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Bourdonnements épais, silence perverti,

tout ce qui fut autour en mille bruits se change,

nous quitte et revient: rapprochement étrange

de la marée de l'infini.

 

Il faut refermer les yeux, renoncer à la bouche,

rester muet, aveugle, ébloui:

l'espace tout ébranlé, qui nous touche

ne veut de notre être que l'ouie.

 

Rilke, "Gong", poème en langue francaise,

 

 

Le Retour de Paul Rassinier

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Droits de l'homme et histoire

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5. POUR UNE CLINIQUE DE LA RUMEUR

 

Rumeurs, propagandes, mensonges, croyances et mythes sont des récits dont le contenu de vérité est mal assuré, souvent absent, quelquefois dangereux, car ils concourent à mettre en scène les conduites civiles.

Il s'agit alors d'en lever les charmes non comme celui d'un pur artifice mais comme le résultat de créations collectives qui manifestent et expliquent des choses peu accessibles à l'entendement humain.

La logique de la rumeur semble être la source principale et le carrefour de cette rhétorique du merveilleux qui concourt à expliquer la seconde guerre mondiale et en particulier la mort dans les camps de concentration. La rumeur est parole de tous et peut être violence Sans maître et, plutôt que la malédiction qui la faisait taire, elle appelle la compréhension qui la recoit: une clinique susceptible d'en énoncer la raison. La rumeur est aussi parole de liberté et son danger qui doit être mesuré à cette liberté devrait dépendre davantage des médecins d'une sorte d'épidémiologie des phénomènes psychiques plutôt que des seuls hommes politiques.

Les définitions et résultats de la littérature savante américaine et une définition francaise plus ancienne seront ici présentés avec une monographie francaise avant que la rumeur historique ne soit décrite et ses moments reconstitués.

La visée clinique n'est ici qu'un horizon ou une disposition d'esprit car sa possibilité est suspendue à un problème de fait et à un problème de justice sociale.

Le problème de fait tient dans le changement du concept de rumeur à mesure que sa fonction s'est étendue dans notre société. Il est indéniable que les processus de rumeur classiques sont aujourd'hui entrés en composition souterraine avec la propagande guerrière.

Cet ajointement détermine à la fois les relations des citoyens à la mort dans la guerre et celui de l'opinion publique aux moyens d'information.

Le problème de justice dépend des réponses à deux questions qui cherchent ici à s'éclaircir.

Comment, et dans quelle mesure, les éléments de rumeurs, de propagande, de mensonges particuliers se sont-ils associés en une croyance qui pourrait être dite mythique?

Dans la croyance dans les chambres homicides, quelle est la part qui revient à chaque élément?

 

LA LITTERATURE AMERICAINE DE LA RUMEUR ET LA POSITION DU PROBLEME

 

En 1942, aux Etats-Unis, fut créée à l'initiative de Gordon Allport, et financée par le gouvernement américain, une clinique des rumeurs. Pour la première fois, la rumeur est posée comme domaine d'étude systématique. Ce domaine d'étude est devenu le noyau fondateur de la Psychosociologie qui est une partie de l'anthropologie.

Les définitions du concept que proposent les auteurs américains résument bien leurs résultats:

"Affirmation générale présentée comme vraie, sans qu'il existe de données concrètes permettant de vérifier son exactitude. C'est une déclaration destinée à être crue se rapportant à l'actualité et répandue sans vérification officielle."[(1)]

"Compte rendu ou explication... circulant de personne à personne et se rapportant à un objet, un événement ou à une question d'intérêt public."[(2)]

Le psychosociologue francais Jean-Louis Rouquette commente:

"dans un usage scientifique, la rumeur ne peut évidemment pas être définie par rapport au critère extérieur que constitue la valeur de vérité de son contenu ou la vérifiabilité de celui-ci. Une telle définition, directement adéquate à la politique intérieure d'un Etat en guerre pourrait en fait convenir à la plupart des cas de transmission d'informations entre sujets humains."[(3)]

Remplacons le mot "rumeur" par le mot "crime"" et nous nous retrouvons à Nuremberg. Les psychosociologues affirment que ce domaine fondateur de leur discipline n'a fait aucun progrès depuis vingt ans. Etonnons-nous: laisse-t-on impunément de côté la signification que revêt un phénomène humain pour ceux qui s'y trouvent pris?

Les limites de cette innovation sont circonscrites par le but politique: contrarier et défaire les rumeurs qui pourraient inquiéter les, populations. De là le parti pris méthodologique d'exclure expressément tout jugement de vérité sur le contenu de la rumeur. Les psychosociologues américains ne vérifient pas le contenu de la rumeur. Ils étudient les formes de l'énoncé de la rumeur et de sa transmission, sur quoi ils font de précieuses remarques.

Nous apprenons, à la lecture des ouvrages américains, qu'à partir d'énoncés variés, liés a un événement (non vérifié), le récit de la rumeur passant de bouche à oreille se condense en une phrase simple. Les agents de la rumeur projettent sur elle leurs appétits, leurs désirs, leurs craintes et tremblements, qui se synthétisent dans une rumeur homogène et réduite à une phrase facile à retenir et à dire que les psychologues appellent une "bonne forme". Ce phénomène langagier de la vie publique se produit plus volontiers en situation de crise quand les organes officiels ne donnent que des informations limitées ou fausses sur cette situation.

La rumeur, dans sa positivité, dit le désir ou le souci d'une population au regard d'une actualité troublante. Pourtant les chercheurs américains n'envisagent que l'aspect pathologique de ses effets et la technique empirique efficiente pour les supprimer de facon militaire. La méthode consiste alors à dénier par voie de presse l'énoncé le plus simple de la rumeur.

Réduire les paroles de la rumeur d'une facon chirurgicale et militaire selon les programmes d'action étatique ne laisse-t-il pas en plan la compréhension de la dimension de dialogue qui, par la rumeur, relie le citoyen à la cité?

Le commentaire du psychosociologue francais met bien en lumière que "l'usage scientifique ne peut évidemment pas être défini par rapport aux critères extérieurs de vérité". Il faudrait dire l'usage scientiste. Car pour la science de ces phénomènes, la psychosociologie, pressée d'agir, en posant les conditions de vérité de son objet d'étude hors du champ de son domaine se met hors de la position de comprendre ce qu'elle se donne pour mission d'étudier.

Le médecin Emile Littré définit la rumeur comme un:

Bruit sourd et général, exalté par quelque mécontentement annoncant quelques dispositions à la révolte, à la sédition. Elle se réfère "à un événement imprévu", et quelquefois "réunit les opinions du public contre quelqu'un".[(4)]

La définition du médecin francais est plus complète que celle des chercheurs américains. Elle part de la dimension politique qui constitue l'espace fonctionnel de la rumeur dans la cité où elle prend effet. La rumeur est comme un rêve dont le récit s'adresse confusément au gouvernement de la cité dont elle interprète, en tant qu'opinion publique, les actes.

Avec la définition de Littré, serions-nous devant la rumeur du temps de paix et avec les psychosociologues américains devant la rumeur du temps de guerre? C'est possible et ce n'est plus ou pas encore vrai. La guerre a changé sa relation aux populations civiles et par suite la rumeur est devenue l'un des moyens d'action, lequel peut prolonger ses effets en temps de paix en déterminant l'interprétation des rumeurs de temps de paix.

Si le contrôle d'une telle croyance échappait aux Docteurs Faustus qui croient la comprendre, elle pourrait, laissée au jeu des puissances de l'opinion, devenir mythe et le citoyen serait alors dessaisi d'une relation intelligible aux problèmes civils de la cité.

 

Une monographie francaise

Les rumeurs d'Orléans et de Rouen

 

L'honneur d'avoir remis à l'ordre du jour l'étude du phénomène de la rumeur en introduisant cette fois la prise en compte du contenu de vérité et la vérification de la rumeur revient à M. Edgar Morin. Il fit l'historique circonstancié de la rumeur qui, en 1969, emporta la ville d'Orléans, dont les pucelles donnent décidément bien du fil à retordre aux historiens.

C'est en effet, rappelons-le, dans les écoles et autres collèges de jeunes filles de cette paisible cité que se répandit un phantasme de viol mis en scène sous la forme rationalisée de la traite des blanches. Au faîte de sa splendeur, la rumeur colportait que plusieurs centaines de jeunes filles avaient été enlevées, après avoir recu une piqûre de drogue dans les salons de déshabillage des boutiques de mode. Les futures prostituées étaient ensuite entraînées dans des souterrains qui communiquaient entre eux et avec les quais de la Loire, où, la nuit, les emportait un sous-marin qui ce n'est pas douteux pour assouvir leurs moindres désirs, venait du bout du monde.

Cette mystique sexuelle engendra chez les mamans une surenchère dogmatique. Elles crurent, par jalousie, ou firent semblant de croire, par pédagogie, à l'odieux trafic qui, espéraient-elles, pouvait intimider et faire contention à la montée angoissante et contemporaine de la musique dite, "yéyé", des cigarettes de haschich et des mini-jupettes.

Rien n'arrêtait plus le bruit de grossir quand, tout à coup, quelqu'un s'avisa enfer et damnation! que, sur six magasins que la rumeur consacrait au commerce du sexe, cinq appartenaient à des commercants d'origine juive.

Détruire une telle rumeur comme le montre l'expérience américaine est un jeu d'enfant. Des déclarations précises, dans la presse locale, obtenues par les commercants et les pouvoirs publics locaux y suffisent. Le malheur voulut que les élections soient en cours et que les élus préfèrent remettre le règlement de ce problème de quelques jours. Le correspondant local de la LICA n'attendit pas. Il fit venir diligemment de Paris les exorcistes de la LICA et du MRAP qui mirent aussitôt en alerte la presse nationale spécialisée dans le combat contre les forces du mal absolu. Mélangé à la haine présupposée des Francais pour les Juifs, le phantasme sexuel ne pouvait survivre et, en peu de jours, l'énormité se disloqua en quelques rumeurs adventices, bientôt réduite ou remaniées.

L'insigne supériorité d'Edgar Morin sur l'école américaine est d'avoir tout de suite pris en considération pour analyser le phénomène le contenu de vérité du message de la rumeur. Aucune jeune fille n'ayant disparu, l'énoncé ne prenait appui sur aucun fait. Il était donc faux.

Ce principe de départ a un triple avantage; d'apercevoir le problème de justice que causent souvent ces circonstances ; de prendre des dispositions contraires, voire curatives; d'expliciter qu'une rumeur n'a nul besoin d'un événement local pour se développer Autant de choses que la "neutralité" behaviouriste américaine n'avait aucune chance d'apprécier..

De la sorte, un diagnostic est formulable, qui ouvre sur la possibilité de parler, cette fois à juste titre, d'une clinique de la rumeur. Cette ouverture est hélas refermée à peine ouverte, Edgar Morin s'empêtrant dans les thèses des exorcistes.

Résumons le processus.

Si la proposition "les commercants de mode font de la traite des blanches", avait été vraie, on se serait trouvé devant une rumeur politique. Etant fausse, on se trouvait devant un phantasme sexuel qui, par mimésis hystérique, se répandit et par lequel les jeunes Orléanaises firent connaître, à leur insu, le désir d'une très antique revendication féminine répertoriée par nos classiques. ~

Comment cette rumeur phantasmatique devint-elle dangereuse? Parce qu'on resta sourd à ce qu'elle disait et que furent faites des interprétations fautives.

Les pères et les maris, tout d'abord, traitèrent la rumeur par le dédain pour n'y voir que "des problèmes de bonnes femmes"". De la sorte, l'ignorance des hommes put se maintenir jusqu'à ce que la rumeur devienne une menace véritable pour ses victimes.

Il en est de la rumeur comme du rêve qu'on raconte ou de la plaisanterie: elle s'adresse à quelqu'un. Si personne ne l'entend, elle se transforme en hostilité envers ceux, ou leurs substituts imaginaires qui auraient pu la comprendre. Aussi, comme dans la quête amoureuse, les pères et les mères ne surent rien entendre; la rumeur dirigea sa question vers ce qu'il y a de plus érotique et de plus étranger à la famille, et qui, en Orléans, en matière de cabines de déshabillage est souvent juif.

Un fait saillant de cette rumeur est que le mot '"juif" n'y figurait pas. Le phantasme d'enlèvement est très banal, les magasins tenus par des citoyens d'origine juive nombreux. Les Orléanais savaient-ils que ces personnes étaient d'origine juive? Nous ne le savons pas. Qui, le premier, s'est apercu que cinq des six magasins visés appartenaient à des Juifs, et comment cette personne a-t-elle interprété la rumeur? Nous ne le savons pas non plus.

Cette personne aurait pu penser que l'honneur de désigner des citoyens d'origine juive pour résoudre un mystère sexuel était dû à une raison de civilisation.

Les jeunes filles d'Orléans, qui vont à l'école, savent que la psychanalyse existe grâce à Sigmund Freud et qu'en Orléans comme ailleurs sont différents centres hospitaliers ou psychopédagogiques où se traitent les problèmes psychologiques qui sont toujours des troubles libidinaux.

Au lieu de penser à ca, on s'en remit aux réflexes conditionnés du temps et l'on associa le mal au I"fascisme": on ferma la possibilité curative d'une frénésie qui avait pris une tournure inadmissible.

C'était une erreur dommageable, car si la rumeur est une arme que chaque agent peut fourbir de ses haines rancies ou de son amour propre, rien n'indique cependant qu'à sa source les demoiselles d'Orléans aient eu en vue la construction de camps de concentration. Tout au plus peut-on avoir l'impression qu'elles voulaient baiser; ce qui est une explication moins désobligeante.

Edgar Morin, à plusieurs indices, montre bien qu'il devine la demande confuse qui inspire la fable nubile. Cependant, au lieu de circonscrire cette demande, il présuppose trois hypothèses, liées aux moyens mis en oeuvre pour écarter la prise en compte du désir des adolescentes dans l'interprétation de la rumeur.

La première hypothèse postule qu'un mythe antisémite d'origine moyenâgeuse serait tapi dans l'inconscient des Francais; toujours prêt à bondir. Notre auteur n'apporte pas de ce dragon archétypal plus de preuves que les jeunes filles n'en donnaient du sous-marin. Retenons l'idée: l'Archè local, c'est-à-dire, en langue noble, la forme politique originelle orléanaise, serait un archétype mythique, archaique et xénophobe.

La seconde hypothèse, Qui permet la première, pose Que la vie orléanaise est infra-politique. M. Morin voit dans Orléans une agglomération satellite de la capitale. De la capitale procéderait la seule vie politique (en langue noble, Polis). Orléans n'aurait de vie politique que dans la mesure où celle-ci lui viendrait de Paris.

La troisième hypothèse reste implicite et consiste à employer à toutes les pages de la monographie le lexique de l'épidémiologie: Virus, inoculation, incubation, prolifération, bouillon de culture, etc., sans que l'on sache jamais s'il s'agit d'une métaphore décorative, d'une analogie structurelle, ou d'un naturalisme causal propre à la doctrine de l'analyste anthropologue.

De ces hypothèses risquées. M. Morin n'est qu'à demi responsable. Il a conduit son enquête après que la LICA et le MRAP aient dévasté son terrain ethnologique en le bombardant de leur interprétation canonique. Pauvre terrain et pauvre sociologue! Il crut trouver des archétypes natifs là où n'étaient que bruits importés.

Examinons ces trois hypothèses.

Le néo-jungisme qui consiste à présupposer l'existence d'un archétype au fondement immémorial et inconscient, est une nouveauté théorique dans le domaine de l'anthropologie sociale qui exigerait la démonstration la plus minutieuse. Si tant est qu'un tel archétype soit un jour mis en évidence, rien n'indique que la rumeur d'Orléans en procède. En revanche, tout montre que ce type d'imputation est celui que véhiculent les prêtres de la LICA et du MRAP qui n'en ont pas d'autre pour faire face à des difficultés de ce genre. Les associations vertueuses commencent par mythifier la rumeur. On invoque l'holocauste. On y agglutine la rumeur et on pulvérise la totalité sur la population médusée. Mais, s'il y avait eu une véritable motivation antisémite. Le bruit se serait-il aussi subitement dissous?

La seconde hypothèse n'était donc qu'une conséquence de la première. Les provinciaux étant assujettis a un archétype ne peuvent recevoir la lumière civique que des associations morales parisiennes M. Morin s'étonne qu'après leur passage la ville soit traversée par un florilège de rumeurs mineures dont celle-ci: "Il y a un Allemand là-dessous" ce qui assurément est moins dangereux pour les commercants innocents, sans témoigner d'un meilleur réalisme.

La métaphore épidémiologique relève d'une intuition plus heureuse qui, si elle avait été prise au sérieux et avait englobé les ligues gardiennes de la foi, se fût justifiée davantage.

La rumeur d'Orléans, telle qu'elle peut être connue au travers, comparée aux rumeurs de peste. Non point qu'il y ait eu quelque peste en Orléans. Il y en eut par contre dans les camps de concentration de la seconde guerre mondiale qui connurent le typhus. Elles ont donc de l'importance pour comprendre l'invocation de l'"holocauste" qui est faite par les ligueurs et dont les épidémies sont toujours absentes. Moins l'on veut reconnaître une explication de ce qui vous affecte et plus on voit l'autre affecté du mal dont on croit s'être prémuni.

Quoi qu'il en soit, toutes les pestes de l'occident chrétien ont donné lieu à des procès contre les supposés semeurs de peste. Nous savons depuis Littré que tous les semeurs de peste torturés et mis à mort étaient innocents puisque les méthodes de propagation qui leur étaient prêtées ne pouvaient répandre le mal [(4)]. Dans ces procès, des catholiques étaient condamnés dans des villes huguenotes et des Juifs dans les villes chrétiennes.

La rumeur dans les grandes épidémies en vient à prendre une tournure violente et se configurer en un système d'imputations que l'on retrouve dans les procès d'incendie, de révolution et de guerre Dans tous ces procès, l'accusation est de type théologique: de la lecon morale du procès dépend la définition du crime et du criminel [(5)].

Le typhus, qui est refoulé dans l'interprétation des effets mortifères des camps de concentration, fait retour dans l'interprétation que fait Edgar Morin des moeurs des demoiselles. Rappelons deux traits fondamentaux de la phénoménologie de l'imaginaire des pestes.

La peste d'Athènes, dont Thucydide nous a laissé la description, était une épidémie de typhus exanthématique, le même typhus qui a dévasté les camps de concentration. Depuis cette époque ancienne, dans la représentation savante et populaire, c'est l'air humide et confiné qui était tenu pour porteur de peste. Il y avait là quelque raison, car partout où l'air s'immobilise dans les moiteurs malpropres d'endroits surpeuplés, la peste peut s'installer. Les Grecs disaient par ailleurs que le mal venait d'Ethiopie, ce qui voulait dire que la maladie venait du chaud, et non du froid, identifié aux Scythes. Il ne s'ensuivait jamais, en ce temps, de procès contre les Ethiopiens ni contre aucun autre citoyen.

En revanche, les pestes européennes mettent en évidence une étrange certitude qui entraîne les populations devant les grandes hécatombes humaines. Cette certitude veut que le malheur ait été voulu. De la sorte, punissant des coupables, on pourra se donner l'illusion rassurante d'avoir eu prise sur le phénomène irrésistible. Après la guerre de 14-18 par exemple, la rumeur a été vivace et embarrassante selon laquelle les gouvernements ennemis avaient retardé la fin de la guerre pour que le nombre de morts que l'on connaît ait le temps d'être atteint. La pression populaire de cette irrésistible conviction trouvera en 1945 une issue plus durable.

M. Morin n'avait donc aucun motif sérieux, pour expliquer la rumeur qui avait lésé quelques citoyens, d'avaliser et d'invoquer des doctrines effroyables pétries de thèses peu amènes à l'égard de citoyens d'origine non juive. Fallait-il qu'ensuite il s'étonne que le phantasme universel de viol, après la mise en scène bruyante qui en fut faite, se manifestât dans toutes les villes du pays et qu'il en conclue que les Francais auraient été à leur insu à deux doigts d'exterminer la communauté juive?

Si Edgar Morin est vaguement sceptique à l'égard des explications des ligueurs, dans l'opinion, la rumeur d'Orléans a cependant reconduit les pires menaces et craintes idéologiques que diffusent les ligues.

Ce livre présente aussi avec précision et bonne foi de nombreux documents qui laissent au lecteur la possibilité de se faire une opinion. C'est ainsi qu'est donné un témoignage qui est la contre-épreuve fatale à la thèse générale de l'ouvrage.

Une commercante de mode rouennaise et ses deux filles furent l'objet du même injuste soupcon. Les malheureuses n'étant pas juives n'avaient aucun motif religieux pour solliciter les services de la LICA et du MRAP. Cette dame dut vendre son commerce et, avec ses deux filles, alla se réinstaller en Savoie. Que croyez-vous qu'il se produisit? Ce fut la rumeur qui suivit; et les deux filles de la commercante, passant à l'acte le phantasme exotique initial, s'expatrièrent.

Edgar Morin s'est donc laissé abuser. La seconde édition de son livre est traversée de ce pressentiment qui explique peut-être la déclaration récente de l'auteur: "Les chambres à gaz sont une question qui devrait être posée."

Concluons: l'interprétation de la rumeur des antichambres de l'Eros en antichambres de la mort montre que la monographie francaise rencontre les limites qu'impose dogmatiquement une ancienne rumeur devenue croyance. Qu'il est temps d'étudier.

 

La propagande de guerre et la rumeur des chambres homicides

 

A l'air empoisonné qu'évoque en Occident toute peste, il faut ajouter, dans les trésors lexicaux où est allée puiser la rumeur des camps, le précédent des bombes à gaz mortel de la guerre de 14-18 et la pratique étrange, pour beaucoup d'Européens, de l'usa ge de la crémation dans les camps allemands. Ce triple fonds fournit les éléments à partir desquels va se former la rumeur guerriers.

L'étude de la documentation disponible contraint à distinguer la rumeur à l'extérieur et à l'intérieur des camps. A l'intérieur des camps, force est aussi de faire la différence entre la fonction de la rumeur avant et après la libération des camps. Ensuite de quoi pourra être analysé comment ces rumeurs ont pu s'ajointer au procès de Nuremberg et, par la suite, se transformer en croyance.

A l'extérieur des camps, ce ne fut en aucune facon par un "on-dit" de mystérieuse provenance que commenca la plus grandiose construction verbale de notre temps. On forma le dessein explicite, étayé sur des documents sciemment fabriqués, de porter une accusation délibérément fausse.

Le but humanitaire principal qui inspirait l'entreprise était de faire pression sur les opinions et les gouvernements américains et anglais, pour appuyer la politique sioniste d'émigration en Palestine des populations européennes d'origine juive, telle que la souhaitait aussi le IIIe Reich.

En juin 1942, le coup d'envoi fut donné par le Congrès juif mondial qui proclama, sans autre précision, qu'un million de juifs européens avaient été tués. Le gouvernement polonais, en exil à Londres, confirma la nouvelle que le New York Times reprit sous réserve de vérification.

Le 8 août 1942, M. Riegner [(6)] affirma à Genève tenir d'un industriel allemand (anonyme) que l'extermination des Juifs, non soviétiques et sous contrôle allemand, avait été décidée.

En septembre 1942, deux évadés (anonymes) auraient confié à M. Riegner que les corps des Juifs exterminés servaient d'engrais. A la fin du même mois, M. Riegner produit deux documents (anonymes) faisant état de deux usines de savon, de colle et de lubrifiants, toujours fabriqués à partir des corps des victimes.

Le 9 octobre, M. Riegner annonce, toujours à Genève, qu'un officier de la Croix Rouge l'a informé de l'existence de l'extermination.

Le 10 octobre, le Vatican bien renseigné, informe le représentant américain du caractère sévère des mesures qui sont prises à l'encontre des ressortissants juifs.

Le 22 octobre, une interview révèle les propos de cet officier. Il s'agit du célèbre professeur Karl J. Burckhard, qui n'a rien dit de pareil, mais dont les propos sont surinterprétés par le journaliste

"Quand je lui ai demandé si le mot extermination était employé, il répondit que le mot qui devait être utilisé est celui de Judenfrei (libre de Juifs). Depuis que les juifs ne peuvent aller ailleurs et qu'ils doivent débarrasser le territoire, le résultât ne peut être qu'évident et la signification claire."

Fin novembre, le Département d'Etat recoit une relation (anonyme) postée de la cité du Vatican qui rapporte:

Ils sont [Les juifs] tués par les gaz empoisonnés dans des chambres spécialement préparées à cette fin (souvent dans des wagons de chemin de fer) et par mitraillage... Des informations circulent selon lesquelles leurs corps servent de matière première aux manufactures de produits chimiques (usine de savon)."

Le 17 décembre 1942, toute cette fumée rassemblée dans le rapport "Blue print for extermination" commenca à faire prendre le feu, et les Alliés, induits par Roosevelt, condamnèrent l'horrible attentat qui; Jusque là ne reposait que sur six documents anonymes et une interprétation abusive de journaliste.

Le 19 janvier 1943, l'infatigable Riegner annonca que 6.000 juifs étaient journellement tués en Pologne.

Enfin, le 14 février, le New-York Times, avec toute son autorité, répandit la mauvaise nouvelle.

Cette campagne de désinformation permit à M. Morgenthau de réduire l'influence de Hull, Secrétaire d'Etat aux Affaires Etrangères, hostile à cette propagande, et de prendre en janvier 1944 la direction du War Refugee Board. C'est le rapport final de ce Bureau des réfugiés de guerre qui, nourri des témoignages anonymes alors de deux évadés d'Auschwitz, servira de source au procès militaire de Nuremberg. Ce Bureau sut s'imposer auprès de la Croix Rouge pour prendre en mains, à travers elle, les camps à leur libération.

Quelle fut la position des hommes de lettres américains dans cette affaire?

Le Writers War Board est dirigé par Rex Stout, auteur de romans policiers, et animé par Clifton Fadiman, chef de la rubrique des livres du magazine hebdomadaire le New Yorker. Leur but commun était "de générer une haine active contre tous les Allemands et pas seulement contre les dirigeants nazis". Pour C. Fadiman, les dirigeants nazis sont "un groupe de gangsters qui expriment une hérésie datant de deux siècles et qui consiste en une rébellion contre la civilisation". Il faut "briser ces bandes de loups sortis des forêts'". Ce chroniqueur commente favorablement le livre d'un M.de Sale, The making to-morrow, qui recommande la stérilisation de tous les Allemands. Madame Dorothy Thomson se déclare séduite par ce "passionnant argument", et Hemingway trouve "extraordinaire cette suggestion que le seul accommodement avec les nazis soit de les stériliser au senl chirurgical du terme".

L'invention américaine de l'extermination industrielle fut donc accueillie avec délices par beaucoup et emporta la convition des plus sages. C'est ainsi qu'en toute bonne foi, Jacques Maritain écrivait le 4 juin 1943 dans la revue Common Weal (la chose publique), extermination s'accomplissait "par poison gazeux, électrocution, par asphyxie en entassant des gens dans des espaces clos".

Cette odysée appelle deux remarques principales.

La chambre à gaz n'intervient qu'une fois dans les six premières relations anonymes, celle postée de la cité du Vatican. Par cette ruse, on faisait croire à des auditeurs distraits que le Vatican avalisait la nouvelle. Pie XII a donc été à son corps défendant l'autorité légitimatrice réelle de la chambre mortelle qui allait devenir une élément essentiel de la rumeur et une des causes de la faillite de la catholicité.

Le nom d'Auschwitz n'apparaît que dans le dernier document. Comment cela se fait-il ?

En 1941, après le bombardement de Pearl Harbour, les Etats-Unis avaient perdu 90% de leur approvisionnement de caoutchouc. C'était là, en temps de guerre, une catastrophe d'autant plus grande que les industriels américains ne savaient pas produire le Buna synthétique qui pouvait le remplacer. Les Allemands, eux, savaient le produire et, dès 1939, les procédés de fabrication allemands firent des progrès rapides dus à l'application de nouvelles techniques de polymérisation effectuées non plus à partir du carbone mais d'un hydrocarbure. Sur ces nouvelles connaissances, Auschwitz fut construit d'Auschwitz fut donc l'objet des soins les plus attentifs des services secrets américains. Ceux-ci utilisaient des agents soviétiques, comme le prouve le fait que l'un d'entre eux, qui fut arreté après la guerre, faisait partie de l'entourage de Morgenthau et lui succéda à la charge de Secrétaire du Trésor américain. Auschwitz était fréquemment photographié par avion, et les évasions n'étaient pas chose rare.

Il est donc probable que le gouvernement des Etats-Unis ntaitpas voulu, en en parlant, attirer les soupcons des Allemands sur l'attention passionnée que l'O.S.S., ancêtre de la C.I.A., portait à ce camp.

Ainsi le gouvernement américain a-t-il eu connaissance, quelques semaines avant que ne soit répandue la thèse de l'extermination d'une épidémie de typhus qui fit plusieurs milliers de mort à Auschwitz et qui retarda de deux mois la mise en route du complexe industriel allemand.

Dès que la guerre fut gagnée, il redevint possible de parler d'Auschwitz que l'on connaissait bien. Ce que fit M. Morgenthau sur la base de deux relations officielles et anonymes dans le rapport final qui servait de base aux imputations du tribunal militaire de Nuremberg.

 

Fonction de la rumeur à l'intérieur des camps

 

A l'intérieur des camps, la rumeur des chambres à gaz a été une rumeur de meurtre parmi d'autres, dont la plus fréquente était celle par crémation.

Ces rumeurs servaient à intimider les nouveaux venus lors de leur incorporation. De même dans les prisons ou les asiles on enlève les vêtements privés des arrivants, et, dans les bizutages, on menace les impétrants de punitions extraordinaires, de même les déportés arrivants étaient-ils en général dépouillés de toutes leurs prothèses, lunettes, etc. et quelquefois menacés de la "chambre à gaz" ou autre supplice. On pensait s'assurer ainsi de la docilité des nouveaux venus.

Ana Novac rapporte (J'avais 14 ans à Auschwitz, Paris 1982) : "Elle nous menace de choses ahurissantes: si nous ne descendons pas tout suite de la paillasse, elle nous fait, séance tenante, envoyer à Dachau à la chambre à gaz, elle nous fait incarcérer, fusiller, etc." (p. 54). "Elle nous menace de nous envoyer d'emblée à Buchenwald dans la chambre a gaz (cette chambre à gaz se trouve alternativement à Auschwitz, à Dachau ou à Buchenwald, selon son humeur)" (p. 68).

La chambre à gaz pouvait être aussi l'appellation générique et pudique avec laquelle pouvaient être baptisés tous les autres assassinats.

Le degré de croyance dans la rumeur était par le fait très variable dans la population des camps. Les membres de la hiérarchie, par exemple, savaient à quoi s'en tenir.

 

Cela explique qu'à la Libération, la rumeur change de fonction en se retournant vers les seuls gardiens allemands, soit perturbée et que sa formulation soit encore mal formée. Lors des treize procès de Nuremberg, les moyens exterminateurs sont très variés. Ils comportent des piscines électriques, l'asphyxie, la vapeur, la chaux-vive... Seule l'Union soviétique essaya d'imposer l'idée d'un usage industriel des corps comme matière première.

Il est vraisemblable que ces différentes rumeurs se sont développées toutes seules en quelques heures après la libération des camps. Devant les spectacles catastrophiques, tels les incendies, l'esprit humain, à défaut de bien raisonner, trouve vite une issue ou un responsable. A la force propre de ce phénomène interne au camp s'est jointe l'invention raisonnée de la propagande guerrière et les tourments nécessaires à l'écriture des "mémoires" et des "journaux intimes" des responsables du crime imaginaire et monstrueux.

Un incident, une confidence et une lointaine inconséquence endisent assez sur la conviction des juges qui oeuvralent sur des "on-dit'" c'est-à-dire sur des "on-ne-dit pas".

L'enquêteur Joseph Kirschbaum vint à Nuremberg avec un certain Einstein pour que ce dernier accuse l'Allemand Menzel de l'assassinat de son frère. L'accusé fit remarquer que la victime siégeait à la Cour. Le pauvre Einstein se fit engueuler par l'enquêteur: "Comment voulez-vous attraper ce gibier de potence, si vous êtes assez stupide pour venir avec votre frère en audience? [(7)]

En 1948, un journaliste demande au colonel A. Rosenfeld, chef de la Dachau War Crimes Administration Branch s'il y avait quelque chose de vrai dans toutes ces histoires qui fondaient les sentences de mort. Le colonel répondit : "Oui, bien sûr... Nous n'avons pas pu attraper ces oiseaux autrement... c'est une ruse qui a l'effet d'un charme". [(8)]

L'inconséquence lointaine est le retour périodique de pénibles spectacles judiciaires. L'élément d'injustice ne pouvant être résorbé, la pire sophistique judiciaire s'affiche. Prenons l'exemple d'une demande de réintégration d'un professeur dégradé en 1948 à cause des chambres à gaz. En 1969, il demande de reprendre sa chaire. On lui refait un procès. Il fait valoir qu'il avait apporté des "corrections" à son "journal intime" sur les conseils pressants des juges. Parmi ceux-ci, se trouve le fameux procureur polonais Jan Sehn revint à la charge contre ce professeur pour lui dénier le droit de rétracter ses aveux:

Une déclaration de non-culpabilité aurait été incompatible avec ce que l'accusé avait écrit dans son journal intime." [(9)]

A quoi l'auteur du journal intime ne peut que répondre:

Si en vertu des critères humains, l'ai accompli quelque chose de mal, je ne puis que prier de prendre en considération mon âge et mon tragique destin. Je n'ai connaissance d'aucune faute dans le sens juridique et pénal. Je.confie au juge suprême de tous les mondes le soin de trancher un dilemme qui n'est pas simple pour l'entendement humain".

La difficulté et la répugnance de concevoir que le monde tolère ces turpitudes judiciaires forcent l'esprit à joindre des suppositions atroces à tant d'atrocités manifestes. Ainsi veut-on se cacher que les accusés ont été amenés à se calomnier pour avoir la possibilité, après qu'ils eurent menti, de douter quand ils disent vrai.Comment ne pas voir que ce genre d'accusés s'entre-accusent, non point pour se soustraire à la faute, mais pour se libérer de la difficulté harassante d'expliquer des choses qui, n'étant pas possibles, ne sont pas explicables?

Commentant cet épisode juridique, Robert Faurisson résume l'éthique de vie que suggèrent ces fantaisies :

Le Professeur Kremer, en fin de compte, a été moins habile et moins prudent que son confrère le Professeur Wilhelm Pfannenstiel dans l'affaire Gerstein. Pfannenstiel, père de cinq enfants, a su se ménager une belle carrière grâce à des aveux d'un vague extrême et grâce à une mission en service commandé auprès de Paul Rassinier pour essayer de faire croire à ce dernier qu'il y avait eu des gazages homicides à Belzec. [(10)]

Cette justice n'est pas satisfaisante et ne peut l'être. S'il est presque possible de masquer le vrai, le faux est désespérément factice.

Ce n'est donc que progressivement, au cours des quinze années qui suivirent la guerre, que la rumeur et la propagande, sanctifiées par des jugements de cour, reprirent dans la presse leur marche triomphale vers la "bonne forme" qui spécifie une rumeur achevée.

Que la rumeur ait été élevée à la dignité de croyance par les tribunaux explique pour une large part que l'oeuvre de Paul Rassinier, qui insistait sur son irréalité ait pu être refoulée.

Ce conglomérat de rumeurs spontanées et de propagande artificielle, honoré par des sentences de cour, fournissait en effet des consensus sociaux et internationaux, assignait un site rassurant au mal imbécile de mentir et répartissait des intérêts.

Mais aussi, en raison de la dégradation que le temps ne manque pas de faire subir aux édifices trop abstraits, surgirent des sinécures pour veiller à l'entretien du bâtiment. Le succès de cette entreprise de restauration avait réussi à métamorphoser une croyance composite en mythe. Celui-ci n'avait-il pas réussi à limiter, pour des raisons énigmatiques mais sacrées, le domaine des études historiques, ainsi que l'atteste l'asservissement volontaire de trente-quatre historiens à cette limitation?

 

Le mythe des chambres à gaz

Excès et dissolution

 

Pour que l'on puisse parler de mythe" il était nécessaire que la dimension événementielle soit oubliée et recouverte par une autre sans que les acteurs le sachent et puissent par conséquent avoir la pensée d'aller vérifier le vrai.

A ce point en étaient les choses jusqu'à l'arrêt du 26 avril 1983.

Le mythe, ayant été spécifié comme tel par des savants et des instances républicaines, il ne peut plus rester mythe et revient au statut de simple croyance. Ainsi, de même la justice naguère avait donné sa légitimité à la rumeur guerrière, de même allait-elle lui retirer la possibilité de son assomption en mythe. Comment était le succès ? Comment vint l'échec ?

Le succès fut total. Ce qu'il en reste encore donne à réfléchir.Cette croyance n'est-elle pas encore bien partagée? Ne l'enseigne-t-on pas dans les établissements d'enseignement secondaire? Ne voit-on pas des procès entrepris à seule fin de donner autorité à un récit idéal ?

Et parmi les intellectuels ! De bonne foi, complaisants, haineux ou soumis, ils montrèrent que l'holocauste est leur religion. Ils ont, pour la circonstance, réalisé bravement ce tour de force de combattre une opinion contraire à leur croyance ou à leurs intérêts sans avoir aucunement l'impression de croire, ou de laisser croire quoi que ce soit. Pour un George Orwell, disant en ~ 1948 "qu'y a-t-il de vrai dans ce qu'on nous raconte des fours à gaz de Pologne ?", combien de Wellers, combien de croquemitaines, combien de Faye, combien de Vidal, combien de Naquet montèrent aux misaines ?

Après que devant eux on eut vidé le fond du sac, les intellectuels voulurent y remettre la tête. Dans un premier temps, ils pressentirent confusément en Robert Faurisson le diable du mythe qui, à leur insu, les assemble. On entendit alors des criailleries, on pétitionna, des nouveautés philosophiques surgirent et les méchancetés s'étalèrent de facon d'autant plus débraillée qu'elles se croyaient le fait de la bonté outragée. Jusqu'à ce que - aurait pu dire Maldoror - l'océan de l'évidence majestueuse fasse régner le mutisme stuporeux de la déconfiture.

A la LICRA et à ses experts revient l'honneur, par les excès de leurs interprétations abusives du mythe. Elle assigna le professeur en justice comme faussaire. Ce n'en était pas un. Cela se sut. Les procès permirent d'élucider le fond et de réduire le mythe. Car, pour que cette réduction se fasse, il fallait que l'énoncé le plus contraire au mythe "les chambres homicides n'ont pas d'existence historique" devienne de notoriété publique. La LICRA s"est employée sans faiblesse à faire l'énorme publicité que cet énoncé méritait.

Il suffisait pour que l'illusion cède.

 

Les moments constitutifs du récit exterminateur

et les effets de son identification

Au cours du récit, la rumeur, la propagande délibérée et la croyance ont formé des alliages divers qui ont composé des strates successives.

Il n'est donc pas aisé de retracer les moments de ce processus, et cela d'autant moins qu'au cours de ce récit, l'usage de la rumeur s'est étendu ainsi que, par conséquent, son concept.

Il ne faut pas perdre de vue que la representation ,"chambres à gaz" a bien existé dans le mythe, que le mythe a été vivant et que, par suite, bien que fondé sur des événements pseudo-historiques,celui-ci est devenu un événement historique dont l'effet, c'est-à-dire le contenu réel, est d'avoir modifié la position politique du citoyen par rapport aux phénomènes de l'opinion publique.

A l'âge classique, la rumeur s'interprétait comme revendication factieuse, non officielle. La rumeur moderne est de surcroît informée par des propagandes qui se cachent. Le succès de ces propagandes dépasse les instigateurs qui en viennent à abandonner la puissance du récit au marteau sans maître de l'opinion publique d'aujourd'hui. On ne sait plus si ce que dit l'opinion publique lui appartient ou si c'est le résultat de connaissances qui sont distraites de sa délibération. Si bien qu'au lieu d'avoir sa fonction républicaine de censeur de la politique, l'opinion suggère au contraire à celle-ci d'être un art de berner.

Venons-en aux grandeurs et misères d'une rumeur devenue mythe.

1. La rumeur hostile dans les camps et le mensonge rusé de la propagande guerrière vont d"abord puiser leurs éléments dans les mécanismes immémoriaux de la peste, dans la crainte des gaz ypérites de la guerre de 14-18, et dans la pratique allemande étrange à bien des peuples d'incinérer les morts.

2. Le procès de Nuremberg opère la jonction entre les rumeurs, très différentes pour chaque camp, et les accusations imaginaires, encore contradictoires, des propagandes des Alliés.

La logique judiciaire repose sur un raisonnement psychologique abstrait, c'est-à-dire déductif. On dit :

- il y a eu beaucoup de morts

- l'excès de morts montre que le meurtre a été voulu

- donc il y a des traces de cette volonté mauvaise.

On cherche ces traces, on ne les trouve pas et, comme on ne sait comment faire pour endiguer le déferlement des propos insensés, on en fabrique. La volonté mauvaise du criminel avait-elle une pareille importance qu'il faille, devant les morts qui étaient sous les yeux, fabriquer des preuves? N'était-ce point assez pour condamner quelques ennemis?

3. Cette construction hasardée fait l'objet de contestations, d'abord aux Etats-Unis avec le Professeur John Beaty en 1951, et en France de facon plus modérée par Paul Rassinier en 1954.

Pendant la guerre, le professeur américain était colonel du Military intelligence Service, dépendant de l'état-major du War Department. Il avait été l'un des deux rédacteurs du rapport secret, "G2 Report", remis, entre autres, à la Maison Blanche, sur la situation du monde avant la guerre. En 1951, il publie le livre Iron curtain over America, où il explique, entre autres, comment le nombre de 6 millions de victimes juives fut fixé, dès 1941, par le Congrès juif mondial.

En 1951, dans la seconde édition du Mensonge d'Ulysse. Rassinier,sans rejeter tout à fait la possibilité d'une chambre homicide, analyse le phénomène de la rumeur pour ce qu'il est, en insistant sur l'élément de mensonge officiel qu'il comporte.

Dans les années cinquante, un nombre considérable de responsables politiques et de gens de lettres connaissaient les faits.Lesquels furent donc l'objet d'un refoulement des discours politiques et philosophiques, et donc de l'opinion publique et de la vie de la cité.

C'est ainsi qu'un pieux mensonge, qui ne dupait pas grand monde jusque vers les années 50, se mit à devenir le drapeau éthique de la croyance des nouveaux penseurs.

4. Au fil du temps, la rumeur se simplifie pour aboutir à la phrase:

" Les Allemands ont réalisé un génocide par gaz avec des moyens industriels",

qui se résume en une autre phrase :

" Les chambres à gaz ont existé."

La majorité des citoyens, ignorant les faits, la rumeur devient insensiblement mythe. La volonté politique ne manque pas de se faire jour pour supprimer ou surcoder les documents vrais, et pour faire taire les récalcitrants qui font remarquer ces falsificatjons.

5. Las ! Soit que la rumeur simplifiée fût devenue plus facile à contredire ; soit que les faits fussent mieux rappelés ; soit que l'irrationnalité du mythe eût fini par paraître dangereuse: celui-ci s'est finalement révélé pour ce qu'il était déjà aux yeux de beaucoup et par se défaire en rumeur plus modeste. Comme, par exemple : "Le Professeur Faurisson est un méchant homme", ou bien : "Les personnes qui s'opposent aux procès qui lui sont faits sont déraisonnables", ou encore : "Il y a des multinationales nazies là-dessous.

C'est dans le bruit de ces rumeurs dilatoires, où l'on remit à l'honneur la diaspora nazie du troisième âge, que l'on a assisté a une réaffirmation dogmatique de la rumeur. Son expression put être alors portée au faîte de la cohérence dont elle est susceptible par les idéologues aux abois.

On écrivit des livres qui s'acharnaient à démontrer l'indémontrable. Des apôtres surgirent. Des Jean-Pierre Faye, des Elie Wiesel, des Leroy-Ladurie et autres chevaliers montèrent ferrailler en première ligne contre les fantômes.

7 et 8. Laissons au professeur turinois Pio Foa la description des phases terminales de ce périple :

"... enfin la foule ne refuse plus de connaître les faits, et demande à ceux qu'elle juge, plus ou moins à tort, comme spécialement compétents, quel est le degré de véracité de certains phénomènes ayant le caractère du merveilleux ; elle demande en somme ce qu'elle doit en penser.

Mais comme les masses ont déjà eu connaissance de l'existence de ces faits, ceux-ci y ont trouvé les attitudes (les) plus différentes de l'esprit; en rapport aux préparations mentales les plus opposées, et aux sentimentalités les plus contraires de chaque individu. Il en résulte la formation d'un état profondément hétérogène, que l'on pourrait synthétiquement définir par les termes d'agitation des intelligences, inquiétude de l'esprit, attraction et répulsion du sentiment, incertitudes profondes, recherche avide de persuasion et d'une formule simple et nette à pouvoir répéter sans aucun danger, et qui rende enfin à la discussion une calme sérénité, venant d'un accord général sur un point indispensable : celui de l'existence positive des faits. [(11)]

 

L'avancée des choses et l'état de la situation

 

Sur l'échelle qui vient d'être reconstruite, nous en sommes entre la phase irénique de l'explication et de la publication. Les agités ont été à peu près réduits au silence, les discussions entre savants et philosophes ont lieu, et une bonne partie des travaux on été publiés.

Tout irénique que soit l'instant, les escarmouches d'arrière-garde ne manquent pas. Les commodités d'une idéologie construite en quarante ans ne s'abandonnent pas en un jour.

Cette résistance aux faits ne se justifie que d'une seule bonne raison qu'il semble néanmoins prudent d'écarter. On dit que les malheurs sont trop proches. De fait, de si grandes douleurs, dès que l'on y songe, deviennent toutes proches ; et si des personnes aimées s"y sont trouvées plongées, le frisson de la détresse ne peut que vous toucher jusqu'à la mort.

Cette raison est irrépressible, mais personnelle.

La loi veut que trois décennies séparent les peuples du fin mot de l'histoire. 1984 sera l'année de la quatrième. La tentative, qui aurait pu être onéreuse, de reconduire ce délai a échoué devant quelques irréductibles de la république des Lettres.

.

Il reste qu'à travers cet avatar mythique religieux, les moyens nouveaux de la guerre ont fait transiter les objectifs et une partie du pouvoir militaire au bénéfice - si l'on ose dire - de l'ensemble des populations. Il s'agit maintenant d'exacerber l'agressivité des populations entières contre l'ennemi et de paniquer les populations adverses.

L'inconvénient de cette méthode est d'avoir survécu à la guerre et d'installer un rapport fallacieux du citoyen à la vie politique en donnant un pouvoir exagéré aux références religieuses et familiales dont la diversité vont dans le sens de l'éclatement de la société civile.

Comment expliquer autrement la montée de ce que l'on appelle le racisme alors que ce mot n'est entré dans le petit Larousse qu'en 1946? Le vaincu aurait-il ravi les fruits les plus doux de la victoire ? A combattre à toutes forces un ennemi devenu imaginaire,toute la logique du discours politique est emportée par ce combat.

On se contentait de raisonner par l'absurde mais la reductio ad absurdum grâce aux ligues antiracistes a cédé la place à la reductio ad Hitlerum.

Dans ce raisonnement absurde, la volonté reste subjuguée par la haine supposée de l'autre contre qui, enfin ensemble dans l'idylle, on pourrait manifester.

Notes

[(1)]Allport et Postman

[(2)] Peterson et Gist

[(3)] Les rumeurs, Presses universitaires de France, 1975.

[(4)] Émile Littré, Médecine et médecins, Didier et Cie, 18?2, pp. 1-40,184-197, 247-265, 492-509.

[(5)] Paul Ricoeur, La sémantique de l'action, Éditions du CNRS, 1977,p. 56.

[(6)] Gerhard Riegner, représentant du Congrès juif mondial.

[(7)] Chicago Tribune, 30 avril 1948, 13, 14, 17 février 1949.

[(8)] New York Times, 31 octobre 1948

[(9)] L'Anthologie (bleue) d'Auschwitz, tome I, p. 246 - Compte rendu des juges communistes du tribunal de Munster au procès du Dr Kremer, pp. 139, 261.

[(10)] Conférence de Torrance, septembre 1983.

[(11)] L'opinion publique et les phénomènes dits spirites, Annales des Sciences psychiques, mai 1907 pp. 306-325.


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