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DEPUIS cinquante ans, l'extrême droite française joue un rôle fondamental dans la diffusion des thèses "révisionnistes" et négationnistes (1). Elaborée par Maurice Bardèche, la révision de l'histoire puise ses bases dans une génération happée par un double ressentiment, historique et idéologique. Le "révisionnisme" naît avec l'extrême droite française; sa récupération politique aussi. Dès 1948, le sens politique des thèses "révisionnistes" s'inscrit dans la renaissance de l'antisémitisme. Quelques années plus tard, elles revêtent une autre signification pour une partie de l'extrême droite française: la destruction de "l'impérialisme sioniste".
La passation idéologique se fait tout naturellement entre l'homme de l'ancienne génération, Maurice Bardèche, et François Duprat, jeune militant des années soixante. Se reconnaissant pleinement dans le discours de son prédécesseur, François Duprat est le propagandiste des thèses du néo-fasciste français. Doté de moyens, cet homme diffuse les classiques révisionnistes dès les années soixante-dix en France et à l'étranger. Surtout, il les introduit au sein du Front national, un parti où il occupe plusieurs fonctions officielles. Quand il décède en 1978, les thèses "révisionnistes" ont trouvé d'autres militants pour s'étendre. Robert Faurisson, Pierre Guillaume ou Henri Roques ont pris sa place. L'extrême droite [40] les encourage. Elle soutient Robert Faurisson porté par une certaine ultra-gauche, incarnée par Pierre Guillaume. Si une partie minoritaire de l'ultra-gauche voit en Robert Faurisson son nouveau messie, l'extrême gauche et l'ultra-gauche françaises, dans leur ensemble, sont violemment hostiles à l'homme et à ses idées. Pendant "l'affaire" Faurisson, quelques groupes politiques minoritaires de l'ultra-gauche s'associent à Robert Faurisson. Au printemps 1980, l'ouvrage de Serge Thion, Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de l'affaire Faurisson. La question des chambres à gaz, sort aux éditions La Vieille Taupe. Ces manifestations revêtent une double particularité. Elles concernent très peu de personnes mais confèrent au négationnisme français sa spécificité. Elles occultent un fait majeur. L'ensemble des chroniqueurs, des éditorialistes de la presse d'extrême droite, soutiennent Robert Faurisson, se réjouissent que la révision de l'histoire soit classée "à gauche de toutes les gauches" et entretiennent cette confusion.
Les groupuscules tels l'oeuvre française de Pierre Sidos, la Fédération d'action nationale européenne de Marc Fredriksen ou d'autres utilisent ouvertement les thèses négationnistes dans leurs discours ou publications. Corollaire de l'antisémitisme, le négationnisme leur offre un atout inestimable: la capacité de maquiller leurs haines ancestrales. Le Front national ne peut se permettre de donner ouvertement son assentiment à la négation de l'histoire. Seule formation pouvant revendiquer le statut de parti politique au sein de l'extrême droite française, elle doit s'adapter et adopter une certaine rhétorique. A la base très élargie, le Front national doit faire coexister aussi bien d'anciens SS que des repentis du RPR. Même si les diverses sensibilités du Front national réagissent différemment, en fonction de leur culture, sur la question du négationnisme, le parti de Jean-Marie Le Pen paraît adopter une attitude conciliante envers le discours négationniste. Dès les années soixante-dix, le parti frontiste n'éprouve aucune hostilité envers les thèses de Maurice Bardèche. Elles s'intègrent parfaitement dans l'optique d'une frange minoritaire du parti. Pendant les années quatre-vingt, il ne désapprouve pas le discours négationniste; la perspective négationniste s'imbrique dans les visées politiques et stratégiques du Front national. Dix ans plus tard, le négationnisme devient un élément à part entière de l'idéologie frontiste. Ceux qui condamnent le discours négationniste ont quitté le parti.
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Le premier âge du "révisionnisme" comprend des hommes ayant vécu directement la Seconde Guerre mondiale. Issus de la même génération, ils appartiennent au camp des vaincus. D'idéologie fasciste ou nazie pendant les années de guerre, ces hommes sont animés d'un ressentiment commun: la haine des vainqueurs. A cet égard, Paul Rassinier doit être considéré comme une exception. Homme de gauche estimé par ses pairs, ancien déporté à Buchenwald et à Dora, Paul Rassinier n'entreprend pas la révision de l'histoire sur de telles bases. Quand il livre son premier ouvrage, l'ancien déporté se veut avant tout un témoin. Son doute sur les chambres à gaz - doute devenant rapidement remise en cause -, il le formule plus tard. Le paradoxe de sa personnalité, de son itinéraire (un ancien déporté qui nie les chambres à gaz), est saisissant. C'est là qu'intervient la récupération politique de l'homme, de ses idées et de son parcours politique. Présenté comme le premier "révisionniste" français, Paul Rassinier est loin d'avoir posé les bases de la relecture de l'histoire. C'est Maurice Bardèche, connu pour ses opinions d'extrême droite, qui s'attelle à cette tâche. D'autres, tel Henry Coston, le suivent dans cette double démarche: réviser l'histoire et récupérer la personnalité de Paul Rassinier, aubaine pour l'extrême droite française.
La rencontre que fait Maurice Bardèche, en 1926, avec Robert Brasillach est déterminante pour ses engagements futurs. Robert Brasillach prend en charge l'éducation politique de son camarade et lui inculque ses idées. Les deux hommes deviennent inséparables. En 1945, le choc est double pour Maurice Bardèche: l'épuration et la mort de Robert Brasillach le poussent à l'action politique. Dès 1947, Maurice Bardèche retranscrit ses ressentiments. Dans Lettre à François Mauriac il dénonce l'épuration et s'attaque au "mythe de la résistance". Un an plus tard, il s'en prend à l'histoire de la Seconde Guerre mondiale.
En 1948, Maurice Bardèche "inaugure" le "révisionnisme" historique avec Nuremberg ou la Terre promise. Selon les propres termes de Maurice Bardèche, nous sommes victimes d'une immense manipulation depuis 1945. Les camps de la mort sont une invention des alliés qui dédouanent ainsi leurs propres crimes. Responsables de la Seconde Guerre mondiale, les Juifs falsifient l'histoire et espèrent ainsi prouver la barbarie de l'Allemagne:
"Je ne prends pas la défense de l'Allemagne. Je prends la défense de la vérité. Je ne sais si la vérité existe [...]. Mais je sais que le mensonge existe, je sais que la déformation systématique [42] des faits existe. Nous vivons depuis trois ans sur une falsification de l'histoire. Cette falsification est adroite: elle entraîne les imaginations, puis elle s'appuie sur la conspiration des imaginations. On a commencé par dire: voilà tout ce que vous avez souffert, puis on dit: souvenez-vous de ce que vous avez souffert. On a même inventé une philosophie de cette falsification. [...] On eut la bonne fortune de découvrir en 1945 ces camps de concentration dont personne n'avait entendu parler jusqu'alors, et qui devinrent la preuve dont on avait précisément besoin, le flagrant délit à l'état pur, le crime contre l'humanité qui justifiait tout. On les photographia, on les filma, on les publia, on les fit connaître par une publicité gigantesque, comme une marque de stylo. La guerre morale était gagnée. La monstruosité allemande était prouvée par ces précieux documents. Le peuple qui avait inventé cela n'avait le droit de se plaindre de rien. Et le silence fut tel, le rideau fut si habilement, si brusquement dévoilé, que pas une voix n'osa dire que tout cela était trop beau pour être parfaitement vrai. " (2)
Avec Maurice Bardèche, l'existence des camps de la mort est mise, pour la première fois, en doute. Les Allemands, principaux accusés, deviennent les premières victimes. Les Juifs prennent le rôle des coupables, des menteurs et des manipulateurs. L'histoire est inversée. Ce retournement, Maurice Bardèche le poursuit par une critique vigoureuse des jugements du Tribunal de Nuremberg. En accablant les Alliés de lourdes charges et en dédouanant les Allemands de leurs responsabilités, l'auteur de Nuremberg ou la Terre promise veut parvenir à une nouvelle formulation des conclusions du tribunal de Nuremberg:
"Le vrai fondement du procès de Nuremberg, celui qu'on n'a jamais osé désigner, je crains bien que ce ne soit la peur: c'est le spectacle des ruines, c'est la panique des vainqueurs. Il faut que les autres aient tort. [...] C est l'horreur, c est le désespoir des vainqueurs qui est le vrai motif du procès. Ils se sont voilé le visage devant ce qu'ils étaient forcés de faire et pour se donner du courage, ils ont transformé leur massacre en croisade. [...] Etant tueurs, ils se sont promus gendarmes. [...] Pour excuser les crimes commis dans la conduite de la guerre, il était absolument nécessaire d'en découvrir de plus graves encore de l'autre côté. [...] Il y a donc un intérêt évident de la propagande britannique et américaine et, à un moindre degré, de la propagande soviétique, à soutenir les thèses des crimes allemands." (3)
Après s'être portée sur les Alliés, l'accusation de Maurice Bardèche s'applique aux résistants, à leurs témoignages. Son argumentation est simple: les résistants extrapolent afin d'acquérir une certaine considération de la société française; "Ils [43] ont intérêt [...] à étaler leurs souffrances" qui "se transforment facilement en places" (4). La mise en doute des témoignages des résistants s'étend tout naturellement à ceux des témoins "directs" de l'Holocauste appelés à comparaître à Nuremberg.
Afin de disculper l'Allemagne, Maurice Bardèche annihile la spécificité du crime hitlérien. En faisant un parallèle avec les camps de concentration soviétiques, l'écrivain entend prouver la "politique d'extermination de la délégation soviétique" (5). L'Union soviétique est intervenue au procès de Nuremberg pour accabler l'Allemagne et se décharger de ses crimes:
"Et si la délégation russe s'était servie du procès de Nuremberg pour un énorme montage de propagande, comme la délégation française ? [...] Mais qui peut contrôler ce que dit la délégation soviétique ? [...] Nous sommes très indignés des camps de concentration hitlériens, mais à la même époque, nous feignons d'ignorer les camps de concentration soviétiques, que nous découvrons, du reste, avec horreur dès que notre propagande y trouve un intérêt." (6)
Avec cette double remise en cause, Maurice Bardèche lance les bases de l'"argumentation révisionniste". Tous les "révisionnistes" s'interpellent sur les témoignages. Tous remettent en cause les conclusions du Tribunal de Nuremberg. Tous entendent prouver la bestialité du communisme.
Troisième et ultime étape de "l'argumentation révisionniste" de Maurice Bardèche: la mise en accusation des Juifs. Manipulateurs, comploteurs, dominateurs, les Juifs revêtent les plus terribles habits. Trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Maurice Bardèche accuse les Juifs d'avoir mis en oeuvre une immense tromperie, une des plus grandes du XXe siècle. Affublés du terme de "techniciens", les Juifs deviennent des êtres méticuleux, professionnels. Le raisonnement de Maurice Bardèche est limpide. En inventant de toutes pièces l'Holocauste, les Juifs entendent dominer le monde. L'imagerie antisémite d'une époque, qui semblait révolue, ressuscite. Les Juifs déploient leurs tentacules afin d'intégrer toutes les sphères de la société:
Le "révisionnisme" de Maurice Bardèche est avant tout un "révisionnisme" de disculpation. En blanchissant le régime national-socialiste, l'auteur de Nuremberg ou la Terre promise innocente l'Allemagne de ses crimes. Le IIIe Reich n'a jamais eu de volonté d'extermination à l'égard des Juifs. Les Juifs posent "problème" dans le sens où ils demeurent inassimilables. La solution s'inscrit dans un regroupement. A l'extermination des Juifs se substitue un déplacement vers l'Est du peuple juif. Maurice Bardèche qualifie de "modérées" et "raisonnables" les méthodes employées par les dirigeants du national-socialisme. Et si l'on a exterminé quelque chose, ce ne sont que des poux:
"Si la délégation française trouve des factures de gaz nocifs, elle se trompe dans la traduction et elle cite une phrase où l'on peut lire que ce gaz était destiné à "l'extermination", alors que le texte allemand dit en réalité qu'il était destiné à "l'assainissement", c'est-à-dire à la destruction des poux dont tous les internés se plaignaient en effet [...]. Il résulte clairement des pièces du procès que la solution du problème juif, qui avait eu l'approbation des dirigeants nationaux-socialistes, consistait uniquement en un rassemblement de Juifs dans une zone territoriale qu'on appelait la réserve juive: c'était une sorte de ghetto européen, une patrie juive reconstituée à l'Est, c'était cela que prévoyaient les instructions connues des ministres et des hauts fonctionnaires, et c'était cela seulement. [...] Et nous n'avons pas le droit d'en conclure davantage que le national-socialisme aboutissait nécessairement à l'extermination des Juifs: il proposait seulement de ne plus les laisser se mêler à la vie politique et économique du pays, et ce résultat pouvait être obtenu par des méthodes raisonnables et modérées. [...] ne sommes-nous pas victimes d'une propagande dont les effets peuvent être un jour terriblement préjudiciables au peuple français ?" (8)
[45]
L'année de la création d'Israël, Maurice Bardèche lance donc les bases du "révisionnisme". La première étape d'une négation de l'histoire prend forme en s'appuyant sur plusieurs points:
1 -- Les Juifs sont responsables de la Seconde Guerre mondiale.
2 -- Les alliés, et surtout les Juifs, ont inventé les camps de la mort. La raison est simple: les alliés veulent se dispenser de leurs propres crimes. Quant aux principaux responsables, les Juifs, ils veulent avant tout imposer leur domination. Manipulateurs avant tout, ils sont parvenus à monter de toutes pièces cette supercherie.
3 -- Les témoignages ne sont pas fiables. Emanant essentiellement de la bouche des communistes, ils ne peuvent l'être.
4 -- Les atrocités réclles du régime communiste ne doivent pas être oubliées. Les communistes extrapolent ce qu'ils ont vu afin de relativiser leurs crimes.
5 -- Les prétendues atrocités allemandes soi-disant découvertes par les alliés ne sont qu'une supercherie de leur part, qu'une invention pour trouver un coupable et pour justifier leur crime. Par la suite, la construction de fictives chambres à gaz (9) conforte la cruauté allemande.
6 -- Les atrocités commises dans les camps sont le fait des déportés.
7 -- A partir des premières défaites allemandes, les conditions de vie deviennent beaucoup plus difficiles dans les camps; ce qui crée une certaine désorganisation. La mortalité élevée dans les camps est essentiellement due à l'"affaiblissement" des détenus et aux épidémies, surtout le typhus.
8 -- A aucun moment, le régime national-socialiste n'a voulu exterminer les Juifs. Son projet s'inscrit dans un rassemblement des Juifs vers l'Est, dans la constitution d'une "réserve juive". Les crimes des dirigeants nazis et de leurs acolytes français sont des crimes ordinaires, inhérents à toute guerre.
9 -- Si l'on a gazé quelque chose à Auschwitz, ce ne sont que des poux. Sur la question des chambres à gaz, Maurice Bardèche ne se prononce pas franchement. Il laisse à Paul Rassinier le soin de le faire. [45]
Publié en octobre 1948 et tiré à 25.000 exemplaires, Nuremberg ou la Terre promise est considéré comme une apologie du meurtre. Après maintes tergiversations de la justice française, Maurice Bardèche se voit condamner, au printemps 1952, à un an de prison ferme et à 50.000 francs d'amende. Son livre est saisi et interdit à la vente. Cette interdiction devient la première d'une longue série. Elle n'empêche pas la diffusion de Nuremberg ou la Terre promise. Les bulletins, les revues extrémistes lui donnent un large écho. Le livre de Maurice Bardèche se vend sous le manteau. Bénéficiant de l'amnistie du président Coty, Maurice Bardèche ne fait que quelques jours de prison, à Fresnes, en juillet 1954.
Une des conséquences de la sortie de Nuremberg ou la Terre promise est la création de la propre maison d'édition de Maurice Bardèche. Il fonde les Sept Couleurs, titre d'un roman de Robert Brasillach. Cette maison d'édition permet surtout de faire paraître les écrits de Robert Brasillach. Deux livres de Paul Rassinier seront édités aux Sept Couleurs. Surtout, avec son livre, Maurice Bardèche acquiert un nouveau statut au sein de l'extrême droite française, voire internationale. Auréolé de sa condamnation et de la saisie de son livre, il voit sa renommée s'étendre. Comme le souligne François Duprat, ce livre "montre que l'extrême droite ''fasciste'' a trouvé son leader intellectuel" (10). Devenu incontournable, Maurice Bardèche entre par la grande porte chez les fascistes:
Malgré les ennuis juridiques consécutifs à la sortie de son premier livre, Maurice Bardèche ne désarme pas. Deux ans plus tard, il réitère ses propos dans un autre ouvrage, édité aux Sept Couleurs. Nuremberg II ou les Faux-Monnayeurs conforte le "révisionnisme" de l'écrivain fasciste et parvient à des conclusions identiques, malgré un style différent. Des années plus tard, Maurice Bardèche écrit Qu'est-ce que le fascisme ?, ouvrage dans lequel il isole l'idéologie fasciste de toutes ses manifestations historiques afin d'atteindre un fascisme pur, idéal. Mais c'est surtout par sa revue, Défense de l'Occident, lancée en 1952, que l'écrivain fasciste se consacre à la question du "révisionnisme". Les noms de Paul Rassinier, Robert Faurisson, [47] Thies Christophersen et d'autres figurent dans les sommaires du mensuel. Pendant trente ans, Défense de l'Occident s'attache à faire connaître les thèses "révisionnistes" (12).
La guerre des Six Jours représente une première étape dans l'évolution de l'instrumentalisation de l'histoire. Diffusées et exploitées par l'extrême droite française dans les années soixante, les thèses "révisionnistes" répondent à un antisémitisme et à un anticommunisme soutenus. L'antisionisme divise l'extrême droite des années soixante.
En 1967, l'extrême droite antisioniste n'est pas majoritaire. Ce sont essentiellement trois organes de presse d'extrême droite qui manifestent leur antisionisme: Défense de l'Occident, Lectures françaises d'Henry Coston et Le Soleil de Pierre Sidos. Les thèses "révisionnistes" sous-tendent leur démarche: le sionisme devient mystificateur (les Juifs ont menti pour créer leur Etat), colonialiste et raciste (les Juifs ont expulsé les Palestiniens pour cultiver leur propre terre) et conspirationniste (l'Etat d'Israël devient l'image du centre d'une conspiration juive). En juin 1967, "Le mystère des chambres à gaz" (13) -- article de François Duprat -- paraît dans Défense de l'Occident. A la veille de la guerre des Six Jours les thèses "révisionnistes" sont de plus en plus accolées aux textes dénonçant la puissance des Juifs et l'Etat d'Israël. C'est véritablement dans les années soixante que l'antisionisme d'extrême droite révèle son véritable dessein: la lutte contre l'Etat d'Israël. L'antisémitisme sous-tend ce discours.
Le soixante-quatrième numéro de la nouvelle série de Défense de l'Occident paraît en juillet 1967. Réalisé par François Duprat, ce numéro spécial sur "L'agression israélienne" est exemplaire pour illustrer la triple utilisation discursive, antisionisme, "révisionnisme" et antisémitisme. François Duprat signe la majorité des articles. Paul Rassinier y écrit son dernier papier (14). La guerre des Six Jours, outre les données inhérentes au conflit, amène ce changement fondamental dans la rhétorique révisionniste: la cause palestinienne devient la nouvelle cause à défendre. L'Etat d'Israël revêt l'image d'un Etat raciste. Le thème des Allemands, nouvelles victimes, n'est pas abandonné mais est exploité différemment. Dans les années quatre-vingt, Robert Faurisson parachève cette double défense Palestiniens et Allemands (15).
Le thème des Palestiniens apparaît véritablement avec François Duprat. Les Juifs se voient doublement incriminés. Ils sont accusés d'avoir menti et d'avoir expulsé les Palestiniens de leur territoire. Le discours devient offensif, haineux. [48] L'arrivée de François Duprat au sein de l'équipe de Défense de l'Occident doit être considérée comme un véritable tournant. Violemment antisioniste et antisémite, cet homme issu d'une autre génération apporte une nouvelle jeunesse à l'équipe de Maurice Bardèche. François Duprat épouse immédiatement les thèses "révisionnistes". Il ne s'en cache pas. Utilisées pour déstabiliser Israël, elles deviennent consubstantielles à ses propos. Antisionisme, antisémitisme et "révisionnisme", triptyque du discours d'extrême droite? La guerre des Six Jours permet à ce triptyque de s'installer durablement dans le discours extrémiste. François Duprat en est l'initiateur:
Pro-arabe, François Duprat l'est davantage par obligation idéologique que par conviction. Le combat qu'il mène en faveur des Arabes se concrétise par la création, de son propre chef, du Rassemblement pour la libération de la Palestine. Ce pro-arabisme d'extrême droite constitue un antisémitisme déguisé. Son sentiment pro-palestinien devient la quatrième composante de son discours. Les termes de "solution finale" apparaissent. Les Juifs sont accusés de la pratiquer à l'égard des Arabes. Mais François Duprat le précise. Là, il s'agit véritablement d'un génocide. Les termes propres à la politique d'extermination nazie subissent un renversement imparable:
"Mais une telle politique d'expansionnisme belliqueux, est inséparable de la nature même de l'Etat juif, et, cela, depuis sa création. Bâti sur une injustice et sur un véritable génocide (car l'expulsion de tout un peuple de sa patrie est un génocide, au même titre que son extermination), Israël poursuit, grâce au soutien inconditionnel de la juiverie internationale, sa "Solution Finale" du problème arabe. Et, à la différence de la solution finale des SS du IIIe Reich, il est bien question là d'une liquidation globale du fait arabe au sein de l'Etat juif. En droit comme en fait, Israël, oiseau de proie au Moyen-Orient, est une construction artificielle, vaine et mensongère, qui disparaîtra tôt ou tard." (17)
[49]
Trois organes importants de presse de l'extrême droite française, Rivarol, Ecrits de Paris et Minute, doivent être mis à part pour leur attitude pro-israélienne. Fondé en 1962, l'hebdomadaire Minute occupe une position paradoxale dans la presse d'extrême droite. Anti-arabe, anti-gaulliste et anticommuniste, Minute reprend les thèmes chers à une certaine extrême droite française. Comme le souligne François Duprat l'attitude du journal "encore plus pro-israélienne que celle de Rivarol n'est pas forcément appréciée par tous les mouvements nationaux" (18). Le mensuel Ecrits de Paris, dirigé par René Malliavin depuis sa création, développe les thèses et les thèmes communs de Rivarol depuis de longues années. Dès 1956, Michel Dacier (pseudonyme de René Malliavin) exprime son soutien inconditionnel à Israël et résume à merveille la position de cette extrême droite. Deux raisons fondamentales l'expliquent. La première s'inscrit dans la haine des Arabes. L'anticommunisme génère la seconde. Israël est avant tout perçue comme un rempart occidental contre le communisme. A ces deux raisons s'ajoute une troisième, beaucoup plus ambiguë. Bien qu'elle soit source d'inquiétude, la terre d'Israël fascine. Quant à Rivarol, connu dans les années soixante pour sa position pro-israélienne, François Duprat la considère en réalité comme "anti-soviétique" (19). Pourtant, l'organe de presse de René Malliavin accueille dans ses tribunes des collaborateurs antisionistes tels Maurice Bardèche et François Duprat. Sa collaboration avec Paul Rassinier, dès 1962, classe Rivarol parmi les journaux ne désapprouvant pas les thèses "révisionnistes". Ces gestes conciliant de Rivarol marquent le début d'une évolution. Dès les années soixante, le discours "révisionniste" est utilisé timidement par les journalistes de cet hebdomadaire. Lorsque un journaliste aborde la "question israélienne", le problème du nombre de victimes juives, "ces six millions de morts remis sur le tapis" (20), se pose rapidement. Surtout, les Juifs parviennent à dominer les Palestiniens, les Arabes. Le traumatisme de la perte de l'Algérie française est encore très présent. La haine des Arabes y est inhérente. Quand Henri Lebre prétend que les statistiques montrent, "et c'est encore plus grave, que les Arabes, en Israël et dans les pays arabes, ont un excédent de naissances nettement supérieur à celui des Juifs citoyens d'Israël" (21), le journaliste lance un des arguments qui conduit Rivarol à épouser cette position vis-à-vis d'Israël. Pour l'extrême droite, la haine de l'Arabe est consubstantielle à celle du communisme (22).
La thèse générale de Rivarol -- Israël, bastion contre le communisme -- est décriée par une catégorie de lecteurs qui [50] perçoivent Israël comme symbole de la puissance juive. Racistes et antisémites, ils parviennent à conjuguer leur double haine parfaitement explicable selon eux. En premier lieu, ils rejettent la faute initiale sur les Anglo-Américains qui ont "installé", en 1948, les Juifs sur une terre déjà occupée par les Palestiniens. Bien qu'anti-palestiniens, ils ne peuvent accepter la mainmise juive et les exactions qui ont suivi. L'antisémitisme sous-tend l'argumentation. La preuve de la puissance juive se démontre sur un double niveau: en Israël, les Juifs sont parvenus à spolier des terres. En Occident, ils se sont infiltrés partout. La position d'Israël revêt donc un côté positif au moins pour un fait: plus les Juifs sont éloignés de l'Occident, et plus particulièrement de la France, moins ils viendront envahir nos pays:
L'été 1967 marque la coupure du premier âge du "révisionnisme". La guerre des Six Jours, en juin, et la mort de Paul Rassinier, un mois plus tard, représentent un véritable point de rupture chronologique.
Déclenchée le 5 juin 1967, la guerre des Six Jours est déterminante sur plusieurs points. Inauguré par la crise de Suez, le nouveau visage des Israéliens prend ses formes définitives pour une grande partie de l'opinion.
Surtout, la guerre des Six Jours augure "[...] l'ère des métamorphoses du discours antijuif. Les reformulations du complot juif mondial ("complot sioniste") y côtoient la démonologie "antisioniste" et l'entreprise "révisionniste" aux multiples figures" (25). Pendant les années soixante-dix, la mutation du discours "révisionniste" s'opère dans l'antisionisme, substitut d'un antisémitisme politique déguisé.
Pleine de ressentiments, l'extrême droite révise l'histoire pour asseoir son idéologie. La réécriture de l'histoire présente de véritables enjeux. Le fait qu'elle débute en 1948, année de la création d'Israël, n'est pas une coincidence. L'antisionisme stimule les premières révisions extrémistes. Plus précisément, I'antisionisme permet de réintroduire l'antisémitisme dans un contexte d'après-guerre hanté par le souvenir du génocide, fermé à toute résurgence de haine à l'égard des Juifs. En une vingtaine d'années, le discours "révisionniste" se structure. Pour les ultras, le contexte de la guerre froide permet peu à peu la mise en exergue des méthodes communistes et, par conséquent, la relativisation des méthodes nazies
Marginal à ses débuts, le "révisionnisme" trouve dans l'extrême droite française son auditoire idéal, dans les Juifs ses victimes parfaites et dans des hommes tels Maurice Bardèche ou Paul Rassinier des représentants inespérés. Théoriciens du discours "révisionniste", ces hommes marquent différemment le premier âge du "révisionnisme". Maurice Bardèche ne peut endosser l'image du premier "révisionniste" français que son parcours, ses fréquentations, ses sensibilités politiques auraient compromis à jamais. Il encourage Paul Rassinier à persévérer dans sa dénonciation, publie deux ouvrages de l'ancien déporté dans sa maison d'édition et intègre la défense des thèses "révisionnistes" et leur diffusion dans Défense de l'Occident.
Le "révisionnisme" ultra est avant tout l'expression d'un antijudaisme radical. Le couplage rhétorique dénonciation/accusation est inhérent à la relecture de l'histoire. Si les ultras instrumentalisent de la sorte l'histoire de l'après-guerre c'est qu'ils ne peuvent accepter le partage, établi par les vainqueurs, qui se dessine sous leurs yeux. Le "révisionnisme" de l'extrême droite française réhabilite et légitime un régime et une idéologie bannis. Corrélativement, il désire mettre à bas la nouvelle idéologie née à l'issue de la Seconde Guerre mondiale: l'antifascisme.
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Peu à peu, une double inversion prend forme: l'inversion des responsabilités dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale et l'inversion victimaire Ce sont les Juifs qui sont à l'origine du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. En inventant de toutes pièces le génocide, ils ont créé des conditions favorables à la création de leur Etat. Le complot juif mondial transparaît. La substitution du sionisme au nazisme prend alors toute sa signification. La phraséologie "révisionniste" amalgame les méthodes des Juifs à celles des nazis. Loin d'être les principales victimes, les Juifs deviennent les nouveaux bourreaux du XXe siècle. A travers ce type de discours transparaît un fait fondamental: l'Allemagne sort totalement dédouanée de l'histoire "révisionniste". La volonté d'extermination hitlérienne n'existe pas. Surtout, les Allemands sont désignés, dans la première phase du discours "révisionniste", comme les principales victimes du génocide pour l'argent qu'ils versent à Israël en vue de réparations. Cette double dénonciation-accusation arrive à complète maturité des années plus tard. C'est Robert Faurisson qui la formule d'un trait lorsqu'il affirme que "les prétendues ''chambres à gaz'' hitlériennes et le prétendu génocide forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie financière dont les principaux bénéficiaires sont l'Etat d'Israël et le sionisme international et les principales victimes, le peuple allemand -- mais non ses dirigeants -- et le peuple palestinien tout entier".
Initiatrice des thèses "révisionnistes", l'extrême droite française se charge aussi de les diffuser et de les instrumentaliser. Nombreux sont les groupuscules qui intègrent très tôt les thèses "révisionnistes" dans leurs discours (26). Pour eux, le génocide juif représente une barrière idéologique à briser. Pendant les années soixante-dix, des groupuscules d'extrême droite comme l'Oeuvre française de Pierre Sidos ou la Fédération d'action nationale européenne de Marc Fredriksen développent un antisionisme outrancier, paravent de l'antisémitisme. Quelques années plus tard, le "révisionnisme" fait partie intégrante de leurs thèses. Considéré comme l'héritier idéologique de Maurice Bardèche, François Duprat assume entièrement, tout comme son prédécesseur, son idéologie. Cette future tête pensante du Front national diffuse les thèses "révisionnistes" au sein de l'extrême droite française et internationale.
Né en 1941 à Ajaccio, François Duprat commence très tôt sa carrière de militant. Trotskiste à l'âge de seize ans, puis [53] repenti, il reste peu de temps à l'Union de la gauche socialiste. Quelque temps après, il se prononce en faveur de l'Algérie française et milite au mouvement Jeune Nation, dès 1958 En 1960, il est cofondateur de la Fédération des étudiants nationalistes, la FEN. Deux ans plus tard, François Duprat signe un article sous le pseudonyme de François Solchaga ou plus précisément "un compte rendu des activités négationnistes de Harry Elmer Barnes et A.-J.-P. Taylor (27)" dans Paris-DroitUniversité, journal lié à la FEN. Parallèlement, il collabore à Rivarol (28). Après s'être battu pour l'OAS et avoir été emprisonné, François Duprat passe une licence d'histoire. En 1964 (29), il entre au bureau politique d'Occident en tant que responsable de la propagande. Il en est exclu trois ans plus tard. Ses premières armes littéraires, il les forge à Défense de l'Occident (30). En 1969, François Duprat encourage la fondation d'Ordre nouveau et devient un de ses dirigeants. En 1972, il crée les Groupes nationalistes-révolutionnaires, GNR, en marge du Front national, qui, "de tendance et de formation néo-fasciste, tout en gardant une existence et une activité distincte du Front national, étaient de fait intégrés dans le mouvement de Le Pen; ils lui rendaient des services en France et servaient de liaison avec les groupes néo-fascistes de différents pays en Europe, liaison que le Front national maintient jusqu'à nos jours (31)". Selon lui, l'extrême droite française ne peut gagner du terrain que si elle s'unifie. C'est pourquoi il s'implique, aux côtés d'hommes comme François Brigneau, dans la création d'un parti unificateur: le Front national.
En 1974, un an après la dissolution d'Ordre nouveau François Duprat entre au Front national. De l'automne 1974 au printemps 1978, il sera président de la Commission électorale du Front, membre du comité de rédaction du National, inspecteur régional pour la Normandie et membre du Bureau politique. Le président du Front national est au courant des diverses tâches attribuées à François Duprat. Surtout, il n'ignore pas la présence de la tendance néo-fasciste, animée et introduite par François Duprat au sein du Front national, les Groupes nationalistes-révolutionnaires. Bien que marginaux au sein du Front national, les GNR y occupent une place théorique relativement importante. En juin 1974, Jean-Marie Le Pen déclare aux lecteurs des Cahiers européens que "la place des nationalistes-révolutionnaires est au sein du FN, qui autorise la double appartenance et respecte les choix idéologiques de ses adhérents " (32), En ces années, le Front national se doit de récupérer un maximum de militants. En élargissant considérablement la base idéologique de son parti, Jean-Marie Le Pen [54] accepte inévitablement des tendances idéologiques ultras marginales. François Duprat pense que les nationalistes-révolutionnaires doivent s'intégrer dans la mouvance large de l'Opposition nationale. "Le Front national, dont les structures fédératives souples sont les plus susceptibles de permettre une collaboration organique" (33) offre cette opportunité. Les GNR sont très proches de l'équipe de Militant, alliée au Front national dès ses origines. Militant, qui paraît depuis 1967 tous les mois, représente la tendance "nationale-européenne" du Front national. Directeur politique de la revue, Pierre Bousquet, ancien SS, était un des sept membres du bureau politique du Front national en 1972 et sera candidat aux élections, sous l'étiquette FN, plusieurs fois. Il est assisté de Pierre Pauty, rédacteur en chef.
A ce moment, François Duprat est à la tête de plusieurs publications: la Revue d'histoire du fascisme, dont il est le directeur et Les Cahiers européens qu'il dirige avec Alain Renault. En octobre 1974, la revue de François Duprat se fond dans celle de la Fédération d'action nationale et européenne, la FANE, de Mark Fredriksen. Les Cahiers européens hebdo deviennent Les Cahiers européens-Notre Europe. Marc Fredriksen est codirecteur de la publication. Ses deux rédacteurs en chef, Alain Renault et François Duprat, aspirent à la création d'un grand parti nationaliste-révolutionnaire. Ils proposent, par le biais de ce périodique, un "service librairie" évocateur. Parmi les livres présentés figurent Mein Kampf, d'Adolf Hitler, Nous autres racistes de G.-A. Amaudruz ou Qu'est-ce que le fascisme ? de Maurice Bardèche. En février 1976, le "service librairie" des Cahiers européens-Notre Europe s'enrichit de deux nouvelles brochures, désormais célèbres dans la littérature négationniste. La première s'intitule Le Mensonge d'Auschwitz. Elle émane d'un ancien SS d'Auschwitz, Thies Christophersen. Six millions de morts le sont-ils réellement ?, la seconde brochure, a pour auteur Richard Harwood, alias Richard Verral du National Front britannique. Si François Duprat introduit cette brochure en France, et s'il la diffuse, c'est qu'elle "constitue une réfutation irréfutable d'un mythe, avec une efficacité surpassant l'impact des travaux de Rassinier (34)". En 1976 -- année de la fusion entre la FANE et les GNR --, la tendance nationaliste-révolutionnaire entend avant tout "rompre le mur du mensonge" (35). La librairie des Cahiers européens-Notre Europe, son outil de diffusion théorique, vient combler une place vacante dans la diffusion des idées "révisionnistes":
[55]
En 1976, François Duprat représente bien plus qu'un médiateur, il devient un passeur idéologique. Fournisseur attitré de la propagande "révisionniste", il distribue par le biais de ses différents journaux les écrits "révisionnistes" en France et à l'étranger.
Le 18 mars 1978, entre les deux tours des législatives, François Duprat est tué dans l'explosion de sa voiture. Son ascension fulgurante s'arrête net. Outre ses collaborations à Défense de l'Occident et à Rivarol, François Duprat avait écrit, entre autres, dans les Cahiers universitaires, Le Soleil, Europe Action, Occident-Université, Le Combat européen, Le National et Militant. Il est l'initiateur des revues Les Cahiers européens, la Revue d'histoire du fascisme et Année Zéro. Il est l'auteur de Histoire des SS (37), Les Campagnes de la Waffen SS, L'Ascension du MSI (édités aux Sept Couleurs, maison d'édition de Maurice Bardèche) et des Mouvements d'extrême droite en France depuis 1944. Il venait de réussir à accentuer un peu plus la coloration antisémite et "révisionniste" du Front national avec la présentation de Mark Fredriksen aux législatives en juin 1978, dans la seconde circonscription de la Seine-Saint-Denis, sous l'étiquette du parti de Jean-Marie Le Pen. François Duprat achevait un ouvrage sur le financement des partis politiques, Argent et politique. Sa mort demeure aujourd'hui inexpliquée, aucune piste n'ayant abouti. [C'EST POURTANT TRES SIMPLE A RESOUDRE...]
Les obsèques de François Duprat sont célébrées selon le rite Saint-Pie V à Saint-Nicolas-du-Chardonnet par Monseigneur Ducaud-Bourget, chargé de l'office. Ce dernier résume la vie du défunt dans cette phrase éloquente: "François Duprat était un exemple de dévouement et de maintenance de tout ce qui est noble et beau." (38) Toute la presse d'extrême droite est au rendez-vous. Jean-Marie Le Pen et Alain Renault se révèlent extrêmement touchés par le décès de leur ami. Le dirigeant du Front national perd plus qu'un militant actif. [56] Rivarol rend compte de l'émotion de Jean-Marie Le Pen. Citant Robert Brasillach, Jean-Marie Le Pen évoque la mort de son ami en ces termes:
Mort à trente-sept ans, François Duprat devient le "martyr de la droite nationale" (40).
En avril 1978, la mort de François Duprat occupe une grande place dans Le National, journal officiel du Front national (41). Un "hommage à François Duprat", article non signé, mérite l'attention. Ce ne sont plus des allusions mais des phrases dénuées de toute ambiguité qui parlent du "combat" de François Duprat et de ses incidences sur le Front national:
Depuis la mort de François Duprat, Jean-Marie Le Pen se rend, avec sa fidèle équipe, tous les 18 mars, sur la tombe de son ami, "le penseur puissant de la jeune droite révolutionnaire, journaliste de talent et de courage, militant infatigable et efficace" (43). Quelques mois après sa mort, la veuve de François Duprat signifie, dans Le National (44), que son mari a toujours été fidèle au Front national et n'a jamais envisagé de réviser sa [57] position à l'intérieur de ce parti. Au seuil des années quatre-vingt, les sentiments de Jean-Marie Le Pen à l'égard de son ami se font plus discrets. Bien que vénérée, l'image de François Duprat est occultée par le président du Front national. En décembre 1980, la veuve de François Duprat rappelle, dans le journal Militant, la place que son mari occupait au sein du Front national. Surtout, elle corrige avec fermeté certaines déclarations de Jean-Marie Le Pen tendant à affirmer que François Duprat avait dissous, sur l'ordre du président du Front national, les GNR dès 1977. Corrélativement, elle remarque très justement que le nom de son mari ne figure pas dans la liste "des victimes droitières du terrorisme évoquées par Jean-Marie Le Pen dans son discours de La Trinité" (45). A cette époque, l'obsession de Jean-Marie Le Pen est déjà le gain d'un électorat de masse. Le Front national se doit d'adopter une façade respectable.
La mort de François Duprat a comme première conséquence la disparition des GNR. C'est à ce moment que le Front national entame une nouvelle évolution idéologique, indispensable pour l'évolution de son parti. Après le décès de François Duprat, la FANE et l'équipe de Militant quittent le Front national. L'émergence médiatique de la "Nouvelle Droite", l'arrivée au Front national de la fraction "Union solidariste" et le renouveau de l'intégrisme catholique sont alors les trois facteurs politiques qui entraînent le parti de Jean-Marie Le Pen à modifier ses thèmes de mobilisation et ses méthodes de recrutement (46). Dans l'immédiat, les "solidaristes", essentiellement incarnés par Jean-Pierre Stirbois confèrent une nouvelle ligne au parti de Jean-Marie Le Pen. Cette mutation officielle n'empêche pas certains membres du Front national de continuer à soutenir les thèses de Robert Faurisson.
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Fin de la première partie. Les notes sont à la fin de la troisième et dernière partie. Les chiffres entre crochets donnent la pagination originale. Les incises en lettres capitales sont de la rédaction d'AAARGH.
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