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Henri ROQUES

Les confessions de Kurt Gerstein,

étude comparative des différentes versions

 

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Soutenance de thèse du 15 juin 1985 devant l'université de Nantes

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Monsieur le Président, Messieurs,

Ma découverte du récit de Gerstein remonte à près d'un quart de siècle. J'étais à cette époque, et depuis déjà quelques années, un lecteur de Paul Rassinier. J'avais été immédiatement séduit par l'honnêteté intellectuelle de ce professeur d'histoire et de géographie, militant pacifiste d'avant-guerre qui avait connu Buchenwald et Dora comme déporté. Il était revenu des camps en 1945, allongé sur une civière, si gravement atteint dans sa santé qu'il fut pensionné à 100 % + 5 degrés.

Mais, malgré ses épreuves, Rassinier ne céda jamais comme tant d'autres à la haine. Il ne prôna jamais le Vae Victis (malheur aux vaincus). Passionné de vérité, il refusa toujours de tomber dans le mensonge d'Ulysse et, à ma connaissance, il fut le seul à proclamer publiquement son refus.

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Le Mensonge d'Ulysse, tel fut précisément le titre de son premier livre sur sa propre expérience concentrationnaire. A la date de la parution du livre, le récit de Gerstein était encore peu connu et Rassinier n'en parle pas. C'est en 1961 que parut le deuxième ouvrage de Paul Rassinier. Son titre : Ulysse trahi par les siens. Dans une note, au bas des pages 30 et 31, le document Gerstein est discrètement cité. L'auteur signale un témoignage retenu par le Tribunal de Nuremberg en janvier 1947 pour le procès des médecins; étrange document où il est question d'un gazage de 700 à 800 personnes entassées dans une chambre de 5x5 m avec une hauteur de 1,80 m. Le nom du témoin n'est pas mentionné par Paul Rassinier. Peut-être ce dernier pensait-il qu'un témoignage si extravagant aurait une vie courte. Il se trompait.

Dans ses ouvrages suivants: Le véritable procès Eichmann ou les vainqueurs incorrigibles (1962), Le Drame des Juifs européens (1964), Rassinier consacre des chapitres entiers à ce document Gerstein et au personnage même de Gerstein. Il découvre l'un et l'autre en lisant des ouvrages spécialisés de la littérature concentrationnaire. Avec Léon Poliakov, il va de surprise en surprise. Pourquoi, se demande Rassinier, cet auteur donne-t-il des chiffres qui ne sont pas ceux de ses confrères? Pourquoi a-t-il des difficultés de lecture sur le document d'origine, alors que les autres n'en ont pas rencontré? Pourquoi, lorsqu'il prétend reproduire un même document, présente-t-il des textes complètement différents les uns des autres? Singulier document, remarque l'honnête Rassinier, que ce récit de Gerstein qui ne parle pas le même langage aux uns et aux autres.

En août 1965, nouveau livre de Rassinier : L'OpérationVicaire. C'est une réponse à un écrivain protestant allemand, Rolf Hochhut, qui avait fait représenter à Berlin en février 1963 une pièce ayant pour titre Der Stellvertreter, pièce traduite en français sous le titre Le Vicaire. Gerstein joue dans cette pièce un rôle de premier plan. Il est l'accusateur de Pie XII, suspect de complaisance à l'égard des nazis, et, à travers le Pape, l'accusateur du monde entier. Gerstein est bien ici le Juste parmi les Gentils, comme l'a défini à la même époque Léon Poliakov lui-même. L'auteur de la pièce, Hochhut, multiplie les déclarations à la presse à travers le monde entier, et j'ai relevé cette phrase éton[34]nante: Je n'attaque pas le Pape en tant qu'homme ni en tant que Pape, mais parce qu'il était le représentant de notre culpabilité à tous. Les mots sont dits; nous sommes tous coupables de ce qui s'est passé, ou de ce que l'on raconte qui s'est passé dans les camps de concentration nazis, et le personnage de Gerstein est ainsi utilisé en quelque sorte pour tenter de fonder un mythe de culpabilisation collective.

Paradoxalement, en France, c'est Rassinier, cet incroyant, qui défend le plus énergiquement le Pape Pie XII, et, en même temps, la cause de l'humanité. Connaissant l'esprit chevaleresque de Rassinier, nous n'en sommes pas surpris. D'une façon générale, les connaissances qu'avait Paul Rassinier de Gerstein et de son témoignage restaient fragmentaires. Il les avait recueillies au cours de ses lectures sans faire de recherches personnelles sur la question. Il lui est arrivé de faire des hypothèses qui se sont révélées inexactes, mais il fut (c'est là son mérite) le premier à percevoir l'essentiel: premièrement, que le document Gerstein, en raison de ses invraisemblances, devait être examiné avec la plus grande prudence; deuxièmement, que ce même document avait donné naissance à des reproductions où l'on relevait des différences inexplicables. En conclusion, toute personne de bonne foi ne pouvait à cette époque qu'être perplexe sur la valeur historique de ce que l'on appelait gravement, un peu partout, le "Rapport Gerstein".

C'est à cette époque que je compris la nécessité d'effectuer un travail complet sur le sujet, mais j'étais bien loin de penser que je m'en chargerais moi-même un jour.

En 1967, Rassinier meurt, très probablement des suites de sa déportation. Dans cette même année 1967, Saul Friedlander, qui est professeur à Tel-Aviv et à Genève, publie Kurt Gerstein, ou l'ambiguité du bien. Le visage du héros Gerstein se dessine, mais il reste encore quelques zones d'ombre. Deux ans plus tard, les zones d'ombre ont disparu. C'est Pierre Joffroy qui prend la relève de Saul Friedlander, et, cette fois, il n'est même plus question d'ambiguité. Joffroy pense sceller pour la postérité le destin lumineux de Kurt Gerstein: c'est un "saint égaré dans lesiècle". D'ailleurs, le titre et le sous-titre de son ouvrage sont sans équivoque: L'Espion de Dieu/la Passion de Kurt Gerstein.

Dix années passent et le 21 février 1979, le journal Le Monde publie une demi-page au titre évocateur: "La politique hitlérienne [35] d'extermination: déclaration d'historiens". Dans cette déclaration, un seul témoignage était cité. Il avait été "choisi parmi tant et tant d'autres" par les auteurs de la déclaration, et ce témoignage était celui de Gerstein. Trente-quatre historiens, et non des moindres (j'ai cité d'ailleurs quelques noms dans ma thèse), avaient cautionné la déclaration en acceptant de la contresigner. Quinze jours plus tard, exactement le 8 mars 1979, on peut lire dans le même journal, Le Monde, une mise au point sur le témoignage de Gerstein. Des lecteurs, qui n'étaient peut-être pas historiens mais qui avaient certainement du bon sens, avaient écrit au journal pour s'étonner des chiffres invraisemblables publiés dans l'extrait du récit de Gerstein. Réponse des auteurs de la déclaration, c'est-à-dire Léon Poliakov et le professeur Pierre Vidal-Naquet: Gerstein s'est trompé; il s'est trompé dans les détails, mais son témoignage est vrai pour l'essentiel, soyez-en persuadés.

C'est alors que, disposant de temps libre, je repris les livres que j'avais déjà lus de Rassinier, de Léon Poliakov, de Saul Friedlander, de Pierre Joffroy, ainsi que diverses publicationstelles que Le Monde juif, également une brochure intitulée La solution finale et la mythomanie néo-nazie rédigée par Georges Wellers. J'écrivis même à plusieurs reprises à Léon Poliakov pour lui demander des explications sur ses différences de reproduction du même document Gerstein, et il me fit chaque fois la même réponse: "Allez donc au CDJC, c'est-à-dire le Centre de Documentation Juive Contemporaine, et vous trouverez dans ses archives tout ce qui vous préoccupe."

Le professeur Pierre Vidal-Naquet s'était engagé personnellement aux côtés de Léon Poliakov. Je lui adressai également une correspondance. Il me fit parvenir deux lettres. Dans la seconde, il reconnut que le texte de Poliakov, donné dans diverses publications, était erroné sur plusieurs points et ces lettres, je les ai dans mon dossier à la disposition du jury, s'il souhaite les lire.

Je dus me rendre à l'évidence. Il n'y avait pas de texte de référence pour ce fameux document Gerstein. Je décidai d'y voir clair et, dans ce dessein, de préparer une thèse. Il me fallait avant tout établir une édition critique de l'ensemble des textes laissés par l'ex-officier S.S. ou qui lui étaient attribués, puis étudier leur authenticité, enfin estimer leur véracité.

Ma première tâche fut de rassembler les documents. Où les trouver? Combien y en avait-il? C'était la première difficulté.

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La version la plus connue porte le sigle PS-1553. PS signifie Paris Storey; Storey, c'est le nom du colonel qui dirigeait la Documentation Division siégeant à Paris en 1945. Je m'adressai donc aux National Archives de Washington pour leur demander photocopie des documents en leur possession sur l'affaire Gerstein, et c'est ainsi que j'obtins les photocopies de trois versions : PS-1553, c'est-à-dire la version dactylographiée en français du 26 avril 1945; PS-2170, la version dactylographiée en allemand du 6 mars 1945, plus un texte rédigé en français, dactylographié, daté du 6 mai 1945, et intitulé : rapport du docteur Gerstein. J'appris également qu'il existait un dossier sur Gerstein aux archives de l'Eglise évangélique de Bielefeld en Westphalie. Je fis le voyage et rapportai une ample moisson de documents. Les trois autres versions présentées dans ma thèse, ainsi que quelques brouillons et quelques feuillets séparés, proviennent de Bielefeld. Le tout avait été remis, en 1972, aux archives de cette ville par la veuve de Gerstein.

Au CDJC, à Paris, je découvris également une version anglaise du rapport du "docteur Gerstein" dont je possédais déjà la version française envoyée par les National Archives de Washington; enfin, à la Direction de la justice militaire à Paris, où j'avais été autorisé à faire des recherches, j'ai pu compléter ma collection de textes par les procès-verbaux des interrogatoires de Gerstein devant des juges d'instruction militaires français, en juin et juillet 1945, ainsi que par des fragments de documents laissés par l'ex-officier SS dans sa cellule du Cherche-Midi et mystérieusement égarés.

J'avais donc à faire face à six versions complètes et à quelques brouillons. J'entrepris la lecture attentive de l'ensemble. Mon premier obstacle fut de vaincre le doute. Des récits aussi peu cohérents, aussi invraisemblables, méritaient-ils de faire l'objet d'une étude approfondie? Mais, considérant l'utilisation qui était faite de ces versions protéiformes par des historiens ou des auteurs aux prétentions historiques qui étaient de plus en plus nombreux, je répondis affirmativement et m'astreignis à passer au crible d'une analyse rigoureuse des textes qui m'apparaissaient commel'oeuvre d'un mythomane ou d'un mystificateur.

En effet, en suivant Gerstein, on quitte le monde rationnel. On doit renoncer à la logique, au simple bon sens. Ce militant de l'Eglise confessante a-t-il entrevu les tourments de l'enfer comme [37]d'autres entrevoient les félicités célestes? Est-il un halluciné de l'Unterwelt, ce monde souterrain (enfer) dont parle Nietzsche? Les guerres font naître des mythes. L'ennemi est toujours un monstre barbare qu'il faut exterminer, car il s'oppose à l'instauration d'un nouvel âge d'or promis par les vainqueurs.

Après la fin de la Première Guerre mondiale, des marxistes firent descendre le paradis sur la terre. Ce paradis se situait au pays des Soviets et certains y crurent pendant des décennies. Déjà, à la fin des années trente, André Gide et Louis-Ferdinand Céline revinrent d'U.R.S.S. désabusés. L'illusion continua jusqu'à la dénonciation des crimes de Staline après sa mort, par ses propres successeurs. Depuis lors, l'image du paradis soviétique est bien ternie; le développement du tourisme permet d'ailleurs à beaucoup d'aller se rendre compte sur place de ce qu'est exactement la vie soviétique.

Une fois achevée la Seconde Guerre mondiale, il y eut un accord des vainqueurs -on dirait maintenant un consensus- pour faire monter l'enfer sur la terre. L'enfer avait existé dans l'empire nazi, tout particulièrement dans ses camps de concentration. La croyance au mal absolu sécrété par le régime nazi est toujours tenace : "le mal absolu". Et le tourisme, dans ce cas, est impuissant. Il n'est pas possible d'aller vérifier sur place la véracité des récits d'épouvante dont nous sommes saturés.

Me permettrai-je de dire que nous semblons être en face d'une sorte de nouvelle religion que l'on cherche à nous imposer? On pourrait l'appeler la religion de l'Holocauste, avec ses grands-prêtres, Elie Wiesel, Samuel Pisar et quelques autres, avec sa liturgie et ses cérémonies expiatoires sur les lieux sacrés:Auschwitz, Treblinka, etc.

Tout récemment, lorsque les grandes orgues sionistes se sont déchaînées contre le président Reagan à l'occasion de sa visite à Bitburg, Shimon Pérès a bien situé le problème en n'hésitant pas à déclarer: "Le dernier conflit mondial fut la lutte de l'humanité contre Satan".

Certes, l'univers concentrationnaire était épouvantable; il suffit de lire Paul Rassinier pour s'en rendre compte; mais il est inutile d'en rajouter. A Buchenwald, il y eut d'autres déportés, compagnons d'infortune de Paul Rassinier, qui rédigèrent leurs souvenirs de déportation. Parmi eux, des universitaires. Ils appartenaient à la faculté de Strasbourg, qui avait été transplantée en [38] 1940, après l'armistice, à Clermont-Ferrand. Et, à la fin de l'année 1943, les Allemands, ayant cru y découvrir un foyer de résistance, ont déporté de nombreux professeurs et quelques élèves. Un livre a paru après la guerre, rédigé par ces professeurs et ces étudiants. Son titre : De l'université au camp de concentration. Témoignages strasbourgeois. Dans cet ouvrage, le meilleur côtoie le pire. Le meilleur, c'est par exemple le chapitre intitulé "L'arrivée à Buchenwald", dont l'auteur est Georges S., professeur de linguistique romane. Son récit est très éprouvant et il correspond certainement à la réalité. Au sujet des chambres à gaz, il écrit simplement: "Nous savions que dans certains camps il y avait des chambres à gaz, mais le Lagerschutz nous dit qu'à Buchenwald il n'y en avait pas". (Le Lagerschutz était un détenu qui exerçait des fonctions de gardien de camp). Lorsque Georges S. dit: "Nous savions", il faut naturellement entendre: nous avions entendu dire, nous en étions persuadés. Ce qui prouve que la rumeur sur les chambres à gaz était déjà extrêmement répandue en 1944, lorsque les infortunés universitaires sont arrivés au camp de Buchenwald. Or, à Buchenwald, depuis plusieurs décennies, personne ne prétend plus qu'il y avait des chambres à gaz. Eh bien! dans ce Buchenwald où personne ne prétend plus qu'il y avait des chambres à gaz, il s'est pourtant trouvé un universitaire pour en avoir vu et les avoir décrites avec un luxe de détails qui laisse loin derrière lui Gerstein lui-même. Cet universitaire, doué d'une imagination peu commune, c'est le théologien Charles Hauter, et je vais vous lire rapidement ce qu'il a écrit à ce sujet.

Son chapitre s'intitule : "Réflexions d'un rescapé". Dans ce même livre: De l'université au camp de concentration, il y a donc des contradictions flagrantes. L'un (nous venons de le voir) dit clairement qu'il n'y avait pas de chambre à gaz à Buchenwald; l'autre, le théologien Charles Hauter, en fait la description suivante: "Le machinisme abondait littéralement quand il s'agissait de l'extermination. Celle-ci, devant se faire vite, exigeait une industrialisation spéciale. Les chambres à gaz répondaient à ce besoin de façons fort diverses. Certaines, d'un go¸t raffiné, étaient soutenues par des piliers en matière poreuse, à l'intérieur desquels le gaz se formait pour traverser ensuite les parois.

D'autres étaient de structure plus simple, mais toutes présentaient un aspect somptueux. Il était facile de voir que les architectes les avaient conçues avec plaisir en y arrêtant longuement leur atten[39]tion, en y apportant les ressources de leur sens esthétique.C'étaient les seules parties du camp vraiment construites avec amour."

Il a beaucoup d'imagination, le théologien Charles Hauter, et je vous fais grâce du reste : des cadavres jetés sur des tapis roulants, des peaux tatouées préparées pour des abat-jour, etc. D'ailleurs, le professeur Pierre Vidal-Naquet, dans son livre Les Juifs, la Mémoire et le Présent, a reconnu lui-même que ce pasteur n'avait jamais vu de chambres à gaz et délirait à leur propos.

Supposons que les récits du pasteur Hauter se soient appliqués à Auschwitz, Belzec ou Treblinka, c'est-à-dire à l'un des cinq camps de Pologne où les adversaires les plus modérés des révisionnistes prétendent qu'il y eut des chambres à gaz, ce témoignage n'aurait-il pas été retenu comme celui de Gerstein?

Dans l'horreur comme dans le reste, il faut de la mesure...

Tout au long de mon travail, j'ai gardé à l'esprit la volonté de dépassionner le débat. Nous affrontons un grave sujet historique. Etudions-le avec sérénité. Le témoignage de Gerstein n'a jamais été vraiment examiné jusqu'à ce jour. En revanche, il a été beaucoup cité, et, en quelque sorte, invoqué. On écrit quelquesphrases, voire quelques mots. A la rigueur, le nom seul de Gerstein suffirait: c'est le Juste parmi les Gentils, le seul chrétien que l'on puisse respecter, et il est devenu une sorte de talisman contre les mauvais esprits, c'est-à-dire les esprits sceptiques.

Céline, notre grand Louis-Ferdinand Céline, a trouvé un magnifique adjectif pour qualifier les chambres à gaz. Dans sa correspondance d'après-guerre, peut-être à Albert Paraz1, il a parlé de "magique chambre à gaz". En effet, pour pénétrer dans le monde des chambres à gaz, il fallait un maître magicien et Gerstein fit parfaitement l'affaire.

Avec lui, avec d'autres aussi, les chambres à gaz devenaient immatérielles et elles exerçaient un pouvoir d'attraction qui grandissait avec leur immatérialité. J'ai tenté de contribuer à rompre ce cercle magique. J'ai considéré et étudié le document Gerstein dans ses six versions comme n'importe quel autre document auquel on prétend donner une valeur historique.

Ma thèse ne prouve pas l'inexistence des chambres à gaz. Des chercheurs plus qualifiés que moi se chargent de nous faire connaître les résultats de leurs travaux. Je pense en particulier aux [40] travaux du professeur Faurisson en France, je pense aux travaux du Dr. Staglich en Allemagne, à ceux d'Arthur Butz aux Etats-Unis. Mais, si ma thèse n'apporte rien de concret sur le problème de ces gigantesques abattoirs humains qui auraient fonctionné dans certains camps de Pologne, elle rend peut-être évident que les tenants de l'histoire officielle ne sont guère difficiles quant à la qualité des documents qu'ils retiennent comme preuve de ce qu'ils affirment. Seraient-ils si limités dans leur choix? A vouloir trop prouver, on ne prouve rien, dit le proverbe.

Mon ambition a donc été volontairement limitée: d'une part, j'ai voulu démontrer que le témoignage de Gerstein n'avait pas valeur de preuve; il s'apparente plus à un mauvais chapitre de roman-feuilleton qu'à un document historique. D'autre part, je me suis interrogé sur les motifs de ceux qui s'acharnent à utiliser ce récit si suspect, si peu cohérent. L'ont-ils vraiment lu? L'ont-ils seulement parcouru distraitement? Il est impossible qu'ils aient exercé à son égard leur esprit critique.

Ce récit pourrait servir de test auprès de tous les gens de bonne foi. Il en existe. Il en existe parmi ceux qui croient aux chambres à gaz. Il en existe parmi ceux qui n'y croient pas et il en existe parmi ceux qui doutent, qui n'ont pas étudié particulièrement le sujet, qui se posent des questions, parce qu'ils ont un esprit curieux. Et il me semble que les uns et les autres pourraient tomber d'accord pour éliminer la preuve Gerstein.

Quant à moi, je me suis attaché aux textes exacts en refusant de leur faire dire autre chose que ce qu'ils disent. Mon travail est un peu une réponse au professeur Pierre Vidal-Naquet. Dans son livre déjà cité, Les Juifs, la Mémoire et le Présent, il parle à nouveau du témoignage de Gerstein, et voici ce qu'il écrit: "On mélange sous une même appellation des témoignages en réalité très différents. Kurt Gerstein, par exemple, principal témoin du processus d'extermination à Belzec en 1942, chrétien antinazi vêtu de l'habit SS, ne peut se comparer avec le commandant d'Auschwitz, Rudolf H...ss. Or, son témoignage, mis en cause pour diverses raisons qui n'étaient pas toutes mauvaises(caractère manifestement erroné des précisions numériques, médiocre qualité des premières publications) a victorieusement subi l'épreuve". Vous avez remarqué que le professeur Vidal-Naquet fait allusion à la mise en cause du témoignage pour des raisons qui n'étaient pas toutes mauvaises. Pourquoi le fait-il? Il le fait [41] parce qu'il y a eu, en 1981, au mois de mai, les débats du procès qui opposait Léon Poliakov à Robert Faurisson, et parce que je lui avais écrit quelques mois auparavant; j'avais attiré son attention sur certaines invraisemblances du récit et sur les reproductions incorrectes de Léon Poliakov. P. Vidal-Naquet termine néanmoins en parlant de la victoire du récit de Gerstein après l'épreuve. Quant à moi, je me suis efforcé de faire reconnaître que, contrairement à ce qu'affirme Pierre Vidal-Naquet, le récit de Gerstein n'est pas sorti victorieux de l'épreuve. Je pense qu'il est invraisemblable et qu'il le restera.

Quels sont les buts que je me suis proposé d'atteindre en préparant la présente thèse? Mon premier but est très simple: servir la vérité. J'ai voulu donner aux historiens des textes intégraux auxquels ils puissent accorder leur confiance. J'ai voulu leur éviter ainsi de tomber involontairement dans les erreurs de leurs prédécesseurs. Le second but? Contribuer quelque peu à ce que l'école révisionniste qui se consacre à mettre l'histoire de la Seconde Guerre mondiale en accord avec les faits, que cette école révisionniste se voie reconnaître un droit de cité dans l'Université, qu'on en finisse avec les calomnies. Les révisionnistes ne sont pas des fantaisistes, encore moins des faussaires, comme certains ne craignent pas de le dire; ce sont des gens compétents et de bonne foi avec lesquels il peut être enrichissant de discuter, même et surtout quand on ne partage pas leur avis.

En France, on connaît le comportement de l'Université à l'égard du professeur Faurisson; mais il existe encore heureusement des professeurs indépendants qui respectent la liberté de recherche. En Allemagne, la situation est bien pire qu'en France. Il y a trois ou quatre ans, à Goettingen, il s'est trouvé un conseil de professeurs allemands rongés par le virus de la culpabilisation au point de retirer son titre de docteur à un juriste, le Dr. Wilhelm Staeglich. Et quel était le crime de ce Dr. Staeglich? Avoir publié un livre révisionniste intitulé Le mythe d'Auschwitz.

Je pense que l'école révisionniste doit vivre et s'ouvrir largement à ceux qui doutent, à tous ceux qui se posent des questions. Les tenants de la vérité officielle n'admettent pas le doute.

Donc, ceux qui doutent ont leur place chez les révisionnistes. Les tenants de la vérité officielle prouvent quotidiennement qu'ils n'admettent pas le doute, en nous présentant une histoire mono[42]lithique pour laquelle ils demandent une adhésion pleine etentière. Or, il est plus aisé de douter que de nier. On se débarrasse difficilement de croyances vieilles de 40 ans, et, pour les plus jeunes, ce sont des croyances qui remontent même à la naissance. Je serais comblé si une simple thèse d'université, dont je n'exagère pas l'importance en soi, pouvait être l'amorce d'un large débat sur des sujets aujourd'hui encore tabous. On constate une certaine inquiétude, un certain désarroi depuis quelque temps chez les adversaires des révisionnistes, et à ce propos, un article, publié très récemment par le grand journal régional Ouest-France, est très significatif. Cet article s'intitule: "Camps de la mort, la mémoire vivante des témoins". L'auteur en est Michel de Bouard, déporté de la Résistance. Il avait été déporté à Mauthausen, où il était immatriculé NN. 63584. Michel de Bouard est un universitaire éminent, puisqu'il est doyen honoraire de la faculté des lettres de Caen, membre du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale de 1946 à 1980, membre actuel de l'Institut d'Histoire du Temps Présent. Voici ce qu'il écrit: "Entre 1933 et 1945, le monde concentrationnaire a présenté divers aspects et, à la même date, il y eut entre les camps de concentration d'assez fortes dissemblances. L'historien doit se garder de faire l'amalgame. Il faudrait aussi publier sans plus de retard les statistiques savamment et patiemment élaborées par le Comité d'histoire de la Seconde Guerre mondiale. Parce qu'elles faisaient apparaître des taux de mortalité inférieurs à ce que l'on croyait, le Comité en ajourna la divulgation pour le motif suivant: dans les conditions actuelles (c'était en 1973), il n'est pas opportun d'envisager une publication. Les associations de Déportés sont réticentes".

Et Michel de Bouard continue: "Or, faute d'avoir passé outre à ces réticences, on a laissé le champ libre à la perfide propagande de ceux qui nient la réalité concentrationnaire". [Je ne connais aucun révisionniste qui nie la réalité concentrationnaire, commentaire d'Henri Roques à la lecture de ce texte]. Il leur est facile de réfuter les simplifications et les généralisations systématiques auxquelles cèdent nombre d'écrivains souvent anciens déportés et, dans 50 ans, que concluront les historiens lorsqu'ils auront à choisir entre les deux thèses?".

Etonnante évolution de la part de ce membre du Comité d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mais, "pour ne pas laisser [4] le champ libre aux révisionnistes" , comme il dit, est-il meilleure solution que d'écouter leurs arguments et de discuter avec eux?2

Une jeune philosophe, disparue pendant la dernière guerre, je vais vous dire son nom, c'était Simone Weil, mais avec un W [légers rires dans la salle], nous a laissé cette pensée pleine d'amertume: "La justice est l'éternelle fugitive du camp des vaincus". Elle pourrait être la devise de l'école révisionniste...

Quarante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, est-il sensé de perpétuer la distinction entre bourreaux et victimes, entre vainqueurs et vaincus? En Europe, il n'y a que des vaincus, et des vaincus qui recherchent leur identité perdue. Pour la retrouver, n'est-il pas impératif de réclamer le retour de la justice?

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