AAARGH
Ce que l'ai fait n'est qu'un jeu avant un véritable combat. J'ai plutôt montré les blessures
qu'on vous peut faire que je ne vous en ai fait. Que s"il se trouve des endroits
où l'on soit excité à rire, c'est parce que les sujets mêmes y portaient.
Il y a beaucoup de choses qui méritent d'être moquées et jouées de la sorte ;
de peur de leur donner du poids en les combattant sérieusement.
Rien n'est plus dû à la vanité que la risée ; et c'est proprement à la vérité
à qui il appartient de rire parce qu'elle est gaie, et de se jouer de
ses ennemis, parce qu'elle est assurée de la victoire. Il est vrai qu'il faut prendre
garde que les railleries ne soient pas basses et indignes de la vérité.
Mais, à cela près, quand on pourra s'en servir avec adresse,
c'est un devoir que d'en user.
Tertullien, Apologie contre les idolâtres
A l'orée du socialisme, un philosophe eut l'audace de penser que les religions ne mouraient pas mais se remplaçaient. Se pourrait-il qu'il ait eu raison et que sous des dehors de laicité se soit installée une initiation au mystère, une nouvelle mystagogie, dont la seule originalité serait d'être inconsciente?
En 1949 sortait d'une imprimerie de Bourg-en-Bresse Le passage de la ligne où Paul Rassinier, militant et ancien député du parti socialiste S.F.I.O., relatait la terrible expérience de sa déportation à Buchenwald et à Dora.
En 1950, chez le même éditeur, paraissait Le mensonge d'Ulysse où l'auteur entreprenait une analyse critique de la littérature concentrationnaire.
Ces deux livres firent l'objet de comptes rendus élogieux dans la presse socialiste. La diffusion en fut recommandée aux fédérations par le Secrétariat général.
Jusqu'au jour où l'auteur devint la cible d'une violente campagne de diffamation. Celle-ci fut déclenchée, Dieu sait pourquoi, par le député lyonnais du Mouvement des Républicains Populaires, M. Guérin. En novembre 1950, M. Guérin monta donc à la tribune de l'Assemblée nationale pour déclarer :
Paul Rassinier [fait partie] des responsables de la collaboration avec l'occupant et des apologistes de la trahison il paraît, mes chers collègues, qu'il n'y a jamais eu de chambres à gaz dans les camps de concentration voilà ce qu'on peut lire dans ce livre [(1)].
Avant de tracer le destin grandiose de cette calomnie, disons un mot de la relation au savoir qui la fonde. Ce rapport étant en effet resté, en la matière, celui des intellectuels et des hommes dits de gauche, son élucidation peut éclairer les socialistes d'aujourd'hui.
Quand M. Guérin disait "voilà ce qu'on peut lire dans ce livre", il disait surtout, sans être contredit par ses chers collègues : "je n'ai pas lu ce livre." De fait, non seulement cet énoncé ne figure pas dans le livre, mais Rassinier, qui n'avançait jamais que ce dont il était certain, avait encore sur le sujet quelques doutes de nature historiographique, bien que les fonctions psychologique et sociologique de la représentation "chambre à gaz" ne lui aient pas échappé.
En 1954, l'historien n'avait pas encore tranché, et l'énoncé : "les chambres à gaz n'ont pas d'existence historique" n'était que très probable et presque certain.
Cette légèreté de l'imputation, et la lâcheté avec laquelle les députés l'accueillirent, tiennent à la nature religieuse du consensus induit par ce moyen. La vie politique ne s'ordonne plus sur des choix clairs, mais sur l'exclusion sacrificielle qui permet de tourner en rond. Pour ce cas, l'homme du bien absolu, la canaille accusatrice, ne doit pas toucher aux faits qui diraient le mal absolu. Tout au contraire, plus l'accusateur est ignorant des faits, plus il paraît innocent et pur de toute contamination. Pour excommunier et intimider, le devoir d'ignorance, le droit de dire n'importe quoi est sans conteste la plus grande menace. Mentir consciemment est l'emblème et le moyen du pouvoir despotique où le défaut de preuve devient chez les meilleurs le devoir d'une délectation morose.
Il fallait montrer cette tresse d'ignorance, de mensonge et de peur sans laquelle la prospérité de cette calomnie pourrait rester une énigme puissante.
Il y a trente-trois ans, donc, ce cancan français fut lancé.
Trois associations de déportés demandèrent au tribunal de Bourg-en-Bresse d'ordonner la saisie du livre pour le détruire et un million de francs de dommages et intérêts. Le parti socialiste qui, la veille encore, recommandait le livre, s'empressa de suivre et exclut Paul Rassinier de ses rangs.
Ce fut la curée et le triomphe des seconds couteaux de la politique, comme M. Louis Martin-Chauffier :
Paul Rassinier est un faussaire et un calomniateur pris en flagrant délit [(2)]
ou comme M. Rémy Roure qui, pour le journal Force ouvrière, fit une description idyllique de camps aux jardins fleuris qu'il aurait trouvés dans l'oeuvre de Paul Rassinier.
Tout fut à l'avenant.
Il nous faut donc détailler ce beau mensonge auprès duquel toute exigence de vérité historique semble depuis contrefaite.
Dans son livre, Rassinier esquissait une phénoménologie de la vie des camps incompatible avec les récits avantageux répandus par certains survivants. Les associations de déportés étaient dominés par les anciens membres de la Haeftlingsfuehrung, dits Kapo, coresponsables de la transformation des camps de concentration en radeau de la Méduse. Le mensonge d'Ulysse choqua les sensibilités convalescentes de quelques-uns de ces survivants.
L'ancien député socialiste avait écrit ce livre pour un double motif: arrêter un déferlement de fantaisies haineuses bien compréhensibles mais dangereuses, et aboutir à une interprétation du phénomène concentrationnaire toujours florissant en quelques pays. Professeur d'histoire et de géographie, il savait que le gouvernement des hommes a besoin de l'intelligibilité du passé pour ordonner les événements d'après leur nature et envisager l'avenir. Socialiste, il pensait qu'aucun internationalisme démocratique ne pourrait survivre à des imputations gonflables à merci. Démocrate, il ne se sentait pas le droit de cacher à tous ce que quelques-uns savaient et savent toujours. N'est-il pas nécessaire à l'homme d'action de connaître les choses sur lesquelles il prétend agir? imprudent de suppléer à ce savoir par un unique ressentiment? démagogue de distraire de la délibération commune l'aspect le plus tragique de la guerre?
Las! à défaut de principe, la haine s'était répandue dans le monde politique, et s'attaquant à son nouveau ressort l'écrivain socialiste allait bientôt en être la victime. Devant le débat d'idées qui se levait, les esprits obtus prirent peur. Ils firent semblant de croire que la justice était suspendue à leurs bontés prudhommesques: ils cachèrent leur vanité sous la malveillance supposée de l'homme de bien.
Une maladresse de l'historien donna une apparence d'interstice par où les Rodomonts, les Homais, les Pécuchets et autres Perrichons de la politique s'engouffrèrent. Rassinier accepta la préface d'un homme qui, bien que n'ayant pas été collaborateur, se croyait le droit de ne pas apprécier les résistants, Albert Paras. Celui-ci s'en prit ouvertement aux résistants et aux déportés et affirma sans équivoque, mais aussi sans souci historiographique --c'est-à-dire sans la prudence exigible-- son incrédulité sur les chambres homicides. C'était assez pour hurler à la mort, et sous prétexte de cette préface, ne pas lire le livre.
Qui connaît aujourd'hui cette préface formellement responsable de l'entrave faite en France à la libre enquête qu'appelle le passé ? Bien que couverte par l'immunité de la chose jugée, personne n'a reparlé depuis de ces quelques pages responsables formelles du tabou porté sur l'histoire récente. Or, de même que l'on s'en prit à la préface pour ne pas lire le livre, de même dans la préface on s'acharna sur des détails mineurs et grossiers plutôt qu'à des déclarations pertinentes et impertinentes. On s'agrippa à deux broutilles mal léchées qui, ne pouvant être prouvées devant un tribunal, permettaient aux braves gens de mimer l'indignation.
Donnons trois exemples qui, sans aucun doute, manquent de respect aux victimes de la déportation et à la résistance :
Tous les soirs, dans les rues de Morlaix, le bon Carette, en 1945 (voir le Gala) criait de sa voix célèbre :
"La résistance nous emm...
Elle nous emm parce qu'elle nous fait ch...
Elle nous fait ch parce qu'elle nous emm...!"
Admirez la richesse de la pensée et la concision de la forme. On ne saurait mieux dire. Simple, clair, français. C'est du Chamfort, pas du Sartre.
(Le Mensonge d'Ulysse, p. 10)
Un peu plus loin, en Amérique, l'image d'Épinal n'était pas encore bien dessinée, on avait gardé le goût d'une certaine réalité et An. Girard (le dessinateur de Duco) pouvait publier un livre très lu dans tous les milieux où il avouait naivement que la plupart des réseaux (qu'on n'a appelés ainsi qu'en 1946) ont été créés par la Gestapo. De même, tous les réseaux de Werwolf, en Allemagne occupée, ont été organisés par la police américaine.
(Le Mensonge d'Ulysse, p. 15)
Chercher la petite bête dans les informations inexactes qui ont été écrites sur les camps n'est donc pas, en notre siècle, un travail scientifique ordinaire.
Le chercheur, aussi consciencieux soit-il et de quelque façon qu'il s'y prenne, aura l'air de travailler pour les nazis. La faute en est aux premiers fabulistes, à ceux qui ont rendu le mensonge possible et l'ont cru nécessaire à la justice de leur cause, comme si une cause juste pouvait avoir besoin de mensonge.
(Le Mensonge d'Ulysse, p. 24)
Albert Paraz est aussi le premier à avoir parlé de "mythistes" pour désigner les chantres de la déportation. On se jeta donc sur les outrances de la préface pour délaisser les nuances de l'oeuvre forte et faire passer l'histoire dans la trappe de l'inconscient sans sujet des peuples.
Où elle est encore.
Le 12 décembre 1950, un mois après l'attaque torve de M. Guérin, Rémi Sicard, de la diligente commission des contrôles de la S.F.I.O., cite Paul Rassinier à comparaître comme suite à une demande de M. Debeaumarché, membre du parti socialiste et agissant aux titres de Secrétaire général de deux associations de déportés (ANADIF et FNDIR).
La sentence d'exclusion fut prononcée le 19 avril 1952, "malgré le respect qu'impose sa personne", dit-elle. Cette sentence, tant l'on fut fier de l'exemplarité de sa justice, ne parut pas dans Le populaire.
Soutenue par onze fédérations et Monsieur Marceau Pivert, une demande de réintégration fut présentée en 1952 au congrès d'Asnières. Sur intervention de MM. Guy Mollet et Daniel Mayer, le Conseil national repousse cette demande. M. Robert Mossé signifie ce rejet à l'intéressé par une lettre d'une suavité bouleversante. Ce socialiste va jusqu'à dire à la victime de son ignorance qu'il n'a pas lu son livre mais que, comme il ne répugne pas aux réhabilitations, elle peut le lui envoyer en prenant soin toutefois de ne pas le faire tout de suite car, pour le moment, M. Mossé n'a pas le temps de lire!
Ce que nous enseignent ces turpitudes ruisselantes de mauvaise conscience est la position de pouvoir de Paul Rassinier à l'intérieur du parti socialiste.
Cette position n'est pas, il s'en faut, majoritaire. Elle recelait cependant une force considérable, parce que plus l'erreur a de crédit plus la justesse est puissante, que les qualités d'esprit et de cur des personnes qui soutenaient Rassinier tranchaient sur le paysage, et que, quoi qu'on en ait, la puissance politique peut dépendre des idées et du courage que l'on est capable d'employer à les défendre. En 1950, entre un internationalisme apparent de démagogues et un internationalisme démocratique et réel, le choix est encore possible. En réussissant à suspendre la puissance mortifère des associations obscurantistes qui amorçaient la ruine de la pensée socialiste dont elles fondent le pouvoir, Rassinier escomptait, avec beaucoup d'autres, voir prendre au socialisme un autre tour qu'il ne prit.
MM. Mollet et Mayer étaient trop intelligents pour ne pas voir menacée l'assiette de leur conte bleu : ils préférèrent se débarrasser d'un empêcheur de tourner en rond. Les hurlements en guise d'histoire leur parurent assez bon pour la communauté nationale. Ils répandirent leurs paroles dorées, enlevèrent une tuile du toit d'une civilité démocratique possible, par où se dissipèrent les derniers principes, et pénétra le vent qui fit du socialisme français la montgolfière que l'on voit. Par quoi ils se montrèrent plus coupables qu'ils ne le surent; ce qui, pour les procureurs, n'est pas une excuse mais une faute.
Dans leur épouvante, les hommes se figurent bien des choses et il n'est pas de pire crime, pour ceux qui se mettent en tête de les conduire, que de laisser se développer l'irrationnel. Aucune bonne raison n'a jamais prêté la main à cette maxime atroce qu'il faudrait outrepasser le droit sous les prétextes trop évidents que le crime n'est pas admissible et que les niquedouilles sont convaincus de leur bonté.
La violence durable d'un jugement inique tient dans son effet de conviction. Il s'ensuivit, dans ce cas, que la vérité qui jusque-là n'était pas bonne à dire par délicatesse, par peur, devint abjecte à chuchoter. La prudence enjoignit de la refouler derechef. A quoi l'on ne manqua pas.
S'installèrent alors ces murs étranges où s'impose l'obligation surprenante de dire le faux avant que de pouvoir se risquer à insinuer le vrai. C'était là une erreur de pensée, une lâcheté politique, une de ces énormités ruineuses qui, trois fois délictueuses, mettent l'esprit en lambeaux.
Ce qui est advenu.
De tous les contemporains, les hommes de lettres furent les plus chafouins, et si : "Tout ce qui est grand se dresse dans la tempête" , Jean Paulhan fut le seul qui s'y tint debout. Il voulut publier Le mensonge.
On l'en empêcha.
En ces temps existentiellement très durs, on tenait que l'enfer c'était les autres; que la vie ne valait pas vraiment la peine d'être vécue et qu'il importait de remonter d'énormes rochers instables. C'est ainsi que Jean-Paul Sartre, Maurice Merleau-Ponty et Albert Camus s'éprirent de cet avatar laic du feu éternel. Ils avalisèrent comme histoire la croyance commune et le mensonge de quelques-uns, et cela sans faire la moindre remarque sur sa nature religieuse et sans laisser sur le sujet à la postérité autre chose que des propos fuyants. Sourds à la souffrance que suscite une opinion fautive chez ceux dont elle n'a pas assujetti la pensée, ils furent aveugles au destin du despotisme qu'allaient exercer, sur la parole de tous, ces nouvelles visions cornues.
Jean-Paul Sartre et Maurice Merleau-Ponty prirent donc la responsabilité, en 1948, de publier dans la revue Les temps modernes un des faux les plus nauséeux en provenance de la très communiste Roumanie, celui d'un docteur Miklos Nyiszli que personne n'a jamais pu rencontre bien qu'il ait écrit une lettre à Paul Rassinier pour diviser par trois le chiffre de ses décomptes funèbres. Merleau-Ponty, qui avait déclenché une polémique passionnée, découvrit tout à coup que le sujet n'intéressait plus personne et trouva qu'il était chicanier de regarder de près ce que tout le monde admettait déjà. Albert Camus, lui, pour se débarrasser de l'encombrant Rassinier, se crut contraint d'évoquer Belzébuth que représentait alors sur terre le journal Rivarol.
Jean Paulhan n'eut donc pas d'interlocuteur, et la république des Lettres, étourdie par ce carillon prestigieux, se mit aux pieds des ligues.
Elle y est encore.
En première instance, les associations furent déboutées.
En appel, l'auteur, résistant notoire, invalide des suites de sa déportation, fut condamné par la Cour de Lyon, présidée par un magistrat dont l'Occupation n'avait pas dérangé la carrière, à de la prison avec sursis, à 100 000 F d'amende, à 800 000 F de dommages-intérêts, et au pilonnage de l'ouvrage.
Cet arrêt fut cassé.
La cour d'appel de Grenoble débouta enfin les censeurs et autorisa le livre.
Paul Rassinier, par respect envers ses principes, n'en tira pas argument. Traversé par cette idée socialiste qui voulait que la justice d'un État abhorré ne soit pas estimable, il se contenta d'indiquer l'arrêt républicain qui lui était favorable dans une note de bas de page de la réédition de 1954 du Mensonge d'Ulysse.
Cette position politique est en partie responsable du fait que l'énoncé de la vérité, qui avait été presque dit et que la plupart avaient entendu, ait pu être refoulé.
La presse de l'époque fournit l'occasion d'observations qui étonnent parce qu'elles n'entrent plus dans la vulgate commémorative améliorée avec le temps par les "justiciers". Les acteurs du drame, les témoins de la tragédie n'avaient pas encore été dressés à penser chacun pareil. Il ne faut pas oublier que les camps de concentration connus, et toujours ceux de la Russie, étaient restés remplis, en partie par d'autres prisonniers, toujours dans des conditions de famine, souvent en présence du typhus .
Les journaux rendaient compte de façon discrète et fragmentaire de ce prodige inquiétant. Dans cette détresse, la critique ne refusait pas ses louanges aux livres de Rassinier. Quel lecteur, quel journaliste saisi par ce vertige morbide aurait pu n'être pas touché par cette écriture transparente, par cette fraîcheur que donne au monde tout écrivain à qui l'amour authentique de la langue permet d'approcher du réel et d'exprimer ses pensées véritables?
Et pourtant, sitôt que les ensorcelés se mirent à danser, la presse --c'est-à-dire un nombre infinitésimal de directeurs de journaux-- comme par enchantement, se mit aux pieds des ligues.
Elle y est encore.
L'exclusion du parti socialiste autorisa ce colportage de veuleries insanes qui salissaient un juste.
La conséquence de ces intimidations calomnieuses a été que les livres de Paul Rassinier ont disparu des bibliographies spécialisées. La seule mention de son nom, non assorti des calomnies rituelles, exposait l'universitaire imprudent à des ennuis.
Les conséquences savantes sont d'avoir immobilisé la relation au passé et paralysé la réflexion sur des droits de l'homme universalisables :
"Et la vérité, après avoir longtemps tardé à naître, longtemps encore dut demeurer cachée."
Peu d'hommes ont été victimes de campagnes aussi mesquines, acharnées et puissantes. A force de subir les outrages les plus démesurés et incessants, Paul Rassinier répondit quelquefois à des énormités inspirant de faciles réfutations. Il existe, par exemple, dans Rassinier, une propension à étendre l'hypothèse du mensonge un peu au-delà de ce qu'elle peut expliquer.
Chassé par les siens, il écrivit dans des revues de droite. Si c'est là un cas d'anathème --et il semble que cela en soit un-- est-il plus grave que la calomnie qui l'a déclenché?
Nonobstant les hommes de lettres, les hommes politiques et la presse, la pression propre à la recherche historique a ramené Paul Rassinier au premier plan des problèmes de notre temps. Toutes les bibliographies récentes mentionnent son oeuvre. Ses ouvrages sont maintenant traduits en anglais, allemand, italien et espagnol, et sont réédités en France.
De par le monde, le dossier de la seconde guerre mondiale et les droits de l'homme qui y sont attenants est rouvert, ce qui place l'uvre de l'historien français au centre de la réflexion vivante;
Dans notre pays, enfin, le 16 avril 1983, un arrêt de la Première chambre de la cour d'appel de Paris a rendu aux historiens le droit à l'étude de cette période d'ombre.
C'est pourquoi Le Citoyen est en droit de vous rapporter ces faits fâcheux et de vous demander d'y porter remède au double titre de parti de gouvernement et de principal responsable.
L'évolution de la recherche historique confronte le parti socialiste à de multiples obligations dont les moindres sont de veiller à ce que les historiens ne soient plus importunés par les inquisiteurs de notre société, que soient encouragées les recherches impartiales les plus classiques pour que celles-ci soient portées à la connaissance du public. Ainsi se réduirait la distance antirépublicaine entre l'histoire et ce qu'en savent les citoyens.
A quoi bon connaître une histoire très ancienne si la relation historique à ses aieux immédiats est gélatineuse ?
La crédibilité des discours des socialistes y gagnerait.
Les foules déçues de l'"holocauste" ne comprendraient pas que des socialistes, dans des assises réunies pour élucider la question des droits de l'homme, ne pensent pas à réhabiliter l'uvre de l'historien socialiste, et ne débattent pas de l'arrêt républicain, avec lesquels s'ouvre la possibilité de fonder ces droits en raison.
Ainsi est pris qui croyait prendre et la leçon revient vers vos écuries. Et quand cela serait! des socialistes attendraient subjugués que des enfants, foulant aux pieds les débris de leurs camps idéologiques, ne leur demandent si c'était bien là que se dressait leur arcadie, et de quel côté est venu le vent du boulet ? Des responsables politiques pourraient se rendre solidaires d'erreurs qu'ils n'ont pas commises à seule fin de nier que leurs anciens se soient fourvoyés ?
Attardés en une saison morte et devenus étrangers au cours puissant d'une antique civilité, seriez-vous soumis au Dieu que vous auriez cru fuir? Vous avez laissé à d'autres le soin de décrire les événements qui conditionnent votre relation professionnelle à l'histoire de nos pères, vous fomentez des procès extravagants qui ne l'éclairciront pas et vous vous piqueriez de rétablir le respect de l'histoire pour des citoyens que sous toute apparence vous gouvernez?
A trop badiner, la risée se lève et le rire, qui est plus rare que le malheur, à défaut de grandeur, traverse bien des siècles.
Tout change avec le temps sauf le vrai dont nul n'a jamais été maître qu'il n'en fut d'abord le muet serviteur. Et l'heure radieuse passe vite de savoir ce que l'on a été pour prétendre pouvoir ce que l'on veut.
Aussi, plutôt que de se désespérer de la disette intellectuelle qui, dit-on, frapperait votre communauté politique, et de se réfugier dans la lassitude, plus à propos serait de retrouver le vrai historique là où il était quand vous l'avez abandonné, là où il se trouve encore, intact et ferme : dans l'oeuvre de Paul Rassinier.
Le Citoyen est persuadé que Mesdames et Messieurs les socialistes prendront en bonne part la critique vivante qu'ils y trouveront de leur plus grosse erreur passée et présente, et que, magnanimes, ils songeront à recevoir à nouveau parmi eux cet homme qui était un chêne, pour contribuer à le rendre à la paix et à l'honneur que son vieux peuple lui doit.
Notes
[(1)] Journal officiel du 2 novembre 1950, Débats parlementaires.
[(2)] Le droit de vivre, 15 décembre 1950
[(3)] Bataille secrète en France, Edition Brentano's, New York
[(4)] Platon, La république, 497
[(5)] Stig Dagerman, L'automne allemand, 1946
[(6)] Francesco Manzoni, Histoire de la colonne infâme, p. 200, Papyrus, 1982.