AAARGH
[Note de
l'AAARGH: Finkelstein a un site web où l'on trouve le dossier
de son livre: http://www.normanfinkelstein.com/index.html]
L'été dernier, après la publication de L"Industrie de l'holocauste de Norman Finkelstein en anglais, on a parlé d'un débat en Allemagne autour de Finkelstein. Maintenant que le livre a été publié en traduction allemande, cela va peut-être recommencer. Mais il est difficile de comprendre ce qui, dans L"Industrie de l'holocauste, peut faire l'objet d'un débat, maintenant ou alors.
Que les plaignants aient souvent gonflé les chiffres dans les négociations avec les banques suisses et les entreprises allemands est difficilement "contestable". Les choses se sont passées ainsi, c'est un fait pur et simple, de même que de l'autre côté, on a minimisé les chiffres. De même, il est incontestable qu'une tactique de pression extrêmement lourde a été mise en _uvre, parfois, au nom des plaignants, en réponse à l'intransigeance et aux manoeuvres dilatoires des banques et des entrerpises. On regrette certainement que les négociations n'aient pas été menées autrement, et, particulièrement, que toute cette affaire n'ait pas té liquidée il y a quarante ou cinquante ans. Mais voilà, ça n'a pas été fait: encore un fait incontedstable. Quoi qu'il en soit, tout le monde est au courant et le regrette vivement mais il n'y a rien là qui puisse faire l'objet d'un débat.
Quant aux affirmations précises de Finkelstein sur les réparations et les restitutions, et sur d'autres questions aussi, la réponse appropriée n'est pas un "débat" (excitant) mais l'examen (fastidieux) de ses sources. Et il ressort de cet examen que ses affirmations ne sont bien souvent que des affabulations.
Une de ces affirmations les plus étonnantes est que le Congrès juif mondial "a amassé au moins à sept milliards de dollars de restitutions". La source de Finkelstein pour cette révélation étonnante est un article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung qui rapportait le fait, tout à fait banal, que le congrès juif mondial discutait de la façon dont ces sommes pourraient être réparties quand elles auraient été payées. Ce n'est une simple négligence de la part de Finkelstein, puisqu'il savait en écrivant cette phrase que le Congrès juif mondial n'avait absolument rien reçu: c'est donc une tromperie volontaire (on pourrait multiplier les exemples. Il ne faut considérer comme faits aucun de ceux que Finkelstein donne comme tels, comme exacte aucune citation de son livre, tant qu'onn'a pas pris la peine de comparer soigneusement ce qu'il affirme avec les sources qu'il cite.)
Ou alors, l'objet du débat autour de Finkelstein, c'est peut-être sa thèse d'ensemble, dont la discussion sur les réparations et les restitutions n'est qu'une illustration? Cette thèse générale est clairement exposée dans son livre et on peut la résumer facilement: "Les dirigeants juifs américains ont construit avec cynisme une "industrie de l'holocauste" pour servir leurs intérêts égoïstes", dit Finkelstein Quiconque connaît la croisade de toujours que mènre l'auteur contre Israël ne sera pas surpris qu'au premier rang de ces intérêts figure "la justification de la politique criminelle de l'état d'Israël." Mais créditer les "dirigeants juifs américains" de sincérité dans leurs préoccupations concernant Israël serait, à son avis, une erreur. Pour lui, ces dirigeants sont, en réalité, les instruments serviles de l'impérialisme américain. Ils ne se sont mis à soutenir Israël que lorsque ce pays est devenu un outil obéissant aux mains des politiciens américains et l'abandonneraient immédiatement s'il cessait d'être un "avantage stratégique" pour les Etats-Unis.
"L'industrie de l'holocauste sert aussi des objectifs de politique intérieure américaine", dit Finkelstein. En gardant présent le souvenir de l'holocauste, les juifs américains se garantissent contre "une critique justifiée" de leur récent virage politique à droite". Mais, ici aussi, nous dit-on, il ne faudrait pas croire que les "dirigeants juifs américains" sont animés d'une préoccupation sincère concernant le bien-être ou la réputation des juifs américains: "Si les cercles dirigeants américains désignaient les juifs comme boucs émissaires, nous verrions sans surprise les dirigeants juifs américains agir exactement comme l'ont fait leurs prédécesseurs pendant l'holocauste nazi... Des juifs conduiraient d'autres juifs à la mort." [Note de l'AAARGH: ici nous prenons Novick en flagrant délit de fausse citation. Finkelstein écrit dans sa conclusion: "Et si les cercles dirigeants des Etats-Unis décidaient de faire des juifs leurs boucs émissaires, nous ne serions pas surpris de voir les dirigeants juifs américains se comporter exactement comme leurs prédécesseurs pendant l'holocauste nazi. "Nous ne pensions pas que les Allemands utiliseraient les juifs, que les juifs conduiraient des juifs à la mort", rappelle Yitzhak Zuckerman, un des chefs de l'insurrection du ghetto de Varsovie "]
L'argument ultime du livre de Finkelstein est que "les dirigeants juifs américains" conspirent exclusivement dans leur propre intérêt qui est de se remplir les poches et de "même de pénétrer dans le saint des saints du gouvernement américain". Pour les élites juives américaines L'Holocauste remplissait la même fonction qu'Israël: un pion parmi d'autres, d'une valeur inestimable, dans le jeu de la conquête du pouvoir., dit Finkelstein. Pour lui, on ne peut comprendre quel est l'enjeu véritable de toute l'affaire des réparations et des restitutions que si l'on admet l'existence d'une conspiration très ancienne des "élites juives".
Je n'aurais pas cru qu'il se trouverait des Allemands pour prendre au sérieux cette version moderne des Protocoles des Sages de Sion. Je me trompais: l'été dernier, l'auteur du compte rendu dans la FA a comparé l'auteur du livre à Hznnh Arendt, ajoutant que la lecture de ce livre faisait le même effet "qu'ouvrir une fenêtre pour laisser entrer une soudaine bouffée d'air frais".
Il s'est trouvé des gens, en Allemagne, pour dire qu'il était "interdit" aux Allemands de parler des thèmes soulevés par le livre. En tant qu'étranger, j'hésite à donner mon opinion sur la façon dont les Allemands mènent leur discours public mais je dois dire, néanmoins, que je m'oppose à ce qu'ils classent certains sujets comme "interdits" ou "hors-limites". Et cela s'applique particulièrement aux questions qui touchent le souvenir de l'holocauste.
La relation de l'Allemagne à l'holocauste et à son souvenir n'est pas "donnée", ni gravée dans la pierre mais, comme pour n'importe quelle relation entre une collectivité et son passé, elle fait l'objet d'une remise en cause et d'un nouvel examen en permanence. Parmi les juifs américains, la remise en cause et le réexamen de notre façon de traiter le souvenir de l'holocauste est à l'ordre du jour depuis un certain temps, ce qui a provoqué un débat animé. Les deux situations sont très dissemblables, évidemment, mais beaucoup d'enjeux identiques sont en cause. Avec le passage du temps, qu'est-ce qui doit changer, qu'est-ce qui ne doit pas changer dans notre relation au souvenir? Comment peut-on trouver le juste milieu entre l'oubli et l'obsession? Quel devrait être la place de ce souvenir parmi d'autres souvenirs du passé collectif? Si nous avons commis des erreurs dans la construction de notre souvenir de l'holocauste, comment en tirer les leçons pour faire mieux à l'avenir?
Des deux côtés de l'Atlantique la discussion de ces thèmes ne devrait pas être "interdite". Au contraire, on ne peut que la souhaiter. Mais la charge de Finkelstein n'e contribue pas à cette discussion, elle s'y soustrait.
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