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Régis Ladous, directeur de maîtrise de jean Plantin, membre de l'institut d'histoire du christianisme, a répondu à nos questions sans se dérober. Il ne s'est pas contenté des contorsions invérifiables de son collègue Yves Lequin de Lyon 2. Mais, loin de rassurer, ses réponses jettent au contraire une lumière crue sur la crédibilité de certains universitaires lyonnais, la qualité des diplômes délivrés, et les moeurs qui ont cours dans ce milieu. Que reste-t-il de l'éthique dans ce «marigot lyonnais»? Les lecteurs peuvent en juger: laffaire est grave.
Propos recueillis par Chistian Terras
Les considérations de Régis Ladous sur Paul Rassinier laissent pantois. Concernant Jean Plantin et ses diplômes, les complaisances dont il a bénéficié, il suffira de lire les articles de ce dossier. Mais il est fait allusion à d'autres affaires. Car jean Plantin n'est malheureusement pas un cas isolé. L'interview du professeur Régis Ladous appelle donc quelques précisions.
Régis Ladous a fait soutenir en collaboration avec Bernard Lugan un certain nombre de mémoires, tels que La lettre à mes amis de l'abbé de Nantes: l'émergence d'un courant traditionaliste dans l'église catholique, Léon Daudet et l'antisémitisme ou encore Léon Delbecque (figure de VOAS). Bernard Lugan est un illuminé d'extrême droite, connu pour ses pitreries: tantôt il vient faire cours avec un fouet et un casque colonial (cela se passe dans l'université française!), tantôt il organise un pèlerinage au village de Martel, dans le Lot, qui à ses dires est le «vrai» endroit où Charles Martel aurait... arrêté les Arabes. On sait moins qu'il a présidé en 1985 le jury de la thèse antisémite d'un intégriste tunisien. Cette thèse se réclamait des Protocoles des Sages de Sion et dénonçait la Licra «judéo-capitaliste» et le Mrap «judéo-bolchévique». Uaffaire avait été révélée par Politis en mai 1990, un mois avant la soutenance du mémoire de Jean Plantin sur Paul Rassinier. Malgré cela, Bernard Lugan a été [28] membre du CNU: le Conseil national des universités, organisme chargé de gérer les carrières des enseignants du supérieur!
Il ne nous a pas été possible de faire l'inventaire de tous les mémoires dont Régis Ladous a assuré la direction. Mais il en est un qui, par son contenu, redouble le scandale Plantin. C'est celui qu'un nommé Pascal Garnier a soutenu en 1989 sur Le thème de la race dans L'Émancipation nationale. Il s'agit d'un mémoire d'orientation clairement néonazie, qui fait l'apologie de Jacques Doriot et des SS: «Il nous a paru intéressant de mettre en parallèle l'idéologie du Parti populaire français d'une part, et celle de cette troupe d'élite d'autre part.» La bibliographie fait la part belle à l'ouvrage de Bernard Lanza, Jacques Doriot: pour rétablir la vérité, édité par L'Homme Libre à Saint-Étienne, une officine antisémite. Bernard Lanza était dans les années 80 collaborateur de Notre Europe combattante, bulletin des Faisceaux nationalistes européens. Sont également à l'honneur dans le mémoire: Henri Coston, agent de propagande de l'Allemagne nazie dès les années 30, Georges Montandon, théoricien raciste, La France ethnique aux éditions du Gréce, Le Mythe de l'Hexagone du bretonnant hitlérien Olier Mordrel (réfugié en Argentine après la guerre), et Le Mythe du XX' siècle de l'idéologue nazi Alfred Rosenberg. Pascal Garnier insère dans sa maîtrise des «portraits de juifs» découpés dans la presse de collaboration: «juif du ghetto», «Tête de juif classique». «Deux formules semblent envisagées pour résoudre la question juive», écrit Pascal Garnier, d'une part «l'expulsion» et d'autre part «la déportation (ce que parler veut dire)» (sic): «Plusieurs termes sont employés pour désigner ce que l'on nomme habituellement camp de concentration. Pour la première fois, en décembre 1941, Jean François évoque des 'camps de travailleurs' où seraient logés les Juifs qui aménageraient une large route des deux côtés des quais du Rhône. [...] Le professeur Montandon, [29] quant à lui, nous parle de "ségrégation, seul remède efficace pour lutter contre le virus" étant donné que 'l'extermination" ' remède qui s'imposerait, est impossible à réaliser: en effet, selon Darquier de Pellepoix 'il en reste toujours'» (p. 74). «Au total, conclut Pascal Garnier dans son français approximatif, nous pouvons avoir l'impression que la doctrine défendue par le journal est moins simpliste et sectaire comme certains écrits excessifs pouvaient nous le laisser supposer» (p. 151). Pascal Garnier a fait le trajet inverse de Jean Plantin: cet étudiant de Régis Ladous a commencé son cursus à Lyon 2, à l'Institut d'études politiques (IEP), avant de se tourner vers Lyon III. À l'IEP, au milieu des années 80, il était connu pour ses sympathies néonazies. Il ne s'en cachait pas. L'université lyonnaise est-elle donc condamnée à être une usine à fachos? Aujourd'hui, Pascal Garnier, ainsi que le révèle Golias, figure au nombre des souscripteurs du bulletin antisémite stéphanois L'Homme libre (décembre 1998) aux côtés de Robert Dun, ancien SS, de Bernard Lanza, son auteur préféré, mais aussi des enseignants de l'université Lyon III Bernard Notin et Jacques Marlaud. Un vrai vivier. Dans cette feuille on fait aussi la publicité de Bernard Lugan et de Roger Garaudy. Aujourd'hui, les universités lyonnaises ne peuvent pas dégager leurs responsabilités. Elle sont lourdes. Dans l'affaire Plantin comme dans l'affaire Garnier, Lyon III réputée «facho» et Lyon 2 réputée «de gauche» sont à égalité. L'une comme l'autre devrait faire le ménage. Mais en auront-elles le courage? On peut en douter à lire les déclarations de leurs présidents respectifs. Dans ce milieu hiérarchisé, l'équilibre réside dans les renvois d'ascenseur et le corporatisme est le plus fort des ciments.
Christian Terras
Muni de sa maîtrise toute neuve sur Paul Rassinier, rehaussée d'une mention très bien, Jean Plantin quitte l'université Lyon III pour celle de Lyon 2 et Régis Ladous pour Yves Lequin. Jean Plantin va passer son diplôme d'études approfondies, qui ouvre sur le doctorat. Consécration. Il arrive avec un sujet de DEA plus que transparent: «Les épidémies de typhus exanthématique dans les camps de concentration nazis, 1933-1945.»
Il déboule chez un spécialiste des épidémies doublé d'un spécialiste de la seconde guerre mondiale. Que demander de mieux? Yves Lequin a dirigé un ouvrage collectif sur les maladies aux éditions Larousse en 1987, Les Malheurs des temps, et il est conseiller officiel du Centre d'histoire de la résistance et de la déportation. C'est bien simple: c'est sa tête que voient les visiteurs sur la vidéo introductive à l'exposition permanente.
Tout le monde sait - et a fortiori un universitaire que le thème du «typhus dans les camps de concentration» est véhiculé depuis vingt ans par les partisans de Robert Faurisson pour qui les déportés ne seraient pas morts du génocide nazi mais, banalement, de cette maladie transmise par les poux. De même les chambres à gaz auraient été une oeuvre humanitaire des nazis pour désinfecter les vêtements et non pour gazer [31] les êtres humains. C'est précisément ce que disait l'ancien commissaire aux «questions juives» Louis Darquier de Pellepoix qui a donné le coup d'envoi médiatique du négationnisme en 1978: «je vais vous dire, moi, ce qui s'est exactement passé à Auschwitz. On a gazé. Oui, c'est vrai. Mais on a gazé les poux. le veux dire que lorsque les juifs sont arrivés au camp, on les faisait déshabiller, comme il est normal avant de les conduire à la douche. Pendant ce temps-là, on désinfectait leurs vêtements.» Robert Faurisson développait exactement le sujet de jean Plantin dans ses ouvrages de La Vieille Taupe: «Ce ne sont ni les Allemands ni les Anglais [oui, c'est écrit: les Anglais!!!] qui ont tué à Bergen-Belsen; c'est le typhus qui a tué. [ ... 1 Le plus grave des typhus est le typhus exanthématique. Son agent pathogène est un parasite transmis par le pou du corps.» (Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'Histoire - la question des chambres à gaz, 1980. C'est aussi ce que disaient les tracts anonymes distribués à Lyon par les voyous de La Vieille Taupe au moment du procès Barbie et envoyés aux habitants d'lzieu: «Le drame principal des camps, c'était les épidémies, surtout le typhus (voir les charniers à la libération). C'est pour lutter contre elles que les Allemands utilisaient des petites chambres à gaz pour désinfecter les vêtements et puis des crématoires pour incinérer les cadavres. Au bagne dAuschwitz, on n'a gazé que des poux.» (Info-intox... Histoire-intox... Ça suffit! Chambres à gaz = bidon!)
On sait aussi que les antisémites usent des mots «virus», «chancre», «poux», etc., pour désigner les Juifs. Un professeur d'histoire contemporaine à l'université pouvait-il l'ignorer?
Un simple coup d'oeil au DEA suffirait
à lever les soupçons. Mais voilà: le mémoire
de DEA a mystérieusement disparu. il n'est plus dans les
archives. Volatilisé. Yves Lequin affirme l'avoir jeté.
La seule chose que l'on sait, c'est qu'il a été
obtenu dans des conditions irrégulières, puisque
l'un des signataires, le professeur Gilbert Garrier, n'a pas lu
le mémoire et [32]
était absent de la soutenance.
Grâce à Bernard Fromentin, journaliste lyonnais à
L'Écornifleur, proche d'Yves Lequin (et donc bien
informé), on sait aussi que le jury incomplet a qualifié
le travail de Jean Plantin de «travail bibliographique sérieux».
Jusqu'à cette interview, Yves Lequin avait affirmé
que le DEA était «d'une rare médiocrité».
Quant à Jean Plantin, il a déclaré au procès
ne pas se souvenir de tels reproches. Quelques contradictions
de plus.
Que faut-il retenir de tout cela? Que le jury fantôme a accordé le qualificatif de «travail bibliographique sérieux» au mémoire virtuel d'un DEA «d'une rare médiocrité». Normal. On est à Lyon. Dans un milieu au-dessus de tout soupçon. «Parole d'historien», comme le disait déjà Yves Lequin au moment de l'affaire Robert, en 1993, comme il le jurait encore au procès fait par celui-ci à Golias [Note de l'AAARGH: procès en diffamation que Robert a gagné. C'est le règne des voyous !]. Insoupçonnable.
Quant à Jean Plantin, il s'intéresse
toujours aux épidémies de typhus exanthématique
dans les camps de concentration nazis. Le numéro 4 d'Akribeia
contient un article de Mark Weber, le Faurisson américain,
sur «Le camp de Bergen-Belsen, l'histoire occultée».
On y lit: «Épidémies:
On contenait la maladie en désinfectant de manière
routinière tous les nouveaux venus. Mais, au début
de février 1945, un important convoi de juifs hongrois
fut admis à un moment où l'installation de désinfection
ne fonctionnait pas. À la suite de cela, le typhus se déclara
et se répandit rapidement sans qu'on puisse le contrôler.»
Le «bébé-éprouvette» des universités lyonnaises a de la suite dans les idées.
Christian Terras
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Extraits des Faussaires de l'histoire, ISBN 2-911453-82-4, BP 3045, 69605 Villeurbanne cedex, septembre 1999, 111 pages petit format.
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