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New York Times,

Révision à Auschwitz: les spécialistes polonais ont compilé la version laissée par les victimes et les bourreaux


Ralph Blumenthal


Fouillé par les rescapés de lolocoste et les spécialistes, Auschwitz vient de livrer un peu plus de secrets.
 
En Pologne, les chercheurs, qui ont exploité les documents allemands devenus disponibles dans les archives russes, et après cinquante ans de travail, ont compilé ce que les spécialistes appellent l'histoire la plus complète et la plus sérieuse du vaste ensemble criminel destiné par les nazis à l'extermination des juifs.
Sous le titre Auschwitz 1940-1945, l'édition anglaise qui vient de sortir consiste en un ensemble de cinq volumes, pour un total de plus de cinq cent mille mots, que le musée national d'Auschwitz-Birkenau préparait depuis 1979. Bourrée de noms d'assassins et de victimes, elle a 1799 pages et contient des plans de chambres à gaz et de fours crématoires, des listes de prisonniers, des récits de témoins oculaires, de rares photographies, une chronologie presque quotidienne et une bibliographie de quarante-neuf pages. [Note de l'AAARGH: il serait intéressant également de savoir combien pèse l'ensemble, en kilos et en livres. Le poids d'un ouvrage est quand même pour beaucoup dans sa valeur, il n'y a pas que le nombre de mots ou de pages qui compte, chacun sait cela !]
Lorsque les troupes soviétiques libérèrent Auschwitz et ses camps annexes, il y a eu cinquante-six ans hier, le livre estime qu'un million trois cent mille personnes y avaient été amenées et qu'au moins un million cent, dont neuf cent soixante mille juifs, y étaient mortes. Mais comme les gardiens, avant de fuir, ont brûlé des millions de documents -- tout en abandonnant, pour se disculper, ceux de l'Institut dit d'hygiène et l'infirmerie-- on ne connaîtra jamais le nombre exact.
"C'est de loin l'étude la plus complète à la fois dans les détails et le niveau de sources utilisé", dit le rabbin Irving Greenberg, président du musée de lolocoste des Etats-Unis [Note de l'AAARGH: ce rabbin est une autorité bien connue dans le monde des archives et de la science historique.]. L'histoire d'Auschwitz, grâce aux listes de victimes et à d'autres types de documentation sur le camp récemment récupéré en Russie, offre de nouveaux décomptes des morts, dont celui de deux cent trente-deux mille déportés de moins de dix-huit ans. Elle esquisse le portrait des huit mille SS, ou presque, des deux sexes qui faisaient marcher le camp et qui, dit le livre, ont dans une large mesure échappé à la justice après la guerre. Elle énumère aussi les biens pris aux prisonniers: les dents en or et les cheveux par trains entiers et des cortèges de landaus qui "étaient poussés par rangée de cinq, et il fallait plus d'une heure à la procession pour s'écouler", rappelle un ancien prisonnier.
Mais il y a aussi plus de quatre cents pages consacrées au mouvement de résistance du camp, très souvent oublié: les opérations des cellules polonaises clandestines; une révolte du 7 octobre 1944 qui finit mal et où quatre cent cinquante et un prisonniers périrent; et huit cent trois évadés qui contribuèrent à faire connaître les massacres à un monde souvent indifférent.
Le livre contient aussi des récits relevés en secret par des prisonniers condamnés anonymes, affectés aux exécutions concrètes, qui ont enfoui leurs testaments sur tout le territoire d'Auschwitz. Tout cela recoupe souvent les mémoires des nazis et les témoignages des séries de procès, dont celui de Rudolf Hoess, le commandant du camp, qui fut pendu en 1947.
Après la guerre, pendant de nombreuses années, les autorités polonaises commmunistes ont dissimulé le sort tout à fait particulier des victimes juives, dit une des conservatrices du musée, Teresa Swiebocka. Depuis la chute du communisme, les spécialistes disent que les distortions ont été éliminées comme ce livre en témoigne.
Après la parution du livre en Polonais en 1995 et en allemand en 1998, une version augmentée a été traduite en anglais par un éducateur et réalisateur de cinéma américain, William Brand, et financée par Warren K. Miller, ancien procureur fédéral avocat à Washington.Depuis 1992, M. Miller est membre de la Commission des Etats-Unis pour la protection du patrimoine américain à l'étranger dont la mission est d'aider à l'entretien de sites européens qui présentent un intérêt historique ou culturel pour les Américains [Note de l'AAARGH: par exemple, ils restaurent tous les lieux où les Noirs américains ont pu se mêler normalement aux Blancs, notamment en France, à l'époque de l'apartheid américain; un accent particulier est mis sur les lieux où ont vécu Joséphine Baker, Angela Davis et tous les musiciens de jazz.]. Le livre est vendu soixante dollars au musée d'Auschwitz.
La compilation du livre a été un travail ardu, d'après Mme Swiebocka, qui a aidé à mettre la version anglaise au point. Les chercheurs ont utilisé des archives du musée remontant à 1947, un fonds sinistre qui comprend plus de soixante-dix mille certificats de décès, des registres de punitions, les CV de plus de cinq cents SS, six mille dessins de prisonniers et quarante mille photos de prisonniers, presque tous noon-juifs, pris par les Allemands avant qu'ils renoncent à cette habitude.
Et cependant, d'après Mme Swiebocka, malgré tout ce nouveau travail de recherche, certaines questions épineuses sont restées sans réponse.
Le livre décrit Auschwitz depuis sa désignation le 235 janvier 1940; c'était alors un camp de l'artillerie polonaise situé à Oswiencim, dans le district de Katowice, sur un site isolé au confluent de la Sola et de la Vistule; il était desservi par un bon réseau ferroviaire. Le 14 juin, le premier convoi, en provenance de Tazrnow, amena sept cent vingt-huit prisonniers polonais, poour la plupart des étudiants, des lycéens et des soldats. Le 5 juillet eut lieu la première évasion; lorsqu'elle fut découverte, tous les prisonniers furent contraints de rester debout au garde-à-vous pendant vingt heures. Beaucoup furent battus et fouettés et l'un d'eux, Dawyd Wongczewski, un juif, mourut, la première victime d'Auschwitz, d'après le livre.
Les premiers prisonniers furent affectés à l'agrandissement du camp et à la construction du premier four crématoire. Les fours, alimentés au coke, avec une capacité initiale de cent cadavres minimum par jour, furent fournis par la société Topf et Sohne d'Erfurt, et l'incinération des cadavres commença le 15 août 1940. Himmler, chef de la SS, visita le camp le 1er mars 1941 et décida une expansion d'envergure qui engloberait la campagne alentour dans un second camp nommé Birkenau, des camps annexes et des usines d'IG Farben, de Bayer et d'autres géants industriels, où le travail serait forcé. Höss rapporte que, peu après, Himmlmer lui dit que le Führer avait ordonné la solution finale de la question juive.
On estime que cent cinquante mille Polonais environ ont été déportés pendant la guerre et que la moitié sont morts. A partir de 1941, les prisonniers de guerre soviétiques furent envoyés à Auschwitz, où quinze mille au moins sont morts, beaucoup dans les premiers essais de chambres à gaz alimentées en Zyklon B.
Le premier convoi de juifs arriva de Bytom (Pologne), le 5 février 1942. A la fin de l'année, il y avait désormais plus de juifs que de Polonais à Auschwitz et par la suite, le camp se transforma en centre d'extermination des juifs, bien qu'on estime à vingt-trois mille les Tsiganes et peut-être quinze mille les autres prisonniers déportés qui y furent tués également.
Bien que les calculs faits à la libération aient suggéré, en se fondant notamment sur la capacité des fours crématoires, que quatre millions de personnes étaient mortes à Auschwitz, la plupart des spécialistes se sont, depuis, mis d'accord sur un nombre compris entre un million et un million et demi.
L'étude analyse aussi, à partir des dossiers personnels de 6.335 personnes employées à Auschwitz, la constitution variable de la garnison SS, dont l'âge moyen était de 36,1 ans et le degré d'instruction relativement bas, soixante-dix pour cent environ n'ayant pas dépassé l'école primaire [Note de l'AAARGH: pour être gardien de prison, on n'a pas réellement besoin de plus ! C'est le type même d'études absolument inutile menée uniquement pour donner une apparence "scientifique" à ce qui n'est qu'un condensé d'extrapolation et de témoignages circulaires]. Dans toute l'histoire d'Auschwitz, dit l'étude, il y a eu quelques cas de SS refusant d'exécuter les ordres et il n'y a pas un seul cas de gardien puni pour avoir refusé de participer à un massacre. [Note de l'AAARGH: il n'y a pas non plus un seul ordre de massacre mais c'est vrai que ces ordres devaient se trouvzer dans les millions de documents détruits par les SS en fuite.] Justice n'a pas été faite, conclut Aleksander Lasik, sociologue polonais: 789 membres du personnel seulement ont été traduits en justice et "un pourcentage plus infime encore a accompli sa peine en totalité".

New York Times, 28 janvier 2001


Auschwitz Revisited: Polish Scholars Compile Version Left by Victims and Killers Alike


By Ralph Blumenthal
 

Prodded by Holocaust survivors and scholars, Auschwitz has been giving up more of its last infernal secrets.

Drawing on captured German documents newly available from Russian archives and more than a half-century of Auschwitz studies, researchers in Poland have compiled what experts call the most complete and authoritative history of the vast killing center for the Nazi extermination of the Jews.
Called simply "Auschwitz 1940- 1945" and just issued in English, it is a five-volume work of more than half a million words that has been under preparation by Auschwitz-Birkenau State Museum since 1979. Replete with names of killers and victims, it fills 1,799 pages, including construction plans for the gas chambers and crematories, prisoner lists, first-hand accounts, rare photographs, an almost day-by-day calendar and a 49-page bibliography.
By the time Soviet troops liberated Auschwitz and its subcamps 56 years ago yesterday, an estimated 1.3 million people had been shipped there and at least 1.1 million, including 960,000 Jews, had died there, the history establishes. Because fleeing guards burned millions of documents -- while leaving behind others from the so-called Hygiene Institute and infirmary as exculpatory ploys -- the exact toll will never be known.
"It is by far the most comprehensive in its detail and level of source material," said Rabbi Irving Greenberg, chairman of the United States Holocaust Memorial Museum, which will be selling the work.
Using lists of victims and other camp documentation recently retrieved from Russia, the Auschwitz history offers new computations of the death toll, including the fate of 232,000 deportees under 18. It profiles many of the nearly 8,000 SS men and women who ran the camp and who, the book says, largely escaped justice after World War II. It tallies property plundered from the prisoners: gold teeth and hair by the trainload and convoys of empty baby carriages that, one former prisoner recalled, "were pushed in rows of five, and the procession took more than an hour to pass."
But the study also devotes nearly 400 pages alone to the often-overlooked camp resistance movement: the operations of Polish underground cells; an ill-fated mutiny on Oct. 7, 1944, in which 451 prisoners died; and 802 escapes that helped smuggle out news of the killings to an often uninterested world.
The history includes accounts secretly recorded by anonymous doomed prisoners assigned to execution details who buried their testaments like time capsules around the Auschwitz grounds. It also cross-references Nazi memoirs and testimony from a welter of war crimes proceedings, including the trial of the camp's commandant, Rudolf Höss, who was hanged in 1947.
For many years after the war, said Teresa Swiebocka, a curator at the museum, the Polish Communist authorities played down the singular victimization of the Jews. Since the fall of Communism, scholars say, the distortions have been redressed, as the book reflects. Eli Rosenbaum, director of the Justice Department's Nazi-hunting Office of Special Investigations, called the history "clearly a landmark work and a major contribution to scholarship." He said his office has consulted it on people suspected of being Nazi guards who might have taken refuge in the United States and who could be stripped of their American citizenship and deported.
After the history appeared in Polish in 1995 and in German in 1999, an expanded version was translated into English by an American educator and filmmaker, William Brand, and paid for by Warren L. Miller, a former federal prosecutor and trial lawyer in Washington. Mr. Miller has served since 1992 on the United States Commission for the Preservation of America's Heritage Abroad, which helps maintain European sites of historic and cultural interest to Americans. The history costs $60 at the Auschwitz-Birkenau museum.
Compiling the history was an arduous job, said Ms. Swiebocka, who helped prepare the English version. Researchers drew on museum archives going back to 1947, a grim trove that now includes more than 70,000 death certificates, punishment annals, résumés of more than 500 SS members, 6,000 drawings by prisoners and 40,000 photographs of mostly non-Jewish prisoners taken by the Germans before they abandoned the practice.
Yet despite all the new research, Ms. Swiebocka said, some critical questions remain unanswered: particularly the number of victims.
The history traces Auschwitz from its designation on Jan. 25, 1940, at the site of a Polish artillery barracks in the Katowice district at Oswiecim (pronounced ohsh-VYEN-cheem), a remote location at the fork of the Sola and Vistula rivers served by good rail connections. On June 14, the first transport, from Tarnow, brought 728 Polish prisoners, mostly high school and university students and soldiers.
On July 6, a Polish prisoner became the first escapee. When his absence was discovered, all prisoners were forced to stand at roll call for 20 hours. Many were beaten and flogged and one, Dawid Wong- czewski, a Jew, became the first to die at Auschwitz, according to the history.
The first prisoners were put to work expanding the camp and building the first crematory. The coke- fired ovens, with an initial capacity of at least 100 bodies a day, were supplied by J. A. Topf & Söhne of Erfurt, Germany, and the burning of corpses began on Aug. 15, 1940. Heinrich Himmler, commander of Hitler's SS, visited the camp on March 1, 1941, and decreed a vast expansion that would clear the surrounding countryside for a second large camp called Birkenau, subcamps and factories of I. G. Farben, Bayer and other industrial giants, to be staffed by forced labor.
Shortly afterward, Höss later recalled, Himmler told him, "the Führer has ordered the final solution of the Jewish question."
Until 1942, Poles made up the largest group of prisoners, the history recounts. An estimated 150,000 were deported there throughout the war and about 75,000 died. Starting in 1941, Soviet prisoners of war were sent to Auschwitz, where at least 15,000 of them died, many in the first trials of the gas chamber using pellets of Zyklon B.
The first transport of Jews arrived from Bytom, Poland, on Feb. 15, 1942. By the end of 1942, there were more Jews than Poles in Auschwitz, and thereafter the camp became primarily an extermination center for Jews, although most of the estimated 23,000 Gypsies and perhaps 15,000 other prisoners deported there also were killed.
Although calculations after liberation suggested that four million people may have died at Auschwitz, based in part on the capacity of the crematories, most scholars have since settled on a toll of 1 million to 1.5 million.
From personnel records of 6,335 of the men and women who served at Auschwitz, the study also analyzes the varied makeup of the SS garrison, putting the average age at 36.1 years and the educational level as relatively low, with about 70 percent not having gone beyond grade school. In the whole history of Auschwitz, it said, there were few instances of SS members refusing to carry out orders and no documented instance of any guard being punished for refusing to carry out mass murder.
Justice was substantially cheated, a chapter by a Polish sociologist, Aleksander Lasik, concludes. No more than 789 members of the staff were ever tried and, he wrote, "a smaller percentage were convicted and a still smaller percentage served their sentences in full."

New York Times, January 28, 2001
http://www.nytimes.com/2001/01/28/world/28AUSC.html

 

 


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