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LA VIEILLE TAUPE

Organe de critique et d'orientation postmessianique

 

B.P. 98, 75224 PARIS cedex 05

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Bulletin réservé aux Amis de la Vieille Taupe.

Directeur de publication: Pierre Guillaume.

Confidentiel

N. 11. septembre 1998

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14 septembre 1998

 

Chers Amis de la Vieille Taupe,


SHAMBHALA

La voie sacrée du guerrier

Sans cette tristesse qui vient du fond du coeur,
La vaillance est aussi fragile qu'une tasse de Porcelaine:
Si on la laisse tomber, elle se casse et s'ébrèche.
En revanche, la vaillance du guerrier est comme Une tasse de laque,
Dont la base de bois est enduite de plusieurs Couches de laque.
Si la tasse tombe, elle rebondit mais ne casse Pas.
Elle est à la fois dure et souple.

En fait, communiquer la santé à son entourage devient une des disciplines de base du guerrier. La discipline, telle que nous l'entendons, n'est pas quelque chose de désagréable et d'artificiel qui nous serait imposé de l'extérieur  elle est plutôt un processus organique qui rayonne naturellement de notre propre expérience. Lorsque nous nous sentons sains et solides nous-mêmes, nous ne pouvons nous empêcher de propager cette santé aux autres.

Pour le guerrier véritable, il n'y a pas de guerre  c'est cela l'idée d'être tout-victorieux. Quand on est tout-victorieux on n'a rien à conquérir, pas de problème ni d'obstacle fondamental à surmonter.

Ayant renoncé à une nouvelle armure, ou à se doter d'une nouvelle carapace, ses os et sa moelle sont exposés au monde. Il n'a ni la possibilité ni le désir de manipuler les situations. Libre de craintes, il est capable d'être ce qu'il est.

La conscience du guerrier ne s'appuie pas sur l'exercice de la paranoïa absolue, mais bien sûr l'apprentissage de la solidité ultime: la confiance dans la bonté fondamentale. Cela ne signifie pas qu'il faille être lourd et assommant, mais simplement avoir le sentiment d'être solidement enraciné, avec une bonne assise. La confiance et la joie constante que nous éprouvons nous empêchent de sursauter. A ce niveau, l'émoi soudain et les réactions exaltées face à une situation n'ont plus de raison d'être: nous appartenons au monde des guerriers. Nous n'exagérons pas les petites choses qui se produisent, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, justes ou injustes. Notre attention revient constamment à notre selle et à notre posture. Le guerrier ne s'étonne de rien. Si quelqu'un s'approche de nous et nous dit qu'il vient nous tuer ou qu'il vient nous offrir un million de dollars, nous ne sommes pas étonnés. Nous nous contentons de nous affermir en selle.

Si quelqu'un nous demande: "Comment savez-vous que vous ne réagissez pas de façon exagérée aux situations?", nous nous contentons de répondre: "Ma posture en selle parle d'elle même."

... nous ne sommes ni du côté de la réussite, ni du côté de l'échec. La réussite et l'échec sont notre voyage. Bien sûr, même dans un contexte de vaillance, il est encore possible que nous fassions l'expérience de la peur. Il est probable qu'à certains moment du voyage nous serons pétrifié de peur, au point de vibrer tout entier sur notre selle: les dents qui claquent, les mains qui tremblent, les jambes qui flageolent. C'est à peine si nous nous maintenons sur notre monture: nous en sommes presque à léviter de peur. Mais même cela est considéré comme une expression de vaillance, à condition d'avoir un contact fondamental avec la terre ferme de notre bonté primordiale.

La même chose in lingua rumena1 se dit: "Christos înviat", ce à quoi les gens bien élevés répondent: "adevarat înviat"2.

Ce matin(14 septembre), sur une radio écoutée par hasard, j'ai entendu Robert Majax protester contre la projection à venir, programmée sur je ne sais quelle chaîne, d'un film qui révélerait les "trucs" des illusionnistes. Ce film serait fait dans un esprit de dénigrement

Les illusionnistes constituaient une véritable association (religion?) initiatique. A la différence de l'escroc, l'illusionniste révéle, dès l'abord, qu'il y a un truc, mais la déontologie d'un illusionniste lui interdit de révéler aucun "truc" particulier aux non initiés.

Ne peut être initié, progressivement, que celui qui cherche vraiment à savoir la vérité, et qui se comporte en conséquence.

Le véritable illusionniste est un initié, un prêtre de la religion sceptique, puisqu'il prouve constamment qu'il est au pouvoir de l'homme d'accomplir des miracles, qui n'en sont pas.

Mystag était l'un de ceux-là. J'avais assisté à son spectacle (extraordinaire), en compagnie du professeur Faurisson, dans la salle de la Libre Pensée, au 12, rue des Fossés St Jacques. Mais nos relations s'étaient poursuivies, après qu'il eut lu Le Mensonge d'Ulysse. Devenu révisionniste. il m'avait invité à un repas d'initiés (illusionnistes), rue Tournefort. Ils ne m'avaient révélé aucun "truc" en particulier, mais ce qu'ils m'ont révélé m'a été très utile pour définir la stratégie de la Vieille Taupe. Ils m'ont fait comprendre que les gens ne voient que ce qu'ils veulent voir, et donc que l'important n'est pas de leur dire la vérité, mais de les amener à chercher la vérité...

Mystag est mort dans un accident de voiture, peu de temps avant de pouvoir révéler publiquement son révisionnisme Mais non sans avoir révélé ses "interrogations" à des interlocuteurs stratégiques.

La Vieille Taupe gardera la mémoire de ce soldat inconnu, adhérent à la Libre Pensée.

On trouvait naguère encore une petite brochure de Mystag à la Boutique de la Libre Pensée, au 12 de La rue. Il doit probablement y en avoir encore... Elle était fort intéressante, cette brochure, et ce peut être une occasion de demander à la charmante jeune femme qui tient la boutique pourquoi diable la direction de la Libre Pensée a-t-elle fait retirer de la vente le livre de Jean-Claude Pressac qu'elle (la direction) avait elle-même mis en vitrine.

Cela dit, si ce film qu'on annonce révèle vraiment au grand public les "trucs" des illusionnistes, alors le génocide-holocauste-shoah ne survivra pas à l'an 2000.

D'ailleurs, même si ce film ne vaut rien, le génocide-holocauste-shoah ne survivra de toute façon pas à l'an 2000. C'est terminé!

Dans l'éditorial des Annales d'histoire révisionniste n·7, intitulé "L'Avenir d'une négation, L'Avenir d'une illusion", j'avais écrit : "Je suis convaincu que, comme pour les médicaments à diffusion progressive, à effet retardés, une dose suffisante de révisionnisme a été injectée au malade pour lui permettre de guérir, s'il doit guérir!"

Dans cet éditorial, j'annonçais que le prochain numéro des Annales, le n·8, serait le dernier.

Tout cela était prémonitoire. Ayant le sentiment d'avoir accompli un travail surhumain au cours des six premiers numéros des Annales, la Vieille Taupe sentait que les temps étaient venus de s'accorder le Temps du respir. Le numéro 7 constituait déjà une violation du Shabbat3. Mais le numéro constituait l'entrée virtuelle dans le royaume de Shambhala.

Il suffisait de laisser au temps le temps de créer les conditions d'une entrée réelle.

De 1 à 8, de A à H, se trouvaient décrites en détail, les Clefs du Royaume4 W ou le souvenir d'enfance.

Mais par manque de foi, la Vieille Taupe s'est obstinée pendant neuf ans à vouloir terminer le travail.

Au risque d'assumer la part de Dieu, dans la promesse.

La Vieille Taupe s'est donc acharnée pendant neuf ans, à obtenir des piqûres de rappel massive, alors qu'elle avait dit: "une dose suffisante de révisionnisme a été injectée au malade pour lui permettre de guérir, s'il doit guérir!"

Cette piqûre de rappel a finalement été administrée de main de Maître par Noam Chomsky, dans Le Monde du 1er septembre 1998, page 14.

Chomsky a utilisé avec beaucoup de subtilité le Cézame approprié, selon la technique du Ketmann qui consiste à précher l'orthodoxie rigoureuse pour mieux la faire exploser. Le code qui permet de déchiffrer cette page se trouve d'ailleurs dans la page elle-même (avec le complicité de Christian Delacampagne ? ou pas?

En publiant cet entretien avec Noam Chomsky, dont la teneur est, pour l'essentiel, rigoureusement identique à l'avis publié en tête du Mémoire en défense de Faurisson, ou celui publié par Gaby Cohn-Bendit dans Libération du 5 mars 1979, Le Monde espérait coiffer la Vieille Taupe au poteau, et prendre la tête de la lutte spectaculaire (c'est-à-dire idéologique et non réelle) contre la censure, tout en maintenant son talon de fer sur la Vieille Taupe, tant qu'elle continuerait à bouger encore.

La Vieille Taupe était effectivement sur le point de mourir (mais ça, je l'expliquerai plus tard), lorsque la vieille taupe est intervenue

C'est ici que le récit s'arrête...

Car la chouette de Minerve se nourrit des taupes qu'elle parvient à attraper 5 .

***

Mais
Entre-temps
Maurice
Di Scuillo
est mort.

Le marxisme ne connait ni "immortels"
ni morts. Avec ccux que l'art oratoire
vulgairec désigne ainsi, la vie dialogue.
Bordiga, Dialogue avec les morts.


Maurice Di Scuillo est mort.
Alerté par l'odeur, les voisins ont appelé la police.
Maurice était mort depuis dix jours.
Environ.
Rue des Cévennes, à Paris
Maurice était un prolétaire.
Il a toujours fait face tout seul, sans embêter personne.
Maurice était orphelin de père.
Sa mère l'avait élevé seule
Maurice a accompagné les dernières années de la vie de sa mère,
Filialement.
Il était seul à son enterrement.
Absolument seul.
Le jeudi 8 septembre 1988.
Ça arrive plus souvent qu'on croit, chez les prolétaires.
Il l'a révélé plus tard, à quelques copains.
Puis il a été expulsé de la pièce de vingt mètres carrés qu'occupait sa mère.
C'est là qu'il a commencé à lâcher la rampe, Maurice.
Un copain l'a hébergé. Il a connu le chômage, le rmi.
Mais il n'embêtait personne.
On n'a pas pu l'aider. On n'a pas su l'aider. D'ailleurs y voulait pas.
Il était raide Maurice. C'était un insoumis, intransigeant.
Un objecteur de conscience,
Un pacifiste radical.
Un déserteur de la première, de la deuxième, de la troisième guerre mondiale.
Ses copains ne payeront pas d'enterrement à Maurice.
Pour chasser le regret de n'avoir pas pu l'aider à vivre?
D'ailleurs, c'était pas possible. Et puis c'est trop tard.
Le service des indigents de la Préfecture de Paris fera ça très bien,
Et gratuitement.
C'est pas souvent qu'il aura bénéficié de quelque chose de gratuit, Maurice.
Si, de la vie
Il était né le 5 août 1946. Il est mort à 52 ans.
Qu'est-ce qu'on peut faire pour lui, à Maurice
Rien.
Si.
Vivre
Vivre dignement!
C'est déjà bien assez difficile.
Il était digne Maurice. C'est notre soldat inconnu.
Il est éternel Maurice.
Ceux qui l'ont connu, ceux qui veulent participer à ce faire-part,
peuvent écrire à:
Robert Quivaux
73, rue des Cévennes
75015 Paris
Nous envisageons, fin octobre, une réunion pour parler de lui.
Le lieu et la date seront fixés en fonction des réponses.
 
Les copains de Maurice

Ce faire-part est paru dans le "Carnet du Monde" du 4 septembre 1998. Il a été lu sur Canal+ à l'émission "Nulle-part ailleurs".

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La Vieille Taupe et Noam Chomsky

 

Pierre Guillaume

La Vieille Taupe

le 30 novembre 1993


Monsieur le Directeur
LE MONDE
15, rue Falguière
75015 PARIS

Monsieur le Directeur,

Mis en cause en tant qu'éditeur de textes de Noam Chomsky par une allégation de Jean-Michel Frodon d'autant plus inexplicable que cette allégation est précisément réfutée par Chomsky lui-même dans le film dont le journaliste rend compte, je vous prie de bien vouloir insérer conformément à la loi du 29 juillet 1881 -- article 13 (L. 29 sept. 1919) le droit de réponse suivant:

 

Dans Le Monde du 24 novembre 1993, sous le titre La guerre de Noam, Jean-Michel Frodon a écrit: "Chomsky s'explique également sur l'affaire, qui fit grand bruit en France lorsqu'un de ses textes en faveur de la liberté d'expression fut utilisé, sans son accord, en préface à un livre du révisionniste Robert Faurisson."

Cette allégation me met gravement en cause en ce qu'elle insinue qu'en tant qu'éditeur du Mémoire en défense du professeur Faurisson j'aurais abusé Chomsky. Cela a été démenti à de nombreuses reprises, et par Chomsky lui-même, notamment dans le film dont il est rendu compte. Cela a été démenti par mes soins, notamment dans mon livre Droit et histoire où un chapitre est consacré à mes relations avec Chomsky.

On ne s'explique d'ailleurs pas par l'opération de quel Saint Esprit un avis sur la liberté d'expression, évoquant précisément l'affaire Faurisson, écrit par Chomsky, aurait pu parvenir dans mes mains "sans l'accord de l'auteur".

On s'explique encore moins pourquoi Chomsky m'aurait confié l'édition française de son livre Économie politique des droits de l'homme (publiée dans la collection que je dirigeais aux éditions J.-E. Hallier-Albin Michel), et l'édition de ses Réponses inédites à mes détracteurs parisiens, (parues dans une livraison des Cahiers Spartacus financée par mes soins et précédées d'une introduction signée P. G.) si il estimait avoir été abusé par moi et s'il m'avait retiré sa confiance.

Le seul regret que manifeste explicitement Chomsky dans le film, c'est précisément de s'être laissé influencer par la cabale d'une coterie d'intellectuels parisiens, acharnés à refuser à leurs adversaires la liberté d'expression qu'ils réclament pour eux-mêmes, et de s'être interrogé un instant sur l'opportunité de publier cet avis dans le livre-même de Faurisson. Cette interrogation, confiée à titre privé à l'un de ces intellectuels parisiens, dénaturée et sortie de son contexte, a fait l'objet d'une exploitation médiatique sans vergogne et mensongère, et continue à prospérer en dépit des démentis et de l'évidence. C'est pourquoi j'affirme, je confirme, et je répète: "Chomsky était pleinement averti de la publication de son texte sur la liberté d'expression en tête du Mémoire en défense de Faurisson, dont il ne partage pas les thèses, et il n'a jamais retiré son accord, ni manifesté de regrets.

En vous priant d'agréer, monsieur le directeur, l'expression de mes salutations distinguées

Pierre Guillaume

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LA VIEILLE TAUPE
Organe de critique et d'orientation postmessianique

B.P. 98, 75224 PARIS cedex 05

Pierre Guillaume
Paris, le 7 janvier 1996

Cher Noam Chomsky,

Vous avez dû recevoir, ou vous allez recevoir ces jours-ci, le numéro 2 de La Vieille Taupe qui consiste en un texte de Roger Garaudy intitulé: " Les Mythes fondateurs de la politique israélienne.". Il comporte plusieurs chapitres dans lesquels l'auteur prend nettement position en faveur des thèses "révisionnistes".

Bien que ce texte ne comporte rien qui soit nouveau, cela constitue un événement considérable, parce qu'en choisissant La Vieille Taupe comme éditeur, Garaudy choisit de briser le tabou et d'affronter l'anathème qui nous vise.

Je découvre à cette occasion que Garaudy jouit d'une audience considérable chez tous les musulmans en France et dans le monde arabe. Mais aussi, il est très introduit chez les théologiens, les chrétiens de gauche, les protestants, et dans la nébuleuse ex-stalinienne. De plus, et à ma grande surprise, il est humainement très sympathique, très conscient, très courageux et très déterminé.

Je vous avais écrit en février 1994, à l'occasion de la sortie en France du film sur vous -même: "Chomsky ou les illusions nécessaires" ( "Manufacturing consent" ). Je n'ai jamais su si le dossier vous était parvenu. J'avais intenté un procès au journal Le Monde diplomatique parce que ce journal, à l'occasion du compte-rendu du film, avait prétendu que j'avais abusé de vous en obtenant frauduleusement le fameux "avis" publié en tête du Mémoire en défense de Faurisson, et avait refusé de publier mon droit de réponse. J'avais, à l'époque, espéré profiter de l'occasion pour faire ressortir de son trou cette vieille taupe si malade et si fatiguée, mais les temps n'étaient pas venus, et il s'est trouvé un tribunal pour oser me refuser ce droit de réponse en prétendant que je n'étais pas identifiable (!) dans la mise en cause par le journaliste.

J'avoue ne pas vous avoir écrit depuis cette lettre, même pour simplement vous demander si vous l'aviez bien reçue, car je craignais de susciter de votre part un mouvement d'agacement à mon égard, en vous rappelant une affaire qui vous avais déjà coûté si cher, et j'étais dans un état psychologique, et nerveux (sans parler des soucis matériels) tel que je ne voulais pas prendre ce risque, d'autant plus que dans ma réponse au Monde diplomatique, qui n'a finalement pas été publiée, je n'étais pas certain de n'avoir pas légèrement outrepassé "mon mandat".

Mais les temps changent, et je suis heureux de pouvoir vous écrire dans une situation nouvelle qui nécessite que nous reprenions langue et que s'établissent à nouveaux des rapports parfaitement clairs et confiants.

Avant de poursuivre, il me serait très utile de savoir si vous avez bien reçu ma lettre de février 1994, et, ces jours-ci, le numéro 2 de La Vieille Taupe. Et si l'adresse à laquelle je vous écris est toujours bonne. Dès que je serais fixé sur ce point, je ne manquerais pas de vous faire parvenir une documentation sur les développements de la situation en cours.

Bien à vous.

Pierre Guillaume

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Massachusetts Institute of Technology

200-219

Department of Linguistics and Philosophy

Cambridge, Massachusetts 02139

January 31, 1996

Dear Pierre,

Just returned from abroad and found your letter. I'm pretty sure that the Garaudy book arrived, but the pile of books I haven't been able to look at is so huge, and increases so fast, that I'm not certain. Sorry if I didn't respond to the earlier letter you mention. Must have slipped through the cracks, if I received it. The flow of mail is so enormous that it happens. As to the latest shenanigans in Paris, I'm so sick of the whole crowd that I simply pay no attention. Merely to give one example, Vidal-Naquet was giving a talk here about a year ago and apparently spent some time "proving" that I was really an opponent of freedom of speech, because I tried to prevent publication of an encyclopedia article critical of me. Someone in the audience happened to know the story, and got up and reported the actual facts namely, an ultra-right journal in the US had indeed made that claim, to which I responded, after which the author of the article conceded that it was a total fraud, in the next issue of the same journal. The whole incident was then explored further in several articles, which found that the fraud was large-scale indeed. According to people there, Vidal-Naquet sort of nodded and went on, completely untroubled. After all, what do a few lies and slanders matter in a good cause.

At least the commissars could plead fear. I have simply lost any interest in these people and their antics. There's too much else to do.

Sincerely

Noam Chomsky

***

LA VIEILLE TAUPE

Pierre GUILLAUME
Paris, le 25 février 1996


Cher Noam Chomsky,

La situation en France, depuis le début de l'année, évolue à une vitesse stupéfiante. Le numéro 2 de la revue LA VIEILLE TAUPE, théoriquement confidentiel et réservé aux abonnés, pour éviter de tomber immédiatement sous le coup de la loi, est épuisé (2000 exemplaires).

Nous allons procéder à l'édition publique de texte de Garaudy dans le courant du mois de mars. La traduction italienne paraîtra également en mars. Des traductions sont en cours aux Etats Unis, en Allemagne, au Liban, en Turquie, au Brésil et en Russie. Le texte est maintenant disponible en Français sur Internet.

La panique et le désarroi sont perceptibles chez nos adversaires.

Un député vient de demander, lors des "Questions aux Gouvernement" à l'Assemblée Nationale, l'abrogation de la loi Fabius-Gayssot, qui institue la censure en France et transforme le jugement de Nuremberg en dogme républicain.

Les éditions étrangères et Internet sont destinées à rendre ridicule une mesure de censure en France. Mais si je ne suis pas inculpé lorsque j'aurai effectué le dépôt légal du livre, c'est la loi scélérate qui se trouve bafouée et deviendra complètement inapplicable.

Dès lors que la liberté d'expression sera reconquise en France, eh bien, les historiens que cela intéresse débattront librement des sujets qui les intéressent, et la Vieille Taupe pourra s'intéresser enfin au monde actuel.

Roger Garaudy, qui suit, et apprécie beaucoup tous vos combats, serait très désireux et très honoré d'obtenir de vous une préface, une introduction, une note, ou un avis, enfin un mot, de vous, pour l'édition américaine de son livre.

Je me permets de m'associer à cette demande, ce qui dans mon cas, et après tous les ennuis que vous ont valus ma précédente demande, ne manque pas d'humour.

Mais je crois, j'ai même pour un ensemble de raisons la certitude, que nous sommes en train de marquer le point décisif, et que tous les ennuis que, nous et vous, avons subis, n'auront pas été inutiles. Car ils nous permettront enfin de parler vraiment des vrais problèmes, ce qui n'aurait pas été possible si cet abcès des préjugés judéo-centriques n'avait pas été purgé.

Au surplus, et pour se préparer à faire face aux situations que l'on peut prévoir dans l'avenir, où les cornichons de toutes espèces n'auront pas disparu, il me paraît hautement souhaitable, par une "piqûre de rappel" d'associer définitivement votre nom à la défense, pendant les temps difficiles, de la liberté d'expression des révisionnistes.

En effet, même si nous devons sans doute des excuses aux "antisémites"(et certains au moins d'entre eux méritent vraiment et sincèrement des excuses), il n'y a pas de raison de penser qu'il n'y aura pas parmi eux des types du genre Vidal-Naquet, tentés d'abuser de la victoire des révisionnistes, et nous serons heureux de pouvoir rappeler que vous nous avez donné, en temps utile, un coup de main décisif.

Je vous adresse ci-joint un nouveau tirage du texte, corrigé. La traduction en anglais est terminée.

Bien à vous, sincèrement,

Pierre GUILLAUME

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Le Monde, mardi 1er septembre 1998, p. 14.
 

Noam Chomsky, philosophe et linguiste américain:

"L'État ne devrait pas pouvoir déterminer la vérité,
même s'il a raison."

Ce spécialiste du langage estime qu'il est contre-productif de limiter le droit d'expression des négationnistes, "petite secte de cinglés".


Vous n'êtes ni marxiste ni communiste. A quelle famille politique aimeriez-vous vous rattacher ?
-- Je me réfère le plus souvent à la tradition anarchiste, et particulièrement à celle de l'anarchisme américain, qui plonge ses racines dans l'histoire de la classe ouvrière de ce pays. C'est une tradition anticapitaliste, procoopérative, spontanée, même si, au XIXe siècle, elle n'a eu que peu de rapports avec les idéologies anarchistes européennes.
La tradition anarchiste espagnole des années 30 est aussi très importante pour moi. Elle a correspondu à un sommet de l'histoire du mouvement anarchiste. Malheureusement, elle a été écrasée par l'action combinée du communisme, du fascisme et des démocraties libérales.
Parlons de deux situations auxquelles vous vous êtes beaucoup intéressé. Peut-on parler de génocide à propos de ce qui s'est passé à Timor ?
-- Génocide: le terme est galvaudé. Je ne l'emploierai que pour l'Holocauste et deux ou trois autres cas. On estime que l'Indonésie a massacré dix pour cent de la population de Timor en deux mois, en 1975, et qu'un tiers, probablement, de cette population est décédé entre 1975 et 1978.
[Le "journaliste", qui est en fait un fonctionnaire du Quai d'Orsay en poste à Boston pour y remuer on ne sait quel brouet culturel, et qui se fait un peu d'argent de poche en écrivant dans Le Monde, a déjà oublié son deuxième génocide, qui doit se trouver quelque part vers le Cambodge. -- note de l'aaargh]
Autre événement des derniers mois: le soutien accordé par Newt Gingrich à la politique du Likoud en Israël. Qu'en pensez-vous ?
-- Aux Etats-Unis, les chefs de file républicains au Congrès soutiennent le Likoud, tandis que le président Clinton soutient les travaillistes. Mais le Likoud et les travaillistes font plus ou moins la même politique. La différence majeure, c'est que le Parti travailliste représentant les Israéliens éduqués et occidentalisés, poursuit cette politique avec une certaine discrétion, tandis que le Likoud, parti des gens du peuple et des juifs orientaux, ne prend pas de gants. Quant à Gingrich, il va, lui aussi, dans le sens de ses électeurs qui comptent parmi leurs rangs un nombre important de fondamentalistes chrétiens.
N'est-il pas surprenant qu'aux Etats-Unis les fondamentalistes chrétiens soient plutôt pro-israéliens, alors que leurs homologues européens sont plutôt pro-palestiniens ?
-- La droite chrétienne européenne diffère à bien des égards de la droite chrétienne américaine. N'oubliez pas que près de la moitié de la population américaine continue à croire que le monde a été créé par Dieu, il y a six mille ans de la manière décrite par la Bible. Reagan lui-même, quand il improvisait, décrivait le monde comme un combat entre Gog et Magog, parlait d'Armageddon et d'Apocalypse, etc. Beaucoup de ces fondamentalistes sont antisémites, mais cela ne les gêne pas d'être aussi, pour des raisons politiques et religieuses, en faveur de l'expansion d'Israël, et c'est le secteur de la population que Gingrich tente de rallier.
Dès le début, le processus de paix parrainé par les Etats-Unis a été conçu sur un modèle qui rappelle celui des bantoustans en Afrique du Sud, modèle établi durant l'apartheid. L'Afrique du Sud qualifiait les bantoustans d'"Etats", mais ces "Etats" n'étaient pas reconnus par l'Occident. Par contraste, la version américano-israélienne d'un programme de bantoustans pour les Palestiniens bénéficie du soutien de l'Occident. Il est important de noter que les Etats-Unis et Israël ont poursuivi cette politique dans l'isolement le plus total à partir du milieu des années 70, contrecarrant systématiquement les nombreuses initiatives visant à inclure les droits des Palestiniens aux côtés des droits qu'Israël possède à l'intérieur de ses frontières internationalement reconnues. Un des effets de la guerre du Golfe, voire un de ses objectifs, a été de faire des Etats-Unis la puissance dominante dans la région, et de permettre la réalisation de ce processus.
Quels sont, d'après vous, les aspects actuellement les plus dangereux de la mondialisation de l'économie ?
-- Un dossier d'actualité important est l'AMI, l'Accord multilatéral sur les investissements qui devait être signé par l'OCDE [Organisation de coopération et de développement économiques] en avril et qui ne l'a pas encore été. La libéralisation accrue des investissements et des flux financiers ne peut avoir pour effet que de restreindre davantage les procédures parlementaires et les pratiques démocratiques qui subsistent encore dans les pays occidentaux.
Bien que ce processus ait été amorcé depuis trois ans, il est significatif que, jusqu'en 1998, personne n'ait pratiquement parlé de l'AMI dans les médias, sauf au Canada en 1997. Aux Etats-Unis, le débat n'a éclaté qu'au début de cette année. Du coup, le processus se poursuivra de manière insidieuse, si on ne fait pas montre de vigilance. C'est en tout cas, pour moi et actuellement, le problème principal.
Si les dispositions de l'AMI sont mises en oeuvre d'une manière ou d'une autre, cela privera les pays les plus pauvres des mécanismes qui ont permis le développement de nos sociétés industrielles, et accélérera la diffusion, dans les pays riches également, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, de certaines des caractéristiques structurelles du tiers-monde.

Je voulais justement vous interroger sur ce qu'on appelle actuellement la nouvelle prospérité américaine...
-- Les deux tiers de la population américaine vivent aujourd'hui plus mal qu'il y a vingt ans. La plupart des gens travaillent plus et gagnent moins d'argent. Les services publics, qui n'ont jamais été très développés, sont en déclin. Bref, s'il y a eu une période de croissance relativement rapide entre 1950 et 1970, depuis 1970 l'économie croît, mais à un taux moindre, et les inégalités n'arrêtent pas d'augmenter, malgré les envolées de la Bourse qui ne concernent qu'une minorité d'Américains .
Le système de Bretton Woods né après la guerre pour libéraliser le commerce tout en contrôlant les flux de capitaux, était destiné à favoriser le développement économique dans le cadre de l'Etat-providence. Ce système a été démantelé par Nixon il y a vingt-cinq ans, débouchant sur une période de ralentissement de la croissance et d'assauts contre l'Etat-providence et la démocratie conformément aux prédictions des économistes qui avaient conçu le système après la guerre, Harry Dexter White et John Maynard Keynes. L'AMI ne fera qu'accélérer ces processus.
Les problèmes politiques semblent occuper une grande place dans votre pensée. Quelle est celle qu'y occupent les problèmes proprement philosophiques? Ou bien estimez-vous, comme Wittgenstein, qu'il n'y a pas de problèmes spécifiquement philosophiques ?
-- Nous savons ce que sont les problèmes scientifiques. Ce sont des problèmes qui ont des solutions empiriques. Cependant, la plupart des problèmes qui intéressent vraiment l'humanité se situent bien au-delà de ce que la science peut résoudre. Mais ces problèmes qui échappent aux sciences posent des questions importantes, de nature conceptuelle, relatives aux valeurs, aux jugements, à l'analyse en général. Par exemple, des travailleurs qui veulent gérer leur propre entreprise ne peuvent pas éviter de se demander ce que sont la liberté, la justice, l'égalité ou l'équité. Voilà de grandes questions philosophiques. Ces questions ne sont la propriété d'aucune caste, d'aucun individu. Ce sont des questions que chacun doit résoudre par lui-même.
N'y a-t-il pas aussi des questions proprement philosophiques qui concernent les sciences?
-- Oui, bien sûr. Prenons mon champ scientifique, la linguistique. Nous attribuons au cerveau des propriétés computationnelles abstraites, qui permettent d'expliquer une foule de choses. Mais, que voulons-nous dire au juste, quand nous parlons de ces propriétés, aussi longtemps que nous n'avons pas identifié les structures cellulaires dans lesquelles elles pourraient s'inscrire physiquement? C'est un très vieux problème. Il s'est déjà posé dans l'histoire de la chimie. Quand Kekule a proposé un diagramme des structures des molécules organiques il y a cent ans, on s'est demandé de quoi il parlait. Jusqu'aux années 1920, les constructions abstraites des chimistes ont été plus souvent considérées comme un artifice d'écriture que comme un reflet de la réalité.
Puis, dans les années 1920, la physique a connu une révolution théorique considérable, qui lui a permis d'englober les bases de la chimie, laquelle est alors devenue l'image d'une réalité nouvellement découverte. Nous n'en sommes pas encore là dans les sciences de l'esprit et du langage. Nous n'avons pas encore repéré les bases physiques des processus psychologiques. Et c'est une question philosophiquement capitale de savoir si nous y arriverons un jour, et comment. Je ne suis donc pas d'accord avec l'idée de Wittgenstein: je suis convaincu, moi qu'il existe des problèmes qui peuvent raisonnablement être perçus comme des problèmes philosophiques.
Quelle est votre position actuelle par rapport au judaïsme, considéré comme religion ou comme forme de culture ?
-- J'ai été élevé dans la tradition juive et j'ai appris l'hébreu très tôt. Mes parents étaient tous deux professeurs d'hébreu. Ils observaient les rites religieux sans être eux-mêmes très religieux. Il faut savoir en effet que le judaïsme est une religion fondée sur l'accomplissement des rites, mais qui n'exige pas d'acte de foi. Vous pouvez être un juif observant et en même temps un athée. Ma femme a été élevée dans le même milieu que moi. Nous ne sommes l'un et l'autre ni croyants ni observants. Je continue à lire la presse et la littérature en hébreu, et à être profondément impliqué dans les questions et les préoccupations de mon enfance.
Pouvez-vous préciser votre position par rapport aux thèses qui reviennent à nier la réalité de l'extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale ?
C'est très simple, je suis un libertaire [Note du journal: Noam Chomsly emploie le mot libertarian dont le sens est plus vaste que celui du mot français libertaire ] au sens traditionnel du terme. Je crois en la liberté de parole, je ne crois pas que l'Etat ait le droit de déterminer la vérité ni de punir les déviations par rapport à la vérité. Je trouve choquant que l'Iran le fasse dans le cas de Rushdie, et choquant que la France le fasse dans le cas de Bernard Lewis [Note du journal: universitaire américain, auteur de déclarations qui contestent l'emploi du terme génocide à propos du massacre des Arméniens par les Turcs, en 1915-1916] ou de Robert Faurisson. L'Etat ne devrait pas pouvoir déterminer la vérité, même s'il se trouve qu'il a raison: ce n'est pas de son ressort. Si scandaleuses que soient vos idées, si vous n'avez pas le droit de les exprimer, vous perdez ce qui fait l'essentiel de la démocratie et de la liberté.
Ne croyez-vous pas que dans l'intérêt de la liberté et de la démocratie, il serait cependant préférable de limiter le droit à s'exprimer de certains des ennemis de la liberté et de la démocratie ?
-- C'est en effet la position de Goebbels, de Jdanov et de Khomeiny, et je ne suis pas d'accord. La liberté d'expression est essentielle à l'homme. C'est un droit dont on ne peut le priver.
En aucun cas ?
-- Non, bien sûr, rien n'est absolu. Je suis d'accord avec un arrêt de la Cour suprême de la fin des années 60. La Cour était parvenue alors à une position proche de celle du libéralisme classique, et je pense qu'elle avait raison. Aux Etats-Unis, la liberté d'expression n'avait pas vraiment existé jusque là, contrairement à ce que les gens croient. L'arrêt de la Cour suprême de 1969 avec lequel je suis d'accord avait pour but de reconnaître au Ku Klux Klan le droit à la liberté d'expression. Je ne suis certainement pas d'accord avec ce mouvement, mais la Cour a décidé, à juste titre, que la liberté d'expression devait être protégée -- aussi longtemps, du moins, qu'elle ne débouchait pas sur la participation à des activités criminelles.
Si, par exemple, vous et moi entrons dans un magasin avec l'intention de voler, et que vous soyez armé et que je vous dise: "tirez", cette déclaration n'est pas protégée par le droit à la libre expression. Et je suis d'accord avec cet arrêt, je ne pense donc pas que le droit en question soit un droit absolu. Mais la charge de la preuve revient toujours à ceux qui veulent restreindre la liberté, c'est une charge très lourde et la preuve peut très rarement être fournie.
Prenons la négation de l'Holocauste. Aux Etats-Unis, vous avez des professeurs d'université qui publient des livres négationnistes et rares sont ceux qui y prêtent la moindre attention, c'est au fond une petite secte de cinglés [ crack-pot cult].
En revanche, si des historiens éminents prenaient une page entière du New York Times et dénonçaient ces professeurs pour avoir eu le culot d'écrire ces livres, l'affaire prendrait de l'ampleur, tout le monde serait au courant, ça commencerait à intéresser les gens, et les négationnistes bénéficieraient d'une énorme publicité.
C'est en fait ce qui s'est passé en France. S'il n'y avait pas eu d'attaques contre ces gens-là rares sont ceux qui auraient entendu parler d'eux. Ma position sur l'Holocauste reste conforme à ce que j'ai déjà écrit il y a trente ans: il s'agit de la pire atrocité de l'histoire humaine, et le fait même d'en discuter est ridicule. Mais si des gens ont d'autres positions à ce sujet, ils doivent avoir le droit de les exprimer.

Propos recueillis par Christian Delacampagne

Même page:

Un intellectuel controversé

Noam Chomsky est né à Philadelphie en 1928. Il est entré au Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (Etats-Unis) en 1955, et il vient d'y achever sa carrière comme professeur au département de linguistique et de philosophie. Il aura soixante-dix ans le 7 décembre. Soixante-dix ans d'une vie bien remplie: inventeur des "grammaires génératives" en linguistique, fossoyeur du "béhaviorisme" en philosophie de l'esprit, intellectuel de gauche engagé dans tous les combats de l'actualité, Noam Chomsky est l'auteur de plus de soixante livres, ainsi que d'un bon millier d'articles. Le plus ancien de ceux-ci, un petit texte provoqué par la chute de Barcelone aux mains des troupes franquistes, fut écrit par lui alors qu'il avait à peine plus de dix ans, et publié par le journal de son école primaire.
Nul ne conteste que ce grand savant a révolutionné la linguistique saussurienne, en la reconstruisant à partir d'une hypothèse rationaliste des plus classiques: l'hypothèse d'une structure "innée" de la faculté de parler (Structures syntaxiques, 1957, trad. fr. Seuil, 1979 [Erreur du fat Ch. D. pour 1969]; Linguistique cartésienne, 1966, trad. fr. Seuil, 1969). Les positions prises par Chomsky dans le champ politique, en revanche, sont loin de faire l'unanimité ainsi que le rappelle, entre autres, Robert F. Barsky dans une biographie qu'il vient de lui consacrer, Noam Chomsky: une voix discordante (Odile Jacob, 1998).
Ce n'est pas seulement parce qu'il est l'un des principaux détracteurs de la diplomatie américaine ou l'un des plus fervents défenseurs des peuples opprimés du tiers-monde que Chomsky dérange. C'est aussi, et peut-être surtout, parce que cet anarchiste de toujours affirme le droit de toutes les "opinions" à s'exprimer librement. Position difficile à soutenir dans la pratique. Et qui l'a conduit à rédiger, en 1980, une préface à un pamphlet négationniste de Robert Faurisson -- pamphlet intitulé Mémoire en défense. Contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire, publié à Paris par Pierre Guillaume, ex-trotskiste devenu éditeur à l'enseigne de La Vieille Taupe ».
Nadine Fresco, Pierre Vidal-Naquet, Alain Finkielkraut et quelques autres ont, à l'époque, exprimé leur indignation devant le soutien apporté à Faurisson par Chomsky. Ce dernier a, dans un premier temps, tenté de se justifier à travers divers textes repris en 1984 dans un livre, Réponse à mes détracteurs parisiens, publié par une autre maison d'"ultra-gauche", les Editions Spartacus, et préfacé par Pierre Guillaume. [Nouvelle erreur du fat: le titre porte: "Réponses inédites...", inédites parce que refusées par le journal qui publie aujourd'hui cette page de contrition très involontaire.] Mais cette tentative de "justification" n'a pas convaincu Vidal-Naquet, qui a développé sa propre position dans Les Assassins de la mémoire (La Découverte, 1987). Depuis lors, Chomsky s'est délibérément tenu à l'écart de la scène intellectuelle française, où il ne se sentait guère le bienvenu. Cet entretien est le premier qu'il ait accordé à un journal français depuis plus de dix ans.
Ch. D.

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Mutatis mutandis

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Noam Chomsky: ..."Pour comprendre ces choses, il faut revenir à l'histoire de la guerre froide, et à l'interprétation dite "révisionniste" de la période qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Les "révisionnistes", vous le savez, sont ces historiens et ces commentateurs américains qui se sont opposés à la version officielle soutenue par les "orthodoxes". L'orthodoxie, totalement dominante à l'époque, soutenait que la guerre froide était due uniquement à l'agressivité chinoise et russe, et que les Etats-Unis ne jouaient qu'un rôle passif et réactif. Cette position était même soutenue par les plus "libéraux". Pensez à un homme tel que John Kenneth Galbraith, qui est dans l'administration libérale l'un des esprits les plus ouverts et les plus sceptiques, l'un de ceux qui ont au moins essayé de sortir de l'orthodoxie. Eh bien dans son livre New Industrial State, publié en 1967 -- si tard que cela! -- où il se félicite de l'attitude ouverte et critique de l''intelligentsia, il dit que LA cause indubitable de la guerre froide est l'agressivité chinoise et russe: leurs aspirations révolutionnaires et la vigueur compulsive de leurs affirmations furent la cause indubitable de la guerre froide. Voilà ce que disaient les critiques libéraux, encore en 1967.

L'alternative "révisionniste" avait été développée par des gens comme William Appleman williams, Gar Alperovitz, Gabriel Kolko, David Horowitz, Diane Clemens et d'autres. Selon eux, la guerre froide résultait d'une action réciproque, due à des mobiles impérialistes américains et russes. Leur position était soutenue, très fortement, par les documents. Mais tant que l'orthodoxie dominait, avant la fin des années soixante, personne n'y a accordé la moindre attention. On fit seulement quelques plaisanteries à ce sujet.

Ceci, pour l'histoire de l'après-guerre. A la fin des années soixante, il devint impossible d'empêcher tout débat concernant la position "révisionniste", grâce à la pression du mouvement étudiant. Les étudiants avaient lu ces livres, et ils voulaient qu'on en discute. Et ce qui s'est produit est extrêmement intéressant.

En premier lieu, aussitôt que furent confrontées la position révisionniste et la position orthodoxe, cette dernière s'est dissoute, évanouie. Aussitôt le débat ouvert, la discussion a manqué d'objet. En une année ou deux, la position orthodoxe a été abandonnée.

Certes, les historiens orthodoxes ne se sont pas avoués vaincus. Ils n'ont pas dit: "vous avez raison, nous avons tort". Mais ils ont attribué aux révisionnistes une position stupide, selon laquelle le sadisme américain était la seule cause de la guerre froide, c'est à dire un non-sens total, ne tenant pas compte de l'action réciproque. Ils ont donc adopté une partie de la position révisionniste, pour mieux leur attribuer une doctrine lunatique et idiote6, qui était en fait fondamentalement différente de leur véritable doctrine.

 

In: Noam Chomsky, Dialogues avec Mitsou Ronat. Flammarion 1977, p. 41.

 

Souvent, il semble que l'esprit s'oublie, se perde,
mais à l'intérieur, il est toujours en opposition avec lui-même.
Il est progrès intérieur -- comme Hamlet dit de l'esprit de son père:
"
Bien travaillé, vieille taupe"
Hegel



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LA VIEILLE TAUPE

Organe de critique et d'orientation postmessianique
B. P. 98
75224 Paris cedex 05

Paris, le mardi 1er septembre 1998

Pierre Guillaume



Monsieur le Directeur
Le Monde
21 bis, rue Claude Bernard
75005 PARIS




Monsieur le directeur,

Dans Le Monde du mardi 1er septembre 1998, dans un article au sujet de Noam Chomsky, intitulé "Un intellectuel controversé", il est fait allusion à Pierre Guillaume, ex-trotskiste devenu éditeur à l'enseigne de La Vieille Taupe».

Je n'ai jamais été "trotskiste". En dehors de Socialisme ou Barbarie, je n'ai jamais participé à aucune organisation politique.

Le trotskisme se revendique du léninisme, c'est à dire qu'il postule la nécessité de construire un "parti de la classe ouvrière" auquel il attribue un rôle dirigeant. Le groupe Socialisme ou Barbarie était né d'une critique radicale du trotskisme. La création de La Vieille Taupe, en 1965, a été pour moi, la conséquence ultime de cette critique conduite à son terme.

 

Pour ma part j'ai toujours essayé de comprendre et de prendre au sérieux deux phrases de Marx.

La première: Nous ne tenons notre mandat que de nous-mêmes, et de la haine universelle que nous vouent les classes dominantes».

La deuxième: L'émancipation des travailleurs sera l'oeuvre des travailleurs eux-même».

Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, mes salutations distinguées.


P. Guillaume


P. S.: Ci-joint, copie pour votre information de la lettre que j'avais adressé naguère à Monsieur le Directeur du Monde Diplomatique.

 

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LE Pen à PG, janvier 1996

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MISèRE DE LA PHILOSOPHIE

 

Extrait de:

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Les faits sont très graves en effet.

Pierre Guillaume a adressé aux professeurs de Français-Philosophie en classes préparatoires aux concours des grandes écoles scientifiques une lettre où il les informait que le livre de Georges Perec, W ou le souvenir d'enfance, qui figurait au programme cette année, était susceptible d'interprétations plurielles. Il les informait notamment qu'on retrouvait dans ce livre les traces des conversations qu'il avait eues avec Georges Perec au début des années soixante-dix, sur l'oeuvre de Paul Rassinier, et que très probablement la décision d'écrire ce livre avait été prise par Georges Perec dans les locaux de la Vieille Taupe, à la suite de ces conversations. J'ai d'ailleurs depuis cette lettre découvert beaucoup d'éléments textuels qui tendent à confirmer cette hypothèse, mais là n'est pas actuellement la question.

Je ne vois aucun précédent historique où des philosophes (?) jugent "très graves" que l'on s'adresse à eux pour leur fournir une information ou leur suggérer une interprétation textuelle, et où tout un aréopage de philosophes se trouve finalement d'accord pour convenir qu'ils n'ont rigoureusement rien à répondre et rien à dire en dehors de la réitération d'un anathème indéfini.

Apprenons à cette péronnelle de Bottineau-Fuchs que la Vieille Taupe, bien avant mai 1968, à la suite de Socialisme ou Barbarie7 et des travaux de Pierre Souyri (alias Brune), partageait les analyses d'Internationale Situationniste 8 et considérait le maoïsme en Chine comme l'idéologie de la contre-révolution capitaliste-bureaucratique, et en France comme une mode tout juste bonne à habiller les impostures de crétins déphasés en quête désespérée d'un emploi historique.

La Vieille Taupe n'est pas une "organisation", elle n'est pas plus d'extrême droite que d'extrême gauche. Elle n'a jamais développé le moindre propos raciste; elle récuse l'antisémitisme9. La Vieille Taupe est clairement et sans la moindre ambiguïté révisionniste, comme l'est toute science, et toute histoire dignes de ces noms. Ce qui n'est pas la même chose.

La Vieille Taupe restera révisionniste tant qu'aux arguments objectifs et rationnels des historiens révisionnistes ne seront opposés que ce genre de "réponse" de cuistres drapés dans leur dignité outragée, qui appellent à la censure et à la répression.

 

L'ENSEIGNEMENT PHILOSOPHIQUE PUBLIC EST UN DÉSASTRE!

 

 


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