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UNE ALLUMETTE SUR LA BANQUISE

(1993)

par Serge Thion

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Chapitre premier

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Chapitre suivant

Le premier, à ma connaissance, qui ait enquêté un peu systématiquement sur la façon dont les informations en provenance de Pologne sont arrivées aaux oreilles des Alliés et sur ce qu'ils en ont fait, est Arthur Butz. Il est remarquable que, pour l'essentiel, les éléments qu'il donne à ce sujet soient confirmés et amplifiés par un auteur de conviction opposée, Walter Laqueur, dans The Terrible Secret, récemment traduit en français [(42)].

C'est un ouvrage remarquable à beaucoup de titres. Ce brillant spécialiste de politique internationale, qui dirige le centre d'études internationales stratégiques de Washington, l'un des temples du reaganisme, a été autrefois fort lié au sionisme et à l'Intelligence Service, du temps du Mandat britannique en Palestine. On garde en mémoire son Nationalism and Communism in the Middle East, publié dans les années cinquante, puisant aux sources des services de renseignement britanniques, et outrageusement pillé par les Lacouture dans leur Egypte en mouvement. Son enquête est vaste et couvre de nombreux pays, sauf, curieusement, les Etats-Unis. Le sous-titre est explicite: "Le premier et troublant récit de la façon dont l'annonce de la "solution finale" de Hitler a d'abord été cachée et finalement révélée".

Ce livre est tout à fait paradoxal: il montre que les Alliés ne pouvaient pas ne pas savoir ce qui se passait en Allemagne et dans les territoires occupés. Laqueur passe en revue les sources: diplomates des pays neutres, mouvements de résistance, surtout en Pologne, églises, Croix-Rouge, voyageurs, commerçants, ingénieurs, personnes libérées des camps, évadés, etc., sans compter que les radios étaient écoutées et que les principaux codes allemands avaient été décryptés. Bref, l'Allemagne hitlérienne, sans être une maison de verre, dégorgeait quotidiennement une énorme masse d'informations que les services alliés n'avaient qu'à recevoir et analyser. Plus précisément, Laqueur montre que les informations sur la persécution et les massacres de populations juives d'Europe centrale et orientale parvenaient par quantité de canaux jusqu'à Londres et Washington. Il détruit radicalement le mythe abondamment répandu qui prétend que "tout était caché", que "personne ne savait". Et même le public, car, dit-il:

beaucoup d'informations se trouvaient dans la presse quotidienne. C'est ainsi qu'un rapport publié en octobre 1941 [je souligne, ST] dans un journal de langue allemande édité à Londres [Die Zeitung], intitulé L'Apocalypse, disait que les juifs déportés d'Allemagne étaient tués d'une façon ou d'une autre. Il se fondait sur un rapport d'abord publié dans le Social-Democraten suédois du 22 octobre et disait expressis verbis qu'"il n'y avait aucun doute sur le fait qu'il s'agissait d'un meurtre de masse prémédité". L'article mentionnait aussi Adolf Eichmann comme "chef de l'opération" (p.67),

informations reprises dans le Sunday Times du 24 octobre 1941.

A partir de là, ces informations ne cessèrent plus de paraître dans la presse et l'on pourrait remplir des pages et des pages de simples références. Mais, et c'est là la question d'aujourd'hui, ceci n'a pas changé le cours de la guerre. Ce que reprochent Laqueur et l'idéologie dominante aujourd'hui aux dirigeants alliés de l'époque, c'est de ne pas avoir donné dès 1941 le sens et la vision du conflit qui ont commencé à s'élaborer après la guerre, à Nuremberg, et qui ne se sont épanouis que dans les années soixante, ceux de la centralité juive de la guerre: le but principal de la guerre pour les nazis étant supposé être l'extermination des juifs, les Alliés (y compris donc l'URSS) auraient dû avoir pour mission essentielle, d'intervenir plus tôt afin de sauver les juifs. Aux pressions qui s'exerçaient sur eux dans ce sens, venues surtout des milieux sionistes-- et Laqueur confirme Butz à un point qui devrait le faire taxer lui aussi d'antisémitisme-- les chefs politiques et militaires du "monde libre" auraient opposé un refus. Ce qui permet aussitôt de les accuser d'avoir voulu cacher la vérité et d'avoir sournoisement cédé à un antisémitisme discret.

Tout cela, qui se discute doctement dans des livres fortement documentés, comme celui de Laqueur, dans les revues d'opinion et la grande presse, découle d'un autre révisionnisme; celui-là est sans rivage. Il faut, pour y parvenir, scotomiser la plupart des racines du conflit, en gommer la plupart des enjeux, bref, placer l'histoire du monde contemporain sur le lit de Procuste d'une conception judéocentrique dont le plus beau fleuron est aujourd'hui la pratique politique de l'Etat d'Israel.

C'est pourquoi il est fascinant de voir Laqueur à l'oeuvre; il sélectionne et tire hors du contexte, systématiquement, toutes les informations sur la politique nazie. Les Einsatzgruppen, en Russie, ont tué tel nombre de juifs. On ne saurait penser qu'ils ont également tué, et en nombre plus grand encore, des Russes, des Ukrainiens, des Baltes, des commissaires politiques, des partisans, des paysans, des Mongols bouddhistes, etc. Ceci n'est pas pertinent et n'est donc pas mentionné. Laqueur, emporté par sa pensée unilatérale, est totalement incapable de comprendre ce qu'explique fort bien l'historien Balfour: que la propagande alliée, tout en mentionnant les atrocités nazies partout en Europe occupée, ne devait pas non plus trop en rajouter, d'abord pour être plus crédible qu'en 14-18, et surtout pour ne pas effrayer et décourager les mouvements de résistance et le soutien qu'ils pouvaient recevoir dans les territoires occupés et, éventuellement, en Allemagne, dont on espérait que le développement dans les milieux dirigeants allait hâter la fin de la guerre.

Laqueur s'étonne aussi de l'incrédulité avec laquelle étaient reçues des informations qui étaient, parfois, partiellement ou totalement fausses. Il montre par exemple que les dirigeants sionistes en Palestine ont longtemps refusé d'ajouter foi aux rapports alarmants qui leur parvenaient et qu'ils changèrent d'opinion lors de l'arrivée en novembre 1942 d'un groupe de plusieurs dizaines de juifs en provenance de Pologne. "Paradoxalement-- dit Laqueur-- les détails inexacts [fournis par les arrivants] eurent sur les dirigeants juifs et l'opinion publique une influence plus grande que les rapports précédents, plus exacts". Le faux faisant plus vrai que le vrai... On voit ça tous les jours dans nos journaux! C'était pourtant compréhensible: il circulait tant de bruits, de rumeurs, de témoignages plus ou moins dignes de foi qu'il fallait, dans tous les cas, en prendre et en laisser. Le livre fourmille de ces informations que Laqueur décrète fausses ou inexactes. Mais il effectue le tri sans jamais se justifier, sans aucune référence; il dispose sans doute d'une grille qui lui permet, au premier coup d'oeil, de dire le vrai du faux. Il distribue aux porteurs d'informations de l'époque de bons et de mauvais points selon qu'elles cadrent ou non avec sa propre thèse. Si l'on peut ainsi, sans étude critique, faire le choix entre les informations disponibles à une certaine époque, l'histoire, dans ces conditions, est facile à écrire. On comprend que tant de gens s'y mettent pour arrondir leurs fins de mois.

Il faudrait analyser en détail, montrer comment Laqueur oublie à propos tout ce qui ne conforte pas sa thèse. Ce livre est un véritable cadeau offert au révisionnisme dans la mesure où il parvient à détruire complètement son propre argument.

Mais revenons encore une fois, après cette parenthèse, à l'amusant Vidal-Naquet, subitement transmuté en épistémologue:

1°/ "Tout témoignage direct apporté par un juif est un mensonge ou une fabulation". Pure hystérie de sa part. L'argument lui permet surtout de pratiquer l'amalgame entre le révisionnisme et certains écrits antisémites qui peuvent exister par ailleurs.

2°/ "Tout témoignage, tout document antérieur à la Libération est un faux ou est entièrement ignoré ou est traité de rumeur". Exemple: les documents écrits par des membres du Sonderkommando et enterrés à Auschwitz.

Parlons-en. Ces documents ont été trouvés, n'en déplaise à Vidal-Naquet, après la Libération, à une période où Auschwitz était fermé et en train de subir les travaux qui devaient transformer l'endroit en musée [(43)]. Ces documents, tout le monde en parle, comme s'ils contenaient des révélations, mais on ne les a pas vus. Ils sont tellement importants qu'on ne les a pas traduits en français, pour les trois qui sont écrits, paraît-il, en yiddisch. Vidal-Naquet mentionne des traductions parues en Pologne près de vingt ans après leur découverte. Tout cela est assez étrange.

Je n'ai trouvé le texte complet du quatrième document, celui qui est écrit en français, que dans l'ouvrage d'Ady Brille [(44)] publié par la FNDIRP, une organisation de déportés très proche du PCF. Cet ouvrage contient des extraits de livre connus comme faux purs et simples (M. Gray, V. Grossmann) ou d'autres, remaniés ou apocryphes (Hoess, Nyiszli, etc.). Peu importe.

Que dit ce document-massue, écrit quelques semaines avant la libération du camp, par quelqu'un, un certain Bermann, qui a passé vingt mois dans le Sonderkommando, document qui-- affirme Vidal-Naquet-- donne une "description précise et concordant avec tout ce qu'on sait par ailleurs des chambres à gaz" (p.23)? Rien, rien, rien. Pas un seul mot sur les chambres à gaz, sinon pour dire, comme le répétait la rumeur, qu'à l'arrivée à Auschwitz, "cent personnes étaient triées pour descendre dans le camp parmi lesquelles j'étais, le reste allait au gaz et dans les fours ensuite". Dans la phrase où il décrit son travail, il dit qu'il était là comme croque-mort. Il dit plus loin qu'il a la conscience pure. Si je comprends bien (son français est très fautif), il s'excuse auprès de sa famille d'avoir exercé par nécessité un si honteux métier, mais il dit l'avoir fait avec humanité, donc avec le respect des morts. Il n'a certainement participé à aucune action meurtrière. Il dément ainsi totalement-- avant la Libération-- son collègue menteur, Filip Muller. Lorsqu'il mentionne la disparition de ses camarades de kommando, il parle de "transport à Lublin", et certainement pas de gazage sur place. Il pense qu'il sera liquidé mais il ne parle pas de gaz. Si le document est authentique, il est donc parfaitement faurissonien. Si Vidal-Naquet le choisit comme preuve, il n'existe qu'une alternative: ou il ne l'a pas lu, ou il est un partisan caché de Faurisson car il faut un haut degré d'imagination pour y trouver une "description précise" de chambres à gaz totalement absentes. Légèreté ou mauvaise foi?

3°/ "Tout document, en général, qui nous renseigne de première main sur les méthodes des nazis est un faux ou un document trafiqué". Et de reprocher à Faurisson d'avoir rangé parmi les ouvrages "faux, apocryphes ou suspects" la chronique du ghetto de Varsovie d'Emmanuel Ringelbum. C'est, à mon avis, un document très remarquable, instructif au plus haut point, écrit par un homme admirable, dont la substance se retrouve dans le très beau roman de John Hersey, La Muraille. "Renseignements pris-- ajoute piteusement Vidal-Naquet, qui n'avait jamais songé à vérifier-- la chronique a été effectivement amputée, surtout dans son édition polonaise". C'est donc bien grâce à Faurisson ("effectivement") que notre censeur s'aperçoit que son livre de chevet a été censuré. Et c'est un peu idiot puisque les traductions ont été forcément établies à partir du texte polonais. J'ai sous les yeux une édition américaine de 1974 (Schacken Paperback), qui est un "reprint" de celle de McGraw Hill de 1958. Elle contient un avertissement: "Cette version anglaise des Notes du Ghetto de Varsovie est fondée sur la sélection publiée dans les Bleter Far Gezichte, Varsovie, mars 1948, et le volume publié par la Commission historique juive de Varsovie en 1952. Malheureusement, il a été impossible d'obtenir le texte complet, que ce soit l'original de Varsovie ou la copie en Israel". Il ne devrait point être besoin de Faurisson pour trouver "suspecte" une censure qui s'exerce à la fois en Pologne et en Israel. C'est d'ailleurs le lieu de poser la question de savoir pourquoi tant de documents comme celui-ci, ou les archives de Théodore Herzl, ou même certains manuscrits de la Mer morte restent enfermés dans des coffres-forts en Israel. Quant à Vidal-Naquet il a fait encore une fois preuve de légèreté. Ou de mauvaise foi? [(45)]

Et puisque l'on tient ce document, en supposant que les passages censurés ne concernent pas notre affaire, voyons ce qu'il nous apprend. L'index fournit quatorze mentions d'Oswiecim (nom polonais d'Auschwitz) mais on vérifie facilement qu'il n'y est pas une fois question de gaz. Il mentionne plutôt des internements, souvent des morts individuelles et même la libération d'un gangster juif. Voyons Treblinka: huit références au "camp pénal" de Treblinka. En juillet 1942, des familles dont certains membres ont été déportés à Treblinka envoient quelqu'un de Varsovie, un bundiste, pour vérifier sur place les rumeurs qui circulent et qui font état d'une véritable extermination. L'homme n'arrive pas jusqu'au camp mais rencontre en route un évadé, Esrael Wallach, "qui confirme les pires récits". Ringelbum note (p. 320-1) les nouvelles que lui donnent des prisonniers qui se présentent comme évadés de Treblinka: "La méthode pour tuer : gaz, vapeur, électricité".

Voici une situation typique. Vidal-Naquet, scribe admirable, enregistre tout, de plus en plus hâtivement, en raison des événements qui se précipitent. Sur Treblinka, qui n'est pas très loin de Varsovie, les rumeurs courent bon train. Elles courront encore après la guerre. Vassili Grossmann, journaliste soviétique, arrive peu après l'Armée rouge et recueille des témoignages, trente-cinq ans avant Lanzmann. Il parle de trois millions de tués à Treblinka et mentionne l'usage de "pompes à vide". Ringelblum note la source du oui-dire, témoigne de l'existence d'une rumeur. Il incombe maintenant aux historiens à la Vidal-Naquet d'expliquer pourquoi et comment ils abandonnent les explications contemporaines "vapeur", "électricité", "pompes à vide", pourquoi ils révisent si fortement à la baisse les chiffres de 45, au terme de quelle enquête matérielle et de quelle critique des témoignages. Ils doivent justifier leur révisionnisme avec les mêmes règles qu'ils entendent appliquer à Faurisson. Et, à terme, ils devraient répondre devant les mêmes tribunaux.

4°/ "Tout document nazi apportant un témoignage direct est pris à sa valeur nominale s'il est écrit en langage codé mais ignoré (ou sous-interprété) s'il est écrit en langage direct". Et de citer Himmler, Goebbels. Il est effectivement compliqué d'interpréter des textes et des paroles de nature diverse émis dans des conditions très différentes. Il serait ridicule de leur appliquer à tous la même grille de déchiffrement. Certains propos peuvent être dits codés, d'autres ne seront qu'allusifs, d'autres encore de pures rodomontades de propagande. Si Vidal-Naquet, historien de l'antiquité, possède tous les codes pour lire tous les textes allemands de l'époque, nous pouvons dormir rassurés. Il n'a qu'à les publier, et nous expliquer, en passant, pourquoi nous possédons des "discours secrets" de Himmler sur bande magnétique.

5°/ "Tout témoignage nazi postérieur à la fin de la guerre, qu'il soit porté par un procès à l'Est ou à l'Ouest... est considéré comme obtenu par la torture ou par l'intimidation". Et d'affirmer qu'aucun dirigeant SS n' a nié l'existence des chambres à gaz. C'est archifaux, il n' y a qu'à consulter les minutes des procès allemands. Quant aux aveux judiciaires, c'est bien la moindre des choses que de se demander ce qu'ils valent, de chercher à savoir dans quelles conditions ils ont été obtenus. C'est une activité à laquelle le jeune Vidal-Naquet savait se livrer, du temps de la guerre d'Algérie, mais dont il semble avoir oublié l'intérêt. Enfin, il faut noter que dans les procès allemands, ce qui porte à condamnation est généralement la simple participation au processus de "sélection", le terme étant entendu par les tribunaux comme synonyme de "meurtre" par simple référence aux "aveux" de Hoess [(46)]. Par cette pirouette, les tribunaux se dispensent ainsi de l'administration de la preuve.

6°/ "Tout un arsenal pseudo-technique est mobilisé pour montrer l'impossibilité matérielle du gazage massif". Vidal-Naquet qui cache son incapacité à comprendre des problèmes techniques en les baptisant "pseudo-techniques" croit malgré tout nécessaire de répondre sur ce terrain puisqu'il fait appel à un chimiste, Pitch Bloch, dont il annexe l'opinion à son article. Malheureusement, le chimiste, au lieu de donner des arguments techniques à l'appui de son ami helléniste, se contente de recopier un rapport très connu, du temps de la guerre, qui est riche de quelques sérieuses invraisemblances. Ce chimiste doit faire dans les cosmétiques.

Dans cette débauche d'arguments techniques, il vaut mieux se référer à Wellers, qui a sans doute lavé des cornues, plutôt qu'au spécialiste du mythe de l'Atlantide. C'est un débat qui peut échapper aux profanes. Par quels critères va-t-on juger de la plus ou moins grande ventabilité d'un gaz? Comment doit-on préciser le mélange gazeux qui assure dans un four la combustion d'un corps? Il est évident que si l'on parle d'une pratique industrielle, on ne peut éviter d'examiner la question de la technique. A part le Saint-Esprit, je ne vois guère que Mao Tsé-toung et Vidal-Naquet pour souhaiter s'en affranchir.

7/ La "preuve ontologique": "Les chambres à gaz n'existent pas parce que l'inexistence est un de leurs attributs". Ca, c'est la blague cultivée. Comme exemple, il cite le mot allemand Vergasung, compris par Faurisson comme gazage dans un cas et carburation dans un autre. Cette bonne blague cache une stupidité, que notre savant aurait pu s'épargner en ouvrant le premier dictionnaire venu, par exemple le petit Weis-Mattutat [(47)]: "Vergasung: tech. gazéification; mot. Carburation; (von Menschen) gazage". Autrement dit, tout est affaire de contexte, mon cher Watson.

8/ "Enfin et surtout, tout ce qui peut rendre concevable, croyable, cette épouvantable histoire, marquer l'évolution, fournir des termes de comparaison politique, est ignoré ou falsifié". Et de reprocher de ne pas avoir parlé des exactions des troupes spéciales de l'armée allemande en territoire soviétique, ni des actions d'euthanasie pratiquées en 39-41 sur des aliénés mentaux en Allemagne.

Il y a, hélas, c'est vrai, tellement de choses dont on n'a pas parlé. Tellement de choses sur lesquelles il faudrait se poser des questions, voir de plus près, écarter les déformations, les exagérations. Là aussi, il s'est passé, sans le moindre doute, des atrocités commises à grande échelle, mais là aussi la documentation semble lacunaire, et trop facilement reconstruite ou complétée par certains auteurs. Le procès du général Von Manstein, qui commandait l'armée allemande sur le front russe, est révélateur puisque l'accusation a fini par abandonner la question des Sonderkommandos [(48)]. Et les Tziganes, dont les intérêts ont été récemment pris en main par un certain Simon Wiesenthal (dont le passé, en Ukraine occidentale, pendant la guerre, persiste à nous intriguer), et les homosexuels... Il y en aurait des choses à dire. Les "triangles roses", Vidal-Naquet non plus n'en parle pas. On peut se jeter à la tête beaucoup de choses dont on ne parle pas, à nous l'encyclopédie! Alors il faut conseiller la lecture du journal d'un déporté homosexuel, Heinz Heger, avec la forte préface de Guy Hocquenghem [(49)]. Vous allez voir ce qu'étaient les camps, vus par plus untermensch que les juifs! Il faut que ce livre soit lu, dit le préfacier, "pour que le masque hypocrite des humanismes refroidis et censeurs soit arraché de la gueule de ceux qui, aujourd'hui encore, nous mentent sur les camps". Il y aurait encore tant à dire, n'est-ce pas, sur tout cela... Si l'on n'était pas aussitôt attaqué par une meute de gardiens du mémorial et de conservateurs de musée... Que de temps perdu...

On pourrait continuer longtemps, éplucher encore et toujours. Vidal-Naquet a une attitude finalement étrange. Quand Faurisson critique des documents (aveux de SS, procès de Nuremberg, de Jérusalem, etc.), notre helléniste commence par trouver ça insupportable, stupide, aveugle. Et puis il admet qu'il faut nuancer, que certains aveux ne sont pas bons, que les pièces des procès ne sont pas toutes de bonne qualité, qu'il y a un "tri à faire". Et puis, ces critiques ayant été formulées, ou plus exactement la clause rhétorique qui ouvre l'éventualité d'une critique ayant été émise pour la forme, il finit par tout accepter sans plus barguigner. La technique du béton souple: évidemment, il faut faire un tri, mais je ne le ferai pas moi-même. Faurisson n'ayant pas le droit de le faire, les choses resteront en l'état. Et comme expert final, pour passer la brosse à reluire à son compère, celui qui typiquement n'a jamais rien trié dans la documentation, Léon Poliakov, il ne trouve personne d'autre qu'Adolf Eichmann [(50)] , enfermé pendant un an, avant son procès, avec pour toute pitance cette seule littérature de la revanche. Eichmann nous recommanderait la lecture de Poliakov, mais, comme par hasard, Vidal-Naquet se garde bien de nous recommander la lecture de la "déclaration finale" d'Eichmann. On nage en plein délire.

De ce qui suit-- une longue attaque contre Rassinier-- je ne discuterai pas les calculs démographiques qui me paraissent aussi mal fondés chez lui que chez ses adversaires, surtout Hilberg. Je ne relèverai qu'un seul aspect de la "méthode" de Vidal-Naquet. Il cite des propos de Rassinier afin de démontrer qu'il était en proie à l'antisémitisme. Que l'on m'entende bien: Rassinier, qui, pendant la guerre, avait aidé des juifs à se réfugier en Suisse, a eu, vers la fin de sa vie, alors qu'il était en butte à une véritable persécution, parfois des propos ambigus qui prêtaient le flanc à la critique. Comment démontrer son antisémitisme? En choisissant telle ou telle phrase typique, prise dans les nombreux écrits de Rassinier, comme celle-ci, dans la version Vidal-Naquet: "Que demain, le mouvement sioniste international mette 'la main sur Wall Street' et le port d'attache israélien de la Diaspora deviendrait non seulement le toit commercial du monde atlantique, mais (grâce au pétrole) le port de commande aussi de toute son industrie"[(51)]. Or il se trouve que ces propos n'appartiennent nullement à Rassinier. On les trouve dans une page du Drame des Juifs européensRassinier discute un ouvrage sioniste, paru en 1930 chez Kra, L'Etat d'Israel, dont l'auteur se nomme Kadmi Cohen (le père de J.-F. Steiner, l'auteur de la fiction intitulée Treblinka). Les propos jugés antisémites de Rassinier sont donc en fait les propos sionistes de K. Cohen. Je ne suis pas, pour ma part, surpris que l'on puisse confondre, mais de celle de Vidal-Naquet, cela témoigne d'une grosse légèreté, sinon même d'un franc parti-pris.

On trouve plus loin une longue discussion du journal du médecin Johann Paul Kremer. La chose était prévisible puisqu'à l'époque l'accusation judiciaire de la LICRA et d'autres groupes ne portait, concrètement, que sur le fait que Faurisson aurait falsifié ledit journal. Kremer était un médecin allemand qui a travaillé à Auschwitz et tenu un journal intime. L'imputation de falsification était en elle-même grotesque puisque Faurisson n'était nullement l'éditeur de ce texte allemand.

En raison de ce procès, Faurisson a complètement repris la question de ce document-- question qui me semble au demeurant à peu près dépourvue d'intérêt, puisque Kremer n'explicite nulle part dans son journal intime le sens des mots qu'il emploie à son seul usage-- ce qui a donné la matière d'un livre, publié fin 1980 sous le titre de Mémoire en défense, contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire (La vieille Taupe). A compléter par le texte qu'a donné Jean-Gabriel Cohn-Bendit, Mon analyse du "Journal de Kremer", 17 p. (1980) [(52)].

Le terrain a donc été abondamment retourné et l'on n'y a trouvé nul filon nouveau. L'attention se porte alors sur les procédés de Vidal-Naquet. Il consacre près d'une page (p.45-46) à discuter de l'interprétation que Faurisson donne d'une expression de Kremer. Il conclut ses remarques philologiques en disant que Faurisson "s'est laissé duper par la traduction de l'éditeur polonais"; il discute ensuite du type de maladie dont a été atteint Kremer lui-même. Il affirme pour terminer: "Quand Kremer parle du camp de l'anéantissement, il ne fait pas, c'est vrai, référence à un concept juridico-administratif, qui ne figurait pas, c'est encore vrai, sur les tablettes officielles du IIIe Reich, il parlait tout simplement de ce qu'il voyait. Sur le plan qui lui est cher, celui de l'exactitude philologique, de la traduction correcte, l'interprétation de Faurisson est un contre-sens".

Certes, un contre-sens, c'est très ennuyeux, c'est très gênant. A vrai dire, tout cette affaire peut se discuter rationnellement, comme Vidal-Naquet vient de la faire. Une bonne partie de la vie académique consiste à pourchasser les contre-sens échappés à d'érudits collègues qui ont commis l'erreur d'interprétation grâce à laquelle on pourra les vouer à l'opprobre et se hisser sur leur cadavre pour réclamer les palmes. Contre-sens! À l'école, on met une mauvaise note, on corrige et on passe à la suite. Or la phrase de Vidal-Naquet ne s'arrête pas là, elle continue ainsi: "Sur le plan de la morale intellectuelle et de la probité scientifique, c'est un faux". Voilà qui est proprement renversant. Comment un simple contre-sens peut-il être un "faux"? Ce peut être une erreur, une faute, une inadvertance, le produit d'un mauvais raisonnement, une méprise, une illusion, une ignorance, ou même une fausseté. Mais un faux? Il y a une impossibilité logique (une pomme n'est pas une poire) que Vidal-Naquet résoud par un coup de force sémantique (une pomme est une poire), mis en relief par la formulation in cauda venenum: "C'est un faux". Ce tour de passe-passe pourrait paraître simplement ridicule si Vidal-Naquet ne se promenait depuis, partout, en claironnant qu'il a démontré que Faurisson était un faussaire. Il l'a dit à tout le monde, il l'a répété dans la presse écrite et parlée. Il est le Saint-Georges qui a terrassé le dragon par la seule force de sa logique et il est d'ailleurs encensé comme tel par les ignares et les prudents qui ont préféré ne pas mettre leur nez dans cette affaire et déléguer un champion. Mais cette démonstration, en vérité, ne repose que sur cette fraude verbale-là. Pour les besoins idéologiques du procès et de la manipulation de l'opinion publique, il fallait bien trouver quelque part le moyen d'introduire les concepts de "faux" et de "falsification" et les accoler au révisionnisme. On ne peut plus croire à la simple légèreté de Vidal-Naquet. Un telle contorsion verbale ne relève que de la passion et de sa conseillère, la mauvaise foi.

Lorsqu'on fait le bilan des maladresses, des contradictions et des marques de mauvaise foi de Vidal-Naquet, on reste confondu par la médiocrité de sa performance. Qu'il se laisse emporter par un passion qui plonge dans l'histoire douloureuse de sa famille, je le comprends et je m'incline. Mais qu'il joue au directeur de conscience et au professeur de morale scientifique, c'est beaucoup trop pour le contenu réel de ses interventions. Je répète ce que j'ai dit dans mon premier livre sur cette question: nul n'est tenu d'entrer dans cette discussion parce qu'elle est forcément douloureuse, pour tout le monde. Vidal-Naquet a cru devoir monter en première ligne pour défendre à la fois ce qu'il pense être le point de vue de la gauche et ce qu'il a aussi reconnu comme étant le point de vue officiel (de l'Etat) dans cette affaire. Toute la gauche respectueuse s'est rangée derrière lui, comme elle fait derrière tout idéologue de bas étage; il convenait donc d'examiner de près ce qu'il avait à dire. Il en ressort qu'il est intervenu dans cette discussion avec des moyens si incomplets, une compétence si déficiente, qu'il dissipe lui-même l'illusion de son sérieux. Il dit, dans une note introductive à la réédition de son article dans un livre, qu'il lui a été assez facile de se mettre au courant, en quelques mois, de toutes ces questions. C'est là pure présomption de sa part. Que Vidal-Naquet patauge de la sorte n'est pas en soi une preuve que Faurisson ait raison, mais on aurait aimé qu'une véritable confrontation fasse avancer le savoir.

 

 

LA GRANDE ÉBULLITION

 

 

L'article de Vidal-Naquet provoqua comme un lâche soulagement dans les salons de la gauche parisienne. On se congratulait à la terrasse des cafés. Ils l'avaient dans l'os, hein, les révisionnistes. On pouvait dorénavant dormir tranquille, Thion avait entrouvert le couvercle d'une sacrée boîte de Pandore, mais Vidal-Naquet avait sauvé la civilisation en venant s'asseoir dessus. On nous conseillait amicalement de laisser tomber, de nous faire oublier.

Mais, dans l'extrême-gauche, un certain nombre de personnes et de petits groupes s'étaient mis à réfléchir et à trouver que décidément, il manquait à ces controverses une dimension politique que je m'étais abstenu de lui donner dans le livre, pour que le lecteur se confronte d'abord aux faits et ne les rejette pas pour des raisons de désaccord politique personnel [(53)]. Ils rédigèrent donc un tract, tiré à vingt mille exemplaires, qu'ils commencèrent à diffuser dans les tout premiers jours d'octobre 1980. Je n'avais aucunement participé à sa rédaction, mais j'en approuvais les grandes lignes. Le voici:

 

Notre royaume est une prison

 

C'est une nécessité constante pour une société de classes de proposer, aux populations opprimées, de faux ennemis, de fausses horreurs à la place des vrais. La religion a tenu ce rôle de distraction et d'unification de la société par-delà ses antagonismes. Elle déplaçait de la terre au ciel les oppositions sociales: Dieu et le diable. La répartition inégale de la richesse, selon l'origine sociale, s'y transformait en une juste répartition des récompenses et des châtiments suivant les mérites. Les terrifiantes visions de l'enfer, de flammes éternelles, faisaient mieux accepter aux exploités leur misère. Des horreurs extrêmes, mythiques, sont produites pour rendre supportables la pauvreté et la peine quotidienne.

Aujourd'hui, religion et morale perdent de leur force, mais la société de classes se perpétue et ses nécessités fondamentales demeurent. La politique et l'idéologie prennent le relais. Les hommes doivent trouver une certaine unité, se rassembler contre les mêmes ennemis, communier dans les mêmes terreurs. De fausses oppositions politiques se substituent aux oppositions sociales réelles. Des horreurs exagérées ou inventées doivent, par contraste, mieux permettre aux prolétaires d'apprécier leur "confort" présent-- cacher la véritable nature de leur misère réelle. Les délires qui naissent de ces nécessités sociales n'ont finalement rien à envier à ceux de l'obscurantisme religieux.

 

La liberté, c'est l'esclavage

 

Dans la pensée politique contemporaine, le fascisme joue, avant toute autre idéologie, le rôle du diable. L'univers concentrationnaire nazi fournit un enfer des plus convenables. L'idéologie antifasciste se propose de sauver la démocratie par tous les moyens face au fascisme et aux dictatures étatistes qui lui sont plus ou moins assimilées. Mais, en vérité, cette idéologie est d'abord le moyen de noyer les perspectives propres du prolétariat dans la confusion et d'intégrer cette classe dans la défense du monde capitaliste.

L'opposition entre fascisme et antifascisme, dont on fait un absolu, a d'abord été une mauvaise blague que les exploiteurs et les politiciens ont faite au prolétariat. Que d'hypocrisie elle recouvre! Avant d'entrer en guerre contre le fascisme, les Etats démocratiques, comme l'Etat stalinien et les partis de gauche en Italie, en Allemagne, en Espagne, ont d'abord cherché à faire un compromis et à pactiser. Après la guerre, en Italie et en Allemagne, les flics et les fonctionnaires qui avaient servi Mussolini ou Hitler furent reconduits au service de l'Etat démocratisé. Quant au régime de Franco, il s'est tout naturellement intégré au nouvel ordre occidental. La mythologie de l'antifascisme, libéral ou stalinien, réécrit l'histoire et dissimule l'unité profonde des formes démocratiques et dictatoriales que prend l'Etat. La démocratie sera toujours prête à se transformer en dictature, et vice versa, pour sauver l'Etat! C'est en attaquant l'Etat et le salariat à la racine, et non en les préservant pour éviter le pire, que nous pouvons lutter réellement contre les dictatures ou les mesures dictatoriales (restriction de la liberté d'expression, de circulation, interdictions professionnelles... mesures propres à tout Etat).

Le fascisme italien et le nazisme allemand ont été vaincus par les armées occidentales et staliniennes. Cela n'empêche pas que les Etats antifascistes soient aujourd'hui les héritiers du fascisme. Le fascisme a été un banc d'essai pour le capitalisme moderne: intervention étatique dans l'économie de marché automobile pour tout le monde... bourrage de crâne permanent unité factice par-dessus les classes "perversion" et intégration des idéaux prolétariens et socialistes.

Hitler avait réussi à unifier et à diriger les Allemands en canalisant leurs ressentiments sur un faux ennemi: le juif. D'où une hypocrisie intellectuelle ou populaire odieuse. Dans le capitalisme allemand ébranlé d'après 1914-1918, l'antisémitisme a servi cyniquement à unifier politiquement des couches sociales hétérogènes et à les faire adhérer à l'Etat. L'antifascisme a la même fonction politique et utilise les mêmes ressorts psychologiques, même si la cible a changé. Il faut en finir avec l'antisémitisme. Il faut en finir avec l'antifascisme. L'un et l'autre sont le "socialisme des imbéciles".

L'antifascisme est une forme plus évoluée, plus subtile que l'antisémitisme, mais pas moins contre-révolutionnaire. Il crée une attitude et des réflexes de haine. Face au fascisme on ne pense plus: il ne faut plus penser-- c'est tabou. Face au fascisme, tout est permis-- les crapuleries, le mensonge, le truquage, le lynchage, l'appel à l'Etat. L'antisémitisme fonctionnait aussi bien contre l'épicier concurrent que contre le "judéo-bolchévisme", le "judéo-capitalisme"... La capacité d'assimilation du terme fascisme sera encore plus vaste. Tout ce qui dérange et tout ce qu'on ne veut pas comprendre devient du "fascisme".

Depuis le XIXe siècle, la gauche a tenu ce rôle de chien de garde de l'Etat, aboyant à la provocation devant l'irruption du prolétariat ou n'importe quelle émeute populaire, rejoignant la droite dans une ambiance de ratonnade: à Berlin (1919-1923), à Barcelone (mai 1937) ou à Sétif (le 8 mai 1945!). C'est la gauche qui dénonce, désarme les mouvements insurrectionnels en appelant à l'indignation populaire contre les ennemis de l'ordre. Aujourd'hui, en Italie, c'est elle qui cristallise l'union sacrée autour de l'Etat.

Mais comment oser comparer un comportement et une idéologie racistes à l'antifascisme qui se veut un antiracisme? En réalité, l'antifascisme a servi à couvrir et à justifier bien des saloperies à l'égard de telle ou telle population. Et d'abord, il a permis de couvrir un répugnant racisme anti-allemand. Mais aussi la répression colonialiste: les émeutiers algériens de Sétif, dont on a fait une boucherie-- c'était des "hitlériens". D'une façon plus générale, l'antifascisme a fait de l'antiracisme quelque chose de creux. Tout le monde est contre le racisme et tout le monde s'accommode de racismes qui n'osent pas dire leur nom. Ainsi on attaquera comme racistes des comportements qui ne le sont pas.

Mais comment oser comparer ceux qui mettaient les juifs dans les "chambres à gaz" et ceux qui sont venus interrompre ce "génocide"? Ce serait la grande différence: les fascistes et les nazis faisaient exprès de faire le mal et d'assassiner notre monde démocratique et "socialiste", lui, se contente de laisser crever de faim chaque année des dizaines de millions d'hommes qu'une meilleure répartition de la nourriture disponible pourrait sauver.

Ce n'est pas la volonté de ses dirigeants qui a rendu le fascisme meurtrier. Comme ses ennemis, il était pris dans la guerre et, comme eux, il voulait la gagner par tous les moyens, y compris les plus atroces. S'il avait eu la bombe atomique, sans doute l'aurait-il utilisée. La déportation et la concentration de millions d'hommes ne se réduisent pas à une idée infernale des nazis, c'est avant tout le manque de main d'oeuvre nécessaire à l'industrie de guerre qui en a fait un besoin. Contrôlant de moins en moins la situation, la guerre se prolongeant et rassemblant contre lui des forces bien supérieures, le fascisme ne pouvait nourrir suffisamment les déportées et répartir convenablement la nourriture. L'individu réduit à un matricule, les camps de concentration avec leur déshumanisation, leur bureaucratie interne, leurs épidémies dévastatrices, la sous-nutrition, les rumeurs délirantes, ne sont que l'expression exacerbée du monde où nous vivons. Pas un enfer qui lui serait extérieur.

 

L'ignorance, c'est la force

 

Ces "chambres à gaz" (dont on nous rebat les oreilles et qui auraient été l'instrument du crime le plus énorme de l'histoire où, dans plusieurs camps de concentration, des SS ont "avoué" et des déportés "témoigné" de leur existence et que l'on continue à présenter aux touristes, on reconnaît officiellement qu'elles n'existaient pas), ces "chambres à gaz" sont l'horreur qui a permis d'éviter d'affronter l'horreur réelle de la déportation et des camps de concentration, nazis ou autres. La rumeur des "chambres à gaz", rumeur officialisée par le Tribunal de Nuremberg, a permis d'éviter une critique réelle, profonde du nazisme. C'est cette horreur mythique qui a permis de masquer les causes réelles et banales des camps et de la guerre!

Les déportés qui ne sont pas revenus sont morts du fait de la guerre. Leur mort est exploitée pour faire passer au second plan les dizaines de millions de morts de la seconde guerre mondiale. Et si une révolution sociale, bousculant tout ce petit monde, ne survient pas, sans doute verra-t-on, dans quelques années, des intellectuels faire des mea culpa et s'interroger gravement sur les causes de leurs errements. D'autres expliqueront que le mensonge était, ma foi, provisoirement nécessaire.

Après la guerre de 1914-1918, le dégoût pour cette gigantesque tuerie avait été général. Le pacifisme rencontrait un écho dans de larges couches de la population. La guerre de 1939-1945, elle, a été une véritable victoire pour le capital. Le retour à la paix s'est fait dans le calme, avec peu de remous prolétariens. Cette guerre, beaucoup plus meurtrière que la précédente, est apparue comme une entreprise justifiée. Il fallait battre Hitler, écraser le diable. Plus jamais l'absurdité de Verdun! Mais Stalingrad, le débarquement, la Résistance, c'est différent, penseront des gens qui, parfois, se prétendent révolutionnaires.

 

La guerre, c'est la paix

 

On est prêt à se mobiliser dans les usines sous la conduite des syndicats responsables, à repartir au front, pourvu qu'on donne à croire qu'il s'agit de lutter pour la Liberté, pour le Socialisme, pour les Droits de l'Homme. Jamais autant d'armes, et des armes aussi meurtrières, n'ont été produites. On meurt aux quatre coins du monde dans des conflits alimentés par des puissances impérialistes. Mais les ministères de la Guerre sont devenus des ministères de la Défense; et comme dans 1984 de George Orwell, peut-être deviendront-ils des ministères de la Paix? Les hurlements belliqueux et nationalistes d'antan ont cédé la place aux discours pacifistes des chefs d'Etat modernes. Faire la guerre oui, mais pour mieux préserver la paix. La propagande de guerre moderne n'est plus celle d'un nationalisme borné contre un autre. Mais elle a toujours plus besoin de mettre en scène des monstres et de cultiver l'horreur. On justifie ainsi, ou l'on fait oublier, sa propre barbarie.

Récemment, au Cambodge, on a multiplié le nombre des morts et caché les causes réelles d'une situation catastrophique pour tout rejeter sur une bande de fous meurtriers à la Pol Pot-- de nouveaux Hitler! Les chiffres ont été gonflés à Hanoi et repris par la presse de droite aux USA. Chacun y trouvait son compte: le Viêt-Nam avait un prétexte pour justifier une intervention; les Américains y trouvaient de quoi alimenter leur anti-"communisme" et de quoi effacer le rôle néfaste qu'ils ont joué dans la région. Pendant que, en Occident, se faisait tout ce tapage à propos du Cambodge, des massacres de même ampleur avaient lieu à Timor, rattaché à l'Indonésie-- les armes utilisées sont de fabrication française et américaine. En France et en Amérique, nous étions donc plus concernés et nous avions des possibilités d'action. Mais la presse, qu'elle soit de droite ou de gauche, a fait le silence.

La seule attitude révolutionnaire possible n'est pas d'en rajouter dans l'antifascisme, de voir du fascisme partout comme le font les gauchistes. Elle ne peut être que la subversion de toutes les propagandes de guerre. Il n'y a pas de monstres en face de nous. Nos ennemis, ce sont des rapports sociaux, même si ce sont des hommes qui les défendent et que nous devons affronter. C'est en s'attaquant à l'argent et à l'Etat que l'humanité pourra, non pas accéder à un impossible paradis, mais se constituer en communauté. Le fascisme a été un mouvement social qui est venu renforcer un Etat qui ne parvenait plus à maintenir l'ordre et à unifier la société. L'antifascisme reste le moyen d'éviter la critique de l'Etat: participation de la gauche à l'Etat pour éviter sa fascisation, soutien et appel à l'Etat pour lutter contre des fascismes réels ou imaginaires.

Ce fut, en 1936, le reniement par l'anarcho-syndicalisme espagnol de ses principes anti-étatiques après le putsch de Franco: l'antifascisme et le sang ouvrier furent mis au service de l'Etat républicain. En Italie, aujourd'hui, l'antifascisme allié à l'anti-"terrorisme rouge" sert à rassembler la population autour de l'Etat qui est censé la protéger. Mais là aussi ça tourne au délire. Ce sont les flics de cet Etat antifasciste qui organisent eux-mêmes les massacres ou un enlèvement comme celui d'Aldo Moro. On exhibe ensuite quelques éléments d'extrême-gauche ou d'extrême-droite pour en faire des coupables. Et l'ensemble des mass media fait résonner les tam-tams pour qu'aucune autre version que la version étatique ne puisse se faire entendre (Cf. Gianfranco Sanguinetti, Du Terrorisme et de l'Etat).

 

Au pays du mensonge déconcertant

 

Pourtant, alors que le scepticisme face aux déclarations officielles est répandu, ce mensonge fonctionne. On n'y croit pas, mais c'est pour s'en désintéresser-- vrai, faux? Quelle importance! L'isolement et la passivité ont amené une effrayante démission de l'intelligence. La démocratie, loin d'être la société de la liberté de penser, est celle de la suprématie du baratin dans le plus grand respect de la connerie individuelle.

L'aspect le plus frappant dans l'histoire des vérités officielles est l'aisance avec laquelle ceux qui les colportent retournent leur veste quand ils n'ont plus le choix. Pendant l'époque "chaude" des reportages sur le Cambodge, des chiffres étaient modifiés chaque jour sans qu'aucune explication vienne justifier certaine incohérence. Un déluge d'informations contradictoires sur les récents événements polonais nous a été déversé dans la plus grande confusion, sans qu'aucune des questions précises-- combien? où? quand?-- puisse recevoir de réponse. Quant aux partisans de l'existence des "chambres à gaz" homicides, ils cèdent du terrain pied à pied, reconnaissant des faits, mais n'avouent jamais que ce qu'ils prétendaient la veille était pur mensonge.

Comparé au monde féodal, l'univers démocratique de la bourgeoisie n'est pas capable de produire une religion monolithique qui fasse l'unanimité. Mais il a ses vérités sacrées et il paie bien ceux qui les protègent. Il n'est pas question, pour nous, de corriger ces vérités sacrées mais de les démonter, de les déconstruire et de démasquer les menteurs. Nous n'aurons peut-être jamais de preuves "scientifiques" de l'inexistence de ces "chambres à gaz" (dont l'existence est remise en cause par un nombre croissant de juifs) qui résistent à la critique. C'est en renversant les idéologies que l'on comprend à la fois leur fonction et la réalité qu'elles voilent. Il est important d'imposer pratiquement une autre version de certains faits et surtout d'inciter à une autre compréhension de la réalité sociale, de bloquer l'effrayante production de bobards qu'on voudrait froidement nous faire gober.

Cette époque produit l'indifférence têtue des uns et l'hostilité bétonnée de ceux qui sont prisonniers de la pensée et des réflexes politiques indifférence et hostilité auxquelles il faudra nous heurter. Mais cette époque produit aussi les têtes capables de nous comprendre et les forces capables de la subvertir.

Seules, la lutte communiste des prolétaires, la destruction du salariat, de la marchandise et des Etats permettront d'en finir avec les délires politiques et idéologiques symétriques.

Quelques jours plus tard, une bombe explose. Le vendredi 3 octobre 1980, en fin d'après-midi, au moment du service religieux, une forte bombe explose devant une synagogue, rue Copernic, dans les quartiers chics, à Paris. Plusieurs passants sont tués et d'autres blessés. Ce crime n'est pas revendiqué.

Aussitôt les milieux politiques entrent en ébullition. Emotions, déclarations, démonstrations résonnent dans le grand tam-tam des media et donnent à l'événement une allure de crise nationale, bien peu ressentie pourtant par les gens dans la rue. C'est le monde politique, journalistique et intellectuel qui se voit seul atteint d'une hystérie croissante et qui, unanime, tend un doigt accusateur vers les seuls monstres que l'on conçoit capables d'attenter ainsi, non tellement à des vies humaines, mais à l'idéologie dominante, les fascistes, néo-nazis et autres ultra-nationalistes.

Ils ne sont pas tellement pris par surprise, ces pâles héritiers des fascismes abîmés; depuis des mois, ils sont traqués par la police et par une presse qui, là, se sent libre, libre de dire n'importe quoi. Infiltrés par les flics et les espions sionistes, divisés en chapelles irréductiblement opposées, ils nagent dans la peur et l'impuissance. De là à tenter le saut périlleux et à dire que les empêcheurs de penser-en-rond, Faurisson, la Vieille Taupe et leurs amis sont moralement impliqués dans ce genre d'activité criminelle, il n'y a qu'un pas, allègrement franchi par les commissaires politiques du Nouvel Observateur: "De la Nouvelle Droite qui, par ses vaticinations indo-européennes, a préparé le terrain (aux nouveaux nazis), jusqu'aux écrits de ceux qui, en doutant de l'existence des chambres à gaz, cherchent à blanchir de l'Holocauste les nazis de la haute époque, tous les barrages ont cédé", (6 octobre 1980). Franchi aussi par la walkyrie de l'amour maternel, Elisabeth Badinter: "Question perverse ... question contagieuse ... comment ne pas remarquer la simultanéité des propos et des actes racistes qui se multiplient comme autant d'avertissements depuis deux ans?" (Le Matin de Paris, 8 octobre 1980), sans compter les rabbins: "On pousse l'ignominie jusqu'à vouloir nous voler le souvenir sacré de nos martyrs" (grand rabbin Sirat, ibidem). Et chacun de réclamer davantage de police, de répression, l'interdiction de tel ou tel groupe et de telle ou telle doctrine. On connaît la chanson.

Cette énorme confusion allait culminer quatre jours plus tard lors d'une grande manifestation où figuraient toutes les organisations politiques et syndicales et autres mouvements de pensée. Tous ces gens, plus habitués à s'opposer, étaient assez gênés de manifester ainsi pour la première fois ensemble, dans une totale vacuité politique, le seul élément nouveau étant le surgissement d'un petit groupe, marqué à droite, très lié à Israel, le "Renouveau juif" qui cherchait à rassembler les juifs français pour en faire un docile instrument de pression politique. Pas loin de vingt mille personnes ont défilé sous ses bannières. On n'allait pas tarder à casser la figure à quelques passants dont les cheveux trop courts leur faisaient d'évidentes têtes d'antisémites. Pendant ce temps-là, le tract "Notre royaume est une prison" se distribuait comme des petits pains, sans incident. De plus en plus demandé à Paris et en province, il fallut procéder à deux nouveaux tirages, ce qui en porta le nombre à soixante mille.

Il me sembla urgent de proposer de mettre un peu d'ordre dans cette absurde confusion. Après tout, nous étions désignés à la vindicte populaire par une tourbe de plumitifs coassants. Cette contre-attaque prit la forme du texte suivant:

 

 

BOMBES GLACEES

 

Cui prodest?

 

Les bombes glacées d'un terrorisme froid et calculateur explosent dans une Europe inquiète. Milan, Belfast, Madrid, Bologne, Munich, Paris, noeuds des instabilités et des conflits latents de nos républiques provisoires. Aucune interprétation qui ne rendrait pas compte de l'extension récente du terrorisme ne serait recevable. Les Irlandais, les Basques, les Bretons, les Corses, les Arméniens, les Israéliens, les Palestiniens, et d'autres, mènent ou ont mené des actions terroristes dans des conditions bien connues, avec des références établies. Ils souhaitent fabriquer, gérer ou défendre un instrument d'exploitation qui soit le plus propre, un Etat national qui les opprimera de manière plus complète, plus intime, plus définitive. Il est des bourgeoisies qui ne sont jamais rassasiées. Cette crise des nationalités qui n'en finit pas de traîner depuis le début du capitalisme moderne ne s'achèvera qu'avec lui. Ceux qui n'ont ni patrie ni frontières la regarderont avec le détachement qui convient à la considération que l'on porte à l'héritage du passé.

Mais des bombes explosent qui ne sont pas enveloppées dans d'hypothétiques drapeaux nationaux, qui ne visent la sécession d'aucune périphérie, qui ne sont revendiquées par personne, même si la rumeur les attribue à n'importe qui. Elles explosent sans dire pourquoi. Elles émeuvent, sans pourtant avoir de signification manifeste. Si l'on doit se demander pourquoi la gare de Bologne, pourquoi l'Oktoberfestplatz de Munich, il n'y a pas de raison de ne pas se demander pourquoi la synagogue de la rue Copernic.

Le plus vieil adage de notre droit criminel est cui prodest? A qui profite le crime? Pour répondre à cette question et désigner les auteurs de ces crimes atroces, il n'est nul besoin de ces enquêtes policières truquées, de ces tribunaux spéciaux dont la servilité est proverbiale ni de ces fuites lâchées par de mystérieux augures pour le plus grand profit de quelques publicistes. Ces questions se résolvent d'elles-mêmes par l'observation du champ social.

Ecartons les phantasmagories qui traînent partout: pour les sionistes obsédés, le coupable c'est évidemment Kadhafi, ou les Palestiniens, ou les Arabes; pour les conservateurs et la "nouvelle droite", c'est le KGB; pour les centristes de gauche, c'est l'extrême-droite et pour les centristes de droite, c'est l'extrême-gauche. Toutes ces projections relèvent de la psychanalyse de masse. Entendons-nous bien: il ne s'agit nullement de déterminer la couleur de la peau ou des convictions des lampistes qui jouent du pistolet ou qui posent des explosifs. Ceux-là ne savent sûrement pas pour qui ils accomplissent leur besogne. C'est le minimum de sûreté que puissent se donner les têtes qui calculent la charge et sa déflagration politique.

L'hypothèse d'un attentat du Mossad, le service israélien, est venue à l'esprit de tout un chacun, ne serait-ce qu'un instant. Le Mossad ne s'est jamais gêné pour assassiner, en France, les militants arabes, ou pour faire sauter les ateliers où l'on fabrique un réacteur atomique destiné à l'Irak, ni même à le bombarder en profitant de la guerre entre l'Irak et l'Iran. On sait les services spéciaux israéliens animés d'un cynisme à toute épreuve et rien n'interdit de penser, à voir l'exploitation que l'on en fait à Jérusalem, qu'ils ont voulu, qu'ils veulent effrayer les juifs français pour les faire émigrer en Palestine. La seule raison décisive de ne pas le penser est que le terrorisme fonctionne à l'échelle européenne, et que c'est là seulement qu'il s'expliquera.

Expédions tout de suite, pour ce qu'elle vaut, la prétendue culpabilité des néo-nazis: ces groupes minuscules, dépourvus d'audience, dirigés par des nullités obscures, sont visiblement incapables de faire trembler un Etat, aussi proche soit-il de la décomposition. Ils sont, en France, depuis plusieurs mois, l'objet d'une persécution policière aussi stérile qu'hypocrite. Ces gens-là passent la moitié de leur temps à se faire interroger dans des commissariats, aussi bien en France qu'en Allemagne ou en Italie. La police passe aussi son temps à les relâcher, sans pouvoir leur coller autre chose que quelques motifs. Et les têtes chenues de la gauche bien-pensante de s'indigner: comment peut-on laisser des nazis libres d'avoir des pensées nazies? Ecoutez ces Caton réclamer pour des gens qui ne pensent pas comme eux une prison qu'eux-mêmes mériteraient bien pour leur propre idiotie!

Veut-on y voir de plus près? La FANE, ce groupuscule monté en épingle par les cognes, les juges et les journalistes, contient vingt pour cent de flics, aux dires de quelques vertueux porte-matraque. Les gogos ne s'étonnent pas de cette inversion de la réalité: si un militant sur cinq est un flic, on en déduit que les fascistes peuvent entrer dans la police comme on s'inscrit à un club de pêche. Mieux encore, ce fameux inspecteur Durand, membre de la FANE, n'est sorti de l'anonymat que grâce à la balourdise des enquêteurs italiens qui avaient un urgent besoin de chair fraîche. Et quelle était la tâche officielle de cette semelle à clous? La protection de Kaplan, notre grand rabbin à tous, un homme honorable, qui avait tant d'amitié pour les Croix de Feu dans les années trente. Kaplan n'a rien dit, n'a manifesté ni surprise ni indignation quand la presse a révélé par inadvertance les intéressantes relations de son ange gardien. Et Durand, quand il s'est fait vider de la maison poulaga, comme un vulgaire malfrat, il ne s'est pas plaint. A se demander qui, des bourrus, de la FANE ou de Kaplan tirait le plus grand profit de toutes ces charmantes mondanités.

Voit-on pointer l'oreille? Qu'est-ce qu'un mouvement squelettique, noyauté par les pandores, harassé par les descentes et les attentats (de gauche, peut-être?) et finalement interdit par décret gouvernemental, pourrait bien faire en cette galère? Il sert de paravent, de caution, de cache-misère aux véritables terroristes qui peuvent, la mise en scène étant au point, leur faire endosser leurs crimes. Le maladroit téléphoniste qui a pour fonction de revendiquer les attentats n'a pas craint, le surlendemain de la rue Copernic, de revendiquer le piégeage d'une voiture par un quelconque mari jaloux, au nom d'un autre fantôme impotent de l'extrême-droite.

Si l'on veut comprendre quelque chose à tout ce méli-mélo, il faut revenir à l'Italie où s'est affirmé dès 1969 le style contemporain du terrorisme new-look. C'est aussi d'Italie, par voie de conséquence, que nous vient l'analyse la plus profonde et la plus pénétrante, sous l'implacable plume de Gianfranco Sanguinetti, Du Terrorisme et de l'Etat, la théorie et la pratique du terrorisme divulguées pour la première fois, ouvrage qu'il serait judicieux de distribuer à tous les élèves qui sortent des écoles primaires. En effet,

dans cette péninsule, remarque Sanguinetti-- berceau du capitalisme moderne, siège de la papauté, centre du christianisme et de l'eurostalinisme, lieu privilégié de l'expérimentation contre-révolutionnaire, de la Contre-Réforme aux entreprises actuelles des services secrets et des staliniens en passant par le fascisme dont les vestiges de la grandeur passée attirent tant de visiteurs étrangers, confluent aujourd'hui les déchets putrides de la décomposition de tout ce qui a marqué ce millénaire, et toute la population est empestée par les miasmes fétides du christianisme, du capitalisme et du stalinisme parvenus au stade ultime de l'infection, se soutenant tous les uns les autres encore un instant face à l'imminence menaçante de la plus menaçante des révolutions, se donnant tous rendez-vous ici pour mettre en oeuvre la plus impitoyable et la plus désespérée de toutes les répressions, disputant tous du système le plus efficace pour condamner l'histoire, qui les a condamnés. (p. 27)

Sanguinetti explique d'abord que:

le terrorisme défensif des Etats est pratiqué par eux directement ou indirectement, ou avec leurs propres armes ou avec celles d'autrui. Si les Etats ont recours au terrorisme direct, celui-ci doit être dirigé contre la population-- comme cela s'est produit par exemple avec le massacre de la piazza Fontana, avec celui de l'Italicus, et avec celui de Brescia. Si au contraire les Etats décident de recourir à un terrorisme indirect, celui-ci doit être apparemment dirigé contre eux-- comme cela s'est par exemple produit dans l'affaire Moro.

Les attentats directement réalisés par les corps détachés et par les services parallèles de l'Etat ne sont habituellement revendiqués par personne, mais sont à chaque fois imputés et attribués à tel ou tel "coupable" commode, comme Pinelli ou Valpreda. L'expérience a prouvé que c'est là le point le plus faible d'un tel terrorisme, et ce qui en détermine l'extrême fragilité dans l'usage politique que l'on veut en faire. C'est à partir des résultats de cette même expérience que les stratèges des services parallèles de l'Etat cherchent désormais à donner une plus grande crédibilité ou, au moins, une invraisemblance moins grande, à leurs propres actes, soit en les revendiquant directement par tel ou tel sigle d'un groupe fantomatique, soit même en les faisant revendiquer par un groupe clandestin existant, dont les militants sont apparemment, et se croient parfois, étrangers aux desseins de l'appareil d'Etat. (p. 69-70)

Les raisons profondes de cet état de choses, Sanguinetti les expose ainsi:

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