Ce que, dans ce style ampoulé par la recherche de l'effet, le paragraphe de l'article 6 définit crimes contre l'humanité, ce sont les conditions dans lesquelles des centaines de milliers et même des millions d'hommes, de femmes, vieillards et d'enfants, ont été déportés 1 dans [77] des camps de concentration, y ont vécu, y sont morts dans des proportions. qui font reculer la plume devant les chiffres, froidement assassinés ou à petit feu, des indicibles mauvais traitements qui leur ont été infligés et, parmi ces assassinats et ces mauvais traitements, ceux qui ont plus particulièrement été infligés aux juifs, des lois raciales aux chambres à gaz si discutées.
Le peu d'intérêt que, contrairement aux espoirs de ses protagonistes, le Procès Eichmann a suscité dans le monde, le fait que les réactions de leur clientèle aient amené les grands journaux à rappeler leurs grands reporters qu'ils avaient tout d'abord envoyés à Jérusalem, pour n'y laisser que leurs correspondants particuliers ou des informateurs de trente-sixième ordre, la réprobation et même l'indignation dont il a fait l'objet dans tous les milieux jusques et y compris dans les milieux israélites, sont autant de signes que, dans cet ordre d'idées, une autre vérité que celle de Nuremberg à déjà conquis droit de cité et que cette autre vérité se peut formuler ainsi : jusqu'ici, dans son aspect racial comme dans son aspect commun, la déportation a été présentée à l'opinion mondiale, non pas comme un fait historique soumis aux habitudes de l'histoire, mais en fonction des applications politiques qu'en [78] pourraient faire le mouvement sioniste international et les homme d'État européens remis en selle par la défaite de l'Allemagne, le Procès de Nuremberg n'ayant eu d'autre but que de rendre cette opération possible en lui fournissant des justifications. La vérité historique promue par décision de justice est encore une des tragiques originalités de notre temps.
Disséquée et vulgarisée dans ses moindres détails par la presse, la radio, les moyens de propagande les plus perfectionnés, sans oublier la littérature concentrationnaire, cette décision de justice en était arrivée à ce résultat que, dans l'opinion et jusque dans l'esprit de gens très avertis des choses de l'histoire, ce n'était plus le fait historique qui définissait les applications politiques qu'on en pouvait faire, mais, l'inverse, les applications que la politique avait besoin d'en faire qui le définissaient dans sa matérialité. On ne pouvait manquer de s'en apercevoir, et on s'en est aperçu. Tant il est vrai que, si on peut tromper quelqu'un très longtemps, beaucoup de monde pendant quelque temps, il n'est pas possible de tromper tout le monde éternellement.
Le mécanisme de l'opération était assez simple :
Et l'article 21 :
Et voici comment, dans la pratique, ces deux dispositions jouèrent : lorsque, pour ne citer qu'un exemple, le 11 janvier 1946, le Dr. Franz Blaha, un communiste tchèque vint déclarer à la barre :
Le Tribunal qui n'était pas lié par les règles techniques de l'administration. des preuves (art. 19) ne lui en demanda pas et le fait, déclaré de notoriété publique, fut tenu pour acquis (art. 21) sans plus de formalité.
Or, on sait aujourd'hui que la chambre à gaz de Dachau n'a été achevée et mise en état de fonctionnement qu'après la fin de la guerre par les SS. qui avaient pris la suite des concentrationnaires dans le camp, et que jamais personne n'y a été gazé.
On peut donc dire que le Dr Franz Blaha, communiste tchèque, n'était qu'un vulgaire faux-témoin.
Mais on peut aussi poser la question suivante : combien y eût-il de Dr. Franz Blaha dans les « témoins » qui ont défilé à la barre ou dont on a lu les affidavits produits sous serment et qui y ont « témoigné » [79] dans le même sens à propos des camps de Bergen-Belsen, Ravensbrück, Mauthausen, Auschwitz, etc. ?
Toujours est-il qu'en août 1960, très probablement contraint de le faire par l'émotion qu'avait produite en Allemagne une tournée de conférences très suivies que j'y avais faite en avril et au cours de laquelle j'avais posé cette question, I'lnstitut d'histoire contemporaine (Institut für Zeitgeschichte) de Munich communiquait à la presse :
Bien que des « témoins » soient encore venus déclarer en juin 1961 devant le tribunal de Jérusalem qui jugeait Eichmann qu'ils avaient vu de leurs compagnons d'infortune partir pour la chambre à gaz de Bergen-Belsen et qu'on ne les ait pas ou chassés du prétoire comme faux-témoins, ou arrêtés en pleine audience pour injure à magistrats dans l'exercice de leurs fonctions, la question des chambres à gaz ne subsiste donc plus que pour Auschwitz et « les camps de la Pologne occupée ».
Voilà qui simplifie singulièrement le problème par rapport à 1948, époque à laquelle pour mettre en doute l'existence des chambres à gaz, je ne disposais encore que du compte rendu du Procès de Nuremberg, de l'Analytique de celui des responsables du camp de Dachau (rédigé par les autorités américaines à l'intention de la Commission chargée de statuer sur les recours en grâce) et de ma propre expérience à Buchenwald-Dora, c'est-à-dire à une époque où les documents rendus publics étaient rares et où, pour faire compensation, cette littérature immonde que fut et restera la littérature concentrationnaire se venait d'abattre sur l'opinion et plaçait des chambres à gaz à peu près dans tous les camps de concentration. Je commençai donc, documents visiblement sollicités à l'appui, par faire la preuve que celle de Dachau était un mythe dont le caractère macabre ajoutait à l'odieux. En me référant à ma propre expérience, j'en fis autant de celles de Buchenwald et de Dora, dont un curé qui fut mon compagnon de bagne, venait d'écrire qu'il y avait vu entrer « des milliers et des milliers de gens » (Abbé Jean-Paul Renard, Chaînes et Lumières, Paris 1947). Et ainsi de suite, au fur et à mesure que, les treize procès de Nuremberg faisaient venir au jour les documents qui s'y rapportaient... Je fus certes abondamment vilipendé et même traduit en justice où je fus naturellement acquitté et, dès lors, la partie était gagnée : aujourd'hui, c'est acquis, sur tout le territoire allemand, il n'y eut aucun camp doté d'une chambre à gaz, I'lnstitut d'histoire contemporaine de Munich qui est le parangon de l'hostilité et de la résistance au nazisme en convient [80] enfin. Il ne reste donc plus qu'à examiner les documents et témoignages produits à l'appui de l'existence et de l'utilisation criminelle des chambres à gaz dans les camps de la Pologne occupée, avec autant de soin que ceux qui ont été produits soit devant un tribunal, soit directement devant l'opinion publique, et dont le contenu a été repris et considéré par un tribunal comme « de notoriété publique » en application des articles 19 et 21 du Statut de Nuremberg.
A ma connaissance, ces camps de la Pologne occupée sont : Auschwitz-Birkenau, Chelmno, Belzec, Maïdanek, Sobibor et Treblinka. Dans les cinq derniers de cette liste, I'existence et l'utilisation des chambres à gaz 2 pour exterminer les juifs est attestée par un seul document : le document dit Gerstein produit à Nuremberg le 30 janvier 1946 par M. Dubost, procureur français sous la référence PS. 1533. On en trouvera l'analyse et d'importants extraits en appendice dans ce volume. Son histoire est si étrange, son contenu si visiblement apocryphe que le Tribunal refusa d'en entendre la lecture (T. VI, p. 377) et qu'il ne fut pas retenu à charge contre les accusés. Malgré cela, il fut considéré comme authentique par toute la presse, produit à nouveau contre autres accusés dans les procès suivants de Nuremberg, notamment dans celui qui fut fait aux organisations nazies, et des gens tels M. Poliakov qui se disent historiens ! en parlent encore dans leurs livres (Le Bréviaire de la Haine, pp. 228 et suivantes) comme s'il était indiscutable et avait été retenu.
On cite encore le document N. O 365 qui est une lettre d'un certain Dr Wetzel 3 en date du 15 octobre 1941 où il est question « d'appareils à gaz » (Gasapparaten). On cite, enfin, le témoignage de Ru[81]dolf Hoess, commandant du camp d'Auschwitz qui eut à en connaître incidemment (P.S. 3868, T. XI, p. 425, XXI p. 560, XXXIII p. 275) et ses mémoires rédigés en prison après sa condamnation à mort (publiés après qu'il eût été pendu, sous le titre « Der Lagerkommandant von Auschwitz spricht... ») : on verra par ailleurs ce qu'il faut penser de ce témoignage.
Reste le camp d'Auschwitz-Birkenau 4...
Sur ce camp qui est, en fin de compte, le noeud de la question, la documentation est à la fois abondante et précise si abondante même et si précise que c'est ce qui la tue : les différentes pièces de cet immense dossier qui affirment toutes l'existence et l'utilisation des chambres à gaz pour exterminer les juifs ne sont, à la balance des comptes, d'accord que sur cela, les détails qu'elles produisent sur la description des lieux et le mécanisme de l'opération s'y contredisent avec un tel esprit de système qu'on en peut déduire qu'elles se détruisent mutuellement. Si, par exemple, de deux témoins qui prétendent avoir vu, I'un nous dit que le Cyclon B (c'est le gaz employé) se présente en tablettes d'où le gaz s'échappe au contact de la vapeur d'eau (Hoess) et [82] l'autre que la vapeur d'eau empêche le gaz de s'échapper (Dr Miklos Nyiszli, auteur de « Médecin à Auschwitz ») il est évident qu'on ne peut pas croire l'un si on croit l'autre et que la sagesse commande de croire que l'un des deux au moins est un faux-témoin. Si un témoin nous dit qu'il est entré dans une chambre à gaz dont un document officiel dit qu'elle à 400 m2 de superficie, qu'il y a des bancs de chaque côté pour s'asseoir et, au centre, des colonnes creuses tous les vingt mètres, qu'on y circule aisément à 3.000 personnes et qu'à vue de nez elle à 200 m. de long, il n'est pas possible de ne pas penser, à la lecture d'une telle accumulation d'invraisemblances, qu'il n'y a jamais mis les pieds. Et si comme c'est le cas de ce Dr. Miklos Nyiszli, il ajoute qu'« on tondait les morts à la sortie de la chambre à gaz » après les avoir asphyxiés, ou qu'en 1944 ce mode d'extermination existait « depuis quatre ans », etc. il n'est pas non plus possible de ne pas penser qu'il s'agit d'un vulgaire imposteur.
Bref. Au premier procès de Nuremberg, celui des grands criminels de guerre, on disposait :
1. De témoignages des rescapés qui ont, sans exception, authentifié Ies chambres à gaz, non d'après ce qu'ils avaient vu, mais d'après ce qu'ils avaient entendu dire. Leurs témoignages sont du type de celui du Dr Benedikt Kautsky qui fut, à la suite de son père, leader du Parti social-démocrate autrichien, qui passa trois années à Auschwitz-Birkenau, qui écrivit un livre sur son expérience, Teufel und Verdammte publié en Suisse en 1946 et qui précisait :
Ainsi, ce témoin qui dit dans une autre page que le maximum de survie à Auschwitz était de l'ordre de trois mois, qui y a survécu trois ans, n'a jamais vu de chambre à gaz, il en convient et n'en parle que d'après ce qu'il a entendu dire par des personnes dignes de foi. On remarque qu'il n'en est pas plus avare de détails pour cela : il sait que 3 1/2 millions de personnes y ont été exterminées de cette façon et aussi que le gaz employé était plus lourd que l'air puisqu'il tombait du plafond 6 [83] ce qui est encore une autre version puisque les autres témoins font venir ce gaz de tablettes jetées sur le sol et d'où il se dégageait sous l'influence de la vapeur d'eau selon les uns, de l'air selon les autres.
2. Des témoignages corroborants de Rudolf Hoess, commandant du camp dont il a déja été question, et de ceux de deux collaborateurs d'Eichmann, l'Obersturmfuhrer Hoettl et l'Obersturmfuhrer Wizceliceny. dont seul le second est encore en vie, les deux autres ayant été pendus.
Pour ce qui est de Rudolf Hoess, je renvoie le lecteur à ce que, dans « Ulysse trahi par les siens » j'ai dit de son témoignage : écrit au crayon sur de vieux papiers, donc dans une forme difficilement déchiffrable parce que difficilement lisible, par un homme sur qui pesait une condamnation à mort et qui ne pouvait pas ne pas être tenté de dire ce qu'il croyait susceptible de faire accepter son recours en grâce qui se contredit d'ailleurs d'une page à l'autre, etc.
De Hoettl, on tient seulement le nombre de juifs exterminés qui lui aurait été donné en confidence par Eichmann : 4 à 5 millions que, pour faire bonne mesure, on arrondit à 6. Mais, à Jérusalem, Eichmann a déclaré au cours de son procès qu'il n'avait pas fait de confidence de ce genre à Hoettl.
Enfin, de Wisclinecy vient, outre la confirmation de ce chiffre, une affirmation selon laquelle Eichmann lui aurait montré une lettre de Himmler lui enjoignant de procéder à « la solution finale du problème juif » en termes de chambres à gaz. Or, là encore Eichmann a déclaré qu'il n'avait jamais reçu d'ordre écrit de personne, qu'il avait seulement dit à Wisclinecy que « Heydrich l'avait convoqué pour l'informer que le Führer avait ordonné la destruction physique des juifs »7. Wisclinecy a donc menti et, cela on le peut affirmer sans crainte d'être démenti puisqu'aussi bien, le problème des ordres d'extermination est aujourd'hui réglé : dans La Terre retrouvée, du 15 décembre 1960, le Dr Kubovy, du centre de documentation juive de Tel-Aviv reconnaît, en effet, « qu'il n'existe aucun document signé par Hitler, Himmler ou Heydrich parlant d'exterminer les juifs et que le mot « EXTERMINATION n'apparaît pas dans la lettre de Göring à Heydrich concernant la solution finale de la question juive... » Il est évidemment un peu tard pour le reconnaître, mais enfin mieux vaut tard que jamais. C'est donc acquis : tous ces ordres que tant de gens [84] avaient reçus en 1946 n'existaient que dans l'imagination de ceux qui pretendaient les avoir reçus.
Dans la suite, les autres procès de Nuremberg, notamment celui de la Wilhelmstrasse et celui des organisations nazies, amenèrent d'autres documents au jour : le Protocole de Wannsee *(N.G. 2586 g), la déclaration d un certain Wolfgang Grosch (N.O. 2154) concernant des ordres de construction des chambres à gaz, etc..
Le protocole de Wannsee est le compte rendu d'une conférence qui eut lieu le 20 janvier 1942 et à laquelle participèrent les secrétaires d'État administrativement intéressés à la solution de la question juive et les chefs des services chargés de l'exécution. Il s'agit là d'un texte où il n'est pas question de chambres à gaz ni d'extermination, mais seulement de transfert de juifs dans l'Est européen. La rédaction et la présentation en sont assez habilement étudiées pour qu'on en puisse déduire que s'il ne la mentionne pas expressément, il contient cependant implicitement la décision d'extermination 8.
Au reste, ce compte rendu présente toutes les caractéristiques d'un document apocryphe, si on s'en rapporte à la photocopie qui en a été publiée dans le livre de M. Robert N. W. Kempner, Eichmann und Komplizen, pp. 132 et suivantes (Europa Verlag 1961) : pas de cachet, pas de date, pas de signature, caractères de machine à écrire normaux sur un papier de format réduit, etc..
De toutes façons, il n'y est pas question de chambres à gaz, je le répète.
La déclaration Wolfgang Grosch se présente ainsi :
Les réalités que ce charabia visiblement calculé pour entretenir la confusion désigne, sont définies par des documents trouvés dans le service des constructions (Bauleitung) du Reichsicherheithauptamt (R.S.H.A.), portant la date du 28 janvier 1942 et les n·s 932 et 938, complétés par un autre trouvé dans les services économiques et financiers portant la référence N. 11450/42/BI/H à la date du 3 août 1942.
Les deux premiers sont les plans de construction de quatre fours [86] crématoires à Auschwitz-Birkenau, numérotés II-III-IV et V, ce qui laisse supposer que le n°1 n'a pas été retrouvé du moins à ma connaissance. Chacun d'eux devait comporter en sous-sol une salle qui était désignée sous le nom Leichenkeller pour II et III et de Badeanstalt pour IV et V. Les dimensions étaient précisées : 210 m2 de superficie avec une hauteur de 2,4 m. pour Il, 400 m2 et une hauteur de 2,3 m. pour III, 580 m2 et même hauteur pour IV et V 9.
Le document N. 11450/42/B. I/H du 3 août 1942 est la lettre de commande de ces quatre fours crématoires à la Maison Topf und Söhne d'Erfurt. Dans le procès de la Wilhelmstrasse et des organisations nazies, il est indiqué, sans autre précision, que la commande a été livrée « au début de 1943 ». Dans son livre « Médecin à Auschwitz » le Dr. Miklos Nyiszli parle du « coeur de l'hiver », ce qui devrait signifier fin janvier-début février et la Revue d'histoire [de la seconde guerre] mondiale publiée à Paris sous le contrôle du résistant Henri Michel (la seule où, en dehors des C.R. des débats, j'ai trouvé mention de ces textes) reprend l'expression « au début de 1943 » (N· d'octobre 1956, p. 62). Hoess, enfin, dit qu'à la fin de 1942 les chambres à gaz et les fours crématoires n'étaient pas encore construits.
Ce sont ces salles construites en sous-sol sous les fours crématoires et dont l'affectation officielle est Leichenkeller ou Badeanstalt que le témoin Wolfgang Grosch baptise chambres à gaz. Comme on a retrouvé des factures de Cyclon B livrées à Auschwitz-Birkenau, on les a utilisées comme support de sa déclaration sinon ce qu'on est autorisé à se demander par ce qui s'est passé avec le document Gerstein pour... Ia lui suggérer ! Mais le cyclon B était un insecticide désinfectant dont l'usage dans l'armée allemande remontait à 1924. Pendant la seconde guerre mondiale, il a été utilisé dans tous les corps de troupes et dans tous les camps de concentration, d'autres factures retrouvées le prouvent pour Orianenbourg, Bergen-Belsen, etc. où il n'y avait pas de chambres à gaz. Et, quant aux fours crématoires, je puis attester [87] qu'avec ce que nous appelions sa « . cave » celui de Buchenwald était exactement construit sur le même modèle que ceux d'Auschwitz-Birkenau. et que, cependant, il n'y fut jamais procédé à aucune extermination par les gaz 10.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que tout cela, non seulement n'est guère probant, mais encore tend plutôt à démontrer qu'il n'y a jamais eu ni chambre à gaz ni extermination par ce moyen à Auschwitz-Birkenau, ou alors que s'il y en a eu, I'existence de ces chambres ne peut être considérée comme indiscutablement établie, ni par les témoignages et les documents qui ont été produits aux différents procès de Nuremberg, ni par les récits abondamment répandus dans le public, des rescapés qui disent tous, à l'exception de deux (Hoess et le Dr. Miklos Nyiszli en contradiction flagrante entre eux et parfois même avec eux-mêmes) qu'ils n'ont rien vu mais qu'ils le tiennent « de gens dignes de foi » qu'on n'a jamais retrouvés.
Je ne dirai rien des célèbres « autobus de la mort » dont l'existence et l'utilisation est attestée par le Doc. P.S. 501 (T. XXVI p. 102-10) qui est, à la date du 15 mai 1942 un rapport d'un sous-lieutenant de [88] Marioupol. Ces « Autobus » que l'acte d'accusation appelle des « camions » auraient été équipés pour asphyxier par récupération des gaz d'échappement du moteur. Par ce moyen, 100.000 juifs auraient été gazés : à 50 ou même 100 par « Autobus » ou « camions » au choix, on voit le travail ! Au cours de son procès, Eichmann à déclaré qu'il avait vu une de ces voitures, qu'il n'avait regardé ni au départ, ni en cours de route, ce qui se passait à l'intérieur mais qu'à l'arrivée, on en avait déchargé un monceau de cadavres. Ce que vaut ce témoignage ? Je n'en sais rien. Mais, ce qui me chagrine, c'est que pour désigner ces « autobus » ou ces « camions » ou ces « voitures » comme on dit souvent dans la presse, le document produit à Nuremberg le 21 novembre 1945 par le procureur américain Justice Jackson (T. II p. 135) et repris le 14 décembre par son substitut le commandant Walsh (T III p. 563.65) désigne ce genre de véhicules par le mot « wagen » que les Allemands n'emploient jamais à cet usage. De deux choses l'unes en effet, ou ce sont des Autobus et il s'agit de P.K.W. (Personalkraftwagen) ou ce sont des camions et il s'agit de L.K.W. (Lastkraftwagen) et si l'auteur de ce document ne le savait pas, je me permettrai de dou[89]ter de sa nationalité. D'autre part, cet auteur, un certain SS. Untersturmführer Dr. Becker, dont le témoignage est unique, est, comme Gerstein et comme tant d'autres dont les témoignages sont à la fois les plus rares et les plus accablants, donné pour mort : dans ce procès de Nuremberg, il y a trop de témoins qui sont morts trop opportunément et dont on utilise les (prétendus ?) écrits. Enfin, à part Eichmann qui a « refusé » de voir, on n'a jamais, à ma connaissance en tout cas, retrouvé ni aucun de ces « Autobus-camions-voitures » ni aucun de ceux qui les avaient utilisés ou même seulement conduits. Un fait historique qui n'a pas laissé de traces, en somme. Par bonheur, l'inventeur de ces machines infernales, un certain Harry Wentritt, contremaître mécanicien de son métier, dit-on, a été arrêté le 29 janvier 1961 à Hanovre. Depuis, on n'a plus entendu parler de lui. Sans doute est-on en train de préparer son procès ou... d'attendre qu'il meure à son tour. S'il ne meurt pas trop tôt, il parlera donc un jour. Mais, par malheur, étant donné les conditions dans lesquelles il parlera si on lui en donne l'occasion, il n'est d'ores et déjà pas possible d'accorder à ce qu'il dira le crédit que le croyant doit aux Évangiles : une longue pratique enseigne, en effet, qu'il y a peu de témoins sur qui pèse la menace d'une lourde condamnation qui, après une longue incarcération, ne finissent par dire à peu près tout ce qu'on attend d'eux, Hoess, Hoettl, Wisclinecy, etc. en sont des témoignages significatifs. Cet état de fait n'est cependant ni sans consolation, ni même sans issue : nous ne sommes plus en 1946 mais en 1962 et nous disposons aujourd'hui d'une documentation suffisante pour que n'importe qui ne puisse plus, comme en 1946, nous venir raconter n'importe quoi.
S'il se penche maintenant sur l'étendue des dégâts, je veux dire sur les chiffres au moyen desquels on à fixé les dimensions du crime, I'historien n'est ni plus heureux ni moins perplexe et voici pourquoi : s'il est admis dans les milieux politiques officiels du monde que six millions de juifs ont été exterminés et comment expliquer cette monstrueuse hécatombe autrement que par la mise en oeuvre de moyens aussi radicaux que les chambres à gaz ? les données statistiques qui nous sont livrées par les documents sont très loin de corroborer cette évaluation **.
Requérant à Nuremberg, le 21 novembre 1945, M. Justice Jackson s'exprimait ainsi :
Telle est donc l'accusation : 4.500.000.
Le jugement ne retint pas ce chiffre et, à partir de là, chacun se crut [90] libre d'évaluer le nombre des victimes au gré de son imagination ou de sa fantaisie. Au cours même des débats, Sir David Maxwell-Fyfe, procureur anglais, interrogeant Göring, le 21 mars 1946 donne le feu vert aux évaluations les plus insensées en lui déclarant
La presse entendit et retransmit : « 10.000.000 de juifs... » C'était un peu gros : des Billig, des Poliakov, des Alexandrov, des Jacob Lechtinsky, des Shalom Baron (titulaire de la chaire d'histoire juive à l'université américaine de Columbia), etc. se sont livrés aux spéculations de la plus haute école, pour situer le chiffre entre le niveau le plus bas (4.500.000) donné par M. Justice Jackson et le niveau le plus élevé (10.000.000) tendancieusement tiré de la déclaration de Sir David Maxwell-Fyfe et ont arrêté le nombre des juifs exterminés à 6.000.000 qui est assez voisin ceci est remarquable de la moyenne arithmétique des deux et dont, pour se donner des airs d'avoir sérieusement étudié la question, certains d'entre eux précisèrent que 4 millions à 4 millions 1/2 avaient été exterminés à Auschwitz-Birkenau, le reste dans les autres camps.
Voyons donc ce qu'il en est.
Lorsque M. Justice Jackson évalue à 9.500.000 Ie nombre des juifs qui vivaient dans l'Europe dominée par les nazis, il s'agit d'une évaluation forcée. Dans Le Mensonge d'Ulysse et Ulysse trahi par les siens, j'ai cité le plus autorisé et le plus célèbre parce que le plus autorisé des statisticiens juifs, M. Arthur Ruppin qui, dans les années 193032 évaluait cette population à 8.710.000, chiffre admis par tous les historiens, juifs ou autres. Le centre de documentation juive de Paris était vraisemblablement encore d'accord avec lui lorsque, le 4 juin 1960, il communiquait une statistique l'évaluant à 8.294.500 à la déclaration de guerre et défalcation faite de l'émigration de l'Europe centrale vers les autres pays depuis 1933. Or, dans ces chiffres figuraient 3.000.000 de Russes qui, si on les défalque à leur tour, ramènent cette population juive directement aux prises avec le nazisme à 5.710.000 d'après Arthur Ruppin ou à 5.294.000, d'après le Centre de documentation juive de Paris 11. La question qui se pose est seulement de [91] savoir si on peut considérer comme acquis que ces 3.000.000 de Russes ne sont pas tombés entre les mains des nazis pendant l'avance victorieuse des armées allemandes en Russie au cours de l'hiver 1941-1942. A cette question, je répondrai alors sans la moindre hésitation que non seulement la presque totalité de ces 3.000.000 de juifs russes, mais encore la plupart des juifs polonais et baltes n'ont jamais eu maille à partir avec les services nazis de la police pour la bonne et simple raison qu'ils avaient fui devant I'avance allemande.
Il n'est pas qu'en France qu'il y ait eu une course aux Pyrénées.. A la date du 5-12-1942, le journaliste juif David Bergelson écrivait dans un journal moscovite : « Grâce à l'évacuation, la majorité des juifs d'Ukraine, de Russie blanche, de Lithuanie et de Lettonie (80%) a été sauvée. » L'annexion de la Galicie, de la Bessarabie, de la Bukovine et des états baltes par la Russie a, d'autre part, placé tous les juifs de ces pays sous contrôle soviétique. Et quant aux juifs polonais, jusqu'à la prise de Varsovie, ils s'enfuirent aussi devant les troupes allemandes pour chercher refuge soit du côté russe, soit en Hongrie. De septembre à décembre 1939, pendant que les troupes allemandes et russes s'installaient de part et d'autre de la ligne de partage de la Pologne, définie par le Pacte germano-soviétique, il y eut même une politique allemande qui consistait à livrer aux Russes les juifs de la zone affectée à l'Allemagne et ceci est attesté par deux témoins, MM. Zwi Patcher et Yacov Goldfine, tous deux polonais, qui le vinrent déclarer le 1er mai 1961 à la barre du Tribunal de Jérusalem chargé de juger Eichmann. Voici ce que déclara le premier :
Le second fit une déclaration analogue.
On ne peut, c'est évident, chiffrer le nombre des juifs qui furent protégés contre les camps de concentration allemands, soit par leur fuite dans le camp russe devant les troupes allemandes, soit qu'ils aient été livrés aux Russes par les Allemands : ce qui précède permet seulement de dire qu'il fut très important.
Il y eut aussi ceux qui, n'aimant pas Hitler n'étaient pas davantage séduits par Staline et qui s'enfuirent en Hongrie non occupée où, nous dit Joël Brand, le régent Horthy pratiqua jusqu'à l'arrivée des Allemands le 19 mars 1944, une politique libérale à l'égard des juifs. Dans son Bericht des judischen Rettungskomitees aus Budapest, le Dr Reszo Kaztner dit en effet 12 que « I'occupation de la Hongrie par les Allemands signifiait la condamnation à mort des 800.000 âmes que « comptait à peu près la communauté juive hongroise » (Introduction) ce qui permet d'inférer par comparaison avec les statistiques antérieures à l'ère hitlérienne qu'environ 500.000 juifs de la Communauté hongroise ne lui appartenaient que de fraîche date. D'où étaient-ils venus ? D'Autriche (1938), de Pologne (1939), puis de Tchécoslovaquie. Pendant ces années sombres et jusqu'au 19 mars 1944, la Hongrie fut le grand espoir des juifs de l'Europe centrale pour qui elle était le relais vers la liberté via Constanza ou Constantinople...
Si bien que, lorsque le Centre de documentation juive contemporaine vient nous dire qu'en 1946, il ne restait plus que 500.000 juifs en Pologne sur 3.300.000, tous les autres ayant été exterminés, c'est sûrement faux : parmi ces autres, un nombre important étaient sûrement vivants en Russie, en Asie centrale (où les Russes les dirigeaient au fur et à mesure qu'ils les recueillaient, nous dit encore David Bergelson) en Israël, en Afrique ou dans les deux Amériques.
Le Centre de documentation juive contemporaine à tout bonnement compté les manquants dans l'Europe occupée par les Allemands, mais il n'a tenu aucun compte de l'accroissement de la population dans le reste du monde 13. Passez muscade.
Veut-on une autre preuve de la fantaisie de ces calculs ? Le Centre de documentation juive contemporaine nous a encore dit, par exemple, qu'en Russie, 600.000 juifs seulement étaient encore en vie en 1946. Or, en juin 1961, au congrès de l'Agence juive dont il est le président, M. Nahoum Goldman nous a informés qu'en Russie, 3.000.000 de juifs [93] étaient en butte aux persécutions du bolchevisme : comment expliquer, autrement que par la falsification des statistiques relatives à l'année 1946, que 600.000 personnes se sont reproduites à un rythme tel qu'en quinze ans, elles sont devenues 3.000.000 ?
En brandissant son titre d'historien, le 24 avril 1961, M. Shalom Baron, professeur d'histoire juive à l'université de Columbia, témoin de I'accusation, est venu déclarer à la barre du Tribunal de Jérusalem que, depuis 1945, le taux de croissance de la population juive dans le monde était de l'ordre de 20 % pour cette période de quinze années et c'est très vraisemblable : si les chiffres publiés par le Centre de documentation juive contemporaine étaient justes, il faudrait alors qu'il n'y ait que 600.000 + 20 % = 720.000 juifs en Russie et non 3.000.000 comme c'est le cas reconnu par M. Nahoum Goldman. Mais M. Shalom Baron a précisé en substance : « En 1939, nous étions environ seize millions dans le monde 14. Nous devrions être 19 millions aujourd'hui. Et nous ne sommes que 12 millions » (Le Figaro, 25 avril 1961, C.R. d'audience). Entre les trois chiffres, les rapports sont corrects, c'est sûr : seize millions six millions d'exterminés + 20 % = 12 millions. C'est le résultat qui est faux et il l'est parce que le distingué professeur depuis la fin de la guerre il y a décidément de tout et n'importe qui dans notre métier : j'avais déjà rencontré un Eugen Kogon... a posé en principe que six millions de juifs avaient été exterminés : à eux seuls, les États-Unis, les Russes et Israël font presque les douze millions et cela signifierait qu'il n'y a pas ou presque pas de juifs dans le reste du monde. En réalité, il y a de nouveau 16 à 17 millions de juifs dans le monde.
Conclure ? Pas encore. A ce moment du discours, on peut seulement affirmer avec certitude que 5 710.000, 5.294.000 ou 5.500.000 juifs au maximum et non 9.600.000 comme l'a prétendu M. Justice Jackson ou 9.800.000 comme l'a prétendu le singulier professeur Shalom Baron à la barre du Tribunal de Jérusalem (Audience du 24 avril 1961) se trouvaient dans l'espace européen qui fut occupé par l'Allemagne entre 1939 et 1945.
[94]
Et qu'en tablant comme il l'a fait pour la Russie, la Pologne et la Hongrie 15 sur ce nombre, le Centre de documentation juive contemporaine a retrouvé 1.651.000 survivants 16. Si on applique à ce chiffre la plus vraisemblable des marges d'erreurs (relevée pour la Pologne) je veux dire s'il ne représentait que 40 % du chiffre réel 17 le nombre des survivants serait alors de l'ordre de 4.200.000 et celui des manquants à l'appel, de l'ordre d'un million à un million et demi au maximum... Dans Ulysse trahi par les siens en comparant les statistiques juives de« de l'avant-guerre avec celles de l'après-guerre à l'exception de celle du « professeur » Shalom Baron que je ne connaissais pas et dont je viens de faire la preuve qu'elle était sans la moindre valeur j'avais conclu que le nombre des juifs manquant à l'appel en 1946 se pouvait situer autour d'un million, ce qui était, par une autre méthode, un résultat du même ordre de grandeur. Je précisais, en outre, que cela [95] représentait déjà un pourcentage fort important des juifs qui furent arrêtés et envoyés au camp de concentration. Car il ne faut pas non plus croire que tous les juifs des pays européens occupés par les Allemands furent arrêtés : en France, sur 300.000, il n'y eut que 100.000 déportés si l'on en croit le fichier du ministère des anciens combattants 18, en Italie presque pas, en Hongrie 50 % par référence aux chiffres de Kasztner, en Pologne 60 % peut-être 19, en Allemagne, un maximum de 40 % (ici on sait que 300.000 environ d« 500.000 qui y existaient à l'arrivée de Hitler au Pouvoir, avaient réussi à fuir l'Allemagne 20 de 1933 à 1939), en Roumanie 50 %, etc. et cela ferait, si on retenait que 40 % du total général avaient échappé à l'arrestation et à la déportation, CE qui est vraisemblable, un maximum de 60 %, soit entre 3.200.000 et 3.500.000 qui n'y auraient point échappé. Par rapport à ces chiffres, un nombre de morts qui se situerait entre [96] 1.000.000 et 1.500.000 représenterait un pourcentage oscillant entre 30 et 45 % qui sont, I'un et l'autre, déjà énormes.
Les documents écrits qui ont été produits devant le Tribunal de Nuremberg militent en tout cas en faveur d'une thèse qui conclurait à une marge d'erreur évidemment non accidentelle mais au contraire volontaire et minutieusement calculée de l'ordre du simple au double dans les estimations des déportés, ce qui est confirmé par un certain nombre d'entre eux et notamment la déposition de Hoess qui fut, du 4 mai 1940 au 10 novembre 1943, le commandant du camp d'Auschwitz-Birkenau :
Mais, quand il s'agit de donner les détails de ces 2.500.000 personnes, il commence par déclarer (p. 239) : « Moi, pour ma part, je n'ai jamais connu ce total et ne dispose pas de point de repère pour l'établir. »
Et il poursuit :
De Haute-Silésie ou du gouvernement général de Pologne | 250.000 |
D'Allemagne et de Theresienstadt | 100.000 |
De Hollande | 95.000 |
De Belgique | 20.000 |
De France | 110.000 |
De Grèce | 65.000 |
De Hongrie | 400.000 |
De Slovaquie | 90.000 |
| |
Total |
1.130.000 |
Ici, Hoess à raison : Auschwitz n'a reçu qu'en nombre insignifiant des déportés juifs venant d'autres pays que ceux qui figurent sur cette liste ou, de ces pays en dehors de ces « actions » et je considère qu'au total, le nombre des juifs déportés dans ce camp ne dépasse guère 1.130.000 ce qui, par rapport aux 2.500.000 représente bien une marge d'erreur volontaire et calculée, de l'ordre du simple au double, même plus. Sur ce nombre, d'autre part, beaucoup se promènent par bandes de 50.000 dans certaines grandes rues du monde et qui ne peuvent prétendre avoir été gazés : je ne serais pas étonné si on me disait un jour que, rien qu'en Israël, il y en a deux à trois cent mille de ceux-là 21... De toutes façons, dans Eichmann's Confederates and the [98] Third Reich Hierarchy, publié en 1961 par l'Institute of Jewish Affairs of World Jewish Congress, on peut lire, p. 18 :
Quel crédit accorder à des estimations aussi divergentes et qui viennent toutes, non seulement des milieux juifs mais encore, dans ces milieux, de gens qui se prétendent tous aussi qualifiés les uns que les autres ? Par rapport aux 2.500.000, celle-ci accuse une marge d'erreur qui est presque du simple au triple et qui passe du simple au quintuple par rapport aux 4.500.000 de certains « historiens » juifs cautionnés par le Centre de documentation juive contemporaine. 22
Dans quelles conditions Hoess a-t-il été amené à dire que 2.500.000 juifs avaient été déportés à Auschwitz. c'est une affaire qui se définit par les rapports qui existent entre un détenu et les policiers qui l'interrogent la réserve qu'il a lui-même apportée à ce chiffre (cf. p. 97) ne le dit que trop. A quels mobiles ont obéi les « historiens » du Centre de documentation juive contemporaine qui sont passés de 2.500.000 à 4.500.000, nous ne le savons que trop aussi 23.
Ils n'ont reculé devant rien, et même pas devant la falsification des documents. En veut-on un exemple ?
Dans son Bericht des judischen Rettungscomitees aus Budapest 1942-1945, le Dr Rezso Kasztner, président de ce comité pendant cette période, écrit, p. 30, à la date de mai 1944 :
Ce rapport a été publié en juillet 1961 avec une préface du professeur Carlo Schmid, député socialiste au Bundestag, sous le titre Der Kasztner Bericht (Kindler, Munich). Le passage qu'on vient de lire s'y trouve p. 82 dans la transcription suivante :
Le membre de phrase souligné dans la citation tirée de l'original en a été expurgé parce qu'il signifiait que, pendant huit mois, étant hors d'état, les chambres à gaz d'Auschwitz n'avaient pas fonctionné. J'ajoute que, dans ce livre, on ne trouve pas non plus une lettre en date du 23 mai 1944 signée de 6 juifs internés à Theresienstadt (Dr. Franz Kahn, Dr. Erick Munk, Dr. Paul Eppstein, Ing. Otto Zucker, Dr. Erich Oesterreicher et Herr Gert Korbel) dont la photocopie se trouve à l'original et qui dit, des conditions de vie dans ce camp, exactement le contraire de ce qui en a été dit par des « témoins » à la barre du Tribunal de Jérusalem chargé de juger Eichmann *.
Mais, pour en revenir à notre problème de statistiques, si les marges d'erreurs relevées à propos du camp d'Auschwitz se sont reproduites pour tous les autres camps où ont été internés des juifs et pourquoi pas puisque ces marges d'erreurs étaient volontaires et calculées ? c'est à dire peuvent aller du simple au quintuple, on voit ce que devient le chiffre de six millions de juifs exterminés dans des chambres à gaz dont l'existence n'est, au surplus, ainsi qu'on le verra par l'étude du document Gerstein publié en appendice à ce volume, pas plus et pas mieux établie pour les camps de Chelmno, Belzec, Maïdanek, Sobibor et Treblinka (où l'on asphyxiait au gaz d'échappement de moteur Diesel !...) qu'elle ne l'est pour Auschwitz-Birkenau.
Alors, peut maintenant se demander le lecteur,
si l'existence des chambres à gaz n'est pas établie,
ce qui se peut indiscutablement déduire des documents produits
et paraît très vraisemblable si le nombre des morts
peut être ramené de six
millions à un c'est à une réduction [100]
du même ordre de grandeur qu'a procédé l'Institute
of Jewish Affairs du Wortd Jewish Congress lorsqu'il
a ramené à 900.000 Ie nombre des juifs morts à
Auschwitz-Birkenau que signifiait cette concentration de juifs
dans des camps spéciaux et comment a pu naître cette
idée des chambres à gaz ?
L'Allemagne hitlérienne était un État raciste et c'est la réponse à la première question. Or, on le sait, I'État raciste postule L'expulsion de la race minoritaire hors des frontières de la communauté nationale: I'état d'Israël est une autre illustration de ce postulat.
«Seul, disait l'article 4 du programme du Parti national-socialiste en 25 points rendu public à Munich le 24 février 1920, un compatriote 26 peut être citoyen. Celui seul qui est de sang allemand, indépendamment de sa confession, peut être compatriote. Un juif ne peut pas être compatriote...».
Et l'article 5 concluait:
Lorsque, le 30 janvier 1933, le national-socialisme accéda au pouvoir, les juifs allemands se trouvèrent donc automatiquement dotés du Statut des étrangers qui, dans tous les États du monde, les exclut des postes de commandes de l'État ou de l'Économie . Tel est le fondement juridique des lois raciales dans l'Allemagne hitlérienne.
Qu'aucune morale ne puisse justifier une telle mesure, c'est bien évident et point n'est besoin de le démontrer. Mais enfin, par là-même qu'il n'existe aucun état au monde où un étranger soit mis aux postes de commande, ce n'est pas la question. La seule différence entre l'Allemagne hitlérienne et ces autres états, c'est que dans ces autres états, on est étranger en fonction de la nationalité, tandis qu'aux yeux du national-socialisme, on l'était en fonction de la race. Mais, en Israël il n'y a pas non plus d'Arabes qui sont instituteur, fonctionnaire des Finances, administrateur d'un Kibboutz ou ministre. Que ce qui se passe en Israël ne justifie pas ce qui s'est passé en Allemagne, j'en conviens encore ne serait-ce que parce qu'on ne peut pas justifier le mal par le mal mais je ne justifie pas, j'explique et, pour expliquer je démonte un mécanisme: si je cite Israël, c'est seulement pour montrer, à la fois que le mal raciste dans le sens où le national-socialisme entendait le mot, est beaucoup plus grand qu'on ne le pense puisque les champions de cet anti-racisme là en sont aujourd'hui des protago[101]nistes, et par manière de dire que, contrairement à ce qu'on pense généralement, I'Allemagne hitlérienne n'en est pas la seule illustration.
Au niveau de la conjoncture, c'est-à-dire des faits et non plus des principes, il y a pourtant une autre différence entre l'Allemagne et Israël: en 1933, les 500.000 juifs qui y vivaient, qu'elle avait mis de jure hors de la communauté nationale, elle ne put les y mettre de facto, en les conduisant manu militari à une quelconque de ses frontières avec ou sans les 30 kg de bagages devenus légendaires, comme le fit Israël des 900.000 Arabes de Palestine qu'en 1948, il a refoulés en Jordanie. Avec les États modernes, bien organisés, aux frontières bien dessinées, entretenant entre eux des rapports politiques et économiques très précis, I'Europe de 1933 n'offrait pas, sous cet angle, les mêmes facilités à un État raciste que le Moyen-Orient de 1948, dont les États embryonnaires aux frontières mal définies, n'entretenaient au surplus entre eux que des rapports régis par les lois de la jungle: passage des individus d'un pays à un autre y était soumis aux lois de I'immigration et, quand il s'agissait d'une immigration massive comme dans le cas des juifs allemands, il s'appelait un Transfert de Population et était subordonné à des négociations préalables.
Ces négociations, le gouvernement nazi les voulut engager et d'abord sur la base de la Déclaration Balfour 27, avec l'Angleterre à laquelle le Traité de Versailles avait confié un mandat sur la Palestine où le mouvement sioniste international réclamait à cor et à cri le rétablissement de l'État biblique juif dans ses droits. De toutes façons, c'était une utopie et la création de cet État juif en 1948 l'a démontré. A l'époque, les Arabes hostiles ils le sont encore à cette interprétation de la Déclaration Balfour cherchaient à en limiter les applications, voire à les interdire et, pour des raisons de pétrole, I'Angleterre ne les prenait pas de front: avec l'Allemagne, elle ne voulut avoir aucun rapport direct sur le règlement de ce problème et elle la dirige a vers l'Agence juive de M. Chaïm Weizman envers laquelle elle était engagée par la Déclaration Balfour. De son côté, l'Allemagne hitlérienne qui, comme celle de la République de Weimar et comme celle des Kaisers, était décidée à soigner sa popularité commerciale chez les peuples arabes, n'insista pas. Avec l'Agence juive, elle situa le problème sur un plan beaucoup plus vaste que le plan palestinien mais elle ne réussit à passer en 1933 qu'un accord,le Chaïm Arlossaroff's Transfer-Abkommen, disaient les Allemands, le Haara, disaient les juifs qui prévoyait l'immigration en Palestine de tous les juifs en mesure d'y arriver avec 1.000 livres sterling, mais limitée à 1.500 juifs par mois pour tous les autres 28. Telles étaient les conditions imposées par l'Angleterre à l'Agence juive et c'était là l'extrême limite de ce qu'elle pouvait consentir pour ne mécontenter pas les peuples arabes du Moyen-Orient .
Ces 1.000 Iivres sterling par juif constituèrent finalement tout le problème: il y avait environ 500.000 juifs en Allemagne et ils représentaient globalement l'exportation de 500 millions de livres sterling, soit approximativement 3 milliards de marks. C'était, à peu de choses près, à ce chiffre que le Dr. Schacht évaluait la fortune totale des 500.000 juifs allemands: 2 à 3 milliards de marks, disait-il. On n'engagea cependant pas les négociations sur la somme, car une autre difficulté préalable était à surmonter: tandis que l'Allemagne hitlérienne déclarait dans l'impossibilité d'exporter d'un seul coup une telle masse de capitaux qui correspondait à près de deux fois son budget annuel et demandait que le règlement se fît à longue échéance sur la base d'accords économiques de compensation, non seulement avec l'Angleterre impliquée dans l'affaire par la Palestine, mais encore avec n'importe quelle autre nation, ces autres nations et l'Angleterre laissaient clairement entendre que si elles étaient disposées à accueillir les juifs allemands et même à envisager une somme qui pourrait sans doute être inférieure, quoique très peu, à la moyenne fixée de 1.000 livres sterling par tête, il ne leur était par contre pas possible d'entamer quelque négociation que ce soit, si l'Allemagne ne prenait d'abord l'engagement de les laisser exporter avec eux la somme sur laquelle on tomberait d'accord. Et tout s'écroula. La dernière tentative dans cc sens fut faite en novembre 1938: mandaté par Hitler quoique déjà en disgrâce, le Dr. Schacht se rendit personnellement à Londres. En vain.
Or, il était exact que l'Allemagne de 1933 ne pouvait exporter sans accord de compensation et sans délai une somme de trois milliards de marks, ni même de deux : à l'époque, ni la France, ni l'Angleterre ni même peut-être les États-Unis ne l'eussent pu.
Voici donc ce qui se passa: dès 1933, I'Agence juive fut autorisée à ouvrir à Berlin un Bureau central d'immigration juive 29 pour dis[103]tribuer, sous contrôle nazi, les 1.500 passeports 30 mensuels pour la Palestine autorisés par l'Angleterre . Par là même qu'aucun accord de compensation n'avait pu être conclu, aucun passeport ne put être délivré qui comportât l'exportation de la contre-valeur de 1.000 Iivres sterling . Mais pour les autres, I'Agence juive et les nazis tombèrent d'accord pour forcer un peu la dose et en distribuer plus de 1.500 (sous le couvert de fausses nationalités d'emprunt, notamment) et d'autre part, les nazis facilitèrent un courant d'émigration clandestine tant et si bien qu'à la déclaration de guerre, environ 300.000 juifs et non les seuls 108.000 autorisés par le Chaïm-Arlossaroff's Transfer-Abkommen ou accord de Haara, avaient réussi à quitter l'Allemagne.
A la déclaration de guerre, une autre complication était intervenue et l'expérience était sur le point de tourner court: en mars 1939. l'Angleterre avait décidé de ne plus accorder, en tout et pour tout, que 75.000 autorisations d'émigrer en Palestine pour les cinq années à venir.
Cet aspect peu connu des choses très soigneusement tenu sous le boisseau par les «historiens» du Centre de documentation juive contemporaine et quelques autres aussi est révélé par un certain nombre de documents et notamment ceux qui portent les références N.G. 1889 (Note du Ministère des Affaires étrangères en date du 10 mars 1938, produit au procès de la Wilhelmstrasse) et P.S. 3558 (Rapport du même Ministère en date du 25 janvier 1939, produit au premier procès de Nuremberg).
Pendant toute cette période, le régime qui fut appliqué aux juifs allemands par le régime fut celui d'une minorité de citoyens défavorisés et humiliés », nous dit M. Joseph Billig 31 du Centre de documentation juive contemporaine qui ajoute quelques phrases plus loin que «I'activité des juifs dans l'économie allemande ne fut pas sérieusement entravée » et, à propos des juifs autrichiens tombés sous la coupe nazie en vertu de l'Anschluss « qu'il s'agissait encore d'une action assez anodine ».
Si l'on sait que c'est justement pendant cette période que furent prises à leur encontre toutes les mesures législatives raciales publiquement promulguées le 15 septembre 1935 au congrès de Nuremberg du parti nazi et si on le compare à la montagne de littérature indignée et vengeresse dont ces mesures raciales ont fait l'objet dans le monde, ce jugement, très modéré, ne peut manquer de surprendre sous la plume d'un Israélite. Inadvertance ?
En novembre 1938, tout changea brusquement : I'assassinat le 7 de ce mois à Paris, du conseiller d'ambassade vom Rath, par un jeune juif nommé Grynspan qui provoqua en Allemagne la nuit d'horreur et de cauchemar du 9 au 10 novembre 1938, caractérisée par une véritable chasse aux juifs, le pillage et le saccage de leurs magasins, le bris de leurs vitrinesd'où le nom de Kristallnacht ou Nuit du cristal que lui ont donné les Allemands les molestations sans mesure et sans nombre, etc 32.
Sur les conditions dans lesquelles ces manifestations se sont produites, nous ne disposons que d'un seul document officiel et certain: le rapport du juge suprême du parti national-socialiste , Walter Buch, chargé de l'enquête (Doc. P.S. 3063 portant la date du 13 février 1939, Nur. T. XXXII, pp. 20 à 29) et de présider le Tribunal qui devait juger les 174 membres du Parti arrêtés dès le 11 novembre sur ordre de Heydrich pour les avoir organisées et y avoir participé. Dans ces 174 personnes ne figuraient que des cadres subalternes, tous les cadres dirigeants, le gouvernement, les accusés et le Führer lui-même ne les ayant apprises qu'après coup et les ayant désavouées à l'exception de Goebbels qui, ne les ayant apprises qu'après coup comme les autres et n'y ayant pas davantage participé, s'en félicita.
C'est en effet Goebbels qui en eut connaissance le premier. Le 9 novembre 1938, comme tous les ans, les chefs du Parti étaient réunis à Munich, pour la commémoration du putsch de 1923. Tard dans la soirée, Goebbels fut télégraphiquement informé que des graves démonstrations antisémitiques se déroulaient dans les provinces de Hesse , de Magdebourg et un peu dans toute l'Allemagne. Après un bref colloque entre les principaux dignitaires du Parti et le Führer , à 1 h. 20 de la nuit, un télégramme fut envoyé par Heydrich à tous les bureaux de police de toute l'Allemagne (Doc. P.S. 3051 Nur. T. XXXI pp. 515 à 519) : il enjoignait à tous les commissaires de police d'entrer immédiatement en rapport avec les cadres régionaux du Parti pour que les juifs ne soient pas molestés, que leur vie ou leurs propriétés ne soient pas menacées, que leurs magasins ou leurs appartements ne soient pas pillés, etc. en somme que tout continue à se dérouler dans l'ordre et le calme revenus.
Or, voici comment, le 21 novembre 1945, à Nüremberg , ce télégramme dont le but était de mettre fin à des manifestations inattendues, contraires aussi bien à l'esprit du national-socialisme qu'au régime gouvernemental et contre les responsables desquelles des poursuites étaient parallèlement engagées, a été présenté au tribunal par M. Justice Jackson soi-même, à la séance inaugurale:
[105]
Ainsi naissent les légendes...
Mais la Nuit de Cristal ne fut pas la seule conséquence de l'assassinat de vom Rath: par l'importance des troubles qu'il avait provoqués et dont il fallait éviter le retour, cet assassinat fit apparaître la nécessité pour les dirigeants du IIIe Reich d'apporter une solution d'ensemble au problème juif. Comme cette solution traînait depuis cinq ans, on employa dès lors, pour la désigner dans son nouveau style, I'expression «die Endlosung der Judenfrage» à laquelle depuis quinze ans, I'imagination déboussolée de tous les rôdeurs de barrières du journalisme, et les singuliers historiens du centre de documentation juive contemporaine, ont donné tant d'autres significations qui sont autant de faux 34. Tandis que sur ordre de Hitler, le Dr Schacht faisait ses valises pour Londres dans le but d'y renouer avec l'Angleterre et un certain nombre d'états, les négociations au point mort depuis 1933 et qu'une conférence internationale convoquée à Évian le 6 juillet 1938 sur initiative du président Roosevelt n'avait pas réussi à relancer, Göring , lui aussi muni d'un mandat de Hitler convoquait en conférence interministérielle les représentants de tous les ministères du IIIe Reich intéressés par les mesures à prendre dans l'immédiat A cette conférence assistaient entre autres, outre Göring qui présidait, Goebbels (ministre de la propagande), Heydrich (chef du R.S.H.A., repré[106]sentant Himmler), Frick (Ministre de l'Intérieur), Funk (ministre de l'Économie ), Schwerin-Krosigk (ministre des finances), etc... Ouvrant la séance, Göring déclara :
Une discussion sur l'organisation de l'émigration massive des juifs n'aboutit à rien: Goering ne la croyait pratiquement pas possible en raison de l'exportation massive de capitaux qu'elle impliquerait et à propos desquels il ne voyait, au surplus , aucune chance d'obtenir des accords de compensation import -export de la part des autres états 36. Aussi bien, il fallait attendre les résultats de la démarche du Dr Schacht en direction de la reprise des négociations internationales et dont on a déjà vu (p. 102) qu'elle avait échoué.
En fin de compte, on arrêta le principe de trois décrets que prendrait Göring :
[107]
L'assassinat avait ainsi obtenu des résultats analogues à ceux qu'obtinrent plus tard, sous l'occupation allemande en France, ces singuliers résistants qui provoquaient seulement l'arrestation de centaines d'otages et une aggravation du statut d'occupation lorsqu'ils faisaient sauter une pharmacie ou un café au plastic, le plus souvent pour assouvir une vieille rancune personnelle ou assassinaient un soldat allemand dans une rue sombre et déserte, etc. sous prétexte de combattre l'Allemagne ou le nazisme : après le 7 novembre 1938, la vie des juifs allemands, que des négociations internationales sur des propositions raisonnables eussent sauvée, fut rendue encore plus difficile par leur exclusion de la vie économique du pays et ses conséquences la mise sous séquestre des biens juifs et les expropriations, notamment.
En 1939, un autre événement la rendit sans issue : la guerre. D'autant plus sans issue qu'en date du 5 septembre, deux jours après la déclaration de guerre de l'Angleterre et de la France à l'Allemagne M. Chaïm Weizman , président de l'Agence juive écrivit à M. Chamberlain , premier ministre de Sa Majesté la Reine d'Angleterre, une lettre par laquelle il l'informait que « nous juifs, sommes au côté de la Grande-Bretagne et combattrons pour la démocratie » en précisant que « les mandataires des juifs étaient prêts à passer immédiatement un accord pour permettre l'utilisation de toutes leurs forces en hommes, de leurs techniques, de leur aide matérielle et de toutes leurs capacités ». Reproduite dans le Jewish Chronicle du 8-9-1939, cette lettre constituait une authentique déclaration de guerre du monde juif à l'Allemagne et posait le problème de l'internement de tous les juifs allemands dans des camps de concentration comme « ressortissants d'un peuple en état de guerre avec l'Allemagne ». C'est là encore une mesure qui est la règle dans tous les pays du monde en état de guerre... Il faut cependant reconnaître qu'avant même la publication de cette lettre, le gouvernement allemand avait déjà pris toutes les dispositions dans ce sens. Au total, la déclaration de guerre, non pas seulement de Chaïm Weizman , mais surtout de l'Angleterre et de la France à l'Allemagne, mettait fin à tout projet de transfert des juifs sur quelque base négociée que ce soit.
Après la défaite de la France et l'échec des tentatives de paix en direction de l'Angleterre, naquit dans l'esprit des dirigeants nazis cette idée que les juifs pourraient être rassemblés puis transférés dans un territoire colonial français, Madagascar, par exemple. Un rapport en date du 21 août 1942, qui porte la signature de Luther 38, secrétaire d'État aux affaires étrangères du IIIe Reich, conclut à la possibilité de négociations avec la France dans ce sens et fait état de conversations qui se déroulèrent de juillet à décembre 1940 et qu'après l'entrevue de Montoire (13 décembre 1940) Pierre-Étienne Flandin, successeur de Laval aurait fait échouer : durant toute l'année 1941, les Allemands ont conservé l'espoir de reprendre ces négociations et de les conduire à un terme heureux.
C'est pendant la seconde moitié de cette année 1941 que la solution du problème juif prit un tour meurtrier : il y eut d'abord la déclaration de guerre à la Russie, extrémité à l'occasion de laquelle le Dr [109] Goebbels fit répandre le bruit que Hitler y avait été contraint par les juifs qui auraient manoeuvré Staline. Il y eut ensuite le fameux livre Germany must perish d'un certain Theodor N. Kaufman, juif américain dont le moins qu'on puisse dire est qu'il était le signe annonciateur de l'entrée à brève échéance des États-Unis dans la guerre aux côtés de l'Angleterre, de la France et de la Russie.
Dans son livre, Theodor N. Kaufman déclare tout net que les Allemands, du seul fait qu'ils sont Allemands, même antinazis, même communistes, même philosémites ne méritent pas de vivre et qu'après la guerre on mobilisera 20.000 médecins pour stériliser chacun 25 Allemands ou Allemandes par jour de sorte qu'en trois mois il n'y ait plus un seul Allemand capable de reproduire en Europe et qu'en 60 ans, la race allemande soit totalement éliminée du continent. Il affirmait en outre que les juifs allemands étaient de cet avis.
Hitler ayant fait lire ce livre à tous les postes de radio, on devine I'effet qu'il produisit sur l'opinion allemande: j'ai personnellement rencontré des Allemands qui me dirent qu'à partir du jour où ce plan fût connu, on se mit à parler dans le peuple, dans l'armée, dans la police, partout, de la nécessité de liquider physiquement tous les juifs, à exprimer l'espoir que Hitler en donnerait l'ordre et très souvent la conviction que cet ordre avait été donné à Himmler ou à Heydrich 39. Il y avait des gens qui se prétendaient bien informés, qui disaient le tenir d'un tel très bien placé et quand un juif tombait entre les mains d'un pauvre type illettré de policier qui l'avait entendu et le croyait ferme, son cas n'était certes pas enviable. Pour tout dire, la lecture à la radio du livre de Theodor Kaufmann déchaîna la fureur populaire contre les juifs. Et, quand en décembre de la même année, il fallut entrer en guerre contre les États-Unis, ce fut le comble. Tout espoir de reprendre les conversations avec la France s'évanouit à jamais.
A vrai dire, on sentait plus ou moins confusément aussi bien dans le peuple que dans les sphères dirigeantes, bien avant l'entrée en guerre des États-Unis, qu'il faudrait envisager pour les juifs une autre solution que Madagascar et qu'on serait obligé de les garder en Europe jusqu'à la fin de la guerre: la lettre de Göring à Heydrich, du 31 juillet 1941 dont il a été parlé (p. 105, note 34), reflétait sans doute déjà ce sentiment. La déportation des juifs vers l'Est avait commencé le 15 octobre 1941 et la convocation de Heydrich à la conférence de Berlin-Wannsee qui porte la date du 29 novembre 1941 (P.S. 710 - T. [110] XXVI, p. 266) fixait primitivement au 9 décembre cette conférence que les événements ont repoussé au 20 janvier et qui avait pour buut d'organiser la concentration des juifs précisément dans les territoires de l'Est. Mais Hoess nous dit dans son livre Der Lagerkommandant von Auschwitz spricht ... qu'en mai 1941, lorsque Himmler le vint voir à Auschwitz, il projetait encore d'y faire un camp capable de contenir 100.000 prisonniers de guerre qui y travailleraient pour la Défense militaire du Reich et non un camp spécial de regroupement des juifs. En fait, la déportation massive des juifs de toute l'Europe vers Auschwitz et les autres camps de Pologne commença en mars 1942 40. Les ordres portaient qu'ils étaient dirigés vers des camps spéciaux (Sonderlagern) qui constituaient le traitement spécial (Sonderbehandlung) auxquels ils étaient soumis, par comparaison avec la déportation des autres oppositionnels qui étaient dirigés au hasard des possibilités, pêle-mêle, sur n'importe quel camp. La déportation des juifs vers l'Est devint elle-même l'action spéciale (Sonderaktion) ou spécialement dirigée contre eux. Tout cela se fit dans l'atmosphère de haine du juif créée par le livre de Theodor N. Kaufmann et la précipitation des événements vers la «guerre totale» expression qui entra vers _ moment, dans le vocabulaire courant et dont, aux yeux de tous les Allemands, il était censé avoir à la fois inspiré et avoué la préparation [111] par ceux de sa race: cette déportation fut brutale et meurtrière, de cela, tout Le monde convient 41. Les juifs n'en parlaient jamais entre eux qu' avec effroi, avant même de la subir. Et, quand ils la subirent ses effets s'en trouvèrent multipliés par l'appréhension de ce qui viendrait ensuite. Or, à Auschwitz, tout un secteur du camp, Auschwitz III (Monovitz) nous dit Hoess, était affecté à l'I.G. Farben et l'on sait que cette industrie des colorants et des teintures comporte l'utilisation de chambres à gaz. En outre, il y avait dans le camp des chambres de désinfection des vêtements, opération pour laquelle on utilisait précisément le cyclon B... De là à dire que ces chambres à gaz étaient destinées à asphyxier les juifs, il n'y avait qu'un pas que les détenus franchirent dans le camp même 42 et plus allègrement les historiens du centre de documentation juive contemporaine: chaque fois que, dans un texte, ils ont trouvé les expressions Sonderlager, Sondebehandlung 43 ou Sonderaktion, ils ont d'autorité décrété que c'était là un langage de code et qu'il s'agissait de chambre à gaz.
Comme argumentation, c'est un peu frêle et c'est le moins que l'on puisse dire.
Mais les témoins? Jusqu'ici, on a produit Höss, commandant du camp d'Auschwitz dont on a vu ce que valait de témoignage parlé (à Nuremberg) puis écrit (dans sa cellule à Cracovie) entre la menace d'une condamnation à mort et l'espoir d'une grâce ou d'une commutation, au surplus plein de contradictions d'une page à l'autre ou en contradiction avec tous les autres. Gerstein? Après avoir écrit (?) son témoignage, celui-ci a pris la sage précaution de se suicider: sans doute parce que, s'il ne l'avait pas fait, il lui aurait fallu venir soutenir à Nuremberg qu'il y avait eu des chambres à gaz de 25 m2 de superficie et d'1,90 m. de hauteur où l'on réussissait ce tour de force de faire entrer les juifs, par fournées de 750 à 800 pour les asphyxier au gaz d'échappement de moteurs Diesel. Ou bien s'agit-il d'un document de toutes pièces fabriqué pour les besoins de la cause par un minus habens et prêté à un être fictif? Quant au Dr hongrois Miklos Nyiszli qui a vu des chambres à gaz de 200 m. de long et d'une largeur de 1,05 à 2,55 m et tondre les morts qu'on en sortait ou asphyxier à 20.000 par jour en français et 10.000 en allemand, je ne pense pas qu'il soit besoin d'insister. Les autres? Ils ont placé des chambres à gaz qu'ils ont vues en action dans les camps où nous savons aujourd'hui qu'il n'y en avait pas (Dachau) ou bien ils ont vu partir leurs camarades pour des chambres à gaz dont ils ne connaissaient l'existence que par ouï-dire et c'est le cas général, etc. Il reste le malheureux qui prit la suite de Höss comme commandant du camp d'Auschwitz en novembre 1943, qui est actuellement en prison à Francfort et de qui on est en train de préparer le procès: il parlera comme Höss sous la menace d'une condamnation à mort et on se trouvera en droit de faire, sur son témoignage, les mêmes réserves que sur celui de Höss.
Ce n'est pas sérieux.
En tout cas, s'il était un jour établi qu'en plein milieu du XXe siècle, un fait historique de cette importance qui implique de toutes façons la participation, bourreaux et victimes mêlées, de millions de personnes dont six millions sont mortes exterminées dans des chambres à gaz ou d'autre aussi horrible manière ne peut être étayé que par un si petit nombre de documents et de témoins au surplus de qualité aussi douteuse, on pourrait alors affirmer sans aucune chance de commettre la moindre erreur qu'il s'agit, non pas d'un fait, mais d'un mensonge historique: la plus tragique et la plus macabre imposture de tous les temps.
Définition du crime et du criminel, point de départ et clé de voûte de l'Acte d'accusation, I'article 6 était la pièce maîtresse du Statut de Nuremberg. Par là-même, il impliquait pour l'historien l'obligation d'affronter tous les éléments de cette définition aux faits sur lesquels ils étaient articulés et, pour en donner une image aussi exacte que possible de situer ces faits, à la fois dans leur contexte historique et dans leur contexte juridique : pièce maîtresse du Statut de Nuremberg, cet article 6 le devenait alors aussi de cette étude et c'est ce qui explique la place prépondérante qu'il y tient.
Au terme de son examen, la conclusion qui s'impose, c'est qu'au vrai, il ne s'agit même pas d'une définition, mais tout au plus d'une banale pétition de principe qui déduit les données du problème qu'elle pose de la solution qu'elle lui propose, à savoir : la condamnation d'un seul des criminels arbitrairement choisi entre tous ceux qui l'ont commis. Ceux qui ont désigné ce criminel et décidé de sa mise en jugement étant ceux qui ont, de concert avec lui, créé par le menu toutes les circonstances du crime, donc ses co-auteurs ligués contre lui, on conviendra qu'il ne pouvait rien sortir d'autre de leurs cogitations. Comme ils s'étaient en même temps institués ses juges, la condamnation devenait automatique et les autres articles du Statut n'interviennent plus que pour codifier cet automatisme.
De ces articles qui sont autant de déclarations de nullité des principes et des règles habituelles du Droit, les plus importants ont déjà été cités : celui qui habilite des juges qui sont en même temps parties (art. 1) ; celui qui décrète qu'ils ne pourront être récusés (art. 3), celui qui fait appel à la justice expéditive en imposant un examen rapide des questions soulevées par les charges et de celles-là seulement (art. 18), celui qui délie le Tribunal des règles techniques relatives à l'administration des preuves (art. 19) et celui qui lui donne le droit de tenir pour acquis des faits de notoriété publique sans exiger qu'en soit rapportée la preuve (art. 21). On a vu comment ces deux derniers articles, notamment, ont permis au Tribunal d'accepter au présent affirmatif des documents écrits au conditionnel hypothétique (cf. p. 63 Document Hossbach), qu'il y avait des chambres à gaz à Dachau (cf. p. 78), que 6.000.000 de juifs avaient été exterminés et, d'une manière générale, tout ce qui était raconté sur les camps de concentration par tous les déportés dont la preuve est aujourd'hui faite qu'ils réagissaient alors, bien plus en victimes avides de réparations ou de vengeance qu'en témoins objectifs.
On peut encore citer l'article 20 ainsi conçu:
Car il fallait éviter tout débat scabreux en public et ainsi les accusés se trouvèrent-ils privés de la dernière garantie du droit international qui est le caractère public de la Justice.
Et, quand on aura cité l'article 8, on aura tout dit, le reste n'étant plus que broutille sans la moindre importance. Voici ce que disait cet article 8:
Ainsi les Allemands apprirent-ils en 1945 que, depuis l'accession de Hitler au pouvoir, ils avaient non seulement le droit mais le devoir de se comporter en objecteurs de conscience et en furent-ils informés par des juristes (sic) qui ne reconnaissaient pas ce droit aux ressortissants de leurs propres nationalités 45 et dont aucun ne l'a reconnu en ces termes depuis. De quoi frémir si l'on tient compte que, dans le cas de sa victoire en Algérie ayant fait prisonniers tous les soldats français qui ont combattu contre lui, le F.L.N. Ies eût pu tous condamner par application de cet article 8.
A Nuremberg, tous les avocats excipèrent de ce fait que c'était là ébranler les assises fondamentales de l'État dans son acception universelle, en des termes qu'à l'audience du 13 décembre 1961 du tribunal de Jérusalem, le Dr. Robert Servatius, défenseur d'Eichmann reprit sous cette forme:
Et dans son livre Dix ans et vingt jours, l'amiral Dönitz donne à cet article 8, le commentaire suivant:
Ce qui m'inquiète, ce n'est pas que les assises de l'État soient universellement ébranlées, mais qu'elles le soient de cette façon qui place l'individu dans la situation de se demander, avant d'obéir, non pas si l'ordre est conforme aux impératifs de la justice, mais si celui qui le donne est le plus fort de tous ceux qui, de par le monde, ont reçu, du Ciel ou du hasard, mission de commander.
Car voici la Justice de nouveau installée dans les meubles de la Force qui prime le Droit.
Le Statut de Nuremberg a d'ailleurs connu bien d'autres violations depuis 1945: le comportement de l'Angleterre en Égypte (1952-1954), de la Russie en Hongrie (1956), de la France en Indochine (1945 1954), puis en Algérie (1954-19...), de la Belgique, des États-Unis et de l'O.N.U. au Congo (1958.19....) sans compter Mao-Tse-Tung en Chine et Castro à Cuba, sont autant de crimes au regard de l'article 8 et il n'a jamais été, pour autant, question de réunir un Tribunal à Nuremberg pour y déférer les coupables.
Ne restent plus que les débats...
En donner une image exacte nécessiterait un examen détaillé de la façon dont ils ont été conduits et autant de volumes d'autant de pages qu'il en a fallu pour en rendre compte, soit 23 d'une moyenne d'environ 600 pages chacun sur un format respectable pour le Procès, soit encore 77 pour l'ensemble des 13 procès : malgré le plaisir qu'y prendrait le polémiste que je n'arrive pas facilement à chas[116]ser de moi, c'est là un travail qui sortirait du cadre de cette étude en ce qu'il relève plus du juriste que de l'historien et ne peut, en conséquence, entrer dans mes intentions.
Je pense d'ailleurs avoir cité assez d'exemples assez précis pour donner une idée suffisante des conditions dans lesquelles les articles que j'ai cités ont joué soit pour imposer le silence à la défense (sur des faits par exemple aussi importants et aussi abondamment utilisés à charge par l'accusation que le traité de Versailles), soit pour faire accepter comme authentiques des témoins aussi visiblement faux que le Dr Blaha (cf. p. 78) ou que les Hauptsturmfuhrer Hoettl et Wiscliceny (cf. p. 83), des documents aussi visiblement sollicités que le rapport Hossbach (cf. p. 63) ou aussi visiblement faux que le Rapport Gerstein (cf. en appendice), des statistiques aussi fantaisistes que celles déduites des mémoires de Hoess, commandant du camp d'Auschwitz, au surplus désavoués par leur autour même (cf. pp. 97-98), etc. Rien que pour ce Procès des grands criminels, c'est-à-dire le premier, on relève des centaines de cas de ce genre, dont le nombre et le manque de scrupules des juges ont encore été multipliés par les douze qui ont suivi.
Pour conclure, je voudrais cependant signaler encore deux des 11 règles de procédure annexées au Statut pour pallier ses imperfections au regard du but poursuivi: la règle n· 2 et la règle n· 4.
Sous le titre «Notification aux accusés et droit à l'assistance d'un avocat, la première s'exprime ainsi dans son paragraphe a) :
Rien à signaler en ce qui concerne le paragraphe d). Par contre, le paragraphe c) de la règle n° 4 apporte une restriction importante aux dispositions de la règle n° 2, relativement au droit de recevoir tous les documents mentionnés à l'Acte d'accusation en précisant qu'il les recevra « seulement dans la mesure où les procureurs généraux pourront les mettre à sa disposition. »
Par quoi l'on voit que les rédacteurs du Statut n'avaient reculé devant aucune précaution. Il est juste de dire que cette dernière disposition joua beaucoup plus en matière de « témoins » qu'en matière de « documents » : le nombre de « témoins » qui avaient rédigé des « documents » soit avant de mourir, soit toujours vivants mais que les procureurs généraux ne furent pas « en mesure » d'amener à la barre, est incalculable. Comme par un fait exprès, c'est par ceux-là que les « documents » les plus accablants avaient été rédigés...
Mais c'est surtout sur le contenu de la règle n° 2 que je voudrais attirer l'attention. D'abord, le délai de trente jours fixé pour la remise des documents aux accusés ne fut que rarement respecté : il n'est pas un seul d'entre eux qui, au procès des grands criminels de guerre au moins, ne se soit, à une ou deux audiences au moins, trouvé brusquement en présence d'un document dont il ne lui avait jamais été donné connaissance. Le président s'en tirait alors en déclarant que l'acte d'accusation n'était pas au point : les débats terminés, on s'aperçut que ces petites forfaitures n'empêchèrent pas le jugement d'être, lui, très au point. Et comme le Tribunal jugeait en dernier ressort, la défense n'eut même pas la possibilité d'objecter le vice de forme. Ceci n'est très grave que parce que les décisions de ce premier tribunal de Nuremberg firent jurisprudence pour les douze autres procès qui suivirent : bien plus que par les faits relevés contre eux au Struthof, les médecins de ce camp furent déclarés coupables de ces faits parce qu'ils l'avaient déjà été à Nuremberg, de cette manière ou à peu près.
Il y a plus grave encore. Ici cependant, pour n'être point taxé de parti-pris ou d'exagération, je préfère laisser la parole à quelqu'un qui n'est l'objet d'aucune suspicion dans le clan des justiciers. Voici donc ce que, dans l'Avant-Propos de son livre Le IIIe Reich, des origines à la chute, raconte William L. Shirer sur les moyens de preuves susceptibles de départager les parties en cause:
«Le brusque effondrement du Trois0ième Reich, au printemps de 1945, permit aux vainqueurs de mettre la main, non seulement sur quantité de ses dossiers confidentiels, mais aussi sur d'autres matériaux précieux: journaux personnels, allocutions ultra-secrètes, procès-verbaux de conférences et jusqu'aux sténos des conversations [118] téléphoniques entre chefs nazis, interceptées par un service spécial que Goering avait créé au Ministère de l'Air. Le général Franz Halder, par exemple, notait dans son journal les moindres faits, jour par jour et même heure par heure. Sa minutie nous vaut une source exceptionnelle d'informations précises sur la période allant du 14 août 1939 au 24 septembre 1942, pendant laquelle, chef de état-major général de l'Armée, il fut en contact direct avec Hitler et les autres dirigeants nazis. En dehors de ce document, le plus révélateur de toute cette catégorie, d'autres, bien que moins complets, paraissent tout aussi précieux, comme le journal du petit Docteur, Joseph Goebbels, Ministre de le Propagande et intimement lié à Hitler par leur lutte commune à la tête du Parti, ou . encore celui du général Alfred Jodl, chef des opérations du Haut Commandement des Forces Armées (le fameux O.K.W. Oberkommandt der Wehrmacht). Mentionnons également les dossiers & de l'O.K.W. lui-même et de l'état-major de la Marine. En fait, les 60.000 dossiers constituant les archives navales allemandes saisies au château de Tambach, près de Cobourg, contiennent la quasi-totalité des codes, journaux de bord, journaux personnels, notes de service de la Marine, etc.,. Les 485 tonnes de documents provenant des Affaires étrangères furent saisis par la première armée américaine dans divers châtevux et mines du Hart, au moment même où ils allvient être brûlés sur ordre de Berlin. Etc...
« ...Les révélations ainsi obtenues sont nombreuses et d'un grand choix. C'est notamment le cas des sténos partielles de conférences du Führer, relatives à la situation militaire examinée chaque jour au Quartier général de Hitler, ainsi que du dossier plus complet, de ses conversations familières avec ses vieux compagnons du parti et avec ses secrétaires pendant la guerre. Le premier fut découvert... Par centaines de mille, des pièces nazies ainsi saisies furent hâtivement rassemblées à Nuremberg, en vue du Procès intenté aux principaux criminels de guerre, etc...» (op. cit. pp. 9 et 10 de l'édition française).
Je demande au lecteur de méditer ces données chiffrées : des dossiers de la Marine évalués à 60.000, des documents des Affaires étrangères dont le poids fait au total 485 tonnes, en tout des centaines et des centaines de milliers de documents... A qui fera-t.on croire qu'entre le 8 août 1945, date de la réunion de la commission de Londres et le 14 novembre 1945 trois mois ! les procureurs désignés ont pu examiner cette montagne de pièces à conviction avec assez de sérieux pour en tirer un Acte d'accusation historiquement et juridiquement fondé ? Et que trente jours suffisaient aux accusés et à la défense pour en tirer tout ce qui y figurait à décharge ?
Car, la vérité juridique dont, en l'occurrence, la vérité historique est le seul fondement, c'est tout cela, Et, pour examiner sérieusement tout cela, il faudra sans aucun doute des dizaines et peut-être des centaines d'années à des milliers d'historiens 47.
On reste confondu à la pensée qu'après quelques mois d'étude de cet immense dossier une poignée de procureurs et de juges associés aient pu se déclarer suffisamment éclairés, les uns pour dresser un Acte d'accusation, les autres pour prononcer une condamnation.
Je sais: quinze ans après , le rouge de la honte ne leur est pas encore monté au front.
Je les préviens cependant qu'ayant réussi à faire assassiner le duc d'Enghien sans que la honte lui monte jamais au front, Napoléon lui-même n'a pas échappé au jugement de l'histoire.
Le Procès Eichmann posait un problème délicat. D'une étude qui paraît si peu de temps après le jugement rendu par le Tribunal de Jérusalem, le lecteur attendait sûrement qu'elle en fît mention spéciale. Mais, «si peu de temps», c'est «trop peu de temps» pour que l'historien en puisse donner une image objective et je ne pense pas qu'il soit déjà possible d'ajouter beaucoup aux références que j'y ai faites en cours d'argumentation dans cet ouvrage.
Il ne paraît d'ailleurs pas qu'il ait enrichi le dossier de beaucoup d'éléments nouveaux. Des documents qui ont été produits par l'accusation, il n'est aucun qui ne l'ait déjà été à l'un ou à l'autre des treize Procès de Nuremberg. Les témoins qui ont défilé à la barre, n'ont rien dit d'autre que ce qui y avait été dit et dans les termes mêmes. Beaucoup d'entre eux ne sont venus que pour y réciter, non pas ce [120] qu'ils avaient vu, mais ce que, visiblement ils avaient lu dans l'un ou l'autre des innombrables livres publiés depuis quinze ans sur la question: ceux qui sont venus attester l'existence des chambres à gaz à Bergen-Belsen, celui qui a vu Eichmann écouter avec plaisir, le 18 juillet 1942, le compte rendu des opérations d'asphyxie par les gaz à Auschwitz alors qu'à cette date il n'existait dans ce camp ni chambres à gaz, ni fours crématoires, puisque tout cela n'a été, les documents officiels le prouvent, commandé que le 8 août 1942 à la Maison Topf und Söhne d'Erfurt (cf. p. 86), etc. Il n'est pas jusqu'au jugement qui n'ait été, longtemps à l'avance, aisément prévisible.
Le quatorzième Procès de Nuremberg, en somme.
Et s'il se distingua des autres, il semble bien que ce ne soit que par ceci : les conditions dans lesquelles il a pu avoir lieu, la procédure selon laquelle il s'est déroulé n'ont fait qu'ajouter les forfaitures du Droit israélien à celles du Statut de Nuremberg.
On trouvera, cependant, au chapitre suivant, le maximum de ce qu'il est déjà possible d'en dire.
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<Tout individu a droit à la liberté d'opinion
et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être
inquiété pour ses opinions et celui de chercher,
de recevoir et de répandre, sans considération de
frontière, les informations et les idées par quelque
moyen d'expression que ce soit>
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adoptée par l'Assemblée générale de
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