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EST-IL PERMIS DE CRITIQUER ISRAËL?

Mensuel L'Arche, mai 2003



1.
Entre la «guerre juive» et le «complot américano-sioniste», par Pierre-André Taguieff.

2. «Notre ami Israël Shamir» par Henri Pasternak

3."I'm Not Afraid of Anti-Semitism", Stanley Heller interviews Israel Shamir

 

 

 


 Entre la «guerre juive» et le «complot américano-sioniste»

par Pierre-André Taguieff

Philosophe et historien des idées, Pierre-André Taguieff est directeur de recherche au CNRS (derniers ouvrages publiés, en 2002: La Nouvelle judéophobie, Paris, Mille et une nuits; L'Illusion populiste, Paris, Berg International). Cet article, publié ici en exclusivité, est extrait d'un livre qui paraîtra en septembre aux Éditions Fayard-Mille et une nuits.

La guerre pour la bourgeoisie c'était déjà bien fumier, mais la guerre maintenant pour les Juifs! ( ... ) On s'est étripé toujours sous l'impulsion des Juifs depuis des siècles et des siècles ( ... ).
Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Denoël, 1937, pp. 86-87.

Depuis l'automne 2002, l'antiaméricanisme à la française (1) s'est de plus en plus clairement teinté de judéophobie, à travers une intensification du discours «antisioniste» convenu, certes, mais aussi par la diffusion croissante d'une représentation antijuive bien connue des historiens des années 1930, celle de la «guerre juive» (2).
On sait que l'un des premiers usages idéologico-politiques des Protocoles des Sages de Sion, entre 1918 et le début des années 1930, a été de justifier la désignation des Juifs comme responsables de la guerre de 14-18. Dans la seconde moitié des années 1930, le recours au mythe du complot juif mondial, véhiculé par les Protocoles, a permis de dénoncer l'éventuelle guerre des démocraties contre le régime nazi comme une «guerre juive».

«Les bellicistes»
La récurrence de ce type d'accusation mérite d'être prise au sérieux et interrogée. De la «guerre juive» à «l'agression américano-sioniste»: persistance et métamorphose d'un stéréotype accusatoire, à travers lequel s'opèrent la criminalisation et la diabolisalion des «Sages de Sion» sous les multiples noms dont on les affuble (le «lobby juif», le «lobby sioniste», «les sionistes et leurs alliés», le «lobby pro-israélien», le «sionisme mondial», le «pouvoir juif», etc.)
(3).
Dans les deux cas, en 1936-1939 et en 2002-2003, l'opposition à la guerre contre une dictature reconnue comme telle prend la forme d'une puissante vague «pacifïste ». Si l'ennemi est «belliciste», et à ce titre monopolise le statut d'agresseur (réel ou potentiel), les anti-bellicistes se définissent eux-mêmes comme partisans de la paix.
Face au messianisme démocratique à l'américaine, les plus gauchistes d'entre les pacifistes américanophobes recourent volontiers aux arguments de base de la «rhétorique réactionnaire», telle que l'a magistralement analysée Albert Hirschman
(4). Toute tentative de modifier l'ordre international existant est récusée au nom de trois types d'arguments: le risque d'engendrer des effets contraires au but recherché (effet pervers); l'inutilité de l'action entreprise, supposée impuissante à modifier le statu quo (inanité); le risque de bouleverser une organisation fragile, représentant de précieux acquis (mise en péril).
Si tout est inconditionnellement préférable à la guerre, alors la servitude est absolument légitimée. La prescription d'éviter la guerre à tout prix a conduit naguère nombre de bons esprits à célébrer les accords de Munich.

Des socialistes pacifistes à l'extrême droite nationaliste.

Le maurrassien Pierre Gaxotte écrivait dans Je suis partout daté du 30 septembre 1938: « Quant à nous, il n'y a plus, à nos yeux, que deux partis: ceux qui sont pour la France et ceux qui sont pour la guerre.» Quelques mois plus tard, Paul Ferdonnet, publiciste stipendié par l'Allemagne nazie, publiait La Guerre juive (5), qui commençait par ces propos dénués d'ambiguïté, datés de «Noël 1938»: «(..) Ces parasites, ces étrangers, ces ennemis intérieurs, ces Maîtres tyranniques et ces spéculateurs impudents, qui ont misé, en septembre 1938, sur la guerre, sur leur guerre de vengeance et de profit, sur la guerre d'enfer de leur rêve messianique, ces bellicistes furieux, il faut avoir l'audace de se dresser sur leur passage pour les démasquer; et, lorsqu'on les a enfin reconnus, il faut avoir le courage de les désignerpar leurs noms : ce sont les Juifs.» (6)

«Sionisme mondial»

Considérons le discours «antiguerre» des premiers mois de 2003 à travers le matériel constitué par les appels aux manifestations, les tracts distribués, les banderoles et les pancartes brandies, les slogans proférés. Non seulement l'intervention militaire anglo-américaine contre le régime de terreur de Saddam Hussein a été assimilée aux réactions israéliennes contre les terroristes palestiniens, mais aussi et surtout les Israéliens, et plus largement les représentants du mythique «sionisme mondial», ont été accusés d'être à l'origine de la nouvelle «guerre d'Irak».

Des listes de conseillers du président américain, «juifs», «sionistes» ou «proches du Likoud», ont circulé sur Internet, et la presse, même la plus «respectable», a relayé ces accusations ou ces soupçons, visant un Bush manipulé par «les Israéliens» ou des «conseillers juifs ». A l'amalgame polémique «Bush =Sharon» (également et semblablement «assassins») s'est ajoutée une vision conspirationniste, que traduisent diverses images schématisantes: du «complot américano-sioniste» (où les «sionistes» sont censés rester dans l'ombre, ou agir de façon occulte) à «Bush valet de Sharon».
Les Juifs, une fois de plus, sont ainsi désignés comme les vrais responsables d'une guerre, et d'une guerre qui, dans le contexte géopolitique contemporain, affecte le système mondial des États. Une nouvelle guerre sinon mondiale, du moins mondialisée à bien des égards.

La croyance à l'action des démons, censée expliquer l'origine des malheurs des humains, donne son assise à la judéophobie «antisioniste» (7). La fixation de la haine «antisioniste» sur un Sharon nazifié (et, en tant que tel, devenu synecdoque de l'État «raciste» et «fasciste» d'Israël) permet de formuler un slogan de ce type: «Hitler en a oublié un: Sharon» (8), slogan justifiant le génocide nazi des Juifs qu'ont osé crier des milliers de manifestants lors d'une manifestation en faveur de la Palestine, à Amsterdam, en avril 2002. La dénonciation néo-gauchiste de la «Busherie» peut ainsi glisser vers les «antisionistes» de l'autre bord, les néo-fascistes de l'hebdomadaire Rivarol, jubilant de pouvoir enfin dénoncer, en phase avec une importante partie de «l'opinion mondiale», la «Busherie kasher».

Paris VIII

De multiples incidents antijuifs se sont produits depuis la fin des années 1990 dans les universités françaises, où des groupes gauchistes et pro-palestiniens font régner un terrorisme intellectuel qui rappelle l'époque de la guerre froide, quand les staliniens exerçaient leur dictature idéologique dans certains établissements universitaires. Après des années d'une intense propagande «antisioniste» fondée sur la nazification des «Juifs-Israéliens-sionistes», l'Union générale des Étudiants tunisiens (UGET) (9) a organisé du 25 au 27 mars 2003, dans le hall d'entrée de l'université Paris VIII (Seine-Saint-Denis), en guise de célébration de la nationale-palestinienne «journée de la Terre» (30 mars), une exposition provisoire dont la dimension antijuive était à ce point évidente (caricature de Sharon doté d'un nez proéminent, dessins de Juifs an nez crochu, citations «antisionistes» de Roger Garaudy, etc.) que même des enseignants gauchistes, palestinophiles par définition, s'en sont aperçus. Le thème de la manipulation «sioniste» de la politique américaine ne manquait pas à l'appel, comme le montre cette citation de Roger Garaudy: «Le Premier ministre d'Israël a beaucoup plus d'influence sur la politique étrangère des États-Unis au Proche-Orient que dans son propre pays.» (10) Au milieu des drapeaux palestiniens tapissant le hall, le visiteur tombait sur une série de photos choisies pour provoquer l'indignation, sur le thème «Massacre à Jénine», pièce maîtresse de la propagande palestinienne depuis le printemps 2002 (11).

Serge Thion

Deux journalistes de Marianne décrivent et racontent ce qu'elles ont vu et entendu dans cette exposition: «Des corps mutilés, des crânes explosés, et des explications "historiques" sur la naissance de l'État d'Israël, construit sur les ruines des villes palestiniennes. Des pancartes résument: "sionisme = impérialisme = fascisme". (..) Un étudiant juif tente -- en vain -- d'expliquer la définition du sionisme à un public plus que réfractaire. Le ton est donné. Pendant ce temps, un "étudiant" (d'une bonne quarantaine d'années) crie dans un micro: "Tout le monde sait qu'Israël est derrière la guerre en Irak." L'auditoire applaudit. Les propos sont sans appel: "Sionistes et Juifs, ça revient au même." (12) »
Le négationniste Serge Thion, ravi de la nouvelle conjoncture «antiguerre» où l'antisionisme de propagande fusionne avec un antiaméricanisme mystique, écrit dans le numéro 16, paru en janvier 2003, de sa revue La Gazette du Golfe et des banlieues
(13), à propos de la «composition» de «l'équipe Bush»: «(.,) On peut se demander légitimement, si ce ne sont pas des Juifs israéliens ou pro-israéliens qui dirigent le gouvernement américain.» Le 10 avril 2003 paraît le numéro 20 de ce périodique caricaturalement haineux, «antisioniste» autant qu'américanophobe. On y lit en guise d'avertissement au lecteur: «Née en 1991 de la révolte contre la guerre imposée par les pétroliers américains, elle [La Gazette...] avait paru sans périodicité fixe. Ranimée par l'éclatant retour de l'impérialisme américain dévoilé par la divine surprise du 11 septembre, elle avait adopté un rythme mensuel sans en faire un dogme. Le dernier numéro, 19, paru après le déclenchement de la guerre par le quarteron des néo-cons sionistes qui agitent la marionnette boucharde, a été submergé et distendu par le flot de l'actualité.» (14)
D'abréviation usuelle pour «neo-conservatives», l'expression «neocons», en langue française, se transforme subrepticement en terme insultant. Un certain Christophe Deroubaix, dans le quotidien communiste L'Humanité, après avoir affirmé que «Bush applique, les unes après les autres, les idées des "neocons "» présente ainsi Paul Wolfowitz, «l'éminence grise»: «Le véritable chef de la bande des "neocons", c'est lui (..)»
(15). Voilà qui doit faire beaucoup ricaner, dans les troupes clairsemées des néo-staliniens.

Israël Shamir

Le 20 mars 2003, dans la lettre d'information (diffusée sur Internet) de l'Association médicale franco-palestinienne (AMFP, Marseille), Point d'information Palestine (16), on pouvait lire un texte judéophobe et conspirationniste signé Israël Shamir, «Les oreilles de Midas», dénonçant violemment les «magnats juifs des médias» et la «juiverie organisée» (Organised Jewry), celle-ci étant par lui accusée d'être aujourd'hui responsable de la «guerre en Irak» comme elle aurait d'une façon occulte, naguère, après avoir «acheté secrètement et subverti les médias français durant de nombreuses années», précipité les Français «dans l'horrible et totalement inutile Seconde Guerre mondiale».
Ainsi parle Israël Shamir, l'un de ces Juifs antijuifs
(17) qui, s'affirmant «antisionistes», sont devenus des intellectuels organiques de la «cause palestinienne» et se sont rapprochés des milieux négationnistes («notre ami Israël Shamir»: c'est ainsi que Serge Thion, l'ex-bras droit de Robert Faurisson, le présente sur son site, avant de diffuser l'un de ses articles) (18). Shamir affirme que «les Juifs», qu'il oppose aux «gens normaux», «règnent en maîtres en Amérique», et précise son accusation: «La juiverie organisée ne cesse de pousser à la guerre tout en déniant toute prise de position et tout engagement en la matière».
Cet «antisioniste» militant enchaîne en posant la question rhétorique suivante: «Est-il totalement impensable que les Juifs américains aient pris secrètement le contrôle de leurs médias nationaux et soient aujourd'hui en train de précipiter les États-Unis dans une horrible et totalement inutile Troisième Guerre mondiale?» La prescription s'impose: «Faisons en sorte que les conseillers juifs du président Bush soient virés. Ces comploteurs sont incapables de tenir ce qu'ils ont promis (..). Ils ont poussé le bouchon trop loin. »
Les articles «antisionistes» de Shamir sont disponibles sur des sites négationnistes (
19), islamistes et pro-palestiniens. Un des articles disponible sur le site www.solidarite-palestine.org se termine par cette prophétie fondée sur la christification des Palestiniens: «Même si l'on crucifie tous les Palestiniens jusqu'au dernier sur le Golgotha, l'Etat juif d'Israël n'a d'autre réalité que virtuelle et ne verra jamais le jour.»
Dans un autre article daté de septembre 2002, diffusé sur le site du Parti des Musulmans de France (PMF) au début de février 2003, Shamir écrit : « (..) Les élites juives américaines poussent à l'Armageddon (..) afin de placer l'État juif au sommet de la hiérarchie mondiale. C'est le plan d'un mégalomane, mais ce sont des mégalomanes qui sont aux manettes de la superpuissance mondiale unique (...) » On comprend dès lors pourquoi Shamir, récusant le projet politique fondé sur la coexistence des deux États, l'un, juif, et l'autre, palestinien, est un ferme partisan du démantèlement de l'État d'Israël
(20), en vue de créer un nouvel État, déjudaïsé, incluant Juifs et Palestiniens. Sur ce même site, où le président du PMF, Mohamed Ennacer Latrèche, dénonce inlassablement «le plan américano-sioniste», on lit à la fin d'un communiqué de presse du PMF, daté du 20 octobre 2002: «Le PMF adresse au peuple irakien et à son président ses meilleurs voeux de bonheur et de prospérité, tout en lui assurant son entier soutien dans sa résistance aux projets dévastateurs américano-sionistes.»

Diabolisation

La propagande pro-palestinienne aveugle et vindicative ne fait nullement avancer la cause palestinienne, elle ne contribue en aucune manière à la création d'un État palestinien, elle a pour seul résultat de nourrir l'imaginaire antijuif, en radicalisant la haine anti-israélienne (21). Ceux qui, comme moi, sont convaincus de la nécessité de créer un État palestinien souverain se heurtent aujourd'hui à la dure réalité du total refus, par la majorité des défenseurs de la cause palestinienne, de l'existence même de l'État d'Israël.
La diabolisation d'Israël et de l'Occident, pour les «gouvernements à la fois autoritaires et inopérants qui règnent sur presque tout le Moyen-Orient»
(22), est une condition de survie. Comme l'a montré Bernard Lewis, la désignation de responsables imaginaires et de coupables fictifs présente pour ces gouvernements plusieurs avantages essentiels: «Expliquer la pauvreté qu'ils sont incapables de réduire, légitimer un pouvoir despotique qui ne cesse de s'alourdir, détourner le mécontentement croissant de la population vers d'autres cibles (23)

L'Arche, n° 543, mai 2003

 

 «Notre ami Israël Shamir»

par Henri Pasternak

 

Le 3 avril 2003, le quotidien Libération publie un article de son correspondant à Marseille, Michel Henry, intitulé «Charge antisémite d'une association pro-palestinienne». On y apprend que l'Association médicale franco-palestinienne de Marseille (AMFP) a publié le 20 mars, dans sa lettre d'information, «un texte ouvertement antisémite». Suite à cette publication, l'Association France Palestine Solidarité (AFPS), à laquelle l'AMFP était affiliée, a exprimé sa désapprobation. L'article cite le président de l'AFPS, Bernard Ravenel: «Ce n'est pas possible, il n'y a pas d'excuse, le gars de l'AMFP qui a traduit ce texte a démissionné et nous avons annulé la référence du groupe de Marseille à notre association».
Le texte ainsi mis en cause, apprend-on, est une traduction d'un article signé Israël Shamir et intitulé «Les oreilles de Midas», où, dit Libération, il soutient «que la "juiverie organisée" serait responsable de la guerre en Irak, comme elle l'était, selon lui, de la seconde guerre mondiale»
(1). Libération ajoute que cet article, dont la traduction française a été effectuée par Marcel Charbonnier, a été diffusé «par l'AMFP dans la lettre qu'elle distribue, via e-mail, à plus de 6800 destinataires».

«Persécution»

Le lendemain, le quotidien Le Monde, dans son édition datée du 5 avril, revient sur le cas d'Israël Shamir. Celui-ci, «journaliste et écrivain qui habite à Jaffa», pratique un «militantisme anti-israélien» qui l'a «déjà conduit à flirter avec l'antisémitisme». Mais le dernier en date de ses articles, ne laisse, dit la journaliste du Monde, Ariane Chemin «plus aucune place au doute». Pourtant, Pierre-Alexandre Orsoni et Marcel Charbonnier, les deux responsables de Point d'information Palestine, le bulletin diffusé sur internet par les militants pro-palestiniens marseillais, ne regrettent pas d'avoir traduit et publié ce texte. Au contraire: ces deux hommes, décrits comme «plutôt franchement de gauche», sont furieux d'avoir été désavoués par l'AFPS.

Pierre-Alexandre Orsoni, dit Le Monde, ne se dissocie nullement de l'auteur du texte antisémite: «Israël Shamir est un provocateur, un polémiste, mais il est loin d'être idiot. On sent que, derrière lui, il y a des réseaux, c'est aussi pour cela qu'il est intéressant.» Et il persiste: «On continuera à le passer». Le Monde rapporte également que M. Orsoni s'estime «victime d'une persécution» et menace: «Sinon, on arrêtera Point d'information Palestine, puisque c'est ça qu'ils veulent. Et ça nous obligera à partir là-bas.»

En fait, au-delà du comportement bizarre des militants marseillais, l'attitude de l'Association France Palestine Solidarité est elle-même plutôt étrange. Si on lit bien la déclaration faite au Monde par le président de l'AFPS, Bernard Ravenel, on voit qu'il a été surtout «choqué» que ce texte «explicitement antisémite» ait été publié sans «aucune mise en garde». Quelques mots bien placés auraient donc fait l'affaire, et évité des désagréments aux uns comme aux autres ?
Le plus étonnant, dans l'affaire, est le temps qu'il a fallu aux propalestiniens français pour découvrir la nature antisémite des textes signés Israël Shamir. Une trentaine de ces textes, traduits le plus souvent par le fidèle Marcel Charbonnier, enrichissent de longue date les sommaires des bulletins pro-palestiniens -- mais aussi de publications d'extrême droite (comme le bulletin Faits & Documents d'Emmanuel Ratier) et négationnistes (comme l'AAARGH et La gazette du Golfe et des banlieues, de Serge Thion). Personne ne s'était avisé de leur contenu.

«Inquiétudes»

En France, du moins. Car, aux États-Unis, deux des principaux animateurs du mouvement pro-palestinien, Ali Abunimah et Hussein Ibish, avaient tiré la sonnette d'alarme dès 2001. Dans une lettre ouverte datée du 16 avril 2001, les deux hommes faisaient part de leurs «sérieuses inquiétudes au sujet d'Israël Shamir». Indiquant que cet homme, «qui se présente comme étant un journaliste russo-israélien», avait depuis quelques mois acquis une grande renommée et que ses écrits étaient souvent cités dans les milieux pro-palestiniens, ils soulignaient leur caractère ouvertement antisémite.

Ali Abunimah et Hussein Ibish ajoutaient: «De nombreuses personnes ont accueilli les contributions d'Israël Shamir en toute bonne foi, mais il nous semble qu'elles n'ont pas prêté suffisamment d'attention à ce qu'il dit. Cela s'explique peut-être parce que beaucoup d'entre nous sont heureux d'entendre des critiques d'Israël provenant de quelqu'un qui semble être "de l'intérieur", parce que la soif que nous avons de voir nos thèses validées par des Juifs israéliens nous conduit parfois à agir sans l'esprit critique qui s'imposerait, ou à ne pas prendre en compte des excès qu'autrement nous n'aurions pas acceptés. Peut-être certains sont-ils disposés à ne pas critiquer des sentiments antisémites lorsque celui qui en est l'auteur se présente comme étant juif. Mais l'identité de cet auteur ne rend pas de telles déclarations moins dangereuses.»

Ceux qui écrivent ne sont pas, il faut le souligner, des «modérés» (Ali Abunimah avait été à l'origine d'une campagne contre le dirigeant palestinien Sari Nusseibeh, accusé de renoncer au «droit au retour»; il vient de publier dans le quotidien libanais The Daily Star un article, en date du 23 avril 2003, accusant Mahmoud Abbas et Mohammed Dahlan de «vendre la Palestine»). Mais ils comprennent l'opinion publique americaine. Au-delà du souci de maintenir le combat contre l'État d'Israël dans des limites moralement acceptables, on sent chez eux la crainte que l'association avec de tels hommes ne porte du tort à la cause palestinienne aux États-Unis.

Cette lettre, cependant, entraîna un vif échange de courriers. Israël Shamir, puis ses partisans dans les milieux pro-palestiniens, accusèrent MM. Abunimah et Ibish de l'avoir diffamé. Une campagne se déchaîna contre les deux hommes, soupçonnés même d'avoir partie liée avec le «lobby juif»... C'est alors que, le 23 avril 2001, Hussein Ibish se résolut à rendre public le compte rendu d'une rencontre avec Israël Shamir, qui avait eu lieu quelques semaines auparavant.

Il faut souligner ici que Hussein Ibish est le porte-parole de l'American-Arab Anti-Discrimination Committee (ADC), une des principales organisations arabes aux États-Unis. Israël Shamir, dont c'était la première visite aux États-Unis, avait ainsi l'occasion d'entrer en contact avec un dirigeant du «lobby» arabe, à qui il pouvait parler en toute franchise. Son erreur était de n'avoir pas compris que son interlocuteur serait choqué par ses propositions. Voici le compte rendu rédigé par Hussein Ibish (2):

«Sans entrer dans les détails, Shamir suggéra que les Juifs contrôlent effectivement les États-Unis. Il compara leur rôle dans ce pays au rôle des alaouites en Syrie [la minorité religieuse dont est issue la famille Assad, et sur laquelle repose en grande partie la dictature au pouvoir à Damas - NDLR]. La comparaison me parut ridicule. De ses propos, il ressort qu'il ne comprend pas la complexité des relations de pouvoir dans ce pays, où il ne s'est jamais rendu auparavant mais qu'il semble convaincu de connaître parfaitement.

Financement

Le plus troublant, sans doute, est qu'il a catégoriquement rejeté l'idée que les Arabes américains pourraient jamais aider la cause de la libération palestinienne, pour la raison que nous ne pourrons jamais faire jeu égal avec la puissance et l'influence des Juifs pro-israéliens, et que nous perdons absolument notre temps à nous y essayer. Il m'a déclaré que je ne comprends pas "la manière dont cette communauté fonctionne depuis plus de 1000 ans, peut-être 2000 ans" et que nous n'avons aucune chance face à eux.

Il a suggéré que la seule chose qui pourrait aider la cause de la libération palestinienne serait la marginalisation de la communauté juive américaine. J'ai eu le très net sentiment qu'il signifiait par là une campagne visant à répandre, au sein de la majorité chrétienne aux États-Unis, la méfiance envers la communauté juive, car il insistait sur le fait que "seule la majorité peut contrôler ce groupe minoritaire". Je lui ai demandé si c'était là l'objet essentiel des textes qu'il écrivait, et il m'a répondu: "C'est possible". Je lui ai demandé d'être plus précis; mais il a été évasif m'expliquant que "c'était la première fois que nous nous rencontrions".

Il me dit ensuite qu'il était venu dans ce pays pour trouver un soutien financier [sponsor] qui l'enverrait faire une longue tournée de conférences dans les églises américaines. Je lui ai demandé comment il comptait prôner l'antisionisme à une congrégation qui attend le combat de la fin des temps [Armageddon]. Il a dit qu'il les convaincrait que Sharon est "l'Antéchrist juif".

Puis il a dit qu'il cherchait activement une source de financement, sous forme de bourse ou de salaire, pour payer ses articles. Il me dit que c'était "une marque d'immaturité", de la part de notre communauté, qu'aucun Arabe américain n'ait encore veillé à cela.»

On peut rêver, à la lecture de ce compte rendu, aux rencontres de ce genre qu'Israël Shamir, ou d'autres que lui, ont pu avoir aux États-Unis (ou en d'autres pays), avec des organisations (pas nécessairement arabes) dotées de moyens financiers conséquents -- des rencontres qui se sont pas achevées, comme celle-ci, sur une conclusion négative... Quoi qu'il en soit, la publication de ce texte ne suffit pas à convaincre tous les militants pro-palestiniens américains.
Les plus avisés, cependant, comprirent qu'à fréquenter un tel personnage -- et à diffuser ses textes -- il risquaient de faire du tort à leur cause. Les articles d'Israël Shamir n'ont donc été relayés, depuis lors, que par les organisations pro-palestiniennes les plus extrémistes -- en plus des négationnistes et des antisémites d'extrême droite, qui continuent de les publier jusqu'à ce jour. Cependant, un homme comme Edward Saïd, qui est souvent présenté -- à tort, sans doute -- comme un Palestinien modéré, continuait de citer Israël Shamir comme étant l'un des Israéliens «intrépides» qui trouvent grâce à ses yeux.
(3)

Zones d'ombre

L'avertissement d'Ali Abunimah et Hussein Ibish a été publié il y a deux ans exactement. D'autres informations sur la personnalité de l'auteur ont fait jour, depuis lors. Si sa biographie officielle (4) comporte des zones d'ombre et des étrangetés, si ses affirmations selon lesquelles il aurait été chroniqueur dans divers journaux israéliens ont été démenties par les intéressés, si ses sources de financement demeurent plus opaques que jamais, on connaît mieux ses liens avec les milieux d'extrême droite -- notamment en Russie, son pays d'origine, où il collabore régulièrement au journal Zavtra, appartenant à la mouvance «rouge-brun», et où il s'était signalé en dénonçant le militant des droits de l'homme André Sakharov comme «un agent sioniste». On sait qu'il s'est fait recommander, auprès du public américain, par divers agitateurs antisémites (Michael Hoffman, Christopher Bollyn). On sait que, dans des conversations privées aux États-Unis (5), il s'est présenté comme étant «à la fois» juif et chrétien, l'appartenance juive revendiquée servant manifestement à faire passer un discours chrétien fondamentaliste où il accuse les Juifs -- dans la grande tradition de l'antisémitisme russe -- d'avoir tué le Christ et de comploter pour dominer le monde. On sait aussi que dans une interview au site Internet anti-israélien The Struggle il a défini Roger Garaudy comme «un grand homme». (6)
On sait encore qu'en 1998 -- il vivait alors à Moscou -- il s'était adressé au négationniste britannique David Irving pour tenter de lui vendre un certain nombre de documents provenant essentiellement de l'Allemagne nazie
(7). Ce dernier épisode semble confirmer l'interprétation selon laquelle l'homme qui se fait appeler Shamir, et dont le nom était précédemment Schmerling, était à l'origine un des «agents provocateurs» que les services soviétiques (KGB) avaient implantés dans la masse des Juifs émigrant en Israël. Le rôle de ces agents était initialement de démoraliser les nouveaux immigrants, et d'envoyer pour publication dans la presse soviétique des «témoignages» sur leurs horribles conditions de vie en Israël. Mais, après la chute de l'URSS, ces agents se sont retrouvés orphelins. Certains -- tout comme d'autres agents infiltrés, chargés de travaux d'espionnage, et dont quelques-uns ont été arrêtés -- se sont fondus dans le paysage, heureux parfois d'avoir trouvé une vie nouvelle. D'autres sont demeurés irréductiblement liés à leurs anciens patrons, qui se sont reconvertis dans l'utilisation mafieuse des dépouilles de l'ex-URSS (d'où la tentative de vente des manuscrits nazis) ou dans l'agitation nationaliste et antisémite d'inspiration «rouge-brun».
Supposons que les militants pro-palestiniens français, qui ont si chaleureusement accueilli Israël Shamir, n'aient pas été informés de la plupart de ces faits. Mais ils ne pouvaient pas ignorer le contenu des articles de Shamir. Or l'antisémitisme y est omniprésent. Étaient-ils à ce point heureux de s'être trouvé «un bon Juif» anti-israélien qu'ils ne lisaient pas ses textes? Ou, au contraire, les lisaient-ils trop bien, et étaient-ils en symbiose avec les obsessions antijuives qui les émaillaient?
Il suffit de se reporter à un texte
(8) proprement délirant, intitulé «Apocalypse Now», où tous les maux de l'univers sont attribués à un groupe nommé «les Mammonites, les adorateurs de Mammon», qui ont «combattu les anciennes élites, partout dans le monde», à commencer par la Russie, où ils ont «exterminé et envoyé en exil les élites russes traditionnelles». Tant que les anciennes élites existaient, les Mammonites soutenaient les forces favorables à l'égalité. Mais, aujourd'hui, ils ont jeté le masque, et une lutte est entamée dont l'aboutissement est l'Apocalypse. Au premier rang des Mammonites figurent, explique Israël Shamir, «les banquiers, les juristes et les propriétaires des journaux de New York». (Pour qui aurait le moindre doute sur ce qu'il entend par là, il suffit de se reporter à la «liste de Juifs américains» qui figure dans son article «Les oreilles de Midas».)

«Stratégie juive»

Dans ce texte très long, on apprend que «les idées nationalistes» de Hitler ont été «empruntées» par lui «à l'arsenal intellectuel de la pensée juive ». Hitler, en effet, était «horrifié par le succès des Juifs» et il a décidé de «singer» leur stratégie. Les mesures prises par Hitler contre les Juifs («boycott des commerces» et «expulsion massive» sont, selon Israël Shamir, les seules mesures antijuives des nazis) ont toutes été inspirées des mesures prises «par les Juifs sionistes» à l'encontre des Palestiniens. Déclarant que «la stratégie juive est mauvaise en soi, qu'elle soit mise en application par des Allemands, des Juifs ou des WASP», l'auteur appelle à «une réponse totalement différente, non-juive».
Comment? Israël Shamir -- toujours dans la traduction du fidèle et «plutôt franchement de gauche» Marcel Charbonnier -- l'explique: «Nous devrions apprendre auprès de nos frères palestiniens à aimer nos villages et nos villes». Or «les Juifs (de la diaspora) sont enclins à détruire le paysage naturel qui leur est par essence étranger (pour eux, non pour les autres) et à le remplacer par un paysage créé par l'homme, dans lequel ils savent comment développer leur stratégie». Shamir ne pense pas que les auteurs d'environnements artificiels, destructeurs de la nature, «travaillaient consciemment dans l'intérêt de la domination de la diaspora juive sur le monde». Mais «les propriétaires juifs de médias» ont formé l'opinion «afin de lui faire adopter l'artificiel», conjuguant ainsi leurs forces avec «des financiers juifs» et «des agents immobiliers juifs». Tel est le visage de l'Apocalypse selon Shamir: «Le Destructeur sans visage est apparu».

Nul n'a hurlé lorsque ce texte est paru, lorsque sa traduction française a été encensée par l'extrême droite. Nul ne s'est avisé de demander des comptes à Marcel Charbonnier. Il est vrai que le délire antisémite y était mêlé avec un discours antisioniste. Or n'est-il pas permis de critiquer Israël?
Les anti-israéliens français, décrits comme «plutôt franchement de gauche», n'ont pas réagi non plus lorsqu'au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle, le 23 avril 2002 exactement, Israël Shamir a donné son interprétation des événements dans un article intitulé «Liaisons dangereuses. Est-ce le commencement de la fin pour l'ascendant juif d'après-guerre ?»

Voici ce qu'écrivait Shamir:

« En qualifiant le leader traditionaliste Jean-Marie Le Pen pour le deuxième tour des élections présidentielles, le peuple français a envoyé au monde un message important. Il ne s'agissait pas seulement là de l'expression d'un mécontentement général, contrairement à ce que le New York Times a soutenu. Le premier tour des élections en France a eu lieu alors que les troupes juives assiègeaient l'église du la Nativité, affamant des religieuses, tuant des prêtres, violant le pays du Christ. Les bulldozers israéliens s'activaient, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, afin d'ensevelir les fosses communes remplies de ses victimes innocentes dans le camp de réfugiés palestiniens de Jénine; des soldats juifs détruisaient des églises et des mosquées à Naplouse, faisaient des cartons sur la statue de la Sainte Vierge à Bethléem, au moment où cent cinquante mille Juifs défilaient à Paris et ailleurs, en soutien au génocide en Palestine. Agitant des drapeaux israéliens et drapés dans les couleurs bleue et blanche de leur drapeau "national" (le drapeau tricolore étant largement oublié), les Juifs ont défilé de la place de la République à la place de la Bastille, à Paris, criant des slogans en français et en hébreu et portant, parmi leurs pancartes, notamment celle-ci, où l'on pouvait lire: "Hier, New York, aujourd'hui Jérusalem, demain Paris".»

Le Pen

Ainsi s'explique, dit Israël Shamir, le score électoral de Le Pen: «Le peuple de France a expérimenté la conquête nazie, dans les années quarante, et il ne veut pas goûter à l'occupation judéo-nazie. Tel est le message principal envoyé par l'électorat français.» Les Juifs, en effet, ont perdu toute mesure, non seulement en Palestine mais dans le restant du monde: «En Palestine, ils ont créé une entité toxique, férocement nationaliste et religieusement fanatique, basée sur les lois de Nuremberg d'Adolf Hitler. Ailleurs, en France comme en Grande-Bretagne, ils ont été les promoteurs du projet pseudo-libéral consistant à démanteler le contenu national et culturel de l'Europe au plus grand profit de la mentalité judéo-américaine.» Et le souvenir du meurtre de Jésus revient naturellement sous la plume de l'auteur: «On a l'impression d'entendre les Juifs crier "tuez-le!" comme il y a deux mille ans.»

Mais les Juifs, explique l'auteur, ont perdu le sens de la mesure. «Dans le monde, les Juifs ont été tout aussi odieux que les Juifs en Palestine. (...) De Moscou à Brooklyn, de Marseille à Hampstead, les Juifs parlent d'une seule voix.» Et d'en tirer des conclusions: «La Gauche française et, d'une manière générale, européenne, ferait bien d'en tirer la leçon tant qu'il en est encore temps. Ses liaisons avec les Juifs se sont avérées compromettantes et embarrassantes. Elles étaient sans doute justifiées, historiquement, mais elles n'ont plus aucune raison d'être. D'ailleurs, on voit bien que même la mainmise juive sur les médias ne permet plus d'obtenir le petit plus électoral. Au lieu de seconder le lobby juif la Gauche devrait rivaliser avec la Droite à la résolution des problèmes de la classe laborieuse du pays et de ceux créés par les disparités de richesses au plan mondial. Il faut absolument arrêter l'immigration, et cette tâche essentielle exige que l'on mette un terme aux menées des principaux générateurs d'immigration, l'inique mondialisation judéo-américaine et la guerre de Bush & Blair contre l'Islam.»

Argumentaire

Voilà le type de littérature qui a été diffusé sous couvert de défense des droits du peuple palestinien. Voilà sur quoi fantasment ceux qui dénoncent, dans les rues, les méfaits de l'État sioniste. Voilà le genre d'argumentaire figurant à l'arrière-plan de bien des appels au boycott, pétitions sur Internet et manifestations de solidarité, qui se multiplient un peu partout en France.
On le voit, l'antisémitisme de celui que le négationniste Serge Thion appelle «notre ami Israël Shamir» ne date pas d'hier. Il ne s'agit pas d'un dérapage accidentel. Les bonnes consciences qui, aujourd'hui, font mine de se scandaliser d'une publication un peu trop visible (et surtout effectuée sans «mise en garde») devraient plutôt s'interroger sur les sources de l'obsession antisioniste qui a gagné certains milieux.
H. P.

 

 

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 "I'm Not Afraid of Anti-Semitism"

Stanley Heller interviews Israel Shamir

 

 

Israel, Most of our readers like what you're writing, but some have sharp criticisms. Here are some valid points people are making.

Q. In "Joseph Revisited" you use the phrase "Jewish media lords". That phrase doesn't sit well. Jews may own The New York Times, but Murdoch and Turner aren't Jewish. Most of the U.S. media is Protestant and Republican. Why use a phrase that plays into the hands of anti-Semites?
Shamir - IF THERE IS SOMETHING I AM NOT AFRAID OF, IT IS ANTI-SEMITISM. In the present discourse, we speak of 'Palestinian terrorists', 'Palestinians lynched Jews in Ramallah' etc. It is but natural to use the same terms for the second antagonist. This is war, and whenever there a war, people are often referred by their nations, for instance, Germans, Japanese etc. The Jews speak in such terms daily about everybody else and about oureselves. Yes, there are a few Jews who are of different opinion, like you and me. Such people always existed. In the WWII, there was Ernst Tellmann, the German communist, who was killed in Dahau, or Brecht, or Willie Brandt. Still, people speak daily about 'war with Germans', 'German atrocities' etc.

Q. In the same article you say that false New York Times reports about impending pogroms "sent one million Russian Jews to Israel". Isn't that wild exaggeration? How many Soviets read the New York Times? Aren't you downplaying real anti-Semitism in Russia?

Shamir - WELL, IT IS NOT an exaggeration. The Jewish press abroad published huge amount of false reports about impending pogroms. The reports seeped back as rumours. I wrote about it in Haaretz, and in Russian papers. NYT is not a stand-alone newspaper, its words were repeated and amplified by the rest of media, including the CIA broadcasting station Liberty.There was no (practically) anti-Semitism in Russia, as you can judge by the Jewish billionaires, prime ministers, bankers, writers and what not. I never experienced a hatred to a Jew per se. Anti-Semitism is the best invention of Jewish media lords, as they wish to retain support of the ordinary Jews. We should deny them this pleasure.

Q. In "Joseph Revisited" you say now anyone can visit the tomb as they could before 1975. Are you saying only Jews could visit it in the last 25 years?

Shamir - I described my visit there in the days of Jewish occupation in the article. It was impossible for a native to visit the tomb.

Q. You say Palestinians took care of the "holy sites" for centuries, but did they let Jews pray in them?

Shamir - Yes.

Q. "Vampire Killers" has a great example of the Deir Yassin deniers who use the techniques of the writers who minimize Nazi atrocities. Yet in talking about the "revisionists" meeting in Beirut you use the phrase "considered by their adversaries to be Holocaust deniers". Why minimize it? They are idiotic holocaust deniers, aren't they?

Shamir - I do not know whether all of them are that. Garaudy is a great man, and I do not think I should support Jewish monopoly of this study. The deniers are certainly wrong, but it does not mean that people are not entitled to study the WWII related events.

Q. In "Vampire Killers" you write "In Jerusalem, the Jews celebrated Purim by a pogrom of Gentiles, and it made page six in the local papers." Why do you say, "The Jews". Your sentence sounds anti-Semitic. What actually happened? If a non-Jew used that expression we'd be all over them.

Shamir - See my answer to the first question. Would you object to a 'Palestinian terrorist' or 'Arab murderer'? That is what we have, Jews and Palestinians, or Arabs, or goyim, and that is how we speak in Israel.

Q. In "Galilee Flowers" you say "that every preacher of the Christian faith in Israel can be sent to jail according to new anti-Christian laws". What laws? Are you saying Christians can't preach to Christians or are you talking about people trying to convert?

Shamir - Every preaching is preaching in order to bring people into the church.

Q. In "Galilee Flowers you say "immigrant Jews embracing Christianity are persecuted and deported". Are you talking about the process where Russian immigrants are rejected because they're not Jews? Or are you literally talking about new converts being deported?

Shamir - I speak about actual deportation and citizenship stripping from the Russians that were found out to be Christians.

Q. Finally, in "Galilee Flowers" you make a reference to the Japanese forgetting their wives when the blossoms start to fall. That sounds so "1950's" in its male attitude. Shouldn't you rephrase?
Shamir - Well, I think English forget their wives in pubs, while the wives sometimes forget their husbands in their lovers'embraces. Why to be so touchy? But I do not insist, what I write is in public domain, and I do not object if somebody cuts off the words about the wives.
<
http://www.TheStruggle.org/interview.html>



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