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RAPPORT D'EXPERTISE

SUR LA FORMATION ET LA DETERMINATION

DES CYANURES ET DE LEURS DERIVES DANS LES

"CHAMBRES A GAZ" D'AUSCHWITZ

par Germar Rudolf



1/4 ------------> [ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ]

[Pour les tableaux, les formules chimiques écrites sous forme canonique, les graphiques et les illustrations, qui dépassent nos compétences numérisatrices, les spécialistes voundront bien se reporter à la version allemande, accessible surn www.org.( Das Rudolf Gutachten) ou disponibles sur papier (en allemand et en français) à VHO, Posbus 60, B-2600 Berchem 2. NDLR]

TABLE DES MATIÈRES
Introduction
Définitions
Plans du camp
1. Mode de construction des installations de gazage à Auschwitz
1.1.Signification du camp d'Auschwitz
1.2.La "chambre à gaz" du camp principal Auschwitz I
1.3.Les "chambres à gaz" du camp de Birkenau/Auschwitz II
1.3.1.Les crématoires II et III
1.3.2.Les crématoires IV et V
1.3.3. Les fermettes I et II
1.4. Chambres pour l'épouillage des vêtements
1.5.Le système de drainage à Birkenau
2. Formation et stabilité du bleu de Prusse
2.1.Propriétés de l'acide cyanhydrique
2.2.Composition du bleu de Prusse
2.3.Formation du bleu de Prusse
2.3.1.Influence de la teneur en eau
2.3.2.Réactivité du fer
2.3.3.Influence de la température
2.3.4.Influence du pH
2.4. Stabilité du bleu de Prusse
2.4.1.Influence du pH
2.4.2.Solubilité
2.4.3.Déplacement chimique (ligands concurrents)
2.4.4.Influence de la lumière
2.4.5.Test à long terme
2.5.Influence de divers matériaux de construction
2.5.1.Briques
2.5.2.Mortier au ciment, béton
2.5.3.Mortier à la chaux
2.5.4.Effets sur la formation du bleu de Prusse
2.5.5.Destruction du pigment dans la maçonnerie

3. Méthode des gazages par acide cyanhydrique
3.1.Action toxique de l'acide cyanhydrique
3.2.Caractéristiques d'évaporation du Zyklon B
3.3.Installations pour l'épouillage des vêtements
3.4.Gazages d'êtres humains
3.4.1.Témoignages
3.4.2.Critique des témoignages
3.4.2.1.Répartition de l'acide cyanhydrique dans le local
3.4.2.2.Empoisonnement ou asphyxie ?
3.4.2.3.Les scénarios possibles
3.4.2.4.Rapidité de l'aération des "chambres à gaz"
3.4.2.5.Capacité des filtres protecteurs
3.4.3. Appréciation des témoignages

4. Evaluation des analyses chimiques
4.1.Prélèvement et description des échantillons
4.2.Méthodes d'analyse
4.3.Evaluation des résultats d'analyse
4.3.1.F.A. Leuchter/Alpha Analytic Laboratories
4.3.2.Institut d'expertises judiciaires de Cracovie
4.3.3.G. Rudolf/Institut Fresenius
4.3.3.1.Echantillons 1-4: crématoire II, morgue I
4.3.3.2.Echantillons 5-8 et 23, 24: baraques pour détenus
4.3.3.3.Echantillons 9-22: installations pour l'épouillage des objets
4.3.3.4.Echantillons 25-30: expériences
4.4.Résumé des résultats d'analyse

5. Conclusions

6. Critique des expertises adverses
6.1.Expertise de Cracovie de 1945
6.2.Expertise de J.-C. Pressac
6.3.Expertise de W. Wegner
6.4.Considérations de G. Wellers
6.5.Considérations de J. Bailer
6.6.Expertise de Cracovie de 1990
6.7.Pr G. Jacschitz
6.8.G. Fleming
6.9.Résumé

7. Remerciements

8. Références
=========================================

Au professeur Robert Faurisson
qui le premier a soulevé la question de la possibilité ou de
l'impossibilité physico-chimique des gazages homicides
dans les camps de concentration allemands.
(Epigraphe rajoutée à la version française)


Introduction

Cette expertise m'a été demandée par des avocats dont les clients étaient accusés d'avoir répandu de fausses affirmations sur les gazages d'êtres humains à Auschwitz. On me soumettait des éléments de preuve sur lesquels j'aurais à me prononcer en tant qu'expert, au besoin sous serment, à la demande de la justice ou de la défense. Ma mission consistait à éclaircir les affirmations et les constatations des personnes fournissant ces preuves et à répondre à leurs questions.
De prime abord, l'expert se demande naturellement si tout ce qui concerne les "chambres à gaz" d'Auschwitz n'est pas élucidé depuis longtemps ou s'il existe encore des zones obscures pour la recherche dans ce domaine. Pour répondre à cette question, je me suis d'abord reporté au procès d'Auschwitz qui s'est tenu à Francfort au début des années soixante. Dans l'étude de l'Holocauste, ce procès fait date pour la question des "chambres à gaz" d'Auschwitz. Comme l'allègue le jugement de Francfort, à juste titre et en accord avec les connaissances générales, l'acide cyanhydrique (HCN), qui est le composant actif du produit commercialisé sous le nom de Zyklon B, est un gaz hautement toxique qui, administré à dose suffisante, tue l'être humain en quelques minutes. Le tribunal n'a pas recherché de renseignements précis sur le mode d'action du gaz, sur la vitesse avec laquelle il se dégage, sur son degré mortel de concentration dans l'air, sur le temps nécessaire à son dégagement complet, son adsorption et son absorption par le corps humain et par la maçonnerie, ni sur les réactions qui en résultent. Enfin, le tribunal ne s'est pas préoccupé des traces matérielles des opérations et, par suite, n'a pas demandé l'avis d'experts en chimie, notamment sur la formation des cyanures et de leurs dérivés et sur la possibilité de les détecter.
Il est possible à l'expert de se prononcer sur les faits allégués dans les pièces justificatives (annexe séparée), en se fondant, d'une part, sur les analyses de divers échantillons prélevés dans les bâtiments en cause et, d'autre part, sur la description que les témoins donnent des opérations de meurtre.
Dans les pièces justificatives déposées par la défense, les arguments concernent, d'une part, les traces matérielles des faits et, d'autre part, le comportement des personnes qui manipulaient le Zyklon B ou en subissaient l'effet, ou pénétraient dans les locaux dits chambres à gaz avant les opérations -- soit comme victimes, soit comme exécutants -- ou qui évacuaient les cadavres après les opérations.
La procédure judiciaire dans le cadre de laquelle le présent rapport fut déposé avait été précédée en 1985, à Toronto (Canada), par un procès contre le diffuseur du livre Did Six Million Really Die ? [1], Ernst Zündel, qu'on accusait d'avoir tenté, par la diffusion de ce livre, de nier le meurtre massif de juifs sous le IIIe Reich. Le prévenu demanda au professeur Faurisson de se mettre en rapport avec Fred Leuchter, le seul spécialiste dans la construction et le fonctionnement des chambres à gaz d'exécution à l'acide cyanhydrique utilisées aux Etats-Unis depuis les années vingt. Celui-ci accepta de mener une enquête en Pologne afin d'examiner si les lieux en cause avaient pu techniquement être utilisés pour des meurtres massifs par empoisonnement à l'acide cyanhydrique et d'établir la présence éventuelle de résidus de gaz toxique dans les murs des locaux réputés "chambres à gaz homicides". Le résultat de cette enquête, le Rapport Leuchter [2], fut présenté au tribunal en 1988; depuis lors, il a été produit comme preuve au cours de plusieurs procès.
Il est d'ailleurs étonnant, vu l'importance de la question soulevée, qu'avant le Rapport Leuchter il n'y ait eu aucune étude physico-chimique de quelque ampleur. Pourtant, dès le début des années soixante-dix, le professeur Faurisson avait eu l'idée de soulever la question de la possibilité physico-chimique des gazages homicides: il avait étudié les propriétés de l'acide cyanhydrique et leurs effets, puis s'était rendu aux Etats-Unis afin d'examiner le fonctionnement de la chambre à gaz d'exécution du pénitencier de Baltimore; ses conclusions lui avaient confirmé la nécessité d'une expertise scientifique, qu'il réclama en 1980. Il fallut attendre huit ans pour qu'ait lieu celle de l'Américain Leuchter. Dans cette expertise, outre de nombreux arguments techniques, les analyses d'échantillons de maçonnerie prélevés "in situ" ont amené Leuchter à devoir conclure que les "prétendues" [Leuchter] "chambres à gaz" des installations examinées "could not have then been, or now, be utilized or seriously considered to function as execution gas chambers".
La première tentative de réfutation du Rapport Leuchter parut en France, dans la publication Jour J, sous la plume du pharmacien J.-C. Pressac [3]. Mais cet exposé, qui ne fournit aucune référence ni aucune argumentation positive de caractère scientifique, ne peut être considéré comme la réponse d'un expert. Certes, Pressac appelle l'attention sur certaines faiblesses du Rapport Leuchter mais, par manque de connaissances suffisantes en chimie et en technique, il commet lui-même des erreurs.
Du côté allemand, c'est l'Institut d'histoire contemporaine de Munich [4] qui répondit le premier au Rapport Leuchter, en se réclamant principalement de Pressac. Un peu plus tard, dans une contribution à un livre sur le IIIe Reich, W. Wegner, conseiller supérieur en affaires sociales, en retraite [5], reproche à Leuchter de formuler des conclusions et des affirmations partiellement non fondées au lieu de consulter et de citer des experts tels que chimistes, ingénieurs, spécialistes de la crémation et de la ventilation. Enfin, vers la fin de 1991 parut en Autriche une brochure du chimiste J. Bailer contre le Rapport Leuchter [6]. Ce travail se distingue en ce qu'il néglige considérablement les témoignages sur les opérations de gazage censées avoir eu lieu à Auschwitz. D'autre part, l'auteur a une connaissance étonnamment défectueuse de la façon dont l'acide cyanhydrique réagit sur la maçonnerie. Presque en même temps, G. Wellers publia sur le Rapport Leuchter un commentaire qui stupéfie par le manque de connaissances techniques et scientifiques qu'il révèle [7].
La plupart de ces tentatives de réfutation du Rapport Leuchter se signalent çà et là par des propos subjectifs sur les personnes qui défendent les thèses de Leuchter ou par des gloses polémiques, ce qui ne favorise pas la discussion scientifique.
Finalement, les analyses chimiques de Leuchter décidèrent le Musée d'Etat d'Auschwitz à demander lui-même une expertise. L'Institut d'expertises judiciaires, section de Toxicologie légale, à Cracovie, Pologne (institut auquel a été donné le nom du professeur Jan Sehn), a établi, le 24 septembre 1990, sous la direction du professeur J. Markiewicz, une expertise limitée à l'analyse d'échantillons de maçonnerie [8]. La conclusion de cette expertise est que l'absence de traces de cyanures constatée (comme elle l'avait été par Leuchter) dans la plupart des échantillons provenant des "chambres à gaz homicides" tient au fait que les dérivés de cyanure ont été exposés plus de quarante ans à des intempéries qui les ont fait disparaître.
Les travaux dirigés contre le Rapport Leuchter seront analysés en détail dans la sixième partie du présent rapport.
Le déroulement du procès de Toronto (sur lequel il existe maintenant un livre en anglais [9]), les discussions qu'il a provoquées ainsi que les enquêtes faites sur place depuis 1988 permettent de retracer de façon plus précise, mais aussi de contrôler de plus près l'image relativement sommaire mais impressionnante des gazages d'êtres humains que le procès d'Auschwitz (tenu à Francfort au début des années soixante) avait dessinée à partir des témoignages. A cette occasion, les descriptions et opinions présentées par les scientifiques ne furent soumises à examen que dans la mesure où elles ne contredisaient pas les constatations déjà établies par le tribunal et même, le plus souvent, les confirmaient en les complétant. En revanche, là où d'autres révélations d'ordre scientifique sortaient du cadre des constatations admises, elles furent non seulement soumises à examen mais confrontées aux opinions adverses.
Dans ce qui suit, on ne se contentera pas de se référer au jugement de Francfort, mais on analysera en détail les différentes déclarations des scientifiques et des enquêteurs pour obtenir une reconstitution des faits plus exacte que ne le permet le jugement à lui seul.
J'avais étudié intensivement, pendant environ huit mois, au point de vue théorique et pratique, les aspects chimiques de la question quand, vers la fin de l'été 1991, un avocat me demanda de soumettre à une analyse scientifique les expertises déjà réalisées (Leuchter, Markiewicz) et leurs critiques (Pressac, Institut d'histoire contemporaine, Wegner, Bailer, Wellers, Jagschitz, Fleming). Les conclusions de cette analyse, jointes aux résultats de mes recherches antérieures et aux conclusions d'un examen sur place, constitueraient un rapport d'expertise. Ce rapport, qui fut déposé une première fois au début de 1992, est présenté ici dans une version développée: d'une part, les divers domaines ont été approfondis; d'autre part, certains aspects de la question ont été élargis et de nouveaux aspects ont été abordés, avec l'aide d'autres experts.

Le rapport comporte cinq parties:

1.Description du mode de construction des locaux désignés comme "chambres à gaz homicides" et des installations pour l'épouillage des vêtements, et détermination de l'état actuel de ces deux sortes d'équipements. Cette partie est nécessaire, car la nature des matériaux, le mode de construction et l'équipement des installations peuvent avoir une influence considérable sur la formation des pigments dérivés du cyanure. L'état des bâtiments ou de leurs ruines pendant les quarante-cinq dernières années peut, d'autre part, avoir une influence sur la possibilité de déceler un pigment qui s'est formé. Pour cette partie, des sous-expertises ont été demandées à des ingénieurs de diverses spécialités.

2.Une étude chimique générale sur la formation et la stabilité du pigment bleu de Prusse, compte tenu des paramètres ici déterminants.

3.Comparaison des techniques opératoires utilisées pour les prétendus gazages d'êtres humains et pour les gazages de vêtements au Zyklon B. Après un exposé des procédés décrits dans la littérature et une tentative d'évaluation de la fiabilité des sources, les déclarations sont soumises à une critique fondée sur des considérations physico-chimiques; elles sont ainsi ramenées à ce qui est matériellement possible.

4.Présentation des résultats des analyses effectuées par diverses personnes ou institutions sur des échantillons de maçonnerie provenant des chambres à gaz et des chambres d'épouillage. Connaissant le mode de construction et l'équipement des installations (partie 1), le comportement de l'acide cyanhydrique et de ses dérivés (partie 2) et les modes opératoires possibles (partie 3), on peut évaluer la quantité de pigments formés dans les deux types d'installation ainsi que la possibilité de déceler les résidus de ces pigments à l'heure actuelle. De la comparaison avec les résultats effectifs des analyses sont tirées les conclusions logiques.

5.Critique des travaux dirigés contre le Rapport Leuchter. Les thèses principales de ce rapport sont exposées puis soumises à un examen scientifique compte tenu des précédentes conclusions.


Définitions

Dans ce qui suit, les locaux où est censé avoir été commis un meurtre massif d'êtres humains à l'aide de gaz cyanhydrique seront désignés par l'expression habituelle de "chambres à gaz" (homicides), jointe à la désignation originelle du local. On dira, par exemple: morgue I ("chambre à gaz"). Cela ne préjuge pas d'une réponse aux deux questions: ces locaux étaient-ils réellement des "chambres à gaz" et quel est l'aspect d'une "chambre à gaz"? On peut trouver une réponse à cette seconde question dans le premier et le troisième Rapport Leuchter, où sont décrites les chambres à gaz d'exécution qui existent aux Etats-Unis [2, 10].
A l'époque, la désignation officielle des installations servant à l'épouillage des vêtements était: "chambre à gaz". Cette expression pouvant amener des malentendus (voy. section 1.4), on parlera ici d'installations d'épouillage (de vêtements).
Les installations pour la crémation des cadavres seront appelées "crématoires". Ces crématoires auraient contenu des "chambres à gaz homicides". Pendant la seconde guerre mondiale, sous l'autorité allemande, les crématoires des camps Auschwitz I (camp principal) et Auschwitz II (Birkenau) faisaient l'objet de deux numérotations distinctes: il y avait un crématoire I au camp principal et des crématoires I à IV à Birkenau. Aujourd'hui, on numérote les crématoires sans tenir compte de leur situation. Dans ce qui suit, c'est la numérotation actuelle qui est adoptée: le crématoire I se trouve dans le camp principal, les crématoires II à V dans le camp de Birkenau (planches n* 1 à 3).
On trouve encore dans la littérature deux autres bâtiments d'Auschwitz dont les locaux auraient servi de "chambres à gaz": deux fermettes situées l'une à l'ouest et l'autre au nord du camp. Dans la littérature, la première est appelée fermette I, bunker I ou Maison rouge, la seconde fermette II, bunker II ou Maison blanche. Ici, ces bâtiments seront appelés fermettes I et II.
Quand, dans les documents de l'époque, des "fenêtres" ou des portes sont dites "étanches au gaz", il s'agit en général de portes en bois et de "fenêtres", elles aussi en bois, dont le pourtour était particulièrement isolé par un joint de feutre. Il ne faut absolument pas y voir de lourdes portes et de lourdes "fenêtres" en acier fermant hermétiquement.
Pour éviter l'usage fréquent de formules et de termes techniques, on désignera ici le cyanure d'hydrogène (HCN) par l'expression courante d' "acide cyanhydrique", bien que, selon les tendances actuelles de la terminologie, cette expression ne désigne correctement qu'une solution de cyanure d'hydrogène dans l'eau


Planche 1: Carte de la région d'Auschwitz à l'époque de la seconde guerre mondiale.

Planche 2: Plan du camp de prisonniers de guerre Auschwitz I / camp principal, d'après une brochure d'information du Musée d'Etat d'Auschwitz de 1991.

Blocs 1 à 28: blocs de logement
a: logement du commandant du camp
b: corps de garde
c: direction du camp
d: bâtiment administratif
e: infirmerie SS
f, g: section politique
h: crématoire I avec "chambre à gaz"
i: garde à la porte d'entrée du camp (chambre des chefs de bloc)
j: cuisine du camp
k: bâtiment d'accueil
l: entrepôt, théâtre
m: nouvelle blanchisserie

Planche 3: Plan du camp de prisonniers de guerre Auschwitz II-Birkenau, à 2 km environ au nord-ouest du plan principal (d'après une brochure d'information du Musée d'Etat d'Auschwitz de 1991).
BI-III: secteur de bâtiments I-III
BIa/b: camp des femmes
BIIa: camp de quarantaine
BIIb: camp des familles
BIIc: camp des Hongrois
BIId: camp des hommes
BIIe: camp des tziganes
BIIf: infirmerie pour détenus
KII: crématoire II avec "chambre à gaz"
KIII: crématoire III avec "chambre à gaz"
KIV: crématoire IV avec "chambre à gaz"
KV: crématoire V avec "chambre à gaz"
S: sauna central, épouillage à l'air chaud et à la vapeur
T: étang
1: bâtiment 5a épouillage de vêtements au Zyklon B
2: bâtiment 5b épouillage de vêtements au Zyklon B
3: baraque pour détenus n* 13
4: baraque pour détenus n* 20
5: baraque pour détenus n* 3


1. Mode de construction des installations de gazage
1.1. Signification du camp d'Auschwitz

Parmi les travaux publiés après 1988, celui du pharmacien J.-C. Pressac, qui concorde largement avec le jugement de Francfort, permet de se renseigner sur les modalités techniques des opérations qui sont censées avoir été menées à Auschwitz [11] 1. On renverra donc souvent à cet ouvrage qui passe aujourd'hui pour le livre de référence sur l'aspect technique des "chambres à gaz d'Auschwitz" .2 Signalons également ici des critiques sur ce livre [14, 15].
L'histoire d'Auschwitz, selon Pressac et d'autres, peut se résumer comme suit. Les installations du camp d'Auschwitz I (camp principal) faisaient à l'origine partie d'une caserne de la monarchie austro-hongroise (puis de la Pologne) qui, après la guerre de l'Allemagne contre la Pologne, fut transformée en camp de concentration. Le camp d'Auschwitz II-Birkenau était un nouveau bâtiment, que les Allemands construisirent après le début de la campagne de Russie, officiellement comme camp SS où seraient logés les prisonniers de guerre russes. Ces deux camps faisaient partie d'un système complexe de plus de trente camps qui devaient fournir de la main-d'_uvre aux fabriques de Buna de Haute-Silésie où l'on raffinait la houille (fabrication de produits synthétiques et de carburant par distillation et gazéification de la houille) pour les usines chimiques de la société I.G. Farbenindustrie que les Allemands avaient récemment installées en grand nombre près d'Auschwitz (voy. planche 1).
Le camp de Birkenau servait entre autres à accueillir les détenus inaptes au travail. Sa capacité (200 000 à 300 000 personnes) était unique parmi les camps du IIIe Reich. La concentration de masses humaines en provenance de l'Europe orientale, région arriérée du point de vue de l'hygiène, créa dans tous les camps de graves problèmes sanitaires, car la plupart de ces gens avaient beaucoup de poux et les poux sont le principal agent de transmission du microbe du typhus exanthématique. C'est pourquoi les camps avaient tous d'importantes installations d'épouillage, où les vêtements et les biens des détenus nouvellement arrivés étaient épouillés, dans la plupart des cas à l'aide de l'insecticide qu'on utilisait alors couramment à cet effet, le Zyklon B (acide cyanhydrique adsorbé sur terre d'infusoires). Les détenus eux-mêmes étaient rasés 3 et devaient se laver soigneusement sous la douche (voy. sections 1.4 et 3.3). Cela n'empêcha pas de nombreuses épidémies de typhus, qui firent beaucoup de victimes parmi les détenus comme parmi les gardiens. D'après un échantillon non représentatif des registres mortuaires officiels d'Auschwitz, la vieillesse était également une cause importante de mortalité parmi les détenus juifs. Ces registres montrent d'ailleurs qu'un grand nombre des décès survenus à Auschwitz étaient dus au typhus [17]. Mais, selon la version des faits admise jusqu'ici, les déportés jeunes et vieux, précisément, auraient été gazés à l'arrivée, sans être mentionnés dans les registres mortuaires.
En raison du taux élevé de mortalité, les camps étaient équipés d'installations pour l'incinération des cadavres. A Birkenau, les ravages faits par une épidémie de typhus durant l'été 1942 amenèrent la construction de quatre installations de crémation, dont deux, toutefois, tombèrent en panne peu après leur mise en fonctionnement et, vu l'évidente surcapacité, ne furent pas réparées. Le camp principal d'Auschwitz n'avait qu'une installation de crémation, qu'on cessa d'utiliser quand celles de Birkenau furent mises en service.
En règle générale, l'historiographie actuelle part du fait que les grandes installations de crémation ne servirent pas seulement à la fonction pour laquelle elles avaient été conçues, mais furent utilisées plus tard pour des exterminations massives, notamment de juifs. L'expression "inapte au travail" appliquée à certains détenus aurait alors signifié "ne méritant pas de survivre". En d'autres termes, les inaptes au travail auraient été directement tués à l'arrivée: dans certaines pièces des différentes installations de crémation, soumises à quelques adaptations, des êtres humains auraient été exécutés ("gazés") à l'aide du Zyklon B initialement destiné à la lutte contre les parasites, puis auraient été brûlés, les uns dans les fours crématoires, les autres dans des fosses en plein air.
Selon des témoignages, il y aurait eu dans le crématoire I du camp principal d'Auschwitz I une "chambre à gaz" qui, pour l'essentiel, serait restée intacte jusqu'à aujourd'hui; à 2 km de là environ, au camp de Birkenau (ou Auschwitz II), il y aurait encore eu quatre "chambres à gaz" dans les crématoires II à V et, hors du camp proprement dit, deux fermettes modifiées en vue de gazages.
Au camp de Birkenau, 23 bâtiments [18] situés dans les groupes 5a et b (BW 5a/b) des secteurs de bâtiments 1a/b (B 1a/b) avaient chacun une aile où une pièce était utilisée comme chambre d'épouillage de vêtements par l'acide cyanhydrique. Nous allons maintenant décrire et caractériser ces différentes installations (voy. les plans d'Auschwitz I et de Birkenau, planches 1 à 3).

1.2. La "chambre à gaz" du camp principal Auschwitz I

Pour l'existence d'une "chambre à gaz" dans le crématoire du camp principal, il n'existe, selon Pressac, aucune preuve documentaire ou matérielle mais de nombreux témoignages ("As evidence to establish the reality of homicidal gassings there remain only the testimonies of participants..."; en français: "Comme preuve permettant d'établir la réalité de gazages homicides, il ne reste que le témoignage des participants..." [19]). Ces témoignages se signalent, selon Pressac, par de nombreuses contradictions, des impossibilités techniques et des invraisemblances d'ordre général. Il constate une "general tendency to exaggerate" (tendance générale à exagérer) et, pour expliquer les grossières erreurs et les impossibilités matérielles qu'on relève dans les témoignages et mémoires du commandant du camp, Höss, il écrit: "He was present without seeing" (il était présent sans voir), c'est-à-dire que Höss n'avait aucune idée du mode d'emploi du Zyklon B et des dangers qu'il présentait. Mais ceci est en contradiction avec un ordre du commandant Höss dans lequel, à la suite de cas d'intoxication, il appelle à la prudence dans le gazage des baraquements à l'aide de Zyklon B. Cet ordre spécial du commandant visant à prévenir les intoxications au Zyklon B fut communiqué à tout le camp, ce qui indique une certaine sollicitude envers ces détenus qui, pourtant, sont censés avoir été destinés à mourir tôt ou tard par ce gaz [20]. En outre, Pressac déclare faux dans sa forme et dans son esprit le témoignage du SS Pery Broad parce que ce témoignage est empreint de patriotisme polonais et d'une haine visible envers les SS (alors que Broad en était un lui-même) et parce que les Polonais ont apporté de "légers" (guillemets de Pressac) remaniements au document dont l'original manque. Pressac estime cependant que le fond des témoignages sur les gazages est véridique [21].

Planche 4: Plan originellement prévu pour le crématoire I du camp principal Auschwitz I. La morgue est censée avoir servi plus tard de chambre à gaz [23].


La "chambre à gaz" du camp principal est une pièce d'un bâtiment construit au niveau du sol, le crématoire I. A l'époque de la monarchie austro-hongroise, ce bâtiment était une poudrière de la caserne [22]. Le sol et le plafond du crématoire I sont en béton armé. Les murs extérieurs, en brique, sont isolés au dehors par une couche de goudron. Un amoncellement de terre le long des murs, jusqu'à la hauteur des entrées, fait pratiquement de ce crématoire I un bâtiment souterrain. Les murs intérieurs sont enduits et chaulés. La planche 4 montre le plan du bâtiment tel qu'il était au début de la guerre, conçu et construit comme un crématoire normal, avec une morgue [23]. Ceci explique l'amoncellement de terre, qui servait à maintenir une température constamment fraîche. C'est pour la même raison que la paroi qui sépare la morgue et la salle de crémation est constituée de deux murs entre lesquels une couche d'air assure l'isolation thermique.
Plus tard, la morgue aurait été convertie en "chambre à gaz". Pour l'introduction du Zyklon B servant au gazage d'êtres humains, on aurait alors percé trois ou quatre ouvertures dans le toit, ainsi qu'une ou deux ouvertures supplémentaires pour installer de puissants ventilateurs [24]. Pressac reproduit une photo du toit du crématoire prise par les Soviétiques peu après la Libération. Cette photo montre, sur l'asphalte du toit, trois taches sombres qui sont censées être les couvercles des ouvertures par où on jetait le Zyklon B [24, 25].
Durant l'automne 1944, ce crématoire a été transformé en abri antiaérien. La planche 5 montre les modifications architecturales, notamment le remplacement des parois légères par des murs massifs [26]. Quatre salles d'abri furent formées par la division en quatre de la morgue/"chambre à gaz". On avait un accès direct à ces abris par un sas que, selon Pressac, on présente aujourd'hui comme l'entrée des victimes, bien que, quand la morgue était censée servir de chambre à gaz, elle ne possédât pas encore d'entrée à cet endroit [24]. A l'époque des transformations, on installa également des W.-C. dans ce qui avait été la salle de lavage et on créa des cheminées d'aération par le toit, qui existent encore. Les ouvertures par lesquelles on jetait le Zyklon B dans la pièce, ainsi que les ouvertures de ventilation, auraient été fermées à cette époque.

Planche 5: Plan du crématoire I du camp principal Auschwitz I après transformation en abri antiaérien en 1944 [26].


La planche 6 montre le plan du crématoire dans son état actuel [27]. Selon Pressac, l'ouverture faisant communiquer la morgue/"chambre à gaz" avec l'ancienne chambre de crémation fut rétablie après la guerre à côté de son emplacement originel. On supprima les parois de la salle d'abri, y compris le mur la séparant de la salle de lavage (salle qui ne fit jamais partie de la morgue/"chambre à gaz"). C'est pourquoi, aujourd'hui encore, le visiteur a le désagrément de voir les tuyaux d'évacuation des deux W.-C. dans le local réputé "chambre à gaz". C'est pour cela que les quatre petites cheminées d'introduction du Zyklon B installées après la guerre par les responsables polonais du Musée d'Auschwitz ne seraient pas à l'emplacement originel. Cette argumentation de Pressac étonne car, à l'intérieur, le plafond de béton n'a été ni enduit ni recouvert. On aurait donc pu, en examinant ce plafond de l'intérieur de la pièce, repérer la position des ouvertures d'origine (censées avoir été fermées) et les rouvrir à leur place exacte.
Comme la direction du Musée le confirme aux visiteurs qui lui posent la question, les deux fours crématoires qui se trouvent dans la salle de crémation et la cheminée qui se dresse hors du bâtiment ont été construits après la guerre à la place où s'étaient trouvées les installations véritables; telles qu'elles sont, les installations actuelles ne pourraient pas fonctionner et n'ont qu'un rôle de pièces de musée [28].
Il est incontestable que le plafond, les murs extérieurs, les piliers et les fondations du bâtiment sont en état d'origine. Or, le plafond n'est pas enduit. Donc, s'il y avait eu dans le toit de béton armé des ouvertures pour l'introduction du gaz et pour la ventilation, on devrait constater de l'intérieur, aux places correspondantes, des endommagements de la structure du béton, car ces ouvertures n'auraient pas pu être bouchées sans laisser des traces visibles. Or, il n'y a dans le toit aucune trace d'ouverture outre que les actuels dispositifs d'introduction du gaz. Ainsi, les ouvertures qu'on affirme s'être trouvées ailleurs n'existent pas !

Planche 6: Plan du crématoire I du camp principal Auschwitz I dans son état actuel, après les remaniements d'après-guerre [27].

1: chambre à gaz; 2: dispositifs factices d'introduction du Zyklon B; 3: tuyaux d'évacuation des W.-C.; 4: ancienne paroi séparant la morgue et la salle de lavage; 5: cheminée d'aération de la salle d'abri; 6: sas de la salle d'abri, présenté aujourd'hui comme entrée des victimes; 7: urnes; 8: coke; 9: fours reconstruits; 10: passage nouvellement percé vers la salle des fours; en pointillé: l'ancien passage; 11: restes de l'ancien four; 12: cheminée factice.


Les ouvertures qu'on voit maintenant dans le béton ne sont pas enduites et les restes de fers d'armature (coupés) ne sont pas à des distances correctes. Les trous sont sommairement munis d'un coffrage en bois et rendus étanches à l'aide de goudron. Un travail aussi négligé ne correspond ni aux précautions qui étaient de règle dans l'usage du gaz toxique ni aux habitudes allemandes en matière de construction. Si la SS, en son temps, avait fait ces ouvertures dans le béton (car d'autres ouvertures, il n'y en eut jamais !), elle les aurait placées de façon à partager le toit de l'ancienne (!) morgue en parties égales, pour que le Zyklon B fût distribué de façon uniforme dans la pièce. Mais les actuelles petites cheminées d'introduction du Zyklon B ne sont réparties uniformément que si l'on considère comme faisant partie de la morgue ("chambre à gaz") la salle de lavage qui n'y a été incluse qu'après la guerre (voy. planche 6). La disposition des petites cheminées d'introduction du Zyklon B n'a donc un sens que si ces petites cheminées sont des "reconstitutions muséologiques" (B. Bailer-Galanda [28]), conformes non à l'état originel mais à l'état actuel des lieux; elles doivent donc dater d'après la guerre. Jusqu'ici, on a admis unanimement que les ouvertures d'introduction n'ont été faites qu'après la guerre et que ceux qui les ont percées ne se sont pas reportés aux traces, censées avoir existé, de trous anciens rebouchés [28a].
De tous ces arguments on peut conclure avec certitude qu'à l'époque où les locaux sont censés avoir servi de "chambre à gaz", il n'y avait pas d'ouvertures pour l'introduction du Zyklon B. En outre, rien n'indique qu'il y ait eu un système de ventilation.

1.3. "Chambres à gaz" dans le camp de Birkenau

1.3.1. Les crématoires II et III

En ce qui concerne leurs dimensions, leur équipement et leur mode de construction, les crématoires II et III sont tout à fait comparables à ceux que l'on construisait à l'époque dans le Reich et aux modèles actuels [29]. A ce sujet, on peut se référer au procès contre les constructeurs des installations de crémation du camp de Birkenau. En 1972, le tribunal acquitta les deux prévenus, les architectes W. Dejaco et F. Ertl, parce que la prévention d'assistance au meurtre de masse ne put être confirmée [30].
Un local séparé, muni d'une meilleure aération, servait à l'époque, comme c'est aujourd'hui le cas ailleurs, à entreposer les corps des victimes d'une maladie contagieuse (morgue aux corps contaminés). La planche 7 contient le plan de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II; la morgue I du crématoire III est sa symétrique. La planche 8 donne la coupe transversale [31], qui montre que ces morgues sont en majeure partie enterrées. La construction en longueur de ces salles, leur position souterraine et leur contact limité avec les salles de crémation leur procurent une température uniformément fraîche. Cela confirme qu'elles furent bel et bien conçues comme des morgues, conformément aux indications des plans de constrution. Pressac adopte cette interprétation. Selon lui, ces installations sont fondées sur des plans antérieurs qu'on avait faits en 1941 pour un nouveau crématoire destiné au camp principal [32]. A Birkenau, la voie d'accès aux crématoires se trouvait du côté de la cheminée, tout en haut sur la planche 7. On ne put donc pas laisser l'entrée des morgues à l'endroit initialement prévu (pour le camp principal), c'est-à-dire à l'angle des deux morgues. C'est pourquoi on construisit un escalier d'accès aux bureaux de la morgue III et un escalier au bout de la morgue II (non visible sur la planche 7).
La défaite subie par l'Allemagne à Stalingrad pendant l'hiver 1942/1943 ayant modifié dramatiquement sa position dans le conflit, on renonça, sans doute pour motifs financiers, à placer une glissière à cadavres telle qu'on en avait projeté une pour l'escalier prévu dans l'ancien plan. C'est peut-être pour la même raison qu'on fit de nombreuses économies dans la construction du crématoire III (construction qui commença plus tard) [33]. De même, le manque de matériel et de qualité dont souffrit la construction des crématoires IV et V est peut-être à l'origine de leur rapide défection (voy. section suivante). La descente qu'on avait prévue vers les morgues I et II quand on faisait le plan en pensant encore au camp principal fut réalisée mais ne fut pas utilisée par la suite parce qu'à Birkenau un accès direct de la rue à cet endroit n'était pas possible. Le fait que cet escalier ait tout de même été construit indique que les plans destinés au camp principal ont été adaptés à Birkenau d'une façon précipitée. L'escalier d'accès qui fut construit plus tard à la fin des morgues II des crématoires II et III est maintenant interprété comme entrée des victimes, les morgues II étant censées avoir servi de salles de déshabillage pour les victimes. Notons que la désignation de certains locaux d'un crématoire en tant que salles de déshabillage n'est pas un indice d'usage criminel, car tous les corps doivent être dévêtus pour l'autopsie.
L'absence de glissière à cadavres dans la descente installée plus tard serait, selon Pressac, une preuve supplémentaire de la transformation des crématoires en bâtiments pour l'extermination d'êtres humains, parce que des gens déjà morts avant leur arrivée dans le bâtiment n'auraient pas pu emprunter un escalier [34]. Pressac ne nous explique pas comment, dans l'idée qu'il se fait d'un crématoire sans finalité homicide, les cadavres seraient parvenus à se rendre de leur lieu de décès (par exemple leur lit de malade) à la glissière du crématoire, et du bas de la glissière à la morgue ou aux fours. Il est évident qu'on peut porter des cadavres sur un brancard, même pour descendre un escalier de quelques marches.
Le sol et le plafond de la morgue I ("chambre à gaz") sont en béton armé. Comme la technique de la pose de chevilles était encore très peu développée, on inséra, à la face intérieure du plafond de béton, des morceaux de bois coniques, qui servirent plus tard à fixer, par exemple, des canalisations et des lampes. Selon l'interprétation de Pressac, on plaça ces morceaux de bois pour y fixer de fausses pommes de douche destinées à faire croire aux victimes que la morgue I était une salle de douches [35].

Planche 7: Plan du crématoire II (et, par disposition en miroir, du crématoire III) du camp d'Auschwitz II-Birkenau [31].
Planche 8: Coupe transversale de la morgue I (prétendue "chambre à gaz") des crématoires II et III au camp d'Auschwitz II-Birkenau [31].


Les murs sont faits d'une double maçonnerie en briques, avec une couche intermédiaire de goudron comme isolant [33]. Les parois intérieures sont enduites; le plafond et les piliers, qui sont en béton, laissent voir les traces du coffrage et ne sont donc pas enduits. La couche de goudron entre les murs de brique se révèle indispensable comme protection contre l'humidité, vu la hauteur de la nappe phréatique dans la région marécageuse de Birkenau. Chaque morgue comportait plusieurs rigoles. D'un document il ressort qu'on commanda, pour les morgues I ("chambres à gaz") des crématoires II et III, des portes étanches au gaz de 100 x 192 cm [36]. Mais, sur le plan de livraison, c'est-à-dire le plan définitif, du crématoire II, la grandeur indiquée pour la porte est, comme sur tous les plans antérieurs, de 190 x 200 cm [37]. Il devrait être possible, encore aujourd'hui, de déterminer par l'examen des ruines si, éventuellement, on rendit plus étroite, en la murant partiellement, l'ouverture destinée à cette porte et s'il existe des traces de l'encadrement. Bien sûr, cela demanderait des fouilles.
La coupe transversale de la morgue montre, en haut et en bas des murs, des conduits de ventilation qui, selon Pressac, étaient effectivement prévus pour l'aération d'une morgue [38]. Sur le plan, on peut voir, à gauche et à droite, le trajet des conduits partant de l'aile principale et y revenant. Le canal inférieur servait à l'extraction de l'air. Cet usage aurait été maintenu lors des gazages censés avoir eu lieu plus tard. Toutes les pièces enterrées des crématoires II et III, ainsi que la salle des fours, auraient eu, selon Pressac, un même puissant système d'extraction d'air [39], mais seule la morgue I ("chambre à gaz") avait une conduite d'arrivée d'air. Pour chaque pièce, Pressac indique le rendement des moteurs d'aspiration; il donne pour source la correspondance de la Direction des bâtiments du camp. Pour la morgue I ("chambre à gaz"), on aurait utilisé un moteur électrique de 3,5 chevaux-vapeur (2,5 kilowatts). A vrai dire, la puissance des moteurs ne nous apprend pas grand-chose sur le rendement de la ventilation [40]. Les bouches d'aération de la morgue I ("chambre à gaz") mesuraient 5 x 10 cm; il y en avait 50 dans le crématoire II, 95 dans le crématoire III; elles étaient recouvertes de plaques perforées dont chacune avait à peu près 110 trous d'environ 3,5 mm de diamètre [41].
Il n'y eut jamais de chauffage, bien qu'on nous dise qu'il fut envisagé d'en installer. Ce projet est considéré par Pressac comme une preuve de l'existence de "chambres à gaz" parce que, selon lui, on ne doit pas chauffer une morgue. Il ne tient pas compte que, dans tout crématoire, on protège les corps contre le gel. Un chauffage aurait donc pu être utilisé dans ces morgues, au moins en hiver.
De même, Pressac interprète l'enlèvement de la conduite d'eau apparente dans la morgue I ("chambre à gaz") comme un indice de l'usage de cette pièce comme "chambre à gaz"; selon lui, on aurait enlevé cette conduite apparente parce que les victimes auraient pu la démolir. Mais il existe une explication plus simple et non criminelle, à savoir que, par manque de chauffage, la conduite risquait de geler en hiver et qu'on devait donc la mettre hors d'usage pour éviter qu'elle n'éclatât [42].
Tout comme à Auschwitz I, il y aurait eu ici des ouvertures dans le toit pour l'introduction du Zyklon B. Pressac montre quelques photos d'époque de l'extérieur des crématoires, où les cheminées d'introduction seraient visibles [43]. Sur la photo du crématoire II, toutefois, on ne voit, en fait de cheminées d'introduction, que trois vagues reflets qui peuvent être interprétés comme tels; selon cette interprétation de la photo, les cheminées d'introduction sont verticales et disposées sur une même ligne; elles ont environ 50 cm de haut et pas plus de 30 cm de large. Sur la photo du crématoire III, on ne distingue rien, bien que la qualité de l'image soit très bonne. (Signalons à ce propos qu'avec les techniques traditionnelles de retouche il est très facile de modifier n'importe quelle photo. C'est pourquoi les photos n'ont guère de force probante.)
Selon la déposition de l'ex-détenu M. Kula, les dispositifs d'introduction du Zyklon B consistaient en colonnes creuses fabriquées par l'atelier central; leur base était un carré de 70 mm de côté; par un mécanisme inconnu, ces colonnes répartissaient le Zyklon B de façon uniforme parmi les gens étroitement serrés dans la pièce [44]. Il n'existe pas de preuves documentaires de l'existence de ces colonnes. Selon l'interprétation de Pressac, quatre "dispositifs d'insertion en treillis de fil de fer" (Drahnetzeinschubvorrichtungen), que les documents ne définissent pas plus précisément, étaient des pièces amovibles en fil de fer qu'on plaçait dans les colonnes creuses de la morgue I ("chambre à gaz") décrites par Kula. Mais ces "dispositifs d'insertion en treillis de fil de fer" ne sont inscrits (à la main et en ajout) que dans l'inventaire de la morgue II (et non I) du crématoire II, donc dans l'inventaire d'une pièce qui n'est pas censée avoir servi de chambre à gaz. C'est à l'aide de ces treillis qu'on aurait fait descendre le Zyklon B dans la pièce et qu'on l'aurait remonté après usage [45]. Pressac donne un dessin des colonnes d'introduction où, sans explication, il indique une longueur de côté de 70 cm au lieu de 70 mm, donc dix fois plus grande que d'après Kula [41].

Planche 9: Agrandissement partiel de la photo aérienne n* 3185 du camp de Birkenau, prise le 25 août 1944 par les Alliés. Echelle de l'original: 1/10 000. On notera les taches sombres sur les morgues I ("chambres à gaz") des deux crématoires (flèches). On sait maintenant que ce ne sont pas des dispositifs pour l'introduction du Zyklon B.


En fait, ces "dispositifs d'insertion en treillis de fil de fer" peuvent avoir simplement servi à l'insertion des cadavres dans les fours crématoires. S'ils avaient servi à introduire le Zyklon B, on les aurait plutôt appelés "dispositifs d'introduction en treillis de fil de fer" (Einlassdrahtnetze).
La planche 9 montre un agrandissement partiel d'une photo aérienne du camp de Birkenau prise par les Alliés le 25 août 1944 [46]. Sur l'aile transversale, c'est-à-dire sur le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II (crématoire de droite sur la photo; voy. le schéma planche 10), on distingue nettement des ombres (flèches). Une étude de ces photos aériennes a eu pour conclusion que les taches sombres apparaissant sur la planche 9 sont trop irrégulières pour être les ombres portées par des objets élevés sur le toit [47]. Si les colonnes d'introduction du Zyklon B avaient vraiment, conformément aux déclarations du témoin, 70 mm de côté, cela ne concorde ni avec les grandes taches irrégulières des photos aériennes, qui ont au moins 3 m 2 de surface, ni avec les dimensions (60 à 80 cm) des ouvertures visibles sur place. En outre, le manque de précision de ces photos aériennes empêcherait de les distinguer. Ajoutons que les cheminées des baraques pour détenus, comme les grandes cheminées des crématoires, projettent des ombres bien contrastées, symétriques et rectilignes. En revanche, les prétendues cheminées à Zyklon B de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II forment des taches irrégulières orientées dans des directions différentes. On doit en conclure qu'il ne peut s'agir d'élévations régulières, géométriques et semblables entre elles placées sur le toit plat.

Les taches sombres du crématoire III se présentent autrement. Elles forment un angle régulier, facile à mesurer, d'environ 75º avec la direction des ailes principales des crématoires II et III (voy. le schéma planche 10). Mais, en fait, elles devraient avoir la même direction que les ombres projetées par la (grande) cheminée du crématoire II, par une cheminée de baraque et par d'autres parties nettement saillantes sur l'image. Or, toutes ces ombres, contrairement aux taches du crématoire III, forment un angle de 45º avec la direction principale des crématoires II et III (voy. planche 10).
On sait que la (grande) cheminée du crématoire II avait 15 mètres de haut [31]. Sur l'image, elle projette une ombre cinq fois plus longue que les taches qu'on voit sur le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire III. (Longueur de l'ombre de la cheminée: 20 m; donc inclinaison du soleil: environ 37º; longueur des taches de la morgue I du crématoire III-chambre à gaz: environ 4 m.) Cela signifie que les cheminées à Zyklon B se trouvant sur la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire III auraient dû mesurer 3 mètres, ce qui est absurde.
Ainsi, l'aspect des ombres ne peut s'expliquer ni par des cheminées d'introduction (ces cheminées seraient d'une hauteur démesurée) ni par des ouvertures (ces ouvertures seraient longues de 4 mètres). La grandeur que les cheminées d'introduction auraient d'après cette photo ne correspond pas non plus

Planche 10: Dessin schématique de la précédente photo aérienne (planche 9). Ce schéma représente les crématoires II et III (en dessous) et trois baraques pour détenus de Birkenau. On voit facilement que les taches sur les morgues I ne peuvent être des cheminées d'introduction du Zyklon B: elles sont trop grandes, trop irrégulières et leur direction ne peut pas être celle d'ombres portées.
Planche 11: Dessin schématique montrant la situation et la grandeur des taches (photo aérienne planche 9) sur le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II et la position des deux seules ouvertures qu'on trouve sur place (entourées d'un cercle). Trou de droite: voy. planche 16; trou de gauche: voy. planche 15.


aux cheminées du Zyklon B prétendument visibles sur l'image reproduite par Pressac. En ce qui concerne les objets qui se trouvaient sur le toit du crématoire III, on considère aujourd'hui qu'ils n'avaient que quelques décimètres de hauteur et de largeur et 3 à 4 mètres de longueur. Sur une photo prise le 13 septembre 1944, donc trois semaines plus tard que la précédente, ces taches apparaissent aussi, mais moins nettement, à cause de la fumée produite par un bombardement. Les taches sur le toit de la morgue I du crématoire III sont orientées dans la même direction que sur la photo du 25 août 1944 bien que la position du soleil soit différente [47].
Une photo non datée, prise pendant l'hiver 1944/1945, est intéressante. Elle a été prise pendant le démantèlement des crématoires II et III, où les toits des ailes principales sont enlevés, mais avant le dynamitage du crématoire V, qui est censé avoir eu lieu en janvier 1945 [48]. Sur cette photo, les ouvertures des salles des fours des crématoires II et III (ouvertures qui étaient mises à nu quand la photo fut prise) ne sont pas visibles. Donc les trous dans les toits des morgues de ces deux crématoires, qui sont du même ordre de grandeur, ne devraient pas être visibles non plus. Si maintenant on suppose que les taches sur les morgues I des crématoires II et III correspondent non à des surfaces d'ouvertures mais à des ombres portées par des cheminées d'introduction de 0,5 à 1 m de hauteur, on devrait voir quelque chose sur les photos aériennes (plus nettes) du 25 août et du 13 septembre 1944, car les cheminées des baraques pour détenus, qu'on distingue sur les photos, ont des dimensions semblables à celles des trous qui se trouvent maintenant dans le toit de la morgue I du crématoire II. Logiquement, les ombres projetées par des cheminées d'introduction devraient avoir une grandeur comparable. Les taches qu'on voit sur les photos sont beaucoup trop grandes et doivent probablement être attribuées au revêtement de terre des morgues; ce revêtement devrait avoir en général un tel aspect non uniforme et parfois être couvert de végétation.
Selon Pressac, en outre, la position des trous qu'on voit aujourd'hui sur place dans les toits des morgues I ("chambres à gaz") des deux crématoires ne concorde pas avec les photos aériennes, ce qui, d'après lui, est dû au fait que le toit se déplaça quand les SS firent sauter les bâtiments durant l'hiver 1945 [49]. Mais, comme il est certain que les objets visibles sur les photos aériennes ne sont pas des ouvertures d'introduction, cette différence de situation n'a rien d'étonnant. La façon erronée dont, pendant des années, on a interprété les taches visibles sur les photos aériennes a eu pour résultat que, sans explication plausible, on a admis pour la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II une disposition rectiligne des colonnes d'introduction du Zyklon B et, pour le crématoire III, une disposition alternée sur deux lignes, conformément aux photos. La disposition non rectiligne des colonnes dans le cas du crématoire III est en contradiction avec un argument utilisé dans un autre contexte, à savoir qu'on camouflait les colonnes en les plaçant sur une même ligne que les piliers de soutènement en béton pour que les victimes ne se doutent de rien en entrant. En fait, on n'aurait pas pu percer les ouvertures d'introduction du gaz sur une même ligne que les piliers porteurs, car il aurait fallu pour cela détruire la poutrelle de béton armé représentée sur la planche 7. Une disposition des ouvertures en biais par rapport à la ligne des piliers de soutènement aurait donc été inévitable. Ceci fournit une preuve de plus que les ombres présentées sur les photos par le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II ne peuvent correspondre à des dispositifs d'introduction.
Du fait que les bâtiments furent détruits (par quiconque), on entend parfois dire, depuis peu, que les ruines seraient factices et que les installations originelles auraient disparu sans laisser aucune trace. Cela signifie que les Polonais auraient, après la guerre, dépensé des millions de zlotys pour reconstruire les crématoires dans leur aspect originel et les faire sauter tout de suite après, ce qui est une supposition grotesque. C'est ainsi que, le 6 décembre 1991 et le 5 mai 1992, l'auteur de ce rapport a été récusé comme expert par un tribunal, ses examens des "chambres à gaz" étant déclarés sans signification parce qu'il est connu qu'à Auschwitz tout est factice et que les chambres à gaz ont disparu sans laisser aucune trace [50]. A ce sujet, voyez aussi la lettre où le semi-officiel Institut d'histoire contemporaine de Munich, se fondant sur des déclarations du Musée d'Etat d'Auschwitz, décrit la reconstruction des installations dans le crématoire I et indique brièvement l'état des ruines originelles des crématoires de Birkenau [51].
Les toits des morgues I ("chambres à gaz") des deux crématoires sont aujourd'hui brisés et effondrés mais l'un de ces toits, celui de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II, se maintient encore relativement bien. L'avant-dernier (vu du sud) des sept piliers de cette morgue ("chambre à gaz") soutient encore un morceau de toit. A cet endroit, on peut descendre dans l'intérieur de la pièce (planches 12 et 13) par un trou du toit (trou censé avoir permis l'introduction du Zyklon B dans les colonnes grillagées, planche 16). Même au plus fort de l'été et en longue période de sécheresse, l'eau de la nappe phréatique affleure au sol de cette pièce. Une grande partie de la maçonnerie qui se trouve là et du toit de béton sont en état d'origine, à l'abri du vent et des intempéries. On ne voit aucun signe d'érosion ni de corrosion. Pressac donne dans son livre des représentations des conduits d'aération

Planche 12: Photo de l'intérieur des ruines de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II. La flèche indique l'endroit où a été prélevé l'échantillon 3 (voy. section 4.1).
Planche 13: Photo de l'intérieur des ruines de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II. Endroit de prélèvement des échantillons 1 et 2.
Planche 14: Ouverture d'aération pratiquée soigneusement dans le toit de la salle des fours, à l'étage supérieur du crématoire III. On notera les dégâts provoqués par le dynamitage.


par le toit de la morgue II du crématoire II et par les toits de béton de la salle des fours du crématoire III [52]. La planche 14 montre une des cinq ouvertures de la salle des fours. Ces ouvertures ont été faites avec soin. En revanche, il est clair que les deux seules ouvertures existant dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II (ouvertures censées avoir servi à l'introduction du Zyklon B) ont été pratiquées tardivement à travers le toit en béton armé, comme cela ressort des planches 15 et 16. Même Pressac admet que ce sont les seules ouvertures aujourd'hui visibles [49]. Mais, dans son livre richement illustré, il ne montre aucune image de ces deux ouvertures.

Toutes les ouvertures visibles aujourd'hui dans les plafonds des morgues I ("chambres à gaz") des crématoires II et III ont été faites tardivement par destruction du béton. Si certains de ces trous avaient servi à l'introduction du Zyklon B, ils auraient donc dû être percés après la fabrication du toit. Le plafond de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire III fut coulé quelques mois plus tard (printemps 1943) que celui du crématoire II (hiver 1942/1943 [53]). Si l'on avait remarqué et corrigé l'absence d'ouvertures pour l'introduction du Zyklon B au crématoire II avant de fabriquer le toit de la morgue pour le crématoire III, on n'aurait sans doute pas répété cette erreur pour la morgue I du crématoire III. Donc, d'éventuelles ouvertures dans les toits des deux crématoires ne peuvent avoir été percées qu'au plus tôt au printemps 1943. Or, à cette époque, les opérations d'extermination en masse auraient déjà été en cours dans le crématoire II. Il faudrait donc supposer une planification d'une incroyable balourdise.
Ceci projette également une autre lumière sur les prétendues cheminées d'introduction qu'on voit sur la photo reproduite par Pressac [43]. Comme cette photo fut prise à une époque où les travaux de construction au toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire III n'étaient pas encore achevés mais où les cheminées d'introduction auraient déjà été placées sur le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II, on s'attend à voir dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire III des trous dûment disposés. Or, il n'y en a pas. Il faudra donc expliquer autrement les reflets visibles sur la photo du crématoire II reproduite par Pressac. Récemment, un spécialiste canadien de l'interprétation des photos aériennes a prouvé que les photos aériennes de la CIA ont été falsifiées [54].
Si, après la construction mais avant le dynamitage, des trous avaient été percés dans le toit des morgues I ("chambres à gaz") en question par destruction du béton et de l'armature en fer, les cassures et les fissures provoquées par le dynamitage auraient dû passer en priorité par ces trous. Cela tient à ce que, le dynamitage soumettant le bâtiment à l'action d'une force extraordinaire, les fissures qu'il provoque partent en priorité des points faibles et les maxima de tension atteignent une grande valeur à l'emplacement des angles rentrants (effet d'encoche). En particulier,

Planche 15: Prétendue ouverture pour introduction de Zyklon B dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II. On voit clairement que l'armature en fer du béton armé n'a pas été enlevée. Elle a simplement été pliée.
Planche 16: Prétendue ouverture pour introduction de Zyklon B dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II, permettant d'entrer dans la partie encore accessible de la pièce.


dans des trous tels que ceux qui nous occupent, créés tardivement par endommagement de la structure du béton, il n'est pas seulement probable qu'il passe des fissures en cas de dynamitage, c'est une certitude. La planche 14 le montre clairement. Bien que, dans la salle des fours, qui se trouvait au niveau du sol, la poussée produite par l'explosion ait pu fuir dans toutes les directions et qu'à l'étage du toit le plafond soit resté dans une certaine mesure intact, trois des cinq ouvertures d'aération de la salle des fours, qui avaient été percées soigneusement et garnies de métal, ont été complètement détruites. Aux coins des deux autres ouvertures se sont formées des fissures très nettes, visibles sur les photos reproduites par Pressac [52].
Dans les morgues des crématoires II et III, la poussée produite par l'explosion ne pouvait se diriger que vers le haut; c'est pourquoi les plafonds de ces locaux ont été beaucoup plus endommagés que le plafond de la salle des fours. Mais les prétendues ouvertures pour l'introduction du Zyklon B dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II sont relativement intactes; toutes les fissures et les crevasses les contournent (voy. spécialement la planche 15).
Le dessin de la planche 11 montre la situation des deux trous présentés comme ouvertures d'introduction du Zyklon B dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II (voy. planches 15 et 16), ainsi que la position des taches visibles sur certaines photos aériennes. On voit ainsi que les taches des photos aériennes sont disposées à des endroits où le plafond est intact ! Le trou qui est à gauche sur le schéma de la planche 11 (photo de ce trou à la planche 15) s'écarte d'au moins 3 mètres des taches visibles sur les photos aériennes. Cette différence ne peut pas être expliquée par la thèse de Pressac sur le déplacement du toit qu'aurait provoqué l'explosion.
Dans l'ouverture qu'on voit à la planche 15, les armatures de fer ont été simplement sectionnées et pliées. Elles ont encore toute leur longueur. On pourrait les déplier et les ressouder aux tronçons également visibles, à gauche, sur l'image (couverts de neige). Ce trou ne peut donc aucunement avoir servi à introduire le Zyklon B, il n'a jamais été achevé. Au bord du trou visible sur la planche 16 se trouvent aussi des restes de l'armature en fer. A de tels trous, grossièrement taillés et non enduits, dont les armatures de fer n'ont pas été ôtées, il aurait été impossible d'adapter de façon stable n'importe quel dispositif d'introduction de Zyklon B; et ne parlons pas de l'étanchéité. Tout le voisinage, y compris les supposés auteurs du crime, aurait été menacé d'une sortie massive de gaz létal. En outre, puisque ces trous ne pouvaient pas être fermés, c'est seulement par la force qu'on aurait pu empêcher les supposées victimes de s'en servir pour s'échapper ou même pour jeter le support du gaz dehors. Enfin, des cheminées d'introduction placées sur ces trous devraient, comme les cheminées des baraques, être visibles en bonne et due place (!) sur les photos aériennes bien nettes; or, ce n'est pas le cas. On peut conclure avec certitude que les prétendues ouvertures d'introduction de gaz n'ont été faites qu'après l'explosion du bâtiment, donc après la retraite des Allemands.

Les arguments relatifs aux dispositifs d'introduction du Zyklon B peuvent être résumés par le tableau suivant:

Tableau 1: Argumentation sur les ouvertures d'introduction du Zyklon B

Thèse

Réalité
Déposition de Kula: conduits de 7 cm de côté. Les trous, avec leurs 50 à 60 cm, sont beaucoup trop grands.
Thèse de Pressac: 70 cm de côté. Pour cela, les trous sont trop étroits.
Visibles sur les photos aériennes du crématoire II. Les taches que ces photos montrent sur la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II sont floues, sans contours et irrégulières. Ce ne peuvent être des élévations géométriques et régulières. Les surfaces de ces taches, qui ont plus de 3 m2, sont trop grandes pour les ouvertures en question. La position de ces taches sur la ligne des piliers de soutènement aurait exigé la rupture de la poutrelle longitudinale, ce qui est techniquement impossible. De ce fait, la position des trous existant réellement ne correspond pas à celle des taches. D'après la grandeur des ouvertures en question, des cheminées d'introduction adaptées à ces ouvertures auraient dû être visibles, avec leurs ombres, sur les photos aériennes, mais ce n'est pas le cas.
Visibles sur les photos aériennes du crématoire III. La longueur des taches correspondrait à des cheminées d'introduction s'élevant environ à 3 m au-dessus du toit. La direction des taches ne correspond pas à la direction des autres ombres. Pour ces deux raisons, les taches ne peuvent être les ombres projetées par des cheminées d'introduction.
Si les ouvertures d'introduction du gaz ont été conçues dès avant la construction, elles doivent être façonnées soigneusement et garnies de métal. Les trous identifiables dans le toit de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II montrent clairement des traces de burinage; la structure du béton fut endommagée tardivement. De plus, il n'y a que deux trous, au lieu des quatre que l'on prétend.
Si les ouvertures d'introduction du gaz ont été percées en 1943, après la construction, on a dû ôter les tiges et enduire les endroits où le béton était attaqué. A chaque endroit, les tiges d'armature sont encore dans les trous; à un endroit, elles sont seulement sectionnées et pliées. Les bords des trous ne sont pas enduits; l'isolation au goudron est à nu.
Dans les plafonds de béton, les coins des ouvertures sont des endroits tout désignés pour les brisures en cas d'explosion. Des fissures et des crevasses devraient passer par les ouvertures visibles sur place, surtout si l'on a pratiqué ces ouvertures après la construction, en brisant le béton. Les deux trous identifiables dans le plafond de la morgue I ("chambre à gaz") du crématoire II se trouvent dans des parties du toit qui ont subsisté comme morceaux entiers. Aucune fissure ou crevasse ne passe par ces trous. Même aux coins des trous, qui sont particulièrement vulnérables, on ne constate pas la moindre fissuration.

Tableau 1: Argumentation sur les ouvertures d'introduction du Zyklon B

1.3.2. Les crématoires IV et V

La planche 17 montre le plan du crématoire IV; l'image en miroir de ce plan fournit celui du crématoire V [56]. Pour motif d'économies, ces bâtiments furent construits de façon plus simple que ne l'avaient été les crématoires II et III. Par manque de matériaux, les fours à incinération de ces deux crématoires tombèrent en panne peu après leur mise en usage et, en raison de surcapacité, ne furent jamais réparés.
Sur ces installations, qui peuvent être considérées comme les moins connues, il n'existe que de rares documents et des témoignages contradictoires, en partie invraisemblables ("...the least known of the instruments of extermination [...] a comparison of such testimonies reveals inconsistencies [...]"; en français: "...les moins connus des instruments d'extermination [...] la comparaison de tels témoignages révèle des contradictions [...]" [57]).
On fit les plans de ces crématoires à partir de l'été 1942 et leur construction dura jusqu'au printemps 1943. Selon Pressac, les deux pièces ouest de ces crématoires, qui ne portent pas de dénomination sur les plans, et les antichambres de ces pièces auraient servi de "chambres à gaz". Aux murs extérieurs de toutes ces pièces, il y aurait eu, à une hauteur d'environ 2 mètres, des fenêtres étanches au gaz, de 30 x 40 cm, servant à introduire le Zyklon B [58]. Les deux pièces auraient été chauffées à partir de l'antichambre, également utilisée comme "chambre à gaz" (pour le chauffage, voy. planche 17). Rien n'indique qu'il y ait eu un système de ventilation. Pressac suppose que l'aération se faisait par circulation naturelle de l'air [59]. A propos des gazages dans les "chambres à gaz" des crématoires IV et V, il dit que la "...operating sequence [...] had become irrational and ridiculous"

Planche 17: Façade nord (en haut) et plan au sol (en bas) du crématoire IV (image en miroir du crématoire V) dans le camp d'Auschwitz II/Birkenau [56].


(la séquence des opérations [menées par les SS] [...] était devenue irrationnelle et ridicule) et que "Introducing the poison resembled a circus act" (l'introduction du poison ressemblait à un numéro de cirque). Il affirme que l'on aménagea plus tard une porte dans le corridor pour apporter un supplément de ventilation mais n'en donne aucune preuve [60]. Comme il aurait été à peine plus coûteux pour la SS, et beaucoup plus efficace, d'installer dans ces locaux un système correct de ventilation, on peut rejeter comme irréaliste cette thèse de Pressac sur l'aménagement d'une porte pour l'aération. On voit d'ailleurs que l'entrepôt des corps et la salle des fours avaient des cheminées d'aération. Les seules pièces qui n'en avaient pas étaient la réserve à coke, le bureau du médecin et les pièces désignées comme "chambres à gaz". Notons qu'aujourd'hui encore la présence d'un bureau de médecin est habituelle dans les crématoires [29].
Selon une publication antérieure de Pressac [61], ces "chambres à gaz" n'auraient pas été, elles non plus, conçues et construites comme telles au départ. A l'appui de cette thèse, il donnait les arguments suivants:

1.Sur les plans du bâtiment, il n'y a pas de désignation de local.
2.La disposition des locaux rendait la suite des opérations de gazage fort compliquée; destiner ces locaux, dès avant leur construction, à l'usage de chambres à gaz (qui fut finalement le leur) aurait été absurde.
3.Pour atteindre l'ouverture d'introduction du Zyklon B, on avait besoin d'une échelle. Si l'on avait prévu les gazages dès avant la construction, il aurait été simple de placer l'ouverture plus bas ou de construire un escalier.
4.A l'origine, il y avait dans ces pièces des poêles chauffés au bois, ce qui fait penser qu'elles ont pu servir par exemple de salles de douches.
5.Dans ces pièces telles qu'elles figurent sur le plan, c'est-à-dire sans la porte d'aération que Pressac suppose avoir été placée plus tard, le manque d'aération aurait provoqué le gazage de tout le bâtiment, de sorte que le travail aurait dû être interrompu pendant plusieurs heures.

Dans son nouveau livre, Pressac abandonne ces arguments [59]. Puisque, à l'époque où l'on fit les plans des crématoires IV et V, l'extermination massive des juifs est censée avoir déjà battu son plein, en particulier dans les fermettes I et II, il est à vrai dire absurde de croire que ces installations aient pu être mal conçues ou mal construites. C'est pourquoi Pressac suppose maintenant que les crématoires IV et V eurent, dès qu'ils furent conçus, une destination criminelle [62]. Il en trouve pour preuve, outre les fenêtres étanches au gaz, des documents d'une firme civile de construction où il est question de travaux dans une "chambre à gaz" (Gaskammer) [63]. Comme le montrera encore le chapitre sur les installations pour l'épouillage des vêtements, "chambre à gaz" était alors la désignation courante des locaux où l'on épouillait les vêtements. Une expertise a relevé dans ces documents des irrégularités et des anomalies frappantes, qui font douter de leur authenticité. Outre qu'on y rencontre souvent des fautes d'orthographe étranges et des renseignements erronés, le cachet de firme que portent ces documents est tronqué. Septième et dernier point, ce rapport journalier et deux autres semblables mentionnent un "service d'ordre abri" (Ordnungsdienst Unterkunft), service qui n'aurait existé que dans les formations militaires et paramilitaires [64].
Les crématoires IV et V, entièrement construits au-dessus du sol, avaient des murs en simples briques. Le dynamitage de ces deux crématoires n'en a laissé subsister aujourd'hui que les soubassements et les fondations de béton. Le mur de soubassement du crématoire V, haut d'environ 1 mètre, aurait été reconstruit [65]. Celui du crématoire IV, haut d'environ 50 cm, aurait été, lui aussi, reconstruit ultérieurement, avec un autre matériau de décombres [8].

1.3.3. Les fermettes I et II

Sur la situation et le mode de construction des deux fermettes qui se trouvaient l'une à l'ouest, l'autre au nord-ouest du camp, près de baraques de déshabillage, et qui auraient été transformées pour servir à des gazages d'êtres humains, on n'a pas de renseignements précis. Pressac parle ici de témoignages contradictoires [66]. Par exemple, au sujet de la déposition de P. Broad, il écrit: "...not exploitable [...], since it has been rewritten by and for the Poles [...]" (...inutilisable [...], car réécrite par et pour les Polonais [...]) et "It is impossible to make a synthesis of all these accounts" (Il est impossible de faire une synthèse de tous ces récits). La relation de Höss reste superficielle sur le point qui nous intéresse [67], bien qu'elle décrive de façon très parlante les gazages d'êtres humains qui auraient été commis dans les lieux en question. Ainsi, à la page 99 du jugement de Francfort (procès contre le personnel d'Auschwitz) [68], il est dit que les gens conduits dans les fermettes étaient tués de la même façon que dans les chambres à gaz, précédemment décrites, des crématoires IV et V. Le déroulement des opérations est mis en lumière spécialement par le témoignage de R. Böck [69] et, dans une certaine mesure, par celui de M. Buki [70].
Pressac publie une photo de ce qui est supposé être le soubassement de la fermette II [71]. D'après l'analyse des photos aériennes prises par les Alliés, il n'y a eu que temporairement un bâtiment dans la zone où les témoignages situent la fermette II; quant à la fermette I, il n'y en a aucune trace [54, 72]. A l'époque où furent prises ces photos aériennes, l'extermination des juifs hongrois aurait battu son plein, d'épaisses fumées auraient été produites par la combustion de milliers de victimes par jour dans des fosses en plein air, et cela précisément dans la zone photographiée [73]. Grandes fosses à crémation, grandes réserves de combustible, feux produisant d'épaisses fumées, rien de tout cela n'apparaît sur les vues aériennes. C'est seulement après la libération du camp par les Soviétiques qu'apparurent des fosses à l'ouest du crématoire III, vraisemblablement pour les victimes du chaos où fut plongé le camp lorsque l'armée allemande battit en retraite.
Dans ces conditions, un plus ample examen de ces bâtiments semble avoir peu de sens. Toutefois, on se référera ici aux descriptions mentionnées plus haut, comme le font Pressac et d'autres auteurs.

1.4. Chambres pour l'épouillage des vêtements

Seules nous intéressent ici les installations dans lesquelles des vêtements étaient épouillés à l'aide de Zyklon B [74]. Sur les plans ces installations sont appelées "chambres à gaz" (Gaskammer), ce qui était alors la désignation courante des locaux servant à l'épouillage des vêtements. De tels locaux existent encore aujourd'hui et sont répertoriés [sur le plan général de Birkenau] par les repères BW (Bauwerk) 5a et BW 5b. A l'intérieur du secteur B 1, ces deux locaux sont situés respectivement à l'ouest de la sous-division a et à l'est de la sous-division b. La planche 18 montre le plan au sol des deux chambres d'épouillage, dans leur état quasi originel. La chambre du bâtiment 5a fut transformée durant l'été 1943 de façon à contenir deux petites chambres d'épouillage à air chaud, visibles sur la planche 19 [75].

Planche 18: Plan de l'aile d'épouillage par HCN du bâtiment 5a avant la transformation, et du bâtiment 5b jusqu'à aujourd'hui, avec indication des endroits de prélèvement des échantillons dans le bâtiment 5b [75].
Planche 19: Plan de l'aile d'épouillage à air chaud du bâtiment 5a après la transformation de 1943, avec indication des endroits de prélèvement des échantillons dans le bâtiment 5a [75].


Les bâtiments, qui se trouvent au niveau du sol, sont construits en simples murs de brique sur des fondations de béton; leur intérieur est enduit et chaulé. Actuellement, le local du bâtiment 5b ne possède plus de plafond; le bas du toit de la ferme est couvert de plaques d'un matériau inconnu. A l'origine, le bâtiment BW 5a était sans fenêtres, comme l'est encore le bâtiment BW 5b, mais, lors de sa transformation, on y plaça, à tous les murs extérieurs, des fenêtres solidement scellées qui ne s'ouvraient pas.
Dans la salle d'épouillage du bâtiment BW 5b, à hauteur du pignon, on voit deux ouvertures circulaires d'environ 50 cm de diamètre; c'étaient les extrémités des conduits d'évacuation d'air vicié ou d'introduction d'air frais; voy. planche 20. Le toit a trois cheminées d'aération; à l'époque, cette pièce aurait contenu trois poêles [76]. Au milieu de la pièce se trouve une rigole pour l'évacuation des eaux usées. On ne sait si cette rigole existait dès l'origine. Les doubles portes ouvrant vers l'intérieur qui sont représentées sur le plan sont maintenant remplacées par des portes simples, qui ouvrent également vers l'intérieur. Sur l'équipement des chambres d'épouillage, on ne peut, à ce stade, que spéculer. Ce point sera approfondi plus loin, quand il sera question des procédés d'épouillage (section 3.3).
Ce qui est frappant dans ce local du bâtiment BW 5b, c'est la construction d'un réseau de tuyaux d'eau attachés par des crochets aux travers du toit, comme on le voit sur la planche 21. A certains endroits, les tuyaux sont munis de pommes de douche. Ces conduites d'eau ne sont raccordées à rien. Elles aboutissent paradoxalement aux ouvertures d'extraction d'air vicié mentionnées plus haut et ne peuvent donc avoir été placées dans ces ouvertures. Il est vrai qu'il y a des salles de douches dans ce bâtiment, mais à un tout autre endroit (voy. planche 18). Là, cependant, les installations de douches sont complètement démontées. Comme les portes d'accès à ces locaux sont ouvertes, chaque visiteur peut admirer cette étrange construction, sur laquelle on reviendra dans la section 3.4.3.

Planche 20: Bouches d'aération de l'aile d'épouillage du bâtiment BW 5b, aujourd'hui sans appareils. On y distingue les extrémités des conduites d'eau (voy. aussi planche 21).
Planche 21: Système de conduites d'eau avec pommes de douche dans l'aile d'épouillage du bâtiment BW 5b. Ces conduites d'eau ne sont raccordées à rien; elles aboutissent aux bouches d'aération. Voy. planche 20.

1.5. Le système de drainage à Birkenau
Birkenau se trouve à proximité immédiate de l'endroit où la Sola se jette dans la Vistule. C'est une région marécageuse où la nappe phréatique est juste sous la surface du sol. A quelques centaines de mètres du camp, même au fort de l'été, on marche dans des prairies marécageuses. Le système d'assèchement que les Allemands avaient installé au camp de Birkenau comporte une multitude de fosses de drainage [77]. Ce système, qui fonctionne encore à l'heure actuelle, abaisse la nappe phréatique à un niveau de 60 à 70 cm sous la surface du sol, comme on peut le voir, par exemple, à la planche 22. Cette photo, qui montre un canal creusé devant la façade du sauna central situé à l'est du camp, a été prise le 15 août 1991, au cours d'une longue période de sécheressse. La petite mare bien connue qui se trouve près du crématoire IV, et qui aurait déjà existé à l'époque dans le même état, prouve elle aussi que le niveau de l'eau était alors le même qu'aujourd'hui. C'est pourquoi la situation enterrée des morgues des crématoires II et III ainsi que de quelques parties du sauna central exigeait une couche intermédiaire de goudron comme protection contre l'humidité. Si le système de drainage avait abaissé le niveau d'eau de plusieurs mètres, la mare proche du crématoire IV aurait été asséchée, contrairement à de nombreux témoignages. De plus, il aurait alors été inutile d'isoler les murs des pièces souterraines des crématoires II et III avec le soin que nous avons vu. Puisque les fossés d'assèchement du camp ne sont profonds que d'un mètre à un mètre et demi, ils ne peuvent pas avoir abaissé le niveau de l'eau en dessous d'un mètre. Ce maximum ne peut d'ailleurs être atteint qu'à proximité immédiate des fosses. Or, les grandes fosses d'incinération de cadavres qui se seraient trouvées à l'extérieur du camp, près des fermettes, se seraient trouvées dans une zone qui ne fut jamais comprise dans le système d'assèchement du camp et dans laquelle l'eau devait donc affleurer à quelques décimètres de la surface du sol. Dans ces conditions, il est impossible que des cadavres, comme l'affirment des témoins, aient été brûlés dans des fosses profondes de plusieurs mètres, car ces fosses, à la longue, se seraient remplies d'eau. De plus, il ne serait venu à l'idée d'aucun homme raisonnable de brûler des gens dans des fosses difficiles à alimenter en air frais. La première chose que les SS devaient apprendre au cours de leur formation paramilitaire, c'est qu'un feu brûle à faible rendement si on l'allume dans une fosse. (Ceci est également important pour le camouflage de la lumière; voy. la formation de base à la Bundeswehr.) Cela signifie que la mauvaise alimentation en oxygène rend la combustion lente et incomplète, parce que la température du feu est relativement basse.
Tout homme à l'esprit un peu pratique, à qui on demanderait comment brûler des cadavres à l'air libre, répondrait aussitôt: sur un bûcher, comme cela se fait depuis des siècles. La raison technique en est très simple; ce qui, par exemple, a joué dans l'ouragan de feu lors du bombardement de terreur sur Dresde le 13 et le 14 février 1945, joue, en petit, dans chaque bûcher: les gaz enflammés, en montant, créent un intense tirage qui amène de l'air par le bas dans le brasier, ce qui élève énormément la température (voy. aussi les soufflets dans le foyer du forgeron). C'est précisément cela qui est impossible si la combustion a lieu dans des fosses profondes.
On sait qu'à Birkenau, lors de l'épidémie de typhus de 1942, les cadavres des victimes de la maladie furent tout d'abord enterrés dans des charniers. Mais, vu le danger d'une contamination des eaux souterraines, on dut les déterrer au printemps 1943. Comme, à cette époque, les nouveaux crématoires n'étaient pas encore en état de fonctionner, il est possible qu'une partie au moins des corps aient été brûlés sur des bûchers. Dans ce cas, on répand en général les cendres du bois et des cadavres sur un terrain dont, au préalable, on a enlevé la végétation et la couche arable supérieure pour les préserver. Il n'est pas nécessaire pour cela de creuser des trous de plusieurs mètres.
En fouillant à l'ouest du camp de Birkenau, on peut, en effet, mettre au jour, à une profondeur de quelques décimètres, des cendres et des fragments d'os, mêlés à tous les débris possibles (tessons de verre et de porcelaine, scories, morceaux de fer, etc.). Cet endroit servit probablement, sous l'administration allemande ou, après la guerre, sous l'administration polonaise, de dépôt d'immondices.
Deux études sur les photos aériennes prises par les Alliés ont montré qu'à aucun des moments où ces photos furent prises, durant l'été et l'automne 1944, on ne peut distinguer, sur le terrain du camp ou alentour, de grandes fosses de crémation et les réserves de combustible qu'elles auraient exigées, sans parler des flammes et de la fumée, toutes choses dont il existe d'abondants témoignages [54, 72].

2. Formation et stabilité du bleu de Prusse
5

Si l'acide cyanhydrique ne se fixait aux parois que par adsorption 15 , on n'y trouverait plus de cyanures
6 aujourd'hui, car l'acide cyanhydrique est très volatil (température d'ébullition: 25,7*C). Mais un simple coup d'_il dans les chambres à épouillage de vêtements des bâtiments BW 5a et 5b du camp de Birkenau indique immédiatement au chimiste qu'il a affaire à une substance bien connue: le bleu de Prusse (Eisenblau), c'est-à-dire, selon le cas, le bleu de Berlin ou le bleu de Turnbull, composé ferro- ou ferricyanuré extrêmement stable.
Ces composés chimiques ont fait l'objet, ces quarante dernières années, de nombreuses publications dont nous allons résumer les parties qui concernent notre étude. Nos centres d'intérêt seront:
1)la possibilité d'une formation de bleu de Prusse;
2)la stabilité du bleu de Prusse à long terme
et dans les conditions propres à chaque cas.

Toutefois, nous commencerons par une brève présentation de la substance de départ, l'acide cyanhydrique.

2.1. Propriétés de l'acide cyanhydrique, HCN
L'acide cyanhydrique est un liquide incolore. Formant facilement des liaisons hydrogène, il présente beaucoup d'analogies avec l'eau quant à la capacité calorifique et aux constantes de vaporisation. Ces analogies expliquent qu'il soit fortement miscible dans l'eau et ait une forte tendance à y être absorbé. La solubilité de l'acide cyanhydrique dans l'eau sera étudiée plus en détail dans la section 2.3.3.
On entend souvent dire que l'acide cyanhydrique gazeux, étant environ 5 % moins dense que l'air, devrait s'en séparer et s'accumuler dans les couches supérieures. Mais cette différence de densité est trop faible: l'agitation thermique produit un brassage permanent et les molécules de gaz ne se séparent pas en fonction de leur poids moléculaire.


Tableau 2: Constantes physiques de l'acide cyanhydrique HCN [78]
Masse moléculaire

27,026 g mol

-1
Point d'ébullition (1 atm)

25,7*C
Point de fusion

-13,24*C
Densité du gaz à 31*C

0,947
(air = 1)
Capacité calorifique à l'état liquide (20,9*C)

2,625 J g

-1

K

-1
(eau: 4,187 J g -1 K -1 )
Constante diélectrique (20*C)

114
(eau = 78,5)
Chaleur de vaporisation

28 kJ mol

-1
Entropie de vaporisation

190 J mol

-1

K

-1
Température d'inflammation spontanée

538*C
Point d'inflammation

-17,8*C
Limites d'explosivité

6-41 vol %

Tableau 2: Constantes physiques de l'acide cyanhydrique HCN [78]

Pour clarifier les choses, prenons comme exemple les constituants de l'air. L'azote (78 % en volume) n'est que 1,08 fois plus dense que l'acide cyanhydrique. Si ces deux gaz se séparaient en raison de leur densité, on devrait à plus forte raison constater ce phénomène entre les constituants de l'air eux-mêmes, car l'oxygène (21 % du volume de l'air) est 1,15 fois plus dense que l'azote: tout l'oxygène devrait s'accumuler dans le cinquième inférieur de l'atmosphère terrestre et toute la surface de la terre serait oxydée (brûlée).
S'il est vrai qu'en raison de l'agitation thermique des molécules de gaz les faibles différences de densité et de hauteur intervenant ici ne provoquent pas la séparation, il faut cependant prendre en considération que les mélanges de différents gaz sans convection
7., et donc par seule diffusion 8., demandent beaucoup de temps. Certes, le fait que l'acide cyanhydrique soit moins dense que l'air, même si cette différence n'est que de 5 % (ce qui correspond à la proportion dans laquelle l'air à 35*C est moins dense que l'air à 20*C), produit un mouvement de convection et donc une montée de l'acide cyanhydrique, qui ne se mélange que peu à peu à l'air ambiant. Mais en conclure que les vapeurs d'acide cyanhydrique dégagées par le Zyklon B ne cessent de monter est une erreur. A 15*C, par exemple, il est impossible, pour des raisons physico-chimiques, d'avoir des teneurs d'acide cyanhydrique dans l'air supérieures à 65 % (tension de vapeur à 15*C, voir graphique 1); la densité de ce mélange n'est donc que d'environ 3 % inférieure à celle de l'air. De plus, l'acide cyanhydrique, en s'évaporant, prend beaucoup de chaleur à l'air. Cela abaisse la température ambiante jusqu'à ce que la quantité de chaleur transportée soit exactement celle qu'il faut pour la vaporisation à la température plus basse correspondante. Il peut donc se trouver, dans des vapeurs d'acide cyanhydrique, des gaz contenant peu d'acide cyanhydrique mais assez froids pour être plus denses que l'air ambiant.
Le graphique 1 montre la variation de la tension de vapeur de l'acide cyanhydrique dans l'air en fonction de la température. Même à 0*C, la tension de vapeur correspond à une teneur en HCN d'environ 36 % en volume. Une condensation de l'acide cyanhydrique n'est possible que si cette teneur est dépassée. C'est impossible dans le cas que nous étudions, où même une teneur de seulement 10 % ne pourrait être atteinte qu'au voisinage immédiat de la source (c'est-à-dire des granulés de Zyklon B).
L'acide cyanhydrique, mélangé à l'air dans des proportions de 6 à 41 % en volume, est explosible. En cas de forte inflammation initiale, son effet explosif peut être comparé à celui de la nitroglycérine
9 [79]. Mais, dans les utilisations qui seront discutées ici, la teneur n'atteindra que 5 à 6 % en volume à proximité immédiate de la source.
En présence d'alcalins, l'acide cyanhydrique est instable: il tend à produire une importante polymérisation [80]. Toutefois, cela n'a lieu que pour de fortes concentrations en acide cyanhydrique.

Graphique 1: Tension de vapeur de l'acide cyanhydrique en fonction de la température.

2.2. Composition du bleu de Prusse

Tranchant un long débat, la spectroscopie Mössbauer [81-83]
10 .a pu établir que le bleu de Turnbull,Fe4[Fe(CN)6]2, et le bleu de Berlin, Fe4[Fe(CN)6]3, correspondent en fait à une même substance, contrairement à ce que suggèrent leurs formules chimiques. C'est la formule attribuée au bleu de Berlin qui est la plus proche de la réalité: le cristal idéal de bleu de Prusse contient jusqu'à 16 molécules d'eau de coordination:

Fe4[Fe(CN)6]3*xH2O (x=14 à 16)

On sait maintenant que, là où l'ancienne littérature parlait souvent de bleu de Prusse "soluble", il s'agit en fait de substances dont la composition est MeFeIII[FeII(CN)6]*xH2O où Me désigne l'ion associé au[fe(CN)6]3-/4, cet ion étant le plus souvent un ion potassium (K+) ou ammonium NH4 +).
D'après Buser [83], la présence de bleu de Prusse "soluble" est due principalement à l'extrême rapidité de formation et de précipitation du pigment: de grandes quantités d'eau et d'ions (surtout de potassium ou d'ammonium) sont entraînées lors de la formation d'un précipité abondant et s'y retrouvent sous forme d'inclusions. Les cristaux ainsi formés sont très défectueux et devraient plutôt être considérés comme un polymère
11. Ce bleu de Prusse, très hétérogène et très impur, peut être transformé, après filtration, séchage et pulvérisation, en un pigment colloïdal à vrai dire difficile à disperser 12.. Ce bleu de Prusse dit soluble n'est pas une substance soluble à proprement parler, mais c'est un composé dont la dispersion colloïdale est plus facile à obtenir que celle du bleu de Prusse "insoluble", ce qui en permet l'utilisation comme colorant [84-87].
Toutefois, ces colloïdes sont très instables et peuvent floculer par addition de sels [88-90]. D'après Buser, on peut même obtenir, en présence de fortes concentrations d'ions potassium, un bleu de Prusse "insoluble" presque pur lorsque la réaction de précipitation est suffisamment lente. Le lecteur désireux d'en savoir plus sur la structure du bleu de Prusse peut se référer à la littérature [83, 91-95].

2.3. Formation du bleu de Prusse

En solution aqueuse, la formation du bleu de Prusse à partir du ferrocyanure et du sel de fer complémentaire
13est rapide et complète, ce qui n'est pas le cas pour les réactions analogues où le fer est remplacé par un autre métal transitoire [96].
Le bleu de Prusse peut également être obtenu par réduction du [FeIII(CN)6]3- (ferricyanure) en [FeII(CN)6]4- (ferrocyanure), qui, en présence de Fe 3+ , se transforme alors en bleu de Prusse. Pour cela, on peut utiliser comme réducteur, par exemple, du cyanure libre. Celui-ci peut être obtenu par photolyse (c'est-à-dire par décomposition sous l'action d'ultraviolets) du [FeIII(CN)6]3- (ferricyanure) [97-99].
Le cyanure libre peut aussi être produit par l'adsorption ou l'absorption
14., suivies de dissociation (ou d'hydrolyse) 15., de l'acide cyanhydrique. La réduction du [Fe(CN)6]3- par le cyanure, avec la formation consécutive de bleu de Prusse, se déroule le plus rapidement dans un milieu dont le pH 16 est compris entre 9 et 10 [100]. C'est compréhensible, car le cyanure (réducteur) s'oxyde en cyanate (CN0-). Ceci est confirmé par le fait bien connu que le ferricyanure est un oxydant puissant en milieu alcalin, où il peut faire passer le chrome de l'étage d'oxydation +3 à l'étage +6 [101]. La cause de cette réaction est que l'état énergétique du ferrocyanure est considérablement plus favorable que celui du ferricyanure [102]. Ce grand pouvoir oxydant du ferrocyanure explique que le ferricyanure soit réduit (en ferrocyanure) et qu'en revanche le Fe 3+ non complexé (c'est-à-dire non entouré de cyanure) ne soit réduit (en Fe 2+ ) qu'en proportion négligeable. Dès lors, dans le cas qui nous intéresse, la formation du pigment (bleu de Prusse) se fait en cinq étapes:
a.ad-/absorption de l'acide cyanhydrique (HCN);
b.dissociation du HCN en CN- et H + ;
c.complexation du Fe 3+ en [Fe(CN)6]3- (ferricyanure);
d.réduction du [FeIII(CN)6]3- (ferricyanure) en [FeII(CN)6]4- (ferrocyanure);
e.précipitation en présence de Fe 3+ sous forme de Fe4[Fe(CN)6]3, bleu de Prusse.

La vitesse de formation du bleu de Prusse est influencée par différents facteurs:
1.la teneur en eau du milieu;
2.la réactivité du fer;
3.la température;
4.le pH.


2.3.1. Influence de la teneur en eau

La formation de CN- (cyanure) par absorption d'acide cyanhydrique dans l'eau suivie de dissociation est nécessaire à la réaction avec le fer. En effet, l'acide cyanhydrique lui-même, en raison de sa faible nucléophilie
17, n'a qu'une faible réactivité à l'égard des ions métalliques. Outre la dissociation de l'acide cyanhydrique, il faut tenir compte de la chimisorption (voir note 15) par les surfaces solides: l'acide cyanhydrique (HCN) cède son proton (H+) à un oxyde basique et l'ion CN- se lie à un ion métallique.
L'absorption et la dissociation de l'acide cyanhydrique (qui est fortement soluble dans l'eau, voir section 2.3.3) interviennent de façon plus importante que la chimisorption dans la production d'ions cyanure. Le milieu aqueux est finalement indispensable pour la complexation et la réaction d'oxydo-réduction des cyanures avec le Fe 3+ . Le milieu aqueux favorise la mobilité des réactifs: il permet à ceux-ci, qui ne se trouvent pas forcément en contact, de se déplacer et de se rencontrer. Finalement, l'humidité du corps solide (ici, les murs) joue en outre le rôle de piège à acide cyanhydrique, l'eau dissolvant fortement l'acide cyanhydrique. Inversement, plus le corps solide est sec, plus il rend facilement au milieu ambiant l'acide cyanhydrique qu'il a ad-/absorbé. C'est pourquoi une plus grande humidité du corps solide accélère considérablement la réaction.
Des essais pour faire réagir de l'acide cyanhydrique (environ 4 g par m3 d'air, 15*C, humidité relative de l'air 75 %) avec un mélange de Fe(OH)2 et de Fe(OH) 3 adhérant à une bande de papier humide n'ont produit, pour des pH compris entre 2 et 3, aucune coloration bleue au bout de 30 minutes, car, pour ces valeurs du pH, l'acide cyanhydrique ne libère presque pas d'ions cyanure (voir section 2.3.4). Pour des pH de 7 à 9, il s'est produit une coloration bleue clairement visible quelques minutes après la mise en présence des réactifs. Pour des pH supérieurs, le temps devenait de nouveau plus long, parce que l'acide cyanhydrique absorbé devait d'abord abaisser suffisamment le pH avant que la formation du pigment bleu fût possible (voir section 2.4.1, influence du pH).
Les expériences montrent clairement que l'acide cyanhydrique non dissocié, gazeux ou dissous sous forme gazeuse, n'a aucune réactivité. Une addition de quantités minimes de KCN à une solution de Fe 2+ /Fe 3+ en milieu sulfurique produit, en revanche, une précipitation immédiate du pigment bleu. Il apparaît donc que la réaction des ions cyanure avec les sels de fer est plus rapide que celle par laquelle l'acide cyanhydrique dilué cède un proton H+ à l'ion CN- pour former de l'acide cyanhydrique.


2.3.2. Réactivité du fer

Quand le pH augmente, la solubilité des sels de fer diminue fortement. Déjà pour des valeurs du pH proches de la neutralité, presque tout le fer se trouve sous forme deFe2o(3-x)(OH)2x (rouille) ou fixé sous forme de ses hydrates. La réaction entre les sels de fer et le cyanure conduisant à la formation du produit intermédiaire[Fe(cn)6]3- se fera donc à la surface de contact entre la phase solide (où se trouve le fer) et la phase liquide (contenant les ions cyanure). Ces réactions en milieu hétérogène sont considérablement plus lentes que celles qui se déroulent en solution aqueuse. La réaction est plus rapide si la surface de contact entre les deux phases est importante, ce qui est le cas quand le solide a une grande surface spécifique, rugueuse à l'échelle microscopique, ou présente des pores fins et nombreux. En effet, une grande quantité de fer se trouve alors directement en surface et peut donc réagir plus facilement avec le cyanure.
Les sels de fer ont, en général, tendance à fixer l'eau et le bleu de Prusse ne fait pas exception à cette règle. De même, la présence d'eau en grande quantité dans un solide augmente la fixation d'eau par l'oxyde de fer. L'oxyde gonfle quasiment et devient plus réactif envers les différents ligands
18 .concurrents, en particulier avec l'ion cyanure. Les précipités d'hydroxyde de fer fraîchement formés, très riches en eau et hétérogènes, sont extrêmement réactifs: comme on l'a vu à la section 2.3.1, ils forment en quelques minutes des quantités visibles de bleu de Prusse.
Pour que le bleu de Prusse soit obtenu à l'état de colloïde facile à disperser, il faut qu'il se forme rapidement (en solution aqueuse) et que les concentrations des réactifs soient suffisamment grandes (voir section 2.2). Les cristaux ainsi formés sont minuscules, hétérogènes, contiennent beaucoup d'inclusions étrangères (ions, solvant) et présentent de nombreux défauts. Ces cristaux n'ont qu'une faible tendance à la floculation.
En cas de faible concentration des réactifs, la réaction à la frontière liquide-solide est lente, ce qui rend la formation de bleu de Prusse colloïdal plus difficile. La réaction qui nous intéresse se fait à la surface d'une phase gazeuse (HCN) et d'une phase solide (la maçonnerie). Elle ressemble donc fort au processus de formation de monocristaux décrit par Buser [83]. Ici aussi, un des réactifs (le Fe 2+ du ferrocyanure) doit être formé par une réduction graduelle exercée par le cyanure excédentaire. Les conditions remplies ici (abstraction faite du mélange hétérogène) sont donc plutôt celles d'une croissance régulière produisant des cristaux de bleu de Prusse insoluble, sans inclusions importantes de corps étrangers et sans défauts dans la structure cristalline.


2.3.3. Influence de la température

La température joue de façons très différentes sur plusieurs phénomènes:
a.adsorption par le solide;
b.absorption de l'acide cyanhydrique dans l'eau;
c.dissociation/hydrolyse de l'acide cyanhydrique;
d.humidité du solide;
e.vitesse des réactions de complexation et de réduction.

Graphique 2: Taux de recouvrement de la surface d'un solide par un gaz adsorbé, en fonction de la température (schématiquement).

Point a.: L'adsorption de l'acide cyanhydrique à la surface d'un solide diminue quand la température s'élève. Selon Langmuir, on a (voir graphique 2) [103]:

Q = etc. etc; [impossible de reproduire...]

Q = degré d'adsorption
K= constante
T= température en degrés Kelvin
p= pression du gaz
D H= enthalpie d'adsorption
R= constante des gaz parfaits
e= base des logarithmes néfériens (2,71828...).

Toutefois, dans le problème qui nous occupe, il est impossible de calculer la relation entre le degré d'adsorption et la température, ni même, de façon approximative, la quantité correspondant à la saturation.

Graphique 3: Solubilité de l'acide cyanhydrique dans l'eau en fonction de la température, la pression partielle
19. de p(HCN) étant de 0,01 (acide cyanhydrique à 10 mbar pour une pression totale de 1 000 mbar).



NOTES
1 M. Auerbach, de l'Institut d'histoire contemporaine de Munich, appelle J.-C. Pressac "un véritable expert en opérations de gazage", qualité qu'il dénie à F. Leuchter, expert américain en techniques d'exécution capitale et en construction de chambres à gaz [4].

2 Les recherches de G. Fleming dans les archives de Moscou en 1991 [12] n'apportent rien de nouveau par rapport à Pressac, même si le contraire a été dit dans la presse [13].

3 Sous le IIIe Reich, les cheveux coupés ayant une certaine longueur étaient utilisés, le cas échéant après avoir été épouillés [16]. Cela peut expliquer pourquoi, après la guerre, on trouva du cyanure dans des cheveux. Cela ne prouve nullement des gazages d'êtres humains, comme le postule Bailer [6]. En cas de mise à mort, il serait même plus simple et plus raisonnable de tondre les victimes avant l'exécution, puisque leurs cheveux ne seraient alors pas souillés.

4 Par morgue, on désigne ici, et dans toute la suite du texte, une salle où des cadavres sont entreposés dans l'attente de leur crémation -- NDT.

5 Actuellement, on collecte de l'argent pour des travaux de conservation des bâtiments du camp de concentration d'Auschwitz [55]. Si ces travaux sont vraiment exécutés, ils équivaudront à une destruction de tous les moyens de preuve avant toute enquête judiciaire internationale d'envergure sur place.

6 On a traduit par "bleu de Prusse" le mot allemand Eisenblau (littéralement : bleu de fer), qui, dans l'actuelle nomenclature DIN (Deutsche Industrienorm), désigne des pigments bleus ferri- ou ferrocyanurés de compositions diverses, tels que bleu de Berlin, bleu de Turnbull, bleu de Prusse, Vossen Blau ®, bleu Milori, bleu de Paris, bleu chinois, bleu de bronze, bleu d'acier, etc. [Note adaptée par le traducteur].

7 Les cyanures, CN-, sont des sels de l'acide cyanhydrique HCN (cyanure d'hydrogène).

8 Par convection, on entend tous les modes de mélange qui ne reposent pas sur des effets statistiques moléculaires (diffusion, voir note 9) ou sur des champs de forces dirigés (migration, voir note 30). De ce type relèvent, par exemple, la convection de densité et la convection provoquée artificiellement.

9 Par diffusion, on désigne le déplacement statistique de particules animées d'un mouvement chaotique et la répartition uniforme dans l'espace qui en résulte. Pour des gaz, ce mouvement s'appelle "mouvement brownien".

10 Explosif usuel dans la dynamite.

11 Absorption résonantielle, sans effet de recul, de quanta g provenant d'un isotope radioactif, ici cobalt : 57Co ---> 57Fe+ gamma (122 KeV)


12 Cette expression, qui n'était employée à l'origine qu'en chimie organique, désigne la liaison en chaîne, et parfois aussi ramifiée, d'unités nombreuses et identiques.

13 La dispersion est le phénomène par lequel deux phases distinctes dispersent mutuellement leurs particules. Une dispersion est dite colloïdale (d'un mot grec signifiant "qui a la nature de la colle") si la dimension des particules est de 1 0- 8 à 1 0- 7 m. Un tel mélange entre liquides diffuse la lumière (phénomène de Tyndall) et n'est donc pas limpide. En raison de la répulsion électrostatique (les particules ayant des charges électriques de même signe), ces colloïdes n'ont en général pas tendance à s'agglomérer (floculation), ni à précipiter.

14 La couleur du bleu de Prusse provient de la présence de fer à différents degrés d'oxydation (bi- et trivalent, complexe de transfert de charge). Pour la formation du bleu de Prusse, il faut donc qu'un composant contienne du fer à l'étage d'oxydation deux et que l'autre composant en contienne à l'étage trois.

15 Absorption : capture de substance ou d'énergie par un milieu physique, par exemple de lumière, par un colorant, de gaz par un liquide. Adsorption : adhérence de substances à une surface, par exemple de gaz, à la surface d'un solide. On distingue entre la chimisorption, où la substance adhère à la surface par des liaisons chimiques, et la physisorption, où l'adhérence n'a que des causes purement physiques. La limite entre les deux notions est floue.

16 La dissociation est la décomposition de composés, dans le cas qui nous intéresse en ions de charges contraires (hétérolytiques) en milieu aqueux (hydrolyse) : HCN + H2O ---> CN- + H3O+


17 Le pH (pondus Hydrogenii) exprime l'acidité d'une solution aqueuse ; c'est le logarithme décimal de l'inverse de la concentration molaire en H3O+ : -Ig10(c(H3O+)) pH < 7 : acide; pH = 7 : neutre; pH > 7 : basique.


18La nucléophilie (du grec : amitié pour les noyaux) est la tendance d'une particule à réagir avec des particules chargées positivement. Pour cela, la particule nucléophile doit porter une charge négative (au moins partielle). Dans le cas qui nous intéresse, l'ion cyanure (CN-) est, en raison de sa charge négative, considérablement plus nucléophile à l'égard du fer chargé positivement (F e3 +) que l'acide cyanhydrique, qui est électriquement neutre.

19 Dans la chimie des composés complexes, on appelle ligands les particules, chargées le plus souvent négativement (anions), qui sont groupées autour d'une particule centrale, chargée le plus souvent positivement (cation ; en général un atome de métal). Dans le cas qui nous intéresse, l'ion central de fer (F e2+/3 +) est entouré par le ligand cyanure (CN-).

20 La pression partielle d'un gaz est la proportion de ce gaz par rapport à la teneur totale en gaz.
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[ 1 ] [ 2 ] [ 3 ] [ 4 ]



Pour les tableaux, les formules chimiques écrites sous forme canonique, les graphiques et les illustrations, qui dépassent nos compétences numérisatrices, les spécialistes voundront bien se reporter à la version allemande, accessible surn www.org.ou disponibles sur papier (en allemand et en français) à VHO, Posbus 60, B-2600 Berchem 2. Pour les références entre crochets voir la partie 4/4.

Traduction française de Gutachten über die Bildung und Nachweisbarkeit von Cyanidverbindungen in den "Gaskammern" von Auschwitz. (Das Rudolf Gutachten) Nous utilison la 3e édition révisée et élargie, de novembre 1992, © de Germar Rudolf, Stuttgart. Cette version française, Le Rapport Rudolf -- rapport d'expertise sur la formation et le contrôle de la présence de composés cyanurés dans les "chambres à gaz" d'Auschwitz a été diffusée en France comme numéro 4 de la revue La Vieille Taupe, 2ème année, Hiver 1996. Cet ouvrage a eu l'insigne honneur d'être interdit par un arrêté du ministre de l'Intérieur en date du 7 avril 1997 (JO du 11 avril, p. 5517) qui précise que l'ouvrage ""est un écrit étranger" et que, "par son contenu qui contribue à la propagation de la thèse négationniste de l'existence de crimes contre l'humanité, [il] fait courir un rique de trouble à l'ordre public". Précisons à ces juristes casqués qu'il n'existe aucun délit qualifiable de "négationnisme" dans le Code pénal, et que la phrase "la thèse négationniste de l'existence" relève d'un jargon qui n'a rien en commun avec la langue française et qu'on peut donc la réputer "écrit étranger", elle aussi, et donc la bannir de nos mémoires. Mais cette interdiction nous fait un devoir moral de mettre le texte sur Internet.


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