AAARGH

[Annales d'histoire révisionniste, n.7, printemps-été 1989, p. 51-115.]

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LE REVISIONNISME

DEVANT LES TRIBUNAUX FRANCAIS

par Robert Faurisson

 

Les débuts de l'affaire: 1979-1983

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(Communication présentée à la cinquième conférence internationale révisionniste, septembre 1983, et publiée en anglais dans The Journal of Historical Review, été 1985, p. 33-181)

 

 

Pendant quatre ans (1979-1983), nous avons, mon éditeur Pierre Guillaume, ses amis et moi-même affronté des difficultés considérables en raison de notre opinion commune sur le mythe des chambres à gaz et du génocide. Parmi ces difficultés figure au premier plan la répression judiciaire. Cette répression n'est d'ailleurs pas terminée. Pour prendre une image, nous avons été pendant ces quatre années de lutte comme des nageurs qui nageaient à contre-courant. Nos forces, par moments, étaient tellement faibles par rapport à la force des éléments, que nous aurions dû raisonnablement abandonner la lutte. Nous suffoquions. Nous n'en pouvions plus. Nous avions l'impression que notre entreprise était aussi désespérée que celle d'un nageur qui, comme le dit Céline, voudrait remonter le Niagara à la nage.

Nous étions attaqués en justice par des forces impressionnantes. Nous aurions peut-être dû adopter une attitude de pure défense. Au lieu de cela, estimant que la meilleure des défenses est l'attaque, nous contre-attaquions. Nous faisions des procès à ceux qui nous faisaient des procès. Parfois, nous aggravions notre cas par des déclarations ou des initiatives qui nous attiraient de nouveaux ennuis.

Je ne parlerai ici que des trois principaux procès qui nous ont été intentés: un procès civil et deux procès pénaux. Le procès civil m'a été intenté pour un "dommage à autrui" que j'aurais causé par une prétendue "falsification de l'histoire". Le premier des deux procès pénaux nous a été intenté, à mon éditeur et à moi-même, par Léon Poliakov pour diffamation. L'autre procès pénal m'a été intenté pour diffamation raciale et pour incitation à la haine raciale en raison d'une phrase de soixante mots que j'ai prononcée sur les ondes de Radio Europe-1 le 17 décembre 1980.

Le plus important de ces procès est le procès civil. Il touchait à la question de fond, une question tabou: celle de la réalité ou non des chambres à gaz et du génocide. La question corollaire était: Faurisson, qui soutient qu'il s'agit là d'un seul et même mensonge historique, est-il lui-même un menteur, un faussaire, un falsificateur?

La réponse des magistrats à cette question a été claire et elle ne souffre aucun malentendu.

Jamais, je dis bien jamais, un tribunal quelconque ne m'a condamné pour falsification de l'histoire ou pour un motif approchant, et même, en fin de compte, la cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 26 avril 1983, a rendu hommage au sérieux de mes recherches sur le problème des chambres à gaz. En raison directe du sérieux de ces recherches elle a prononcé:

La valeur des conclusions défendues par M. Faurisson [sur le problème des chambres à gaz] relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens et du public.

 

Gitta Sereny Honeyman, qui a assisté à mes procès, a osé écrire et insisté sur le fait que j'avais été condamné pour falsification de l'histoire. C'est là de sa part un froid mensonge. [(1)]

Je parlerai assez longuement du procès civil, qui a duré quatre ans et qui s'est donc terminé le 26 avril 1983 devant la première chambre de la cour d'appel de Paris. J'ai été effectivement condamné pour "dommage à autrui", mais nullement dans le sens où l'auraient souhaité mes adversaires. Loin de me considérer comme un falsificateur ou un menteur, la cour d'appel de Paris a écrit ces mots à mon propos:

Personne ne peut, en l'état, le convaincre de mensonge...

 

Je replacerai tout à l'heure ces mots dans leur contexte. En attendant, je dédie ces mots à Gitta Sereny Honeyman, à Pierre Vidal-Naquet, à Georges Wellers, à Léon Poliakov et à quelques autres exterminationnistes francais et étrangers; je pense qu'ils seraient heureux qu'un tribunal francais puisse en dire autant à leur propos. Ce n'est pas moi qui ai eu l'idée de demander à un tribunal de se prononcer en matière d'histoire. Ce sont eux et leurs puissants amis qui ont pris cette initiative. Il est normal que ces gens récoltent les fruits de ce qu'ils ont semé. Pendant quatre ans ils se sont évertués à me convaincre de mensonge et, au bout de quatre ans, les magistrats leur ont, en quelque sorte, répondu: "Vous vous plaignez de ce professeur. Vous dites qu'il vous a fait du tort. Soit! Il vous a fait du tort, et c'est pourquoi nous le condamnons. Il vous a fait du tort de toutes les facons que vous voudrez, mais certainement pas en mentant. Il est tout ce que vous voudrez, mais, sur la question des chambres à gaz, il n'est certainement ni un menteur ni un falsificateur. Il est un chercheur sérieux. Nous en concluons que tout Francais doit se voir garantir le droit d'affirmer que ces chambres à gaz n'ont pas existé".

Le résultat de ces trois procès a été paradoxal: on m'a à chaque fois condamné et mes adversaires ont obtenu le droit de publier à mes frais, comme c'est l'usage, les textes de mes condamnations; cependant, ces textes n'ont jamais été publiés à l'exception d'un jugement et d'un arrêt, aux frais d'ailleurs de mes adversaires, non sans de graves falsifications sur les points qui ne répondaient pas à leur attente. A chaque fois leurs victoires n'ont été que des victoires à la Pyrrhus.

 

I. LE PROCES CIVIL

 

 

I -- Ce que disaient mes accusateurs

 

Mes accusateurs formaient un ensemble de neuf associations. La première de ces associations était la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme), présidée par M. Jean Pierre-Bloch. La deuxième était le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), présidé par M. Pierre Paraf. Parmi les sept autres associations se trouvaient, en particulier, I'Amicale des Déportés d'Auschwitz et des Camps de Haute-Silésie, présidée par Mme Marie-Elisa Cohen, et l'Association des fils et filles des déportés juifs de France, présidée par M. Serge Klarsfeld. L'initiative de ce procès a été prise et conservée par la LICRA. M. Jean Pierre-Bloch en faisait une affaire personnelle et la LICRA aurait, d'après une déclaration de son président, investi des sommes très importantes dans ce procès-marathon. Pour ne prendre que cet exemple, la LICRA, constatant sans doute que ses amis de France et de l'étranger étaient incapables de lui fournir pour le procès une preuve de l'existence des chambres à gaz, avait envoyé en Pologne et à Jérusalem ses trois meilleurs avocats (sous la houlette de Me Robert Badinter). Mais ces trois pèlerins sont revenus de leur pèlerinage sans la preuve recherchée. Robert Badinter a plaidé contre moi en première instance; après quoi il est devenu le ministre de la justice de Francois Mitterrand. Dès lors, nous n'avons pu entendre sa voix que par l'intermédiaire des différents représentants du ministère public dans nos différents procès. Robert Badinter a manifesté à notre égard une hostilité fébrile.

Selon mes accusateurs, j'étais un faussaire, un falsificateur, un menteur; j'avais utilisé un habile mécanisme falsificateur; j'avais falsifié des traductions; j'avais dénaturé des faits historiques; j'avais écarté des documents qui contredisaient ma thèse; j'avais utilisé des arguments techniques fallacieux. Cependant, toutes ces accusations restaient aussi vagues que péremptoires. Sur deux points seulement mes accusateurs étaient relativement précis. Selon eux, j'avais:

1) volontairement tronqué certains témoignages tels que celui de Johann-Paul Kremer (il s'agit de ce professeur de médecine qui avait été mobilisé pendant quelque temps comme médecin au camp d'Auschwitz);

2) écarté sans justification sérieuse un certain nombre de preuves retenues jusqu'alors par des instances judiciaires nationales et internationales.

 

2 -- Le jugement de première instance

 

Le 8 juillet 1981, le tribunal de grande instance de Paris rendait son jugement. Il me condamnait pour "dommage à autrui". La question était de savoir si j'avais commis ce dommage par le fait d'une falsification de l'histoire. Cette formule de "falsification de l'histoire" n'existe pas dans la loi francaise, mais le tribunal aurait pu reprendre à son compte cette invention lexicale de la LICRA. Il ne l'a pas fait, sinon pour dire qu'il n'avait pas à rechercher si ce que j'avais écrit, en particulier dans Le Monde (29 décembre 1978 et 16 janvier 1979) et dans mon livre Mémoire en défense, constituait ou non une falsification de l'histoire. Sur le point essentiel de leurs accusations, mes adversaires n'obtenaient donc pas satisfaction. Néanmoins, le reste du jugement pouvait les satisfaire. Les juges disaient que, par une sorte de jeu intellectuel, je m'étais amusé à tout nier. Par ce jeu d'une négation systématique je m'étais révélé comme un universitaire d'une légèreté coupable. Par ailleurs, le tribunal estimait que j'avais manqué de prudence, de circonspection objective et de neutralité intellectuelle, en ce sens que j'avais, d'une manière irresponsable, traité trop tôt d'un problème historique trop récent, trop douloureux, trop brûlant. J'aurais dû attendre que le temps fasse son oeuvre et calme les esprits. Enfin, le tribunal m'adressait un reproche plus curieux encore. Il n'allait pas jusqu'à dire que je m'étais rendu coupable d'apologie des crimes de guerre ou d'incitation à la haine raciale, mais il disait que j'avais laissé d'autres personnes­ il ne précisait pas lesquelles­ se servir de ma thèse révisionniste en vue de l'apologie des crimes de guerre ou d'incitation à la haine raciale. Le tribunal précisait même que j'avais fait cela

avec une légèreté insigne mais avec une conscience claire.

 

Pour ma part, j'avoue que je ne saisis pas bien comment on peut concilier "une légèreté insigne" avec "une conscience claire", surtout quand il s'agit non pas de tomber soi-même dans le péché mais d'aider des inconnus à tomber dans un péché où l'on n'est pas soi-même tombé.

[Ce jugement, dont la rédaction est de M. Pierre Drai, créait donc en France un nouveau type de délit civil (et non pénal): l'apologie indirecte des crimes de guerre et l'incitation indirecte à la haine raciale par l'effet d'une légèreté insigne accompagnée d'une conscience claire.]

Je me permets de penser que, si de pareils juges avaient cru pouvoir déceler chez moi, au lieu d'une âme légèrement diabolique, la preuve tangible d'un quelconque mensonge ou d'une quelconque falsification, ils se seraient empressés de montrer cette preuve, de la souligner et de la condamner en des termes compréhensibles pour tout le monde.

[Il existe en France un vénérable recueil juridique qui s'appelle le Recueil Dalloz Sirey. On y trouve habituellement les textes des jugements les plus intéressants. Les textes sont reproduits avec une exactitude scrupuleuse et, si jamais une coupure est introduite dans un texte, le fait est soigneusement signalé. Après chaque texte se trouve un commentaire. Ces commentaires sont normalement empreints d'une certaine gravité propre au monde judiciaire. Dans mon cas, le vénérable recueil a innové: il a --à plusieurs reprises et de la facon la plus cynique-- gravement dénaturé le texte du jugement du 8 juillet 1981; quant au commentaire, il a été signé d'un avocat à la cour de Paris du nom de Bernard Edelman. Ce commentaire d'un ami de Pierre Vidal-Naquet est bien ce que j'ai lu de plus insultant sur ma personne. C'est simple: pour Bernard Edelman, ce jugement prouvait que Faurisson pratiquait la "méthode du mensonge absolu": "il mentait à tout le monde". -- Nous sommes en procès contre le directeur du Recueil Dalloz Sirey.]

 

3--Le déroulement du procès en cour d 'appel

 

Je décidais de faire appel du jugement du 8 juillet 1981. Dix-huit mois plus tard, l'affaire était plaidée devant la première chambre de la cour d'appel de Paris.

La salle de la cour d'appel où allait se dérouler notre affaire était celle même où le maréchal Pétain avait été jugé en première et dernière instance, sans appel possible. Juste après la guerre, du temps où j'étais étudiant à la Sorbonne, j'étais venu là assister à quelques procès dits de "collaborateurs". Je n'éprouvais pas de sympathie pour les collaborateurs (et j'avais été élevé dans la haine de l'Allemagne). Mais, peu à peu, je m'étonnais du genre de justice qu'on prétendait leur appliquer. Je ne m'étendrai pas sur ce point. Je n'ai pas le temps de détailler ce qui s'est passé dans cette impressionnante salle les 13 et 14 décembre 1982. Il y avait un contraste frappant entre nos avocats et ceux de la partie adverse. J'avais deux avocats: Me Eric Delcroix, réputé de droite, et Me Yvon Chotard, ami personnel de Jean-Gabriel Cohn-Bendit et réputé de gauche. Un troisième avocat, Me Francois Berthout, représentait les sept personnes qui s'étaient courageusement portées à mes côtés comme "intervenants volontaires"; ces personnes, toutes de gauche, étaient, pour certaines d'entre elles, d'origine juive; deux des sept intervenants appartenaient au CNRS (Centre national de la recherche scientifique). Ce point a toujours inquiété Gitta Sereny Honeyman qui a écrit:

Ce qu'il y a de curieux avec Faurisson, c'est qu'il a réussi à obtenir le concours actif de la Gauche. [(2)]

 

Un autre point, à vrai dire secondaire, inquiétait aussi cette dame. Ce point, le voici:

Au Palais de Justice de Paris, Faurisson et ses amis étaient entourés d'acolytes jeunes, passionnés et même attrayants. [(3)]

 

Les avocats de la partie adverse (je rappelle qu'il y avait neuf associations coalisées) offraient le spectacle d'une foule de robes noires surmontées par des visages manifestement anxieux. Ils avaient déposé des conclusions écrites d'une grande pauvreté et ils ne pouvaient que le sentir. De notre côté, nous avions déposé des conclusions écrites quatre fois plus longues qu'il n'est d'usage, et solidement charpentées. Nous avions également mis à la disposition de la cour mon Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire et une vidéo-cassette sur "Le problème des chambres à gaz". Alors que la procédure civile, en France, est essentiellement écrite et que l'intéressé n'a pas le droit, en principe, à la parole, j'avais fait demander à être entendu et interrogé. Malheureusement, la cour n'allait pas juger utile de visionner la cassette ni de m'interroger. Depuis quatre ans, nous avions eu le temps de prendre la mesure de l'extrême faiblesse historique et scientifique de la partie adverse. Nous avions été amenés, pour faire apparaître cette faiblesse, à dire et à répéter que, ce que nous attendions de la partie adverse, c'était très peu de chose:

1) qu'elle présente aux magistrats une preuve, une seule preuve de l'existence d'une seule chambre à gaz homicide;

2) q u'elle fournisse un exemple, un seul exemple de falsification de ma part.

 

Nous ne voulions surtout pas d'une prétendue abondance de preuves ou d'exemples. Nous n'attendions qu'une preuve et qu'un exemple. Cette exigence revenait comme un leitmotiv: "Une seule preuve, un seul exemple". Les avocats de la partie adverse en étaient paralysés dans leurs mouvements. Ils savaient que les magistrats de la cour attendaient, eux aussi, cette seule preuve et ce seul exemple. Tout le reste allait apparaître comme du vide et du vent. Le cou tendu, les trois magistrats de la cour attendaient la seule preuve, le seul exemple. Nos avocats attendaient. Nous attendions. La salle attendait la seule preuve et le seul exemple. Une telle attente durant deux après-midi entières a un effet dévastateur. Le fils de Simone Veil, avocat de l'une des neuf associations, était accablé et passait le plus clair de son temps à citer dans sa plaidoirie des extraits de mes écrits; on aurait pu croire qu'il plaidait pour moi. Une succession d'autres avocats venaient débiter des propos sans conviction. Un seul arrivait à construire sa plaidoirie: Me Immerglik. Son argumentation était la suivante: "En Allemagne, il n'y a pas de pitié pour des gens tels que Faurisson; on les frappe comme ils le méritent et ainsi on les élimine; frappez Faurisson; éliminez-le". Puis vint le tour de Me Bernard Jouanneau, qui était le ténor de la LICRA en l'absence de Robert Badinter­ devenu ministre. Dans le procès Poliakov, Me Jouanneau s'était tourné vers moi et s'était écrié: "Monsieur Faurisson, vous hantez mes nuits!" Devant la cour d'appel il allait commencer sa plaidoirie en ces termes:

Faurisson! Ah! Encore Faurisson! A la maison, mes enfants me demandent: "Mais quand donc aurons-nous fini d'entendre parler de Faurisson?"

 

Me Jouanneau allait parler pendant deux heures. On attendait la preuve et on attendait l'exemple. D'exemple de falsification, il ne chercha même pas à en proposer. Quant à la preuve de l'existence d'une seule chambre à gaz, il en présenta plusieurs mais en ajoutant à chaque fois sur un ton plaintif: "Oui. Je sais. Vous me direz que ce n'est pas vraiment une preuve". La fin de la plaidoirie allait marquer cette journée d'une note dramatique ou mélodramatique. Me Jouanneau, accablé, baissait de plus en plus le ton; il donnait l'impression qu'il allait éclater en larmes; c'est effectivement ce qui se passa: sa dernière phrase fut:

En tout cas, pour moi, c'en est fini de l'affaire Faurisson.

 

Sortant de la salle, il s'effondrait en larmes sur l'épaule d'un confrère. On dut faire venir sa femme. A ce moment-là, je me rappelais ce que nous avions dit dans nos conclusions de quarante-quatre pages: nous avions décrit par avance le drame des avocats de la LICRA. A l'origine, ces gens croyaient partir en croisade contre des impies. Ils étaient sûrs de leur bonne cause. Ils étaient convaincus que les preuves et les témoignages leur arriveraient en foule. Peu à peu, ils s'étaient retrouvés tout seuls, en rase campagne, avec une foule de papiers sans valeur, des traductions que leurs propres amis avaient falsifiées, des photographies qui ne prouvaient rien, des témoignages écrits inconsistants et pas un seul témoin prêt à venir témoigner de l'existence des chambres à gaz, pas même Filip Muller, l'auteur d'un livre qui, dans sa version francaise, porte le titre suivant: Trois Ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz [préface de Claude Lanzmann].

L'avocat général, Madame Flipo, demandait deux mois pour soumettre ses réquisitions. Elle représentait son ministre, Robert Badinter. Elle prenait la parole le 15 février 1983. Renoncant à toute tentative d'argumentation, Madame Flipo se laissait aller à des développements lyriques. Elle évoquait la canonisation du Père Kolbe, l'agenouillement de Willy Brandt à Varsovie et, pour terminer, elle citait Elie Wiesel. Voici sa péroraison:

Elie Wiesel qui fut, avec Samuel Pisar, le plus jeune rescapé des camps, a écrit: "Après la nuit et l'aube, le jour se lève: les morts cherchent des coeurs ouverts, qui les accueillent et soient leurs messagers".

 

Et Madame Flipo, se tournant vers la cour, ajoutait pour finir:

Soyons ces messagers-là.

La cour, elle aussi, demandait deux mois pour rendre son arrêt.

 

4--L'arrêt de la cour d'appel (26 avril 1983)

 

Le 26 avril 1983, la première chambre de la cour d'appel de Paris rendait son arrêt. Elle confirmait le jugement du tribunal de première instance, mais en réformant à tel point les motifs de ma condamnation que j'accepterais d'être dix fois condamné de cette facon, si je devais être dix fois condamné sur la demande de la LICRA. Je n'entrerai pas dans le détail de cet arrêt. Mon éditeur Pierre Guillaume a publié une brochure intitulée Epilogue judiciaire de l'affaire Faurisson. On peut y trouver le texte intégral de l'arrêt ainsi qu'une analyse commentée des dix alinéas essentiels de cet arrêt: cinq alinéas sont pour et cinq alinéas sont contre la thèse révisionniste telle que les magistrats l'ont comprise et interprétée.

 

Cinq alinéas en faveur de la thèse révisionniste

 

Le tribunal de première instance avait posé l'existence des chambres à gaz comme une sorte de réalité implicite et il ne s'était pas interrogé un seul instant sur le crédit qu'il convient d'accorder aux témoignages de ceux qui prétendent que les chambres à gaz ont existé. La cour d'appel procède tout autrement. En effet, non seulement elle se pose la question de savoir si les chambres à gaz ont existé, mais elle se demande quelle valeur accorder aux témoignages multiples de l'existence de celles-ci.

Elle commence par une phrase sacrilège. Utilisant une formulation dubitative et le mode conditionnel, la cour écrit:

Les recherches de M. Faurisson ont porté sur l'existence des chambres à gaz qui, à en croire de multiples témoignages, auraient été utilisées durant la seconde guerre mondiale pour mettre à mort de facon systématique une partie des personnes déportées par les autorités allemandes.

 

La LICRA m'accusait d'avoir abordé la question des chambres à gaz avec, au moins, de la légèreté, une légèreté coupable qu'elle prétendait démontrer. La cour répond:

A s'en tenir provisoirement au problème historique que M. Faurisson a voulu soulever, il convient de constater que les accusations de légèreté formulées contre lui manquent de pertinence et ne sont pas suffisamment établies.

 

Je rappelle ici que la LICRA et les huit autres associations avaient eu quatre années pour tenter d'établir leurs accusations, dont celle de légèreté coupable. Elles me reprochaient, par ailleurs, de n'avoir ni démarche logique, ni argumentation. La cour répond que j'ai une démarche logique et que j'ai une argumentation. En un premier mouvement, elle va même jusqu'à écrire que j'ai une argumentation "scientifique"; puis, se ravisant et pensant peut-être qu'elle n'a pas de compétence pour qualifier ainsi mon argumentation, elle procède sur la page dactylographiée à une correction manuscrite et, prudemment, elle dit que M. Faurisson a "une argumentation /qu'il estime/ de nature scientifique"; mais, plus loin, ainsi qu'on le verra, le mot de "scientifique" me sera en quelque sorte restitué par un sous-entendu. Pour l'instant, la cour dit:

La démarche logique de M. Faurisson consiste à tenter de démontrer, par une argumentation /qu'il estime/ de nature scientifique, que l'existence des chambres à gaz, telles que décrites habituellement depuis 1945, se heurte à une impossibilité absolue...

 

La cour précise­ et cette précision est grave­ qu'il s'agit d'une impossibilité absolue

qui suffirait à elle seule à invalider tous les témoignages existants ou, à tout le moins, à les frapper de suspicion.

 

Je suppose que la cour songe ici à l'impossibilité de nature physico-chimique que j'ai souvent signalée dans mes écrits, mais il faut savoir que la thèse de l'inexistence des chambres à gaz repose, y compris pour moi, sur un vaste ensemble de toute nature, et non pas seulement sur un argument de nature physico-chimique.

La LICRA demandait à la cour de condamner ma méthode et mes arguments. Là encore, la cour refuse de porter condamnation et elle déclare:

Il n'appartient pas à la cour de se prononcer sur la légitimité d'une telle méthode ni sur la portée des arguments exposés par M. Faurisson.

 

Quant à la question si importante des témoignages, la LICRA avait affirmé que j'avais écarté ces témoignages par légèreté ou négligence ou que j'avais délibérément choisi de les ignorer. A cela la cour répond:

Il n'est pas davantage permis d'affirmer, eu égard à la nature des études auxquelles il s'est livré, que [M. Faurisson] a écarté les témoignages par légèreté ou négligence, ou délibérément choisi de les ignorer.

 

En bon francais, cela veut dire que j'ai étudié ces témoignages et que, si je les ai écartés, c'est pour de bonnes raisons qui sont apparues au terme des études auxquelles je me suis livré.

Nous en arrivons maintenant au point central: celui du mensonge. La LICRA me traitait de menteur à tout propos. En particulier, elle me traitait de menteur quand je disais avoir étudié des documents pendant plus de quatorze ans et avoir consulté des organismes de recherches comme le CDJC (Centre de documentation juive contemporaine) de Paris et bien d'autres organismes ou personnalités pendant tout ce temps-là. La LICRA avait raison de porter son accusation de mensonge sur ce point. En effet, si la loi francaise ne permet pas aux magistrats de se faire juges de la vérité historique, elle les autorise néanmoins à décider si le chercheur a vraiment manifesté ou non, dans ses recherches, le souci de s'informer. Si, pour les magistrats, Faurisson n'avait pas manifesté le souci de s'informer comme il prétendait l'avoir fait, du même coup Faurisson pouvait être déclaré faux chercheur et menteur, c'est-à-dire, en définitive, faussaire. La partie adverse avait eu quatre ans pour prouver que j'étais un menteur sur ce point essentiel. Au bout de quatre ans, la cour d'appel fait le bilan. Parlant de l'état présent de la situation et des tentatives faites pour prouver que Faurisson est un menteur, la cour constate:

En outre, personne ne peut, en l'état, le convaincre de mensonge lorsqu'il énumère les multiples documents qu'il affirme avoir étudiés et les organismes auprès desquels il aurait enquêté pendant plus de quatorze ans.

 

Puis, la cour en vient à la conclusion logique de tout ce qu'elle vient de dire et sa sentence tombe comme un couperet pour la LICRA, pour les huit autres associations et pour tous ceux qui osaient dire que le problème des chambres à gaz ne se posait pas et qui estimaient que mes écrits ne relevaient que des tribunaux. Voici cette sentence en forme de conclusion:

La valeur des conclusions défendues par M. Faurisson relève donc de la seule appréciation des experts, des historiens et du public.

 

C'est exactement là ce que les exterminationnistes du monde entier veulent éviter à tout prix. A aucun prix ils ne voudraient voir le problème des chambres à gaz et surtout celui des prétendus témoignages devenir un sujet dont débattraient des experts et des historiens. Par-dessus tout, il ne faudrait absolument pas pour eux que le public soit mis au courant de ce problème et qu'il en débatte librement.

Je ne pense pas nécessaire d'insister davantage sur l'importance historique de cette dernière phrase de la cour d'appel de Paris. Tout le reste de l'arrêt de la cour ne peut avoir après cela qu'un intérêt mineur. Je m'y arrêterai cependant quelques instants.

 

Cinq alinéas contre Robert Faurisson

 

Ces trois magistrats francais ne pouvaient guère aller plus loin. Si, poursuivant dans la voie qui aurait été logique, ils avaient débouté la toute-puissante LICRA (organisation où figurent Francois Mitterrand et Robert Badinter ainsi que tant de personnalités diverses de tous les milieux influents), ils auraient créé un scandale. La question devenait donc pour eux: comment faire pour confirmer le jugement du tribunal de première instance condamnant Faurisson? Il est manifeste, pour quelqu'un qui a l'habitude de faire des analyses logiques et grammaticales de textes francais, que les trois magistrats ont sué sang et eau pour bâtir la suite de leur arrêt. J'aimerais faire toucher du doigt le caractère laborieux de leur style et de leur pensée. J'ai rarement lu une copie d'élève aussi pathétique. Je n'ai pas le temps de montrer ces curiosités-là et je ne peux même pas montrer les arguments du texte et les réponses que j'y ferais. Une fois de plus, je renvoie à la brochure intitulée Epilogue judiciaire. Je ne livrerai ici que quelques éléments.

Les magistrats me reprochent de ne m'en être pas tenu à ce qu'ils appellent mon "travail critique" sur les chambres à gaz et les témoignages; ce travail avait selon eux un "caractère scientifique"; c'est du moins ce qu'on peut déduire d'une phrase où ils me font grief d'"assertions qui ne présentent plus aucun caractère scientifique et relèvent de la pure polémique". Cependant, ils ne donnent aucun exemple de ce genre d'assertions-là. Ils me blâment d'avoir écrit: "les prétendus massacres en chambres à gaz et le prétendu génocide sont un seul et même mensonge". Ils ne disent pas que c'est faux. A aucun moment ils ne me disent: "Vous avez peut-être raison sur les chambres à gaz et les témoignages, mais vous avez tort sur le génocide". Ils savent que le génocide et les chambres à gaz sont dans un rapport aussi étroit qu'un crime spécifique peut l'être avec l'arme spécifique qui a permis ce crime; ils voient bien sans doute qu'il est difficile de continuer à prétendre qu'un crime spécifique (le génocide) a eu lieu, s'il se révèle que l'arme spécifique (la magique chambre à gaz) n'a pas existé. Ce que me reprochent ces dignes magistrats, c'est d'avoir ainsi résumé ma pensée sous la forme de ce qu'ils appellent un "slogan". Selon eux, il n'aurait pas fallu de slogan. Un slogan, pour eux, est ici déplacé. Le piquant de l'affaire, c'est que ce slogan a été fabriqué sur mesure à la fois par un journaliste du Matin de Paris et par nos trois magistrats. En effet, la brièveté de ce groupe de 19 mots s'explique ainsi: j'avais écrit au Matin de Paris en 1978 une lettre, à publier, dont la première phrase était longue, argumentée et comprenait 65 mots. Le journaliste avait reproduit cette phrase en l'amputant de toute sa fin. Puis sont venus les magistrats qui, trouvant cette phrase amputée de sa fin, l'ont, à leur tour, amputée de tout son commencement. C'est ainsi que 65 mots sont devenus 19 mots et qu'une longue phrase argumentée a pris le caractère bref et un peu vulgaire d'un slogan. En réalité, j'ai tendance à résumer ma pensée sous une forme plus longue et en lui donnant un poids d'histoire grâce à certains mots qui font référence à l'histoire; c'est ainsi que j'écris:

Les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide des juifs forment un seul et même mensonge historique etc.

 

Un mensonge historique n'est pas à confondre avec un vulgaire mensonge. C'est un mensonge où il y a forcément un nombre dérisoire de menteurs ou d'imposteurs par rapport aux foules de dupes ou de victimes qui lui sont nécessaires pour exister durablement.

La cour dit que je cherche en toute occasion à atténuer le caractère criminel de la déportation et que, dans cet esprit, j'ergote, mais, ainsi qu'on le verra dans Epilogue judiciaire, les exemples qu'elle donne prouvent surtout que la cour ne m'a pas toujours lu de bien près et qu'elle a des connaissances un peu vagues de certains sujets historiques.

Enfin, la cour en vient à toute une série de reproches sentimentaux. Elle dit que je n'ai jamais su trouver un mot pour marquer mon respect aux victimes des persécutions et des déportations. La cour se trompe; j'ai, à plusieurs reprises, marqué mon respect pour cette catégorie de victimes des Allemands et, à deux reprises, il se trouve que j'ai employé le mot, précisément, de "respect". Je dois dire qu'à la différence de ces magistrats, j'ai pensé que je devais marquer mon respect pour toutes les catégories de victimes, y compris quand il s'agissait des victimes de persécutions et de déportations pratiquées par les Alliés, y compris aussi quand il s'agissait des victimes du grand mensonge et de la grande imposture historiques.

La cour dit que "mon révisionnisme" peut ... faire figure ... d'une tentative de réhabilitation ... globale du nazisme. Je ne vois là que des spéculations. Si je comprends bien, je ne suis pas un nazi, mais il se pourrait, pour la cour, que se profile derrière moi l'ombre-de-l'ombre d'un nazi.

M'ayant ainsi décrit, c'est-à-dire d'une facon à faire peur aux petits enfants, la cour tire toute une série de conséquences aussi arbitraires que leur point de départ; elle noircit de plus en plus le trait; j'en deviens une créature quasi diabolique; c'est ce qu'insinuait le tribunal de première instance.

La cour affirme qu'"ainsi", c'est-à-dire tel qu'elle me présente, je suis aussi blessant pour les survivants qu'outrageant pour les morts; à cause de moi (une ombre de nazi et une sorte de diable), le grand public se trouve incité à méconnaître les souffrances sinon à les mettre en doute (la cour continue à ne songer aux souffrances que d'une seule partie de ceux qui ont souffert, par dizaines de millions, pendant la guerre).

Dans sa dernière phrase, la cour fait tellement vibrer la corde sensible que, sans le vouloir, elle crée un moment d'humour. Elle écrit:

[les positions ainsi adoptées par M. Faurisson] sont évidemment de nature, ainsi que l'a justement relevé le tribunal, à provoquer des réactions passionnelles d'agressivité contre tous ceux qui se trouvent ainsi implicitement accusés de mensonge et d'imposture.

J'explique cette phrase de la cour. Dans la première partie de son arrêt, la cour avait bien vu que c'était au terme d'un travail sérieux que j'avais conclu au mensonge des chambres à gaz et à l'imposture des prétendus témoins. La cour avait dû admettre mon droit à parler ainsi d'un mensonge et d'une imposture. Mais, dans la seconde partie de son arrêt, ce qui chagrine la cour, c'est qu'elle s'apercoit qu'un mensonge implique l'existence de menteurs et qu'une imposture implique l'existence d'imposteurs. Et là, pense la cour, c'est grave. Il va y avoir des gens qui vont se sentir visés. Faurisson est décidément un personnage inquiétant. Punissons-le!

Mes intervenants volontaires et moi, nous avons accepté la punition, c'est-à-dire la condamnation pour "dommage", et nous n'avons pas voulu aller en cassation. Je déplore cependant que le tribunal et la cour n'aient jamais eu le courage d'examiner ce que nous, de notre côté, nous appelions les supercheries de la LICRA (supercheries portant sur des textes, des photographies, des traductions). Et puis, il aurait été instructif que la cour réponde à la question que voici: "S'il est vrai que M. Faurisson n'est pas un falsificateur et si, pour démontrer que les chambres à gaz n'ont pas existé, il a pendant quatre ans (de 1979 à 1983) utilisé des arguments et des documents sans se rendre coupable de légèreté, de négligence, d'ignorance délibérée, de mauvaise foi ni de mensonge, les magistrats de la cour peuvent-ils nous dire comment, à leur avis, ont pu travailler pendant près de quarante ans (1945-1983) ceux qui, de leur côté, soutiennent que les chambres à gaz ont existé? Où en sont ces gens-là, qui font la lecon aux autres, pour ce qui est de la légèreté, de la négligence, de l'ignorance délibérée, de la mauvaise foi ou du mensonge et, comme ils disent, de la falsification de l'histoire?" La cour n'a pas répondu à cette question.

 

5--Le dossier de la partie adverse était énorme et vide

 

Les magistrats de la cour n'ont pu qu'être sensibles à la facon dont nos adversaires avaient constitué leur dossier. Ceux-ci avaient démesurément prolongé les délais dans lesquels on a le droit de verser des pièces au dossier. Ils avaient déversé d'abord des pièces totalement indigentes, puis des pièces disparates avec, le plus souvent, des traductions falsifiées.

 

Des traductions falsifiées, des récits suspects

Nous avions montré ces falsifications au juge Pierre Drai qui était chargé de surveiller la préparation du procès. Pierre Drai, malgré son hostilité contre nous, avait été obligé de demander à la LICRA des traductions par experts agréés. Je précise que les experts agréés choisis par la LICRA n'ont guère fait mieux et qu'en particulier l'un de leurs experts, M. Victor Borten, allait être tourné en ridicule devant les magistrats par l'un de mes avocats pour la rare sottise de ses expertises. C'était lui, notamment, qui avait longuement expliqué que le mot de Leichenkeller n'avait pas pu exister dans la langue allemande et qu'il était un vocable du fameux langage secret des SS, un vocable utilisé seulement, ajoutait-il, de 1942 au début de 1945, pour désigner une chambre à gaz homicide. Il nous avait fallu expliquer à cet expert que le mot existait déjà dans le grand dictionnaire Grimm et Grimm de 1886 et que, de nos jours encore, à Berlin-Ouest, le crématoire de Ruheleben possède des Leichenkeller, c'est-à-dire des chambres froides situées en sous-sol et prévues pour la conservation de cinq cents corps. L'autre experte, Mme Magaly Heesch, traduisait, par exemple, Absetzgrube, qui veut dire "fosse de décantation", par "fosse à cadavres". Trouvant la phrase suivante dans une lettre de Himmler au statisticien Richard Korherr à propos des juifs: Es wurden durchgeschleust durch die Lager im Generalgouvernement, au lieu de traduire "durchgeschleust" par "sassés" ou "transitant par", elle traduisait ce mot, censé appartenir à un langage codé, par "acheminés secrètement" (dans une intention homicide, bien sûr).

La LICRA avait déversé en vrac une confession de Gerstein, le livre de Filip Muller et même celui de Martin Gray, Au nom de tous les miens. Je signale ici, en passant, que le nègre de l'escroc Martin Gray s'appelle Max Gallo et que Max Gallo, qui a entièrement fabriqué l'épisode de la chambre à gaz de Treblinka, est devenu le porte-parole officiel de Francois Mitterrand.

L'argument du langage secret des SS: "Sonderaktion", "Solution finale"

La LICRA ne cessait d'invoquer le caractère secret du langage des SS: un langage à clé; une clé que possédait, paraît-il, la LICRA. La LICRA ne craignait pas les contradictions: pour elle, selon les besoins de la cause, tantôt le langage secret de la SS ne trompait personne et n'était qu'un secret de Polichinelle, tantôt ce langage était d'un secret à défier les plus malins, sauf la LICRA; tantôt, on ne sait trop pourquoi, le langage de la SS ne s'embarrassait plus d'aucun code ou "surcode" et il devenait, paraît-il, clair, transparent et cynique. La LICRA naviguait à vue: tantôt pour elle, tout le monde savait, tantôt personne ne pouvait savoir, tantôt aussi tout le monde se donnait le rnot pour faire semblant de ne rien savoir mais pour indiquer en même temps, par un clin d'oeil, qu'on savait très bien.

La LICRA tenait beaucoup au mot de Sonderaktion ("action spéciale", ou "opération spéciale"). Pour elle, ce mot était un vocable SS de la catégorie "Top secret". Il est bien vrai que le sens de ce mot, comme de la plupart des mots d'ailleurs, est variable; toutefois, ce sens varie, non dans l'absolu, mais dans un contexte. Par exemple, Sonderaktion pouvait désigner toute action militaire ou policière sortant de la routine militaire ou policière. Il s'appliquait alors à une opération spéciale d'un temps déterminé qui pouvait aboutir, par exemple, à des arrestations, suivies ou non d'internement, suivies ou non d'exécution, suivies ou non d'une simple interpellation. Il est faux de dire que le mot ou l'action que désignait Sonderaktion était nécessairement secret. Le 25 juin 1942, soixante-quatre juifs étaient arrêtés par les Allemands dans la région d'Orléans. Il s'agissait là d'une Sonderaktion, nous dit Serge Klarsfeld (Mémorial de la déportation des juifs de France, 1978, p.62). Puis ces juifs ont été déportés mais les Allemands évitaient, en général, le mot de "déportation" et l'expression d'"envoi vers l'Est". Nous possédons des documents où il est dit que le mot de "déportation" doit être évité parce que "rappelant trop directement les expulsions en Sibérie de l'époque des Tzars" (doc. RF-1215 cité dans TMI , VII, p.43) ainsi que l'expression d'"envoi vers l'Est" "pour éviter tout conflit avec l'action en cours concernant les "ouvriers francais pour l'Allemagne" (doc. RF-1219, ibid., p.45). Mais parfois, en dépit des recommandations, ces mots ou ces expressions persistaient dans les documents. Dans son journal personnel, le Dr. Johann-Paul Kremer a utilisé l'expression de "Sonderaktion aus Holland" qui signifiait "action spéciale en provenance de Hollande" (et non pas "mission spéciale" comme je disais dans mon article "Confessions of SS men who were at Auschwitz", The Journal of Historical Review, été 1981, p.103). Il est vrai que Sonderaktion pouvait servir d'euphémisme, mais non au point de signifier "extermination" ou "gazages"! Il en va de même pour Sonderbehandlung ("traitement spécial"); par exemple, dans les fameux "rapports Korherr", ce mot signifiait "Aussiedlung", ce qui répond bien à une transplantation forcée (lettre de Richard Korherr à Der Spiegel, nº31, 1977, p.12).

La LICRA avait aussi usé contre nous de l'argument éculé de la "solution finale", euphémisme, disait-elle, pour "extermination". Je ne m'attarderai pas à cette ineptie. La solution finale du problème juif n'impliquait pas plus l'extermination des juifs que la solution finale du problème des Palestiniens ou du problème des chômeurs n'implique l'extermination des Palestiniens ou des chômeurs. Une solution finale peut être favorable, malgré toutes les épreuves à subir éventuellement pour y aboutir. Je dois, à ce propos, une précieuse indication à un ami belge, Pierre Moreau, que certains d'entre nous connaissent pour son érudition révisionniste. Emile Vandervelde, président du Parti ouvrier belge, était très favorable aux socialistes sionistes. En 1929, il a publié un livre intitulé Le Pays d'Israel -- Un marxiste en Palestine (Paris, éditions Rieder, 262p.). A la page 184 de ce livre, il écrit qu'il croit avec toute l'ardeur de ses convictions socialistes "à des solutions finales favorables" pour les juifs de Palestine. L'année suivante, en 1930, une traduction de ce livre en allemand était publiée sous le titre de Schaffendes Palaestina -- Der juedische Aufbau heute und morgen, von einem Sozialisten (Carl Reisner Verlag, 240p.). A la page 174 de cette traduction, le pluriel des "solutions finales favorables" est devenu en allemand un singulier et c'est ainsi qu'on lit: "eine guenstige Endloesung". Précisons ici que cette solution finale ("Endloesung") à laquelle songeait l'auteur belge, c'était l'entente entre les fils d'Israel et les fils d'Ismael; il ajoutait que la solution finale ne devrait pas être le fait de "soumettre la population arabe à des forces nouvelles de domination et d'exploitation".

 

Le témoignage de Johann-Paul Kremer (il avait rétracté ses aveux)

La LICRA me reprochait d'avoir "volontairement tronqué certains témoignages tels que celui de Johann-Paul Kremer". Je ne reviendrai pas sur ce sujet. Je l'ai déjà traité dans ma conférence de 1980; le texte en a été reproduit dans The Journal of Historical Review, été 1981, p.10336, sous le titre de "Confessions of SS Men who were at Auschwitz". J'ai démontré que c'étaient, au contraire, les Poliakov, les Wellers et les Klarsfeld qui avaient gravement dénaturé le texte original des carnets intimes de Johann-Paul Kremer pour faire dire à ce dernier qu'Auschwitz était un camp d'extermination avec des chambres à gaz. J'ai également montré l'absurdité des prétendues confessions obtenues par la justice militaire polono-stalinienne.

J'avais dit que le professeur Kremer avait confirmé devant le tribunal de Munster (Westphalie), en 1960, la confession qu'avait obtenue de lui le juge d'instruction communiste Jan Sehn en 1947 et qu'au procès de Francfort (1963-1965) il avait été convoqué comme témoin à charge contre ses compatriotes. Ce que je ne savais pas encore en 1980 et que j'ai appris par la suite, c'est la raison pour laquelle le malheureux, après dix ans de prison en Pologne (1947-1957), et de retour dans sa ville de Munster, était passé devant un tribunal allemand. J'ai découvert cette raison en lisant, dans sa version francaise, L'Anthologie (bleue) d'Auschwitz, tome I, 1e partie, Varsovie, 1969, p.239-261. Cette raison est la suivante: de retour à Munster en 1957, Kremer s'était mis à protester contre le traitement qu'il avait subi de la part de la justice polonaise et, je reprends ici les mots employés par les communistes polonais eux-mêmes dans l'Anthologie:

[par ses protestations et par sa demande de retrouver sa chaire de professeur, Kremer attira l'attention] de certains cercles et de certaines personnes qui le firent comparaître à nouveau devant la justice (p.239).

 

Kremer, en effet, s'était plaint de ce qu'en Pologne, "seule la haine avait eu voix au chapitre" (p. 240). Mieux que cela, nous apprenons grâce à cette publication communiste que, de retour à Munster, Kremer avait rétracté ses confessions. Dans le pieux jargon communiste, cela donne:

[Kremer] contesta les explications qu'il avait fournies pendant l'enquête à Cracovie et dont on lui donna lecture [au tribunal de Munster] (p.242).

 

Le fait le plus dégradant pour les juges du tribunal de Munster est la complaisance avec laquelle ils écoutèrent les explications fournies par Jan Sehn venu de Cracovie. Il faut lire le compte rendu communiste de cette séance. Il faudrait le citer dans son intégralité. A Cracovie, en 1947, Kremer n'avait pas eu le choix. Il lui avait fallu avouer. Le plus étonnant est que Jan Sehn a fini par le dire lui-même devant les magistrats allemands. Pour lui, Kremer, d'avance, n'avait pas eu le droit de plaider non coupable. Jan Sehn dit avec une belle inconscience:

Une déclaration de non-culpabilité aurait été incompatible avec ce que l'accusé avait écrit [dans son journal intime] (p.246).

 

Autrement dit, le communiste Jan Sehn avait décidé que le journal intime de Kremer était écrit en une sorte de langage codé dont lui, Jan Sehn, possédait la clé. Le prisonnier Kremer n'avait eu qu'à s'incliner devant l'oukase du juge d'instruction Jan Sehn. Dans ma conférence de 1980, j'avais dit, pour finir, à propos du drame de Kremer:

Je pense souvent à ce vieil homme. Je pense parfois aussi à ses bourreaux (p.127).

Il m'arrive d'y penser encore plus souvent depuis que j'ai eu ainsi la confirmation du drame vécu par le professeur Johann-Paul Kremer. Ses bourreaux polonais et allemands ont profité de lui jusqu'au bout. Kremer a été utilisé comme une marionnette. Il est venu au procès de Francfort pour y faire de la figuration forcée. Selon ses propres paroles, il a connu "un dilemme qui n'est pas simple pour l'entendement humain". Ecoutons sa déclaration finale au procès de Munster en 1960, et qu'on me dise si cette déclaration est celle d'un abominable criminel qui aurait participé à d'horribles gazages homicides ou bien celle d'un malheureux universitaire, une sorte de vieux garcon inoffensif, qui s'est trouvé pris, comme tant d'Allemands autrefois et aujourd'hui encore, dans une situation tragique où il faut avouer ou faire semblant d'avouer des crimes immondes qui, en réalité, n'ont jamais été commis. Ecoutons Kremer et, à travers sa voix, écoutons la voix de tant d'Allemands humiliés, offensés et suppliciés:

Si, en vertu des critères humains, j'ai accompli quelque chose de mal, je ne puis que prier de prendre en considération mon âge et mon tragique destin. Je n'ai connaissance d'aucune faute dans le sens juridique et pénal. Je confie au juge suprême de tous les mondes le soin de trancher un dilemme qui n'est pas simple pour l'entendement humain (p.258).

Le professeur Kremer, en fin de compte, a été moins habile et moins prudent que son confrère, le professeur Wilhelm Pfannenstiel dans l'affaire Gerstein. Pfannenstiel, père de cinq enfants, a su se ménager une belle carrière grâce à des aveux d'un vague extrême.

La chambre à gaz du Struthof-Natzweiler (Alsace)

(désormais fermée aux visites)

La LICRA m'accusait d'avoir "écarté sans justification sérieuse un certain nombre de preuves retenues jusqu'alors par des instances judiciaires nationales et internationales". Pour le prouver, elle demandait que soit versé aux débats le dossier constitué par la justice militaire francaise pour le procès des gardiens du camp de concentration du Struthof-Natzweiler situé en Alsace.

Or, le dossier allait apporter la preuve qu'il n'y avait pas eu de chambre à gaz homicide au Struthof mais une petite pièce qui, à l'origine, était une chambre frigorifique. Celle-ci avait été transformée ensuite en une chambre à gaz pour l'entraînement des jeunes recrues au port du masque à gaz. Le professeur Bickenbach avait profité de l'existence de cette chambre à gaz pour y faire des essais d'antidote au gaz phosgène. En effet, les Allemands avaient appris que les Alliés, dès la fin de 1942, entreposaient de grandes quantités de gaz phosgène en Afrique du Nord et ils craignaient un bombardement des villes allemandes par ce gaz. Le professeur avait fait des essais d'un antidote (l'urotropine) sur sa propre personne, puis sur la personne de détenus du camp qui s'étaient, dit-on, portés volontaires en échange de quelques récompenses en nourriture ou en cigarettes. Il en était résulté soit deux, soit trois décès accidentels après hospitalisation, et non pas quatre, comme nous l'avons écrit par erreur dans nos conclusions en justice. Le professeur avait alors abandonné ses recherches. Dans cette pièce, Josef Kramer (à ne pas confondre avec le Dr. Johann-Paul Kremer) est supposé avoir gazé des détenus avec de mystérieux sels qui, mélangés à de l'eau, tuaient en une minute. L'ineptie des deux confessions­ contradictoires­ de Josef Kramer peut, elle, s'expliquer par les sévices dont il avait été l'objet de la part de ses gardiens britanniques. Ceux-ci l'avaient, par exemple, enfermé toute une nuit dans une chambre frigorifique (peut-être parce qu'il avait précisément dit que la prétendue chambre à gaz homicide du Struthof avait d'abord été une chambre frigorifique). Ces sévices sont rapportés avec une certaine délectation par un résistant francais présent sur les lieux, le médecin Dr J. L. Fréjafon, dans son livre intitulé Bergen-Belsen (préface de Louis-Martin Chauffier, Librairie Valois, 1945, XV-103p., p.22).

Dans le même dossier de la justice militaire figurait une expertise du Dr René Fabre, doyen de la Faculté de pharmacie de Paris. Ce dossier a disparu mais, grâce à une autre pièce, nous savons que le docteur Fabre avait été chargé de dire si les cadavres trouvés à l'Institut d'anatomie de Strasbourg et censés être les cadavres de gens "gazés" au Struthof avaient des traces de poison. La conclusion de l'expertise avait été négative. Il n'y avait trace d'acide cyanhydrique ni dans les cadavres, ni dans les produits de raclage de la prétendue chambre à gaz homicide, ni dans les plâtras (locaux W et X).

Je rappelle que, d'une facon plus générale, on a dû faire des centaines d'enquêtes sur les camps de concentration allemands. On peut dire avec certitude qu'aucune de ces enquêtes n'a contenu:

-- soit une expertise complète prouvant que telle pièce baptisée du nom de chambre à gaz homicide était effectivement une chambre à gaz homicide;

-- soit un rapport d'autopsie prouvant que tel cadavre était le cadavre d'une personne tuée par un gaz ou tout autre produit.

Aujourd'hui, la prétendue chambre à gaz homicide du Struthof ne se visite plus. Une affichette laisse croire aux touristes que la visite est possible sur demande. C'est faux. Les Francais ont maintenant honte de leur chambre à gaz nationale, pourtant classée "monument historique".

 

Les manuscrits miraculeusement découverts à Auschwitz (L'Internationale dans la chambre à gaz)

Un autre argument de la LICRA était, bien entendu, constitué par les témoignages. La LICRA invoquait en particulier les fameux témoignages découverts à Auschwitz-Birkenau grâce à des fouilles miraculeuses. Je dis bien: miraculeuses. Certains connaissent peut-être la photo du trou où les Polonais disent avoir trouvé le récipient contenant le manuscrit d'un certain Salmen Lewenthal. Autour du trou il n'y a pas trace de fouilles! Les fouilleurs sont tombés juste sur l'endroit où il y avait quelque chose à découvrir! Saluons ici un miracle de la radiesthésie exterminationniste (voyez Hefte von Auschwitz, Sonderheft (I), Handschriften von Mitgliedern des Sonderkommandos, Verlag Staatliches Auschwitz-Museum, 1972, 220p., p.135, première photo).

Le plus connu de ces témoignages est celui du "manuscrit de l'auteur inconnu". Le texte original est en yiddish à caractères hébraiques. Il a été publié en allemand par les Polonais (ibid., p.11828). La LICRA avait bien pris soin de ne pas révéler cette édition en yiddish. Elle avait fourni des extraits en polonais avec une traduction en francais. Le traducteur avait notamment choisi un passage où l'action se déroulait dans la (!) chambre à gaz de Birkenau. Nous ignorons où se trouvait le témoin pour décrire la scène suivante. Les victimes sont donc entassées dans la chambre à gaz. Tout à coup, une jeune Polonaise, nue comme tous ceux qui se trouvent là, adresse une allocution à l'assemblée des victimes ainsi qu'aux juifs du commando spécial chargé de mettre à mort ces victimes. Cette allocution enflammée et patriotique se termine par ces mots:

A bas la barbarie de l'Allemagne de Hitler! Vive la Pologne!

Puis, la jeune Polonaise se tourne vers les juifs du commando spécial. Elle ne les invective pas; au contraire, elle les invite à survivre pour témoigner plus tard du courage des victimes et pour venger ces victimes. Là se place une scène intéressante. Les Polonais se mettent à genoux par terre. Le texte dit qu'ils prononcent "une prière dans une attitude qui a fait une grande impression". Le texte de la LICRA ne dit pas sur qui. Le texte original disait: "sur tous". Puis les Polonais se lèvent tous ensemble dans la chambre à gaz où apparemment la place ne manquait pas puisqu'on pouvait ainsi s'agenouiller et se relever. Tous ensemble ils chantent en choeur l'hymne national polonais et les juifs, eux, en même temps chantent la Hatika. Ici, la LICRA avait coupé son texte par trois points placés entre crochets. Et, selon elle, le texte se poursuivait ainsi:

Pendant qu'ils chantaient, la voiture de la Croix-Rouge est arrivée; on jeta le gaz dans la chambre et ils ont tous rendu l'âme dans des chants et l'extase, rêvant de la fraternité et d'un meilleur monde.

Le narrateur ne nous révèle pas comment il savait lire ainsi dans l'esprit des victimes. Quant à la LICRA, si elle avait coupé le texte, c'est parce que celui-ci recélait une précision gênante. Voici la précision telle que l'édition du Musée d'Auschwitz nous la donne (p.121): les deux hymnes avaient été chantés en même temps; les "tons lyriques" des deux hymnes s'étaient fondus en un tout; puis, les Polonais et les juifs, tous ensemble, avaient entonné l'Internationale ! C'est ce que l'esthétique soviétique appelle, je pense, du "réalisme socialiste". Nous devons la découverte et le déchiffrement de ce "manuscrit de l'auteur inconnu" au professeur Bernard Mark, directeur de l'Institut historique juif de Varsovie. En 1962, son coreligionnaire Michel Borwicz, devenu citoyen francais après la guerre, a écrit dans la Revue d'histoire de la Deuxième Guerre mondiale que le professeur Bernard Mark était un fabricateur de textes (janvier 1962, p.93). Les faux de Bernard Mark continuent de se publier et de se vendre. En 1982, sa veuve a publié en France un ouvrage intitulé Des Voix dans la nuit (éditions Plon, 1982, 362p.). Le fameux "auteur inconnu" a cette fois-ci perdu son anonymat et il s'appelle maintenant Leib Langfus. Dans cet ouvrage, le faux pullule. La presse francaise a néanmoins accueilli cette production comme un recueil de témoignages d'une vérité criante (Le Figaro, article de Gilles Lambert du 13-14 novembre 1982, p.25); La Quinzaine littéraire, article de Pierre Pachet du 16 décembre, p.25; Le Monde, article d'Eric Roussel du 26 novembre, p.23). La préface est signée d'Elie Wiesel.

 

Le témoignage d'un actuel survivant des Sonderkommandos (au moment des gazages, ceux-ci, enfermés dans les cokeries (!), n'ont rien pu voir)

La LICRA recherchait un survivant des fameux Sonderkommandos. Il y avait bien Filip Muller qui habitait et habite peut-être encore à Mannheim, Hochufenstrasse 31. La LICRA lui avait accordé à l'unanimité des votants le grand prix Bernard Lecache pour son livre Trois ans dans une chambre à gaz d'Auschwitz, préfacé par Claude Lanzmann. Inexplicablement, Filip Muller n'a pas fait de déposition ni écrite, ni orale pour la LICRA. Juste au dernier moment, alors qu'arrivait la date fatidique de la fin du dépôt des pièces pour le procès, la LICRA remettait un maigre texte d'environ deux pages: la déposition par devant notaire, le 29 septembre 1980, d'un certain Alter Szmul Fajnzylberg, retraité, demeurant 37, avenue Jean Jaurès, 75019 Paris. Il s'agissait là pour moi d'une vieille connaissance. En 1972, dans le numéro spécial des Hefte von Auschwitz que j'ai cité plus haut, les Polonais avaient publié en allemand la déposition faite par ce militant communiste devant la justice polonaise le 13 avril 1945 (p.32-71). A l'époque, son nom était Stanislas Jankowski. Cet ancien garcon de café, juif, athée et communiste, avait fait partie des brigades internationales en Espagne. A la fin de la guerre d'Espagne, il fut interné par les Francais dans les camps de Gurs et de Saint-Cyprien. Puis il travailla pour les Allemands en zone occupée. Il fut arrêté par la police francaise et interné à Drancy et à Compiègne. Il fut déporté à Auschwitz où il arriva le 27 mars 1942. Il quitta Auschwitz avec la majorité des déportés, sous la surveillance des Allemands, le 18 janvier 1945. Il prit alors la fuite. Tel est du moins son récit.

Jankowski, alias Fajnzylberg, demeura donc à Auschwitz pendant près de trois ans. Jusqu'en octobre 1942, il fut employé comme menuisier, ce qui avait été sa première profession. Il passa aussi cinq semaines à l'hôpital du camp. De novembre 1942 au mois de juin 1943, il fut employé au bâtiment du crématoire d'Auschwitz-I, appelé Krema-I. De juillet 1943 au 17 janvier 1945, il fut employé au bâtiment de Birkenau appelé Krema-V.

Nous tenions donc là l'oiseau rare: l'un de ces fameux membres des Sonderkommandos.[(4)])] Son expérience était longue, puisqu'elle avait duré plus de deux ans dans cette terrible fonction. On sait que, selon une légende, c'étaient les juifs eux-mêmes qui étaient obligés par les SS d'accueillir les victimes, de les faire se déshabiller, de les faire pénétrer dans la chambre à gaz, de les y enfermer. Puis des SS versaient le gaz selon un processus qui n'a jamais pu faire l'objet du moindre accord chez les narrateurs de la saga des chambres à gaz. Enfin, les membres du Sonderkommando venaient rouvrir les portes ou la porte, et la suite est connue. Une autre légende veut que les SS aient liquidé chroniquement­ tous les trois mois, semble-t-il­ les membres du Sonderkommando. Ce qui est intéressant dans le cas du témoin finalement choisi par la LICRA, c'est qu'il reconnaît implicitement n'avoir jamais assisté à une opération de gazage. En effet, nous dit-il, à chaque fois que les Allemands voulaient gazer des gens, ils prenaient le soin d'enfermer les membres du sonderkommando dans la cokerie avant l'arrivée des futures victimes. Au Krema-I d'Auschwitz, les membres du Sonderkommando étaient enfermés dans la petite cokerie et, au Kremav de Birkenau, dans la grande cokerie de ce grand Krema. Autrement dit, pendant plus de deux ans, notre oiseau rare (le meilleur témoin que la LICRA ait pu trouver au monde) a passé toute une partie de son existence dans une cokerie près du tas de coke. Ensuite, nous dit-il, les SS, qui avaient fait cela pour leur dissimuler le crime, rouvraient la porte de la cokerie pour que Jankowski et ses compagnons s'occupent des cadavres de la chambre à gaz.

Les Allemands ne chômaient pas. A en croire notre homme, les Allemands auraient ainsi en deux ans gazé deux millions de personnes dans les crématoires et les " bunkers " de Birkenau. En juillet 1944, ils auraient tué une moyenne de 18.000 juifs hongrois par jour. Je suppose que pour brûler ensuite 18.000 cadavres il fallait, à 40 kilos de coke par cadavre, 720.000 kilos de coke par jour, ce qui ne devait pas laisser grand place dans les cokeries pour y enfermer Jankowski et ses compagnons. Au fait, combien pouvaient-ils être pour s'occuper de 18.000 cadavres?

En 1980, Jankowski-Fajnzylberg a répété cette histoire de séquestration dans les cokeries. Mais, entre 1945 et 1980, sa mémoire avait dû s'améliorer. En effet, en 1980, il ajoutait une précision dont on s'étonne qu'il ne l'ait pas donnée en 1945. Un jour, une fois, au Krema-V, il a pu voir, affirme-t-il,

l'injection du gaz par un SS qui versait le contenu d'une boîte métallique noire, ronde, d'un diamètre d'environ douze à quinze centimètres et haute d'environ vingt-cinq centimètres dans une espèce de petite cheminée ou tube qui ressortait de quelques dizaines de centimètres du toit de la chambre à gaz. Le SS portait un masque. Il a refermé aussitôt l'ouverture par laquelle il versait le contenu de la boîte.

Il n'y a qu'un malheur pour ce témoin, c'est que, selon la légende, il n'y avait pas une chambre à gaz au Krema-V, mais deux petites pièces et un couloir: ce qui fait un ensemble de trois petites chambres à gaz. Quant au gaz, la version aujourd'hui accréditée est qu'il était versé par des impostes situées sous le toit et auxquelles un SS accédait du dehors par une échelle, à chaque fois.

 

 

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Déclaration internationale des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.


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