LES GRANDS FEUILLETONS DE L'AAARGH
1/
[7]
AVANT-PROPOS
En fin de matinée, ce vendredi 22 décembre 2006, je me préparais à partir pour le week-end de Noël lorsqu'on sonna à la porte de mon domicile. Ma secrétaire m'avisa de ce qu'un huissier souhaitait me voir pour me remettre une assignation. Surpris, je gagnai la petite entrée [C'est l'entrée de service, réservée à la domesticité] où se tenait sur le pas de la porte un monsieur fort courtois qui me remit une citation à comparaître devant le tribunal de grande instance de Paris, le 17 janvier 2007, « à la requête de M. Faurisson », me précisa-t-il aussitôt. Je signai l'original de l'acte et l'aimable huissier s'en fut.
La lecture de l'exploit me laissa fort étonné : par son contenu, que le lecteur trouvera en annexe ; par les faits évoqués, qui remontaient pour partie à vingt-cinq années ; parce que cette affaire devait être plaidée à jour fixe, à bref délai. Comme si l'atteinte à l'honneur de M. Faurisson appelait un débat immédiat et méritait de passer en priorité devant la longue file de plaideurs qui attendaient leur tour pour obtenir justice.
Je relevai aussi le moment précis où l'on avait remis l'assignation. Car il était fort possible que le vendredi 22 décembre à midi, alors que s'ouvrait la période de Noël, je ne sois pas à mon domicile, comme tant de Parisiens. L'exploit aurait
[8] donc été remis à la poste où il aurait attendu mon retour. Or le délai légal de dix jours dont dispose le défendeur pour dénoncer le nom des témoins et les documents qu'il entend produire à l'appui de sa cause court aussi pendant ces jours fériés. Aurais-je été absent ce matin-là, mes moyens de défense en auraient sans doute souffert.
Mais les bonnes fées judiciaires veillaient. J'étais à mon domicile. Et, mieux encore, mon ami, Me Bernard Jouanneau, se trouvait lui aussi présent à Paris. Spécialiste réputé du droit de la presse, Bernard Jouanneau est depuis trente ans un adversaire acharné du négationnisme du génocide juif pendant la Seconde Guerre mondiale. Nul plus que lui n'a démonté les rouages du négationnisme ni mis au jour ses mensonges. Que je lui confie ma défense dans un tel procès allait de soi. Qu'il y mît tout son talent, son savoir et son amitié, j'en étais sûr.
Me Henri Leclerc, défenseur passionné des justes causes, et Me Rasle, avocat d'Arte, cité aussi par M. Faurisson, devaient compléter ma défense devant le tribunal. Je les en remercie chaleureusement.
Me Jouanneau déploya aussitôt une activité prodigieuse. En quelques jours, il réussit à construire les fondements d'une défense solide et à préparer l'audience de vérité que nous souhaitions.
À la lecture de l'assignation, il nous était apparu que le procès initié par Faurisson pouvait nous donner l'occasion unique de faire entendre, sous la foi du serment, des historiens de la plus haute compétence sur l'histoire du génocide juif pendant la Seconde Guerre mondiale. [Cette compétence est évidemment une vaste source de rigolade, comme nous le verrons par la suite.] Nous décidâmes donc de transformer un banal procès en diffamation en forum de l'histoire, et de faire rayonner la vérité, [ou la fabrication qui porte indûment ce nom] à partir du prétoire, bien au-delà du cadre procédural où M. Faurisson entendait le situer. [On a ici l'aveu d'un véritable détournement de procédure, dont ce livre est le plus consternant témoignage].
Ainsi en fut-il. Les dépositions des historiens qui acceptèrent de venir témoigner à la barre, ce dont je leur sais gré,
[9] sont reproduites dans cet ouvrage. S'y ajoutent les conclusions du ministère public, d'une grande portée juridique et morale, qui concluent au débouté de M. Faurisson. Les plaidoiries, si riches d'intérêt, et parfois si émouvantes, des trois avocats de la défense sont jointes avec les documents produits aux débats.
J'aurais souhaité que les déclarations de M. Faurisson et la plaidoirie de son avocat, également sténotypées, paraissent aussi dans cet ouvrage. Ils ont refusé. Dont acte. Ma réplique aux propos initiaux de M. Faurisson n'avait dès lors plus de raison d'être publiée. Le souci de respecter le principe du contradictoire, règle d'or du procès équitable, commandait cette réserve. Il était indispensable, en revanche, que le lecteur puisse connaître le texte du jugement rendu par le tribunal de Paris, qui a débouté M. Faurisson et l'a condamné aux frais du procès. Ce jugement, n'ayant pas été frappé d'appel, est maintenant définitif.
Bien au-delà de la décision qui a clos ce singulier épisode judiciaire, les textes publiés ici serviront la cause de la vérité sur le processus d'extermination des juifs européens perpétré par Hitler et les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. [Notons la mégalomanie du personnage.] Ce procès aura constitué ainsi un acquis précieux pour les historiens de demain et les lecteurs d'aujourd'hui.
R. B.
[11]
L'audience est ouverte le 12 mars 2007 à 9 heures.
M. le président : Le tribunal est
saisi d'une action civile à la demande de Robert Faurisson,
qui a délivré une assignation (1) selon la procédure
à jour fixe à Robert Badinter et au groupement européen
d'intérêt économique Arte ainsi qu'à
monsieur le procureur de la République, qui est présent
aujourd'hui à cette audience civile.
Les parties sont présentes. Un certain nombre de témoins
ont été cités. Madame l'huissier, quels sont
ceux de ces témoins qui sont présents ?
Mme l'huissier : Cinq témoins sont présents.
M. le président : Les parties qui ont fait citer ces témoins pourraient nous indiquer ce qu'il en est ?
Me Jouanneau : Leurs obligations les empêchaient les uns et les autres d'être présents au début de l'audience. Ils pensent pouvoir être là au début de l'après-midi.
[12]
M. le président : Le tribunal entendra ces auditions à
la reprise de l'audience en début d'après-midi.
Il va essayer d'entendre les cinq témoins présents
ce matin. J'indique seulement que les parties étant présentes,
la parole leur sera donnée comme l'autorise le nouveau
Code de procédure civile, si chacun en est d'accord, au
début de cette audience.
J'indique également que le demandeur, Robert Faurisson,
a agi sur le fondement des articles 29, alinéa 1-, et 32,
alinéa 1er, de la loi sur la liberté de la presse.
Il se plaint donc de diffamation, qu'il reproche à Robert
Badinter, lequel s'exprimait lors d'une émission de la
chaîne de télévision Arte, émission
intitulée Le Forum des Européens, qui a été
diffusée le samedi 11 novembre 2006. Les propos qui sont
incriminés sont les suivants, j'en donne lecture :
« Le dernier procès que j'aurai plaidé dans ma vie avant de devenir ministre, c'est le procès contre Faurisson. J'ai fait condamner Faurisson pour être un faussaire de l'Histoire. »
Je viens de faire cette lecture sur la
base de la retranscription effectuée par l'assignation.
Ceci étant dit, l'enregistrement de l'émission a
été versé aux débats. Je pense opportun
de procéder au début de ce procès à
son visionnage, évidemment partiel.
Est-ce que chacun est d'accord ?
Me Jouanneau : Pas d'objections. Il faut choisir le passage dans lequel se situe cette phrase à partir du moment où il est question des lois mémorielles.
Me Delcroix : Je dispose également de deux CD.
M. le président : Nous avons une cassette vidéo produite aux débats qui est compatible avec notre appareil. Madame le
[13] greffier, je crois que la cassette
est calée aux environs de la minute 29 ou quelque chose
comme cela. Vous pourriez la rapprocher de la minute 37 puisque
chacun semble d'accord pour dire que les propos poursuivis précédaient
seulement ceux qui sont relatifs aux diverses lois qu'il est convenu
de nos jours d'appeler mémorielles.
Avant d'aller plus avant, j'indique que la présente audience,
à la suite d'une décision du magistrat délégué
par le premier président de la cour d'appel de Paris, décision
qui date du 8 mars 2007, fera l'objet d'un enregistrement, en
application des textes de la loi de 1985 relative aux archives
audiovisuelles de la justice codifiées au Code du patrimoine.
Nous procéderons à ce visionnage assez bref de cette
émission d'Arte, dont j'ai dit qu'elle était intitulée
Le Forum des Européens et qu'elle était consacrée,
sous le titre « Tout dire, tout écrire », à
la question de la liberté d'expression dans un contexte
qui était celui qui reliait la liberté d'expression
à un certain nombre de difficultés de s'exprimer
librement sur la question de l'islam et qu'elle consistait en
plusieurs reportages et à des retours plateau autour de
la personne de Robert Badinter, qui en était l'invité
unique.
Après plusieurs reportages, lors d'un de ces retours plateau
qui fait suite à la diffusion d'un reportage sur la situation
des Pays-Bas à la suite de l'assassinat du réalisateur
Theo van Gogh, vont être tenus les propos qui sont aujourd'hui
débattus dans le cadre de la présente instance.
[Visionnage.]
Merci beaucoup. Cela a été
plus bref que prévu. Ceci étant dit, je pense que
chacun a entendu le propos dont j'avais donné lecture tout
à l'heure, d'après la retranscription qui en avait
été faite par l'assignation, et son contexte immédiat.
Comme je le disais, nous allons, a priori, commencer par l'audition
des parties qui ont souhaité, l'une et l'autre, pouvoir
[14] s'exprimer dans le cadre de cette audience civile, des interventions qui, dans une procédure où la représentation par avocat est obligatoire, ont vocation à être brèves et centrées sur la question aujourd'hui en débat.
M. Robert Faurisson est le demandeur. Je l'invite donc, s'il le souhaite, à s'exprimer brièvement sur le sens de son action.
Me Delcroix : Je voulais signaler, c'est
danq mes écritures, qu'il y a tout de même un problème
préalable et il faudra qu'aussi bien pour entendre les
parties que les témoins un peu plus tard le tribunal ait
bien à l'esprit ce que j'ai donc conclu, à savoir
que, que ce soit au titre de l'offre de preuve ou de la bonne
foi, nous ne sommes pas là pour juger une portion de phrase
de Me Delcroix dans son assignation mais le propos de M. Badinter
que l'on vient de visionner et d'entendre sur votre écran
vidéo, car l'offre de preuve qui a été faite
ainsi que les prétentions à la bonne foi qui sont
développées subsidiairement dans les conclusions
pour M. Badinter ne servent pas à démontrer le bien-fondé
du propos diffamatoire mais à extraire une interprétation
d'ordre général d'une bribe de phrase de mon assignation.
Je voulais qu'on soit bien d'accord avec le tribunal. Nous devons
rester, aussi bien lors de l'audition des parties que lors - et
ce sera beaucoup plus important - des questions posées
aux témoins, nous devons rester sur l'explicitation et
la démonstration hypothétique de ce que l'on vient
d'entendre, qui sont ces deux phrases de M. Badinter que nous
jugeons, pour notre part, diffamatoires.
M. le président : J'indique, avant de donner la parole aux conseils des défendeurs ou au ministère public, s'il le souhaite, sur ce point, que je dois préciser qu'effectivement les défendeurs ont fait signifier une offre de preuve en application des dispositions de l'article 55 de la loi sur la liberté de la
[15] presse, une offre de preuve qui vise
un certain nombre de documents, une vingtaine de pièces,
et les noms de sept témoins.
J'indique, par ailleurs, que le demandeur soutient l'irrecevabilité
et la nullité de cette offre de preuve et que les demandeurs
ont également conclu évidemment pour soutenir, de
leur côté, la recevabilité et la régularité
de cette offre de preuve.
Cela étant dit, je pense que chacun sera d'accord pour
considérer qu'il ne s'agit pas là d'un incident
qui est évoqué avant toute défense au fond
puisque les questions de recevabilité et de régularité
de l'offre de preuve ne peuvent se poser que lorsque le tribunal
aura évoqué les propos et statué sur leur
caractère diffamatoire.
Je pense, même si vous venez brièvement de plaider
sur ce point en demande, que ce point pourrait faire l'objet de
développements dans le cadre d'une plaidoirie au fond,
étant précisé que les pièces qui ont
été communiquées, y compris les vingt premières
qui l'ont été au titre de l'offre de preuve sont,
je l'ai vu dans les écritures des défendeurs, également
versées aux débats au titre de la bonne foi et qu'il
en est - les défendeurs vont sans doute nous l'indiquer
maintenant - de même s'agissant de l'audition des témoins.
Me Jouanneau : Également.
M. le président : Ce que la défense nous confirme. Effectivement, Me Delcroix, vous venez d'évoquer votre moyen de nullité sans avoir évoqué, je ne vous en fais pas grief, votre moyen d'irrecevabilité de cette offre de preuve. J'indique donc qu'a priori il m'apparaît logique que ces questions de nature juridique soient évoquées en même temps que vos plaidoiries au fond. Sur ce point le conseil du demandeur a la parole brièvement. Y a-t-il une intervention en défense ? Ou du ministère public ?
[16]
Me Jouanneau : Nous acceptons naturellement qu'il soit procédé
comme vous l'indiquez et qu'on attende d'avoir à plaider
sur le tout pour nous expliquer sur ces deux moyens : irrecevabilité
et nullité de notre offre de preuve. Nous avons conclu
sur ces deux moyens et nous pourrons nous en expliquer oralement
comme vous le jugerez bon. Personnellement, il me convient bien
d'attendre le moment de plaider pour le faire.
Monsieur le procureur : Pas d'observations.
Me Delcroix : Je suis bien d'accord avec vous, monsieur le président. Je tenais à faire cette observation préliminaire pour que les débats soient bien le procès de M. Badinter et non pas le procès de mon client qui est en demande, ces deux phrases de M. Badinter qui sont la cause et l'objet de la procédure, et non pas autre chose.
Me Jouanneau : J'observe que votre client a pris la place de l'accusé.
Me Delcroix : Ici, ce sont des prévenus. Ils sont, de toute façon, présumés innocents.
M. le président : Je rappelle aux
parties que nous sommes en matière civile, que nous pouvons
tenter d'éviter les glissements sémantiques, que
nous avons affaire à un demandeur qui est présent,
à des défendeurs dont un est physiquement présent,
et pas à des parties civiles ou à des prévenus,
voire à des accusés.
Je termine donc puisque je fais un rapport éclaté
et par bribes, je termine donc pour indiquer que le demandeur
poursuit la condamnation de Robert Badinter au paiement d'une
somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts,
la
[17] condamnation du groupement européen
d'intérêt économique Arte, sur intervention
forcée, nous indique-t-il dans son assignation, à
faire lire le jugement à intervenir sur la chaîne
de télévision Arte dans des conditions qu'il précise
dans son assignation.
Il demande par ailleurs la publication judiciaire de ce même
jugement aux frais de Robert Badinter dans trois quotidiens d'audience
nationale. Il demande le bénéfice de l'exécution
provisoire et, dans ses dernières écritures, la
condamnation de Robert Badinter au paiement de la somme de 5000
euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau
Code de procédure civile, outre l'argumentation que j'ai
déjà évoquée sur la recevabilité
et la régularité de l'offre de preuve.
En défense, comme je l'ai déjà indiqué,
on estime l'offre de preuve recevable et valable, on soutient
la vérité du fait diffamatoire, subsidiairement
la bonne foi de l'auteur des propos et on demande la condamnation
du demandeur au paiement d'une somme de 5000 euros au titre des
frais irrépétibles engagés en défense.
Voilà ce que j'aurais pu dire plus tôt dès
le début de cette audience, qui est maintenant dit de telle
sorte que les choses soient claires.
Dans ces conditions, si plus personne ne demande la parole, le
tribunal va la donner au demandeur, qui est invité à
venir à la barre pour expliquer brièvement le sens
de son action.
[Ici, Robert Faurisson intervient pour faire une déclaration qu'il ne nous a pas autorisés à reproduire, en nous faisant adresser une lettre de son avocat.]
Pour faciliter la compréhension de toute cette affaire, nous avons ici recours aux sténogrammes du procès, utilisés tout du long par Jouanneau pour confectionner son livre. Comme toujours dans ce genre de cas, il y a des erreurs dans cette transcription. Comme ce document n'a pas de force judiciaire, nous allons prendre exemple sur l'ineffable Jouanneau et nous pratiquerons les corrections qui s'imposent sans les signaler à chaque fois.
M. Faurisson : Monsieur le Président,
M. Robert Badinter a osé affirmer qu'il m'avait fait condamner
en justice pour être un faussaire de l'Histoire. L'affaire
pourrait se régler en deux minutes. A ma main droite j'ai
ici le jugement auquel il est fait allusion, jugement du 8 juillet
1981 et j'ai à ma main gauche l'arrêt du 26 avril
1983, d'une part 17 pages, d'autre part 12 pages.
Et voici ma question, elle est très simple: je demande
où, à quelle page, à quel alinéa,
à quelle ligne il est dit que Robert Faurisson a été
condamné pour être un faussaire de l'Histoire ou,
pour utiliser une autre expression, pour falsification de l'Histoire
? La réponse est : nulle part.
Je vais prendre le jugement du 8 juillet 1981. Je rappelle que
Robert Badinter était à l'époque avocat,
qu'il était même l'avocat principal. Si mes renseignements
sont bons, Robert Badinter et l'un de ses confrères s'étaient
rendus en Pologne puis en Israël pour essayer d'y trouver
des preuves de l'existence des chambres à gaz. Il était
donc vraiment partie prenante, il savait de quoi il parlait et
sur Arte il savait encore de quoi il parlait.
L'accusation portée était celle de falsification
de l'Histoire et que répond le Tribunal, le rédacteur
étant M. Drai ? C'est très net.
Page 14 :
« Attendu que sans avoir à rechercher si un tel
discours...»
Il s'agit du discours de Faurisson, discours veut dire les propos,
la démonstration.
«Si un tel discours constitue ou non une falsification
de l'Histoire ". C'est fini.
M. le président : Je vous interromps une seconde pour la clarté des débats de telle sorte qu'effectivement, au fur et à mesure on découvre la motivation de cette décision rendue le 8 juillet 1981 par le Tribunal de Grande Instance de Paris, saisi par la Ligue Internationale contre le racisme et l'antisémitisme notamment défendue par Robert Badinter. La phrase que vous avez lue, je la relis :
« Attendu que, sans avoir à rechercher si un tel discours constitue ou non une falsification de l'Histoire, il reste qu'en rejetant dans le néant des mythes qu'il ne peut ou ne veut admettre et en se proclamant définitivement porteur de la bonne nouvelle, de la vérité historique, M. Faurisson, universitaire français, manque aux obligations de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle qui s'imposent au chercheur qu'il veut être. »
Je m'en suis tenu à la lecture intégrale du paragraphe que vous avez évoqué.
M. Faurisson : Je m'apprêtais
à vous dire: mais pourquoi Faurisson a-t-il été
condamné ? Et la réponse est : il a manqué
de prudence, il a manqué de circonspection objective, il
a manqué de neutralité intellectuelle, ceci en première
instance. Je m'apprêtais à le dire puisque évidemment
on va se demander pourquoi a-t-il été condamné.
Il a été condamné parce qu'il a été
imprudent, parce qu'il a été subjectif, parce qu'il
n'a pas été neutre, il n'a pas été
impartial.
On retrouvera certains de ces mots dans l'arrêt mais pour
en venir au cur du cur du sujet qui est : Faurisson a-t-il été
condamné pour être un faussaire de l'Histoire, j'insiste
là-dessus, le Tribunal se débarrasse de ce sujet
en une incise, il ne lui consacre même pas une phrase intégrale,
il met simplement l'affaire au point en quelques mots en disant
avoir recherché : « Nous ne rechercherons pas si
Faurisson est un faussaire ou non ». C'est quand même
très clair.
Et là-dessus lorsqu'il va justifier manque de prudence,
de circonspection, de neutralité intellectuelle, il va
donner des exemples et certains de ces points vont être
refusés en appel. Car lorsque M. Badinter ose dire qu'il
m'a fait condamner pour être un faussaire de l'Histoire,
cela implique deux choses. Cela implique que, dans le jugement,
j'ai été condamné en tant que tel mais qu'il
n'est pas venu ensuite un arrêt qui aurait démenti.
Cela implique que s'il y a eu un arrêt, cet arrêt
a confirmé. Dans l'arrêt du 26 avril 1983 je retrouve
encore moins l'idée que j'aurais pu être un faussaire.
La distance est considérable entre une accusation de falsification
qui me déshonore surtout qu'il ne faut pas oublier que
ce qui est passé sur Arte a été répercuté
en boucle sur deux stations de radio pendant toute la journée.
Des millions de français ont entendu M. Badinter qui jouit
d'un grand prestige, dire que Faurisson est un faussaire, dire
que la justice l'a condamné en tant que tel. Il a toute
l'importance que peut avoir un ancien Ministre de la justice,
un ancien Président du Conseil constitutionnel, il n'est
pas n'importe qui. Qui a entendu Robert Badinter peut penser un
seul instant que Faurisson n'a pas été condamné
comme un faussaire de l'Histoire ? C'est quand même un homme
de l'art, c'est un homme qui vous dit : ici, à tel endroit,
à telle date, alors que j'étais partie prenante,
j'étais avocat, Faurisson a été condamné
comme faussaire de l'Histoire. C'est faux.
Il faut en venir à l'arrêt du 26 avril 1983. Il s'est
quand même passé une chose très étonnante
: le 26 avril 1983, qu'a décidé la Cour ? Elle a
confirmé ma condamnation mais pour ces motifs que je vous
ai dits tout à l'heure, pour imprudence. En effet le Tribunal
avait donné comme exemple de mon imprudence le fait que
j'avais traité trop tôt d'un problème trop
brûlant. Mais cela, c'est ma condamnation confirmée
pour ces motifs que je vous ai dits.
Je vais prendre une comparaison, elle vaut ce que vaut une comparaison.
C'est comme si on disait : il est bien connu que M. Faurisson
a été accusé du braquage d'une banque. Quand
on regarde les textes, on s'aperçoit qu'il a été
condamné, oui, il a été trouvé devant
la banque en double file et puis il a tenu des propos qui manquaient
de neutralité. Je suis constamment traité de menteur,
il a pratiqué la méthode du mensonge absolu.
Qui a dit cela ? Cela a figuré dans le Dalloz Sirey qui
a été versé aux débats par M. Badinter.
Le Dalloz Sirey a publié, figurez-vous, le jugement du
8 juillet 1988 mais en le tronquant d'une façon insensée
et en l'accompagnant d'une note sous jugement de Me Edelman, disant
que j'étais un menteur et que ce jugement le prouve.
J'oubliais de dire que nous avons fait condamner le Dalloz Sirey
en première instance, en appel, ils sont allés en
cassation et en cassation ils ont échoué.
M. le président : Ces décisions qu'évoque votre client ne sont pas, je crois, versées aux débats.
Me Delcroix : La décision condamnant le Dalloz Sirey, si, Monsieur le Président. Lorsque j'ai sollicité le jour fixe, [l'assignation à jour fixe, prévue dans la procédure pour diffamation.] avec les pièces du jour fixe, bien évidemment cela n'y était pas. En revanche dans mes conclusions avec les pièces que j'ai communiquées, c'est le Dalloz Sirey qui était obligé de publier une publication judiciaire disant qu'il avait menti et fait, en conséquence, une fausse publication du jugement et un commentaire falsifié en conséquence. Ce n'est pas le jour où j'ai sollicité le jour fixe, c'est dans la procédure de réplique à la défense de M. Badinter, c'est donc à mon dossier.
M. le président : Ce que vous avez produit aux débats c'est une publication judiciaire, ce ne sont pas les décisions qui viennent d'être évoquées par votre client. Poursuivez, Monsieur, si vous avez encore quelques mots à dire.
M. Faurisson : Je vais parler maintenant de l'arrêt de 1983 et je vous ai dit pourquoi j'ai été condamné. Je prends cet arrêt à la page 9 et voici ce que je lis :
« Considérant qu'il ressort de ces diverses publications comme des conclusions prises devant la Cour que les recherches de M. Faurisson ont porté sur l'existence des chambres à gaz qui, à en croire de multiples témoignages, auraient été utilisées durant la seconde guerre mondiale pour mettre à mort, de façon systématique, une partie des personnes déportées par les autorités allemandes...
Me Leclerc : Nous n'avons pas retrouvé dans les pièces le jugement concernant la publication. Nous avons trouvé la publication, pas le jugement.
M. le président : Nous sommes d'accord.
Me Leclerc : Nous ne savons pas pourquoi Dalloz a été condamné.
Me Delcroix : C'est la publication judiciaire à laquelle le Dalloz Sirey a été condamné.
Me Leclerc : On ne sait pas pourquoi il a été condamné, il n'y a pas les termes du jugement. Je n'ai pas compris le motif. Je n'ai pas compris en quoi la publication avait été fautive. Je n'ai pas compris si c'était l'article de M. Edelmann qui avait été considéré comme fautif. Je n'ai pas compris si c'était la publication du jugement elle-même dont il aurait manqué un morceau. On invoque beaucoup de condamnations du Dalloz Sirey ; nous n'avons pas la condamnation elle-même.
Me Delcroix : La publication judiciaire ce sont les écrits, les attendus verbatim qui figurent dans le Dalloz Sirey, hebdomadaire du 4 juillet 1985, ma pièce 6, pages 375 et 376. Il y a toutes les dispositions du jugement condamnant le Dalloz Sirey. Relisez le.
Me Jouanneau : Je m'expliquerai sur ce point en plaidoirie. Je n'ai pas l'impression d'avoir comme adversaire mon confrère Delcroix.
Me Delcroix : Je ne sais pas ce que vous avez publié en histoire ! On peut être confrères à plusieurs titres.
M. Faurisson :
« Considérant, dit la Cour, qu'à s'en tenir
provisoirement au problème historique que M. Faurisson
a voulu soulever sur ce point précis, il convient
de constater que les accusations de légèreté
formulées contre lui manquent de pertinence et ne
sont pas suffisamment établies".
J'ouvre une parenthèse. Ici dans cet arrêt on ne parle plus du tout de falsification de l'histoire. Pourquoi ? Parce que la partie adverse, entre temps, a renoncé à cette accusation.
« qu'en fait la démarche
logique de M. Faurisson consiste à tenter de démontrer
par une argumentation de nature
scientifique... »
Une correction à la plume :« qu'il estime
de nature scientifique »
«Que l'existence des chambres à gaz telle que décrite
habituellement depuis 1945 se heurte à une impossibilité
absolue qui suffirait à elle seule à invalider
tous les témoignages existants, à tout le
moins à les frapper de suspicion »
Je voudrais tout à l'heure donner une explication là-dessus.
«.. qu'il n'appartient pas à la Cour de se prononcer sur la légitimité d'une telle méthode ni sur la portée des arguments exposés par M. Faurisson. Il n'est pas davantage permis d'affirmer, eu égard à la nature des études auxquelles il s'est livré qu'il a écarté les témoignages par légèreté ou négligence ou délibérément choisi de les ignorer, qu'en outre personne ne peut, en l'état, le convaincre de mensonge... »
Faurisson menteur, toujours.
«... alors qu'il énumère les multiples documents qu'il affirme avoir étudiés et les organismes auprès desquels il aurait enquêté pendant plus de 14 ans »
Et vraiment l'alinéa qui compte :
« La valeur des conclusions défendues par M. Faurisson relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens et du public. »
En bon français cela veut
dire que vu le sérieux du travail de Faurisson sur ce que
nous appelons le problème des chambres à gaz, tout
le monde doit avoir le droit de dire qu'elles n'ont pas existé,
qu'elles sont un mensonge historique, qu'elles sont une fabrication
de la propagande de guerre.
Et là je voudrais dire très brièvement pourquoi
la Cour qui a eu une documentation très importante, elle,
pourquoi a-t-elle pu tirer une pareille conclusion qui a affolé
nos adversaires ? Je peux, si vous permettez, vous en donner des
preuves. Rappelez vous ce qu'a dit M. Pierre Vidal-Naquet, M.
Georges Wellers, ce que Madame Simone Veil a pu dire. M. Vidal-Naquet
dit : finalement Faurisson n'a été condamné
que pour des slogans, que pour avoir mis sa pensée en slogans.
Voici pourquoi la Cour a écrit que les arguments que j'apportais
détruisaient ou pouvaient détruire fondamentalement
les témoignages ou prétendus témoignages...
à l'époque c'était M. Filip Muller, Trois
ans dans une chambre à gaz et vous avez, pardonnez
moi l'expression, une resucée de son livre dans celui de
M. Shlomo Venezia, en moins bon encore, en plus mensonger encore.
Voici pourquoi. La Cour savait à quel point j'avais travaillé,
savait que j'avais fait mon enquête non pas comme un professeur,
non pas comme un universitaire que j'étais, non, j'avais
fait mon enquête comme un gendarme, comme un policier de
police technique et scientifique. J'ai consulté le laboratoire
central de la Préfecture de police de Paris rue de Dantzig
à maintes reprises.
J'avais vu le plus grand expert des gaz à l'.époque,
M. Truffert. J'ai été alors aux Etats-Unis pour
voir ce que c'était qu'une chambre à gaz fonctionnant
précisément à l'acide cyanhydrique et il
suffit de voir une chambre américaine des années
30/40. Quand on voit cette extraordinaire complexité, on
s'aperçoit tout de suite que ce qu'on voit à Dachau
c'est une douche, à Mauthausen c'est une douche, que ce
que l'on voit à Auschwitz c'est un dépositoire.
Il y a une impossibilité totale car vous ne pouvez tout
simpLement pas utiliser l'acide cyanhydrique comme cela à
la volée car la question c'est de tuer avec le gaz sans
se faire tuer. Il suffit de prendre les aveux de Höss, les
confessions d'un tel ou d'un tel pour s'apercevoir que, paraît-il,
cela se passait de la façon suivante : On avait un bâtiment,
on y mettait 2000, 3000 juifs - on aurait pu en mettre 4000 -
quelqu'un par le toit introduisait des fragments de Zyklon B et
quand on n'entendait plus les gens crier, on comprenait qu'ils
étaient morts. A ce moment-là le Sonderkommando,
tout simplement, mettait en marche la ventilation, ouvrait la
porte puis allait négligemment, en fumant, en mangeant,
manipuler les cadavres, les retirer et les amener au four crématoire.
C'est une impossibilité radicale.
En effet c'est un gaz qui est explosif, bleu. Ensuite c'est un
gaz, l'acide cyanhydrique, qui adhère fortement aux surfaces,
il faut un temps fou pour ventiler une pièce de ce genre
là. Vous ne pouvez pas toucher les cadavres, vous seriez
vous-même immédiatement mort.
C'est cela probablement qui a frappé la Cour et je vous
rappelle que cette chose-là, je l'ai dite dès 1978/1979
dans le journal Le Monde et j'ai dit que c'était
techniquement impossible ou alors, si c'est possible, apportez-moi
la réponse. J'ai attendu six semaines, et j'ai obtenu
ma réponse dans le journal Le Monde, une déclaration
d'historiens faite par M. Léon Poliakov et M. Pierre Vidal-Naquet
avec 32 autres collègues. Voici la réponse :
« Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible, il a été possible techniquement puisqu'il a eu lieu. »
21 février 1979. Un bel exemple
de bêtise universitaire. Nous sommes aujourd'hui en 2007
et je n'ai toujours pas reçu d'explications. J'ai dit,
je ne sais combien de fois, montrez moi une chambre à gaz,
venez me dire que cela c'est une chambre à gaz. Si vous
prétendez, comme Mme Simone Veil, qu'on sait bien que les
Allemands les ont toutes détruites, c'est simple, vous
faites un dessin technique, vous m'expliquez. Et en plus expliquez
moi comment c'était possible à Birkenau où
vous avez des ruines mais des ruines c'est parlant. Ces ruines
prouvent qu'il n'y a jamais eu d'orifice dans le plafond.
Enfin je rappelle qu'en 1995, le 19 janvier, le journal L'Express
a publié un long essai de M. Eric Conan, « Auschwitz
la mémoire du Mal". Il faut. bien comprendre ce que
veut dire mémoire. "Mémoire" ne veut pas
dire "Histoire". Il met en garde contre cette mémoire
et il est allé sur place, il a vu cette chambre à
gaz emblématique qu'on visitait jusqu'à présent.
"J'ai téléphoné au Musée d'Auschwitz,
30 millions de touristes. On leur montre l'endroit en leur disant:
« chambre à gaz ». Il y a un éclairage
faible de sorte qu'on ne distingue pas trop ce qu'il y a. Je suis
allé avec une lampe électrique", tout ce qu'il
fallait n'est-ce pas ?
M. Eric Conan conclut de sa visite, écoutez bien ses mots
: « Tout y est faux. Faurisson, déjà, à
la fin des années 1970 parlait de falsification. »
Et il a fait mieux que cela. Il est allé voir la sous-directrice
du Musée, dont il donne prénom et nom et lui a dit
: Madame, c'est faux, allez voir et la dame lui répond
: « C'est trop compliqué à expliquer, on verra
cela plus tard. »
Autrement dit on a menti, on ment et on mentira jusqu'à
nouvel ordre.
Ce qui est frappant aussi ce sont toutes les falsifications que
j'avais relevées chez la partie adverse, elles sont innombrables.
Ils n'auraient pas eu besoin de falsifier s'ils avaient la vérité
pour eux. Pourquoi disent-ils la solution finale de la question
juive ? Mais c'est faux. On a utilisé l'expression solution
finale de la question juive quelquefois dans les documents. Quelquefois
on dit solution finale, à d'autres moments on dit: solution.
L'expression intégrale que vous trouvez dans un document
du 21 août 1942, signé par un haut fonctionnaire
du Ministère des Affaires Etrangères qui s'appelait
Martin Luther, c'est « solution finale territoriale de la
question juive ».
Avant la guerre, pendant la guerre, les Allemands n'ont cessé
de dire aux Alliés : « Ces Juifs, vous les trouvez
merveilleux, prenez-les, nous vous les donnons, mais il y a des
conditions ». La première condition était
la suivante : il faudrait que ces Juifs restent en Grande Bretagne,
il n'est pas question qu'ils aillent en Palestine et cela à
cause des souffrances que leur immigration inflige au noble et
vaillant peuple arabe.
Je ne peux pas, en quelques minutes, vous donner une idée
de tout ce que j'ai pu faire sur ce qu'on appelle le génocide,
tous les aspects de cette qestion. Et je maintiens ici, comme
je l'ai fait partout ailleurs dans bien des pays du monde, ma
phrase de 60 mots, vous la connaissez:
« Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge historique »
Quand je dis mensonge historique, je ne traite pas les gens de menteurs.
M. le président : Ce n'est pas ce qu'ont estimé les juridictions si j'ai bien vu les pièces qui ont été versées aux débats sur ce point. Ce sera précisé tout à l'heure.
M. Faurisson : Je n'ai pas compris, excusez moi.
M. le président : Je viens de dire que j'ai cru comprendre, dans les pièces versées aux débats, que les propos précis de 60 mots que vous êtes en train de nous relire vous ont valu une condamnation.
M. Faurisson : Bien sûr. J'ai été condamné si souvent, je n'ai jamais caché que j'ai été condamné, jamais je n'ai caché que j'ai été 10 fois la victime d'agressions physiques particulièrement graves. Je peux vous révéler que si en 1981 je ne suis pas venu au procès où plaidait M. Badinter, c'est parce que dans la seule année 1981 j'ai été trois fois hospitalisé. Je reprends ma phrase :
« Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des Juifs forment un seul et même mensonge historique qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont : l'Etat d'Isrël et le sionisme international, et dont les principales victimes sont : le peuple allemand mais non pas ses dirigeants et le peuple palestinien tout entier. »
Il n'y a dans cette phrase de 60
mots aucune idée politique. Je suis bien obligé,
constatant l'existence d'un mensonge historique, de dire à
qui cela a bénéficié, à qui cela a
fait du tort, je suis bien obligé de tirer cette conclusion-là,
sinon j'aurais l'air d'esquiver.
Je voudrais venir à un autre point ...
M. le président : Il conviendrait que vous concluiez. Nous sommes en matière civile, les parties qui s'expriment en personne sont invitées à le faire brièvement. Vous n'avez pas respecté cette règle. Il est urgent que vous vous acheminiez vers une conclusion.
M. Faurisson : C'est ce que je vais faire. Il m'est arrivé de poursuivre des gens qui m'avaient traité de faussaire de l'histoire: M. Wellers, M. Pierre-Bloch, le journal L'Humanité, Je n'ai pas de chance, on me répondait, je vous demande de retenir cette phrase :
« Traiter Faurisson de faussaire, c'est le diffamer. »
Cela a été répété,
je ne sais combien de fois. J'en ai même donné la
liste dans les 6 pages que vous devez avoir. Il y a des moments
où on a dit que c'était infondé. On ajoutait:
oui mais là, vous comprenez, ce n'est pas une diffamation,
c'est une injure, ce n'est pas une diffamation, c'est un outrage.
Traiter Faurisson de faussaire, c'est le diffamer mais de bonne
foi. Ces gens là étaient des profanes. Quel était
leur auditoire, leur lectorat ? Franchement des plus réduits
tandis que M. Badinter est un homme de prestige, cela n'a rien
à voir avec les Wellers et autres. Il a eu pour lui la
télévision, la radio, un crédit qui fait
que les gens ne peuvent pas imaginer un instant le contenu de
ce que je viens de vous lire.
Si j'ai tenu à vous lire ces pages de l'arrêt de
1983 c'est parce que je mets au défi n'importe qui d'imaginer
qu'à un moment donné ce prétendu faussaire
avait vu la Cour de Paris rendre hommage à la qualité
de son travail, et dire: tout Français a le droit de dire
ce qu'a dit Faurisson. C'est précisément parce que
ces gens-là ont été déçus par
les magistrats qu'ils ont dit : il faut une loi spéciale.
C'est cela, la loi Gayssot, elle n'est pas venue autrement.
Pour terminer vraiment, voici ce que je dis : le révisionnisme
est la grande aventure intellectuelle du 20éme siècle
et du début du 21ème siècle et je tiens à
poursuivre à l'âge de 78 ans ce travail-là,
personne ne m'en détournera et surtout pas avec de scandaleuses
affirmations du genre de celles de Robert Badinter et de bien
d'autres personnes. Donc je tiendrai le cap. Je trouve inadmissibLe
qu'en face on se livre à des manuvres de diversion. On
va vous dire: Faurisson est un faussaire, on va vous le répéter,
ou bien un antisémite. On n'a jamais apporté la
preuve que j'étais un antisémite. On va le répéter.
Je n'accepte pas, je ne courberai pas la tête. Je ne veux
pas que ma femme, mes enfants et tous ceux qui portent le nom
de Faurisson subissent le préjudice considérable
que m'a causé M. Robert Badinter en mentant effrontément.
M. le président : M. Badinter, souhaitez-vous également venir au micro un instant ?
M. Badinter : Mes observations seront
d'une autre nature que celles de M. Faurisson. Je me garderai
de plaider cette affaire, mes amis, mes confrères Me Jouanneau,
Me Leclerc diront tout ce qu'il y a à dire. Ce sont des
précisions personnelles que je tiens simplement à
apporter au Tribunal, j'espère, pour l'éclairer
plus complètement.
D'abord s'agissant du cur du débat, le cur du débat
c'est les propos que j'ai tenus à la télévision
dans le cadre de l'émission que nous avons vue. Je rappelle
que c'est une émission sur Arte, le forum européen,
consacrée aux questions européennes et que, ce jour
là, on m'en avait prévenu, le thème abordé
était celui des menaces que font peser sur la liberté
d'expression dans les sociétés occidentales, les
plus fanatiques des intégristes. Rien à voir, on
le voit, avec ce qui a été évoqué
tout à l'heure..
C'est vrai qu'avant de me rendre à Arte j'avais
pris le soin de vérifier non pas les écrits évoqués
par M. Faurisson mais la jurisprudence de la Cour Européenne
des droits de l'homme sur la liberté d'expression. C'est
à la fin, tout à fait à la fin de l'émission,
je peux dire presque à l'improviste que la question est
venue du problème des lois mémorielles. J'ai rappelé
ma position qui est celle, on le sait, des historiens. Je ne crois
pas que ce soit au Parlement de fixer le passé. Il appartient
au Parlement de déterminer ce que doit être La meilleure
législation possible pour le présent, d'ouvrir les
voies de l'avenir éventuellement.
Nous avons parlé des lois mémorielles, et nous sommes
passés à la loi Gayssot. Vous avez entendu les rapides
propos que je tiens sur la loi Gayssot qui n'a jamais été
soumise au Conseil constitutionnel à l'époque. J'ai
rappelé que, dans le cadre de la loi Gayssot, il y avait
une sorte d'enracinement particulier qui était le jugement
du Tribunal de Nuremberg qui, je le rappelle, a autorité
de la chose jugée, dans lequel il est explicitement exprimé
l'existence de crime majeur contre l'humanité que constitue
l'extermination systématique, organisée par les
nazis, depuis le sommet jusqu'à la base, de millions de
juifs européens.
J'ai rappelé ces considérants et j'ai remarqué
qu'il n'était pas nécessaire de penser toujours
en droit pénal, qu'il existait notamment la loi civile
et j'ai évoqué un souvenir personnel. Il se trouve
que la dernière affaire que j'ai eu l'honneur de plaider
devant le Tribunal de Paris était l'affaire dirigée
contre M. Faurisson et que le Tribunal l'avait condamné
- vous avez vu que cela vient dans un propos, ce n'était
pas cela que j'avais préparé - que je l'avais fait
condamner comme faussaire de l'histoire - je n'ai pas dit faussaire
tout court, ce n'est pas le Protocole des Sages de Sion
- c'est faussaire de l'histoire.
Encore une fois c'était une incidente. Avant de me rendre
sur le plateau, je n'avais aucune idée particulière,
que l'affaire Faurisson soit ramenée par cette évocation
des lois mémorielles. Tout ceci s'inscrit dans un passé
qui remonte à 25 ans, j'ai plaidé cette affaire
au mois de juin 1981, je crois le 22. Je l'ai plaidée,
je le dis nettement, non sans passion, le Tribunal tout à
l'heure comprendra pourquoi.
Tout au long de ma plaidoirie que nous avons retrouvée
grâce aux diligences de mon ami Jouanneau dans les archives
de la LICRA, je n'ai cessé de traiter M. Faurisson de faussaire
de l'histoire. Et puis il se trouve, un hasard, que, deux jours
après, je quittais le Palais de justice, [c'est-à-dire deux
semaines avant le rendu du verdict]
je gagnais la Chancellerie où j'ai été appelé
par le Président de la République et par le Premier
Ministre.
A partir de là ma pensée ne s'est plus du tout attachée
à M. Faurisson. [Attention,
voici un très gros mensonge]
Je vais être très précis. Le jugement est
du 8 juillet. Je peux le dire au Tribunal, quand on arrive dans
un Ministère, qu'on n'a jamais de sa vie participé
au Gouvernement sous quelque forme que ce soit, que ce Ministère
est celui si important de la justice et qu'on se trouve précipité
dans de multiples problèmes qui vous assaillent, vous êtes
entièrement consacré à votre tâche
et vous ne pensez pas à ce qui est advenu dans le cours
de votre vie judiciaire, serait-elle immédiate. [C'est un énorme mensonge
: en effet, nommé le 24 juin, Badinter, nouveau ministre
a une tâche prioritaire : préparer les grâces
présidentiuelles du 14 juillet et la loi d'amnistie qui
sera proclamée le 4 août. Mitterrand est président
depuis deux mois. Cette loi va donc donner des indications sur
la nouvelle politique. Que fait Badinter ? Il insère une
ligne dans la loi qui interdit de faire bénéficier
Faurisson de l'amnistie. Il ne nomme pas Faurisson, mais la rédaction
de ce passage montre que seul Faurisson est visé par cette
exclusion. Ni avant ni après, dans aucune loi d'amnistie
promulguée aux alentours du 14 juillet, on ne trouve pareille
mesure. Donc, Badinter, un vaniteux, rancunier et mesquin, n'oublie
pas de se servir de cette loi pour se venger de Faurisson contre
qui il s'est cassé les dents. Il vient aujourd'hui nous
faire le numéro du type super occupé qui ne pense
plus à ses petites obsessions personnelles. Ce type n'est
qu'une baudruche.]
J'ai certainement été avisé par mon ami Me
Jouanneau du résultat. Le résultat c'était
la condamnation, ne l'oublions pas. Le Tribunal a condamné
M. Faurisson, après les débats que j'ai évoqués,
et ma plaidoirie. Pour moi à cet instant croyez-le bien,
je ne suis même pas sûr d'avoir lu le jugement. Si
je l'ai fait, ce qui est possible, 25 ans se sont écoulés
entre le moment ou cetta affairee a été jugée
et le moment où une question imprévue m'a été
posée.
A question imprévue, réponse improvisée.
Pour moi les choses, dans mes souvenirs, étaient aussi
claires que possible. J'avais plaidé aux côtés
de mon ami Jouanneau, j'avais longuement expliqué que M.
Faurisson était un faussaire de l'histoire et la condamnation
était intervenue.
Voilà 25 ans plus tard. Si cela se trouvait dans des Mémoires
éventuelles que je publierais, ce n'est pas mon intention,
à cet instant j'aurais eu obligation de vérifier
mes sources, je l'aurais fait. Moi aussi je suis un universitaire.
[C'est un vrai
trust. On aurait aussi vite fait de se demander quelle casquette
il ne porte pas.] Vous êtes
sur un plateau de télévision, une question vous
est posée, vous répondez en fonction de vos souvenirs
et vous dite "faussaire de l'histoire". Ceci correspondond
très exactement à la réalité pour
moi que j'en avais conservée.
Voilà en ce qui concerne les faits eux-mêmes à
propos de cette émission de télévision, mes
avocats en diront plus tout à l'heure.
Mais il y a un autre aspect que je
souhaiterais évoquer pour le Tribunal. Il se trouve que,
dans le jugement, celui-là même sur lequel glosait
tout à l'heure M. Faurisson, il y a un attendu qui me concerne
personnellement, pas exclusivement, hélas, tant s'en faut,
mais personnellement. C'est l'attendu dans lequel le Tribunal
évoque les survivants, victimes et survivants, et les enfants
de celles et ceux qui ont disparu dans le génocide hitlérien.
Je suis de ceux-là, cet attendu me vise - je ne le relirai
pas au Tribunal - quand on évoque les souffrances que les
écrits de M. Faurisson peuvent causer. Ce que je voudrais
à cet instant dire au TribunaL est plus direct. M. Faurisson
a dit tout à l'heure : M. Badinter et M. Jouanneau se sont
rendus en Pologne et en Israël pour trouver des preuves de
l'existence des chambres à gaz.
Je me suis rendu en Pologne c'est vrai mais pas pour cela. [Mais aussi pour cela. Dans
les pièces déposées en 1981, beaucoup provenaient
de la Pologne communiste.] Je
me suis rendu en Pologne pour la première fois en 1958,
je crois, à l'occasion d'un congrès des Orphelins
de guerre, association internationale dont j'étais l'avocat.
Je tiens à dire au Tribunal que j'avais 13 ans quand mon
oncle a été arrêté au domicile que
nous venions de quitter, c'était en octobre 1941 pour gagner
la zone libre,
il avait été dénoncé, il a été
envoyé à Drancy et de là a disparu.
J'avais 14 ans quand ma grand-mère paternelle a été
arrêtée à son domicile par des policiers français,
sur ordre de Bousquet, [Ça
n'a pas empêché Badinter de lécher Mitterrand,
copain dudit Bousquet.] c'était
au début de l'automne 1942. Elle avait 80 ans, on l'a descendue
sur une civière et tout l'immeuble populaire où
elle vivait s'est insurgé devant ce qui était un
crime. On l'a envoyée à Drancy, elle a été
déportée presque immédiatement et, bien entendu,
on n'a plus jamais eu de ses nouvelles, à supposer qu'elle
ne soit pas morte dans le transport.
J'allais avoir 15 ans quand mon père a été
arrêté à Lyon le 9 février 1943 par
la police allemande et envoyé à Drancy et de là
à Pithiviers. Il a été déporté.
Nous n'avons jamais eu de ses nouvelles, bien entendu. J'ai fait
partie de ces jeunes gens, de ces membres des familles qui, au
printemps 1945, se rendaient à l'Hôtel Lutetia avec
la photo des leurs pour demander aux survivants si, peut-être,
ils ne les avaient pas vus. Toujours le regard qui s'écartait
et les mêmes propos : je n'ai pas vu. C'est cela qu'avec
des dizaines de milliers d'autres j'ai vécu, c'est cela
mon adolescence à moi.
Si je suis allé en Pologne à la première
occasion ce n'est pas parce que les élucubrations de M.
Faurisson m'intéressaient, c'est parce qu'il y a un devoir
sacré qui s'impose à tout juif [religieux, les autres s'en foutent] c'est de dire le kaddish là
où les siens sont morts, sur leur tombe. [Badinter est un faux religieux.
Le kaddish n'est pas une prière des morts. Il n'y
a que les incultes pour le croire.]
Il n'y avait pas de tombe. Donc je suis allé en Pologne
à cette occasion, j'ai gagné Auschwitz. Auschwitz
était désert, rien à voir avec aujourd'hui
[à cause
de la mise en scène muséale...]
. Il y avait encore quelques baraques de l'époque. Un conservateur
polonais qui parlait extrêmement bien le français
m'a longuement fait visiter tout le camp d'Auschwitz-Birkenau,
m'a expliqué le détail du processus d'extermination
et d'élimination, m'a montré les emplacements des
chambres à gaz, des blocs de béton, et les restes
dynamités des crématoires. [Il est tombé sur un de ces guides fournis
par l'administration communiste pour soigner les visiteurs étrangers
qui avaient franchi le Rideau de fer. Les Soviétiques et
les Polonais communistes avaient élaboré toute une
représentation dramatique de ce qui s'était passé
à Auschwitz et s'en servaient pour recruter des "amis"
à l'Ouest. Bien peu de ces visiteurs étaient capables
de développer un esprit critique. Badinter, ce pauvre naïf,
qui cherche son papa, moins que tout autre, on le voit bien.] J'ai accompli mon devoir, je suis rentré
à Varsovie le soir même.
Le temps a passé. Je suis retourné une seconde fois,
c'était quelques 24 ans plus tard, ma femme [une Bleustein-Blanchet] pour les mêmes raisons. Là,
à nouveau, j'ai fait ce même pèlerinage. J'en
ai ramené d'ailleurs trois cailloux qui, chez nous, ont
une valeur symbolique, on les met sur les tombes du ballast de
Birkenau où les trains de déportés arrivaient
pour la sélection. [petit
fétichisme païen qui ne tire pas à conséquence,
mais il vaut mieux ne pas en parler aux rabbins.]
Et c'est peu de temps après que Serge Klarsfeld m'a dit
: vous vous trompez, ton père n'a pas été
déporté à Auschwitz. Le convoi dont il a
fait partie est allé directement à Sobibor et là
tous ont été exterminés. [Et lui, qui croyait à "Auschwitz"
croit maintenant à "Sobibor". En oubliant que
Sobibor était un camp de transit...]
Le hasard a fait que, peu de temps après, j'ai reçu
la visite d'un des survivants du convoi parce que, lui, jeune
homme - il avait 19 ans à l'époque - avec deux ou
trois autres, je crois, s'était évadé. Il
s'était évadé du wagon et s'évadant
du wagon il avait rencontré mon père qui n'était
pas en condition physique de tenter l'aventure et il m'a raconté
son comportement qui était à l'image de ce qu'il
avait toujours été, un maintien digne, ferme dans
l'épreuve, réconfortant les autres.
Alors j'ai décidé qu'il me fallait reprendre le
chemin et j'en ai eu l'occasion quelques 18 mois pLus tard. [Il ne se décide pas
à acheter un billet et à voyager. Il attend que
ce soit gratos... Serait pas un peu radin ?]
Je présidais à ce moment-là le Conseil constitutionnel.
Des juristes polonais m'ont demandé de venir pour travailler
à une nouvelle Constitution et j'ai repris le même
chemin, pas celui d'Auschwitz cette fois-ci, celui de Sobibor,
c'est dans la forêt polonaise. C'était en septembre,
je me souviens très bien, magnifique automne polonais.
Il y a eu à l'automne 1943 une grande révolte et
les nazis ont rasé le camp, il reste quelques miradors.
J'étais seul avec le chauffeur polonais, je l'ai laissé,
je me suis rendu du quai par le chemin qu'ont emprunté
des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers
de déportés juifs, j'ai fait ce chemin jusqu'à
la carrière où se tenaient les chambres à
gaz. [Passons...] Il restait un petit monument. Je suis resté
là longtemps, j'ai dit le kaddish. Le plan avait
indiqué que se trouvait là un ossuaire très
grand, circulaire, avec des ouvertures, on voyait les crânes,
les ossements. Je suis resté là longtemps. Et puis
j'ai repris le même chemin, j'ai retrouvé la voiture,
je suis rentré à Paris directement. [Comediante ! ]
C'est cela qui m'avait amené en Pologne et c'est cette
vérité humaine-là que je tenais en cet instant
à dire au Tribunal parce que c'est cela la vérité,
[et surtout
pour débouter Faurisson]
la vérité de ce qu'ont ressenti tous ceux qui, ensuite,
de quelque façon que ce soit ont entendu les négationnistes.
[Pourtant, ce
sont les seuls à ne pas raconter de salades...]
Alors les enfants juifs qui étaient en zone libre, qu'on
a livrés comme juifs étrangers à la demande
si pressante des nazis alors que leurs parents étaient
déjà partis pour les camps d'extermination de Pologne,
les chambres à gaz c'était quoi ? C'était
pour les réunir à leurs parents ? C'était
pour les faire travailler ? Ils montaient par deux dans les wagons
à Drancy où on les avait a menés et, bien
souvent, on n'en a jamais revu aucun.
Et ma grand-mère à 80 ans ? C'était quoi
? Pour quelle raison on l'a arrêtée moribonde déjà
et on l'a déportée ? C'était pour sa force
de travail ?
Dans l'entreprise négationniste, il y a deux aspects qui
sont pour nous des douleurs extrêmes. Le premier c'est qu'en
niant, à partir des élucubrations que vous avez
entendues tout à l'heure, d'abord les chambres à
gaz, on nie ensuite l'extermination, le génocide.
Les millions de ceux qui ont disparu, je le dis clairement, ont
disparu parce qu'ils étaient voués à disparaître
par une volonté génocidaire et des procédures
diverses dont les chambres à gaz qui ont fait un des pires
crimes contre l'humanité. [On ne peut pas dire qu'il parle vraiment
français.] En montant
ce qui est une des pires entreprises de faussaire de l'histoire,
on est arrivé à nier non seulement l'existence des
chambres à gaz mais le génocide lui-même et
même à dire que de la volonté d'extermination
des juifs européens, on n'avait pas la preuve. Et ainsi
l'entreprise négationniste s'est développée
pour dire que ces juifs étaient morts du typhus, du travail
forcé, par hasard somme toute et on leur a retiré
ce qui était, je ne dirai pas .leur dignité, non,
mais le sens même, la signification au-delà de ce
génocide monstrueux, morts pour rien, morts par hasard.
C'est cela l'entreprise négationniste, et du même
coup il n'y a plus de bourreaux, il n'y a plus d'assassins, il
n'y a plus que des morts, par hasard, morts pour rien et pour
la leçon que l'humanité doit en tirer, il y a l'escamotage,
le silence. Voilà ce que cela signifie pour nous les survivants.
Et je terminerai sur une note plus personnelle encore : M. Faurisson,
tout à l'heure encore, vous a répété
que c'était une escroquerie politico-financière.
Alors cela veut dire quoi si on traduit dans sa vérité
humaine comme moi je l'ai vécu ? Cela veut dire que tous
ceux qui sont morts, mes parents et les autres, tous ceux-là
sont devenus les instruments qui sont utilisés par tous
les juifs, pour quoi faire ? Pour arracher des réparations
auxquelles ils n'ont pas eu droit. [Et surtout pour assurer l'impunité
et la continuité du crime sioniste. Badinter, vous êtes
complice !]
Je verrai toujours ma mère recevant les misérables
indemnités parce qu'il ne restait rien. [La grande masse du fric servait à
acheter des armes, des navires et des chemins de fer en Palestine
occupée, pour les colons... Les juifs se fichaient bien
de ta mère, pauvre vieux !]
Alors elle était quoi ? La complice d'une escroquerie
politico financière ? C'était cela qu'elle faisait
à cet instant là ? Ses fils nous étions quoi
? Les profiteurs, les bénéficiaires de cette escroquerie
? Les mots ont un sens sauf pour ceux qui les utilisent comme
vous.
Pour qu'il n'y ait aucune équivoque, que les choses soient
claires, pour moi, jusqu'à la fin de mes jours, tant que
j'aurai un souffle, M. Faurisson, vous ne serez jamais, vous et
vos pareils, que des faussaires de l'histoire et de l'histoire
la plus tragique qui soit dont j'espère que l'humanité
tirera, elle, la leçon et gardera le souvenir. [C'est le style pompier -
qui devait plaire à Mitterrand...]
M. le président : Le Tribunal vous remercie.
[18]
Robert Faurisson a pris la parole pour évoquer le procès
de 1981-1983 qu'on a appelé l'« affaire Faurisson
». Il a brièvement fait état du jugement du
8 juillet 1981 en admettant qu'il avait alors été
condamné par le tribunal pour « avoir manqué
de prudence... de circonspection objective... de neutralité
intellectuelle », tout en observant que le tribunal n'avait
pas recherché s'il était ou non un faussaire. Il
s'est surtout appesanti sur l'arrêt de la cour du 25 avril
1983 en disant que la cour avait confirmé sa condamnation
« pour les motifs précédemment rappelés
» (évoquant en incidente la condamnation prononcée
contre le Dalloz qui aurait publié le jugement de
1981 ( ) en le tronquant, avec une note de Bernard Edelman disant
qu'« il mentait à tout le monde »). En reprenant
plusieurs extraits de cet arrêt qu'il juge favorable, il
estime pouvoir en déduire que, « vu le sérieux
de son travail sur le problème des chambres à gaz,
tout le monde doit avoir le droit de dire qu'elles n'ont pas existé...
qu'elles sont un mensonge historique... une fabrication de la
propagande de guerre ».
Il ne s'est pas privé, au passage, de reprendre devant
le tribunal, ce 12 mars 2007, quelques-uns de ses arguments pour
faire valoir que les chambres à gaz n'avaient pu servir
à l'extermination des Juifs... parce que, explique-t-il,
c'était « techniquement impossible ».
Il allait terminer son intervention en évoquant sa fameuse
phrase de soixante mots (selon laquelle « les prétendues
chambres à gaz hitlériennes et le prétendu
génocide des Juifs forment un seul et même mensonge
historique... »), dont il s'apprêtait à donner
lecture au tribunal, lorsque le président du tribunal lui
a rappelé que les propos précis de cette phrase
lui avaient valu une condamnation, et l'a prié de conclure.
Il a conclu en citant intégralement cette phrase et en
ajoutant : « Le révisionnisme, c'est la grande aventure
intellectuelle du XXe siècle et du début du XIXe
siècle [Erreur
pour XXI], et je tiens à poursuivre,
à l'âge de soixante-dix-huit ans, ce travail-là.
Personne ne m'en détournera et surtout pas avec de scandaleuses
affirmations du genre de celles de Robert Badinter... »
[19]
[Le témoin prête serment.]
Me Jouanneau : Je voudrais demander à Mme Igounet, qui devra s'adresser au tribunal et pas au modeste avocat que je suis, de préciser dans quelles conditions, à quelles occasions, elle a été amenée à s'intéresser au négationnisme et à quel titre elle est considérée par la communauté scientifique comme l'historienne du négationnisme en France. [C'est la foire aux vanités. Mme Igounet est ignorée de la "communauté scientifique", à bon droit. ]
Mme Igounet : J'ai été amenée à m'intéresser à ce sujet à l'occasion de mon premier mémoire à la faculté des sciences humaines d'Aix-en-Provence. J'étais donc âgée d'une vingtaine d'années. J'ai commencé à travailler dans le cadre d'un mémoire de maîtrise d'histoire contemporaine sur le négationnisme et l'ultragauche. Un an plus tard, j'ai poursuivi ce travail dans le cadre d'un DEA, à l'Institut d'études politiques de Paris. À la suite de ce DEA, M. Milza, professeur d'histoire contemporaine, m'a proposé de faire une thèse à l'Institut d'études politiques de Paris sur l'histoire du négationnisme en France. Ce que j'ai fait. [Elle a donc resuçé le même jus pendant dix ans...]
[20]
Cette thèse a été soutenue en 1998 à
l'Institut d'études politiques de Paris (mention très
honorable avec félicitations du jury à l'unanimité).
Elle faisait près de 1000 pages (annexes comprises). Elle
a été remaniée et publiée aux Éditions
du Seuil en mars 2000 sous le titre Histoire du négationnisme
en France. [Rappelons
que le "négationnisme" n'existe pas. Le terme
est une invention purement médiatique.]
À partir de cette date, on m'a demandé d'intervenir
dans différents colloques, conférences, de publier
des articles sur le même sujet et de faire quelques émissions
de radio également. [Ça
s'appelle "faire sa promotion".]
Me Jouanneau : Dans le cadre de ces travaux et de la rédaction de ce livre, avez-vous consacré une partie de votre recherche aux écrits de Robert Faurisson concernant ce qu'il appelle « le prétendu génocide des Juifs et les prétendues chambres à gaz hitlériennes » ? Avez-vous en mémoire certains de ses travaux et de ses écrits et, en particulier, ce qu'il est convenu d'appeler la fameuse phrase de soixante mots qu'il a prononcée le 17 décembre 1980 sur l'antenne d'Europe 1 ? Cette phrase a été redite tout à l'heure par M. Faurisson, je n'ai pas besoin de la répéter si vous la connaissez. Sinon faut-il la relire ?
Me Delcroix : Monsieur le président, dans le cadre de l'enquête civile, c'est le tribunal qui définit et limite les questions. Je pense que cette question est sans rapport avec ce qui est reproché aujourd'hui à M. Badinter. La première question était pour situer le témoin, je n'avais pas d'objection à formuler. Il me semble que, dans le cadre de l'enquête, votre tribunal ne peut pas considérer cette question comme recevable.
Me Jouanneau : Comme d'habitude, la défense de M. Faurisson définit ce qui lui paraît être une preuve admissible alors que le tribunal, tout à l'heure, a bien pris soin de préciser que c'est à l'occasion des débats que nous aurons et du jugement
[21] qu'il sera amené à
rendre qu'il pourra apprécier en quoi les dépositions
recueillies à l'audience de la part des témoins
sont utiles ou non à la preuve de la vérité
du fait diffamatoire, à la preuve de la bonne foi.
Il me semble, quant à moi, que l'on ne peut pas laisser
M. Faurisson proclamer à nouveau, publiquement et solennellement,
cette phrase de soixante mots comme résumant sa pensée
d'aujourd'hui égale à celle d'hier, sans que les
témoins, quelques-uns d'entre eux, soient appelés
à dire s'ils en ont eu connaissance, s'ils ont eu l'occasion
dans leur travail de se pencher sur le sens de chacun de ces mots
qui comporte en lui-même une signification de falsification,
[Là, on voit
l'entourloupe que prépare Jouanneau : dire d'une phrase
qu'il estime fausse (c'est son droit) qu'elle décèle
le "faussaire". C'est un tour de passe-passe enseigné
par Vidal-Naquet, dès le début de cette affaire.] étant rappelé d'ailleurs que la
phrase elle-même est intégralement reproduite dans
le texte même du jugement du 8 juillet 1981 dont nous aurons
à débattre.
M. le procureur: Monsieur le président, à partir du moment où l'élément central est le jugement de juillet 1981, que nous sommes au coeur du débat, je crois que la question doit être posée.
Mme Igounet : Le livre dont je vous parle traite de l'histoire du négationnisme en France, de l'itinéraire de Robert Faurisson. Il y a de nombreux passages dans les discours de M. Faurisson où cette phrase de soixante mots est reproduite. Elle fait partie intégrante de son discours. Il l'utilise à maintes reprises depuis qu'il l'a prononcée sur les ondes d'Europe 1 en 1980. Je peux la répéter si vous voulez :
« Les prétendues "chambres à gaz" hitlériennes et le prétendu "génocide" des Juifs forment un seul et même mensonge historique, qui a permis une gigantesque escroquerie politico-financière dont les principaux bénéficiaires sont l'État d'Israël et le sionisme international, et dont les principales victimes sont le peuple
[22]
allemand - mais non pas ses dirigeants - et le peuple palestinien tout entier. »
Si vous le voulez bien, j'aimerais revenir
sur le parcours de Robert Faurisson qui figure dans cet ouvrage.
Robert Faurisson est né en 1929 en Angleterre. C'est un
homme qui a beaucoup voyagé, qui s'est retrouvé
en France à l'âge de 7 ans. C'est un étudiant
que l'on peut qualifier de brillant. On le retrouve à Henri-IV
en lettres supérieures pendant deux ans. Il côtoie
pas mal de personnes à cette époque. Il poursuit
ses travaux littéraires. Il soutient à la Sorbonne
un mémoire et obtient un diplôme supérieur
de lettres. Quelques années plus tard - je vais très
vite - il soutient un doctorat sur Lautréamont. Nous sommes
au début des années 1970 à la Sorbonne.
Entre-temps, Robert Faurisson est devenu agrégé.
Il enseigne dans un lycée à Vichy et en d'autres
lieux. Il enseignera aussi dans le supérieur à Paris
et à Lyon.
J'arrive en 1978. Nous sommes à Lyon-2. Il est maître
de conférences de littérature française du
XXe siècle. Il se consacre à la critique de documents,
« recherche du sens et du contresens, du vrai et du faux
» et, parmi ses projets à venir, on trouve, par exemple,
un travail intitulé « Le journal d'Anne Frank est-il
authentique ? » ou une recherche sur la « genèse
de la légende des chambres à gaz », etc. Tout
cela pour vous dire que le Faurisson littéraire va fabriquer
le Faurisson négationniste. C'est important pour ce qui
nous réunit aujourd'hui.
M. Faurisson a voulu provoquer dans le domaine de la littérature.
Il n'a pas réussi. Il s'est aussi, comme il dit, attaqué
au « problème des chambres à gaz »,
au début des années 1960. Et, toujours selon ses
propres dires, dès le début des années 1960,
il est confronté à ce qu'il considère comme
un double mythe : le mythe Rimbaud et le mythe des chambres à
gaz.
[23]
Je pense, personnellement, que si Faurisson n'a pas réussi
à provoquer en littérature, il va provoquer sur
le sujet des chambres à gaz et de leur « mythe ».
Il va commencer par essayer de « percer » dans les
journaux français. Dès le milieu des années
1970, il envoie une circulaire à des personnalités
du monde entier où il demande
« Puis-je me permettre de vous demander votre sentiment personnel sur un point particulièrement délicat de l'histoire contemporaine : les chambres à gaz hitlériennes vous semblent-elles un mythe ou une réalité ? »
Quelques passages vont être reproduits
dans Le Canard enchaîné. Nous sommes en juillet
1974. Un peu plus tard, en 1975, au sein d'une revue historique,
Historama, des extraits d'une lettre de Robert Faurisson
sont reproduits. En 1977, dans Historia, sont publiés
également des extraits d'une lettre de Robert Faurisson.
On y ajoute sa qualification : maître de conférences
à Lyon-2.
1977-1978 : Robert Faurisson est publié dans la revue de
Maurice Bardèche, un autre négationniste, Défense
de l'Occident. Et, fin 1978, nous sommes là au début
de l'affaire Faurisson, nous savons que Robert Faurisson réussit
à se faire publier dans le quotidien Le Monde. Nous
sommes en plein dans l'affaire Faurisson.
Deux ans plus tard - c'est pour cela que je vous explique en gros
le cheminement -, nous arrivons à cette phrase de soixante
mots prononcée sur les ondes d'Europe 1. À
ce moment-là, Robert Faurisson serait « proche »
du peuple palestinien, si l'on peut dire. C'était un rapprochement
qu'un autre homme avait choisi de faire au moment de la guerre
des Six-Jours, François Duprat. Le discours négationniste
prend une autre voie, celle de la défense des Palestiniens.
En pleine affaire Faurisson, l'avenir du négationnisme
est où ? Déjà dans le monde arabe.
[24]
Me Jouanneau : Pouvez-vous dire au tribunal si les travaux de
Robert Faurisson que vous venez d'évoquer vous paraissent
être ceux d'un historien et précisez-nous, si c'est
en qualité de maître de conférences ou de
professeur d'université qu'il les a signés et si
c'est un combat militant et pour quelle cause ?
Mme Igounet : À ma connaissance,
Robert Faurisson n'a jamais fait état de ses recherches
historiques au sein de la faculté où il enseignait.
Par contre, c'est un point où il faut être clair,
les travaux de Robert Faurisson ne sont pas le fait d'un chercheur,
d'un historien. [Un
type qui cherche, comment ça s'appelle ? Si elle, Igounet,
est "historienne", qui ne l'est pas ?]
La méthode de Robert Faurisson est singulière. Premièrement,
Robert Faurisson a décidé de s'attaquer au «
problème des chambres à gaz », comme il l'appelle,
avec « sa » méthode littéraire. Il l'a
nommée la méthode Ajax, « au ras des pâquerettes
». Je m'explique : quand on rencontre un mot dans un texte,
Robert Faurisson conseillait à ses étudiants de
faire fi du contexte, là en l'occurrence du contexte historique.
En ce qui me concerne, moi qui ai fait des études d'histoire
pendant de longues années, [non, de sciences po]
c'est le contraire qu'on m'a enseigné sur ce point précis.
Cette méthode historico-littéraire relève
de la malhonnêteté.
Dès que Robert Faurisson a pu mettre son tampon, sa qualification
de « maître de conférences, critique de textes
et de documents », sur ses lettres, il l'a fait.
Je vais vous indiquer un des points de son raisonnement : les
chambres à gaz, selon lui, n'ont jamais exterminé
de Juifs parce qu'aujourd'hui il y a beaucoup de Juifs ; je cite
Robert Faurisson. Prenez l'exemple de Simone Veil qui, soi-disant,
a été gazée, qu'on voit bien aujourd'hui.
Ce qui repose à mon sens sur une malhonnêteté.
[Laquelle ?] Mais surtout, selon moi, la méthode de
Robert Faurisson, dès l'origine, est totalement en inadéquation
avec l'histoire. [On
remarquera avec bienveillance que cette phrase est insensée.]
[25]
Pourquoi ? Parce que Robert Faurisson part de ce postulat que
les chambres à gaz n'ont jamais exterminé les Juifs.
À partir de ce postulat, il interprète les documents
qu'il possède. Je peux vous dire que, quand on fait des
recherches en histoire, que cela soit en histoire contemporaine,
du Moyen Âge, etc., on ne part pas de postulats. Les documents
parlent, on écoute les documents. [On voit que cette donzelle n'a jamais travaillé
sur des "documents".] Je
pense que la méthode de Robert Faurisson n'est pas une
méthode historique, n'est pas une méthode scientifique,
c'est une méthode, on va dire pour résumer, faurissonienne.
J'ajoute quelques mots : je parle d'une méthode «
scientifique » parce que je pense que les papiers [elle veut dire "les articles"] de Robert Faurisson ont trompé, c'est
sûr, parce que justement ils revêtent une apparence
de scientificité, c'est-à-dire, déjà
le titre, énormément de notes en bas de pages, etc.
Cela aussi est important.
Me Jouanneau : Est-ce qu'à votre connaissance, puisque vous nous avez relaté le parcours universitaire de M. Faurisson, il a été amené à tenir à Lyon, à l'université, un cours portant sur la période nazie ? Ce cours est-il connu ? A-t-il donné lieu à des publications ?
Mme Igounet : A ma connaissance, Robert
Faurisson n'a jamais tenu de cours sur la période nazie.
[On ne "tient"
pas un cours, comme on tient un bistrot, on le "donne".] Il y a de temps en temps, dans les documents
qu'il distribuait à ses étudiants, des allusions
à l'histoire du génocide et d'ailleurs, dans la
publication de sa thèse par Gallimard en 1972, il parle
d'un mythe.
Je crois que ce qui est important sur l'histoire de Robert Faurisson
et ses publications, c'est que Robert Faurisson a tenté,
le moment venu... le moment venu, c'est l'affaire Darquier de
Pellepoix qui a sonné le début de l'affaire Faurisson,
le début de sa médiatisation et, très vite,
Robert Faurisson n'a
[26] plus enseigné. [C'est-à-dire qu'à
son extrême regret il en a été empêché
par les autorités académiques, elles-mêmes
sous pression. Devinez de qui ?] L'affaire
Darquier de Pellepoix date d'octobre 1978. L'Express sort
un numéro dont le titre est «A Auschwitz on n'a gazé
que des poux. »
Très vite, l'affaire Faurisson commence. C'est essentiellement
à la suite de cette affaire Darquier de Pellepoix que Le
Monde a décidé de publier Faurisson. Le quotidien
invoquait qu'il avait peur [en
français, on ne peut pas "invoquer que".] que les thèses de Faurisson ébranlent
les générations à venir.
Me Jouanneau : L'assignation délivrée par M. Faurisson nous apprend qu'il est professeur d'université en retraite et nous croyons savoir que c'est en 1990 qu'il a pris cette retraite. A quelle date savez-vous qu'il a été nommé professeur d'université à Lyon ?
Mme Igounet : Ce que je sais de l'itinéraire de Robert Faurisson, c'est qu'à partir de l'année 1974 il est nommé maître de conférences en littérature française du XXe siècle à Lyon-2. Ensuite, très vite, comme je vous l'ai dit, il n'enseigne plus et, à ce que je sais, il est muté au centre de télé-enseignement. Après, Robert Faurisson a-t-il été nommé professeur ? Je ne sais pas. Je pense que non.
Me Jouanneau : Vous pensez qu'il n'a jamais été nommé professeur ?
Mme Igounet : Il était maître de conférences en littérature française.
Me Jouanneau : Vous n'êtes tenue de dire au tribunal que ce que vous savez. [C'est une petite claque au témoin, ça, non?] D'autres témoins ont eu l'occasion de se pencher sur cette question, nous pourrons les interroger. Je ne sollicite aucune réponse, je demande ce que vous savez de son itinéraire universitaire, car vous nous avez révélé l'impor-
[27] tance que revêtait l'usage de ce titre universitaire pour donner une autorité à ses travaux. [Elle n'a rien "révélé" de ce genre.] Vous confirmez que ce titre a pu avoir une certaine influence sur son auditoire ?
Mme Igounet : Bien sûr. [Elle qui n'a aucun titre...]
Me Jouanneau : Il semble qu'il n'en ait pas eu à part ses élèves par correspondance ou ses lecteurs.
Mme Igounet : Quand je parle de l'influence qu'il a eue, c'est pour ses recherches privées. Quand il s'est rendu au musée d'Auschwitz, il a rencontré la personne qui s'occupait des archives. Je suis persuadée, je le sais de source sûre, qu'il a utilisé habilement son titre universitaire quand il demandait des renseignements sur les pièces qu'il voulait à tout prix avoir. Le conservateur du musée a été ébranlé. Il est évident qu'il a utilisé son titre.
Me Delcroix : Si vous permettez...
Me Jouanneau : Non, n'interrompez pas les questions.
Me Delcroix : Est-ce que le témoin, sur ce qu'il vient de dire, l'a vu ou le sait au deuxième degré ? Un témoin doit dire ce qu'il sait, ce qu'il a vécu, ce qu'il connaît. Est-ce que c'est du vécu cela, avec le musée d'Auschwitz, avec le tampon ? Est-ce que Mme Igounet l'a vu ou est-ce qu'on lui a raconté ?
M. le président: Vous pouvez préciser votre source d'information sur cet épisode ?
Mme Igounet : En ce qui concerne les archives du musée d'Auschwitz, on m'en a parlé. J'ai vu la lettre que Robert Faurisson a écrite pour demander des pièces. [ON lui a raconté. ]
[28]
M. le président : Ses titres universitaires étaient
mis en avant ?
Mme Igounet : Il était marqué « Robert Faurisson, maître de conférences à Lyon-2 » et il était ajouté « spécialiste de la critique de textes » ou quelque chose comme cela. ( ) [Tout cela paraît parfaitement normal, conforme aux usages...]
Me Jouanneau : Le jugement de 1981 constitue
donc la pierre angulaire de notre procès d'aujourd'hui.
La LICRA avait, à l'époque, dans son assignation,
qualifié M. Faurisson d'historien et celui-ci, dans la
procédure, a justement contesté cette qualité.
Le tribunal a considéré que peu importait le titre
qu'on lui conférait dès lors qu'il respectait les
obligations qui incombaient à toute personne faisant des
travaux historiques, même s'il n'est pas historien.
Aujourd'hui, vingt-cinq ans après, beaucoup ont écrit
sur Faurisson et lui ont prêté des intentions qu'il
a souvent contestées, même tout à l'heure
à l'audience. Certains ont cru voir en lui un malade mental,
paranoïaque, et d'autres, sur un autre registre, un antisémite
pur et simple qui se servait de ses compétences, de ses
titres, de ses recherches pour nourrir son antisémitisme.
Avez-vous entendu parler de l'un et de l'autre de ces qualificatifs
?
Mme Igounet : C'est toujours pareil. Que puis-je « prouver » sur l'antisémitisme de Robert Faurisson ? Un antisémitisme qu'il a toujours occulté. C'est une litanie, cela perdure chez Robert Faurisson : « Je suis apolitique. » Ce ne sont pas des
[29] motivations idéologiques qui
mènent mes recherches, c'est avant tout ma passion pour
la recherche de la vérité. [La lecture de son oeuvrette donne à penser
le contraire.] Dans les années
1960, Robert Faurisson a rencontré quelques personnes,
et parmi ces gens deux m'ont écrit. L'un d'eux était
en lettres supérieures avec Robert Faurisson. Il l'a retrouvé
quelques années plus tard dans un établissement
où il était traité pour maladie. Il m'a écrit
qu'à ce moment Robert Faurisson était de l'extrême
droite la plus forte. [ON lui a écrit...]
Quelques années plus tard, Pierre Citron, qu'il a côtoyé
à la Sorbonne, m'a écrit que Robert Faurisson avait
une « phobie antisémite qui lui faisait voir des
Juifs partout ». [Peut-être
même dans la personne de M. Citron ?]
À diverses reprises, j'ai rencontré Pierre Vidal-Naquet,
qui était persuadé que Robert Faurisson agissait
sur des bases antisémites. Il m'a rappelé plusieurs
fois cette lettre qu'il avait reçue, qui était donc
écrite par Robert Faurisson et adressée au comité
Maurice-Audin. Sur cette lettre, il était marqué
[en français : il était écrit] de la plume
de Robert Faurisson : « Cachez vos Juifs. » [Cette lettre, l'infortuné
Vidal-Cliquet n'a jamais pu la produire. Faut-il se fier à
sa "mémoire" ? Il détestait Faurisson
depuis bien avant, depuis, en fait, leurs années d'hypokhâgne
à Henri-IV.]
[M. Faurisson veut intervenir.]
M. le président : Votre conseil pourra poser les questions qu'il veut au témoin. Pour le moment c'est le conseil des défendeurs qui pose des questions. Continuez, madame.
Mme Igounet : Il semble établi que Robert Faurisson est antisémite, paranoïaque, vu les organes de presse où il écrivait, où il s'exprimait. [Cette malheureuse est-elle tombée sur la tête ? Comment ose-t-elle poduire de tels arguments à la noix ?] Je pense par exemple à National Hebdo, où l'on peut lire des propos qui, je pense, n'avaient jamais été tenus depuis quarante ans. On ne peut pas écrire dans de tels organes sans être antisémite.
Me Jouanneau : Avez-vous eu connaissance des déclarations que Robert Faurisson a faites à Téhéran dans le cadre de la conférence dite de Téhéran du 11 décembre dernier,
[30] convoquée par le président Ahmadinejad, au cours de laquelle, évoquant ces travaux, il a, à de nombreuses reprises, affublé les personnes qu'il mettait en cause du nom de « le Juif », « la Juive Simone Veil », ou encore lorsqu'il appelle la loi Gayssot, la loi du Juif Fabius. L'emploi de cette expression vous paraît-elle de nature à révéler publiquement un antisémitisme déclaré qu'il avait jusqu'à présent tenté de dissimuler ?
Me Delcroix : Monsieur le président, le même problème au sujet de l'enquête se repose maintenant. Il s'agit de faits qui remontent à 1981 et à 1983 pour l'arrêt de la cour. Je ne vois pas ce qu'une conférence de Téhéran de 2006 peut avoir comme rapport avec l'objet de ce procès. Je pense que cette question n'a pas à être posée.
Me Leclerc : Un arrêt récent de novembre dernier de la Cour européenne des droits de l'homme estimait que, pour faire la preuve de la vérité des faits diffamatoires et de la bonne foi, il était possible de faire état de documents postérieurs ou de propos qui ont été tenus également postérieurement à l'action en justice engagée. Nous faisons la preuve avec les éléments qui sont à notre disposition. [Cette "innovation" de la Cour européenne marque une dérive du droit. Cette Cour n'a d'ailleurs pas l'autorité pour modifier le droit.]
Me Jouanneau : Dès lors que nous avons à nous interroger sur le point de savoir si c'est vrai que Faurisson est un faussaire de l'Histoire et que c'est à juste titre que Robert Badinter l'a ainsi qualifié, il est évidemment essentiel pour le tribunal de savoir, puisque Faurisson maintient, vingt-cinq ans après, mot pour mot, les propos qu'il a tenus en 1980, si, aujourd'hui, il apparaît en pleine lumière comme antisémite, et se comporte comme tel, s'il y a eu une évolution dans l'expression faurissonienne. [Et pourquoi un antisémite ne pourraitil pas avoir raison, et dire que 2+2=4 ?]
[31]
M. le président : Monsieur le procureur, sur cette contestation
?
M. le procureur : J'observe que, lors de la conférence de Téhéran telle que diffusée, l'arrêt de 1983 est cité. Donc ce texte fait partie intégrante des débats. [Très curieux raisonnement de ce procureur.]
M. le président : Poursuivez, madame, répondez à cette question.
Mme Igounet : Selon moi, en tout cas,
l'évolution n'est pas très grande dans le sens où
Robert Faurisson a déjà cité Simone Veil
comme juive. En gros, on est là pour se demander si le
négationnisme de Robert Faurisson ou le négationnisme,
en général, est un paravent de l'antisémitisme.
À mon sens, oui. [Elle
montre qua des années de dur labeur ne lui ont rien appris;
elle ne comprend toujours pas de quoi elle parle.] Évidemment que dans ce texte il a cité
des Juifs ou des Juives. [En
français, on ne peut pas dire "évidemment que".] Il le fait depuis de longues années.
L'évolution n'est pas flagrante. À un moment de
son texte, il a remis au point quelques mots de vocabulaire. Il
a dit : on n'a pas exterminé les Juifs, on les a extirpés
[Pure invention de
cette historienne en peau de lapin.]
; il n'y a pas eu de « solution finale » du problème
juif, au sens de suppression physique, parce que Robert Faurisson
parle d'émigration vers l'Est ou de déplacement.
Ce que je pense en tout cas, c'est qu'aujourd'hui, quand on lit
le discours de Robert Faurisson, on lit le discours négationniste
en général. Il se situe aux antipodes de l'histoire,
ce n'est pas du tout de l'histoire. Évidemment que [idem]
le négationnisme fausse l'Histoire. Aujourd'hui qu'est-ce
que disent les négationnistes et Robert Faurisson en tête
? Les Juifs n'ont jamais été exterminés.
Qui aujourd'hui sont les victimes de ce mensonge ? Les Allemands
et les Palestiniens. Quels sont ceux qui avaient intérêt
à la pire monstruosité ? Ce sont les Juifs. L'histoire
est totalement inversée.
J'ai lu la conférence de Téhéran, le texte de Robert Faurisson,
[32] les conclusions sont toujours les mêmes. Selon moi, et sans aucune hésitation, Robert Faurisson fausse l'Histoire. [De "fausser", ici au sens de "dévier", on est prêt à sauter sur "faussaire"...]
Me Jouanneau : Parmi les textes de Faurisson publiés par le journal Le Monde et par le journal Le Matin de Paris, en décembre 1978, l'un était « Le "problème des chambres à gaz" ou "la rumeur d'Auschwitz" », dans Le Monde du 29 décembre. Robert Faurisson a développé ses travaux. Vous semble-t-il que, ce faisant, il a, en quelque sorte, fait avancer la connaissance, la recherche historique sur la question ? Considérez-vous qu'il ait servi de prétexte ou d'aiguillon à la recherche historique sur cette question ?
Mme Igounet : Quand l'affaire Faurisson
a éclaté à la fin des années 1970,
peut-on dire que l'historiographie concernant le génocide
juif pouvait être considérée comme balbutiante
? Il n'y avait pas beaucoup d'ouvrages ayant trait au génocide,
à l'histoire de la « solution finale ». Au
moment où l'affaire Faurisson a lieu, on remarque que le
nombre d'ouvrages concernant l'extermination des Juifs commence
à progresser.
Est-ce que Robert Faurisson a fait progresser l'histoire ? Je
ne le dirais pas en ces termes. Comment pouvait-on penser qu'à
la fin des années 1970 un discours comme celui de Robert
Faurisson serait médiatisé ? En tout cas il l'a
été et c'est pour cela que les historiens, les chercheurs
se sont encore plus mis au travail. On sait tous qu'un contexte
historique prend du temps, il faut l'appréhender, l'apprivoiser.
Au moment de l'après-guerre, dans les années qui
ont suivi l'après-guerre, les ouvrages sur l'histoire de
la « solution finale » et l'extermination des Juifs
étaient peu nombreux. Quelques-uns font encore référence
aujourd'hui, je pense au livre de Raul Hilberg. À la fin
des années 1970, le nombre d'ouvrages sur l'histoire de
la Seconde Guerre mondiale a progressé, plus particulièrement
sur le génocide juif. [C'est
justement Hilberg qui a dit que les révisionnistes posaient
de bonnes questions, qui l'obligeaient, lui et ses acolytes, à
faire de nouvelles recherches... C'est même en français
dans une interview donnée au Nouvel Observateur.]
[33]
Il y a eu aussi un colloque sur l'Allemagne nazie. C'est vrai
qu'à l'occasion de ce colloque, Raul Hilberg explique que
Robert Faurisson a « posé des questions » auxquelles
on a répondu pour qu'il n'y ait pas de malentendus, surtout
pas sur cette question. [Ce
n'est pas du tout ce qu'a dit Hilberg. Elle est toujours dans
l'approximation, toujours vague et souvent trompeuse.]
Me Jouanneau : Dans son arrêt du
24 avril 1983, dont M. Faurisson fait abondamment état
et, à mon sens abusivement usage, la cour a précisément
déclaré que l'appréciation de la valeur des
conclusions de Robert Faurisson relevait de la seule compétence
des historiens, des experts et du public.
Pouvez-vous nous dire d'abord, puisque vous l'avez évoqué,
si Pierre Vidal-Naquet peut être considéré
comme l'un de ces experts habilités à se prononcer
? Malheureusement, il est aujourd'hui décédé.
Si c'était le cas, je vous demanderai de dire au tribunal
ce dont vous avez connaissance et à quoi correspondent,
pour vous, les expressions qu'il a utilisées pour désigner
Robert Faurisson : « les assassins de la mémoire
» ou « un Eichmann de papier » ?
Et, deuxièmement, si les témoins que nous avons
fait citer aujourd'hui et dont vous avez eu connaissance par la
copie de l'offre de preuve qui vous a été dénoncée
avec la citation vous paraissent constituer, en eux-mêmes,
la liste des historiens et des experts habilités à
se prononcer, comme la cour le leur a demandé, sur les
travaux de Faurisson d'une part et sur sa méthode et sur
le qualificatif de faussaire que Robert Badinter a utilisé
pour le désigner ? [Mais
comment diable cette petite gourde provinciale pourrait-elle se
prononcer sur de tels sujets ?]
Mme Igounet : Je vais commencer par cette
dernière question et ma réponse va être brève.
À mon sens, les personnes citées comme témoins
sont très compétentes pour s'être prononcées
sur cette qualification dont vous parlez. [Voilà, c'est l'avis de la gourde, très
convainquant comme on peut voir !]
En ce qui concerne Pierre Vidal-Naquet, je veux rappeler que c'est
un homme qui a été confronté à l'histoire
du
[34] négationnisme par, déjà,
une histoire familiale que tout le monde connaît, une histoire
personnelle - Robert Faurisson et Pierre Vidal-Naquet se sont
côtoyés, se sont aperçus - et par une histoire,
j'allais dire une grande histoire intellectuelle, parce qu'il
est vrai que Pierre Vidal-Naquet - je le rappelle, historien de
l'Antiquité - s'est dit, au moment de l'affaire Faurisson,
qu'a priori personne ne se mettait vraiment au travail pour contrer
Robert Faurisson.
Nadine Fresco a écrit un excellent article : « Les
redresseurs de morts », qui est paru en 1980 dans la revue
Les Temps modernes. Pierre Vidal-Naquet a écrit
un long article paru dans la revue Esprit quelques mois
plus tard, en septembre 1980. L'article de Pierre Vidal-Naquet
en rapport avec l'histoire du génocide, surtout en rapport
avec l'histoire du négationnisme, a été édité
par les Éditions de la Découverte sous forme d'un
recueil, Les Assassins de la mémoire. Rien qu'avec
le titre on voit bien où Pierre Vidal-Naquet veut en venir.
Pierre Vidal-Naquet était, à mon sens, quelqu'un
- ce n'est même pas le mot compétent qui me vient
à l'idée - était une des personnes pour moi
une des plus aptes à contrer le négationnisme. C'était
un historien brillant. C'était un historien qui, évidemment,
était spécialiste de l'histoire de l'Antiquité.
[Ce "évidemment"
veut dire qu'il était totalement dépourvu de compétences
en histoire contemporaine où il n'était qu'un amateur
parmi d'autres.] Son parcours d'historien,
de citoyen, lorsque je l'ai rencontré à diverses
reprises, fait qu'à mon sens ses contributions à
l'histoire du négationnisme sont à prendre en compte.
J'ai rencontré Pierre Vidal-Naquet et il m'a dit: je ne
peux pas discuter avec les négationnistes. Face à
un Eichmann de papier, je tenais à écrire. [C'est vrai, il ne pouvait pas,
physiquement ! Ça prouve que pour lui toute cette affaire
était passionnellle, et donc irrationnelle. Nous l'avons
souvent constaté de visu.]
Me Jouanneau : Dernière question : en 1999, dans la revue L'Histoire, Mme Igounet a écrit un article consacré à l'itinéraire du négationniste Robert Faurisson. Faurisson y était désigné comme un faussaire de l'Histoire. Avez-vous été per-
[35] sonnellement poursuivie par M. Faurisson en diffamation pour avoir utilisé ce qualificatif ?
Mme Igounet : Je n'ai pas été poursuivie. [Est-ce qu'on poursuit le moustique qui vous pique ?]
Me Jouanneau : Je n'ai pas d'autres questions à poser à Mme Igounet.
Me Delcroix : Je tiens à ce que
le débat reste sur la cause et l'objet de la procédure.
Je voudrais quand même, puisqu'il y a eu ces développements,
poser deux autres questions au témoin.
Dans son livre Histoire du négationnisme en France,
Mme Igounet rapporte les propos d'un adversaire des révisionnistes
qui était Jean-Claude Pressac, qui, aux États-Unis,
était édité par Serge Klarsfeld et en France
par le CNRS. Mme Igounet rapporte les propos de Jean-Claude Pressac.
Il dit :
« Le dossier du Génocide et des chambres à gaz est pourri... Lecture... avant de dire que cela ira dans les poubelles de l'Histoire. »
Est-ce que le témoin peut expliquer ces propos de feu M. Pressac ?
Mme Igounet : M. Jean-Claude Pressac était quelqu'un qui s'intéressait à l'histoire du génocide par des documents et aussi par des témoignages. Certains de ces témoignages se sont révélés contradictoires. Pour un homme comme Jean-Claude Pressac, on ne peut établir l'histoire que si on l'établit sur des témoignages. [Encore une fois, elle n'a rien compris. Pressac a clairement dit le contraire, mais il n'a pas pu s'en tenir là.]
Me Delcroix : Je voudrais savoir si le témoin s'est vu interdire de publier dans son livre l'interview du professeur Faurisson ?
[36]
Mme Igounet : J'étais allée voir Robert Faurisson
à son domicile pour faire cet entretien, qui ne figure
pas dans le livre. Je ne me souviens plus si Robert Faurisson
me l'a interdit...
[M. Faurisson proteste.]
... À la mise en forme de l'ouvrage, à la parution de l'ouvrage, la question de la retranscription de tous les témoignages que j'avais recueillis, c'est-à-dire des principaux négationnistes en France, Maurice Bardèche, Robert Faurisson, Pierre Guillaume, Henri Roques, s'est posée. Ces entretiens avaient été relus par leurs auteurs. On ne pouvait pas tous les mettre évidemment. Je ne veux pas m'avancer, mais il me semble que je n'ai pas mis l'interview de M. Robert Faurisson parce qu'il y avait beaucoup d'entretiens de négationnistes. Je ne pouvais pas tous les faire figurer en annexe dans cet ouvrage relativement épais. [La pauvre petite dinde de province trouve là un argument débile. Elle n'ose pas mentionner les pressions et les chantages dont elle a été l'objet. Le courage n'est pas son fort.]
Me Delcroix : Ma troisième question est la vraie question : est-ce que le témoin peut donner une appréciation sur l'éventuelle existence d'une décision de justice qui condamnerait M. Faurisson pour falsification de l'Histoire qui aurait été obtenue après la plaidoirie de Robert Badinter du temps qu'il était avocat ?
Mme Igounet : Sur cette question précise,
non.
[Fermez le ban !]
[37]
[Le témoin prête serment.]
Me Jouanneau : Je voudrais demander au témoin de préciser au tribunal si, dans le cadre de son activité d'historienne, elle a eu l'occasion de se pencher sur le phénomène du négationnisme en France et, en particulier, sur les écrits de Robert Faurisson ?
Mme Wieviorka : Je ne me suis pas penchée
sur le phénomène du négationnisme en France,
en tout cas pas de façon extrêmement approfondie,
parce que, pour mes travaux qui portaient sur la mémoire
de la déportation et celle du génocide, j'avais
tellement de documents que je ne comprenais même pas que
l'on puisse attacher la moindre importance à des déclarations
qui m'ont toujours semblé être fausses. [Donc, pour ses raisons, bonnes
ou mauvaises, elle ignore le dossier. Alors pourquoi est-elle
là ?]
Le dernier livre que j'ai écrit, publié en 2005,
Auschwitz, 60 ans après, s'intéressait à
ce qui s'était passé, à l'histoire des lieux
et la façon dont s'était construite la mémoire.
Je ne
[38] voyais vraiment pas pourquoi j'allais
m'intéresser à ce qui, pour moi, n'est pas de l'histoire,
n'a jamais été de l'histoire. [Mme W croie, comme beaucoup de gens dépourvus
d'instruction, ce qui est grosso modo son cas, que l'histoire
s'écrit à partir de la "mémoire".
Il n'y a que les journalistes pour croire à de telles imbécillités.]
Je lis les travaux de mes collègues, je lis les témoignages,
notamment ceux des membres du Sonderkommando, je ne lis pas attentivement
ce qui ne constitue pas un matériel de preuve, qui ne constitue
pas un récit historique digne d'attention.
Mes collègues qui travaillent sur cette question, qui ne
travaillent pas sur les négationnistes mais sur le génocide,
en général, font de même.
Me Jouanneau : Quelles sont les personnes que vous considérez en France comme étant habilitées à se prononcer sur la valeur des travaux de Faurisson, même si vous-même considérez qu'elle est nulle ou qu'elle est négligeable ?
Mme Wieviorka : J'ai été
pendant vingt ans professeur de lycée, j'ai donc eu des
collègues professeurs de lycée. Je suis désormais
depuis quinze autres années au CNRS, je travaille donc
dans une université. [Cette
promotion imprévue, Mme W. la doit à la vogue de
la "mémémoire" chez les plumitifs et les
idéologues. Sans ce coup de chance, elle serait restée
au lycée.] Je n'ai jamais vraiment
rencontré dans toute ma carrière un historien, quelqu'un
qui avait été formé à l'Université
avec des études d'histoire, qui a enseigné l'histoire
avec un CAPES ou une agrégation ou qui, à l'Université,
était soit chercheur, soit enseignant, qui utilise la moindre
ligne de Robert Faurisson pour faire ses cours ou ses recherches.
[Ce constat révèle
l'ampleur de la répresion de la pensée libre, répresion
qu'approuve pleinement le témoin.]
Robert Faurisson intéresse ceux qui s'intéressent
au phénomène du négationnisme, ceux qui accrochent
sur l'antisémitisme. Robert Faurisson est un bon objet
pour étudier l'antisémitisme, l'antisionisme et
certainement pas pour étudier le génocide des Juifs.
Me Jouanneau : Pouvez-vous préciser au tribunal si vous avez eu, à un moment quelconque, à l'époque ou depuis, accès
[39] aux déclarations ou aux écrits de Faurisson publiés dans Le Monde en décembre 1978 sous le titre « La rumeur d'Auschwitz » et dans Le Matin de Paris ?
Mme Wieviorka : Je me rappelle très
bien ma stupéfaction à voir que le quotidien que
je lisais depuis ma classe terminale, Le Monde, avait publié
cet article. J'ai toujours considéré que cela avait
été une erreur de publier cet article. [Autrement dit: vive la censure
!]
Plus tard, au moment du procès Barbie, au lycée
Voltaire, nous avons reçu des tracts antisémites
avec des dessins antisémites qui s'inspiraient des écrits
de Robert Faurisson. C'était en 1987, au moment du procès
de Klaus Barbie.
Me Jouanneau: Parmi les historiens ou les chercheurs qui ont écrit sur l'extermination des Juifs, sur la « solution finale », sur les chambres à gaz, il y en a un qui est décédé aujourd'hui, Georges Wellers, qui a publié cet ouvrage La Solution finale et la Mythomanie néo-nazie. Il a été directeur de la revue Le Monde juif mais aussi directeur du Centre de documentation juive contemporaine. Il a échangé de nombreuses correspondances avec Robert Faurisson à l'occasion des travaux que ce dernier dit avoir effectués laborieusement pendant quatorze ans. Est-ce que vous considérez que Georges Wellers constitue en lui-même une référence sur le sujet et que ses travaux peuvent être considérés comme crédibles et comme ayant autorité ?
Mme Wieviorka : Absolument. Georges Wellers a d'abord publié son témoignage sous le titre De Drancy à Auschwitz puisqu'il a été déporté en juin 1944. Puis, ensuite, il s'est consacré avec d'autres à des travaux qu'il a publiés dans la revue du Centre de documentation juive contemporaine, Le Monde juif. Il a surtout effectué le premier comptage des victimes d'Auschwitz. Je dis très rapidement que, pendant très longtemps, a figuré sur le monument international
[40] d'Auschwitz un chiffre qui était faux, 4 millions, en quelque sorte, un chiffre canonique. Or Wellers a montré que le chiffre des victimes était inférieur. [Et oui, les modes changent...]
Je voudrais tout de suite dire que c'est
banal. J'ai été en poste à Caen au CNRS et,
quand on disait qu'il y avait eu 12.000 victimes des bombardements,
mes collègues du CNRS ont décidé pour l'anniversaire
des bombardements de Normandie de faire une étude scientifique
sur le comptage et ils ont abouti à 4000, c'est-à-dire
à un chiffre largement inférieur au chiffre qu'on
utilisait habituellement. [C'est
un phénomène courant. Une diminution des deux tiers.
Appliquez-là au chiffre "canonique" de six millions...
Et vous irez en taule.]
Donc le premier comptage a été fait par Georges
Wellers et ce travail est un travail qui fait autorité
dans la communauté des historiens, même si d'autres
comptages existent désormais. [Elle ignore évidemment tous les auteurs
étrangers, non-révisionnistes, qui avaient fait
ce travail longtemps avant ce balourd de Wellers.]
Me Jouanneau : Saviez-vous qu'il a fait, en 1990, l'objet d'un procès de la part de Robert Faurisson parce qu'il l'avait désigné, dans la revue Le Monde juif, comme le falsificateur de l'histoire des Juifs pendant la période nazie ?
Mme Wieviorka : J'ignorais qu'il y avait eu ce procès. Mais la désignation de falsificateur me semble être une sorte de norme et, pour moi, le terme ne me choque pas. [Puisqu'elle ne connaît pas le dossier, ignore les procès et les débats qu'ils engendrent...son ignorance la protège de toutes les questions. On devrait la laisser dormir tranquille.]
Me Jouanneau : Non seulement il ne vous choque pas mais correspond-il à l'idée que vous vous faites du personnage et de la connaissance que vous avez de ses écrits ? [écrits qu'elle n'a jamais lus.] L'emploi du mot faussaire ou falsificateur de l'Histoire vous paraît-il approprié pour désigner d'une part Robert Faurisson et, d'autre part, en général, les négationnistes ?
Mme Wieviorka : C'est un terme qui est tout à fait approprié. J'ai rencontré un deuxième terme parce que la chose m'a sauté vraiment à la figure quand j'ai dû lire les propos qui ont été
[41] tenus à Téhéran. Les propos tenus à Téhéran glissent toujours, avant le nom propre, le Juif, le Juif Untel, le Juif machin et j'ai eu un véritable choc parce que j'ai dépouillé pendant quelques années les archives du commissariat général aux questions juives de l'Occupation et qu'une circulaire du commissariat obligeait à marquer dans les papiers du commissariat « le Juif Untel » et que cette façon de parler est une façon tout à fait antisémite. Je dirai donc qu'il est faussaire et antisémite.
Me Jouanneau : Vous avez connu sans doute Pierre Vidal-Naquet et également les travaux qu'il a consacrés à la question sous le titre « Un Eichmann de papier », puis Les Assassins de la mémoire. Que pouvez-vous dire au tribunal de ces travaux ? Vous paraissent-ils avoir fait le tour de la question et analysé suffisamment les travaux de Faurisson ? Si vous avez connu personnellement Pierre Vidal-Naquet, pouvez-vous rapporter au tribunal quelle était la considération qu'il avait pour Faurisson ?
Mme Wieviorka : J'ai connu Pierre Vidal-Naquet.
Je pense d'ailleurs que, s'il n'était pas décédé,
il serait là pour témoigner. C'est un immense historien
[il n'est plus là
pour faire étalage de son immense modestie...] et l'hommage qui lui a été rendu
lors de son décès l'a montré. Pour ma part
je considère que le texte « Un Eichmann de papier
», publié par la revue Esprit, ensuite les
textes qui ont été réunis en volume font,
j'ai presque envie de dire, le tour théorique de la question
parce qu'ils montrent bien, à la fois, comment on peut
créer du faux en décrochant complètement
de la réalité historique mais surtout quelles sont
les finalités de la falsification. Ce n'est pas n'importe
quelle falsification, c'est une falsification qui obéit
à un certain nombre de finalités.
De la part de Vidal-Naquet, mettre l'accent sur cette question
alors qu'il a été constamment critique en ce qui
concerne la politique de l'État d'Israël montre que
c'était quelque chose
[42] qui était vraiment contenu dans le texte de Robert Faurisson. J'ajoute que les parents de Pierre Vidal-Naquet ont été arrêtés à Marseille en 1944, déportés, qu'ils sont morts à Auschwitz et que c'était la propre mémoire de Vidal-Naquet que Faurisson a assassinée. [Mémoire de rien du tout: PVN ignorait tout du sort des ses parents. Il imaginait ce qui avait dû se passer. C'est proprement ces considérations imaginaires qui forment ce que des idéologues bas de gamme comme Mme W. appellent la "mémoire", qui leur permet de faire carrière aux dépens de ceux qui ont vécu ces événements, dans la terreur et le tremblement. Ils reproduisent, à la demande, le paquet de rumeurs, de suppositions et d'affolements qu'ils éprouvaient à l'époque. Ce ne sont pas eux les escrocs, mais ceux qui mettent en forme tout ce fouillis pour en tirer des arguments politique en faveur de l'état génocidaire d'Israël.] Le titre était un titre valable pour l'universitaire mais très probablement pour Pierre Vidal-Naquet lui-même.
Me Jouanneau : Question particulière en ce qui concerne les travaux de Robert Faurisson au sujet du Journal d'Anne Frank. Chacun sait, en effet, qu'au-delà même de sa contestation du génocide, du « prétendu génocide » ou des chambres à gaz, Robert Faurisson a mis en cause l'authenticité du Journal d'Anne Frank. Avez-vous connaissance de cette contestation, des écrits de Faurisson à ce sujet ? Que pouvez-vous dire au tribunal sur ce point ? Considérez-vous que le Journal d'Anne Frank qui nous est parvenu est authentique ou que Robert Faurisson, à sa manière, l'a contesté à juste titre ?
Mme Wieviorka [qui, rappelez-vous, ne connaît pas le dossier] : Il y a quelques années a été
publié par les Hollandais puis traduit chez Calmann-Lévy
un gros volume qui est l'édition diplomatique, comme on
dit, du Journal d'Anne Frank. La contestation de l'authenticité
a fait qu'un certain nombre de chercheurs ont désiré
voir comment ce journal avait été élaboré
par Anne Frank elle-même. Il y a plusieurs versions de ce
journal : Anne Frank tient d'abord ce journal et puis, à
un moment donné, car elle veut être écrivain,
journaliste, elle décide de le publier et, à partir
de la première mouture de ce journal, elle écrit
un autre texte. Il y a des variantes et Otto Frank, le père
d'Anne Frank, a constitué à partir de ces variantes
un journal qui est celui que j'ai lu quand j'avais 13 ou 14 ans,
comme tout le monde.
Il y a une science qui s'appelle la génétique des
textes. Il y a un gros laboratoire au CNRS qui étudie les
diverses versions
[43] des textes, des oeuvres. Ce n'est
pas parce qu'une oeuvre a diverses versions qu'elle n'est pas
authentique et que le récit qui est fait n'est pas authentique.
Je pense qu'on a, avec le Journal d'Anne Frank, quelque
chose qui est tout à fait normal, qu'on a très probablement
souvent dans la littérature de témoignages, une
reprise du texte, quelques modifications qui ne changent rien
à l'authenticité globale du texte. [Si on commençait à
faire la liste des faux-témoignages, des auteurs bidon,
des fabricateurs et des faiseurs et faiseuses, dernière
en date Misha Defonseca et ses loups, il faudrait doubler l'épaisseur
de ce volume.]
La critique de ces textes est toujours très intéressante,
mais aucun historien ou critique littéraire ne va jusqu'à
détruire l'authenticité d'un texte parce qu'il y
a telle ou telle correction.
Me Jouanneau : Peut-on, à ce propos, faire un rapprochement avec la contestation qui est apparue sous la plume de Robert Faurisson d'abord et puis ensuite sous celle d'Henri Roques avec les écrits de Gerstein. Voulez-vous rappeler au tribunal qui était Gerstein ?
Mme Wieviorka : Gerstein est un personnage
très controversé, qui entre dans la SS, travaille
à la fourniture du zyklon B, qui est témoin du gazage
au camp de Belzec. Il est arrêté et, entre le moment
où il est arrêté dans la zone française
par les Français et son suicide à la prison du Cherche-Midi,
il écrit un témoignage qui a plusieurs moutures.
La première partie de ma thèse, Déportation
et Génocide, porte sur les témoignages. J'ai
écrit un petit livre, L'Ère du témoin.
On sait très bien qu'un témoignage n'a pas de fixité,
ce n'est pas l'enregistrement du réel, qu'il peut y avoir
des variantes dans le même témoignage. Nous les historiens,
nous sommes très intéressés par ce genre
de choses.
Le témoignage de Kurt Gerstein est considéré
comme une des pièces importantes de l'histoire. [Une histoire fondée sur
les élucubrations d'un psychopathe comme Gerstein est condamnée
à l'écroulement rapide.]
[44]
Me Jouanneau : On vient de voir sortir en librairie l'édition
Folio de l'ouvrage du « Juif Raul Hilberg », tel que
M. Faurisson le désigne dans ses propos à Téhéran,
en trois volumes, qui constitue la somme des travaux sur la destruction
des Juifs d'Europe. J'imagine que vous avez connaissance de cette
oeuvre. Aujourd'hui encore M. Faurisson s'y attaque en disant
que « le Juif » Raul Hilberg est tenu maintenant de
prendre sa retraite puisqu'il n'a trouvé nulle part trace
d'un ordre d'Hitler de procéder à l'extermination
des Juifs.
Mme Wieviorka : D'abord je ne vois pas
où et comment Raul Hilberg bat en retraite. [Elle ne comprend pas l'expression
"prendre sa retraite". Venant d'une famille yiddishophone,
sa maîtrise du français semble incertaine.] Il est venu à Paris pour la parution
de ce livre. J'étais à l'étranger, je n'ai
pas assisté à ses conférences mais il a fait
une conférence à Beaubourg, une au Centre de documentation
juive contemporaine. Je l'avais rencontré à un colloque
à Potsdam. Son ouvrage est traduit dans toutes les langues.
Il est honoré dans toutes les universités du monde,
peut-être pas à Téhéran, je ne sais
pas. Je ne vois pas où est la retraite de Raul Hilberg,
vraiment.
Je n'ai pas lu cette nouvelle édition, si je la lisais,
ce ne serait pas pour voir s'il a bougé un petit écrou
dans une description d'une chambre à gaz. Si je lisais
ce livre, cette édition, ce serait pour voir les pages
qu'il consacre au Rwanda. C'est cela qui m'intéresse. [Cela l'intéresse, mais
pas au point de prendre le livre et le lire...]
Me Jouanneau : D'une manière générale, considérez-vous que la justice et la loi aient à se mêler de ces questions de l'Histoire en général, de l'histoire contemporaine ou immédiate, de la mémoire ou doivent-elles, l'une et l'autre, la justice et la loi, se borner à se prononcer sur la responsabilité civile ou pénale des historiens qui écrivent sur le sujet ? Y a-t-il, à vos yeux, une légitimité dans l'intervention de la justice en matière de négationnisme et pouvez-vous dire au
[45] tribunal ce que vous pensez de la nécessité, de l'opportunité, voire de la légalité de la loi Gayssot ?
Mme Wieviorka : Je suis un peu ambivalente
sur la loi Gayssot. Je n'ai pas signé la pétition
de mes collègues demandant la suppression de toutes ces
lois dites mémorielles. Je n'ai pas signé non plus
l'autre pétition de mes collègues demandant le maintien
de ces lois, et sur la loi Gayssot, notamment, je suis ambivalente.
J'ai à l'esprit la déclaration de Téhéran,
je pense que nous avons des lois contre le racisme, l'antisémitisme,
et que ces lois permettent de condamner, peut-être pas de
condamner pour falsification de l'Histoire, quoique le terme ne
me dérange pas, mais de condamner pour d'autres raisons.
On n'a jamais trop envie que la loi se mêle de l'Histoire.
Maintenant, je voudrais quand même ajouter quelque chose
: je n'ai jamais considéré que les négationnistes
étaient des historiens. Quand la loi se mêle du négationnisme,
je ne crois pas qu'elle se mêle de l'Histoire, je ne considère
pas les négationnistes comme des collègues et, d'ailleurs,
je ne les rencontre jamais, pas dans les salles de professeurs,
pas dans les lycées où j'ai enseigné, pas
non plus dans les universités, pas dans les colloques.
Finalement, aujourd'hui, c'est ma première rencontre. [Mme W. vit à l'abri de
ses petites certitudes, issues du milieu familial et circonfamilial.
Elle ne veut pas être dérangée dans son sommeil
dogmatique. Elle mouline ses petites histoires à raconter
au coin du feu. Elle croit que c'est l'Histoire avec un grand
H. Son cas est sans remède.]
Me Jouanneau : Lorsque le tribunal et la cour se sont prononcés en 1981 et en 1983 sur les écrits de Faurisson qui faisaient l'objet du procès civil, c'était à une époque où la loi Gayssot n'existait pas, c'était seulement de la responsabilité civile de Faurisson qu'il s'agissait. Le tribunal et la cour ont considéré que cela n'était pas leur mission de se pencher sur l'histoire et de dire ce qu'il fallait penser de telle ou telle théorie. Là, le tribunal et la cour ont renvoyé l'examen de cette question aux historiens, aux experts et au public, c'est la formule même de l'arrêt de la cour.
[46]
Vous connaissez la liste des témoins que nous avons cités
devant ce tribunal puisque vous en êtes. Pouvez-vous dire
si, dans cette liste, il manque quelqu'un qui ait autorité
sur le sujet et qui aurait dû être présent
devant ce tribunal pour répondre aux attaques contre les
Juifs ? [Jouanneau
montre le bout du nez : on est devant le tribunal pour une raison
non écrite : répondre aux attaques contre les
Juifs... Toutes ces considérations sur l'Histoire,
la Mémoire, le droit, la justice sont un baratin sans importance.
C'est la guerre du Juif contre tous les autres... D'ailleurs,
à travers tout ce livre, on met une majuscule au mot "Juif",
ce qui est contraire à toutes les règles de la typographie
française. Met-on systématiquement une majuscule
à "chrétien", "animiste" ?]
Mme Wieviorka : Je pense qu'il y a un certain nombre de chercheurs, dont Serge Klarsfeld qui, bien évidemment, aurait eu sa place.
Me Jouanneau : Il était en déplacement, indisponible.
Mme Wieviorka : Peut-être que dans les générations plus jeunes, il y a d'autres chercheurs qui ont travaillé sur cette question de la « solution finale ».
Me Jouanneau : Les témoins cités aujourd'hui vous paraissent-ils ceux qui ont qualité, autorité ?
Mme Wieviorka : Tout à fait. Nous ne sommes pas en train de discuter de la « solution finale », nous sommes en train d'essayer de savoir si Robert Faurisson est ou non un faussaire, c'est tout. Mes collègues directeurs de recherches au CNRS, Henry Rousso qui a écrit l'histoire du négationnisme, Nadine Fresco, qui a commencé très tôt à travailler sur ces questions-là, sont parfaitement compétents et adaptés.
Me Jouanneau : Je me suis procuré, avant l'audience, comme j'ai pu, des renseignements sur les uns et sur les autres. J'en ai trouvé en ce qui vous concerne. Me permettez-vous d'en faire état et considérez-vous que les renseignements qui y figurent, notamment sur la liste de vos oeuvres, sont exacts ?
[47]
Mme Wieviorka : Vous me faites rougir, ils sont exacts.
Me Leclerc : Vous êtes, madame, historienne, chercheuse et vous travaillez non pas sur le négationnisme mais sur le génocide lui-même. Nous avons une décision juridique intéressante de la Cour européenne des droits de l'homme. Je voudrais savoir si, vous qui êtes chercheuse et historienne, vous rejoignez ce que les juristes, après une longue étude et un travail considérable de la Cour européenne des droits de l'homme, le plus haut niveau de la justice en Europe, ont dit s'agissant du « révisionnisme » ?
Mme Wieviorka : Oui. [Qu'ont-ils dit, ces Solon ?... Voir l'affaire Mamère]
Me Delcroix : Le témoin a parlé
de Caen tout à l'heure. Il y avait à Caen, il est
maintenant décédé, Michel de Boüard,
ancien résistant, professeur d'histoire, doyen de la faculté
des lettres, membre de l'institut de France, responsable au sein
du Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale de la
commission d'histoire de la déportation.
Je voudrais l'avis du témoin dans la mesure où le
doyen de Boüard avait déclaré que le dossier
était pourri sur cette question et, je cite Ouest France
du 3 août 1986, qu'il y avait énormément d'affabulations,
d'inexactitudes répétées, notamment sur le
plan numérique, d'amalgames et de généralisations.
Qu'est-ce que le témoin pense de ces propos ?
Mme Wieviorka : Je voudrais exprimer mon grand respect pour le doyen de Boüard, que je n'ai pas connu, qui était un spécialiste de l'archéologie médiévale, qui, à ce titre, a joué un grand rôle dans la restauration du château de Caen. Il n'était pas un spécialiste de l'histoire contemporaine ni un spécialiste de cette question de l'histoire de la déportation. Il a été déporté à Mauthausen, si ma mémoire est bonne. Et
[48] dans cette citation je ne vois pas
en quoi il dit qu'il y a des inexactitudes, des témoignages
contradictoires. Il dit, en gros, que la vérité
ne tombe pas comme cela, qu'il faut aller la chercher. Je ne vois
pas en quoi cela apporte de l'eau au moulin de ceux qui disent
que le génocide n'a pas eu lieu, je ne comprends même
pas. C'était un historien qui savait la complexité
des choses. Il ne témoigne pas, il était à
Mauthausen, qui n'était pas un des centres de mise à
mort du génocide. Je pourrais presque utiliser cette citation
dans un de mes écrits sur les témoignages pour montrer
comment les témoignages, on le sait en justice, on le sait
en histoire, doivent être vérifiés, recoupés.
[Elle ne comprend
pas ce qu'a écrit le doyen de Boüard mais, sans doute
ne faut-il pas trop lui en demander.]
Je vais vous donner un exemple : il y a une manifestation, les
politiques disent qu'il y avait 10.000 manifestants, les organisations
disent 30.000. Faurisson conclut qu'il n'y a pas eu de manifestation.
C'est à peu près cette démonstration. [Mme W. qui a, on le voit une imagination
fertile, tombe dans le grotesque.]
Me Delcroix : Une question découle de celle-ci, c'est une précision que je demande au témoin puisque, si j'ai bien compris sa réponse, le doyen de Boüard n'était pas spécialiste de la question. Comment se fait-il qu'il était dans le Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale et président de la commission d'histoire de la déportation ? C'est curieux pour un médiéviste.
Mme Wieviorka : La commission d'histoire de la déportation a été composée, il me semble, en 1951. Y siégeaient des gens pour qui j'ai la plus vive admiration : Julien Cain, ancien administrateur général de la Bibliothèque nationale, révoqué comme Juif et déporté à Buchenwald, Germaine Tillon, ethnologue, spécialiste de la Kabylie, si ma mémoire est bonne, déportée à Ravensbrück, encore en vie, un certain nombre d'historiens comme Lucien Febvre, moderniste, c'est-à-dire qu'au début des années 1950, certes il y avait quelques histo-
[49] riens qui siégeaient au Comité
d'histoire de la Seconde Guerre mondiale, un peu plus spécialistes,
je pense à Vermeil, grand spécialiste de l'Allemagne,
je pense à Pierre Renouvin, spécialiste des relations
internationales, qui a d'ailleurs été expert à
Nuremberg. Comment voulez-vous qu'en 1950 il y ait eu des spécialistes
de l'histoire de la déportation alors qu'on sortait de
l'événement ?
Ces gens, avec beaucoup de bonne volonté, avec les outils
qui étaient les leurs, ont essayé de mettre sur
pied le premier travail historique, qui n'a d'ailleurs pas porté
ses fruits tout de suite. On peut dire que l'histoire du génocide
a été faite plus facilement que l'histoire des camps
de concentration nazis.
Me Delcroix : Question qui me paraît essentielle : est-ce que le témoin a connaissance d'une décision de justice qui aurait été obtenue par M. Badinter du temps qu'il était avocat, qui aurait condamné Robert Faurisson pour être un faussaire de l'Histoire ?
Mme Wieviorka : J'ai eu connaissance, bien évidemment, de cette décision. Je dois avouer ma stupéfaction, vraiment ma stupéfaction, qu'on puisse mentir. Pour moi, Faurisson est un faussaire. [Connaît-elle vraiment le sens des mots, en français ?] Je n'ai pas compris, il a fallu que je réfléchisse. [Non, fallait pas, c'est trop dur.] Je ne suis pas juriste, quand il y a des procès, des choses comme cela, il me faut un peu de temps pour comprendre comment se fait le droit. Le juriste et l'historien ne font pas exactement le même métier. Je reste stupéfaite d'être là aujourd'hui et même de l'existence de ce procès.
Me Jouanneau : Il me revient une question que j'ai laissé passer sous réserve que mon confrère puisse répliquer et poser lui-même sa question. Savez-vous si Robert Faurisson a été nommé professeur d'université ? À quelle époque ? [Jouanneau flaire un bon coup: et si le professeur était un imposteur, une sorte de Leuchter du "négationnisme" ? Là, on pourrait le coincer pour faux et usage de faux. D'où l'acharnement jouannique. ]
[50]
Mme Wieviorka : Je ne sais pas, je ne connais pas le dossier.
Pour moi, il était maître de conférences en
littérature. Il n'a jamais fait de cursus académique
en histoire, je pense qu'il n'a jamais enseigné l'histoire,
il n'a jamais dirigé de travaux d'étudiants de maîtrise,
en doctorat, en master 1, en master 2 ou de thèse comme
on dit aujourd'hui. Peut-être a-t-il le titre de professeur,
je n'en sais rien. Il n'a jamais exercé, en tout cas, en
histoire les fonctions qui sont celles d'un professeur d'université.
[Personne ne l'a jamais
prétendu non plus.]
M. le président : Le tribunal vous remercie.
fin du feuilleton 1 / A suivre.
Retour au sommaire des feuilletons
Ce texte a été affiché sur Internet à des fins purement éducatives, pour encourager la recherche, sur une base non-commerciale et pour une utilisation mesurée par le Secrétariat international de l'Association des Anciens Amateurs de Récits de Guerre et d'Holocauste (AAARGH). L'adresse électronique du Secrétariat est <[email protected]>. L'adresse postale est: PO Box 81475, Chicago, IL 60681-0475, USA.
Afficher un texte sur le Web équivaut à mettre un document sur le rayonnage d'une bibliothèque publique. Cela nous coûte un peu d'argent et de travail. Nous pensons que c'est le lecteur volontaire qui en profite et nous le supposons capable de penser par lui-même. Un lecteur qui va chercher un document sur le Web le fait toujours à ses risques et périls. Quant à l'auteur, il n'y a pas lieu de supposer qu'il partage la responsabilité des autres textes consultables sur ce site. En raison des lois qui instituent une censure spécifique dans certains pays (Allemagne, France, Israël, Suisse, Canada, et d'autres), nous ne demandons pas l'agrément des auteurs qui y vivent car ils ne sont pas libres de consentir.
Nous nous plaçons sous
la protection de l'article 19 de la Déclaration des Droits
de l'homme, qui stipule:
ARTICLE 19
<Tout individu a droit à la liberté d'opinion
et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
Déclaration internationale des droits de l'homme,
adoptée par l'Assemblée générale de
l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.