Il est intermédiaire entre
les témoins mineurs qu'il dépasse en essayant de
dominer ou tout au moins d'expliquer doctement les événements
qu'il a vécus, et les grands ténors comme David
Rousset
dont il n'a pas la puissance d'analyse ou comme Eugen Kogon,
dont il n'a ni la précision, ni la minutie. A ce titre,
et compte tenu de la place qu'il occupe dans la littérature
et le journalisme d'après-guerre, il ne pouvait être
classé ni dans les premiers, ni dans les seconds. C'est
un littérateur de métier.
Il appartient à cette catégorie d'auteurs qu'on
dit engagés. Il s'engage, mais il se dégage aussi
souvent -- pour se réengager, car l'engagement est chez
lui une seconde nature. On l'a connu communisant -- sur le tard
-- il est maintenant anticommuniste. Probablement, d'ailleurs,
pour les mêmes raisons et dans les mêmes circonstances:
la mode.
Il ne pouvait pas ne pas témoigner sur les camps de concentration.
D'abord parce que sa raison sociale est d'écrire. Ensuite,
parce qu'il avait besoin de se donner à lui-même
une explication de l'événement qui l'avait frappé.
Il en a fait profiter les autres. Sans doute ne s'est-il pas aperçu
qu'il disait comme tout le monde, à la façon de
s'exprimer près.
Titre du témoignage: L'Homme et la Bête, 1948,
chez Gallimard.
Originalité: A vu les boîtes de carton qui contenaient
la margarine -- tirée de la houille, bien entendu -- qu'on
nous distribuait, affublées de la mention: "Garanti
sans matière grasse" (Page 95. Déj à cité).
Témoignage qui est un long raisonnement par référence
à des faits que l'auteur caractérise antérieurement
à toute réflexion morale ou autre.
[page 144]
Avant d'être déporté à Neuengamme,
Louis Martin-Chauffier a séjourné à Compiègne-Royallieu;
il y a connu le capitaine Douce, qui était alors doyen
du camp. Voici le jugement qu'il porte sur lui:
A Neuengamme, il a connu André qui était un des premiers personnages du camp, fonctionnaire d'autorité choisi par les S.S. parmi les détenus. Voici le portrait qu'il en fait:
Ainsi, de deux hommes qui
remplissent les mêmes fonctions, l'un a droit à la
sévérité laconique et au mépris de
l'auteur, tandis que l'autre bénéficie, non seulement
de son indulgence approbative, mais encore de son admiration.
Si on approfondit, on apprend, à la lecture de l'ouvrage,
que le second a rendu un service appréciable à Martin-Chauffier,
dans une circonstance qui mettait sa vie en danger. Je n'ai pas
connu le capitaine Douce à Compiègne, mais il est
fort probable que, par rapport à André, son seul
tort est de n'avoir pas su choisir les gens auxquels il rendait
des services --
car il avait certainement,
lui aussi, ses clients et d'avoir des connaissances littéraires
trop limitées pour savoir qu'il y avait, dans son doyenné,
un certain nombre de Martin-Chauffier
et Martin-Chauffier lui-même.
Il n'est d'ailleurs pas superflu d'ajouter que ce raisonnement
postule:
On se demande ce que les
avocats de Pétain attendent pour prendre texte de cet argument
qui tient toute sa saveur [page 146] d'être né sous
la plume d'un des plus beaux fleurons du crypto-communisme. Si
la mode revient au Pétainisme, Martin-Chauffier, en tout
cas, pourra en retirer quelque fierté, et peut-être
quelque profit.
AUTRE TYPE DE RAISONNEMENT.
Au camp, l'auteur converse avec un médecin qui lui dit:
Sur place, j'avais déjà
éprouvé qu'on pouvait entrer au Revier3 et y être soigné
-- relativement -- pour
des motifs parmi lesquels la maladie ou sa gravité n'étaient
parfois que secondaires: entregent, piston, nécessité
politique, etc. Je portais le fait au compte des conditions générales
de vie. Si par surcroît, des médecins détenus
ont fait le raisonnement que Martin-Chauffier prête à
celui-ci, il convient de l'enregistrer comme argument philosophique,
et de la faire [page 147] entrer comme élément causal
à côté du "sadisme" des S. S, dans
l'explication du nombre des morts. Car, il faut beaucoup de science,
d'assurance et aussi de présomption à un médecin
pour déterminer en quelques minutes, qui peut être
sauvé et qui ne le peut pas. Et j'ai bien peur que, s'il
en a été ainsi, les médecins ayant fait ce
premier pas vers une conception nouvelle du comportement dans
la profession, ne soient progressivement arrivés à
en faire un second, à se demander, non plus qui peut, mais
qui doit être sauvé et qui ne le doit pas, et à
résoudre ce cas de conscience par référence
à des impératifs extra-thérapeutiques.
LE REGIME DES CAMPS.
Sous l'occupation, il existait en France une Association des familles de Déportés et d'Internés politiques. Si une famille s'adressait à elle pour avoir des renseignements sur le sort de son déporté, elle recevait, en transmission, un rapport venant de ce "haut lieu" allemand.
Voici ce rapport4:
Jean Puissant, qui a cité
ce texte, le fait suivre de cette appréciation: monument
de fourberie et de mensonges.
Evidemment, il est écrit dans un style bienveillant. On
n'y dit pas que, dans les ateliers de Buchenwald, les pièces
détachées de mécanique qu'on fabrique sont
des armes. On n'y parle pas des pendaisons pour sabotage, des
appels et contre-appels, des conditions de travail, des châtiments
corporels. On ne précise pas que la liberté du dimanche
après-midi est limitée par les aléas de la
vie de quartier, ni que si les prêtres réunissent
leurs fidèles pour des causeries ou des prières,
que l'ambiance pourrait assimiler à des complots, c'est
clandestinement et au risque de cruelles tracasseries. On y ment
même quand on prétend que les déportés
s'y trouvaient mieux que dans les prisons françaises, que
le bombardement d'août 1944 n'a fait aucune victime parmi
les internés, ou que la plupart des trains partis de Compiègne
ou de Fresnes à cette date étaient dirigés
sur Weimar.
Mais, tel qu'il est, ce
texte est plus près de la vérité que le témoignage
de Frère Birin, notamment quant à la nourriture.
Et il reste qu'il est un résumé du règlement
des camps tel qu'il a été établi dans les
sphères dirigeantes du nazisme. Qu'il n'ait pas été
appliqué est certain. L'Histoire dira pourquoi. Vraisemblablement
elle retiendra la guerre comme cause majeure, le principe de l'administration
des camps par des détenus eux-mêmes, et aussi les
altérations que, dans une administration hiérarchisée,
tous les ordres subissent en descendant du sommet vers la base.
Ainsi en est-il, au [page 150] régiment, des ordres du
colonel traduit sur le front des troupes par l'adjudant et dont
la responsabilité incombe au caporal quant à l 'exécution:
tout le monde sait que, dans une caserne, c'est l 'adjudant qui
est dangereux et non le colonel. Ainsi en est-il en France, des
règlements d'administration publique qui concernent les
colonies: ils sont rédigés dans un esprit qui concorde
avec la peinture de la vie aux colonies que font tous les maîtres
de toutes les écoles de village; ils mettent en évidence,
la mission civilisatrice de la France, et il n'en faut pas moins
lire Louis-Ferdinand Céline, Julien Blanc, ou Félicien
Challaye, pour avoir une idée exacte de la vie que les
militaires de notre Empire colonial font aux civils indigènes
pour le compte des colons.
Je suis, pour ma part, persuadé que, dans les limites résultant
du fait de guerre, rien n'empêchait les détenus qui
nous administraient, nous commandaient, nous surveillaient, nous
encadraient, de faire de la vie dans un camp de concentration
quelque chose qui aurait ressemblé d'assez près
au tableau que les Allemands présentaient par personnes
interposées, aux familles qui demandaient des renseignements.
MAUVAIS TRAITEMENTS.
L'explication suit:
Il s'agit d'un fait qui, par extraordinaire, est imputé aux détenus sans aucun faux détour. On ne sait jamais: il est possible qu'il y ait des gens qui tuent "dans un accès de joyeuse fureur" et qui n'ont d'autre but que "d'aller jusqu'au bout de leur plaisir". Dans le monde, sinon normal, du moins habituel et admis par tradition, il y a des anormaux: il peut bien y en avoir aussi dans un monde où tout [page 151] est anormal. Mais je suis plutôt porté à croire que si un Kapo, un chef de Block ou un doyen de camp, se laissaient aller jusqu'à cette extrémité, ils obéissaient à des mobiles relevant de complexes plus accessibles: le besoin de vengeance, le souci de plaire aux maîtres qui leur avaient confié un poste de choix, le désir de le garder à n'importe quel prix, etc. J'ajoute même que, s'ils brutalisaient, ils se gardaient généralement de provoquer mort d'homme, ce qui était susceptible de leur attirer des ennuis avec les S.S., du moins à Buchenwald et à Dora.
Et:
Rien n'obligeait le Kapo à adopter ce comportement, ni les Stubendienst, Kalifaktor et Pflegers5 du Revier à faire souffler ce courant d'air polaire, ou à faire passer à la toilette, torse nu, eau froide, et sans distinction, les malheureux confiés à leurs soins.
Ils le faisaient cependant, dans le dessein de plaire aux S.S. qui l'ignoraient la plupart du temps, et de conserver une place qui leur sauvait la vie.
[page 152]
On eût aimé que Martin-Chauffier dirigeât son acte d'accusation contre eux avec autant de vigueur que contre les S.S., ou tout au moins partageât équitablement les responsabilités.
Extrait du livre de Paul Rassinier, Le
Mensonge d'Ulysse, qui est paru d'abord aux Editions
bressanes en 1950. Cette première partie était parue
auparavant sous le titre Passage de la ligne en 1948. L'ensemble
a été plusieurs fois réédité
par différents éditeurs, de droite comme de gauche.
Nous utilisons l'édition procurée en 1980 par La
Vieille Taupe, à Paris. Signalons qu'il existe une traduction
anglaise un peu abrégée (il y manque les trois premiers
chapitres) parue, avec d'autres textes de Rassinier, sous
le titre Debunking the Genocide Myth, parue en 1978 aux
Etats-Unis.
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de l'homme, qui stipule:
ARTICLE 19
<Tout individu a droit à la liberté d'opinion
et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
Déclaration internationale des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.