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Zavtra, Moscou, hebdomadaire du parti communiste russe, No: 44(361), 31 octobre 2000 [traduction de l'aaargh.

 

DES POUX DANS LA TÊTE

 

par Israël CHAMIR

 

Par les joyeuses nuits de Tel-Aviv, au milieu des passants bigarrés de la rue Allenby, dans les restaurants pleins à craquer où traîne une clientèle israélienne heureuse de vivre, un ange en tenue de camouflage m'apparaît; il écrit sur le mur :"Mane, tekel, phares". Mon dictionnaire ange-russe me traduit ces mots par "L'inspection a montré que vous aviez des poux plein la tête."

Ce sont des jours sombres que vit aujourd'hui le peuple d'Israël. Sombres parce que tous les discours, toutes les larmes et toutes les plaintes de nos pères et de nous-mêmes se sont révélés authentiquement faux. En 1968, j'écrivais sur les murs d'Akademgorod, ma ville natale: "Ne touchez pas à la Tchécoslovaquie." Le poète juif Alexandre Galitch chantait d'une belle voix de basse: "Citoyens, la Patrie est en danger! Nos chars sont entrés en terre étrangère." Avec ce mot d'ordre, quelques juifs sont allés sur la place Rouge d'où ils ont été chassés par la police, comme il se doit. Galitch, Daniel, Ginzburg, Golomchtok parlaient des chars russes à Prague. Nous avons protesté contre les chars russes à Budapest, à Prague, à Kaboul en tant que citoyens russes, auxquels l'honneur était plus cher qu'un patriotisme mal compris. Des années ont passé. Et voici que nos chars, juifs, sont entrés en terre étrangère.

Et ils ne se sont pas contentés d'y entrer, ils tuent la population civile, détruisent les maisons, exterminent par la faim et imposent un blocus à des millions de gens. On aurait pu espérer qu'une foule de juifs cultivés se rendrait sur l'équivalent israélien de la place Rouge. Mais non, il ne s'est rien passé de tel. Nos chanteurs chantent les prouesses des guerriers juifs, la main sûre et l'oeil perçant du partisan juif, l'humanisme exceptionnel du peuple juif qui pourrait réduire en bouillie tous les Palestiniens goys mais se contente d'en blesser quelques centaines tous les jours.

Les militants des droits de l'homme en Union soviétique, comme Anatole Chtcharanski, ont lutté contre le principe de l'autorisation de résidence, exactement comme nos grands pères avaient lutté contre la résidence imposée en Russie. Après la victoire, ils ont parqué les goys dans des réserves qui font de la résidence imposée, si on compare les deux régimes, une société de libre circulation. Un Palestinien ne peut pas aller au village voisin sans y être autorisé, sans être fouillé et sans que l'on vérifie ses papiers. Il ne peut même pas imaginer d'aller au bord de la mer, à quelques kilomètres de chez lui.

Les juifs protestaient contre la discrimination dans le monde du travail et à l'université. Nous avons créé, aujourd'hui, un système de discrimination nationale absolue. Dans notre société nationale d'électricité, sur treize mille employés, il n'y a que six goys, soit 0,0004%! Les goys constituent quarante pour cent de la population entre le Jourdain et la mer mais seulement un sur quatre a le droit de vote. Il n'y en a pas un seul à la Cour suprême, au gouvernement, parmi les généraux de l'armée, dans l'aviation, à la direction des services secrets. Il n'y en a même pas un seul à la rédaction du principal journal israélien, Haaretz.

C'est pourquoi, à la lueur des événements ultérieurs, il faut comprendre de façon radicalement différente tout ce que disaient les juifs en Russie: nous ne nous sommes pas battus pour les droits de l'homme mais pour les droits du juif, nous étions pour la liberté d'aller et venir et le libre choix de la profession, seulement pour les juifs; nous ne sommes pas contre nos propres chars en terre étrangère, nous étions seulement contre les chars russes. La vue d'un enfant malheureux, les mains en l'air devant un fusil, ne nous gêne que s'il s'agit d'un enfant juif. On peut tirer sur un enfant goy à satiété.

Quand il écrivait que "le diable n'hésitait pas longtemps à venger l'assassinat d'un enfant", Bjalik ne pensait visiblement qu'à l'assassinat d'enfants juifs. Quand il s'horrifiait au spectacle des massacres, ce qui l'horrifiait, c'était que le massacre ait pour victimes des juifs. Le massacre en soi est une chose ordinaire et tout à fait normale. Il y a quelque temps, les juifs de la ville haute de Nazareth ont massacré les Arabes de la ville basse sans qu'aucun des massacreurs soit inquiété. En revanche, la police a fusillé plusieurs victimes du massacre. L'attaque des hélicoptères militaires contre la ville pacifique et sans défense de Bet Djalla a provoqué un massacre encore plus horrible.

Dans la Russie impériale dont nos ancêtres disaient autant de mal qu'ils le pouvaient, et qu'ils se sont acharnés à détruire, les massacres [de juifs] ont fait, en tout et en cent ans, moins de victimes que nous n'en faisons en une semaine. Lors du massacre de Kichinev, le plus terrible, il y a eu quarante-cinq morts et six cents blessés. En Israël, en un mois, il y a eu cent cinquante tués et quatre mille blessés. Après le massacre en Russie, des centaines de gens honnêtes, tous les écrivains et toute la classe instruite russe ont protesté contre les auteurs du massacre. En Israël, on a eu du mal à réunir quelques disaines de personnes pour une manifestation de protestation à Tel-Aviv et l'Union des écrivains, quant à elle, a pris le parti des massacreurs.

Lorsque les juifs de Russie ont pris le parti de la propriété privée contre le communisme, en 1991, ils ne pensaient qu'à la propriété privée juive. Nous confisquons comme bon nous semble la propriété privée goy, exactement comme si elle n'appartenait à personne. Faites un tour dans les quartiers luxueux de Jérusalem (Talbia, Catamona, le faubourg allemand et le faubourg grec). Tous ces palais appartenaient à des goys, arméniens, allemands, grecs, palestiniens ­ des chrétiens et des musulmans. Ils ont été saisis et distribués à des juifs. Ces dernières semaines, des centaines d'hectares de terre ont été confisqués aux goys, des dizaines de maisons ont été détruites.

Le magnat juif Gusinski, originaire de Gibraltar, a volé à notre secours. Il n'y a pas si longtemps, il a appelé la communauté internationale au secours parce que la Russie essayait de libérer la télévision russe de ses griffes. Son soutien à Israël montre qu'il est pour la confiscation des biens et les arrestations sur une base raciale: il ne s'oppose qu'à la confiscation des biens juifs. Il est contre les juifs en prison mais les goys peuvent y rester sans jugement des dizaines d'années, comme cela se pratique dans l'état juif.

Il nous a suffi de très peu de temps pour effacer les nombreuses années de combat des juifs pour faveur de la démocratie, des droits de l'homme et de l'égalité. En fait, qu'est-ce qui nous déplaisait à ce point chez les nazis? Le racisme? Mais le nôtre n'a rien à leur envier. Discours direct, un journal [russe] de Jérusalem, a fait un sondage parmi les juifs russes sur leur attitude envers les Palestiniens. "Je veux tuer tous les Arabes", "Il faut tuer tous les Arabes", "Il faut chasser les Arabes d'ici, fermer les portes derrière eux et mettre le verrou", "Les Arabes sont des Arabes. Il faut les massacrer." Je ne suis pas sûr qu'un tel sondage parmi les Allemands en 1938 aurait révélé un paysage aussi net car, en fait, jusqu'en 1941, même les nazis n'avaient pas l'intention de tuer tous leurs ennemis juifs.

C'est pourquoi nous dirons que nous étions contre le racisme tant qu'il était dirigé contre nous. Nous étions contre le nazisme tant que c'était le nazisme des autres. Nous étions contre les groupes d'exécution des sonderkommandos uniquement lorsqu'il s'agissait de sonderkommandos étrangers. Les nôtres, nos propres bourreaux juifs bon teint, provoquent notre enthousiasme: Israël aujourd'hui est le seul pays au monde où des brigades de tueurs sévissent officiellement, où la Cour suprême a seulement limité l'usage de la torture et encore, il y a peu de temps. Ne vous inquiétez pas, cela ne vous concerne pas: nos bourreaux obéissent strictement au cinquième point.

Nous étions contre les ghettos lorsqu'on nous y enfermait. De nos jours, le plan juif le plus "libéral" prévoit de construire plusieurs ghettos pour les goys, entourés de fil barbelé et de chars, à côté desquels il y aura une usine juive. Les goys pourront y vérifier si "le travail rend libre" ou non. Nous donnerons à ces ghettos l'indépendance complète, après leur avoir enlevé tous les moyens de subsistance.

Maintenant que l'ange a inscrit ces mots menaçants, que le prophète a appelé le peuple d'Israël au repentir, deux voies s'ouvrent à nous; nous avons le choix. Nous pouvons nous repentir, comme les habitants de Ninive, rendre à autrui le bien d'autrui, donner l'égalité complète à tous, mettre fin à la discrimination et aux meurtres - et espérer le pardon divin, sinon pour nous, du moins pour nos chats et nos chiens. Ou bien nous pouvons nous entêter dans nos crimes, comme les habitants de Sodome, et nous préparer à la pluie de feu et de cendre qui descendra du ciel de Palestine.

Tel-Aviv.

Traduit du russe:

www.zavtra.ru/cgi/veil/data/zavtra/00/361/63.html

Il existe aussi une version anglaise sur le site "archive ukrainienne":




http://www.ukar.org/radler03.shtml


Israel Shamir

The Lousiness Test

Zavtra

No: 44 (361)

Date: 31-10-2000


IN THE MERRY NIGHTS OF TEL AVIV, amid the colorful idlers at Allenby, in overflowing restaurants, where crowds of content Israelis leisurely take their relaxation, I see the camouflaged angel writing three words on the wall: "Mene tekel ufarsin." My Angel-Russian dictionary translates these words as follows: "We have tried you, and you have not passed the lousiness test".

Black days have descended upon the Israeli people; black because everything that our fathers and ourselves have said, bewailed, and complained about has been as genuine as a three-dollar bill. Back in 1968 I painted on awall in my native Akademgorodok: "Hands off Czechoslovakia." Jewish poet Alexander Galich sang in his beautiful, deep voice: "Citizens, our Fatherland is in danger! Our tanks are rolling through a foreign land!" Bearing such a slogan, several Jews stepped out onto Red Square, and were somewhat seriously roughed up by the police. Galich, Daniel, Ginzburg, Golomshtok were referring to the Russian tanks in Prague. As Russian citizens who cherish honor even when this contradicts falsely-understood patriotism, we protested against Russian tanks in Budapest, Prague, and Kabul.

Many years have passed. Now it is our Jewish tanks that are rolling through a foreign land. They are not just rolling - they are killing peaceful civilians, destroying houses, keeping millions of people emaciated and blockaded. One might expect that many Jewish intellectuals have rushed into our Red Square equivalent? Absolutely nothing of the kind. Our singers just celebrate our valiant Jewish fighters, the steady hands and the sharp eyes of our Jewish snipers, and the unlimited humanism of the Jewish people, who could turn all Palestinian goys into mincemeat, but limit themselves to wounding several hundred each day.

Human rights fighters, such as Sharansky, have opposed the propiska [registration of residence] laws, just the way our grandfathers fought the Pale of Settlement. But after our grandfathers won their battle, they herded the goys into reservations, compared to which the Pale of Settlement looks like an open society. A Palestinian may not visit a village next to his without requesting permission, without being searched and having his documents checked. Of course, he would not even dream of visiting the sea, just a few kilometers from his house.

Jews have protested against discrimination at work and in high schools. But now we have created a system of total national discrimination. Out of 13,000 workers at our State Electrical Company, only six are goys. That's 0.0004%! Goys are 40 per cent of the population from Jordan to the sea, but only one quarter of them are allowed to vote. There is not a single goy on the Supreme court, in the executive branch of government, among the generals, in aviation, or in the secret services. There is not a single goy working even in the leading Israeli newspaper "Ha'aretz."

That is why everything that Jews have been saying in Russia should be rewritten in view of recent events. We have fought not for human rights - but only for Jewish rights. We have been advocating freedom of movement and occupational choice only for Jews. We are not against our own tanks rolling through foreign lands - we were only against Russian tanks. Upon seeing an unhappy child holding his hands up in front of a machine gunner, we are sorry only if this child is Jewish. The goy's children can be shot at as one wishes.

When Byalik wrote "the devil has not invented a suitable punishment for killing a child," he apparently visualized only a Jewish child. When he was terrified by visions of pogroms, he was terrified of pogroms against Jews. A pogrom by itself is a usual and even a normal occurrence. Recently the Jews of Upper Nazareth conducted a pogrom against the Arabs of Lower Nazareth, but none of the pogromists were prosecuted. Rather, the police shot dead several of those who were victims of the pogrom. Yet another pogrom on a mass scale was perpetrated against the peaceful and innocent town of Beth Jallah.

In tsarist Russia - which our grandparents cursed in every way they could, and ruined - pogroms killed fewer people over one hundred years than we kill in a week. The most terrible Kishinev pogroms [in Russia] took the lives of 45 people, with 600 wounded. The total number of recent victims in Israel [to 31-Oct-2000] equals 150 killed and 4,000 wounded. After a pogrom in Russia, hundreds of honest people, all the writers and the entire intelligentsia, raised their voices against the pogromists who participated in the violence. In Israel, there have been merely some tens who protested in Tel Aviv, and the Union of Jewish writers supported the murderers.

When in 1991 Jews in Russia advocated private property rights in defiance of Communism, they meant only Jewish private property rights - because the goy's private property we confiscate freely, as if it belonged to no one. Just walk along the luxurious districts of Jerusalem - Talbieh, old Catamon, the Greek and German townships. All these palaces belonged to goys - Germans, Armenians, Greeks, Palestinians - Orthodox and Muslims. They have been confiscated and given to Jews. In recent weeks, hundreds of hectares have been confiscated from goys, and tens of houses were destroyed.

Gibraltar Jewish tycoon Gusinsky flew in to support us in our struggle. Not too long ago he appealed to the world community, at the time that Russia was trying to liberate television broadcasting from his clutches. His support of Israel means that Gusinsky agrees with sequestration and arrests based on ethnicity. He is only against confiscation of Jewish property. He is only against Jews sitting in prison - goys can sit in prison for tens of years without being convicted in court - that's what happens in our Jewish state.

In the shortest time we have managed to render null and void all the efforts Jews have been making through the ages in the field of democracy, human rights, and equality. But what is it that we did not like about the German Nazis? Their racism? We don't have any less. The Russian-language Jerusalem newspaper "Pryamaya Rech" [Direct Speech] conducted a survey among Russian Jews regarding their attitudes towards Palestinians. "I want to kill all Arabs," "All Arabs must be killed," "The Arabs must be expelled, the gates must be closed behind them and locked securely," "An Arab is an Arab. They must be smashed." I am not sure whether a survey of Germans in, say, 1938 would have painted such a clear picture. The Nazis were not planning to kill their Jewish enemies even in 1941.

Therefore, we must admit - that we have been against racism as long as it was directed against us. We have been against Nazism while it was a foreign Nazism. We have been against Sonderkommando butcher troops while these belonged to other people. Our own native Jewish butchers are the objects of our delight. Today Israel is the only country in the world where execution squads are officially active, where the Supreme court just yesterday put limits on how torture may be applied. Don't worry, you will not be affected: our butchers operate strictly in accordance with article five [the nationality law].

We were against ghettoes as long as they drove us into ghettoes. According to the most "liberal" Jewish plan, several ghettoes for goys are to be created, ghettoes behind barbed wire fences, with tanks around the perimeter, plus a Jewish factory near the fence. It is there that goys will be able to verify whether "Arbeit macht frei." We shall give these ghettoes full independence, but taking away from them all possibility of earning a living first.

After that, when the angel has written his terrible words, after the prophet has appealed to the nation of Israel to repent, before us are open two paths. The choice is ours. We can, like the people of Nineveh, repent, return the looted goods, grant full equality, stop the discrimination and the killing - and hope for God's forgiveness, if not for our own sake, then at least for the sake of our cats and dogs. Or, we can persist in our sins, like the inhabitants of Sodom, and prepare for the fire and brimstone to rain down from the furious skies of Palestine.

Tel Aviv


http://www.ukar.org/radler03.shtml

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