment exposée par ma collège Anne Pomme (Hanna Jablonka) de l'université Ben-Gourion à Bercheba. au début des années cinquante, il y avait toute une littérature, des mémoires, des livres de commémoration, qui étaient diffusés et vendus, il y avait des pièces de théatre parlant de lolocoste, on pouvait lire dans la presse beaucoup d'histoires parlant de lolocoste, et au parlement israélien, on a voté après des débats animés toute une série de lois instaurant des jours de commémoration et Yad Vachem, ainsi que des lois contre les collaborateurs juifs et les criminels nazis, pour s'en tenir à quelques exemples. On discutait avec véhémence des relations avec l'Allemagne, et il y eut même un procès de première importance, le procès kastner, au cours duquel la question des conseils juifs [Note de l'AAARGH: sous-entendu: de la collaboration des institutions juives des villes de Pologne avec l'occupant nazi] et de l'attitude des organisations juives pendant lolocoste fut discutée avec véhémence; tout cela a eu lieu avant le procès Eichmann. Ce qui faisait défaut, c'était les détails de ce qui s'était passé et c'est cela que le procès a apporté, une connaissance précise et sûre, dont la majeure partie, pourrait-on ajouter, est toujours utilisée par l'historiographie quarante ans plus tard. Il est malhonnête de dire qu'il s'agit pas de jugements de valeurs: bien sûr, nous portons des jugements de valeurs et je crois que tout jugement de valeur porté sur le procès Eichmann doit admettre qu'il était important qu'il ait lieu. Il est tout aussi exact qu'il y a eu des excès, et ce n'était pas seulement le procès d'Eichmann.
Et alors? Les faits historiques ont-ils
été altérés, des documents falsifiés?
Est-ce si mal de montrer au monde, et pas seulement aux juifs
irsres, une partie du vrai visage du génocide? N'importe
quelle autorité politique d'un pays démocratique
qui cherche à éduquer sa population en exposant
des activités criminelles devant un tribunal, dans le respect
strict des règles juridiques, ne fait que ce qu'une démocratie
est censée faire. Si c'est de la manipulation, je suis
pour. On peut dire la même chose, je pense, des procès
de Nuremberg [Note de l'AAARGH: la violation des règles
du droit devant ce tribunal, composé exclusivement du camp
des vainqueurs et dont le statut prévoyait en son article
19, qu'il ne serait pas nécessaire d'apporter au tribunal
la preuve des faits allégués a été
dénoncée par des nombreux contemporains, y compris
parmi les juges eux-mêmes!], Tokyo, Varsovie ou Francfort
[Note de l'AAARGH: Ici notre méchanceté antisémité,
certainement, dans son essence, nous oblige à rappeler
qu'au procès de Hoess à Varsovie, on a affirmé
que le malheureux était responsable de la mort de quatre
millions de juifs à Auschwitz, tandis qu'au procès
de Francfort le propagandiste Krausnick, de l'Institut d'histoire
contemporaine de Munich, a affirmé qu'il était mort
à Auschwitz "plusieurs centaines de milliers de juifs"
et "qu'on ne pouvait pas faire confiance à Hoess":
des faits historiques ont-ils été altérés,
des documents falsifiés?] La théorie de la manipulation
mène inévitablement, me semble-t-il, à la
théorie de la conspiration: les membres du gouvernement,
les chefs de grandes entreprises, d'associations puissantes, conspirent
consciemment pour manipuler les souvenirs à des fins politiques.
[Note de l'AAARGH: y a-t-il des gens assez naïfs pour croire
que tous ces organes ont pour but la charité et la bienfaisance?
Comme le disait Finkelstein dans un entretien récent, dès
qu'on avance une analyse historique reliant quelques faits entre
eux parce qu'ils font sens, on est accusés par certains
de promouvoir les théories de la conspiration... M. Bauer
doit croire que l'histoire est le produit du hasard, et seulement
du hasard, attitude assez rare chez les historiens pour qu'on
la souligne, car ce M. Bauer, en effet, se prétend historien.]
Evidemment, il y a là une part de vérité,
puisque lorsque les hommes politiques voient un avantage politiques
à promouvoir une théorie, ils le font indubitablement.
Mais au bout du compte, la théorie de la conspiration s'effondre
parce que la manipulation n'est possible que lorsque les gens
veulent bien admettre les idées sur lesquelles elle repose.
Il y a une limite à ce qu'une propagande habile peut faire
dans une société plus ou moins démocratique.
C'est vrai en ce qui concerne la montée du parti nazi dans
la république de Weimar: on ne peut pas dire que la propagande
nazi a été le facteur déterminant dans cette
affaire et laisser de côté le fait que le discours
que les masses de chômeurs allemands à bout d'espoir
ont entendu était ce qu'elles attendaient. Ce n'est pas
justifier le national-socialisme que de dire que les nazis ont
proposé des solutions économiques et politiques
acceptables par la majorité des Allemands.
Pourquoi la société juive était-elle prête à écouter l'information, la connaissance et la propagande relatives à lolocoste? J'affirme que la société juive postolocostique est essentiellement une société traumatisée et que ce qui semble une manipulation, et l'est véritablement en partie, est en fait, principalement, une réaction au traumatisme de lolocoste et que ce traumatisme ne fait pas la différence entre les prétendus dirigeants les juifs en général, en Israël ou ailleurs. Je ne crois donc pas aux Protocoles des sages de Jérusalem ou de Brooklyn. Je n'ai pas non plus suffisamment d'illusions sur les hommes politiques pour penser qu'ils ont les capacités intellectuelles pour élaborer une conspiration, quand bien même ils le voudraient. Je vais préciser ce que je sous-entends par "une société juive traumatisée" que cet état conduit en partie à une conscience historique erronée. Je prends ici le terme de "conscience historique" dans le sens où l'entendait mon maître, Richard Koebner de Breslau, fondateur de la faculté d'histoire générale de l'université hébraïque de Jérusalem [Note de l'AAARGH: Personne n'a jamais entendu parler ni de cet homme, dont les travaux sont restés résolument confidentiels, si tant est qu'ils aient existé, ni de "l'histoire générale" comme discipline universitaire. Mais la Sorbonne n'est sûrement pas une référence] La conscience historiqsue, si je comprends bien ce que veut dire Koebner, est l'ensemble des perceptions concernant l'histoire dans une société donnée, dont le produit mêle forcément les faits aux attitudes et aux valeurs du moment. Une conscience historique fausse va au-delà en altérant les faits pour qils soient compatibles avec les besoins du moment. Mais, dans la plupart des démocraties, cette altération n'est qu'en partie volontaire et, en général, elle résulte de développements sociaux qui, à leur tour, sont seulement en partie susceptibles de manipulation.
Il y a, je pense, des cas où le traumatisme social est évident et incontestable. Dans l'état d'israélien, de nos jours, et j'y insiste, avant l'intérêt actuel pour les restitutions matérielles, il ne se passait pas un jour sans qu'on publie dans les journaux israéliens, et dans tous, des articles parlant de lolocoste, qui s'est déroulé, rappelons-le, il y a plus de cinquante cinq ans. La production de prose et de poésie, de pièces de théatre, d'art ert de musique, de réflexions philosophiques et théologiques, sans parler des analyses historiques, est, apparemment, en hausse constante. A cet égard, on peut dire que le procès d'Eichmann a marqué le début d'une avalanche encore plus acharnée. La conscience historique qui évolue ainsi est bien sûr en partie erronée, c'est-à-dire qu'elle est en partie contredite par les travaux historiqsues. Une partie [Note de l'AAARGH: de quoi?] est baroque, bien que cette partie soit moins importante que ce qui se passait à la même époque aux Etats-Unis. Une autre partie, parfois tout à fait importante, était certainement le produit du désir de justifier la politique en cours. Je prendrai un seul exemple: l'accent mis dans ces premières années, avant et après le procès Eichmann, sur la résistance juive armée. Ce n'était pas le résultat d'un ordre du gouvernement mais une attitude spontanée dans un pays nouveau où non seulement les élites mais aussi la population, notamment les émigrés d'Afrique et d'Asie, cherchaient des modèles et des références historiques pour soutenir leur lutte pour l'existence et la sécurité. Passer la résistance armée sous silence aurait soulevé les protestations de la plupart des juifs israéliens. A-t-on menti pour autant, est-on allé contre les faits historiques? Je ne le crois pas du tout. Il y a certainement eu des exagérations, mais aujourd'hui où on ne met plus du tout l'accent sur la résistance armée mais sur les souffraznces des victimes du génocide et l'héroïsme de leurs sauveteurs non-juifs, tout en replaçant lolocoste dans le contexte plus général du génocide, nous considérons en fait qu'il y a eu davantage de résistance armée que nous ne le pensions dans les années cinquante ou soixante et que cela a eu un effet considérable, à juste titre, sur la conscience juive après la guerre, bien que cet effet ait été nécessairement limité sur le plan quantitatif [Note de l'AAARGH: celui qui comprend ce que cette phrase veut dire gagne deux sucettes?] Il est encore moins contestable que la société israélienne des années cinquante, en définissant le contenu du jour du souvenir de la catastrophe comme "la catastrophe et la résistance", comme s'il s'agissait de deux réalités différentes et séparées, se trompait. Ce que l'historiographie a établi depuis est, surtout, le contexte dans lequel la résistance armée juive est intervenue, et dans quelle mesure elle est intervenue. et, bien sûr, le fait que la résistance fait partie de lolocoste et n'est pas un phénomène séparé. On exagérait alors le rôle des mouvements de jeunesse sionistes, surtout ceux de gauche, dans les tentatives de rébellions armées, et le rôle dirigeant qu'ils ont joué dans les cas les plus célèbres, l'insurrection du ghetto de Varsovie essentiellement, a servi de justification au sionisme israélien, alors même que cette mise en lumière était très mal vue des élites politiques d'Israël, dirigées par Ben-Gourion, parce que les mouvements de jeunesse étaient trop à gauche à son goût. Mais aujourd'hui nous sommes plus au courant et mieux en mesure d'apprécier les contributions des juifs communistes et des membres du Bund, socialiste, anti-religieux et anti-sioniste. La recherche a cependant confirmé que ce n'est pas seulement dans les principaux ghettos polonais mais aussi dans la plupart des inits qui ont mené les juifs de Biélorussie et d'Ukraine du Nord dans les forêts et les maquis, que les membres des mouvements de jeunesse sionistes étaient l'élément dominant et qu'il y avait, pense-t-on aujourd'hui, vingt à trente mille partisans juifs dans les forêts [Note de l'AAARGH: six millions de morts, le tiers de la population juive d'alors, et seulement vingt à trente mille résistants? Oui, il faut insister sur la vigueur de cette résistance: 2%. Quel exploit! Inutile de préciser que ces chiffres ne reposent sur rien de concret, qu'il s'agit, une fois de plus, d'estimations parfaitement fumeuses devant qui n'importe qui rougirait!] Les rescapés, qui ont joué un rôle si considérable dans la guerre d'indépendance [Note de l'AAARGH: il entend par là l'invasion militaire de la Palestine désarmée], étaient conscients de cela, sans le savoir consciemment.
La conscience historique des années 1945 à 1949 ne se trompait guère quand elle faisait ses modèles des combattants qui étaient, en outre, organisés en groupe dans les camps de réfugiés d'Allemagne, d'Autriche et d'Italie, à la même époque. Oui, il y a eu incontestablement ce que les détracteurs appellent de la manipulation. Et alors? Cela renforçait la volonté d'obtenir l'indépendance politique tout en allant dans le sens de ce que les détracteurs appellent les masses. En l'occurrence, il s'agit de masses plutôt intelligentes puisqu'elles exigeaient sans cesse plus d'action et d'initiative de la part de leurs dirigeants qils n'en donnaient spontanément. On pourrait presque dire que c'est la pression populaire qui a poussé les dirigeants à accentuer la manipulation. Je citerai un autre exemple. Les sionistes de droite, comme Begin, ont comparé Arafat à Beyrouth à Hitler retranché dans son bunker, à Berlin. Les Israéliens de gauche ont comparé l'armée israélienne en Cisjordanie à la Wehrmacht en Europe de l'Est. Le penseur orthodoxe dissident [sic] Esau Leibowicz est allé plus loin et a comparé les sionistes de Cisjordanie aux nazis. On peut parler ici, à juste titre, de détournement des symboles de lolocoste à des fins politiques. En fait, presque tous les partis politiques israéliens s'y livrent encore aujourd'hui, mais s'ils disposent de cette ressource, c'est que le traumatisme de lolocoste est un fait profondément ancré dans la conscience historique des juifs israéliens, et non plus seulement des descendants ou des membres des familles de victimes et de rescapés. Les juifs d'Afrique du Nord, du Yémen ou d'Irak sont également touchés, et profondément. Begin, Leibowicz et les gens d'extrême-gauche sont aussi sincères dans leurs croyances que les rescapés; ils manipulent les souvenirs de lolocoste non pas à dessein mais parce que c'est une réaction viscérale aux événements contemporains, dans le cadre d'un traumatisme général qu'ils ne contrôlent pas.
J'irais jusqu'à dire que cela s'applique aussi aux juifs américains. La réaction qu'ils ont eue à l'égard de la menace supposée contre Israël au moment de la guerre de juin 1967 n'a pas été élaborée dans les bureaux des associations juives. Si celles-ci n'avaient pas fait allusion à lolocoste à cette époque, n'avaient pas utilisé son souvenir, comme on dit aujourd'hui, je pense qu'elles auraient été balayées du paysage. En tant qu'associations se battant pour leur survie [Note de l'AAARGH: !], elles ont fait du mieux, ou peut-être du pire, qu'elles pouvaient pour utiliser la situation et renforcer leur position dans la communauté, récolter autant d'argent qu'elles le pouvaient pour poursuivre leurs activités et s'adapter à la situation politique changeante. Elles ont essayé de donner au souvenir de lolocoste une forme avec laquelle elles pouvaient vivre et dont elles pouvaient se servir. Mais cela n'a été possible que parce qu'un auditoire empressé et impatient le réclamait. Le type de souvenirs avec lequel elles ont essayé de travailler était-il en contradiction avec les acquis historiographiques de l'époque? Dans l'ensemble, je ne pense pas. La menace à l'égard d'Israël, qui était le centre des préoccupations en 1967, était bien réelle [Note de l'AAARGH: sic] et les efforts faits récemment pour prouver le contraire ne sont pas très convaincants [Note de l'AAARGH: puisque M. Bauer vous le dit, vous le savez; inutile d'entendre les arguments qui soutiennent sa propre conviction! C'est tout ce qu'il trouve à répondre à Novick, dont le livre repose sur cette idée de charnière de 1967.] On avait le sentiment très fort que les juifs américains auraient pu faire beaucoup plus pendant lolocoste pour aider les juifs européens et, certainement, ce sentiment a eu un effet entraîneur capital dans la nouvelle formulation du souvenir de lolocoste. Mais il participait d'une tendance américaine générale de l'époque, et pas seulement chez les juifs. On critiquait de plus en plus la politique du gouvernement Roosevelt dans un certain nombre de domaines. David Wyman, fils de missionnaires d'origine suédoise, a publié son premier ouvrage sur la politique américaine à l'égard de la tragédie juive, Paper Walls, en 1968, et il critiquait vivement la politique de Roosevelt. Comme il n'était pas juif, il était plus indulgent, mais guère, envers les associations juives. Arthur D. Morse était juif, ce qui ne l'a pas empêché de publier Tandis que six millions mouraient, qui disait à peu près la même chose, en 1967. D'autres ouvrages qui critiquent fortement les dirigeants juifs américains ded l'époque de lolocoste, ont suivi. Ce n'est que beaucoup plus tard qu'est apparue une historiogrtaphie beaucoup plus impartiale dans ce domaine, et, de nos jours encore, la controverse fait rage. La conscience historique et le point de vue historien étaient, dans ce cas-là au moins, assez proches l'un e de l'autre. La fondation du musée de lolocoste des Etats-Unis est un autre exemple souvent cité. Personne ne conteste que le président Carter avait ses propres buts politiques lorsqu'il a émis cette idée devant le Congrès. Le Congrès a-t-il approuvé laméricanisation de lolocoste à cause de la pression juive? Je crois que oui, du moins en partie. Mais pourquoi des parlementaires venant de régions où il n'y avait pratiquement pas de juifs auraient-ils défendu e relatif au génocide de gens qui n'étaient pas américains et dont les Etats-Un is n'avaient pas la responsabilité? Les juifs constituent un faible pourcen,tage des citoyens américains. Il est vrai qils font désormais partie des classes au pouvoir. Mais eux-mêmes n'étaient pas d'accord entre eux lorsque l'idée du musée a été avancée et, en fait, le musée a failli ne pas voir le jour à cause de l'habituelle guerre intestine des juifs eux-mêmes. Le groupe qui a soutenu sa création est celui des rescapés et, parmi eux, les plus virulents étaient les anciens combattants. A l'origine, c'est Élie Wiesel qui a donné le premier élan et qui a dirigé le projet mais il a ensuite démissionné et le gouvernement aurait pu facilement abandonner le projet en temporisant. Pourquoi ce musée a-t-il été érigé sur le Mall à Washington alors que les Amérindiens et les Noirs américains se battent encore pour avoir le leur? Il y a beaucoup de réponses à cette question; l'une des raisons est certainement qu'on considère les juifs comme puissants, plus d'ailleurs qils ne le sont réellement, parce qu'il ne faut pas oublier qu'en réalité, il n'y a pas de communauté juive américaine au sens propre, et qu'il y a des c ommunautés juives américaines qui sont rarement d'accord. Mais c'est ce que l'on croit et il ne viendrait à l'idée d'aucun homme politique américain sain d'esprit de dire que les juifs ne sont qu'une toute petite minorité qu'il faut remettre aimablement à sa place. Est-ce assez pour créer le musée le plus populaire de l'histoire des Etats-Unis plus populaire aujourd'hui que le musée Smithson? N'est-ce pas une prise de conscience progressive qu'avec dce génocide, quelque chose d'emblématique était apparu, qu'il y avait là quelque chose d'inouï, que le peuple américain était lié à cette minorité particulière par des liens de croyance et de tradition et qu'on ne pouvait ignorer cela? Pourquoi cinq états américains ont-ils fait de l'olocoste une discipline obligatoire à l'école? Pourquoi les trente-cinq autres en recommandent-ils l'étude? Uniqument à cause de la pression juive ou bien n'est-ce pas plutôt à cause du sentiment qu'il est moral et juste de faire ça parce que lolocoste est la pointe extrême de quelque chose qui arrive dans le monde entier? Et si les associations juives n'avaient pas participé à cette campagne, auraient-elles pu continuer à exister? J'en doute beaucoup. Mais du point de vue de l'historien, ces réactions étaient-elles les bonnes [Note de l'AAARGH: on ne voit pas très bien en quoi un historien serait spécialement qualifié pour donner des notes de morales: l'appréciation de la réaction ne relève en rien de l'histoire, parce que l'appréciation de n'importe quel phénomène échappe à la science; c'est même ce qui lui permet de prétendre à une certaine universalité].
La réponse n'est pas simple parce que tous ces développements (musées, programmes scolaires, attention de l'opinion etc.) ont été accompagnés de toute une rhétorique baroque souvent répugnante. On peut citer le feuilleton télévisé Holocauste, qui date de 1978. C'est un exemple classique de mauvais gout, bien que beaucoup de passages soient valables sur le plan historique; mais d'autres ne le sont pas. Le feuilleton n'a pas été écrit par des associations juives mais par des gens qui étaient certains de gagner de l'argent avec et qui avaient raison, puisque cent dix-neuf millions d'Américains l'ont vu. Comme il y avait moins d six millions de juifs aux Etats-Unis, cent treize millions de non-juifs l'ont vu; ils n'étaient pas forcés, et les associations juives n'en sont pas responsables. Le feuilleton a été diffusé en Allemagne aussi, en 1979, et dix-neuf millions d'Allemads l'ont vu: aucune association juive n'a utilisé ce fait pour manipuler les souvenirs de lolocauste. Dans ce cas précis, la recherche historique était en contradiction avec au moins une partie des images utilisées dans le feuilleton. Et cependant, si l'on examine les effets du feuilleton, ils sont certainement à l'origine de l'expansion de l'enseignement de lolocost dans les universités américaines et, probablement, un facteur du développement de la recherche sérieuse sur lolocoste en particulier et sur le génocide en général. Au passage, la plupart des recherchs sur lolocoste sont menées par des juifs et ce n'est bien sûr pas un hasard. Le musée de Washington n'a pas été créé par les associations juives mais, comme je l'ai dit, par des rescapés. Un de ses anciens présidents, Miles Lerman, est un ancien franc-tireur et lactuel président, Irving Greenberg, est probablement le dirigeant orthodoxe de gauche le plus ouvert et le plus pluraliste des Etats-Unis; c'est un homme très instruit pour tout ce qui concerne l'histoire de lolocoste. Il n'y a pas de doute possible sur le sérieux des connaissances présentées au musée, bien que les proportions et la relation avec les préoccupations américaines et d'autres cas de génocide soient discutables -- et sont effectivement discutées. On peut soutenir que la concentration de l'intérêt sur la tragédie juive devrait être la mission essentielle du musée et qu'il en est souvzent détourné par ce qu'on a appelé à juste titre l'américanisation de lolocoste. C'est un fait qu'il y a dans tout cela une part de manipulation, de même qu'il est certain que cela ne contredit en rien les recherches historiques contemporaines. Mais ce n'est pas par la manipulation qu'on peut expliquer pourquoi deux millions d'Américains, essentiellement des non-juifs, visitent le musée tous les ans. Le traumatisme juif a-t-il pénétré la conscience historique américaine? Je le pense. Pourquoi? Parce qu'il y a, à mon avis, une prise de conscience grandissante que quelque chose d'inouï est arrivé avec le génocide des juifs, quelque chose d'à la fois si extraordinaire et si révélateur de la condition humaine en général qu'on a vaguement l'impression que tout homme vivant actuellement doit en avoir entendu parler.
C'est quelque chose qui pourrait arriver à chacun de nous si nous ne faisons pas attention, pas de la même façon ni dans les mêmes circonstances, mais avec la même qualité, peut-être, et porteur de dangers similaires pour tous. La dimension de manipulation qui existe, indubitablement, est en fait une question tout à fait accessoire, de même que les analyses de processus politiques et de leurs relations avec la mémoire dont nous sommes abreuvés depuis quelques mois et quelques années: ce n'est pas une chose qui préoccupe les gens intelligents.
Le souvenir juif de lolocoste est un souvenir empreint de traumatisme. Quand on ne peut pas se débarrasser d'un traumatisme, on s'évade par le rituel ou les lieux communs. Le lieu commun "Plus jamais ça" indique qu'on a peur que ça arrive à nouveau. Quand on répète sans cesse, jusqu'à l'écoeurement, "Nous n'oublierons jamais", c'est évidemment qu'on a envie de faire exactement cela, à savoir de repousser le traumatisme sous le seuil de la conscience. Beaucoup de juifs rêvent de laisser tout cela derrière eux, et on les comprend, car c'est effectivement un souvenir terrible et obsédant. Mais lolocoste est devenu un symbole universel des tragédies causées par l'homme, précisément parce que c'est arrivé à un groupe de personnes très déterminé pour des raisons très déterminées. Il n'y a rien à faire: si les juifs oublient lolocoste, le monde non-juif le leur rappellera. Dans le cadre du pouvoir nazi en Europe, les juifs ne pouvaient pas échapper à lolocoste. Maintenant ils ne peuvent échapper au souvenir: ils sont condamnés à se souvenir.
The Jewish post-Holocaust society is basically a traumatized society. What appears as instrumentalization of the Shoah, and in part indeed is, is mainly a reaction to the trauma of the Holocaust. In dealing with Holocaust historiography in the context of Jewish memory, one of the problems is that the terms we use are often very problematic, and I certainly feel the need to define mine. What I mean by Jewish memory are the things that most Jews, but perhaps not others, remember, and how they remember them.
But then, who are the Jews, anyway? As we all know, Jews disagree with each other violently about who they are and how to define themselves. These disagreements make the concept of Jewish identity problematic, and one should, I think, talk of Jewish identities rather than of one Jewish identity.
Thus, haredi Jews define themselves differently from neo-Marxist or postmodernist atheist Jews, though both of them will tend to be anti-Zionist and, to a degree, anti-Israel. Lubavitch hassidim will not intermarry with Satmar hassidim, God forbid. Belief systems of Conservative and Reform Jews will be anathema to many Orthodox Jews, and secular and Orthodox Zionists, again, will define themselves differently. As the identities differ, the memories fashioned among them will tend to differ markedly.
Is there then a Jewish people as a recognizable entity whose collective memory at one can talk about? I do think that there are certain elements that unite this quarrelsome, factionalized and immensely vivacious ethnicity. Paradoxically, the most significant of the elements that unite them is their basic disagreements about the same past, about their group history and, mainly, about the texts and traditions inherited from the past.
It is precisely these deep and heated disagreements that create a bond between them. When I discuss Jewish tradition and beliefs with a Catholic friend, it very often is a fascinating intellectual exercise. But when I discuss these things with a Jewish friend, we both feel it in our guts. In this spirit, we ought to talk, I believe, of memories of Jews, of different groups and social strata, of different Jewish societies, but we may well find at of least partial common ground for the different and mutually antagonistic Jewish groups, largely because of these paradoxical disagreements about their collective memories.
It seems to me that the Holocaust has created such common ground, in the form of a deep social trauma, and that that is common to most, though not all, Jewish individuals. But the ways this trauma seems to manifest itself are different in different places and circumstances, and moreover they change over time. Just as Jews mutually disagree on everything else, so they disagree also in their attitude to this traumatic event. Haredi Jews, and many other Orthodox, will tend to accuse other Jews of having caused the Holocaust by not observing what they see as divine laws obliging them to rituals and observances, and thereby bringing about God's punishment.
That is of course a classic case of magic thinking: if we observe the commandments, God will come to our rescue -- hence we have the power to influence God, and therefore we possess real power over historical events. This kind of magic thinking is common to all three monotheistic religions, and not only, say, the late leader of the Lubavich hassidic sect, Rabbi Schneerson, the late chief rabbi of the United Kingdom, Lord Jakobovits, or the wartime chief rabbi of Palestine, Rabbi Herzog.
Thus, for instance, Bishop Clemens August Graf von Galen of Muenster, on August 3, 1941, said that the bombardment of German cities by the British was a "punishment of God" for not obeying the commandment "thou shalt not kill." He meant the annihilation by the Nazis not of Jews or Russians, but of German handicapped. If handicapped people were not murdered, he implied, the British would not bomb German cities, because God would protect Germany.
In the Jewish case, the conclusion is obvious: the faithful obeyed the monthly commandments, but the non-Orthodox Jews did not, and it is therefore the fault of the latter that the Holocaust took place. Alternatively, the haredi interpretation of God's will was that the Jews should not try to establish a Jewish Palestine until the coming of the Messiah. The Zionists did, however, and God punished His people, hence the Zionists are responsible for the Holocaust.
On the other hand, one haredi thinker, Issachar Teichthal, argued during the Holocaust itself that as the Zionist enterprise was succeeding, it must have been God's will that it should succeed, and the haredi opposition to Zionism caused the Holocaust to happen. Atheistic Israeli anti-Zionist liberals and left-wingers argue today that Zionist leaders in Palestine and the West could have rescued many Jews, but did not do so because they did not care about European Jews, and/or because all they were interested in was the establishment of a Jewish State.
The argument that they could have rescued and did not, comes very close to antisemitic and even National Socialist delusions about the tremendous power of the Jews who could have influenced the Western powers and of course Russia if they only had wanted to. Such delusions again smack of magical thinking, because if the Jews had wanted, they could have altered the fate of European Jewry at the time.
It seems to me that such hallucinations are a fairly clear manifestation of a deep social trauma; it appears to be similar to mass reactions to traumatic [Image] events that we know from the periods of the past, such as the Black Death, for instance, and other instances in past centuries.
ATTEMPTS have been made to explain the obsession with the Holocaust on the part of Jewish societies, especially in Israel and the US, as the result of premeditated instrumentalization, the aim of which is supposed to have been the need for political self-justification and aggrandizement. The victim-syndrome based on the Holocaust, it is said, aided Israeli authorities in their oppression of Palestinians, and the Holocaust justified the establishment and existence of the Jewish State.
In America, the vacuousness of the various Jewish ideologies and the danger of a dissolution of the Jewish group was met of concentration on the tragedy of World War II. Memory was thus artificially fostered, and in its turn justified the existence and operation of Jewish organizations. The tragedy itself became a background -- the purpose was political aggrandizement.
I would argue that there are some basic problems with this approach. It appears to me to either ignore or play down the very real effect that the growing awareness of what had happened during the war had on Jews in both countries. It is assumed, wrongly, I think, that Israeli governments or American Jewish organizations could have created a basically artificial historical consciousness without a very real readiness in the two populations to respond to a reminder of the tragedy.
This would imply that, in the US for instance, Jewish organizations acted in unison on this matter, and this in turn would mean that there existed something like the Protocols of the Elders of Brooklyn, or in other words, a conspiracy. A further assumption would then have to be made that the heads of these organizations had enough intelligence to concoct such a conspiracy. All this, to me, appears doubtful. Can one really explain the obsession with the Holocaust by the instrumentalization of its memory only, or chiefly?
Furthermore, and in the context of this discussion, one must ask whether the developing historiography on the Holocaust bore any relation to such instrumentalization of the Holocaust memory. Permit me to quote some examples.
About half a year ago, an interesting controversy took place in Israel; its subject was the famous report by Hannah Arendt about the Eichmann trial in Jerusalem, and at its center stood Arendt's charge that the trial had been staged by Ben-Gurion in order to educate or propagandize the Jews of Israel about the Holocaust, and thus justify the existence of the Jewish State.
In this public debate, it was argued that there was, after all, nothing extraordinary about the charge that Ben-Gurion and his government had instrumentalized the memory of the Holocaust: contemporary political science had made it clear that the ruling groups in any society will always use the most effective means they have to justify their ideology and their rule, and support a supportive, historical consciousness.
This did not mean to say, it was claimed, that Eichmann had been anything but a murderer. Arendt had, after all, actually justified his trial in Israel, albeit with hesitation; but she, and many others, had thought that he could have easily been convicted and sentenced, preferably to long imprisonment, without the show that Israel's state prosecutor, Gideon Hausner, had staged.
The claim that contemporary political science sees government as instrumentalizing history is no doubt correct. But the protagonists of that claim have not asked themselves whether that view of these political scientists stands up to detailed critique. Clearly, I think, the argument smacks of neo-Marxism: the old Marxist argument that government is nothing but the executive committee of the ruling classes is now being repeated in a more refined and sophisticated manner.
Come to think of it - if so, what about the Nuremberg trials? What about the Tokyo trials of the war criminals? Were these not organized by governments seeking to instrumentalize the history of Nazism in order to justify their sacrifices during World War II? What about the Auschwitz trial in Germany in 1963/4, and other such trials in the Bundesrepublik and Poland against Nazi criminals relating to Treblinka and Belzec? Were these simply attempts by governments to justify current political stands? When governments have historical and moral justification to try war criminals, who in every case, including Eichmann in Jerusalem, are granted proper defense counsels, and when the rule of law is carefully protected, what is so bad about that?
No, the argument ran, we are not making any value judgment regarding Ben-Gurion and his colleagues, we are just stating the objective fact of instrumentalization. Again, Marxism revived: we are, it is argued, concerned with objective reality, not subjective intentions. Objectively speaking, there was instrumentalization of the Holocaust.
WELL, to my mind, objectively speaking, this and similar ways or argumentation are unconvincing. Of course Ben-Gurion wanted to educated the generation of Israeli Jews in his time about the massive tragedy that had caused the disappearance in the abyss of one third of the Jewish people - but he could never have done it had the people not wanted to listen.
The legend that until the Eichmann trial Israeli Jews knew nothing about the Holocaust, did not want to listen and cared less is nothing but a legend, recently exploded by my colleague Prof. Hanna Jablonka of, accidentally but appropriately, the Ben-Gurion University in Beersheba.
There was literature; memoirs were published, a very large number of memorial books came out and were sold in the early Fifties, there were theater plays relating to the Holocaust, the press brought many stories about the Holocaust, and in the Israeli parliament a series of laws was hotly debated and passed relating to memorial days, the establishment of Yad Vashem, and laws against Jewish collaborators and Nazi criminals, to quote just a few examples.
Relations with Germany were even more hotly debated; a major trial took place, the so-called Kastner trial, at which the problems of the Jewish councils and the actions of Jewish organizations during the Holocaust were hotly debated; all this took place before Eichmann's trial. But detailed knowledge was missing, and that was supplied by that trial - accurate and reliable knowledge, one should add, much of which is still very relevant to contemporary historiography 40 years later.
The argument that we are not dealing with value judgments is disingenuous - of course we pass value judgment, and I believe that any sensible value judgment on the Eichmann trial will say, yes, it was essential that the trial be held. That there was a measure of overkill is undoubtedly true, and that not just Eichmann was on trial is equally true.
So what, one may ask. Was historical evidence distorted? Were documents falsified? Is it such a bad thing to show the world, not only Israeli Jews, some of the true face of genocide? Any political authority in any democratic country that through presentation in court of criminal activity seeks to educate the population, while strictly observing the rule of law, is doing what a democracy is supposed to do. If that is instrumentalization, I am all in favor of instrumentalization. The same applies, I think, to the trials held in Nuremburg, Tokyo, Warsaw, or Frankfurt.
The theory of instrumentalization leads, I believe, almost inevitably to a theory of conspiracy: people in government, or major industry, or powerful organizations, consciously conspire to instrumentalize memory for political purposes. Now, there is, of course, an element of truth in that, because when politicians see a political advantage in pushing a certain group of ideas, they will undoubtedly do so. But in the end, the conspiracy theory breaks down, because instrumentalization is only possible when there is a willingness in the public to accept the basic ideas behind it. There is a limit to what clever propaganda can do in a more or less democratic society.
This is certainly true in the case of the rise of the Nazi party in the Weimar republic: It is wrong to say that Nazi propaganda was the decisive factor in that development, and ignore the fact that masses of unemployed and disillusioned Germans were told what they wanted to hear in any case. It is not justification of National Socialism to say that the Nazis offered economic and political solutions that were acceptable to large numbers of Germans.
WHY was Jewish society prepared to listen to information, knowledge and instrumentalized propaganda relating to the Holocaust? My contention is that the Jewish post-Holocaust society is basically a traumatized society, and that therefore what appears as instrumentalization, and in part indeed is so, is mainly a reaction to the trauma of the Holocaust, and the trauma does not really differentiate between so-called leaders and the general Jewish public, whether in Israel or elsewhere. So, I don't believe in the Protocols of the Elders of Jerusalem or Brooklyn. Also, my view of politicians is not so sanguine as to think they are necessarily intellectually capable of producing such a conspiracy even if they wanted to.
In what sense do I think that Jewish society is traumatized, and that that leads, in part, to a false historical consciousness? The term "historical consciousness" is used here in the sense originally proposed by my teacher, Richard Koebner of Breslau, who founded the department of general history at Hebrew University in Jerusalem. Historical consciousness, if I understood Koebner correctly, is the sum total of perceptions about history current in a given society, inevitably mixing factual information with contemporary attitudes and values. A false historical consciousness will go beyond that and distort factual information to fit contemporary needs. But that, in most democracies, will only partly be due to willful distortion, and is generally the result of social developments that, again, are only partly amenable to manipulation.
There are, I think, clear cases where this social trauma is evident. In today's Israel, and I must emphasize, before the current preoccupation with material restitution, quite literally not a day passed and passes without articles related to the Holocaust, which after all ended some 55 years ago, being published in Israeli newspapers. One must add: all Israeli newspapers. The output of prose and poetry, of theater plays, of art and of music, of philosophical and theological reflections, never mind of historical analyses, seems to be constantly increasing.
In that sense, yes, the Eichmann trial was a trigger for starting an ever more powerful avalanche in this area. The historical consciousness thus evolving was of course partly false, that is it stood in partial contradiction to historiographical findings. Some of it, though less than happened at the same time in America, was and is kitsch. Some of it, sometimes quite a deal of it, was certainly the result of a desire to justify current policies.
Let me give you one example only: The emphasis in the early years, before and after the Eichmann trial, on Jewish armed resistance. This was not the result of a government fiat. It arose out of the situation of the young state in which not just the elites, but the population, including the newcomers from African and Asian countries, were looking for role models and historical events to fortify their current struggles for existence and for eventual security.
To de-emphasize armed resistance would have met with total rejection by most Israeli Jews. Were lies told? Was there a contradiction to historiographical insights? I do not think so, by and large. True, there were exaggerations, but now, as we no longer emphasize armed struggle but rather the suffering of the victims of the genocide and the heroism of the non-Jewish rescuers, and as we put the Holocaust in the context of genocide generally, we actually find that there was more, not less, armed resistance, than was known in the Fifties and Sixties, and that it had a major impact, justifiably so, on post-war Jewish self-awareness, although quantitatively speaking it was necessarily limited.
It is also truer that the Israeli society in the Fifties, in defining the content of the Holocaust Memorial Day as remembering the "Holocaust and Resistance," as though these two realities had been somehow different and separate, was in error. What historiography has established in the meantime is, first and foremost, the context in which Jewish armed resistance occurred, insofar as it could occur. And, of course, the simple fact that resistance was not somehow separate from the Holocaust, but was part of it.
There was an overemphasis on the role of the Zionist youth movements, especially the left-wing ones, in attempts at armed rebellions, and their leadership in some of the best-known instances, mainly of course the Warsaw Ghetto Rebellion, was used as a justification for Israeli Zionism, though this emphasis was most definitely not welcomed by the political elites in Israel at the time, led by David Ben-Gurion, because the youth movements had been much too leftist for his taste.
But we know better now, and can appreciate the contributions of Jewish Communists and members of the socialist, anti-religious and anti-Zionist Bund. Yet research has also confirmed that not only in the central Polish ghettos, but in most of the initiatives leading Jews in Belorussia and the Northern Ukraine to the forests and partisan warfare, youths that grew up in the Zionist youth movements were the most dominant element - and there were, we now think, between 20 and 30,000 Jews trying to fight in the forests. This was felt, more than it was known, among the survivors who played such a major part in the Israeli War of Independence.
Historical consciousness in the 1945-1949 period was not so far from the mark, when it sought its role models in the fighters, who in addition to that were also an organized group in the DP camps in Germany, Austria and Italy at that period. Yes, there certainly was what the critics call instrumentalization. So what? It strengthened the resolve to attain political independence, and was attuned to the wishes of those whom the critics call the masses. In this case, rather bright and intelligent masses, who actually demanded stronger action and more initiative from their political leaders than these were prepared for. The leaders, one might almost argue, were being pushed by the led to more crass instrumentalization.
Let me provide another example. Right-wing Zionists such as Menachem Begin compared Arafat in Beirut with Hitler in his Berlin bunker. Left-wing Israelis compared the Israeli army in the West Bank to the Wehrmacht in Eastern Europe. The maverick Orthodox thinker, Yeshayahu Leibowitz, went beyond that and compared Zionists on the West Bank with Nazis.
One can certainly talk of a misuse of Holocaust imagery for political purposes. In fact, almost all political parties in Israeli do that to this day. But they can only do that because the Holocaust trauma is a deep-seated fact in the historical consciousness of Israeli Jewry, and is no longer limited to the descendants or relatives of the killed or the survivors. Jews of North African, Iraqi or Yemenite origin are affected, and deeply so, as well. Begin, Leibowitz and the extreme leftists were and are as genuine in their beliefs as the actual survivors. They instrumentalize the memory of the Holocaust not because they plan to do it, but because these are gut reactions to contemporary issues in the context of a trauma they do not control.
I WOULD argue that the same applies to American Jewry. The reaction there to the perceived threat to Israel in the days before, during and after the Six-Day War in 1967 was not pre-planned in the offices of Jewish organizations. Had these organizations not referred to the Holocaust at that time, not instrumentalized the memory, as people now say, I think they would have been swept off the map.
Being organizations and struggling to maintain their existence, they did their best, or, if you will, their worst, to utilize the situation and solidify their position in the community, collect as much money for their continued activities as they could, and adjust themselves to the changing political situation. They tried to shape memory of the Holocaust into molds that they could live with and use. But they could do that only because a willing and eager public enabled them to do so.
Did the type of memory they tried to work with stand in contradiction to historiographic insights at the time? Largely, I think not. The threat to Israel, which was the central point on the agenda in 1967, was real enough, and recent attempts at revision of that view do not carry much conviction. There was a wrong perception that American Jewry could have done considerably more during the Holocaust to help European Jewry, and this was undoubtedly one of the main driving forces behind the form Holocaust memory now took. But this was part of a general American trend at the time, a and not limited to Jews.
There was growing criticism of the Roosevelt administration's policies in a number of fields. David S. Wyman, son of Christian missionaries of Swedish descent, published his first volume on American policies toward the Jewish tragedy, Paper Walls, in 1968, and he was severely critical of the Roosevelt government. Not being a Jew, he was more gentle, but only slightly so, regarding the Jewish organizations.
Arthur D. Morse was a Jew, and he published his While Six Million Died, which had a similar message, in 1967. Other publications, severely critical of Jewish leadership in America during the Holocaust, were to follow. A more balanced historiography on these matters came out much later, and even today the controversy still rages. Historical consciousness and historiographical insights were, in this case at least, not so very far apart.
The creation of the US Holocaust Memorial Museum is another example often used in this debate. That President Carter had his political tactics in mind when he brought the idea to Congress is not in dispute. Did the Congress approve of the Americanization of the Holocaust because of Jewish pressure? Well, I think, partly perhaps. But why should senators and congressmen from areas where there were no Jews to speak of support the establishment of a museum relating to the genocide of people who had not been American citizens and for whom the United States had no legal responsibility?
Jews constitute a tiny percentage of American citizenry. It is true, they have become part of the ruling elites. But there was no unanimity even among them when the museum idea was mooted, and in fact the museum almost failed to be erected because of the usual internecine warfare among the Jews themselves. The group that pushed for its establishment were the survivors, and among them the most prominent were the former fighters. Elie Wiesel originally provided the push and the first leadership, but then he resigned and the administration could easily have killed the project by procrastination. Why was a museum of this nature erected on the Mall in Washington, when Native Americans and black Americans are still struggling to create one?
There are many answers to this question, and one of them is undoubtedly that Jews are perceived as powerful, indeed more powerful than they actually are, because we must again remember that there is in fact no such thing as an American Jewish community - there are American Jewish communities, and they rarely manage to agree on anything.
But the perception was, and is, there, and no American politician in his or her right mind would put to the test the proposition that Jews are really a very small minority and that they can be safely and in a friendly fashion be put in their place.
Was that enough to create the most popular museum in American history, more popular today than the Smithsonian? Was there not a growing realization that something had happened in that particular genocide that stood for other similar events, that there was something unprecedented about it, and that the American people were bound to that particular minority by ties of belief and tradition, and that this could not be ignored?
Why did five of the states in the United States adopt Holocaust education as a mandatory subject in their educational curricula? Why did 35 other states recommend it? Just because of Jewish pressure, or was there not also a perception that it was the right and moral thing to do because the Holocaust was an extreme case of something that was happening all over the world? And if Jewish organizations had not participated in this campaign, would they have survived? I doubt it very much. From a historian's point of view, were these proper reactions?
THE answer is not simple, because all these developments - museum, curricula, public awareness, and so on - were accompanied by a great deal of concentrated, and often repugnant kitsch. Take the case of the TV series Holocaust, which was shown in 1978, in three parts. It is, without any doubt, a classic example of bad taste, though many sequences there can be historically substantiated; others, of course, can not. The series was not created by Jewish organizations, but by people who were sure they would make money out of it.
They were right, because the series was watched by 119 million Americans. There were less than six million Jews in America, so at least 113 million non-Jews watched it. They didn't have to, and Jewish organizations had nothing to do with that. It was shown in Germany, too, in 1979, and 19 million Germans watched it.
No American Jewish organizations used that in the course of instrumentalization of the Holocaust memory. This was a case in which historiography most certainly contradicted at least some of the imagery in the series. And yet, when one looks at the after-effects of the series, they were quite clearly a central motive in the spread of Holocaust teaching at American universities and colleges, and were arguably a factor in the development of serious scholarship on the Holocaust specifically, and on genocide generally. By the way, much of the scholarship on genocide generally is Jewish, and that of course is no accident.
The Washington museum is not the creation of Jewish organizations but, as I said, of the survivors. Its long-time past chairman, Miles Lerman, is a former partisan, and the present, Irving "Yitz" Greenberg, is probably the most open-minded and pluralistic liberal Orthodox leader in America, and an extremely knowledgeable person with a considerable degree of expertise in Holocaust history.
There can be no doubt as to the genuineness of the knowledge presented at the museum, though the proportions and the relationship to American concerns and to other incidents of genocide can be and indeed is a matter of continuing controversy. It can be argued that the concentration on the Jewish tragedy should be the overarching mandate of the museum, and that the museum is often deflected from this because of what has rightly been called the Americanization of the Holocaust.
That there is a measure of instrumentalization in all this is a given. That it does not contradict contemporary historiographical insights is certain. The question why two million American citizens, the overwhelming majority of them non-Jews, should visit this museum every year cannot be explained by the instrumentalization of memory.
Has the Jewish social trauma penetrated into American historical consciousness? I think so. Why? Because, I think, there is a growing realization that something unprecedented happened in the genocide of the Jews, something that is both so extraordinary and yet so indicative of the human condition in general, that a vague feeling exists that that is a matter that a person living in our generation has to know something about.
It is something that if we are not careful could happen to all of us, not in the same way, not in similar circumstances, but possessed of the same quality, perhaps, and bringing about similar dangers to all.
The element of instrumentalization that undoubtedly exists there is really a marginal issue, as are all those analyses of political processes and their relationship to memory that we are blessed with in recent months and years, and that a London cockney would call "clever by 'alf."
Jewish memory of the Holocaust is a trauma-affected memory. When you cannot deal with a trauma, you escape into liturgy or cliches, or both. The cliche "Never again" really indicates that you are scared that it indeed will happen again. When you repeat, ad infinitum et ad nauseam, "we will never forget," clearly you are dying to do just that, namely push this trauma back under the threshold of your consciousness. Many Jews would dearly love to put all this behind them - and no wonder, it is indeed a terrible and oppressive memory.
But the Holocaust has become a universal symbol of human-caused tragedies, precisely because it happened to a very specific group of people for very specific reasons. So it won't help - if the Jews forget the Holocaust, the non-Jewish world will remind them of it. In the circumstances of Nazi rule in Europe, the Jews could not escape the Holocaust. Now they cannot escape the memory: they are condemned to remember.
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This text was presented at an international conference on "The Memory of the Century" (March 9-11, 2001), organized by the Institute for Human Sciences in Vienna, Austria. Professor Bauer is former director and now an advisor to the International Institute for Holocaust Research, Yad Vashem.
The Jerusalem Post Internet Edition, Friday, April 20 2001
<http://www.jpost.com/Editions/2001/04/19/Features/Features.24868.html>
1. [Note
de l'AAARGH: ici on voit nettement les limites de la tentative
de définition des concepts annoncée par l'auteur:
quels sont les "sacrifices" faits par le gouvernement
américain ou le gouvernement anglais pendant la seconde
guerre mondiale? S'il s'agit de la vie des soldats ou des villes
bombardées, le gouvernement, qui n'est pas une abstraction
mais un groupe de personnes vivante, n'a rien sacrifié:
ce ne sont pas les membres du gouvernement qui sont morts ou qui
ont payé pour reconstruire ce qui avait été
détruit mais les populations civiles ou les soldats qui
n'ont jamais été consultés quand on a décidé
de faire des procès! Ensuite, pour dire qu'il y a eu des
sacrifices, il faudrait faire un bilan: le passif des Etats-Unis
dans la Seconde guerre mondiale nous paraît beaucoup moins
lourd que son actif, la réduction à l'esclavage
économique de la moitié de l'Europe. Le cazs de
l'Union soviétique est bien sûr complètement
à part: quel Soviétique doute ou doutait de la légitimité
d'une guerre purement défensive, faite pour résister
à un envahisseur? Contrairement aux Allemands et aux Anglais,
les Soviétiques ont été attaqués par
les Allemands et se sont défendus; l'Angleterre et la France
ont déclaré la guerre à l'Allemagne et ont
été vaincues; l'Angleterre a ensuite lancé
des opérations de vengeance en bombardant les villes allemandes,
notamment Hambourg, avec leurs populations civiles, qui ne lui
avaient rien fait. Quel procès le gouvernement de Hambourg
a-t-il fait à l'Angleterre pour ces sacrifices?
Première publication sur l'AAARGH: 10 mai 2001
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de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
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adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.