Attention. L'auteur de ce texte remarquable est un fasciste avéré, authentique garanti. On vous prévient: La lecture de ce texte pourrait nuire gravement à votre santé.
Epigraphe
Ceux qui manient ou l'épée ou la plume
pour leur pays ne doivent penser
QU'A BIEN FAIRE, comme disaient nos
pères, et ne rien accepter, pas même la
gloire, que comme un heureux accident.
Honoré de Balzac, Les Paysans.
PRÉFACE
Ceci est un livre de circonstance. Si j'avais de la vanité
littéraire, je dirais que je refuse de le reconnaître.
Il m'a été imposé. Je n'ai été
maître ni de la matière, ni de la composition, ni
même du style. Il fallait qu'il fût sérieux,
mesuré, incolore, et qu'il traitât certains sujets
de préférence à d'autres. Je n'étais
pas libre de sa longueur, il fallait qu'il ne dépassât
pas certaines limites. Je n'étais même pas libre
de ne pas le publier. Voici pourquoi.
J'ai écrit il y a deux ans un livre intitulé Nuremberg
ou la Terre Promise qui a été saisi parce qu'il
contenait des vérités désagréables.
J'ai été accusé d'avoir fait l'apologie du
meurtre. A cette occasion, on a écrit beaucoup de sottises.
Je ne puis en rester là. Je n'ai pas de journal pour répondre
quand on affirme en 200000 exemplaires que j'ai applaudi aux camps
de concentration. Je ne puis en appeler au jugement du lecteur
puisqu'on l'empêche de lire mon livre. Quand je rectifie,
on n'insère pas. Il ne me reste qu'un moyen, c'est de faire
connaître ma défense. Je n'ai pas de chance et le
procès au cours duquel je pouvais m'expliquer ne vient
jamais. J'aurais voulu réserver au Tribunal la primeur
des documents que j'ai à faire connaître et qui ont
été réunis à son intention. Mais puisque
ceci n'a pas été possible, c'est le public que je
suis forcé d'instituer juge, non pas de ma cause, elle
n'importe guère, mais de celle de la vérité.
On trouvera donc là toutes les belles choses que j'avais
l'intention de dire aux magistrats de la XVIIeChambre à
l'occasion de mon procès.
J'ai une excuse pour publier ce volume: c'est qu'on n'y parle
pas de moi ni de mon livre. Le lecteur y trouvera essentiellement
des renseignements et des jugements curieux qu'on a cachés
jusqu'ici autant qu'on le pouvait, et on le pouvait assez bien,
aux bonnes gens de ce pays.
Et, après tout, ce serait trop beau pour les gens en place
si les procès n'avaient pas un revers: ils obligent l'accusé
à se défendre. Ils l'obligent aussi à se
procurer des preuves. Et finalement on rouvre le débat
qu'on voulait étouffer. Nuremberg ou la Terre Promise
n'était rien d'autre qu'un commentaire du procès
publié par les autorités militaires alliées
et des documents annexés à cette publication. J'avais
accepté la documentation du Tribunal, et, en l'étudiant
j'avais montré qu'elle avait une valeur douteuse. Mais
je n'y avais opposé aucune documentation: à quelques
exceptions près qui étaient là pour prouver
qu'il existait une autre documentation et que par conséquent
on aurait dû en tenir compte. J'avais raisonné, j'avais
analysé, j'avais comparé ce qu'on me disait à
ce que j'avais vu: et le livre que j'avais fait ne contenait rien
d'autre, en somme, que les réactions d'un homme honnête
devant le procès de Nuremberg. Mais puisqu'on m'accusait
de mauvaise foi, il fallait bien que je montre que je n'étais
pas un monstre ni un fou, que d'autres avaient eu des doutes,
pareils aux miens, qu'ils les avaient exprimés et parfois
aussi vivement que moi, enfin que les documents, à mesure
que nous les connaissions en plus grand nombre, donnaient plus
de solidité à la thèse que j'avais soutenue.
J'entrepris ce travail. Il m'amena à constater l'ampleur
des protestations qui s'élèvent depuis quatre ans
contre cette cynique falsification de tous les principes du Droit.
C'était un résultat, mais ce n'était pas
assez. En continuant mon enquête, je vis que la documentation
était beaucoup plus abondante que je n'avais cru, qu'elle
commençait à sortir plus tôt que je
ne l'avais espéré, et que, pour chaque page que
j'avais écrite et qui ne s'appuyait que sur l'analyse,
on pouvait trouver aujourd'hui toutes sortes de preuves qui montraient
qu'elle s'appuyait aussi sur la réalité. Ce n'est
pas seulement comme monstruosité juridique que l'opinion
mondiale dénonce aujourd'hui le procès de Nuremberg,
c'est comme altération de l'Histoire. On nous désigne
aujourd'hui une moitié du monde comme le théâtre
d'atrocités exactement semblables à celles
qu'on reprochait aux Allemands: les juges d'hier sont devenus
des accusés, et l'on n'est même pas sûr que
cette vertueuse indignation ne soit pas en réalité,
comme dans l'opération précédente, le prélude
à quelque autre chose.
Tout le monde commence à montrer son vrai visage. Les langues
se délient, les juges se jettent à la tête
leurs propres crimes. Ils parlaient d'humanité et de vertu,
et pendant le même temps, sous leurs yeux, sur leurs ordres,
on faisait à cent cinquante millions d'Européens
désarmés ce qu'ils reprochaient aux accusés
d'avoir fait dans les circonstances les plus dramatiques de la
guerre. Les camps de concentration avaient seulement changé
de maîtres.
A deux cents mètres du tribunal, les gardiens de Julius
Streicher lui faisaient manger de force ses excréments,
et dans toutes les villes d'Allemagne des milliers d'êtres
humains mouraient sur les routes, arrachés aux villages
qu'ils habitaient depuis des siècles, vieillards, femmes
enceintes, enfants jetés pêle-mêle dans des
convois de la mort bien pires que ceux dont on parlait tant, et
dans toutes les tourbières d'Allemagne des prisonniers
et des blessés qui avaient combattu loyalement pour leur
pays crevaient par dizaines de milliers, parqués sans abri,
sans couverture, sans nourriture, et se jetant avec des hurlements
de fou sur les mitraillettes de leurs gardiens pour en finir plus
vite. Les juges parlaient du droit et de la justice, et, pendant
le même temps, sous leur domination, des centaines de milliers
d'enfants mouraient lentement dans des caves suintantes, grelottant
de fièvre et de faim, ils mouraient de faim et de froid,
exactement assassinés par les décrets du vainqueur.
Et les correspondants de notre presse, de notre bonne presse,
si humaine, si chrétienne, riaient de voir des veuves de
généraux, muettes et émaciées, errer
comme des mendiantes, parce que, pour la première fois
qu'il y a des armées en guerre, on interdisait aux vaincus
de payer la pension des officiers tués au combat.
On pilla de toutes les façons, on vola tout ce qui pouvait
être volé. Quand un Allemand n'avait qu'un poêle,
on lui prenait son poêle, quand un paysan n'avait plus qu'un
cheval on lui prenait son cheval. Dans des villes entièrement
détruites on fit loger des familles de gendarmes ou de
Juifs dans des villas de vingt pièces et on réquisitionna
des hôtels entiers pour en faire des clubs sans visiteurs.
Les généraux passaient la frontière avec
des autos remplies à crever de manteaux de fourrure et
de Leicas, d'étoffes et de chaussures, qu'ils revendaient
ensuite au marché noir. Tout ce qui avait envie de gagner
de l'argent malproprement vint en Allemagne. On prenait tout.
On ne rançonnait même pas, on se conduisait en marchand
de tapis: des officiers à gueule de Levantins échangeaient
des jugements et des ausweis contre des argenteries de famille.
Les industriels voyaient plus loin: ils transformèrent
en ferraille des usines de jouets, d'horlogerie ou d'instruments
chirurgicaux en les baptisant fabrications de guerre. Toutes les
machines qui pouvaient aider à reconstruire ce pays effroyablement
et inutilement détruit furent entassées sur les
bords des canaux sous prétexte que ce qui sert à
faire du béton peut servir un jour à fabriquer des
tanks. Ce que les bombes n'avaient pas fait, la haine froide,
l'imbécillité et le goût de détruire
pour détruire, le firent. On arracha l'Allemagne de l'Europe
comme on arracherait un _il à un esclave captif: et le
vainqueur s'amusait à passer ses doigts dans l'orbite pour
bien s'assurer que la blessure ne guérirait jamais. Le
dossier de l'occupation alliée en Allemagne est exactement
ignoble. Ce n'est même pas de la haine, car la haine loyale
a sa grandeur. C'est quelque chose d'abject et de sournois où
se mêlent le pillage, l'escroquerie, le trafic d'influence,
la dépravation sexuelle, la bassesse, l'hypocrisie, la
peur. Et une odeur de pourriture levantine s'élève
de ce charnier. Cela n'a même pas la grandeur de la rage
et du sac. Cela mêle à l'horreur quelque chose de
louche et de mercantile: on aperçoit partout le profil
de l'usurier et du trafiquant.
Mais les consciences se réveillent peu à peu. Il
existe dans tous les pays du monde une race d'hommes qui n'a pas
accepté le règne du mensonge et l'avènement
des affranchis. On m'a appris à la découvrir. C'est
à eux que je veux rendre hommage. Et je remercie mes juges
de m'avoir donné l'occasion de ne pas désespérer
de l'espèce humaine.
Il serait trop long de citer ici tous ceux qui, bien avant moi,
se sont élevés contre l'injustice du procès
de Nuremberg. Dès la fin du procès, des intellectuels
et des journalistes anglo-saxons protestèrent. Les campagnes
de la Chicago Tribune, les lettres ouvertes au Times
signées d'écrivains et de professeurs d'Université
anglais, la campagne du journal canadien Le Devoir, une
très belle protestation d'un grand intellectuel portugais,
le DrPimienta, des articles de la presse espagnole, presque toute
la presse sud-africaine, un grand nombre de périodiques
argentins firent entendre les premières voix libres. Elles
furent assez fortes pour qu'un personnage officiel des Etats-Unis,
le Sénateur Taft, qui fut un des candidats du parti républicain
à la Présidence, prît position publiquement
contre le jugement de Nuremberg dans un discours retentissant
prononcé devant les étudiants et les professeurs
de Kenyon College. Cependant, un journal sud-africain, Die
Nuwe Orde, n'hésitait pas à publier en première
page, dans un encadrement de deuil, la liste de ceux qu'il appelait
les «martyrs de Nuremberg».
Peu de temps après, paraissaient les premières études
d'ensemble sur les travaux du Tribunal Militaire International.
Presque à la même époque, le duc de Bedford
en Angleterre et P.O. Tittmann aux Etats-Unis faisaient paraître
deux brochures extrêmement violentes et fort solidement
documentées. Un professeur de Droit de l'Université
de Londres, le Dr H.A. Smith, leur apportait dans une série
d'importants articles l'appui de son autorité.
Puis vinrent des études plus longues, mais tout aussi sévères:
l'hypocrisie des vainqueurs, le mensonge fondamental de l'accusation,
la faiblesse de sa position juridique, la bassesse de certains
procédés et de certains arguments étaient
vigoureusement mis en lumière dans des ouvrages d'un ton
peut-être plus modéré que les premiers sursauts
de 1946, mais fondés sur une étude attentive et
ferme. En Angleterre, le public fit un accueil très favorable
au Commentaire sur Nuremberg de Montgomery Belgion qui
fut réédité un an plus tard avec d'importantes
additions, sous le titre La Justice des Vainqueurs. Au
Portugal, le professeur Joâo das Regras faisait paraître
une étude importante sous le titre Un Nouveau Droit
international, à la fin de laquelle on trouverait réimprimée
la célèbre lettre du DrPimienta. En Italie, un Père
jésuite, le P.Lener, arrivait à des conclusions
analogues dans son livre Crimini di guerra. En France,
Manuel de Diéguez prenait position dans son essai La
Barbarie commence seulement qui reçut le Prix de 1a
Liberté. En Suisse, le pasteur Jacques Ellul exprimait
les mêmes idées dans une importante étude
de la revue Verbum Caro. Et dès lors, le mouvement
ne fit que s'étendre. Le brigadier-général
J.H. Morgan publie The Great Assize. Le major général
Fuller peut écrire dans son livre Armament and History
quelques-unes des condamnations les plus accablantes contre les
Alliés, le grand journaliste anglais F.A. Voigt n'est pas
moins net dans ses articles du Nineteenth Century and after,
le professeur H.A. Smith réunit ses différentes
études dans un essai sur La Crise de la Loi internationale,
un anonyme fait paraître en Angleterre Advance to Barbarism,
et, tout récemment encore, un écrivain fort connu
aux Etats-Unis, MrsFreda Utley, expliquait le procès de
Nuremberg à peu près dans les mêmes termes
que moi.
Je m'excuse de ne pouvoir tout citer: il faudrait étendre
indéfiniment cette liste. Mais ces noms suffisent à
montrer, je suppose, combien la position du gouvernement français
est excentrique lorsqu'il prétend empêcher
qu'on dise à Paris ce que tout le monde a sur les lèvres
dans les pays qui sont encore libres.
Cependant, on se proposait d'autres doutes. Non seulement les
principes sur lesquels était fondé le verdict de
Nuremberg paraissaient inadmissibles, mais on se demandait aussi
si les Alliés avaient bien le droit de faire un tel procès,
et s'ils n'étaient pas, eux aussi, coupables de crimes
de guerre. A mesure qu'on connaissait mieux cette guerre, on accusait
davantage leur conduite de la guerre. Des critiques militaires
anglo-saxons, comme Liddell Hart ou Voigt, des généraux
anglais comme le général Morgan ou le général
Fuller, des personnalités ecclésiastiques, n'hésitèrent
pas à se montrer aussi sévères pour les bombardements
alliés que pour les camps de concentration hitlériens.
On s'avisa que la guerre à l'Est s'était déroulée
dans des conditions extrêmement différentes de celles
des guerres précédentes, que la vie humaine et les
biens humains n'y avaient pas du tout la même valeur que
celle qu'on y attache en Occident, et qu'il s'agissait de part
et d'autre d'une espèce de guerre barbare où tout
le monde avait employé des procédés de destruction
inconnus jusqu'ici, que tout cela se passait dans un autre monde,
auquel il était peut-être injuste et certainement
vain d'appliquer les règles et les lois de la vie de l'Occident.
A cette vue nouvelle des choses, on ajoutait des documents au
moins troublants. Un ancien correspondant de guerre du front de
Malaisie racontait dans la revue Atlantic que les troupes
américaines achevaient les blessés japonais et rapportaient
à leurs fiancées des coupe-papier sculptés
dans des tibias et des bracelets découpés dans des
crânes: ces détails rappelaient fâcheusement
les abat-jour en peau humaine autour desquels on avait fait tant
de bruit. D'autre part, le gouvernement polonais de Londres, dans
une série de publications qu'il fut impossible d'ignorer,
dénonçait les atrocités commises par les
Russes sur les ressortissants polonais. Et, un peu plus tard,
le général Anders, dans une étude rigoureuse
et accablante sur l'affaire de Katyn, prenait le Tribunal International
de Nuremberg en flagrant délit de falsification. De leur
côté, un certain nombre d'écrivains français
décrivaient les atrocités de la Résistance
et les assassinats de l'épuration. La presse italienne
parlait à son tour: elle racontait la destruction inutile
de l'abbaye du Mont-Cassin par un général américain
entêté qui ne savait pas son métier et elle
expliquait aussi comment les paysannes d'Espéria groupées
au bord de la route pour accueillir les troupes françaises
furent violées pendant trois jours par des Marocains déchaînés,
épisode peu connu de l'épopée du Tchad au
Rhin.
En général, l'enquête se fixa autour de deux
thèmes principaux, celui des camps de concentration soviétiques
et celui de l'occupation alliée en Allemagne. On sait le
développement qu'a pris aujourd'hui le premier de ces exutoires.
Pendant trois ans, on ignora soigneusement le petit livre publié
à Rome (par les soins du Vatican, semble-t-il) qui contient
trois ou quatre cents dépositions de rescapés prouvant
que la police soviétique n'a rien à envier à
la légendaire Gestapo. Mais depuis que le gouvernement
américain a intérêt à.faire passer
les Russes pour des sauvages, on a vu fleurir les enquêtes
sur les camps de déportation en U.R.S.S. Le Foreign Office
lui-même s'y est mis, et la documentation est devenue aujourd'hui
si abondante dans tous les pays du monde qu'il est impossible
même de la résumer. Je regrette d'avoir à
dire que je suis un peu sceptique sur toutes ces découvertes,
qui me semblent un peu trop «opportunes», comme certaines
autres.
Sur le deuxième thème, on est beaucoup plus discret.
Mais comme il est difficile d'empêcher les témoins
de voir et les voyageurs de parler, nous commençons aussi
à avoir quelques lueurs. Un professeur américain
a réuni un impressionnant ensemble de documents et de faits
dans une brochure intitulée Le viol des femmes en Europe
conquise. On sait que ces documents se trouvent confirmés
par la protestation de l'évêque de Stuttgart sur
les incidents de Noël 1945. Deux recueils de documents, l'un
et l'autre accablants, ont été publiés récemment
sur la conduite des «Libérateurs» tchèques
et yougoslaves à l'égard des populations d'origine
allemande. Je les laisse de côté pour l'instant.
Sur l'occupation alliée en Allemagne, les études
sérieuses sont encore peu nombreuses. Quelques reportages
ont été publiés en 1945 et 1946, mais ils
contiennent des impressions plutôt que des faits. Deux excellentes
brochures ont été publiées par P.O. Tittmann
aux Etats-Unis, sous les titres The Planned Famine et Incredible
Infamy: elles contiennent une documentation dense et précise
et elles constituent surtout un réquisitoire contre les
mesures et les résultats du plan Morgenthau. Deux petits
livres très émouvants ont été écrits
sur l'Allemagne par un voyageur britannique et c'est avec plaisir
que nous écrivons ici qu'il s'agit de l'éditeur
juif Gollancz, auquel il est juste de rendre hommage pour son
humanité et pour son c_ur, car il est touchant de constater
qu'il est un des rares hommes à avoir parlé, comme
tout être humain devrait le faire, des souffrances des innocents
dans un peuple vaincu: on trouvera dans ses livres un tableau
très précis des conditions de vie en Allemagne en
1946. Une importante étude de Freda Utley, The High
Cost of Vengeance, donne une description extrêmement
sérieuse du pillage des biens et des industries allemandes
par les Alliés, et en particulier par l'état-major
Morgenthau. C'est un livre volontairement technique, mais qui
donne une idée très forte, par un exposé
presque purement économique, de la bassesse et de l'hypocrisie
de la politique alliée en Allemagne jusqu'en 1948.
Aux références que j'ai prises dans ces divers ouvrages,
j'ai ajouté une série de documents actuellement
non publiés ou simplement publiés en partie, que
je comptais présenter au Tribunal en les accompagnant de
la certification légale de la signature de l'auteur, comme
on fait pour les affidavit. On m'a dit qu'ils avaient été
réunis sur l'initiative du clergé allemand. On y
trouve les premiers éléments de l'enquête,
malheureusement très nécessaire, qu'il faudra bien
ouvrir un jour sur le traitement des prisonniers de guerre allemands
par les Alliés, sur l'assassinat sans jugement de groupes
entiers de prisonniers de guerre par des troupes irrégulières,
sur la politique d'extermination poursuivie dans certains camps
à l'égard des mêmes prisonniers. On pourra
voir, par cet ensemble de publications qui commencent à
faire leur carrière, que ce qu'on a qualifié de
crime de guerre ou de crime contre l'humanité au Tribunal
de Nuremberg peut être reproché aussi bien aux Alliés
qu'aux Allemands, après la fin des hostilités
aussi bien que pendant les hostilités, et ceci sur
une échelle beaucoup plus vaste et dans des cas beaucoup
plus nombreux que je ne le pensais en écrivant mon livre.
Il est enfin un autre domaine sur lequel la vérité,
une vérité clignotante à la manière
d'un phare lointain, lance de temps en temps quelques lueurs,
et découvre ainsi par intervalles des fragments de paysage,
des quartiers, des blocs d'histoire, un instant entrevus, qui
sont tout différents de ceux qu'on croyait connaître:
et nous sommes devant cette histoire vraie qui n'apparaît
que par trouées, aussi surpris qu'un voyageur qui s'est
endormi en plaine, et qui, en essuyant la glace, entrevoit dans
la nuit des pics et des pentes neigeuses au milieu desquels défile
le train. Les altérations que la propagande a fait subir
aux faits nous sont ainsi révélées peu à
peu, chaque déposition nous éloigne un peu plus
de la version initiale, et soudain nous devinons, nous pressentons
un tableau de la guerre, celui que retiendra l'histoire, fort
différent de celui qui nous a d'abord été
donné. Les documents qui rectifient ainsi l'idée
qu'on pouvait se faire de la dernière guerre sont plus
rares que ceux que nous signalions tout à l'heure. Mais
que de tels documents existent, qu'ils soient publiés peu
à peu, n'est-ce pas déjà un singulier changement?
Nous placerons en tête de cette documentation, à
cause de leur caractère significatif, les révélations
de la presse américaine sur le procès de Malmédy
auxquelles les journaux français se sont bien gardé
de faire écho, bien qu'elles aient causé une véritable
stupeur dans le monde entier. Voici ce qu'est le procès
de Malmédy. Un groupe de SS était accusé
de massacre de prisonniers de guerre, tortures, sévices
et représailles sur la population civile: l'affaire était
à l'instruction et ces instructions sont toujours difficiles
car on n'est pas toujours sûr des faits, mais on n'est presque
jamais sûr des identifications. Les Américains imaginèrent
de faire pression sur les SS, presque tous jeunes, qu'ils avaient
entre les mains pour obtenir des témoignages. D'abord,
ils les torturèrent et l'enquête menée par
la suite devait faire connaître que sur soixante-dix inculpés
interrogés, soixante-huit avaient les parties sexuelles
écrasées, et étaient définitivement
infirmes, sans compter les mâchoires brisées, les
crânes fracturés, les clavicules défoncées,
les ongles arrachés, détails mineurs. Cet interrogatoire
ne donna pas de résultat. On procéda alors de la
manière suivante. Les policiers constituèrent un
faux tribunal, autour d'une table drapée de noir, éclairée
de cierges, devant lequel les accusés paraissaient couverts
d'une cagoule et enchaînés. Ce tribunal prononça
soixante-dix condamnations à mort, et on annonça
aux condamnés qu'ils seraient exécutés dans
les vingt-quatre heures. Plusieurs avaient dix-huit ans ou moins.
Dans la nuit suivante, les condamnés reçurent dans
leur cellule la visite de policiers, se disant juges ou accusateurs,
d'autres de policiers déguisés en prêtres.
On les réconforta, on les prépara à la mort,
puis on leur déclara que s'ils signaient telle déposition
qu'on leur dicterait et dans laquelle ils accuseraient certains
de leurs camarades, on se portait garant de la commutation de
leur peine. Plusieurs signèrent. On eut ainsi des documents.
On les produisit quelques semaines plus tard au véritable
procès, et l'accusation obtint ainsi brillamment cinquante
condamnations à mort fondées sur les déclarations
les plus formelles et les récits les plus complets. Malheureusement,
un des jeunes SS, un garçon de dix-sept ans, s'était
suicidé dans sa cellule quelques heures après qu'on
lui eut arraché ses «aveux» qui condamnaient
ses camarades. On fit une enquête, un avocat américain
s'en mêla, et, comme il avait envie de se faire connaître,
il cria très fort et alla jusqu'au Juge Suprême des
Etats-Unis. Il y a un fond d'honnêteté dans ce pays
quand on lui dit par hasard la vérité.
Washington ordonna une enquête et envoya un haut magistrat
qui se trouva être un juge intègre. C'est le rapport
de ce juge van Roden dont la publication, reprise et commentée
par les journaux du monde entier, révéla toute l'affaire.
Entre-temps, les «criminels de guerre» avaient été
pendus. Cela émut un peu les gens qui commencèrent
à croire qu'il ne suffit pas d'avoir été
pendu pour avoir été coupable.
A elle seule, cette affaire projette un éclairage nouveau
sur les méthodes d'investigation du tribunal américain.
Mais ce qu'il y a de troublant, c'est qu'elle n'est pas seule
et qu'elle est accompagnée d'autres exemples d'erreurs
ou de pressions. Peu de temps après, un journaliste
américain qui avait suivi de près l'enquête
menée sur le camp de Dachau, réussit à faire
publier dans Europe-Amérique une courte analyse
des pièces sur lesquelles, ou plutôt malgré
lesquelles, on avait condamné à mort le major Weiss,
commandant du camp. Il ressort de cette publication que le major
Weiss avait fait constamment des efforts pour humaniser le régime
du camp, pour augmenter les rations des prisonniers, pour leur
procurer des médicaments, pour les dispenser de certaines
punitions; il avait pris, en tous ces domaines, des initiatives
auxquelles le règlement ne l'obligeait pas, et, en définitive,
ce major Weiss, qui a été pendu naturellement, apparaît
d'après les pièces de son procès comme un
homme qui a essayé de faire le moins de mal possible dans
une position qui l'obligeait malheureusement à en faire
beaucoup. Cela n'empêche pas le camp de Dachau d'avoir été,
après son départ, le théâtre d'une
terrible épidémie de typhus qui fit 15000 morts,
au milieu des souffrances et des drames qu'il n'est pas difficile
d'imaginer. Mais, au moins, importe-t-il de savoir que le camp
de Dachau n'avait pas toujours été ainsi.
Des pressions analogues à celles qui furent faites dans
le procès de Malmédy, quoique moins sensationnelles,
n'ont pu être complètement dissimulées à
l'opinion, lors des divers procès de Nuremberg, assez peu
connus du public, qui succédèrent au grand procès
des dirigeants du Reich. Il faut se représenter que les
Américains ont, en général, une infinité
de moyens de pression sur les témoins allemands: ils les
tiennent presque tous en prison, ils sont maîtres de confisquer
ou de ne pas confisquer leurs biens, ils peuvent les renvoyer
à un tribunal de dénazification ou les faire absoudre,
ils disposent enfin d'une menace suprême qui est celle de
l'extradition à destination de 1'U.R.S.S. ou d'un des pays
satellites. C'est plus qu'il n'en faut pour obtenir des témoignages.
Trois affaires de falsification de témoignage ont été
rapportées par la presse allemande parce qu'il a été
impossible de les dissimuler dans le déroulement des débats.
Il s'agit des témoignages fournis au grand procès
des dirigeants du Reich par les témoins Gauss, Gertoffer
et Milch. Ces trois incidents ont montré que l'accusation
avait obtenu ou cherché à obtenir des témoins,
au moyen de menaces, des déclarations inexactes, qui ont
été utilisées pour charger les accusés.
D'autre part, lorsqu'on parcourt les derniers tomes publiés
de la sténographie du procès de Nuremberg, que je
n'avais pas encore à ma disposition quand j'ai écrit
mon livre, ainsi que certains mémoires des avocats qui
ne sont pas compris dans cette publication, on s'aperçoit
que la défense s'est émue très souvent des
entraves apportées à la comparution de témoins
importants pour elle: l'administration du Tribunal répondait
invariablement qu'il était impossible de retrouver les
personnages réclamés parmi les milliers d'internés
politiques du Reich, ou alors elle invitait la défense
à faire venir elle-même, à ses frais et avec
ses propres moyens, des témoins résidant à
l'étranger, alors que tout le monde savait que les défenseurs
ne pouvaient obtenir ni les devises ni les autorisations nécessaires
à leur voyage.
D'autres exemples de pressions en vue d'obtenir des témoignages
sont consignés sur des documents assortis d'affidavit,
qui concernent des procès moins importants, et qui, à
ma connaissance, n'ont pas encore été publiés.
On peut conclure de tout cela qu'il y a pour l'historien de sérieuses
raisons de ne pas accepter sans vérification la documentation
américaine du procès de Nuremberg. Les altérations
constatées ne portent-elles que sur des détails,
n'ont-elles pour objet que d'obtenir la condamnation de tel ou
tel accusé, ou, au contraire, doivent-elles amener un esprit
honnête à récuser en bloc toute l'accusation
alliée? C'est ce qu'on ne saura que plus tard. Pour l'instant,
ces malfaçons de l'instruction ont pour résultat
de faire naître la défiance. Et ce résultat
est déjà singulièrement grave.
On n'a pas l'esprit plus tranquille lorsqu'on se trouve en présence
d'une documentation d'origine soviétique. Là aussi,
notre expérience s'enrichit tous les jours. Le livre du
général Anders sur Katyn a démoli définitivement
un des griefs du Tribunal International. On pourrait épiloguer
sur cette situation symbolique. Mais ce n'est pas ici notre intention.
Ce qui est fort remarquable dans le livre du général
Anders, c'est la vraisemblance de la falsification soviétique,
sa modération, sa prudence, sa feinte objectivité.
Tout est parfait dans le rapport soviétique: à la
première lecture, il emporte la conviction. Et pourtant,
à quelques pages de là, on a sous les yeux les preuves
matérielles de la falsification. Nous avons pu constater
qu'il en était de même pour le procès Rajk
et pour le procès Mindzensky. Alors, cette perfection dans
le montage de la propagande est infiniment troublante. Qu'y a-t-il
de vrai dans toute la documentation apportée par 1'U.R.S.S.
et par les Etats satellites? Puisque la documentation sur Katyn
est un faux, que vaut le reste? Le procès du maréchal
von Manstein dont on s'est bien gardé de nous donner des
comptes rendus a déjà apporté des mises au
point extrêmement importantes. Pensez-vous qu'un des plus
grands avocats anglais, membre important du Parlement, interviendrait
avec autant de force si son client était manifestement
responsable des crimes dont on a chargé les armées
allemandes du front de l'Est? C'est au tour de l'accusation d'organiser
le silence autour du procès. Quelle est donc la version
exacte, celle qu'on a apportée en 1945 au procès
de Nuremberg, ou celle qui se dégage actuellement du procès
von Manstein? Le «doute systématique» est une
des choses qu'on m'a le plus reprochées dans mon livre,
on a voulu y voir 1'«apologie du crime». Mais l'histoire
qui se fait devant nous n'est-elle pas en train de donner de la
consistance à cette attitude?
Je suis obligé de me montrer assez réservé
sur la question des camps de concentration. Sur ce sujet, on verra
que je renvoie la plupart du temps aux déportés
eux-mêmes. Il y a deux ans, le premier livre de David Rousset
était paru, mais le second venait à peine de paraître
et je n'ai pu l'utiliser que dans mes notes. Je ne connaissais
pas non plus le témoignage d'Eugen Kogon, ni celui d'Anthelme.
Le livre de Rassinier, Passage de la Ligne, n'était
pas publié non plus. Déjà, pourtant, on commençait
à savoir que le régime des camps n'était
pas aussi simple qu'on l'avait dit au Tribunal de Nuremberg. Notre
documentation est maintenant plus abondante. J'utilise surtout
le livre tout récent de Rassinier, Le Mensonge d'Ulysse,
et l'analytique du procès des responsables du camp de Dachau,
rédigé par le Ministère public américain.
Ma position sur ce point est la suivante. Je ne conteste pas l'exactitude
matérielle des témoignages de Kogon, de Rousset,
et de Rassinier, je me réclame, au contraire, de ces témoignages.
Ce que je reproche à l'instruction du procès de
Nuremberg, c'est qu'elle se soit fondée, pour accuser,
sur le régime des camps de concentration, sans avoir pris
la peine de se renseigner exactement sur ce régime: ce
n'était pas à David Rousset, à Eugen Kogon
ou à Paul Rassinier qu'il appartenait de nous faire connaître
le fonctionnement des camps de concentration, mais au magistrat
qui reprochait aux accusés allemands d'avoir administré
ou seulement toléré les camps de concentration.
C'est en cela que je vois une contradiction entre le procès
de Nuremberg et la documentation, même favorable à
l'accusation, qui a paru après le verdict. C'est avant
de pendre qu'il faut savoir ce qui s'est passé.
J'en ai dit assez pour faire comprendre que les recherches auxquelles
j'ai été contraint de me livrer ne m'ont
pas amené à penser que j'étais un esprit
faux, un raisonneur chimérique isolé dans une attitude
exorbitante. Beaucoup de lecteurs m'ont écrit, après
mon livre, des lettres qui m'ont ému; d'autres, apprenant
les poursuites faites contre moi, m'ont apporté spontanément
leur concours et ont mis à ma disposition la documentation
dont ils avaient connaissance; j'ai été mis en prison,
et de toutes parts me sont venues des marques de sympathie infiniment
touchantes, de tous les points du globe des colis qui ont transformé
mon appartement en épicerie; et, tandis que la presse française
me couvrait d'insultes auxquelles leur origine et leur exagération
retirent toute importance, il y eut dans la presse étrangère
des articles très beaux et d'une inspiration très
élevée. Je remercie tous ces hommes si nombreux
qui ont compris que, sans moyens, sans fortune, j'avais essayé
de combattre loyalement pour ce qui me paraît être
la justice et pour ce qui me paraît être la vérité,
et qui ont tenu à le dire. Je remercie particulièrement
les écrivains français et étrangers qui ont
protesté contre mon arrestation, au nom de la liberté
de la presse et de l'expression. Je sais que beaucoup d'entre
eux sont loin de partager mes opinions, et je leur suis d'autant
plus reconnaissant d'avoir compris que mes opinions importaient
peu, que ma personne importait peu, mais qu'il était, par
contre, important de savoir si un esprit libre avait encore le
droit de faire entendre dans notre pays une pensée non
conforme à celle de la majorité. On m'a accusé
d'obstination et d'orgueil. Je suis très loin d'avoir ces
belles et hautaines qualités. Je ne suis qu'un homme honnête
qui essaie de voir clair et de ne pas être dupe. J'ai pu
me tromper: l'avenir le dira. Je voulais simplement ouvrir une
discussion: ce n'est pas me répondre que de m'emprisonner.
Cette discussion, du reste, le temps l'ouvrira ou les nécessités
de la politique européenne auxquelles nous ne pourrons
pas échapper. Je souhaite qu'elle soit loyale, je souhaite
qu'elle soit sincère. Je m'inclinerai devant la vérité,
mais je ne m'inclinerai que devant elle.
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adoptée par l'Assemblée générale de
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