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Paul Rassinier

Candasse

chapitres 1-4

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Première partie:

| ch.1-4 | ch. 5-8 | ch. 9-12 |

Deuxième partie:

| ch. 1-2 | ch. 3-5 | Ch. 6-Apothéose |


Aux ÉDITIONS BRESSANES:

- Passage de la ligne (1948). Epuisé.

- Le Mensonge d'Ulgsse (1950). Epuisé.

NOTA. - Un jugement de la Cour dAppel de Lyon ayant, sur requête d'associations de déportés-résistants, condamné l'auteur à 15 jours de prison avec sursis, 100.000 francs d'amende et 800.000 francs de dommages et intérêts assortis de la saisie et de la mise au pilon de l'ouvrage, Le Mensonge d'Ulysse avait été retiré du commerce. Mais, la Cour de Cassation ayant annulé ce jugement singulier, il vient d'y être remis par Buguet-Comptour, Editeur à Mâcon, et l'Amitié par le Livre qui l'a sélectionné pour ses adhérents.

Aux ÉDITIONS DE LA VOIE DE LA PAIX:

- Le Discours de la dernière chance. (Introduction à une doctrine de la Paix. 1953EN PRÉPARATION.

Le Troisième Testament.

Partis et politiciens devant la guerre.

"Amicus Plato, sed magis amica veritas".

La sagesse antique.

"That is the question".

La sagesse contemporaine.

A Albert CAMUS pour être versé au dossier de l'Homme révolté.

P. R.

AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR

 

Notre Sainte Mère l'Eglise reconnaît sept péchés capitaux: l'orgueil, l'avarice, la luxure, l'envie, la gourmandise, la colère et la paresse.

Ils ont ceci de particulier qu'ils peuvent cohabiter: on peut être tout ensemble orgueilleux, avare, luxurieux, envieux, gourmand, coléreux et paresseux.

Et qu'ils sont rémissibles.

Le huitième ne peut cohabiter avec aucun d'entre eux: il est exclusif de tous, ensemble ou séparément.

Il n'est pas rémissible: on l'apporte en naissant, on l'emporte en mourant.

Et il ne se définit que par ses manifestations.

C'est pourquoi notre Sainte Mère l'Eqlise n'en fait pas état: non possumus, - elle n'a pas réussi à lui donner un nom.

Les hommes non plus, d'ailleurs.

Et pas davantage l'auteur.

D'où cette histoire tirée de l'Histoire dans le dessein d'illustrer à défaut d'avoir pu définir et baptiser.

P. R.

***


CHAPITRE 1


DES AMOURS DE LA DEMOISELLE ET DU TONKINOIS

 

IL était une fois, dans un petit village de Burgondie, une jeune personne de très modeste origine que des circonstances exceptionnellement favorables semblaient avoir promise aux plus belles réussites et à de très grands bonheurs.

La Burgondie était profondément différente de la Westphalie qu'elle prolongeait cependant naturellement de ce côté-ci du Rhin: rattachée à la Franconie, agglomérat de populations hétéroclites en perpétuelle effervescence, les institutions s'y étaient révélées beaucoup moins stables. Quelques [14] guerres accompagnées d'invasions et de reconquêtes savamment mises au point, harmonieusement combinées avec quelques révolutions d'une logique très subtile, trois républiques et les interrègnes, y avaient, en moins de deux siècles, complètement bouleversé l'étiquetage des fortunes et, plus ou moins brutalement, remplacé le Baron par le marchand. Des châteaux, il ne restait que de rares ruines dans l'ombre desquelles proliféraient le taudis, la.villa et l'hôtel particulier dans les villes, la masure et la maison de maître dans les campagnes.

Cet aspect particulier des choses de ce temps explique que la jeune personne en question ne pouvait, ni être la soeur d'un Baron, ni vivre dans un château: ses parents, aux prises avec quelques arpents médiocres et rebelles d'une terre de louage, n'arrivaient que grâce à l'appoint du grapillage et de la mendicité, à maintenir en vie dans le pire dénuement les cinq ou six morveuses et morveux dont elle était l'aînée. Son avenir eût été celui qui découlait de sa condition misérable si, aux environs de sa dixième année, un sien oncle d'une aisance relative n'avait providentiellement surgi dans sa vie.

L'homme, un perspicace qui ne se sentait, au surplus, pas de vertus spéciales pour le destin qu'avec une certaine appréhension, il voyait fondre sur lui, avait su être de son époque. Tout jeune encore et tandis que son frère s'installait mollement dans l'indigence héréditaire, il avait tout planté là dans un coup de tête, et, comme on se jette à l'eau, quitté le pays pour l'aventure. On [15] l'avait perdu de vue, on le croyait mort quand, soudain, il réapparut.

Ainsi apprit-on qu'il avait réussi à s'insérer harmonieusement dans la longue suite des brassements sociaux prétendus idéologiques et culturels, républicains et révolutionnaires. Successivement trimardeur, soldat, colporteur, marin puis agent de ville, il avait d'abord risqué la prison, la maladie et la mort en maintes tribulations. Approchant la cinquantaine, il avait enfin tâté de l'épicerie en gros et, en quelques années, réalisé des bénéfices assez substantiels pour acheter une ferme importante des revenus de laquelle il se proposait désormais de vivre en la donnant à bail.

Sa réinstallation au pays à peine terminée, il dut se rendre à une première évidence: l'état de sa femme qui - faute d'héritier, disaient les médecins - se consumait à égale distance de la langueur et de la neurasthénie, empira sensiblement. Et à une seconde: entre son frère et lui, la progéniture était aussi mal répartie que les éléments du bien-être, ce qui pouvait l'entraîner à des générosités forcées indéfiniment répétées et par conséquent coûteuses. Alliant un peu de décence à beaucoup d'égoîsme, le madré paysan qu'il était resté trouva le moyen de concilier les choses au moindre prix: il adopta son petit torchon de nièce et se décréta en règle avec la famille, le monde et sa conscience.

L'Histoire ne dit rien du comportement du petit torchon dans sa nouvelle situation, sinon qu'elle s'en accommoda très vite et fort bien. Aux yeux de tous, elle devint la Demoiselle et, après avoir, pendant un certain nombre d'années, partagé son [16] existence, dans le respect des Saintes Ecritures, entre la tante qui reportait sur elle sa tendresse refoulée de femme stérile, la servante du curé qui l'utilisait au mieux dans la propagation de la foi et les Petites Soeurs qui lui apprirent les bonnes manières, elle arriva en âge de prendre époux.

Les plus beaux partis se présentèrent, des plus sérieux aux mieux nantis. Elle leur préféra, - point n'eût été fille - un mauvais garçon, grand coureur et beau diseur qui lui faisait des billets à mettre la folie en tête: le Tonkinois ainsi nommé parce qu'il revenait de je ne sais quelle expédition guerrière contre des Bulgares dont on avait découvert la trace en Extrême-Orient.

Entre-temps, l'oncle et la tante avaient pris le sage parti de mourir. Malheureusement, les recors dont la race commençait à proliférer s'étaient jetés sur la succession et, le plus naturellement du monde, l'avaient amputée d'une bonne part. La glèbe saisit cette occasion unique de reprendre ses droits: il fallut congédier le fermier, en lieu et place de qui, le jeune couple s'installa et se mit au travail.

La race des fées, moins favorisée que celle des recors, s'étant depuis longtemps éteinte - faute d'historiographes qualifiés, dit-on - ils eurent beaucoup d'enfants mais ne furent point heureux.

Leur aîné ouvrit encore les yeux dans une atmosphère d'optimisme et de confiance que, les illusions d'un amour tout neuf aidant, les premiers soucis matériels n'avaient pas réussi à troubler. Ils eurent pour lui de grandes ambitions et, donnant dans une superstition alors très courante en Burgondie, pour lui porter chance et forcer le [17] destin, ils voulurent qu'il portât le nom d'une tête couronnée. S'ils le placèrent sous la protection de la reine Candace, bien qu'il fût un garçon, c'est que la résonance du nom l'emporta sur la précision du souvenir quant au sexe de son premier propriétaire, jadis rencontré par la Demoiselle, dans un fort joli conte. A une méconnaissance encore plus grande de l'Histoire de l'Ethiopie, le Secrétaire de la Mairie joignait un amour aussi inconscient qu'immodéré de l'orthographe phonétique: ainsi naquit Candasse de l'union très légitime de la Demoiselle et du Tonkinois, dans un petit village de Burgondie.

Tous les protagonistes de l'événement sont morts sans se douter jamais que, mettant involontairement l'accent péjoratif sur un héros jadis magnifié par un certain Voltaire1, ils avaient si judicieusement baptisé l'Honnête Homme de leur demi-siècle.


CHAPITRE II

OU IL EST QUESTION DES GUELFES, DES GIBELINS ET DES BULGARES


LE parc et le salon, les exercices d'investigation dans les fourrés de l'un et les jeux de paravent dans le confort de l'autre, ne pouvaient figurer au programme des réjouissances possibles, ni de l'enfance, ni de l'adolescence de Candasse.

Par définition.

Les premières notions du comment et du pourquoi des choses, il les acquit en compagnie de sa longue et marmailleuse théorie de frères et soeurs, au contact des poules, des canards et des oies sur [20] le fumier et dans la cour de la ferme, des lapins du clapier et des autres animaux de l'étable, de l'écurie et de la soue. Dans les travaux des champs, il apprit, au fil des saisons, les vertus de l'effort des hommes.

Tandis que la Demoiselle s'épuisait à force de se dédoubler, le Tonkinois s'acharnait à faire mentir sa réputation. Etonnant tout le monde, il avait, dès le départ, pris la direction de la ferme d'une main sûre et il la conduisait vent debout. Malgré toutes ces naissances, il avait réussi à se donner les apparences d'un paysan aisé. A forcer la considération aussi: le complexe d'infériorité dans lequel il vivait à part soi, l'avant enclin à une extrême serviabilité, il ne refusait à personne les ressources d'une expérience qu'il avait bien fallu lui reconnaître. A les entremettre dans les innombrables chicanes sans lesquelles la vie des paysans ne se conçoit toujours pas, il acquit même une telle notoriété qu'un jour, il fut maire du village. Comme il était d'usage en ces circonstances, on dit de lui qu'il avait été porté à la plus haute dignité de la commune par l'estime et la confiance de ses concitoyens. On y croyait: il y crut.

Toute la Franconie était justement en émoi.

A l'intérieur des frontières, les Guelfes et les Gibelins s'entre-déchiraient à nouveau et, à l'extérieur, il y avait toujours des Bulgares.

Les Guelfes et les Gibelins offraient un spectacle curieux. Pendant de longues années, ils pouvaient vivre mêlés les uns aux autres et s'exploitant les uns les autres, sans se préoccuper de savoir qui d'entre eux était Guelfe et qui était Gibelin. Soudain, un colonel jetait un papier dans sa [21] corbeille, un général montait sur un cheval noir, un banquier levait le pied, un canal crevait à la bourse, et les deux camps reconstitués au hasard des affinités personnelles nées de la trêve, se retrouvaient face à face. La guerre s'installait dans tous les villages de toutes les provinces. Quand le conflit menaçait de dégénérer au point de compromettre leurs privilèges, les gens du gouvernement découvraient des Bulgares aux frontières: ils les représentaient aux antagonistes comme un peuple barbare, sans scrupule et sans foi, prêt à venir égorger leurs fils et leurs compagnes, s'emparer de leurs biens et mettre toute la Franconie sous le joug. Généralement, ils n'avaient aucune peine à faire prévaloir cette doctrine: Guelfes et Gibelins redevenaient franconiens et, .avec un bel ensemble, reportaient leur hostilité réciproque sur l'ennemi commun qu'on leur désignait. Il arrivait que cette diversion ramenât le calme. Il arrivait aussi qu'il fallût se jeter sur les Bulgares, soit qu'ils accueillissent mal la plaisanterie et répondissent en prenant les armes, soit que les gens du gouvernement, ayant dépassé le but, y fussent acculés par la seule raison qu'ils ne voulaient pas perdre la face. Dans l'un et l'autre cas, Guelfes et Gibelins réconciliés y allaient d'un fort bon coeur.

Cette fois, le sujet de la dispute avait été choisi à des hauteurs inattendues: le logement de Dieu dans la société des hommes. Il y eut ceux qui le trouvaient trop grand et ceux qui le trouvaient trop petit. Personne ne resta indifférent. Personne non plus ne s'avisa que, si Dieu lui-même ne revendiquait rien et ne protestait pas contre une [22] limitation éventuelle de son espace vital, c'était sans doute qu'il se jugeait au large...

De puissantes lames de fond soulevèrent l'opinion et jetèrent les Franconiens les uns contre les autres. En Burgondie et dans plusieurs provinces, il fallut l'intervention de la force armée, ce qui obligea les gens du gouvernement à prendre parti. Politiques avisés, ils le firent en mettant prudemment en réserve et en les désignant avant la lettre, des Bulgares à la mesure du débat: les Germaniens avec lesquels un Lorrain éminent prétendait depuis près de quarante années qu'il y avait un important compte à régler et qu'ils étaient l'ennemi héréditaire des Franconiens.

Le Tonkinois prit les choses avec une désinvolture assez étudiée pour réserver lui aussi des possibilités de conciliation. Il prétendit que tout ce remue-ménage était sans objet. Au cours de ses voyages, il avait, disait-il, rencontré beaucoup de dieux à plus mauvaise enseigne, qui ne possédaient pas, comme celui de Franconie, près de cinquante mille maisons parmi les mieux bâties et les plus solides, et dont les représentants sur la terre ne faisaient pas tant d'éclats. Il ajoutait que, Dieu étant Dieu, ubiquitaire et tout puissant, il était à la fois ridicule et vain de vouloir légiférer sur le nombre, la nature ou la répartition de ses appartements. Enfin, il lui semblait plus important et plus urgent de faire leur place parmi les hommes, à certains d'entre eux qui, loin d'être aussi favorisés que Dieu, étaient au surplus, moins bien armés pour assurer leur défense personnelle. On ne l'entendit point: sacrilège aux uns, il parut timoré aux autres et, aussi violemment désavoué [23] par les uns que par les autres, il perdit son écharpe de Maire dans l'hostilité générale.

Ses chances de la perdre étaient, il faut le dire, d'autant plus grandes que, sur les rapports des Germaniens et des Franconiens, il avait des idées très personnelles et qu'il les exprimait dans un tour catégorique.

A l'exception de quelques vieillards dans la mémoire défaillante desquels une littérature abondante estompait le tragique de l'événement, au village, il était le seul qui eût une expérience de la guerre, pour l'avoir faite, à vingt ans, contre les Indochinois qui étaient alors les Bulgares à la mode. Et, si on lui parlait des intérêts supérieurs de la Patrie, à son expérience personnelle se superposait alors une expérience familiale qui se concrétisait dans une philosophie: outre son père qu'on avait successivement excité contre les Bulgares de Crimée, puis contre ceux de Prusse, il y avait, dans sa généalogie, un arrière grand'père qui s'était distingué contre tous ceux du monde, au temps d'un certain Napoléon et il trouvait que les conducteurs de peuples manquaient par trop d'imagination.

Les aventures de cet arrière grand'père étaient arrivées jusqu'à lui par le canal de la légende, au cours des longues soirées d'hiver. Recruté sous le Consulat, au moyen de la soûlographie d'usage, il était, parait-il, devenu soldat de métier, et, fait qui ne se reproduisit jamais dans sa descendance, il avait réussi à conquérir des grades dans l'armée. En Bulgarie polonaise, il fit la connaissance d'une jeune autochtone de petite bourgeoisie qui était [24] sa logeuse et qui se consumait auprès d'un très vieux mari.

Ils s'aimèrent éperdument. Au point qu'ils ne purent se résoudre à se séparer: il trouva le moyen de la dissimuler dans ses bagages quand il fallut les plier avec toute la Grande Armée en déroute. En fin d'épopée, mis en demi-solde par la nouvelle dynastie, il estima qu'il n'avait plus de comptes à rendre à personne, l'épousa et vint se retirer en Burgondie où, modeste Cincinnatus, il se remit à la terre. La légende précisait encore qu'il n'eut qu'une fille et que ses affaires prospérèrent étonnamment.

Le hasard voulût qu'un autre recruté, originaire de la Burgondie autrichienne celui-ci, se trouvât parmi les soldats d'un Prince de Schwartzenberg qui fit à ce Napoléon la conduite que l'on sait et qui vint prendre, pour deux hivers, ses quartiers en Burgondie. Or, si peu vraisemblable que ce soit, ce Bulgare n'avait pas de vertus guerrières et, depuis le lendemain de son enrôlement, n'attendait que l'occasion propice de s'évader de son sort. Il jugea qu'il la tenait le jour où un traité décida que les troupes du prince de Schwartzenberg devaient évacuer la Burgondie et rentrer chez elles: il y resta et en ces temps vraiment primitifs, l'amour ne se souciait pas des frontières et le crime de collaboration horizontale n'était pas encore inventé - s'y maria.

Dans la suite des événements, le Tonkinois voyait le symbole de la Patrie future: une vingtaine d'années après un fils du recruté bulgare et la fille du recruté franconien engagèrent les pourparlers d'une paix dont il était le fruit répercuté par trois générations.

[25]

- J'ai du sang bulgare dans les veines, concluait-il chaque fois qu'il racontait cette histoire qu'il trouvait merveilleuse, la terre de mes pères s'étend fort loin...

Candasse grandit dans l'ombre de ces idées. Très tôt, il leur trouva la clarté des évidences et les jugea d'un entendement facile.

Il admirait son père qui paraissait si sûr de lui et qui savait tant de choses.

Et il brûlait de savoir aussi.

CHAPITRE III

DE MADAME PANGLOSSE ET DU MEILLEUR

DES MONDES POSSIBLES

LE Docteur Pangloss était une institution nationale: pas le moindre petit village qui n'eût le sien. Sur tout le territoire franconien, des milliers et des milliers de Docteurs Pangloss sévissaient. Non plus comme autrefois et comme en Westphalie, sur les familles seulement qui pouvaient recourir à leur coûteux ministère, mais, pour la pauvre et pour le riche, publiquement, collectivement, officiellement, gratuitement et obligatoirement. Leur enseignement lui-même se distinguait par un [28] sens plus poussé des nuances: ils ne disaient plus que tout était au mieux dans le meilleur des mondes possibles, mais que tout serait pour le mieux, si... Par quoi se mesurait la supériorité du nouveau régime sur les anciens et sur les Bulgares fort éloignés, ceci ne souffrait pas de discussion, à la fois de ce standing et de cette finesse d'esprit.

La philosophie nouvelle avait ceci de très appréciable que, par un enchaînement de propositions extrêmement simples, elle apportait des solutions radicales et du meilleur bon sens, à tous les problèmes de la vie. Tout n'était pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles parce que les Bulgares existaient: tout le serait donc, s'ils n'existaient pas. D'où la nécessité de supprimer les Bulgares, - à commencer par les plus proches qui s'étaient, jadis, lâchement emparés de la Lorrainie. Si on décrétait qu'il n'y aurait plus de chevaux noirs dans les armées, il devenait possible de multiplier sans danger les généraux et tout serait encore pour le mieux car on augmenterait ainsi les chances de succès contre les Bulgares. S'il y avait des pauvres, la raison en était que la plupart des gens ignoraient les voies qui conduisent à la richesse: on enseignait donc que le travail est un trésor.

Le Docteur Pangloss de l'endroit était une jeune veuve très dynamique et très fière de la "Lettre d'obédience" qui l'accréditait. Chargée. d'une mission dont la nécessité, l'importance et la, noblesse constituaient les articles essentiels de sa foi, elle l'accomplissait avec une conviction et une régularité qui tenaient du sacerdoce. A ses yeux, le bonheur des sociétés reposait sur le degré de la con [29] naissance chez les individus et, ce degré, elle avait pour ambition de l'élever au niveau de la lecture courante, de l'écriture bien moulée et du mécanisme des quatre règles de calcul. Pour atteindre plus aisément son but, elle enrobait le tout dans quelques notions de géographie, de civisme et de morale, agrémentées des lois de l'orthographe et d'une longue liste de dates historiques. Que ces choses eussent quelque rapport avec la vie dans les fermes et fussent de nature à la modifier en mieux, ne tombait pas sous les sens des patients qui lui étaient livrés. Mais ceci ne tombait pas sous ses sens à elle. Peu soucieuse de ces menues contingences, imperturbable et inaccessible, elle poursuivait son chemin vers les sommets: tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si... Et les hypothèses les plus astucieuses se pressaient dans sa pensée.

Son système de vulgarisation des conditions du bonheur frappait plus encore par son originalité. Comme tout système pédagogique, il s'articulait sur deux maîtres moyens: l'éloquence de l'enseignement et le contrôle des résultats acquis. Mais, si elle assumait elle-même la responsabilité de la pratique du second, l'exclusivité du premier appartenait aux murs de son sanctuaire de la connaissance et elle avait la sagesse de ne la leur disputer point.

Des tableaux noirs, des cartes murales, des diagrammes, des synopsis, etc. hurlaient dans toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, des vérités révélées sur lesquelles, de sa chaire, Mme Panglosse promenait inlassablement la pointe menaçante d'une très longue baguette. Aux arrêts, un [30] choeur d'une vingtaine de moutards des deux sexes et de tous les âges scolaires, assis à leurs bancs, bras croisés, immobiles, raides, les yeux fixés sur la pointe de la baguette, entonnait:

"Il-y-a-deux-mille-ans-no-tre-pays-s'ap -pe - lait - la - Gau - le - et - ses - ha - bi - tants - les - Gau - lois. - Les - Gau - lois - é - taient - des - bar - ba - res - in - cul - tes - qui - vi - vaient -en-pe -ti- tes-tri- bus-en-ne-mies- les u - nes - des - au - tres."

Ou bien:

"L'ad-jec-tif -qua- li-fi-ca-tif -est - un -mot - qui-ac-com -pa-gne -le-nom - et - qui - dit - com - ment - sont - la - per - son - ne, - l'a - ni - mal - ou - la - cho - se - dont - on - par - le."

Ou encore

"La - di - vi-sion -est - u -ne -o-pé -ration qui - a - pour- but-é- tant -don -nés - deux nom - bres - l'un - ap - pe - lé - di - viden -de-et- lau- tre -di - vi-seur-d'en - trou - ver - un - troi - qiè - me - ap - pe - lé - quo - tient - qui - mul - ti - plié - par - le - di - vi - seur - re - pro duit - le - di - vi - den - de - moins - le - res te."

Deux véritables litanies, plats de résistance du programme, figuraient chacune à une des deux séances quotidiennes d'ingurgitation. La première, prévue pour la séance du matin était chiffrée et représentait une sorte de calendrier à l'échelle du temps. Elle commençait par:

[31]

- 59 - 50 -A - vant Jé - sus - Christ - conquête - te - de la Gau - le par - les - Bul ga - res Ro mains;

- 52 - A vant - Jé - sus - Christ -Ver - cin - gé - to - rix - or - ga - ni - se - la - ré - sis - tan - ce con - tre - les - Ro - mains;

- 44 -A -vant-Jé-sus -Christ -Ju- les - Cé - sar - fait - é - tran - gler - Ver - cin - gé - to - rix - dans - sa - pri - son;

- I*r - et - 2* - siè - cles - le - chris - tia - nis - me - se - ré - pand - en - Gau - te...

Elle occupait environ une heure et se terminait à un certain traité de Francfort.

La seconde qui nécessitait autant de temps était axée sur l'espace et réservée à la séance de l'aprèsmidi:

L'I - sè - re - chef - fe - lieu - Gre - no - ble - sous - pré - fec - tu - res - VIen - ne - Saint - Mar - cel - lin - la - Tour - du - Pin; Le - Nord - chef - fe - lieu - Lil - le - sous - pré - fec - tu - res - Dun - ker - que - Dou - ai - Va - len - cien nes - Cam - brai - Ha - ze - brouck - A ves - nes.

Après de savants détours, la pointe de la baguette arrivait sur la Corse et on poussait le dernier soupir sur Calvi.

A la fin de chaque séance, à onze heures et à seize heures, on se séparait dans la joie sur:

"La - Pa - trie - est le - Pays - où - l'on '- est - né. C'est - la - ter - re - de - nos - pè - res - un - en - sem - ble de - tra - di - tions - et - de - cou -tu-mes un -pa - tri-moine -de - cul - tu-re-et -de-ri-ches -ses -que - nous -de [32] vons - dé - fen - dre - con - tre - l'en - ne - mi

La-Fran-co-nie -est -no -tre -Pa -trie. - Cha - que - Fran - co - nien - doit - être - prêt - à- ver-ser -son -sang - pour - el - le".

En cours de séance, le choeur s'interrompait assez souvent, soit que Mme Panglosse décidât de procéder à des interrogations en solo, soit que ses poules, ses lapins ou sa soupe sur le feu réclamassent sa présence.

Dans le premier cas, on échappait rarement à quelques coups de férule bien appliqués sur le bout des doigts.

Dans le second, seule la moitié la plus âgée de la classe trouvait son compte: pendant les absences de Mme Panglosse. elle devait transcrire, sur l'ardoise ou le cahier, quelqu'une des propositions variées des murs et des tableaux noirs.

- Et proprement, sinon, gare aux doigts!

Généralement, cela se passait sans incident.

L'emploi du temps de l'autre moitié, livrée à un moniteur ou à une monitrice choisis parmi les plus grands, et soumise à ce que Mme Panglosse appelait "l'exercice de dégrossissement..." était sensiblement plus mouvementé.

Deux tableaux noirs, couverts de sujets de méditation d'une réelle importance et qui, d'un bout de l'année à l'autre, ne changeaient jamais, étaient prévus à cet effet. Le premier se cantonnait dans les chiffres romains et arabes, les signes des quatre opérations, les lettres de l'alphabet et les diphtongues alignées dans un ordre établi par le savant Cuissart. Le second s'enorgueillissait des principales figures de la géométrie plane et dans l'espace.

[33]

Avant de disparaître, Mme Panglosse frappait dans ses mains: comme mus par des ressorts, une douzaine de marmots bondissaient de leur place et allaient se figer en demi-cercle autour du moniteur ou de la monitrice devant le premier tableau. La baguette qui avait changé de main, se mettait à nouveau à courir sur les signes:

1 -2- 3 - 4 - 5 - 6 - 7 - 8 - 9 - zé - ro

I -II - III - IV - V - VI - VII...

+ plus - se

- moins!

X mul- ti-pli- é -par!

: di - vi - sé par 1

n(e) u - m(e) o - r(e) - a - p(e) - e - d(e)... an - ou oi - in...

Etc.

On passait alors au second tableau

"Le - tri - an - gle - est - u - ne fi - gu - re pla - ne - qui - a - troi.; - cô - tés - et - trois - an - gles".

"Le- car-ré- est ... Le - rec- tan - gle ...

Etc.

En fin de litanies, la séance prenait soudain un autre cours. La baguette se figeait solennellement dans les airs. D'un regad menaçant, le moniteur ou la monitrice invitait à une attention plus soutenue. Pleins d'effroi les yeux des patients se mettaient à rouler du tableau à la pointe de la baguette et essayaient de deviner l'endroit où elle allait se poser. Un claquement sec et le choeur entonnait

"Le- - tri - an

[34]

On n'allait pas plus loin: brusquement, les voix s'étranglaient dans toutes les gorges. La baguette dont tout le monde était persuadé qu'elle visait le triangle venait de s'abattre sur le losange ou le . trapèze. C'était alors une indescriptible et muette panique: la baguette allait changer de cible et s'en prendre aux doigts. On n'avait de chance d'échapper au châtiment que moyennant un morceau de chocolat, un bout de sucre, un bonbon ou toute autre friandise, parfois un sou. Or, en ces temps difficiles et à cet âge il était rare qu'on eût à sa disposition cette monnaie d'échange.

Ce tragique intermède se reproduisait encore trois ou quatre fois avant la fin de l'exercice de dégrossissement. C'était régulier: jamais la baguette ne tombait sur la figure qu'elle visait.

Mme Panglosse venait non moins régulièrement reprendre possession de sa chaire au milieu des pleurs et des grincements de dents. Elle se contentait de jeter un regard sévère sur "ces croquants auxquels on n'apprendrait jamais rien". Ce regard, c'était la délivrance et les croquants l'appréciaient à sa juste valeur.

Candasse trouvait bien que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si Mme Panglosse savait certaines choses, mais ces choses, il les gardait prudemment par devers soi.

Dans la pratique de cette gymnastique intellectuelle, il acquit les premières notions du commerce mais non le sens. Pour le reste, année par année, il franchit victorieusement toutes les étapes de la connaissance. Un matin, il fut jugé digne d'être conduit au chef-lieu de canton et il en revint le [35] soir avec un parchemin sur lequel était écrit "Certificat d'études primaires élémentaires".

Ce titre de gloire lui échut au plein d'un grand branle-bas: à grand fracas, venus de tous les coins de la Franconie, un cocktail de formations de combat, des régiments, des bataillons, des compagnies, des escadrons, des batteries, des hommes armés jusqu'aux dents, à pied, à cheval, à bicyclettes, sur de lourds. chariots, sillonnaient dans tous les sens, toutes les routes de Burgondie. De curieuses mécaniques patrouillaient dans le ciel et, parfois, s'y affrontaient. A quelques kilomètres, le canon tonnait...

Car, entre-temps, de très graves événements étaient survenus.

CHAPITRE IV

DES RAPPORTS DE MADAME PANGLOSSE

ET DU CURE PANOUILLON

ENTRE Guelfes et Gibelins, les hostilités avaient suivi le cours normal: des offensives, des contre-offensives, des points morts, des reprises passionnées, des pièges et des coups bas. Puis, un jour, pris au dépourvu par une manoeuvre-éclair, leurs lignes enfoncées, les uns avaient fait mine de déposer les armes et, sous l'oeil narquois des autres, s'étaient réfugiés dans un espoir de revanche qu'ils n'affichèrent point, mais qu'une colère mal contenue dissimulait mal.

Au demeurant, les choses s'étaient passées très simplement: pour des raisons que jamais on ne [38] réussit à éclaircir, dans la capitale de Franconie, le gouvernement avait soudain pris une position doctrinale contre le fondé de pouvoir de Dieu sur la Terre. Jugeant sans doute que contre la force il n'y avait pas de résistance, celui-ci avait aussitôt fait machine arrière: très habilement il admit qu'il serait peut-être possible à Dieu de vivre et de loger sa cour populeuse dans ses Palais de l'au-delà, vastes et nombreux, il le reconnaissait, mais, depuis le temps, passablement délabrés. Puisque ses ingrates créatures lui refusaient les résidences d'apparat dues à son rang, il se contenterait "de cela". On lut sur son visage le caractère essentiellement stratégique et donc provisoire de cette prise de position et on entendit "de ça!"

Dans le petit village de Burgondie, le soin de mettre au point le nouveau dispositif de combat qui devait résulter de ce repli échut au curé Panouillon.

Le curé Panouillon était lui aussi une institution nationale: chaque village de Franconie avait le sien dont la mission était de compléter l'enseignement du Dr Pangloss par l'évangélisation. En ce temps-là, les mots n'avaient point encore totalement perdu leur sens et l'enseignement était très différent de l'évangélisation: le premier s'adressait à la curiosité et procédait de la soif de connaître; la seconde postulait des mystères et relevait de la foi. Le curé Panouillon évangélisait donc que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si les hommes ne s'écartaient pas des chemins de la foi sans laquelle, ajoutait-il, les notions de bien et de mal ne se concevaient pas.

[39]

Le sanctuaire de l'évangélisation était l'Eglise, Panouillon s'y livrait aussi dans la rue, à travers champs et jusqu'à domicile, à toute heure et en toutes occasions. Sous prétexte d'entretenir des relations de bon voisinage, il lui arrivait même de se rendre chez Mme Panglosse dans l'exercice de ses fonctions, et de glisser dans la conversation des allusions discrètes mais significatives sur les possibilités qu'il y avait d'élever l'enseignement au-dessus de ses préoccupations matérielles, de l'arracher à son inspiration démoniaque et de le raccrocher à Dieu. Mme Panglosse supportait mal ces intrusions et, si elle ne disait rien, elle n'en pensait pas moins. Très vite, des rapports d'hostilité sourde s'étaient établis entre eux, et il s'ensuivait que, dans les limites de la réserve qui leur était imposée par la dignité de leur fonction, sur tous les problèmes qui venaient en débat public, si l'un était pour les Guelfes, l'autre était pour les Gibelins.

Dès le début de la grande querelle à propos du logement de Dieu et de sa place dans la société des hommes, ils s'étaient donc d'autant plus facilement trouvés face à face qu'ils étaient, l'un et l'autre, directement intéressés à son issue. D'autant plus irréductiblement aussi. Elle avait explosé:

- Des curés n'en faut plus

- Les droits de Dieu sont imprescriptibles, avait-il non moins fermement rétorqué.

On comprend alors aisément que le compromis ne les pouvait ni l'un ni l'autre satisfaire elle, parce qu'elle voulait une victoire plus totale lui, [40] parce qu'il ne pouvait croire à une défaite soudaine.

Mais ils furent à peu près seuls à le refuser.

Ils eurent beau, dès que la nouvelle en connue, se précipiter sur le front des troupes de part et d'autre de la ligne de démarcation des consciences, parler en termes véhéments, la première d'un abandon qui frisait la trahison, le second d'une capitulation qui rendait plus impénétrables encore les desseins de Dieu: rien n'y fit. Guelfe ou Gibelin, chacun réalisant comme sur ordre que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si le calme revenait, rentra chez soi sans qu'on en pût obtenir plus qu'un serment d'indéfectible attachement aux grands principes et la promesse de reprendre le combat, les uns dès que les circonstances le permettraient à nouveau, les autres à la moindre alerte.

Mme Panglosse et le curé Panouillon n'eurent donc plus d'autre ressource que de s'instituer les vigiles d'une guerre sainte dont ils se fixèrent pour but de ne point laisser le feu s'éteindre sous la cendre. Par manière de politesse, on voulut bien leur concéder qu'en un certain nombre de circonstances, il y avait-lieu de se souvenir qu'on avait été Guelfe ou Gibelin. Et on définit ces circonstances: tous les matins au chant du coq, le jeudi, le dimanche et le lundi.

***

Sur le curé Panouillon endormi, le chant du coq agissait à la façon d'un déclic. C'était automatique: la première syllabe du premier cocorico le projetait littéralement hors de son lit comme un pantin désarticulé. Assis sur le rebord, les doigts [41] de pieds en éventail sur la descente et se frottant les yeux d'un geste à la fois nerveux et machinal, il lui fallait toujours quelques minutes pour réussir à s'ouvrir sur l'obscurité de la chambre et réaliser que ce n'était pas lui qui s'était oublié, mais lé maudit animal qui était une fois de plus en avance sur le soleil. Irrésistiblement, sa pensée se tournait alors vers la chaleur des draps et, demandant pardon à Dieu du péché qu'il allait commettre, il s'y renfonçait mollement. Il s'y pelotonnait, y rêvait tout éveillé, s'y étirait paresseusement jusqu'à ce que retentît la sonnerie du réveil qu'au début de son ministère, il avait, une fois pour toutes, "mis sur" six heures et demie. Alors commençaient des rites qu'il accomplissait méthodiquement: il se levait, faisait un brin de toilette, s'habillait en hâte, se bardait d'une prière et de deux doigts de bréviaire, puis se rendait à l'église pour sonner lui-même l'Angélus du matin.

Il n'avait que quatre pas à faire - la rue et un tout petit bout de cour à traverser. Par les aubes obscures de l'hiver, tout se passait très bien. Les matins clairs et ensoleillés du printemps, de l'été et jusqu'à l'automne, la plus inévitable des complications surgissait sur ce court trajet: dans sa mansuétude, Dieu, qui jamais ne manqua de placer la tentation du mal sur les chemins du bien, avait voulu que Mme Panglosse habitât justement en face du presbytère. Or, pendant toute cette période, au moment précis où, se rendant au premier office quotidien de son sacerdoce, le curé Panouillon ouvrait sa porte pour sortir, Mme Panglosse en chemise de nuit, ses suggestives rondeurs bien découpées sur la batiste, provocante et radieuse, [42] poussait ses persiennes: le curé Panouillon recevait cette vision démoniaque en plein coeur, parait le coup

le coup en s'enfouissant le visage dans les mains, puis, ayant surmonté son désarroi, se signait gravement et passait dignement.

Mme Panglosse éclatait d'un rire clair dont, la journée durant, les troublantes sonorités, poursuivaient le pauvre curé à l'égal d'une obsession.

Deux ou trois Guelfes et trois ou quatre Gibelins, à moins que ce ne fut l'inverse, se relayaient à tour de rôle qui jouaient les supporters: généralement, ils se bornaient à se lancer des regards de défi d'un côté à l'autre de la rue, puis, la cérémonie terminée, retournaient à leurs travaux, non sans faire à très haute voix des mots qui, dans chaque équipe, étaient insidieux pour l'autre. Il n'y avait jamais d'éclat.

Le 10 mars, le soleil se levait entre six heures un quart et six heures et demie: par accord tacite, on avait affecté cette date à la reprise du cérémonial d'été, qui mettait fin à la longue éclipse hiémale de Mme Panglosse à sa fenêtre. Ce jour-là, on y allait de tout son coeur: tout le village endimanché se transportait sur les lieux, les mères y amenaient leurs derniers-nés. Quand le curé Panouillon avait fait son signe de croix et Mme Panglosse poussé son éclat de rire, un immense hourvari éclatait soudain, dans lequel s'entremêlaient les paroles très significatives du Grenadier de Flandres qui était l'hymne des uns et de Il est né le divin enfant qui était celui des autres

A ces accents mâles ou pieux selon qu'on en avait, toute la population masculine du village se rendait solennellement et se répartissait à peu près [43] équitablement dans les deux débits de boissons - car Guelfes et Gibelins avaient chacun le leur - où les points se marquaient dans la caisse. La population féminine, elle, profitait de ce répit laissé par les hommes pour procéder au grand nettoyage de printemps dans les maisons.

Le soir, c'était la grande ribote. Sous prétexte d'aller rechercher leurs maris au bistrot, les femmes les y rejoignaient, ce qui faisait monter la température dans les hauteurs de la gaudriole. Quelques-unes se trompaient d'établissement: c'était admis. Le lendemain matin, les rythmes reprenaient comme si de rien n'avait été, mais, dans la grand'rue, l'odeur du vomi l'emportait sur celle du fumier. On apprenait alors régulièrement qu'interprétant ces événements dans le sens de la paix retrouvée, une ou deux enfants de Marie l'avaient effectivement scellée sans espoir de retour avec un ou deux francs lurons du parti adverse, dans un coin propice. Et la gazette parlée en faisait ses délices pendant des mois. Le nombre des cocus étant à peu près égal dans chaque camp, on y prenait à peine garde: quelques paires de gifles arrangeaient tout.

***

La journée du jeudi était partagée en deux zones d'influence par l'Angélus de midi. Le matin, tout de suite après la première solennité, le curé Panouillon disait la messe basse quotidienne à laquelle il était de tradition que jamais personne n'assistât, hormis les servants et quelque vieille dévote. A dix heures, la cloche de l'église retentissait pour le catéchisme et, fils et filles de Guelfes ou de Gibelins, tous les enfants s'y rendaient [44] indifféremment, au grand dam de Mme Panglosse. Jusqu'à midi, le curé Panouillon évangélisait maintenant que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si l'humanité retrouvait les chemins de la Foi. Et il définissait une Foi qu'il distribuait en tranches à apprendre par coeur aussi, sous la forme de questions et de réponses remarquablement articulées entre elles. A midi précises, son rôle se terminait: Guelfe ou Gibelin, personne n'eût toléré qu'il empiétât d'une minute sur la zone de Mme Panglosse. Celle-ci, d'ailleurs, veillait, prête à déchaîner le scandale.

A quatorze heures, Mme Panglosse entrait en scène. Elle s'adressait aussi aux enfants, mais elle avait beaucoup moins de succès que le curé Panouillon et elle n'en décolérait pas. Dans les débuts, elle s'était fixé un double but: consacrer l'après-midi à expérimenter dans son propre potager les méthodes modernes de culture avec les garçons, enseigner aux filles la couture, la broderie et le tricot. Or, si les paysans de ce petit village voulaient bien que leurs filles apprissent la couture, le tricot et la broderie, ils pensaient qu'ils étaient plus qualifiés que Mme Panglosse pour mettre leurs garçons au courant des choses de la terre et aussi qu'ils en retireraient plus de profit. Mme Panglosse enseignait donc aux filles des deux clans, le point de marque, le point de croix, la maille à l'endroit, la maille à l'envers, le feston et l'ourlet, émaillant seulement son cours aux multiples aspects, de quelques considérations amères tendant à prouver que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si on perdait la détestable habitude de discuter certaines [45] compétences. Elle ne précisait pas lesquelles, mais, le soir, quand les gamines rapportaient ces propos autour de la table familiale, tout le monde comprenait fort bien. Il ne venait à l'idée de personne d'en tenir rigueur à Mme Panglosse qui ne perdait rien de son prestige mais le curé Panouillon qui en avait souvent des échos exultait dévotement.

- Cureton de malheur, maugréait Mine Panglosse par devers soi, il ne perd rien pour attendre!

Les choses ne traînaient pas: sa revanche, elle la trouvait dans la journée du dimanche et il était exceptionnel qu'elle ne fût point éclatante.

Le dimanche, le clou du cérémonial était la grand'messe que le curé Panouillon disait à dix heures et que de demi-heure en demi-heure, il annonçait aux fidèles par trois roulements de cloche. Le premier avait à peine fini de retentir que Mme Panglosse, endimanchée, pimpante et parfumée, apparaissait sur le seuil de sa porte, un élégant panier à provisions au bras. C'était le moment qu'elle avait choisi pour se rendre chez l'épicier de son camp car, comme il se devait, Guelfes et Gibelins avaient également chacun le leur. C'était aussi sa manière de rendre évident le mépris qu'elle avait pour la grand'messe et qu'avant tout, elle voulait publicitaire.

Par un hasard qu'elle jugeait heureux, Mme Panglosse devait traverser tout le village. Chemin faisant donc, le plus simplement du monde et avec une bonne grâce souriante qu'on ne lui connaissait que ce jour-là et à cette heure, saluant indifféremment toutes et tous, elle s'arrêtait à toutes les portes, faisait des compliments sur les aptitudes intellectuelles certaines des rejetons, promettait, [46] par ci-par là, un bel avenir à la ville, puis, laissant partout l'orgueil et l'espérance, repartait d'un coeur et d'un pas légers.

- La catin fait de la retape, pensait en se signant le curé Panouillon qui réalisait à quel point la lutte était inégale. Et, demandant à Dieu pardon de cette pensée impie, il se demandait à lui-même pourquoi Dieu semblait si acharné à sa propre perte.

Car l'entreprise de Mme Panglosse était couronnée de succès: en très peu de temps et sans même qu'elle eût abordé le sujet, au vieil organiste près, toute la population masculine du village fut persuadée que la grand'messe du dimanche n'était pas un souci d'homme. Le curé Panouillon la disait donc seulement pour les enfants et la petite moitié de la population féminine: l'accompagnement geignard d'un orgue essoufflé l'en attristait davantage. Une fois même, Mme Panglosse réussit à dévoyer l'organiste, en arrivant chez lui, juste au troisième coup de la messe, pour lui faire remplir un dossier qui n'en finissait plus, à l'appui d'une demande de décoration qu'il s'était cru autorisé à formuler en raison de sa participation à la dernière guerre contre les Bulgares germaniens: la grand'messe était dite depuis longtemps que le pauvre vieux n'avait pas encore fini d'écrire sous la dictée tous les renseignements nécessaires. Entre Guelfes et Gibelins, on discuta un moment sur le point de savoir si Mme Panglosse était ou n'était pas une garce, mais l'accord se fit bien vite sur cette évidence qu'elle était astucieuse et que le coup était régulier. Puis on partit d'un grand éclat de rire. Ce dimanche-là, tandis que son coup fait, [47] Mme Panglosse rentrait chez elle dans une véritable apothéose, le curé Panouillon dans son presbytère était en proie à la plus indescriptible des paniques. Et il n'y eut point de vêpres. Le petit village de Burgondie existe toujours: on n'y a point encore oublié cet événement mémorable.

***

Mais, les matins, les jeudis et les dimanches n'étaient rien auprès du lundi. D'abord, ils étaient saisonniers: si jamais on ne voyait Mme Panglosse à sa fenêtre l'hiver au petit jour, jamais non plus on ne voyait personne au catéchisme le jeudi matin pendant la belle saison, ni chez Mme Panglosse l'après-midi, ni à la grand'messe du dimanche. Les travaux des champs l'emportaient sur le souci des rites.

Le lundi, lui, n'était pas soumis à l'influence des saisons: qu'il plût, qu'il neigeât, qu'il ventât ou qu'à pierre fendre il gelât, qu'il y eût du travail ou qu'il n'y en eût point, toutes les semaines, il revenait avec une régularité d'horloge. Pour rien au monde, personne n'eût jamais dérogé à la tradition: on délaissait tout, c'était la solennité des solennités.

Il faut dire que le lundi était jour de foire au canton et qu'au canton siégeait le juge de Paix. L'intérêt était donc double: on se rendait au canton, à la fois pour y vendre les produits de la terre ou de la ferme et pour y assister devant le juge, le Guelfe ou le Gibelin qui avaient maille à partir au sujet d'un mur mitoyen, d'un problème de bornage, d'un arbre mal élagué, d'une injure, d'une poule qui s'était trompée de nid pour aller pondre ou de jardin pour aller picorer. Il ne restait au [48]village que les enfants, les vieux, Mme Panglosse et le curé Panouillon. Les femmes elles-mêmes étaient de la partie et non des dernières.

C'était homérique.

Dès après l'Angélus, les chars préparés dans la nuit à la lanterne, quittaient les granges ou les hangars et, dans un indescriptible tintamarre de cris, d'interpellations, de grincements de roues, de hennissements et de claquements de fouets, se rejoignaient, camps mêlés, sur la grand'route. Jusqu'au canton, c'était, de char à char, dans l'interminable théorie, des échanges d'injures grossières et de paillardises dont le thème était le procès du jour. Il arrivait qu'outragé, un char entonnât Il est né le divin enfant: fusant d'un autre, Le Grenadier de Flandres lui faisait aussitôt écho.

Des ripailles qui se faisaient au canton, il ne faut point parler: on y buvait surtout. Jusqu'au soir, tous les débits étaient pleins de gens venus de tous les villages dans les mêmes conditions et pour les mêmes raisons. On se rendait d'abord sur le champ de foire puis on allait au tribunal. A midi, tout était généralement réglé. On mangeait un morceau et on consacrait le reste de la journée, tout en renouant les amitiés de village à village, à fêter dans l'alcool, le porc bien vendu ou le procès gagné, l'un ou l'autre et parfois les deux.

Tout se passait toujours très gentiment: vers cinq heures du soir, tous les hommes étaient sur le point de rouler sous les tables. Les femmes qui les accompagnaient partout et qui se croyaient tenues à plus de réserve, avaient seulement le regard un peu allumé: c'est le moment qu'elles choisissaient pour tenter de faire rentrer les choses [49] dans ce qu'elles appelaient l'ordre. Elles le faisaient d'abord timidement puis elles s'enhardissaient: on les voyait se gonfler peu à peu de l'importance qu'elles se donnaient. Enfin, d'un seul coup et comme sur un mot d'ordre, tous les débits se vidaient. En un clin d'oeil, sur toutes les routes qui partaient du Canton, toutes les caravanes se trouvaient reformées dans la direction du retour.

Cependant, Mme Panglosse et le curé Panouillon qui s'étaient morfondus toute la journée dans l'inhabituel et pesant silence du village quasi désert attendaient ce retour avec impatience: ils brûlaient de connaître l'issue du procès. Le soir, ils n'y tenaient plus: on les voyait sortir, rentrer, aller, venir, sans autre raison apparente que le besoin de bouger, signe évident d'une nervosité qui se nourrissait d'elle-même. Enfin, on entendait des voix dans le lointain, puis, au fur et à mesure qu'elles se rapprochaient, on distinguait qu'elles étaient avinées et qu'elles essayaient d'articuler un chant. Selon que ce chant était Le Grenadier de Flandres ou Il est né le divin enfant, on savait qui avait gagné et qui avait perdu, car les vaincus écrasés par la défaite se tenaient cois. Alors, Mme Panglosse et le curé Panouillon se laissaient aller, l'un à une joie délirante, l'autre à un désespoir sans nom.

Alors aussi, le village sortait de sa torpeur. Quand les chars y faisaient leur entrée, bruyante ou désabusée selon le cas, ils étaient attendus dans les cours des fermes par les vieux et les enfants, et leurs occupants assaillis de questions sur la façon dont les choses s'étaient passées. Selon le cas, aussi, Mine Panglosse déchaînée ou le curé Panouillon [50] remerciant Dieu, allaient d'une cour à l'autre, se réjouissant du résultat ou le déplorant. et entretenaient le moral. La fête se terminait dans le débit de boissons du camp vainqueur où on continuait à "arroser" la victoire jusqu'au petit matin, aux accents de l'hymne de circonstance. Le, débit des vaincus restait, lui, désespérément vide.

***

Il y avait bien encore quelques autres manifestations épisodiques: le premier vendredi du mois où tout le village souriant assistait au défilé des dames patronnesses qui se rendaient à la messe basse pour communier et dont on disait qu'ayant été confessées la veille par le curé Panouillon, elles avaient à se le faire pardonner par Dieu le lendemain; et les jours d'élections où il était rare que l'urne ne fût point passée par la fenêtre. Mais on leur accordait beaucoup moins d'importance.

Quitte à froisser un peu Mme Panglosse et le curé Panouillon, Guelfe ou Gibelin, on avait fini par penser que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes. possibles, si la vie pouvait longtemps encore continuer sur ce mode. On était heureux et on le prouvait.

Le Tonkinois, pourtant, se tenait soigneusement et systématiquement à l'écart de ces réjouissances.

- Elles sont commandées par des forces occultes, disait-il, et destinées à détourner l'attention des difficultés qui s'amoncellent à l'horizon.

Quand on lui demandait quelles étaient ces forces occultes, il parlait de capitalisme, de finances et de régime pourri. On ne le comprenait pas. Au surplus les paysans n'avaient pas l'impression d'être commandés. Ils le prenaient pour un oiseau [51] de mauvais augure et ils lui en voulaient: traître pour les uns, il était renégat pour les autres.

Au catéchisme et à l'école, Candasse et ses frères faisaient les frais de cette attitude: on les montrait du doigt et il était rare qu'on les admît dans les jeux. Comme ils étaient assez nombreux pour se divertir entre eux, ils s'en faisaient une raison mais ils pensaient tout de même que tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si les enfants des hommes étaient plus sociables. Au reste, Candasse rachetait la nichée en assimilant avec une égale facilité les dogmes de Mme Panglosse et ceux du curé Panouillon: chez l'un comme chez l'autre, il était le premier et ce qui chagrinait le plus Candasse, c'était que ni l'un ni l'autre n'en croyaient leurs yeux.

- Le fils du Tonkinois, non mais, voyez-vous ça, disaient-ils.

Il n'était en effet guère convenable que le produit d'un homme aussi buté que le Tonkinois et d'une femme qui avait aussi manifestement forligné que la Demoiselle, ne fût pas dégénéré.

Un jour, le bruit se répandit au village qu'au canton, une importante partie de la population parlait de révolution et qu'il en était ainsi dans la plupart des villes de Franconie où des grèves se déclenchaient tour à tour. On sut alors que, quelques années auparavant, dans une de ces villes, des gens avaient tenu un congrès à l'issue duquel il avait été déclaré qu'il fallait absolument supprimer le patronat et le salariat. Guelfes et Gibelins se mirent aussitôt sur leurs gardes: les uns furent pour, les autres contre. Mais on ne prit vraiment la chose au sérieux que le jour où l'on apprît que, [52] dans toute la Franconie, aucun train n'avait circulé la veille. A partir de ce jour, entre Guelfes et Gibelins, le ton ne cessa plus de monter. Les journaux annoncèrent encore successivement qu'un ministre avait été renversé parce qu'il avait proposé d'imposer les revenus, qu'une banque de la capitale avait été dévalisée en plein jour par d'audacieux bandits, que les Bulgares germaniens avaient envoyé une canonnière menacer les paisibles descendants de nos ancêtres les Gaulois dans un port de l'Afrique, que la femme d'un ministre avait abattu d'un coup de revolver un journaliste à son bureau et que les grèves se multipliaient à un rythme inquiétant sur tout le territoire national. Petit à petit, la Franconie s'était transformée en un vaste champ clos à l'intérieur duquel Guelfes et Gibelins s'affrontaient plus violemment encore qu'au temps du logement de Dieu. La police et l'armée n'arrivaient plus à y maintenir l'ordre.

- Tout cela finira mal, disait le Tonkinois et on commençait à le comprendre.

Tout cela finit mal, en effet. Le grand Lorrain qui avait un compte à régler avec les Bulgares germaniens avait très rapidement réalisé que la Franconie était devenue ingouvernable et saisi l'affaire de la canonnière comme une occasion à ne pas manquer: il l'exploita très habilement.

Et, un beau matin, tandis que le curé Panouillon sonnait le tocsin, le garde-champêtre collait sur les murs des établissements publics, de grandes affiches qu'une à une lui tendait gravement Mme Panglosse et sur lesquelles on pouvait lire

"La mobilisation n'est pas la guerre"

[53]

Au retour, Mme Panglosse et le curé Panouillon se rencontrèrent à égale distance de leurs deux domiciles. Ils se regardèrent, hésitèrent un moment les larmes au bord des yeux, puis ils comprirent qu'ils devaient se tendre la main. Ils le firent solennellement.

Et, dans ce qu'on appela par la suite un grand élan patriotique, Guelfes et Gibelins réconciliés se précipitèrent aux frontières en jurant qu'ils "auraient" les Bulgares germaniens et qu'il n'y en avait pas pour plus de six mois.

Le Tonkinois fut seul à ne partager ni cet enthousiasme, ni cet optimisme:

- Ces histoires-là, dit-il, si on sait quand elles commencent, on ne sait jamais à l'avance quand elles finiront, ni comment.

Mais il partit avec les autres.

Candasse trouvait que son père qui savait tant de choses, avait aussi un grand bon sens.


1 . Vague littérateur de la Franconie préhistorique. (Note de l'auteur.)

Première partie:

| ch.1-4 | ch. 5-8 | ch. 9-12 |

Deuxième partie:

| ch. 1-2 | ch. 3-5 | Ch. 6-Apothéose |

 


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