AAARGH
L'énorme ouvrage que Jean-Claude Pressac consacre aux chambres à gaz homicides d'Auschwitz et de Birkenau est paru il y a plus d'un an. S'il avait réellement apporté la moindre preuve de l'existence de ces prétendues chambres à gaz, les médias du monde entier auraient retenti de la nouvelle. Or, au lieu du vacarme, c'est le silence. L'explication de ce silence tient au fait que l'auteur, loin d'apporter la preuve attendue, prouve involontairement que les révisionnistes avaient raison de conclure de leurs propres recherches que ces chambres à gaz n'étaient qu'un mythe. Ainsi qu'on va le voir, le livre de Pressac est une calamité pour les exterminationnistes, une aubaine pour les révisionnistes.
Depuis 1978, innombrables ont été les livres, les documents, les films censés nous prouver, enfin, la réalité des chambres à gaz hitlériennes. De leur côté, les professeurs ou les chercheurs, qui se portaient de conférences sur l'"Holocauste" en colloques sur la "Shoah", nous promettaient que, sur ce chapitre, on allait voir ce qu'on allait voir. Mais rien en définitive n'est venu combler les espoirs ainsi créés. Rien. Jamais.
Pourtant, la parution de ces livres, de ces documents, de ces films ainsi que la tenue de ces conférences ou de ces colloques étaient généralement accompagnées d'un éphémère brouhaha médiatique ou d'une apparence d'agitation intellectuelle comme s'il se produisait vraiment du nouveau. La fièvre retombait vite mais au moins avait-on, pendant quelques jours, créé l'illusion d'un événement.
Rien de tel avec le livre de Pressac. Le silence, cette fois-ci, est écrasant. Un seul journaliste a commenté l'ouvrage. Il s'agit de l'Américain Richard Bernstein dont l'article est paru dans le New York Times du 18 décembre 1989 (section C, p.11, 14). Le titre de cet article et la photographie extraite du livre et choisie pour illustrer l'article sont significatifs de l'embarras du journaliste new-yorkais. Le titre porte:
Un nouveau livre réfute, dit-on, l'opinion révisionniste sur l'Holocauste (A New Book Is Said to Refute Revisionist View of Holocaust).
La photographie représente une porte de bois avec un encadrement métallique et, au centre, un judas; on note, par ailleurs, des inscriptions à la craie en allemand et en russe. Voici la légende du New York Times:
Une photographie d'une porte de chambre à gaz provenant du livre Auschwitz: Technique and Operation of the Gas Chambers. Un avertissement écrit sur la porte après la libération du camp porte: "Attention! Danger! Entrée interdite!"
Le journaliste est assez honnête pour souligner que l'inscription est postérieure à la guerre mais, ce qu'il ne révèle pas à son lecteur, c'est que cette photographie est présentée par Pressac lui-même dans le chapitre des chambres à gaz... de désinfection (p.50). La vérité oblige à dire que le malheureux journaliste ne pouvait trouver mieux: parmi les centaines de photographies et de documents du fastidieux pensum, il est impossible de découvrir une seule pièce qu'on puisse décemment présenter comme une preuve de l'existence d'une seule chambre à gaz homicide. Le même jour, dans une autre édition du New York Times (section B, p.1, 4), le même article paraissait sous un autre titre:
Auschwitz: un sceptique confirme l'horreur (Auschwitz: A Doubter Verifies The Horror).
Cette fois-ci, R.Bernstein prélevait une photographie qui présentait un plan-projet de crématoire et une photographie qui montrait un petit groupe d'hommes nus sortant d'une grande salle de douches. La première photographie provient de la page 141 du livre où le plan-projet est dit concerner un crématoire sans chambre à gaz homicide. La seconde photographie est extraite de la page 80 où il est dit que ces hommes nus sont des prisonniers qui, les chaussures à la main, passent d'une salle de douches vers la "Salle de séchage; Côté propre", et cela dans un vaste ensemble de douches et de désinfection.
Le contenu de l'article mériterait d'être intégralement reproduit pour la circonspection de son auteur vis-à-vis de Pressac. Et, comme on le voit, aucune des trois photographies n'illustre la thèse d'une extermination en chambres à gaz.
En France, on note de-ci, de-là quelques brèves mentions du gros ouvrage. On y sent l'expression d'un dernier et fol espoir en une planche de salut. De ce point de vue, le cas de Pierre Vidal-Naquet est déchirant. Cet universitaire aura, durant ces dernières années, soutenu deux auteurs sur lesquels il comptait pour répliquer aux révisionnistes: Arno Mayer et Jean-Claude Pressac ou, comme il le dit lui-même, un historien juif américain "enseignant dans l'université très élitiste de Princeton" et un Français, "pharmacien de banlieue, connaissant et pratiquant la chimie" (Arno Mayer, La "Solution finale" dans l'histoire, Préface de Pierre Vidal-Naquet, La Découverte, 1990, p.VIII)1 . Son collègue et ami Arno Mayer vient de lui jouer un tour pendable en écrivant:
Les sources dont nous disposons pour étudier les chambres à gaz sont à la fois rares et peu sûres (Ibid., p.406)2.
Ce qui fait écrire à P.Vidal-Naquet:
Personne en tout cas, désormais je veux dire: après le livre de Jean-Claude Pressac ne pourra plus parler à propos des chambres à gaz d'Auschwitz de sources "rares et peu sûres" comme le fait Mayer (Ibid., p.IX).
Mais ce que P.Vidal-Naquet préfère passer sous silence, c'est que Pressac, lui aussi, le tourne involontairement en ridicule (voy., ci-dessous, p.86, n.4)!
Ni Arno Mayer, ni Jean-Claude Pressac ne sont parvenus à découvrir la moindre preuve de l'existence de chambres à gaz homicides à Auschwitz ou à Birkenau.
J.C.Pressac est donc pharmacien. Il exerce dans la banlieue parisienne à la Ville du Bois (Essonne). Vers 1979-1980, il avait d'abord offert ses services aux révisionnistes, qui avaient fini par le congédier; vers 1981-1982, il avait ensuite assiégé Georges Wellers, directeur du Monde juif, qui, finalement, s'était débarrassé de lui; enfin, il était allé présenter ses services au couple Klarsfeld qui l'emploie encore aujourd'hui, mais de façon curieuse. Serge et Beate Klarsfeld n'ont pas publié l'ouvrage dans sa version française originale mais dans une traduction américaine. Celle-ci est introuvable à l'adresse indiquée: The Beate Klarsfeld Foundation, 515 Madison Avenue, New York, N.Y.10002. On dirait que ce curieux ouvrage est placé sous clé, en quelques tabernacles, et qu'il n'est accessible qu'à quelques élus. En janvier 1990, j'en obtenais, par chance, un exemplaire.
En octobre 1990, de passage à Washington, je me rendais dans ces deux sanctuaires de la recherche internationale que sont la Bibliothèque du Congrès et les Archives nationales et, par simple curiosité, je voulus m'y faire communiquer l'ouvrage. Impossible: il était, certes, répertorié dans le fichier général, mais curieusement absent des rayons, sans qu'on pût m'expliquer les raisons de cette absence.
Quand il arrive à Pressac, qui brûle de prendre la parole à la radio ou dans des colloques, d'y faire des apparitions, on a le sentiment que ses cornacs s'ingénient soit à lui couper la parole, soit à le maintenir dans le silence. C'est ainsi que, récemment, invité à un colloque antirévisionniste organisé à Lyon par l'Union des étudiants juifs de France et le Conseil représentatif des institutions juives de France, il a été interdit de parole; un journaliste écrit: "[J.C.Pressac], présent, n'a même pas pu présenter son travail, hier, et il l'a mal pris" (Lyon Matin, 24 avril 1990, p.7).
Ses amis ont de bonnes raisons pour le cantonner dans un rôle d'utilité; ils savent que, dès que Pressac ouvre la bouche, ils ont à craindre le pire pour leur propre cause: tout le monde peut alors se rendre compte que le malheureux pharmacien éprouve de graves difficultés à s'exprimer, soutient une thèse horriblement confuse et manie la gaffe avec un réel bonheur.
Je parlerai longuement de son ouvrage pour les raisons suivantes:
1·L'ouvrage est absurde jusqu'à la loufoquerie et, à ce titre, il constitue une curiosité historique et littéraire que l'historien n'a pas le droit d'ignorer; la fragilité mentale de l'auteur, jointe à son goût pour la manipulation des données, pour les comptes d'apothicaire, pour la poudre aux yeux et pour les affirmations sans preuves constituent pour l'amateur d'insolite un régal en soi;
2·La thèse défendue par Pressac illustre l'état de décomposition où en est arrivée la théorie de l'extermination des juifs; selon notre pharmacien, on ne peut plus soutenir, comme l'ont fait les juges de Nuremberg et les autorités du Musée d'Auschwitz, que les Allemands ont bâti dans ce camp, de propos délibéré, de vastes chambres à gaz, véritables usines à gazer qui, des années durant, auraient impeccablement fonctionné; pour lui, les Allemands auraient bricolé des pièces inoffensives pour les transformer tant bien que mal en chambres à gaz homicides (c'est le cas de deux grands crématoires) et procédé à des gazages improvisés et épisodiques (c'est le cas de deux autres crématoires); en somme, pour reprendre des expressions que j'ai maintes fois entendues dans la bouche de notre homme, il se trouve qu'à Auschwitz et à Birkenau on aurait plutôt bricolé et "gazouillé"; bricolage et "gazouillages": tout Pressac est là;
3·Cette volumineuse compilation est comme une montagne qui aurait accouché d'une souris, et la souris est révisionniste; en effet, le peu de substance qu'on retire de la lecture de Pressac confirme pleinement que les révisionnistes étaient et sont dans le vrai;
4·Pour la première fois, un exterminationniste accepte, du moins en apparence, un débat avec les révisionnistes sur le terrain qui leur est cher: celui de l'argumentation scientifique et technique; l'occasion est trop belle de démontrer l'impuissance des exterminationnistes sur ce terrain-là, aussi.
Pressac a choisi pour son ouvrage un titre trompeur. Il ne consacre en fait pas un seul chapitre aux chambres à gaz homicides et encore moins à la "technique" ou au "fonctionnement" desdites chambres. Il ne cesse d'affirmer que ces chambres ont existé mais nulle part il ne le démontre. Je me livre souvent à l'expérience suivante: je fais ouvrir l'ouvrage à une demi-douzaine de pages différentes et j'invite à constater qu'à chaque fois, immanquablement, ou bien il n'est pas du tout question de chambres à gaz homicides, ou bien il en est question en même temps que d'autre chose ou bien, enfin, il s'agit, d'après l'auteur lui-même, non pas de "preuves" mais d'"indices" ou de "traces" de chambres à gaz. Des chapitres sont dévolus au Zyklon-B, aux installations de désinfection, au Zentral Sauna (grand complexe de douches et de désinfection situé à Birkenau), aux crématoires, aux témoignages, aux révisionnistes, à la ville d'Auschwitz, à la vie privée de J.C.Pressac. Des développements sont consacrés à des détails, toujours confus, de robinetterie, de plomberie, de ventilation, d'escalier, de maçonnerie, de chauffage ou encore à des confidences d'ordre plus ou moins intime, le tout dans le pire désordre et dans un langage constamment embarrassé. Mais, sur les chambres à gaz qualifiées d'homicides, on ne trouve aucun chapitre en tant que tel ni même aucun développement autonome qu'on puisse détacher un instant de cet ensemble pour l'examiner en lui-même.
Pressac veut nous faire prendre des vessies pour des lanternes; ou encore des douches, des chambres à gaz de désinfection, des dépositoires pour des chambres à gaz homicides.
Pressac ne respecte aucunement le plan de son ouvrage. Le désordre est général. Les redites pullulent. Les considérations techniques sont décousues. On était en droit d'attendre, vu le titre de l'ouvrage, un exposé technique, particulièrement documenté, sur "l'arme du crime".
Puisque, selon l'auteur, il a existé à Auschwitz et à Birkenau un nombre considérable de chambres à gaz de désinfection (p.550) et que de telles chambres ne pouvaient pas, pour d'évidentes raisons matérielles, servir à un usage homicide, en quoi une chambre à gaz homicide se distinguait-elle d'une chambre à gaz de désinfection?
Puisque, toujours selon l'auteur, dans tel document (p.28) les mots de "Gaskammer" (chambre à gaz), de "Gastuer" ou de "gasdichte Tuer" (porte étanche au gaz), de "Rahmen" (châssis), de "Spion" (judas) s'emploient communément pour un gazage de désinfection, comment les seuls mots de "gasdichte Tuer" pourraient-ils soudain, dans tel autre document (p.430), apporter la preuve d'un gazage homicide?
Ne risque-t-on pas, à chaque instant, de croire découvrir une chambre à gaz homicide là où, en réalité, il n'était question dans tel document allemand que d'une chambre à gaz de désinfection?
Sans un critère, sans le moindre viatique, nous voici, dès les premières pages d'un livre où règne le désordre, condamnés au doute, à l'incertitude, aux pires méprises, et cela dans un dédale de considérations hétéroclites.
J'attendais avec curiosité la réponse de Pressac à ces questions élémentaires. Non seulement, il ne nous fournit aucune réponse mais il confesse son propre embarras et, comme on va le voir, il invente, pour se tirer d'affaire, une pitoyable explication technique. Voici ce qu'il écrit à ce sujet:
Comme les chambres à gaz homicides et de désinfection utilisant le Zyklon-B avaient été installées et équipées selon le même principe, elles avaient des portes étanches au gaz de caractère identique, fabriquées dans les mêmes ateliers [d'Auschwitz]. La confusion [dont furent victimes les Soviétiques qui, en 1945, présentèrent comme preuves de gazages une chambre à gaz de désinfection] était inévitable vu qu'à cette époque on ne savait pas distinguer entre les deux types de chambres à gaz [...]. La seule différence est dans les portes étanches: il y a à l'intérieur des portes des chambres à gaz homicides une grille hémisphérique protégeant le judas (p.41).
L'auteur reviendra sur ce sujet à la page49 et surtout à la page50, comme s'il détenait là une preuve technique, une preuve matérielle de l'existence de formidables chambres à gaz homicides à Auschwitz. Cette apparence de preuve tient en deux photographies de mauvaise qualité. A gauche, l'extérieur d'une porte étanche au gaz avec un judas et, à droite, l'intérieur de cette même porte avec un judas protégé par une grille hémisphérique. C'est cette grille qui ferait la différence entre une porte de chambre à gaz homicide et une porte de chambre à gaz de désinfection: elle protège le judas; grâce à elle, les victimes n'auraient pu briser le verre par lequel les SS les observaient! A la page50, Pressac n'est pas trop affirmatif et il écrit que cette grille de protection permet de conclure "raison nablement" à un usage homicide ("makes it reasonable to conclude a homicidal use"). Mais, cent-cinquante pages plus loin, il reproduira à nouveau ces deux photographies avec une légende différente; cette fois-ci, s'enhardissant, il déclarera sans ambages qu'il s'agit (indiscutablement) d'une "porte étanche de chambre à gaz homicide ainsi qu'on peut le voir par la lourde grille hémi sphérique protégeant le judas à l'intérieur" (p.232). On a là un exemple caractéristique, chez Pressac, de son incapacité à mettre de l'ordre dans ses remarques, de ses redites perpétuelles, de sa manie de passer de l'affirmation hypothétique à la pure affirmation sur un même sujet. La confusion du lecteur s'accroît quand, encore cent-vingt pages plus loin, celui-ci découvre la photographie d'une porte de bois avec la légende suivante:
Une porte étanche au gaz, presque intacte, dans les ruines de la partie ouest du KremaV [...]. Cette porte n'a pas de judas bien qu'elle ait été utilisée pour des gazages homicides (p.425).
Comment Pressac sait-il alors que cette porte a été utilisée [sic] pour de tels gazages?
Et la confusion pressacoise atteint probablement le comble quand, à la fin de l'ouvrage, la photographie d'un petit bâtiment de briques du Stutthof-Danzig nous est présentée en ces termes:
[...] Cette chambre, utilisée à l'origine pour la désinfection des effets, fut plus tard utilisée comme chambre à gaz homicide. Cet usage mixte est un exemple extrême de la confusion créée sur une période de trente années et, plus encore, par la difficulté de distinguer ou par le refus délibéré de distinguer entre des chambres à gaz de désinfection et des chambres à gaz homicides (p.541).
En fin de compte, le lecteur ne voit plus du tout quelles sont, pour Pressac, les caractéristiques physiques d'une chambre à gaz homicide d'Auschwitz, ni même d'une simple porte de chambre à gaz homicide dans ce camp. C'est notre homme qui, selon son caprice, décide de qualifier d'homicide telle chambre ou telle porte qui, en réalité, pouvaient être totalement inoffensives.
Mais, pour en revenir à cette grille qui le préoccupe si fort, notre pharmacien aurait dû consulter un spécialiste des chambres à gaz de désinfection et lui poser, par exemple, la question suivante: ces grilles ne protégeaient-elles pas tout simplement soit l'extrémité d'un dispositif prévu pour mesurer la température de la chambre, soit un cylindre pour tester chimiquement la densité du gaz dans le local? (Voy. le rapport Leuchter, Annales d'Histoire Révisionniste, n· 5, 1988, p.97, section 17004, et, de J.C.Pressac lui-même, "Les Carences et incohérences du rapport Leuchter", Jour J, La Lettre télégraphique juive, décembre 1988, p.VIII, où se trouve mentionné le "thermomètre" d'une chambre à gaz de désinfection à Majdanek.)
La confusion entre gazages de désinfection et gazages homicides se poursuit avec l'affaire des camions partant d'Auschwitz pour aller chercher des boîtes de ZyklonB à l'usine de Dessau, ville située au sud de Berlin. Pressac cite cinq "autorisations de route", parfaitement connues des révisionnistes (p.188). Dans ma Réponse à Pierre Vidal-Naquet (La Vieille Taupe, 2 e éd., 1982, p.40), je reproduisais le texte d'un message-radio en date du 22juillet 1942 adressé sous la signature du général Glücks au camp d'Auschwitz:
Par le présent [message-radio] j'accorde l'autorisation d'effectuer le trajet aller/retour d'Auschwitz à Dessau pour un camion de 5 tonnes afin d'aller y chercher du gaz destiné au gazage du camp pour lutter contre l'épidémie qui s'est déclenchée.
Les mots allemands sont "Gas fuer Vergasung": du gaz pour gazage. Ici, et dans deux autres documents du même genre, il est expressément question de gazage pour désinfection (22 et 29 juillet 1942 ainsi que 7 janvier 1943). Entre-temps, les 26août et 2octobre 1942, deux autres documents du même genre parlent de "matériel pour traitement spécial" et de "matériel pour le transfert des juifs". Pressac y voit la preuve qu'il s'agissait, ces deux fois-là, de gaz pour tuer les juifs! Il n'en est rien. Il s'agit, comme le montre le contexte général (les trois autres textes de même nature), de gaz pour la désinfection des vêtements ou des locaux à cause de l'arrivée des juifs déportés. Le terme de "traitement spécial" (Sonderbehandlung) désignait ici le "transport" des juifs (Transportierung) (Réponse à Pierre Vidal-Naquet, op. cit., p.24). Plus il arrivait de monde à Auschwitz, plaque tournante pour la réexpédition d'un grand nombre de déportés vers d'autres camps après une période de quarantaine, et plus il fallait de ZyklonB.
Ces six lieux sont, d'abord, le Krematorium-I ou Krema-I (également appelé Altes Krematorium ou vieux crématoire) situé dans le camp principal d'Auschwitz et visité par d'innombrables touristes (présenté comme en état d'origine); ensuite, situés à Birkenau, le Bunker-1 et le Bunker-2 (on ne sait trop où les situer), les Krematorium ou Krema-II et III (à l'état de ruines permettant des investigations) et les Krematorium ou Krema-IV et V (à l'état de vestiges).
Selon Pressac, le Krema-I aurait été conçu dans une intention criminelle et les gazages homicides dans ce crématoire constitueraient un "fait établi". Mais il s'agit là de sa part d'affirmations qu'il n'étaye d'aucun argument, d'aucun document et, dans les trente-huit pages qu'il consacre à ce bâtiment (p.123-160), il se contente essentiellement de rapporter des témoignages de gazages et non des preuves. Ces témoignages, sur lesquels je reviendrai, le laissent pourtant tout à fait insatisfait. Il rappelle, à la suite des révisionnistes, comment, après la libération du camp, les Polonais ont transformé et maquillé ce crématoire pour mieux convaincre les visiteurs de l'existence d'une chambre à gaz homicide. Les supercheries ont été nombreuses. C'est, par exemple, pour cacher certaines d'entre celles-ci que les Polonais, nous révèle-t-il, ont étendu sur le toit un carton bitumé (p.133). La plus belle de ces supercheries, découverte par les révisionnistes et reprise par Pressac (p.147), est celle de la prétendue porte d'entrée des victimes dans la chambre à gaz; en réalité, cette porte avait été ouverte très tardivement par les Allemands comme un accès à l'abri anti-aérien qu'était devenu l'endroit. Bref, pour Pressac, ce que les touristes visitent aujourd'hui est à considérer comme un "authentique symbole des gazages homicides d'Auschwitz" (p.133), c'est-à-dire comme une représentation imaginaire puisque, ici, un symbole n'est pas une réalité et qu'un "authentique symbole" est encore plus loin de la réalité.
Dans sa conclusion, il réalise un véritable tour de bonneteau. Il en appelle au rapport Leuchter comme à la preuve matérielle la seule de la réalité de gazages homicides en cet endroit. Il dit que Fred Leuchter, dont il décline les qualifications, a prélevé sept échantillons de briques et de ciment et qu'à l'analyse six d'entre eux ont révélé la présence de cyanure; puis il écrit en caractères gras:
Ces résultats, virtuellement tous (6 sur 7) positifs, prouvent l'usage d'acide cyanhydrique dans la Leichenhalle du Krematorium-I, d'où son usage en tant que chambre à gaz homicide (p.133).
Pressac s'abstient de dire que Leuchter
a abouti exactement à la conclusion inverse: pour ce dernier, il n'a existé, ni pu exister de chambre à gaz homicide en cet endroit;
a fondé sa démonstration sur une série de constatations physiques;
a renforcé cette démonstration par des analyses chimiques confiées à un laboratoire américain; ces analyses ont révélé que, dans la prétendue chambre à gaz homicide, les quantités de ferrocyanures étaient, soit nulles, soit infinitésimales par comparaison avec l'échantillon prélevé dans une chambre à gaz de désinfection, reconnue comme telle par les autorités du musée, et qui révélait une quantité de ferrocyanures égale à 1050mg par kilo, c'est-à-dire, en moyenne, 133 fois plus que les quantités trouvées dans les prétendues chambres à gaz homicides.
Je reviendrai plus loin sur le rapport Leuchter et l'usage qu'en fait Pressac3. Notons, pour l'instant, que notre homme utilise à son profit ce rapport et les analyses chimiques qu'il contient. Georges Wellers agit de même (voy. "A propos du "rapport Leuchter" et les [sic] chambres à gaz d'Auschwitz", Le Monde juif, avril-juin 1989, p.45-53), qui estime que "les résultats des analyses chimiques sont obtenus par un spécialiste très compétent et consciencieux [Fred Leuchter]" mais que "sa compréhension du problème posé est au-dessous de tout" (Ibid., p.48). P.Vidal-Naquet abusait donc de la crédulité générale quand, devant un parterre d'élèves du lycée Henri IV, à Paris, il déclarait, le 24 septembre 1990, à propos du rapport Leuchter:
C'est un document grotesque qui ne démontre rien. Wellers et Pressac ont dit ce qu'il faut en penser.
Ajoutons que Pressac dit que Leuchter a été "commissionné" par les révisionnistes, laissant ainsi entendre que ceux-ci ont été pris à leur propre jeu et que l'ingénieur américain a cruellement déçu ses "commanditaires". Or, Leuchter a bel et bien démontré que les révisionnistes avaient raison et il a agi en toute indépendance d'esprit, comme un homme qui jusqu'alors croyait à la réalité des chambres à gaz homicides allemandes.
Puisque Pressac admet que les Polonais ont fortement maquillé les lieux, il lui appartenait d'examiner la question des gazages dans la prétendue chambre à gaz telle qu'elle était à l'origine avant tout maquillage, d'après les plans qu'il nous en présente, des plans que j'avais découverts en 1976, publiés en 1980, et dont il m'est redevable. Or, il n'en fait rien parce qu'il lui aurait fallu admettre l'évidence: de vastes opérations de gazage, tout près de la salle des fours et à vingt mètres de l'hôpital SS, auraient tourné à la catastrophe générale.
Le local a pu être désinfecté au Zyklon-B, comme il convient pour un dépositoire où l'on entassait, notamment, des cadavres de typhiques; d'où, sans doute, ces infinitésimales traces de ferrocyanures.
Ni Gerald Reitlinger, ni Raul Hilberg, ni Pierre Vidal-Naquet ne paraissent croire qu'il a existé là une chambre à gaz homicide; quant à Olga Wormser-Migot, elle dit expressément dans sa thèse qu'Auschwitz-I était sans chambre à gaz (homicide) (Le Système concentrationnaire nazi (1933-1945), PUF , 1968, p.157).
Pressac est donc peut-être le dernier tenant de la "chambre à gaz homicide du Krema-I". Du moins officiellement, car, en privé, devant Pierre Guillaume et moi-même, je me souviens qu'il en faisait des gorges chaudes.
Pour ce qui est du Bunker-1, il admet qu'en fin de compte même l'emplacement matériel nous en est inconnu (p.163). Il ajoute qu'on ne possède ni traces matérielles, ni plan d'origine (p.165). Quant aux charniers qui auraient été proches de ce Bunker et dont l'odeur aurait été insupportable, il estime qu'ils sont un produit de l'imagination des "témoins" et que l'odeur en question était celle de bassins de décantation (p.51, 161).
Pour le Bunker-2, on n'aurait pas non plus de preuves. Pressac pense avoir retrouvé les vestiges de cette maison et il ne fournit que des "témoignages" qu'il juge lui-même peu plausibles; ces témoignages sont parfois accompagnés de dessins; s'y ajoutent de vagues plans de situation dus à une commission soviétique (p.171-182).
Le bilan jusqu'ici établi par Pressac est effrayant si l'on songe qu'une bonne partie de l'histoire des gazages homicides d'Auschwitz est fondée sur la certitude que des Allemands ont procédé en ces trois points (Krema-I, Bunker-1, Bunker-2) à des gazages massifs. Cette certitude, dont on voit aujourd'hui qu'elle n'était fondée sur aucune preuve, a envahi les livres d'histoire et les rôles des prétoires: des Allemands ont été condamnés en grand nombre pour ces prétendus gazages dans le Krema-I, dans le Bunker-1 et dans le Bunker-2.
Le Krema-II aurait été conçu SANS chambre à gaz homicide (p.200). C'est là que la thèse pressacoise diffère totalement de la thèse traditionnelle. Les Allemands, selon lui, auraient transformé une inoffensive chambre froide semi-enterrée (Leichenkeller-1) en une chambre à gaz homicide. Ils auraient procédé, pour cela, à des bricolages mais sans modifier la ventilation; celle-ci serait restée conforme à celle d'une chambre froide avec évacuation de l'air vicié par le bas; elle aurait donc été contraire à celle d'une chambre à gaz à l'acide cyanhydrique, où l'air chaud et le gaz auraient exigé une évacuation de l'air vicié par le haut.
Le Krematorium-II aurait fonctionné comme chambre à gaz homicide et comme installation de crémation du 15 mars 1943, avant son entrée en service officielle le 31 mars [1943], jusqu'au 27 novembre 1944, "anéantissant un total d'approximativement 400.000 personnes, la plupart d'entre elles étant des femmes, des enfants et des vieillards juifs" (p.183).
Pressac n'offre pas de preuves à l'appui de telles affirmations. Il affirme même que l'extermination "industrielle " des juifs à Auschwitz-Birkenau fut "planifiée entre juin et août 1942 et effectivement réalisée entre mars et juin 1943 par l'entrée en service des quatre crématoires" (p.184). Ces dates sont connues pour être celles où les Allemands, alarmés par les ravages du typhus, ont décidé de bâtir ces crématoires, puis ont fini de les bâtir, mais on ne voit pas ce qui permet à Pressac d'affirmer, en plus, que ces dates coincident avec une décision de gazer et la mise en oeuvre de gazages! Nulle part il ne nous révèle qui a pris une pareille décision, quand, comment, pourquoi, quels auraient été les autorisations, les instructions, les crédits financiers et, aussi, quels sont les gens qui, sur place, auraient été réquisitionnés pour une telle entreprise et qu'il aurait bien fallu mettre au courant des modalités de ce gigantesque assassinat. Il dit qu'on manque de document pour préciser à quelle date la décision a été prise d'une transformation "criminelle" (Ibid.)!
Le Krema-III aurait été, lui aussi, conçu SANS chambre à gaz homicide (p.200). Les Allemands auraient procédé aux mêmes travaux de bricolage que dans le Krema-II. Le Krema-III, lui, aurait fonctionné du 25 juin 1943 au 27 novembre 1944, "tuant environ 350.000 victimes " (p.183).
Les Krema IV et V auraient été conçus AVEC chambres à gaz homicides (p.384). Ils auraient fonctionné, l'un à partir du 22mars et l'autre à partir du 4avril 1943 (p.378) mais ils auraient à peine été utilisés. "Après deux mois, le Krema IV fut complètement hors service. Le Krema-V n'entra en service que plus tard mais ne valut guère mieux" (p.384, 420). La procédure de gazage aurait été "illogique jusqu'à l'absurdité" (p.379) et aurait constitué un vrai "numéro de cirque" pour le SS gazeur (p.386; voy., ci-dessous, p.85-89).
Il importe de rappeler ici qu'en 1982 Pressac soutenait que les Krema-IV et V avaient été conçus SANS chambres à gaz homicides; les Allemands y avaient, selon lui, transformé des pièces inoffensives en chambres à gaz homicides ("Les "Krematorien"-IV et V de Birkenau et leurs chambres à gaz, Construction et fonctionnement", Le Monde juif, juillet-septembre 1982, p.91-131). Il ne nous confie jamais pourquoi il a renoncé à cette thèse pour adopter ici une thèse diamétralement contraire.
En résumé, si l'on en croit notre guide, on obtiendrait, pour les crématoires conçus AVEC ou SANS chambres à gaz homicides, la séquence suivante selon l'ordre chronologique d'entrée en fonction:
Krema-I :conçu AVEC chambre à gaz homicide
Krema-IV :conçu AVEC (thèse Pressac en 1982: SANS )
Krema-II :conçu SANS
Krema-V :conçu AVEC (thèse Pressac en 1982: SANS )
Krema-III :conçu SANS
La logique et la chronologie ne sauraient se satisfaire de tant de caprices et de tant d'incohérences.
Selon notre homme, le Zyklon-B aurait été utilisé à plus de 95% pour exterminer la vermine, qui est longue à tuer, et à moins de 5% pour exterminer les gens, faciles à tuer (p.15). Il ne nous révèle pas comment il est parvenu à déterminer ces quantités. On est loin de l'affirmation des exterminationnistes en général, et de Raul Hilberg en particulier qui assure que:
La presque totalité des approvisionnements d'Auschwitz [en Zyklon-B] servait au gazage des gens; très peu servaient à la désinfection (The Destruction of the European Jews, New York, Holmes and Meier, Revised And Definitive Edition, 1985, p.890; en français, La Destruction des juifs d'Europe, Fayard, 1988, p.771).
On imagine la consternation des exterminationnistes sur ce point comme sur bien d'autres si, au lieu de vanter le livre sans l'avoir lu, ils se mettaient à le lire.
Il est vrai que, selon notre pharmacien, si les Allemands ont utilisé si peu de Zyklon à des fins homicides, c'est que, pour gazer 1million d'hommes (sept cent cinquante mille dans les Krema-II et III et deux cent cinquante mille ailleurs, p.475), il n'en aurait fallu que d'infimes quantités tandis que, pour tuer des insectes, il en fallait beaucoup plus. Pressac tient à ce qu'on le croie sur ce chapitre car c'est pour lui le seul moyen d'expliquer une stupéfiante anomalie physico-chimique: la complète absence de taches bleues dans les locaux d'Auschwitz ou de Birkenau où, paraît-il, on aurait fait usage de Zyklon-B pour tuer des êtres humains dans des proportions industrielles tandis qu'on note la présence, aujourd'hui, de grosses taches bleues dans les murs des chambres à gaz de désinfection au Zyklon-B, que ce soit à Auschwitz, à Birkenau ou dans d'autres camps de concentration. Ces taches bleues des chambres à gaz de désinfection sont dues à la présence, autrefois, d'acide cyanhydrique ou prussique; cet acide est resté dans les murs où, se combinant avec le fer contenu dans les briques, il a donné des ferrocyanures.
Pressac ose affirmer (p.555) que, dans le cas des gazages homicides, l'acide cyanhydrique allait directement dans les bouches des victimes sans avoir le temps de se répandre ailleurs et d'imprégner le plancher, le plafond et les murs. Le gaz ne se serait pas même déposé sur les corps des victimes pour aller ensuite se répandre, par émanation, dans tout le local. Cette naive explication revient à supposer que le gaz cyanhydrique serait, dans ce cas et dans ce cas seulement, constitué de molécules à têtes chercheuses, organisées au point de se répartir la besogne d'aller se perdre directement dans la bouche de chaque personne, et seulement dans cette bouche.
De l'aveu même de ses fabricants, le Zyklon-B (employé dès le début des années 20 et encore en usage aujourd'hui dans le monde entier quoique sous d'autres dénominations) présente l'inconvénient d'être d'une "ventilabilité difficile et longue, vu la forte capacité d'adhérence de ce gaz aux surfaces" (doc. NI-9098). Pressac oublie que, selon sa propre théorie, on aurait gazé dans le seul Leichenkeller-1 (moins de 210m 2 ) du Krema-II 400000 personnes en 532 jours (voy., ci-dessus, p.78), ce qui implique que les gazages d'êtres humains se seraient relayés à grande vitesse et de façon quasi continue. Il sait que l'acide cyanhydrique s'absorbe par la peau (p.25). Tant de cadavres, représentant une surface de peau beaucoup plus vaste que le corps des insectes et imprégnés, qu'on le veuille ou non, du poison cyanhydrique, auraient constitué comme autant de sources d'émanations du redoutable gaz qui serait allé se fixer partout dans le local. Ces cadavres auraient été, de plus, impossibles à manipuler comme on nous le raconte et je ne reviendrai pas ici sur les précautions extrêmes qu'il faut aujourd'hui, dans les pénitenciers américains, au médecin et à ses deux aides, pour extraire de la chambre à gaz à acide cyanhydrique un seul cadavre cyanuré.
Les ruines du Krema-II sont parlantes: elles ne comportent pas la moindre tache bleue de ferrocyanure. Les Allemands n'y ont donc certainement jamais utilisé de Zyklon-B dans les quantités nécessaires pour gazer 400.000 personnes.
Pressac ouvre une énorme brèche dans l'édifice des historiens traditionnels et notamment dans celui de Georges Wellers quand il récuse la thèse selon laquelle, pour camoufler leur crime, les Allemands auraient utilisé un langage secret ou un "code". Il dit à deux reprises qu'il s'agit là d'un "mythe" et s'en explique longuement (pp.247 et 556). Il voit bien que le secret d'un tel massacre aurait été impossible à garder. Il apporte, à la suite des révisionnistes, des documents qui prouvent que les camps d'Auschwitz et de Birkenau étaient en quelque sorte transparents. Des milliers de travailleurs civils se mêlaient chaque jour aux prisonniers (pp.313, 315, 348, ...). De nombreuses firmes civiles, situées en différents points d'Allemagne ou de Pologne, recevaient des commandes, par exemple, pour la construction des crématoires, des chambres à gaz de désinfection ou des portes étanches au gaz. La seule Direction de la construction (Bauleitung) comprenait environ cent employés; des photos montrent des ingénieurs, des architectes, des dessinateurs dans leurs bureaux (p.347) où on le savait bien avant Pressac les plans des crématoires étaient affichés à la vue de tous. Les photos aériennes prises par les Alliés montrent pour Auschwitz, comme d'ailleurs pour Treblinka, que les paysans cultivaient leurs champs tout contre les clôtures des camps. En revanche, il est sûr que les Allemands cherchaient à cacher jalousement leurs activités industrielles à Auschwitz, en vain d'ailleurs. Le paradoxe serait donc le suivant: à Auschwitz, les Allemands se seraient efforcés de dissimuler les activités de toutes leurs usines (armements, pétrole synthétique, caoutchouc synthétique, ...) sauf... de leurs "usines de mort", censées se trouver à l'emplacement des crématoires.
Tout au long de l'ouvrage abondent les affirmations sans preuves et les manipulations.
Quelle preuve l'auteur a-t-il pour reprendre à son compte les affirmations, jamais prouvées jusqu'ici, selon lesquelles le 3 septembre 1941 on a, pour la première fois, utilisé le Zyklon-B dans les caves du Block-11 à AuschwitzI pour y tuer huit cent cinquante personnes (p.132)? Il affirme que, peu après (?), des prisonniers russes ont été gazés dans la chambre froide (Leichenhalle) du Krema-I. Il ne fournit aucune preuve. Il dit que, selon la "confession" de Hoess, ces prisonniers ont été au nombre de 900, puis il glisse les mots suivants: "en fait entre 500 et 700". Le système est caractéristique de Pressac: constatant sans doute que le chiffre de neuf cents est impossible vu la dimension du local, il le "corrige" et, au lieu de dire clairement que c'est à titre d'hypothèse qu'il propose un chiffre moindre, il affirme qu'"en fait" il y a eu de cinq cents à sept cents victimes. Je pense que je pourrais citer une cinquantaine d'exemples de ce procédé qui consiste à invoquer un témoignage incroyable, à le transformer pour le rendre croyable et, finalement, à accorder un peu plus loin au résultat de cette transformation le statut de "fait établi", sans rappeler qu'il y a eu transformation d'un texte à partir d'une hypothèse.
Pressac change les mots, les chiffres, les dates, parfois en prévenant son lecteur de ces changements laborieusement justifiés, parfois sans crier gare. La page 18 offre un exemple de ces procédés. L'auteur y énumère les différentes caractéristiques de l'acide cyanhydrique (HCN , principale composante du Zyklon-B): poids moléculaire, etc. Soudain, dans une liste de quinze caractéristiques il glisse la caractéristique suivante: "Concentration utilisée à Birkenau dans gazage homicide: 12g/m3 (1%) ou 40 fois la dose létale (ou mortelle)". Ce faisant, il donne à croire, dès le début de son livre, que les gazages homicides de Birkenau seraient un fait établi par la science au même titre que le poids moléculaire dudit gaz; et il veut nous faire croire que la science a pu établir au gramme près combien on utilisait de Zyklon à Birkenau pour y tuer un homme! Ce procédé, où se combinent rouerie et aplomb, est d'usage courant chez Pressac. La page 227 contient de surprenantes affirmations. Sans fournir la moindre justification, l'auteur déclare que le Krema-II a servi à gazer des juifs avant même son achèvement (le vestiaire n'était pas achevé) et avant sa livraison à l'administration du camp le 31 mars 1943. Il assène comme des vérités d'évidence qu'environ six mille neuf cents juifs ont été gazés en douze jours. Et il indique avec précision les dates et les quantités respectives: mille cinq cents juifs du ghetto de Cracovie le soir du dimanche 14 mars, deux mille deux cents juifs de Salonique le 20 mars, près de deux mille autres juifs de Salonique le 24 mars et mille deux cents autres le lendemain. Aucune de ces précisions n'est accompagnée d'une indication de source autre que le "calendrier d'Auschwitz" établi par les communistes polonais. Si ces juifs sont bien arrivés au camp à ces dates, de quel droit nous affirme-t-on qu'ils ont été gazés? L'accusation portée ici contre l'Allemagne est d'une gravité exceptionnelle et nécessiterait un faisceau de preuves d'une extrême précision.
A maintes reprises, Pressac mentionne "l'ordre donné par Himmler le 26 novembre 1944 de détruire les Krema-II et III de Birkenau", "mettant ainsi fin aux gazages" (pp.115, 310, 464, 501, 533...) mais notre autodidacte ne fait ici que reprendre, sans le vérifier, ce qu'affirment d'éminents auteurs juifs (avec des variations sur les dates). Cet ordre n'a jamais existé mais on comprend qu'il ait fallu l'inventer, d'abord en vue d'expliquer pourquoi, à la libération du camp, on n'a trouvé aucune trace du crime et ensuite pour suppléer de cette manière à l'absence de tout ordre de commencer les gazages.
De quel droit affirme-t-il que Himmler a assisté en personne à un gazage homicide dans le Bunker-2, et cela le 17 juillet 1942 (p.187)? Comment peut-il accuser le Dr Grawitz, "responsable de la Croix-Rouge allemande", d'avoir vu de ses propres yeux l'extermination des juifs (en chambres à gaz, indique le contexte) (p.206)?
Pour commencer, où a-t-il puisé son esquisse de description de la procédure de gazage homicide à Auschwitz telle qu'elle apparaît, par fragments, à la page 16? Cette esquisse est surprenante.
CE QUE LE LECTEUR D'UN OUVRAGE INTITULE Auschwitz , TECHNIQUE ET FONCTIONNEMENT DES CHAMBRES à GAZ ATTENDAIT, C'ETAIT UNE ETUDE APPROFONDIE PORTANT SUR LA TECHNIQUE ET LE FONC TIONNEMENT DE CES EXTRAORDINAIRES ABATTOIRS CHIMIQUES SANS PRECEDENT DANS L'HISTOIRE, PUIS UNE DESCRIPTION COMPLÈTE DE LA PROCEDURE DE GAZAGE D'UN MILLION DE VICTIMES. OR, L'AUTEUR ESCAMOTE LE SUJET . IL NE FOURNIT QUE DES INDICATIONS VAGUES, FRAGMENTAIRES ET DONT ON NE VOIT PAS SI ELLES REPOSENT SUR DES "TEMOIGNAGES", SUR DES DOCUMENTS OU SI ELLES NE SONT PAS SIMPLEMENT LE RESULTAT D'EXTRAPOLATIONS. NULLE PART DANS SON LIVRE IL NE REVIENDRA SUR CE SUJET CENTRAL DE LA PROCEDURE DE GAZAGE. TOUT JUSTE MENTIONNERA-T-IL, MAIS SEU LEMENT à PROPOS DES KREMA- IV ET V, LA PROCEDURE PARTICULIÈRE AUX GAZAGES DANS CES DEUX ENDROITS, UNE PROCEDURE SI ABSURDE QU'IL EN PARLERA COMME D'UN "NUMERO DE CIRQUE" (p.386).
Comment peut-il écrire: "En mai 1942, le gazage à grande échelle des arrivées de juifs par le train commença dans les Bunker 1 et 2 de Birkenau" (p.98), surtout étant donné que, comme on l'a vu ci-dessus, il reconnaît ne rien savoir du Bunker-1 (forme, constitution et même emplacement)?
Comment sait-il que, lorsqu'on versait du Zyklon-B par les orifices de la terrasse du Krema-I, les SS qui étaient dans l'hôpital situé tout à côté s'abstenaient de regarder l'opération car "il était alors interdit de regarder par les fenêtres" (p.145)?
En quoi un amoncellement de chaussures constitue-t-il une preuve qu'il existait des chambres à gaz homicides (p.420)?
Comment peut-il soutenir que les SS auraient envisagé la possibilité d'utiliser alternativement le Leichenkeller-1 et le Leichenkeller-2 comme chambres à gaz (p.233)?
Comment peut-on proférer l'énormité qui trône au sommet de la page 188 (2e colonne)? Pressac y affirme que les "terribles conditions hygiéniques du camp" exigeaient d'énormes livraisons de ZyklonB et que les SS, pour cacher ces conditions, affectaient de demander du ZyklonB... pour l'extermination des juifs; ces demandes étaient adressées à des supérieurs qui auraient eu "une connaissance générale" de cette extermination "sans être informés des détails pratiques"!
S'il avait été honnête, l'auteur aurait dû commencer le développement qu'il consacre aux Krema-IV et V par un rappel de son interprétation de 1982. A cette époque, il avait soutenu dans Le Monde juif (op. cit.) que ces deux Krema avaient été conçus dans une intention non criminelle comme de simples stations de crémation; puis, ultérieurement, les Allemands auraient procédé à des bricolages pour transformer certaines salles de ces stations en chambres à gaz homicides. Encore en 1985, l'auteur soutenait cette thèse (Colloque de l'Ecole des hautes études en sciences sociales [François Furet et Raymond Aron], L'Allemagne nazie et le génocide juif, Gallimard-Le Seuil, 1985, p.539-584).
Mais voici que, dans le présent ouvrage, il opère un retournement à 180·, et cela sans en prévenir son lecteur sinon après coup et en termes obscurs (p.379, 448). Comme Pressac est toujours confus, les lecteurs ne peuvent savoir ni les raisons qu'il avait de soutenir son ancienne thèse (ces Krema ont été conçus sans intention criminelle), ni les raisons qui le conduisent à adopter une nouvelle thèse, diamétralement contraire à l'ancienne (ces Krema ont été conçus dans une intention criminelle)4.
La gêne de l'auteur est considérable. On se demande s'il ne serait pas heureux d'envoyer au diable l'histoire de ces deux Krema-IV et V qui il insiste sur ce point n'auraient, pour ainsi dire, pas fonctionné parce qu'ils étaient si mal conçus et construits que les fours furent rapidement mis hors d'usage (p.384, 420).
Il écrit qu'à la fin de mai 1944 la plupart des membres du Sonderkommando qui vivaient dans une section du "camp des hommes" de Birkenau et donc, ajouterai-je en passant, au vu et au su de tout le monde furent transférés "au Krema-IV, qui fut converti pour eux en un dortoir" (p.389).
Dans la littérature de l'"Holocauste", on présente comme une page d'héroisme la révolte du Sonderkommando juif mettant le feu au Krema-IV, le 7 octobre 1944, par désespoir d'avoir à gazer et à brûler des foules de leurs coreligionnaires. Pressac, pour sa part, doute de la "véracité" de ce récit et dit que le Krema-IV à cette époque n'était qu'un dortoir et que
cette rébellion fut un acte de désespoir de la part de prisonniers qui étaient entassés et inoccupés, qui en avaient trop vu et qui sentaient que leur fin était proche (p.390).
Comme on va tout de suite le voir, la disposition des lieux était telle, dans les Krema-IV et V, qu'elle aurait rendu absurde une opération de gazage homicide.
Prenons l'un quelconque de ces deux Krema. Pour commencer, la foule des victimes aurait été introduite, faute de "vestiaire", dans le dépositoire où déjà des cadavres étaient entassés. Là, les victimes se seraient déshabillées face au spectacle des cadavres. Puis, on les aurait fait entrer dans une antichambre, suivie d'un corridor. Sagement, elles seraient passées devant la pièce du médecin, puis devant une réserve de charbon. Ensuite, à l'extrémité du corridor, on les aurait réparties dans deux "chambres à gaz homicides", dotées, pour chacune d'elles, d'un poêle à charbon dont la bouche de chargement donnait sur le corridor. Enfin, un SS, se trouvant à l'extérieur du bâtiment, serait venu déverser les granulés de Zyklon-B par les impostes placées sous le toit. Vu la hauteur, il aurait eu à se déplacer avec une échelle. Il aurait déployé son échelle et y serait grimpé autant de fois qu'il y avait d'impostes; d'une main, il aurait tenu ouverte chaque imposte et, de l'autre, il aurait versé le contenu d'une boîte de Zyklon-B. Prestement, il aurait refermé l'imposte et serait passé à la suivante. A la suivante, il aurait agi avec d'autant plus de célérité que, le HCN étant moins dense que l'air, les émanations des granulés de la première boîte auraient rendu l'opération plus dangereuse, même si notre SS était muni d'un masque à gaz.
A la fin de l'opération, il aurait fallu soigneusement et longuement ventiler les pièces. Vu la petitesse des impostes et l'absence de tout appareil de ventilation forcée, on ne voit pas comment l'opération aurait pu se dérouler. Il aurait fallu ouvrir les portes et donc inonder de gaz l'antichambre, la pièce du médecin, etc. Les cadavres auraient été extraits de chacune des deux chambres à gaz; il aurait fallu les tirer tout le long du vestibule et passer trois portes successives pour finir... dans le dépositoire où bientôt arriveraient d'autres futures victimes.
En 1982, dans son étude du Monde juif (op. cit., p. 126), Pressac écrivait: "On est stupéfait devant ce bricolage" et il en concluait:
Alors, une évidence s'impose: LES K REMATORIUM IV ET V N'ONT PAS ETE CONçUS COMME INSTRUMENTS CRIMINELS MAIS ONT ETE TRANSFORMES à CETTE FIN [lettres capitales de l'auteur].
Dans son gros ouvrage, il fait une obscure allusion à son sentiment de "1980"; il dit qu'à cette époque il trouvait que l'opération était "illogique jusqu'à l'absurdité" (p.379).
Neuf ans plus tard, notre pharmacien serait-il enfin parvenu soit à s'expliquer cette procédure "illogique jusqu'à l'absurdité", soit à découvrir que les Allemands utilisaient, en fait, une autre procédure, logique, sensée, explicable? Point du tout.
Il commence par raconter que les SS se rendirent compte que leur façon de procéder était "devenue irrationnelle et ridicule" (p.386). Le SS gazeur avait à déverser le Zyklon-B par six ouvertures (Pressac estime qu'il n'y avait pas deux chambres à gaz mais trois, le corridor faisant office de troisième chambre à gaz!). Ce SS, dit-il, avait à monter ou descendre son échelle à dix-huit reprises avec un masque à gaz sur la figure.
Toujours selon notre guide, après deux ou trois gazages conduits de cette manière, la Bauleitung (la Direction de la construction) décida qu'une ventilation naturelle était dangereuse et que l'introduction du poison ressemblait à "un numéro de cirque".
Pour ce qui est de la ventilation, on installa une porte qui eut pour effet, nous assure-t-il, d'empêcher le vent d'ouest de pousser les gaz dans une direction dangereuse et de permettre seulement aux vents du nord ou du sud de ventiler les pièces!
Pour ce qui est du procédé d'introduction du gaz (le "numéro de cirque"), il resta le même, sauf que les impostes furent élargies de 10 cm. Le plus sérieusement du monde, Pressac écrit que
la méthode d'introduction resta la même cependant, les autorités du camp considérant qu'un peu d'exercice physique ferait beaucoup de bien aux soldats du service de santé responsables du gazage .
Ici, comme ailleurs, notre pharmacien fait preuve d'un merveilleux aplomb et il débite son récit sans fournir au lecteur de référence à une preuve quelconque. Où a-t-il vu, par exemple, que les autorités du camp (lesquelles? quand ?) ont décidé que ce "numéro de cirque" était absurde mais qu'"un peu d'exercice physique ferait beaucoup de bien aux soldats du service de santé responsables du gazage" des juifs?
L'une des constantes des écrits de Pressac est la bêtise dont les SS font preuve dans leurs vantardises. Il explique par là beaucoup d'anomalies, d'absurdités, d'inepties contenues dans les récits de gazage homicide. Il est curieux qu'il ne soupçonne apparemment pas que cette "bêtise" pourrait être attribuée à ceux précisément qui nous décrivent ainsi les activités des SS gazeurs. Ou encore, puisque toutes ces opérations seraient empreintes de bêtise, cette bêtise est-elle celle des SS, tels que Pressac nous les décrit, ou celle de Pressac lui-même?
Il est enfin surprenant qu'avant d'en venir à prétendre que les Krema-IV et V possédaient, à coup sûr, des chambres à gaz homicides, il ne se soit pas demandé s'ils ne possédaient pas tout simplement là des douches ou des chambres à gaz de désinfection. Je possède dans mes archives un dessin du Krema-IV ou V, fait par Pressac d'après un plan que je lui avais confié; je vois, en toutes lettres, de la main de notre homme, les mots de "Douches1" et de "Douches2" à l'emplacement de ce qu'il appelle aujourd'hui des chambres à gaz homicides. Et, à la place de sa troisième chambre à gaz, je vois "Corridor".
Sur le chapitre des preuves, Pressac capitule d'emblée.
Il a conscience de son échec; malgré ses rodomontades, il avoue:
Le jour où un dessin ou une lettre récemment découverte permettra d'expliquer la réalité noir sur blanc, les "révisionnistes" seront mis en déroute (p.67).
Cette remarque, qui lui échappe sur un point de détail, pourrait s'étendre à tout l'ouvrage: Pressac espère découvrir un jour un "document allemand spécifique" qui prouvera que les révisionnistes ont tort mais, pour l'heure, il n'a encore rien trouvé de tel.
Il rappelle qu'en 1979 je lançais un défi. Je demandais une preuve, une seule preuve de l'existence d'une seule chambre à gaz homicide. Ce défi, il est incapable de le relever. Le titre du chapitre 8 est éloquent. Il porte:
"Une preuve... une seule preuve": trente-neuf traces criminelles (p.429).
Pour ma part, je m'attendais à trouver un chapitre qui se serait intitulé: ""Une preuve... une seule preuve"? Trente-neuf preuves".
Par "traces criminelles" (criminal traces), il convient d'entendre "traces du crime" ou "indices du crime". Il s'agit, comme le précise l'auteur, de "preuves par présomption" ou de "preuves indirectes".
Pressac nous dit que, faute de "preuve fondée sur des documents incontestables et irréfutables", une preuve "indirecte" (les guillemets sont de lui) "peut suffire et être valable". Il ajoute:
Par preuve "indirecte", je veux dire un document allemand qui ne déclare pas noir sur blanc qu'une chambre à gaz est à fins HOMICIDES , mais un [document] contenant la preuve que logiquement il est impossible pour [cette chambre] d'être quoi que ce soit d'autre (p.429).
Et là-dessus le lecteur se voit proposer trente-neuf preuves indirectes.
Mais revenons un instant à mon défi, à son sens et à ses raisons. Et voyons aussi en quels termes Pressac admet qu'il ne peut fournir ce qu'il appelle lui-même une "preuve directe" ou une "preuve formelle".
Le 26 février 1979, j'avais adressé sur le sujet une lettre en droit de réponse que Le Monde refusa de publier et qui se trouve reproduite dans mon Mémoire en défense contre ceux qui m'accusent de falsifier l'histoire (La Vieille Taupe, 1980, p.100). J'écrivais alors:
Je connais un moyen de faire progresser le débat. Au lieu de répéter à satiété qu'il existe une surabondance de preuves attestant de l'existence des "chambres à gaz" (rappelons-nous la valeur de cette prétendue surabondance pour les "chambres à gaz" mythiques de l'Ancien Reich), je suggère que, pour commencer par le commencement, on me fournisse une preuve, une seule preuve précise de l'existence réelle d'une "chambre à gaz", d'une seule "chambre à gaz". Cette preuve, nous l'examinerons ensemble, en public.
J'étais, cela va de soi, prêt à considérer comme "preuve" ce que l'adversaire lui-même choisirait d'appeler de ce nom. Mon défi s'expliquait par une constatation: les exterminationnistes utilisaient tous le système un peu trop facile des "faisceaux convergents de présomptions" ou encore, comme on disait autrefois, des "adminicules" (éléments de preuve, présomptions, traces). Telle de leurs prétendues preuves, plutôt chancelante, s'appuyait sur une autre preuve, tout aussi fragile. On usait beaucoup de la preuve testimoniale qui est la plus fragile de toutes puisque, comme son nom l'indique, elle ne repose que sur des témoignages. On invoquait "l'essentiel" du témoignage de Kurt Gerstein, en l'appuyant sur "l'essentiel" de la confession de Rudolf Hoess, laquelle reposait sur "l'essentiel" d'un journal personnel où, paraît-il, en termes voilés, le Dr Johann-Paul Kremer révélait, tout en la cachant, l'existence des chambres à gaz homicides. En quelque sorte, l'aveugle prenait appui sur le paralytique, guidé par le sourd. Autrefois, lors des procès de sorcellerie, les magistrats faisaient grand usage des adminicules et, pour condamner les sorciers et les sorcières, se livraient à d'étranges comptabilités où un quart de preuve ajouté à un quart de preuve, lui-même ajouté à une demi-preuve, étaient censés égaler une vraie preuve (le film Les Sorcières de Salem montre un juge se livrant à ce genre d'arith métique). Certes, on ne pouvait fournir de preuve formelle de l'existence de Satan et d'une rencontre avec lui. Il était impossible de prouver son existence comme on prouve celle d'un être humain. Ce n'était pas, pensait-on, de la faute des juges mais précisément de la faute de Satan qui, comme bien on pense, était trop malin pour laisser des traces probantes de ses méfaits. De caractère intrinsèquement pervers, Satan ne laissait, tout au plus, que de vagues traces de son passage. Ces traces ne parlaient pas d'elles-mêmes. Il fallait les faire parler. Des esprits particulièrement sagaces s'entendaient à les détecter là où le commun des mortels ne voyait rien. Pour ces esprits, Satan avait cherché à effacer ses traces mais il avait oublié de supprimer les traces de l'effacement de ses traces et, partant de là, de doctes magistrats, aidés de savants professeurs, parvenaient à tout reconstituer.
Il n'en va pas autrement de tous les procès où, depuis 1945, on a jugé des SS pour leur participation, toujours indirecte, à des gazages homicides. Tels des adeptes de Satan, les SS n'avaient laissé aucune trace des gazages mais des esprits exercés (des Poliakov et des Wellers), témoignant par l'écrit ou à la barre des tribunaux, avaient su déjouer les ruses, dénouer l'écheveau et reconstituer le crime dans toute son horreur satanique; ils avaient tout interprété, déchiffré, décodé, décrypté.
Pressac écrit:
Les historiens "traditionnels" ont fourni à Faurisson une "abondance de preuves" qui étaient virtuellement toutes fondées sur le témoignage humain (p.429).
Il dit aussi qu'on possède nombre de photographies dont certaines passaient traditionnellement pour prouver l'existence de gazages homicides mais il admet qu'aucune d'entre celles-ci "ne peut être présentée comme une preuve définitive" (Ibid.).
Aucun des nombreux plans qu'on possède des Krema d'Auschwitz et de Birkenau n'indique, dit-il, "explicitement" l'emploi de gazages homicides bien que dans des procès on ait utilisé certains de ces plans comme s'ils étaient des éléments à charge explicites (Ibid.).
Restent, dit-il, les divers éléments de correspondances ou divers documents, d'origine allemande, qu'on a, par exemple, utilisés dans le "procès Faurisson"; mais cela ne constituait toujours pas plus qu'un ensemble convaincant de preuves par présomption (Ibid.).
La liste des trente-neuf "traces criminelles" fait songer à un dénombrement (à la manière de Rabelais ou de Prévert) d'objets disparates. On y voit défiler d'inoffensifs termes techniques, appartenant au domaine de l'architecte, du chauffagiste ou du plombier-zingueur, sur lesquels notre pharmacien de la Ville du Bois se torture l'esprit pour découvrir la trace des plus noirs desseins. Pressac n'a pas son pareil pour faire parler les vis, les écrous, les boulons et, même et surtout, les têtes de vis5 . Il serait fastidieux de passer en revue ces trente-neuf indices. Je m'en tiendrai à ceux qui, selon lui, seraient essentiels.
Mais je voudrais auparavant appeler l'attention du lecteur français sur quelques termes techniques allemands qui sont d'un emploi relativement banal.
Pour désigner une chambre à gaz de désinfection (ou une chambre à gaz pour l'entraînement des recrues au port du masque à gaz), les Allemands emploient le mot de "Gaskammer" et, quand le contexte est suffisamment clair, celui de "Kammer". Une porte étanche aux gaz est appelée "Gastuer" (porte à gaz) ou "gasdichte Tuer" (porte étanche au gaz); les Anglais disent "gasproof door" ou "gastight door"; ce type de portes peut être utilisé soit pour des chambres à gaz de désinfection, soit pour des sas (par exemple, sas de salle de fours ou sas d'abri anti-aérien)6 . D'une manière plus générale, une porte étanche au gaz peut se trouver en n'importe quel point d'un édifice où il y a des risques d'incendie ou d'explosion; c'est le cas pour un crématoire où fonctionnent des fours à haute température. Je crois qu'en Allemagne c'est à vérifier les portes des caves où se trouve un chauffage d'immeuble sont, généralement sinon obligatoirement, étanches pour préserver de l'incendie, de l'explosion, des émanations de gaz. "Gaspruefer" désigne le détecteur de gaz. "Brausen" signifie pommes d'arrosage (pour arrosoir, pour jet, pour douches). "Auskleideraum" se dit d'une salle de déshabillage et, dans les installations de désinfection, il s'agit de la pièce où, du "côté sale" (unreine Seite), on se déshabille; il n'est pas impossible, mais je ne l'ai pas vérifié, que, dans un dépositoire, ce même mot s'applique à la pièce où l'on dépouille les cadavres de leurs vêtements. Pressac fera état de l'existence de mots comme "Drahnetzeinschiebvorrichtung", qu'il traduit par "dispositif d'introduction en treillis de fil de fer" et "Holzblenden", "obturateurs ou couvercles de bois"; je ne pense pas que ces mots appellent un commentaire particulier.
En revanche, il est inadmissible qu'au tout début de son ouvrage où il prétend reproduire les termes employés par la Direction de la construction afin de désigner l'épouillage ou la désinfection, il ait noté les mots d'Entlausung, d'Entwesung et de Desinfektion sans profiter de l'occasion pour rappeler que l'un des termes les plus couramment employés par les Allemands pour désigner ce type d'opération est: Vergasung, qu'on traduira par "gazage". Par exemple, pour s'en tenir aux documents cités par Pressac, le document NI-9912, que j'ai été le premier à publier et dont il m'est aussi redevable, ne désigne pas autrement le gazage que par Durchgasung ou Vergasung; ce dernier mot, qui figure au premier paragraphe de la sectionIII, a reçu en anglais la traduction de "fumigation" (p.18, col.D). Dans un document cité par Pressac lui-même, le général Glücks parle de "gaz pour le gazage" du camp en raison de l'épidémie de typhus: "Gas fuer Vergasung" (voy., ci-dessus, p.73-74); quant au commandant Hoess, il désigne les gazages de désinfection par "Vergasungen" (voy., ci-dessous, p.114-115).
Je précise, en passant, que, pour la commodité du lecteur, je traduis "Entlausung" et "Entwesung" de la même façon, c'est-à-dire par "désinfection". Je constate d'ailleurs que, dans le vocabulaire de la Bauleitung ou dans les registres de la serrurerie d'Auschwitz, on a tendance à employer un mot pour l'autre sans toujours distinguer entre l'"épouillage" et la "désinsectisation".
Dans les Krema-II et III, la ventilation de l'ensemble que Pressac ose appeler chambre à gaz homicide alors qu'il s'agissait d'un dépositoire était précisément à contresens et il l'admet de ce qu'elle aurait dû être si du Zyklon-B y avait été employé. Le Zyklon-B est essentiellement de l'acide cyanhydrique, gaz moins dense que l'air. La ventilation aurait donc dû se faire de bas en haut. Or, elle se fait de haut en bas comme... dans un dépositoire. Pressac ne tente pas d'expliquer cette anomalie, qui détruit sa thèse, à la base si l'on peut dire. Il constate et passe outre7.
Une découverte dont il s'enorgueillit, la seule à vrai dire qu'il présente comme "définitive" (p.430) avant de déclarer qu'elle prouve "indirectement" (p.439) l'existence d'une chambre à gaz homicide, est un bordereau de réception du Krema-III pour quatorze pommes d'arrosage (Brausen) et une porte étanche au gaz (gasdichte Tuer). Cédant d'abord à l'enthousiasme, notre inventeur écrit, à la page 430:
[CE]DOCUMENT [...] EST LA PREUVE DEFINITIVE DE LA PRESENCE D'UNE CHAMBRE A GAZ HOMICIDE DANS LE LEICHENKELLER-1 DU KREMATORIUM-III.
En 1986, la revue VSD
avait publié une interview de Serge Klarsfeld sous le titre "Les historiens
du mensonge" (29 mai, p.37). Ce dernier y reconnaissait que
jusqu'à présent "personne ne [s'était]
préoccupé de rassembler des preuves matérielles"
de l'existence des chambres à gaz homicides. A la question:
"Parce qu'il n'y avait pas encore de vraies preuves?"
il répondait
Il y avait des débuts de preuves qui embarrassaient les faurissoniens mais ne les avaient pas encore réduits au silence. Notamment deux lettres analysées par Georges Wellers, et datant de 1943, qui parlaient, l'une d'une cave à gazage, l'autre de trois portes étanches à poser dans les crématoires.
Klarsfeld annonçait qu'allait enfin paraître "un ouvrage monumental de Jean-Claude Pressac sur Auschwitz-Birkenau". Il ajoutait que l'auteur avait trouvé la "preuve des preuves":
au total il a trouvé trente-sept preuves dont une définitive de l'existence d'une chambre à gaz homicide dans le [Krema-III] de Birkenau.
L'interview s'accompagnait de la "preuve irréfutable" avec la reproduction d'un document ainsi décrit:
Sur ce bordereau de réception du [Krema-III] signé par le directeur du camp d'Auschwitz, on lit en tête des deux dernières colonnes: 14 douches (Brausen), 1 porte étanche au gaz (gasdichtetuer).
Klarsfeld déclarait, à propos de cette preuve "définitive" ou "irréfutable", qu'il s'agissait d'
Un document qui mentionne à la fois une porte étanche au gaz et quatorze pommeaux [sic] de douches.
A quoi, il ajoutait en guise de commentaire:
Alors, soyons logiques, s'il s'agit d'une salle de douches, pourquoi cette porte étanche au gaz? La démonstration est imparable.
La démonstration n'était certainement pas imparable et, d'ailleurs, ainsi qu'on le voit, Klarsfeld usait ici d'un procédé rhétorique cher à Pressac: la prétérition (et, qui plus est, sous la forme interrogative).
J'envoyais à la revue un texte en droit de réponse dont la publication me fut refusée.
Pour commencer, cette interview constituait un aveu. Klarsfeld y reconnaissait que, jusque-là, personne ne s'était préoccupé de rassembler des preuves matérielles. Pressac, de son côté, déclarait à la même époque: "On avait jusqu'ici des témoignages et seulement des témoignages" (Le Matin de Paris, 24-25 mai 1986, p.3). Autrement dit, on avait, jusqu'ici, propagé dans le monde entier une terrible affirmation, une atroce accusation contre l'Allemagne, sans véritable preuve, mais seulement avec des "débuts de preuves" ou des "témoignages". L'arme du crime n'avait jamais fait l'objet d'une expertise.
Mon droit de réponse rappelait que des portes étanches au gaz constituaient une banalité et que, par exemple, avant et pendant la guerre, tout local qui, en cas de guerre, pouvait servir de refuge était obligatoirement équipé d'une porte étanche au gaz. J'ajoutais que des portes étanches au gaz n'impliquaient, pas plus que de simples masques à gaz, un gazage homicide.
S.Klarsfeld, embarrassé par le profit que je tirais de son interview dans un texte que je consacrais à Elie Wiesel (Un grand faux témoin: Elie Wiesel, Annales d'Histoire Révisionniste n·4, 1988, p.163-168), commit l'erreur de publier une lettre dans Le Monde juif (janvier-mars 1987, p.1) où il affirma que son interview était d'une "rédaction erronée" sur certains points. Mais il y a des démentis qui valent confirmation et tel était le cas puisque Klarsfeld, aggravant son impair, était alors amené à écrire :
Il est évident que dans les années qui ont suivi 1945 les aspects techniques des chambres à gaz ont été un sujet négligé parce que personne alors n'imaginait qu'un jour on aurait à prouver leur existence.
Pressac avait sous les yeux un bordereau dactylographié, probablement tiré à la ronéo, en de nombreux exemplaires. Des rubriques dans le sens vertical énuméraient les différentes parties d'un bâtiment (pièces, cage d'escalier, couloir, WC , etc.) et, dans le sens horizontal, différents objets (lampes, lustres, lanternes, poêles, fiches de prise de courant, etc.). Dans un sens comme dans l'autre, des espaces étaient laissés en blanc pour des inscriptions complémentaires. Le bordereau en question concernait plusieurs pièces du Krema-III, dont les Leichenkeller-1 et 2. Pour le Leichenkeller-1, censé être la chambre à gaz homicide, on avait noté: douze lampes d'un certain type, deux robinets de prise d'eau, quatorze pommes d'arrosage et (addition portée à la plume) une porte étanche au gaz. Pour le Leichenkeller-2, censé être le vestiaire, on avait noté vingt-deux lampes et cinq robinets.
Pressac tire de la juxtaposition dans une même pièce (partie constituante d'une morgue) de quatorze pommes d'arrosage et d'une porte étanche au gaz la conclusion qu'on se trouve devant une chambre à gaz homicide (!) pourvue de fausses pommes de douche; ces pommes d'arrosage, ajoute-t-il avec un beau sang-froid, seraient "de bois ou d'autres matériaux et peintes" (p.429; voy. aussi p.16)!
Le raisonnement est déconcertant. Pressac l'amorce expressément dans les termes suivants:
Une porte étanche au gaz ne peut être prévue que pour une chambre à gaz [sous-entendu: homicide];
Pourquoi une chambre à gaz [sous-entendu: homicide] possède-t-elle des douches?
Ce raisonnement comporte, en plus de ses sous-entendus, une grave erreur. Une porte étanche au gaz peut se trouver, comme je l'ai déjà dit, en n'importe quel point d'un édifice où, comme c'est le cas pour ce crématoire, il fonctionne des fours à haute température, avec risques d'incendie, d'explosion et d'émanations de gaz. Elle peut aussi se trouver dans un abri anti-aérien, dans une chambre à gaz de désinfection, dans une chambre froide, etc. Enfin, le Krematorium-III a pu posséder, en tout ou partie de son Leichenkeller-1, une salle de douches ou de lavage (tout crématoire possède une salle de lavage des cadavres). D'ailleurs, en un autre passage, Pressac écrit que Bischoff, responsable de la Construction, demanda, le 15 mai 1943, à la maison Topf & fils, spécialiste de la construction des crématoires, de "dessiner les plans pour cent douches utilisant l'eau chauffée par l'incinérateur d'ordures du Krematorium-III"(p.234); nous savons qu'il existait au rez-de-chaussée une salle de douches car le plan est assez détaillé pour l'indiquer; en revanche, le plan du sous-sol n'est pas détaillé et n'indique, pour les Leichenkeller-1 et 2, que leur configuration générale.
Mais Pressac doit être sensible à la faiblesse de son argumentation puisque, son enthousiasme une fois retombé, il écrit, neuf pages plus loin à propos de ce même document:
Ce document est le seul présentement connu qui prouve indirectement [souligné par moi], l'existence d'une CHAMBRE A GAZ HOMICIDE dans le Leichenkeller-1 du Krematorium-III (p.439).
Notons, par conséquent, qu'il s'agit de la seule véritable preuve et que cette preuve est maintenant indirecte, alors qu'auparavant elle était décrétée "fondamentale" (p.429) et "définitive" (p.430). Georges Wellers lui-même, pourtant prêt à se satisfaire des "preuves" les plus frelatées, confessait, dès 1987, son total scepticisme à l'endroit de la valeur démonstrative de ce document révélé l'année précédente par VSD. Il déclarait à Michel Folco:
Bon, et l'histoire des pommes de douche du bordereau, vous savez, ce n'est pas la preuve de quoi que ce soit (Zéro, Interview, mai 1987, p.73).
Aussi longtemps qu'on refusera de procéder aux fouilles complètes des Krema-II et III ou de publier les explications fournies par les ingénieurs-architectes Dejaco et Ertl au procès de Vienne, en 1972, sur la disposition des lieux, on en sera réduit à des spéculations.
Quand Pressac découvre dans un autre bordereau qu'il est question de quatre "dispositifs d'introduction en treillis de fil de fer" et de quatre "obturateurs en bois" pour le Leichenkeller-2, il émet l'hypothèse qu'il y a erreur sur le bordereau et qu'il faut lire Leichenkeller-1 (p.232 et 430). Son hypothèse n'est pas gratuite; elle est fondée sur une constatation matérielle: une photo aérienne montrant, apparemment, quatre ouvertures dans le toit du Leichenkeller-1. Mais il a tort de présenter ensuite son hypothèse comme une certitude et de décider que ces obturateurs appartiennent au Leichenkeller-1 (p.431). Si ces dispositifs avaient servi à introduire des granulés de Zyklon-B jusqu'au sol de la prétendue chambre à gaz, comment aurait-on préservé ces dispositifs des pressions exercées par la foule des victimes et comment le gaz aurait-il pu se répandre dans la pièce? Je rappelle que, dans les opérations de gazage de désinfection, les granulés étaient non pas entassés ou jetés à la volée mais éparpillés sur des napperons pour que le gaz puisse sans contrainte et sans obstacle monter du sol au plafond; après l'opération, le personnel, toujours pourvu de masques à gaz avec un filtre particulièrement sévère, venait, après un long temps d'aération, récupérer les dangereux granulés en prenant grand soin de ne pas en laisser sur place. Enfin, Pressac a l'air d'ignorer qu'en 1988, au procès Zuendel de Toronto, les révisionnistes ont pu montrer que, si les quatre ouvertures apparentes existent bien dans l'ouvrage de Brugioni et Poirier à la date de la reconnaissance aérienne du 25 août 1944, curieusement elles n'apparaissent plus sur la photographie aérienne "6V2" du 13 septembre 1944 non publiée par Brugioni et Poirier. S'agissait-il de taches? de retouches? de décolorations? Il faut lire là-dessus le témoignage de l'expert Kenneth Wilson (Robert Lenski, The Holocaust on Trial, Decatur, Alabama [USA] , Reporter Press, 1990, p.356-360, avec photo de l'expert à son travail, p.361). L'imposant tablier de béton qui constitue le toit du Leichenkeller-1 et qu'on peut aujourd'hui inspecter sur sa face extérieure comme sur sa face intérieure ne porte aucune trace de ces mystérieuses ouvertures. Quant aux colonnes de soutènement, elles étaient entièrement de béton et non pas creuses. Enfin, si le bordereau indique que ces "dispositifs" et "obturateurs" appartenaient au Leichenkeller-2, il est malhonnête de les transposer d'autorité au Leichenkeller-1 comme le fait Pressac sur son "plan récapitulatif pour les crématoires II et III" de la page 431.
Pressac reprend à son compte, mais non sans hésitation, l'argument éculé de la présence du mot "Vergasungskeller" dans une lettre de routine que la Direction de la construction d'Auschwitz adresse aux autorités compétentes de Berlin (doc. NO-4473). Cette lettre, datée du 29 janvier 1943, qui n'a rien de confidentiel et qui ne porte pas même le tampon "Secret", annonce que malgré les difficultés de toutes sortes et, en particulier, malgré le froid on a presque achevé la construction du Krema-II (en réalité, ce Krema ne sera opérationnel que deux mois plus tard). On y précise qu'à cause du gel le toit de béton du Leichenkeller (sans précision de chiffre) n'a pas encore été décoffré mais que cela n'est pas grave, vu que le Vergasungskeller pourra être utilisé comme morgue provisoire (p.211-217, 432). Pour Pressac, l'emploi, dans cette lettre, du mot Vergasungskeller constitue une "énorme gaffe" (p.217), révélatrice de l'existence d'une "cave à gazage homicide" qui ne pourrait être que le Leichenkeller-1.
Comme le mot de "Vergasung" est courant dans la langue technique allemande pour désigner soit le phénomène de gazéification8, soit la carburation d'un moteur, soit le gazage de désinfection (traduit en anglais par "fumigation"; voy., ci-dessus, p.94), on ne voit pas comment, d'une part à Auschwitz, chez l'auteur de la lettre, et, d'autre part, à Berlin, chez le destinataire de cette lettre, une communication de pensée se serait opérée pour comprendre qu'il s'agissait ici, pour la première et la dernière fois, d'un gazage... homicide! Si Pressac a raison de dire, en s'appuyant sur un autre document, que le Leichenkeller en question ne peut pas être le Leichenkeller-2, il a tort de déduire qu'en conséquence il ne peut s'agir que du Leichenkeller1 (qu'il appelle la chambre à gaz homicide). Il n'examine pas sérieusement une autre hypothèse: celle du Leichenkeller-3 avec ses trois pièces.
Si je me place dans le cadre de son hypothèse et si le mot de "Vergasung" est à prendre ici au sens de "gazage", Pressac doit, avant de conclure précipitamment à un gazage homicide, envisager que le mot puisse désigner un gazage de désinfection et, puisque, toujours pour me placer dans le cadre de son livre, il fait grand cas du témoignage du cordonnier juif Henryk Tauber, je lui rappelle que, d'après ce témoignage, tel que le lit Pressac lui-même, on entreposait dans une des pièces du Leichenkeller-3 les boîtes de Zyklon-B. Selon lui, la pièce dont parle H.Tauber serait celle qui, sur les plans que nous possédons, est marquée "Goldarb[eit]"; peut-être estime-t-il que cette pièce, avant de devenir celle où l'on fondait l'or dentaire 9, servait d'entrepôt aux boîtes de Zyklon (voy. p.483 et plan annoté de la page485, chiffre 8) mais peut-être s'agissait-il d'une autre pièce du Leichenkeller-3. Ce qui est sûr, c'est que le matériel de gazage (Vergasung) devait être entreposé, si possible, dans des endroits abrités (de la chaleur et de l'humidité), norma lement aérés et fermés à clé; une cave était recommandée.
Autrement dit, toujours dans le cadre même de ce qu'écrit Pressac, la lettre du 29 janvier 1943 pourrait signifier que le dépositoire ne peut pas encore être utilisé mais qu'en attendant les cadavres peuvent être placés dans l'entrepôt prévu pour le matériel de gazage: dans le Vergasungskeller, c'est-à-dire le "cellier à gazage" (comme on dit Vorratskeller pour le "cellier à provisions").
En revanche, si on faisait de Vergasungskeller une cave à gazage homicide, si cette cave était le Leichenkeller-1, et si les Allemands envisageaient d'en faire un dépositoire à titre provisoire, où aurait-on gazé les victimes? Le Leichenkeller-1 n'aurait pas pu être à la fois une chambre à gaz homicide et un dépositoire.
Je note aux pages 503 et 505 que Pressac croit que j'ai donné dans mes écrits trois affectations successives et différentes au Leichenkeller-1. J'aurais successivement vu dans cette pièce une salle de carburation, puis un dépositoire et, enfin, une chambre à gaz de désinfection. Il n'en est rien. En un premier temps, j'ai rappelé l'interprétation d'Arthur R.Butz pour le mot de Vergasung au sens de "gazéification" ou de "carburation" mais ni Butz, ni moi nous n'avons localisé ce Vergasungskeller qui, de toute façon, aurait dû être proche de la salle des fours et non dans une dépendance éloignée des fours. En un second temps, j'ai rappelé à P.Vidal-Naquet que le mot de Leichenkeller signifiait dépositoire ou chambre froide et je précisais: "Une chambre froide, cela se désinfecte " (Réponse à Pierre Vidal-Naquet, op. cit., p.35). J'ajoutais qu'une analyse chimique pourrait révéler des traces de cyanure puisque le ZyklonB est un insecticide à base d'acide cyanhydrique. Des pièces appelées à contenir des cadavres, en particulier de typhiques, devaient être désinfectées (je rappelle ici que j'use du mot de désinfection aussi bien pour la désinfection proprement dite que pour la désinsectisation).
On notera que R.Hilberg mentionne ce document NO-4473 et en cite trois extraits en allemand mais qu'il s'abstient de reproduire le mot de Vergasungskeller (The Destruction of the European Jews, op. cit., p.885; La Destruction des juifs d'Europe, op.cit., p.767). Je suppose qu'en bon connaisseur de la langue allemande il voyait que, si les Allemands avaient voulu parler d'une chambre à gaz, ils auraient employé les mots de "Gaskammer"ou de "Gaskeller" (?) et non celui de "Vergasungskeller" qu'à moins de malhonnêteté on ne peut traduire par "chambre à gaz". D'ailleurs, parvenu à la fin de son livre, Pressac lui-même se résigne à écrire que le document Vergasungskeller "ne constitue pas une preuve absolue de l'existence d'une chambre à gaz homicide dans la cave du Krematorium-II de Birkenau" (p.505).
A la page 447, au titre de la 22 e "trace du crime", Pressac cite un document qui mentionne, pour le KremaIV, quatre portes étanches au gaz. Pour d'obscures raisons, il décide, cette fois-ci, que ce document ne constitue pas une preuve "concluante" de l'existence d'une chambre à gaz homicide. Cet aveu tend à retirer beaucoup de sa valeur à sa première et fondamentale "trace du crime" où il faisait état de la mention d'une seule porte étanche au gaz sur un bordereau concernant le Krema-III comme s'il s'agissait d'une preuve concluante (voy., ci-dessus, "Quatorze pommes d'arrosage et une porte étanche au gaz", p.95-99).
A la page 456, il nous présente comme 33 e "trace du crime" un document concernant une "clé pour chambre à gaz". Il en conçoit quelque embarras. On le comprend. Imagine-t-on l'emplacement d'une clé dans la porte, étanche, d'un local lui-même supposé être étanche? Il dit que c'est "incompréhensible dans l'état présent de nos connaissances"; mais alors pourquoi fait-il de ce document une "trace du crime"? Cette clé pourrait être celle qui fermait le local où étaient entreposées les boîtes de Zyklon-B.
Toujours à la page 456, il avoue que la 34 e "trace du crime" n'en est pas une, contrairement à ce qu'on croyait. Il s'agit d'une commande concernant "Les garnitures pour une porte avec châssis, étanche, avec judas pour chambre à gaz" (Die Beschläge zu 1 Tuer mit Rahmen, luftdicht mit Spion für Gaskammer). En 1980, dans le procès qu'ils m'avaient intenté, la LICRA et tous autres avaient présenté ce document comme la preuve de l'existence de chambres à gaz homicides. Or, Pressac reconnaît qu'il s'agit ici d'une commande concernant une chambre à gaz de désinfection, comme je l'avais d'ailleurs signalé dans ma Réponse à Pierre Vidal-Naquet, (op. cit., p.80).
Ces 33 e et 34 e "traces du crime" n'auraient jamais dû figurer dans le tableau récapitulatif des "39 traces du crime". En effet, l'une nous est présentée comme "incompréhensible dans l'état présent de nos connaissances" et l'autre prouve, ainsi que le reconnaît Pressac, l'existence d'une chambre à gaz de désinfection et non pas d'une chambre à gaz homicide.
L'histoire des dix détecteurs de gaz, telle qu'on nous la mentionne à la page 432, s'était déjà détruite elle-même à la page 371 où Pressac ne nous cachait pas que la firme Topf & fils, fabriquant des fours crématoires, fournissait normalement des détecteurs de CO et de CO 2 ; pourquoi essayer de nous faire croire qu'une firme de ce genre, recevant une commande de "détecteurs de gaz", aurait compris par transmission de pensée qu'il s'agissait, cette fois-ci, de fournir des détecteurs de HCN (et non de CO et de CO 2 )et... qu'elle aurait été en mesure de fournir un matériel qu'elle ne fabriquait pas?
Aux pages 223 et 432, Pressac découvre qu'à en croire un document du 23 mars 1943 le Leichenkeller-1 des Krema-II et III devait être "préchauffé". Il triomphe. Comment irait-on préchauffer une morgue? Et de laisser entendre que ce qu'on voulait préchauffer c'était... une chambre à gaz homicide. Mais, dix-neuf jours plus tard, soit le 25 mars 1943, les autorités apprennent que ce préchauffage ne sera pas possible (p.227).
A la page 302, Pressac régalait son lecteur d'une histoire de déplacement d'escalier qu'il renonce, vers la fin de son livre, à faire figurer dans les "39 traces du crime".
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