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Attention. L'auteur de ce texte remarquable est un fasciste avéré, authentique garanti. On vous prévient: La lecture de ce texte pourrait nuire gravement à votre santé.

 

MAURICE BARDECHE

NUREMBERG ou LA TERRE PROMISE

6/7

Il est inévitable alors que l'extermination des juifs ne nous apparaisse plus maintenant que comme un des procédés nouveaux de cette guerre que nous avons à juger comme nous avons à juger les autres, l'extermination des Slaves, les bombardements des grandes villes allemandes. Il est inutile, naturellement, de préciser que nous condamnons, comme tout le monde, l'extermination systématique des juifs. Mais il n'est pas inutile de rappeler que les Allemands eux-mêmes, autant que nous pouvons le voir par les documents qui nous sont parvenus, la condamnaient également, et que la plupart d'entre eux, même parmi les plus haut placés, l'ont ignorée. Il résulte clairement des pièces du procès que la solution du problème juif, qui avait eu l'approbation des dirigeants nationaux-socialistes, consistait uniquement en un rassemblement de juifs dans une zone territoriale qu'on appelait la réserve juive: c'était une sorte de ghetto européen, une patrie juive reconstituée à l'Est, c'était cela que prévoyaient les instructions connues des [194] ministres et des hauts fonctionnaires, et c'était cela seulement. Les accusés de Nuremberg ont pu soutenir qu'ils avaient ignoré pendant toute la guerre les exécutions massives qui avaient lieu à Auschwitz, à Treblinka et ailleurs, qu'ils les avaient apprises pour la première fois en écoutant leurs accusateurs, et aucun document du procès ne nous permet d'affirmer que Goering, Ribbentrop, ou Keitel ont menti en disant cela: il est très possible, en effet, que la politique d'Himmler ait été une politique toute personnelle, exécutée discrètement, et dont il porte seul la responsabilité. La condamnation à laquelle on nous demande de nous associer sur ce point et à laquelle nous nous associons en effet, ne porte donc pas sur un peuple, mais sur un homme auquel le régime a eu le tort de laisser des pouvoirs exorbitants. Nous n'avons pas le droit d'en conclure que les Allemands, qui ignoraient tout cela, sont des monstres. Et nous n'avons pas le droit d'en conclure davantage que le national-socialisme aboutissait nécessairement à l'extermination des juifs: il proposait seulement de ne plus les laisser se mêler à [195] la vie politique et économique du pays, et ce résultat pouvait être obtenu par des méthodes raisonnables et modérées. En nous instituant les défenseurs du peuple juif, en nous mettant à la tête d'une croisade de haine à cause des camps de concentration, à cause de tous les camps de concentration, en étendant cette haine à tous, en la rendant sans appel et inexpiable, ne sommes-nous pas victimes d'une propagande dont les effets peuvent être un jour terriblement préjudiciables au peuple français? Que répondrons-nous si l'on prétend nous faire porter un jour le poids de cette vengeance pour laquelle nous avons été volontaires, si l'on nous dit que notre plainte, notre réquisitoire, n'aurait dû avoir pour objet que le nombre restreint de Français qui ont été déportés contrairement aux lois de la guerre, si l'on nous rend responsables de cet orage de haine et de souffrance que nous avons appelé sur la nation allemande qui avait cru nous ménager? Nous répondrons en parlant de la grande voix de la France? Alors qu'elle ne se taise pas quand d'autres injustices et d'autres morts l'assignent: si nous sommes [196] par décret du ciel les défenseurs de tout le monde, les défenseurs des Juifs et des Slaves, alors nous n'avons le droit d'exclure personne, et nous devons être aussi les défenseurs des Japonais et des Allemands quand les cadavres sont japonais ou allemands.

Je ne puis m'empêcher d'ajouter une chose. Cette mission que nous revendiquons pour la France, elle est singulièrement compromise, non seulement par ce qui s'est passé dans notre pays depuis quatre ans mais encore par nos silences et sur d'autres points par notre légèreté à accueillir toutes les propagandes. Notre indignation est à éclipses. Notre conscience s'éveille quand notre intérêt parle. Nous dénonçons la perversité de nos adversaires, leur sang-froid devant la torture et l'extermination, nous feignons d'ouvrir des yeux épouvantés devant la bête humaine, et nous oublions au même moment, nous oublions et nous acceptons la perversité des nôtres, nous acceptons les tortures et l'extermination de nos ennemis, et nous saluons comme des anges de la délivrance des êtres casqués qui ne sont pas moins monstrueux que les [197] monstres de notre invention. Nous sommes très indignés des camps de concentration hitlériens, mais à la même époque, nous feignons d'ignorer les camps de concentration soviétiques, que nous découvrons, du reste, avec horreur dès que notre propagande y trouve un intérêt. Quelle voix s'est élevée pour faire connaître au public français le dossier accablant de l'occupation en Allemagne, qui a protesté contre le traitement honteux et en effet "criminel" au sens de la convention de Genève, qui a été infligé aux prisonniers de guerre allemands? Nos journaux assurent une large diffusion à ]a propagande antisoviétique d'origine américaine répandue dans notre pays: qui a cherché à vérifier ces faits, à les confronter tout au moins avec les documents d'origine russe, enfin à parler avec honnêteté de la Russie soviétique, sans être le valet des staliniens professionnels ni l'instrument des financiers américains? Où est-elle la grande voix de la France? Quelle vérité a-t-elle osé regarder en face depuis quatre ans? Nous trouvons que la guerre est horrible et nous parlons d'atrocités allemandes: mais il ne nous vient pas un instant à [198] l'esprit que c'est peut-être une "atrocité" tout aussi grave que d'arroser des villes entières avec des bombes au phosphore, et nous oublions les milliers de cadavres de femmes et d'enfants recroquevillés dans leurs caves, les 80.000 morts d'Hambourg en quatre jours, les 60.000 morts de Dresde en quarante-huit heures. Je ne sais ce qu'on pensera de tout cela dans un demi-siècle. Quant à moi, le nègre américain qui abaisse tranquillement au-dessus des maisons d'une ville le levier de son magasin de bombes me paraît encore plus inhumain, encore plus monstrueux que le gardien de prison qui dans notre imagerie, accompagne vers la douche mortelle les sinistres convois de Treblinka. Et j'avoue que s'il me fallait faire un classement entre Himmler qui entreprit les camps de concentration et le maréchal de l'air britannique qui décida un jour de janvier 1944 d'ordonner la tactique du tapis de bombes pour neutraliser désormais le personnel, je ne pense pas que je mettrais Himmler au premier rang. Mais nous avons embrassé les nègres dans les rues en les appelant nos libérateurs, et le [199] maréchal de l'air a défilé au milieu de nos vivats. Nous sommes les défenseurs de la civilisation, mais nous supportons très bien l'idée que des villes soviétiques soient détruites en une seconde par deux ou trois bombes atomiques, et même nous le souhaitons dans l'intérêt de la civilisation et du droit. Et après cela, nous citons avec épouvante le nombre des victimes des nazis.

Mais il y a la perversité, ajoute-t-on, il y a l'ordre, il y a ce mécanisme de l'horreur, ce sadisme, ces pendus en musique, cet usinage de la déchéance. Magnifique méthode qui consiste à inventer une imagerie de l'horreur, puis à se frapper la poitrine au nom de toute l'espèce humaine, en l'honneur des films que nous fabriquons! Contrôlons d'abord ces super-productions sensationnelles dignes des fertiles cerveaux d'Hollywood, et nous verrons alors ce que valent ces belles protestations qui prouvent surtout que nous n'avons pas le don de réflexion. Car nous avons accepté et approuvé qu'on monte chez nous un mécanisme de la déchéance et de la persécution, nous avons accepté et approuvé des procédés qui relèvent [200] du même esprit d'ordre, de méthode, d'hypocrisie dans l'élimination, et qui trahissent au moins autant de sadisme que celui que nous dénonçons chez les autres. Evidemment, c'est moins spectaculaire que d'arracher des ongles (cela n'empêche pas d'arracher des ongles, d'ailleurs). Mais enfin, il faut reconnaître tous les mérites, il faut réhabiliter la notion de torture morale. Les inventeurs de l'ignoble escroquerie de l'article 75, les hommes politiques qui les ont couverts, ont cherché à obtenir par des moyens purement moraux les mêmes résultats que d'autres ont demandé, d'après eux, à des moyens physiques. Ils se sont servis du mensonge, de l'hypocrisie, de la perfidie, pour acculer des hommes et des femmes au désespoir, à la déchéance, à la misère matérielle et souvent à la misère physiologique. Du travail bien fait: on ne voit pas le sang et les Pompes funèbres se chargent des enterrements, dans le corbillard des pauvres, bien entendu. Mais des dizaines de milliers de Français, de ceux qui furent parmi les meilleurs, les plus désintéressés, les plus loyaux, les plus fidèles, sont aujourd'hui des morts vivants. [201] Chassés de leurs demeures par des réquisitions, dépouillés de leurs économies par des confiscations, privés de leurs droits de citoyens, chassés de leur emploi, poursuivis par des juges serviles, accablés de chagrin et d'amertume, abreuvés d'humiliations et de mensonges, errant de refus en refus, sans appuis, sans défenseurs, ils s'aperçoivent aujourd'hui que la cité du mensonge a élevé autour d'eux des murs invisibles, pareils à ceux des camps, et qu'ils sont condamnés, eux aussi, mais en silence, à la misère et à la mort. Leurs garçons ont été fusillés un matin, à l'aube, Ils n'ont plus rien, ils regardent sans comprendre leur poitrine, d'où l'on a arraché leur croix et leur manche vide de mutilés: ils ne portent pas le pyjama des déportés, mais ils meurent un soir, comme eux, à l'intérieur de la prison invisible que l'injustice a construite autour d'eux. Quelquefois, ils meurent de misère bien modestement, d'autres fois ils se suicident au gaz, et presque toujours on explique que c'est la maladie, la dépression, l'âge. Tout cela n'est pas spectaculaire: il n'y a pas de coups de fouet, mais des assignations, pas de [202] corvées de soupe, mais un hôtel meublé avec une lampe à alcool, il n'y a pas de four crématoire, mais des enfants qui meurent et des filles qui s'en vont. Oui, juifs, oui, chrétiens sociaux, gaullistes, résistants, vous pouvez être fiers (mais ces comptes ne s'oublieront pas), quand on fera le compte de ces morts discrètes de la persécution, on s'apercevra que le chiffre des 50.000 ou 80.000 Français morts en déportation, est largement balancé par le chiffre des Français qui sont morts de misère et de chagrin à la suite de la libération. Comme nous n'avions pas de bombardiers, nous avons inventé une manière de tuer à la mesure de nos moyens: elle ne vaut pas mieux que les autres, elle est seulement sournoise et lâche. Et j'avoue que j'ai infiniment plus d'estime pour le courage moral d'Otto Ohlendorf, général des SS, qui reconnaît devant le tribunal qu'il a massacré 90.000 juifs et Ukrainiens sur l'ordre de son Führer, que pour le général français qui est responsable d'autant de morts français qu'il ne se sent pas la force d'accepter.

Où a-t-elle dit cela, la grande voix de la France ? Où avez-vous vu cela dans la [203] grande presse et dans les émissions chargées de nous représenter à l'étranger? Quelle voix "autorisée" a osé dire, depuis quatre ans, toute la vérité? Ce combat séculaire de la pensée française, quel grand journal français, quel grand écrivain français a osé le livrer? Nous nous livrons à des travaux plus faciles. Nous nous croyons les docteurs du monde, et nous n'avons pas le courage de placer un miroir devant nos yeux. Nous donnons des leçons de morale au monde, et des leçons de justice, et des leçons de liberté. Nous sommes éloquents comme une maquerelle au prêche. Notre grande idée, c'est que la morale et la justice sont toujours de notre côté. Alors, nous avons droit, nous et nos amis, à une certaine liberté d'action. C'est pour le bon motif. Ce que nous faisons, ce que font nos alliés, ce ne sont jamais des atrocités. Mais dès qu'un régime est notre adversaire, l'atrocité pousse chez lui comme orties dans un jardin.

Je croirai à l'existence juridique des crimes de guerre quand j'aurai vu le général Eisenhower et le maréchal Rossokowslsy prendre place au tribunal de Nuremberg sur [204] le banc des accusés. Et à côté d'eux, de moindres sires, comme notre général de Gaulle, responsable bien plus directement que Keitel et Jodl d'un assez bon nombre d'atrocités. En attendant, je ne me soucie pas de faire tourner le moulin à malédictions dans la direction des différents ennemis de la City et de Wall Street ou de changer d'anathèmes comme les femmes changent de chapeaux. Je réclame le droit de ne pas croire aux récits des correspondants de guerre. Et je réclame le droit de réfléchir avant de m'indigner. La carte du pétrole me paraît un peu trop compliquée pour ma philosophie.

 

* * * * *

On pourrait croire ici que les principes posés dans cette troisième partie sont inattaquables et limpides, et qu'il n'est rien de plus simple que de condamner des actes contraires aux lois de la guerre. C'est ce qui se serait passé en effet si le tribunal s'était contenté de constater que l'armée allemande avait commis des actes expressément [205] interdits par les conventions de La Haye. Et nous n'avons rien à dire lorsqu'il se borne à le faire, sur la conduite de la guerre sur mer par exemple, ou sur les exécutions irrégulières de prisonniers de guerre ou sur les réquisitions abusives: mais, à part ce dernier chapitre qui est d'ailleurs une question fort complexe, ces accusations sont peu nombreuses et surtout, elles ne sont pas l'essentiel du procès. Cette dernière partie de l'acte d'accusation soulève toutes sortes de difficultés, et des plus graves, précisément parce que le tribunal a voulu innover.

Il reconnaît cette novation. Le. caractère rétroactif de la loi internationale improvisée par le tribunal est tellement évident qu'il n'a pas été nié par les chefs des délégations ; anglaise et américaine. Ils s'en excusent seulement en disant que l'opinion mondiale ne comprendrait pas qu'on laisse impunies certaines atrocités commises de sang-froid. Que signifie cette affirmation quand l'opinion mondiale a été surchauffée à dessein, et tant qu'une enquête complète et loyale n'est pas ouverte contre tous les belligérants. En l'absence de ces garanties, la rétroactivité [206] de la loi internationale s'exprime finalement ainsi: des diplomates alliés se réunissent à Londres après la signature de la capitulation, et déclarent que tels et tels actes qu'ils reprochent à leurs ennemis seront regardés comme criminels et punis de mort, ils en font une liste qu'ils appellent statut du 8 août 1945, et ils chargent des juges de fabriquer un acte d'accusation dont chaque paragraphe se termine par cette phrase exorbitante: "et ces actes commis en 1943 ou en 1944 sont illégaux et criminels, comme contraires à l'article 6 ou à l'article 8 de notre statut". Les enfants, au moins, disent "pouce" quand ils veulent changer la règle du jeu. Mais nos juristes internationaux n'ont pas reculé devant cette incohérence: ils ne paraissent même pas en avoir aperçu les conséquences.

Car, ce qui est frappant, ce n'est pas seulement le caractère injuste de cette rétroactivité réprouvée par tous les législateurs, c'est son danger pour l'avenir. Il est bien évident qu'après toute guerre internationale, le vainqueur se croira désormais autorisé à en faire autant. Il se réclamera lui aussi de l'indignation de l'opinion mondiale. [207] Il n'aura aucune peine à faire admettre que les responsables des bombardements atomiques doivent être poursuivis. Il pourra faire admettre aussi bien que les responsables de tous les bombardements de populations civiles doivent être poursuivis au même titre. Et il punira pêle-mêle les aviateurs, les généraux, les ministres, les fabricants, en se fondant sur ce précédent. Il pourra même aller plus loin. Il suffit d'être le plus fort. On peut soutenir avec de très bons arguments que toute opération de blocus est essentiellement inhumaine et la déclarer contraire aux lois de la guerre. Le plus fort peut déclarer tout ce qu'il veut: ses photographes publieront des cadavres, ses journalistes {feront des reportages et l'opinion mondiale frémira en écoutant sa radio. Et ses ennemis seront pendus jusqu'au grade de colonel inclusivement, ou plus loin si c'est son bon plaisir. "Je veux gagner la prochaine guerre, disait dans une récente interview le maréchal Montgomery, car je ne me soucie pas d'être pendu." Ce militaire britannique a bien compris la solidité du nouveau droit.

La délégation française, chapitre de [208] logique et de solidité, entendait avec peine ce mot rétroactive. Elle voulut montrer qu'il ne fallait pas avoir tous ces scrupules, et que M. Goering n'était juridiquement qu'un bandit de grand chemin. Et voici la ferme démarche qu'elle suivit en cette démonstration: elle est intéressante pour nous en ce qu'elle pose un principe plus étendu que le précédent. Les Allemands, ayant été les agresseurs, la guerre qu'ils font est illégale, et ils se mettent par là en dehors de la loi internationale. "Qu'est-ce à dire, sinon que tous les crimes qui seront commis à la suite de cette agression pour la poursuite de la lutte ainsi engagée cesseront d'avoir le caractère juridique d'actes de guerre ?" Dès lors, tout devient très simple: "Les actes commis dans la poursuite d'une guerre sont des atteintes aux personnes et aux biens qui sont eux-mêmes prohibés et sanctionnés dans toutes les législations. L'état de guerre ne pourrait les rendre licites que si la guerre elle-même était licite. Puisque depuis le pacte Briand-Kellog, il n'en est plus ainsi, ces actes deviennent purement et simplement des crimes de droit commun". Et voilà. Ce n'est pas plus [209] difficile que cela et il suffisait d'y penser: nous, tout ce que nous faisons est licite, ce sont des actes de guerre, qui sont couverts par une "règle spéciale du droit international... qui enlève aux actes dits de guerre toute qualification pénale", eux, tout ce qu'ils font "pour la poursuite de la lutte ainsi engagée", expression fort vaste, est illicite et devient par là même crime de droit commun. D'un côté, l'ordre, la gravité, la conscience: les armées du droit bombardent Dresde avec un sentiment de peine infinie, et quand nos Sénégalais violent les jeunes filles de Stuttgart, c'est un acte de guerre qui échappe à toute qualification pénale; de l'autre côté, le droit commun en uniforme et casqué: une troupe de brigands portant des déguisements divers s'installe clans une caverne appelée Kommandantur, et tout ce qu'ils font s'appelle pillage, séquestration, assassinats. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est encore la délégation française. "I,a mise à mort des prisonniers de guerre, des otages et des habitants des territoires occupés, tombe, en droit français, sous le coup des articles 295 et suivants du Code pénal qui qualifient le [210] meurtre et l'assassinat. Les mauvais traitements auxquels l'acte d'accusation se réfère entrent dans le cadre des blessures et coups volontaires qui sont définis par les articles 309 et suivants. La déportation s'analyse, indépendamment des meurtres dont elle s'accompagne, en une séquestration arbitraire dont les articles 341 et 344 donnent la qualification. Le pillage de la propriété publique et privée et l'imposition des amendes collectives sont sanctionnés par les articles 221 et suivants de notre Code de justice militaire. L'article 434 du Code pénal punit les destructions volontaires, et la déportation des travailleurs civils s'assimile à l'enrôlement forcé prévu par l'article 92". Et voilà comment le vilain mot de rétroactivité a été rayé de nos papiers. Tout cela grâce à ce bon petit pacte Briand-Kellog, arbalète poussiéreuse décrochée dans le grenier de nos pactes, laquelle nous a servi cependant à tirer ce beau feu d'artifice.

Le caractère ignoble et monstrueux de cette escroquerie juridique mérite d'être souligné. Il faut savoir pour cela que les actes ainsi définis par notre délégation sont. [211] d'autre part, expressément reconnus comme des droits par les conventions de La Haye. I,es armées en guerre ont le droit de prendre des otages, et nous ne nous sommes pas gênés pour le faire; elles ont juridiction sur les prisonniers de guerre sous certaines conditions de forme; elles ont le droit d'assurer l'ordre sur leurs arrières et de procéder à des arrestations; elles ont le droit de condamner et d'exécuter les agents de l'ennemi en territoire occupé et, en particulier, les francs-tireurs. Elles ont le droit de percevoir des frais d'occupation "normaux" et de procéder à des réquisitions en suivant certaines règles. Tel est le droit de la guerre, le droit des gens, écrit et convenu, et c'est ce droit de la guerre, ce droit des gens, que notre délégation refuse à nos ennemis. La loi internationale existe: mais elle n'existe pas pour eux. Nous, armée du Droit, nous avons part à tout cela: pas eux. Et ceci est d'autant plus beau que, pendant que les Allemands étaient là, pendant qu'ils étaient les plus forts, nous nous sommes réclamés, à leur égard, du droit international. Quand ils [212] étaient les plus forts, ils étaient des soldats et ils devaient appliquer le droit des gens, et nous avons accepté en maintes circonstances d'en bénéficier. Maintenant qu'ils sont vaincus, ils ne sont plus des soldats, ils n'ont plus le droit de se réclamer du droit des gens à leur tour, ils sont devenus des criminels de droit commun. Il est difficile d'être plus ignoble et plus bas. Mais, comme nos "résistants" sont inconscients, ils s'étonnent encore quand nous leur disons que la politique française depuis 1944 n'est pour nous que bassesse et sujet de honte, et image du déshonneur.

On reconnaîtra d'ailleurs une certaine unité dans la "pensée" de M. de Menthon. Son système consiste à nier la réalité. A nous autres Français il dit: il n'y avait pas d'armistice, il n'y avait pas de gouvernement français à Vichy, la guerre continuait, le gouvernement français siégeait à Londres, et tout Français du territoire métropolitain qui adressait la parole à l'ennemi se mettait dans le cas d'intelligence avec l'ennemi, il n'accomplissait pas un acte politique, il commettait un crime de droit commun prévu par les [213] articles 75 et suivants du Code pénal. Aux Allemands, il explique de même: il n'y avait pas de guerre, il n'y avait pas d'armée allemande, mais un rassemblement de brigands associés pour la perpétration de crimes de droit commun, et tout Allemand qui signait un ordre était un criminel criant quelque chose à ses complices, il n'accomplissait pas un acte de guerre plus ou moins conforme aux conventions internationales, il commettait un crime de droit commun ou il se faisait complice de crimes de droit commun prévus par les articles tel et tel du Code pénal.

C'est admirable de vivre ainsi avec tant d'aisance dans un univers renversé. La malhonnêteté intellectuelle ne peut aller plus loin. Un mensonge fondamental, un hurlement de fou répercuté par mille échos est le prélude de ce législateur. On lui dit: "et pourtant, elle tourne", mais il n'entend pas, il marche en aveugle porté par sa mauvaise foi et sa haine, il titube au milieu des énormités. Et il nous invite à contempler ses poupées monstrueuses, ses allégories qui vont la tête en bas, la Vérité faisant le clown [214] dans son cirque, et la Justice marchant au plafond comme les mouches.

On perçoit aisément que ce principe est beaucoup plus fécond que le précédent. Désormais, toute guerre internationale devient automatiquement une guerre de Droit. Le vainqueur n'aura aucune peine à faire reconnaître que le vaincu est toujours l'agresseur. Nous en avons de bons exemples. Rien n'est plus confus que le début des hostilités en Pologne. Nous avons oublié les provocations polonaises, assez copieuses pour que le gouvernement allemand pût les réunir en un Livre Blanc. Et rien n'est plus confus que l'affaire de Berlin. Le gouvernement soviétique déduit avec logique et correction les conséquences de l'accord insensé qui lui a été consenti. Cela n'empêche pas que si la guerre éclate, on le désignera comme l'agresseur. Voyons les choses comme elles sont. Le pacte Briand-Kellog est, en réalité, une baguette magique entre les mains du vainqueur. Et tout successeur de M. de Menthon aura désormais le droit de faire le raisonnement de M. de Menthon, et d'expliquer aux vaincus qu'ils n'étaient pas des [215] soldats comme ils croyaient l'être, mais une bande de malfaiteurs rassemblés, selon le cas, pour un attentat contre la liberté ou pour une opération de brigandage capitaliste. La justice a désormais disparu de notre monde. Le droit international est non seulement un droit équivoque, il est finalement, tel qu'il est appliqué aujourd'hui, la négation et destruction de tout droit.

Cette destruction du droit a des conséquences immenses. Le droit qui protège est le droit écrit. Et il n'est pas inexistant en droit international puisqu'il y a eu les conventions de La Haye. Le droit, c'est l'édit. L'édit est une chose sûre: on voit écrit sur le mur ce qui est permis et ce qui est défendu. Mais aujourd'hui nul ne peut dire, au cours d'une guerre, ni même peut-être en pleine paix, ce qui pourra lui être ou ne pas lui être reproché. La conscience internationale jugera. Et qu'est-ce qu'on lui fera dire, à la conscience internationale? Comment nos juristes n'ont-ils pas vu que cette base nouvelle du droit international n'était rien d'autre que ce volksempfind qu'ils ont tant reproché au national-socialisme? Ainsi [216] ce monde élastique que nous décrivions au début de ce livre, l'est beaucoup plus encore que nous ne pouvions l'imaginer. Tout est droit commun si l'on veut. Il n'y a plus d'armées, il n'y aura plus jamais d'armées. Aux yeux du vainqueur, il n'y a qu'une bande de malfaiteurs perpétrant des crimes contre lui: il est interdit d'adresser la parole à ces malfaiteurs, interdit de les regarder comme des hommes, interdit de penser qu'ils disent peut-être parfois la vérité. Il est surtout interdit de traiter avec eux: on est en état de guerre permanent avec le crime. Mais de quel côté est le crime? La ligne du front risque de devenir en ces matières la plus haute autorité: l'uniforme américain est la livrée du crime si Moscou gagne, et le communisme est le dernier degré de la barbarie si Magnitogorsk capitule. Ce nouveau droit n'est pas si nouveau qu'il en a l'air. Entre mahométans et chrétiens, on décidait à peu près ainsi, et, pour échapper au massacre, il restait comme de nos jours la ressource de se convertir. Mais c'est assez drôle d'appeler cela un progrès.

Cet esprit de notre nouvelle législation est [217] encore aggravé par la conception moderne de la responsabilité. Si nous avions été sages, il n'était pas très difficile de démêler les responsabilités. Il est clair, il est admis par tous les tribunaux du monde, que lorsqu'un subordonné exécute un ordre, il est couvert par cet ordre lui-même. Sa responsabilité personnelle ne commence qu'à partir du moment où il ajoute de lui-même quelque disposition aggravante. Si un policier reçoit l'ordre d'interroger un suspect, il ne peut être inquiété pour l'avoir interrogé et arrêté, mais s'il lui arrache un oeil, il est juste qu'on lui fasse un procès pour avoir arraché un oeil à un prisonnier. Cette manière raisonnable et traditionnelle d'interpréter les lois nous permettait de rechercher les auteurs de sévices et tortures, et nous ne protestons nullement ici contre les procès particuliers qui ont été intentés à des tortionnaires, lorsque ces procès ont été réguliers et lorsque le jugement a été rendu conformément aux articles du code qui punissent les sévices et la torture. Il était même possible, dans ces conditions, de rechercher les officiers qui avaient été directement responsables de représailles [218] hâtives ou exagérées. et de les accuser d'avoir outrepassé leurs ordres ou d'avoir interprété des consignes générales avec une telle brutalité que cela équivalait à dépasser les ordres donnés. Ces procès individuels étaient d'autant plus légitimes qu'on retrouvait dans la plupart des cas des infractions aux conventions de l,a Haye, et que, par conséquent, on n'innovait en rien, qu'on se contentait de poursuivre des abus de pouvoirs meurtriers. Cette manière raisonnable de rendre la justice eût rallié toutes les consciences. Elle ne mettait pas un abîme entre le peuple allemand et nous. Le vainqueur disait seulement: "Il y a des lois de la guerre et vous les connaissiez, nous punissons également dans vos rangs et dans les nôtres ceux qui ne les ont pas observées, et maintenant nous vous demandons d'oublier vos souffrances comme nous essayons d'oublier les nôtres, reconstruisons nos villes et vivons en paix." Ainsi auraient parlé les hommes justes.

Mais ceci ne faisait pas notre affaire. Nous ne tenions pas à punir des actes criminels isolés: il fallait affirmer que toute la [219] politique allemande était criminelle, que toute cette guerre était une longue nappe de crimes, et que, par conséquent, tout Allemand était criminel, puisqu'il avait collaboré, même sans initiative, même comme simple instrument, à cette politique criminelle. Il fallait donc arriver à soutenir que dans le pays le plus fortement discipliné qui existe et sous le régime le plus absolu, et ce régime étant depuis dix ans le régime légal, reconnu par le monde entier, néanmoins les lois, les ordonnances, les règlements, les ordres émanant du gouvernement n'avaient aucune valeur, et ne protégeaient nullement les exécutants. Alors nous avons tout méconnu, nous avons foulé aux pieds les évidences les plus élémentaires. Ce que nous sommes arrivés à soutenir dépasse l'imagination. Nous avons oublié, nous avons refusé de voir que le führer-prinzip, base du régime légal allemand, faisait de chaque particulier un soldat, de chaque exécutant un homme qui n'avait pas le droit de discuter les ordres, quel que fût son rang. Que fallait-il faire lorsqu'on avait le malheur d'être un général allemand? Il leur était absolument [220] interdit de démissionner pendant la guerre. Alors? Notre "justice" leur donne à choisir entre le poteau pour refus d'obéissance et la potence de Nuremberg pour avoir appliqué les ordres. Ils devaient protester? Mais ils ont protesté. Le dossier des Alliés à Nuremberg est essentiellement constitué par les rapports et les protestations que les exécutants des grades les plus élevés adressaient au Quartier Général du Führer pour décrire les excès auxquels donnait lieu la conduite de la guerre et pour demander qu'on revînt sur les ordres trop sévères qui leur avaient été transmis. Il leur fut répondu régulièrement que le Führer ou son délégué, le Reichsführer SS Heinrich Himmler maintenaient ces instructions et qu'ils en revendiquaient l'entière responsabilité.

Il y avait un responsable en Allemagne, et il n'y en avait qu'un, c'était Adolf Hitler. On.ne discutait pas un ordre d'Adolf Hitler. Les plus grands l'ont tous dit, et Goering lui-même: Nous n'étions pas toujours d'accord et même sur des points essentiels, mais une fois l'ordre donné, le devoir était d'obéir. Cette discipline absolue, inscrite dans le [221] serment de fidélité, était présentée aux Allemands comme la base de leur régime, et aussi comme une garantie à l'égard de leur conscience. Ceci, nous le savons fort bien et nos "juges" le savent fort bien. Mais alors, voici ce qu'ils ont inventé. Contrairement à la législation de l'Etat allemand, et contrairement aussi à toutes les législations nationales, ils n'ont pas craint de déclarer tout d'abord que personne ne pouvait se regarder comme couvert par des ordres supérieurs. C'était leur statut, rédigé en août 1945 qui établissait solidement ce nouveau principe: "Le statut établit que celui qui a commis des actes criminels ne peut trouver d'excuses dans des ordres supérieurs". Sir Hartley Shawcross, procureur britannique, tira la conséquence de cette déclaration: "La loyauté politique, l'obéissance militaire sont d'excellentes choses, mais elles n'exigent ni ne justifient l'accomplissement d'actes notoirement mauvais. Il vient un moment où un homme doit refuser d'obéir à son chef s'il veut obéir à sa conscience. Même le simple soldat servant dans les rangs n'est pas obligé d'obéir à des [222] actes illégaux." Cette affirmation, si grave puisqu'elle rend obligatoire l'objection de conscience, ne suffit pourtant pas au Tribunal, qui trouva moyen de revenir sur ce point dans le Jugement lui-même. "Celui qui a violé les lois de la guerre, conclut le Tribunal, ne peut, pour se justifier, alléguer le mandat qu'il a reçu de l'Etat, du moment que l'Etat, en donnant ce mandat, a outrepassé les pouvoirs que lui reconnaît le droit international. Une idée fondamentale du statut est que les obligations internationales qui s'imposent aux individus priment leur devoir d'obéissance envers l'Etat dont ils sont ressortissants."

On ne saurait souhaiter d'affirmations plus nettes, et cette philosophie politique a, du moins, le mérite d'être claire. Elle érige l'objection de conscience en devoir. Elle impose le refus d'obéissance. Sa haine des Etats militaires est telle qu'elle détruit l'Etat tout entier. Ce qui était l'honneur et le drame du soldat est nié par elle en une seule phrase. Cette grandeur de la discipline est rayée d'un trait de plume. L'honneur des hommes, qui est un honneur de [223] serviteur et de fidélité, l'honneur tel qu'il est écrit dans nos consciences depuis le premier serment prêté à un souverain, cet honneur-là n'existe plus, il n'est pas inscrit dans le manuel d'instruction civique. Seulement nos savants juges n'ont pas vu qu'en détruisant la forme monarchique de la fidélité, ils détruisaient toutes les patries: car il n'est pas de régime qui ne repose sur le contrat de service, il n'est pas de souveraineté autre que monarchique, et les républiques elles-mêmes ont imaginé l'expression de peuple-souverain.

Désormais, cette conscience claire du devoir, l'ordre du souverain est déchue de sa toute-puissance. L'indiscutable, le certain est aboli partout. L'édit placé sur le mur n'a plus d'autorité, l'obéissance au magistrat est affaire de circonstance. Il n'est plus permis à personne de dire: la loi est la loi, le roi est le roi. Tout ce qui était clair, tout ce qui nous permettait de mourir tranquille est atteint par ces phrases absurdes. L'Etat n'a plus de forme. La cité n'a plus de murs. Un souverain nouveau, sans capitale et sans visage, règne à leur place [224] désormais. Son tabernacle est un poste de radio. C'est là qu'on entend chaque soir la voix à laquelle nous devons obéissance, celle du super-Etat qui a la primauté sur la patrie. Car la phrase écrite par les juges en leur Jugement est claire, elle ne laisse point place à l'équivoque: si la conscience de l'humanité a condamné une nation, les citoyens de cette nation sont déliés de leur devoir d'obéissance, et non seulement ils en sont déliés, mais ils doivent agir contre leur propre pays: "les obligations internationales qui s'imposent aux individus priment leur devoir d'obéissance envers l'Etat dont ils sont ressortissants ."

Ainsi, en cet endroit de l'analyse, on découvre que tout s'épaule et se tient. Nous ne sommes plus les soldats d'une patrie, nous sommes les soldats de la loi morale. Nous ne sommes plus les citoyens d'une nation, nous sommes des consciences au service de l'humanité. Tout s'explique alors. Il ne s'agit pas de savoir si le maréchal Pétain est le chef légal du gouvernement de la France, la France cela n'existe pas, la légalité, cela n'existe pas, il s'agit de savoir si le général [225] de Gaulle incarne la morale internationale plus exactement que le maréchal Pétain: entre la démocratie incarnée par un comité improvisé à Londres et la France représentée par un gouvernement qui ne convoque pas les conseils généraux, nous n'avons pas à hésiter: il faut préférer la démocratie, parce que la morale est nécessairement du côté de la démocratie, tandis que la France, cela ne représente rien à l'égard de la morale. Nous voilà donc en présence du paysage intellectuel complet du cerveau de M. de Menthon. Désormais, c'est la démocratie qui est la patrie, et la patrie n'est plus rien si elle n'est démocratique. Préférer la patrie à la démocratie, c'est trahir. Quand la démocratie est menacée, le patriotisme est toujours du côté de la démocratie. Si la patrie est dans le camp contraire, cela ne fait rien: c'est la résistance qui est la loi suprême, la trahison qui est obligatoire et la fidélité qui est trahison, c'est le franc-tireur qui est le véritable soldat.

Là encore, la situation nouvelle définie par le Tribunal ne devrait pas tant nous surprendre. Car elle a un précédent [226] qui en fixe bien le sens: c'est tout simplement une excommunication. Et les résultats qu'on en attend, les résultats qu'on en exige, sont en effet les résultats que l'Eglise attendait et exigeait de la bulle d'excommunication. L'Etat ainsi condamné doit être vidé immédiatement de son énergie et de sa substance, il doit répandre du jour au lendemain l'horreur et l'effroi, on doit lui refuser le pain et le sel, c'est-à-dire l'impôt, le service, l'obéissance, ses généraux doivent se révolter. La délégation française nous avertit même que cette excommunication a le pouvoir de changer ]e nom et la qualité de toute chose. Celui qui s'obstine est métamorphosé comme par la baguette d'une fée. L'armée excommuniée n'est plus une armée, elle devient une association de malfaiteurs, les actes de guerre ne sont plus des actes de guerre, ils deviennent des crimes de droit commun. La malédiction juridique transforme le pays en désert et en même temps elle transforme tous ses habitants en sujets de l'empire du mal, elle leur enlève les prérogatives de l'être humain. S'ils ne prennent pas le parti de l'ange, s'ils [227] n'appellent pas sur leurs cités l'éclair exterminateur, ils sont enveloppés dans la malédiction et la condamnation de leur pays. S'ils n'appellent leur patrie Sodome, et s'ils ne la maudissent, il n'y a point de grâce pour eux. L'O.N.U. fulmine et la patrie se dissout. Il n'y a plus de pouvoir temporel.

Et c'est en effet à cette dissolution du pouvoir temporel que nous amènent peu à peu les tendances que nous décrivions en analysant la première et la deuxième sections de l'acte d'accusation, et dont nous trouvons ici l'expression complète. Nous avions conclu précédemment que c'étaient les nationalismes et avec eux les modes d'expression ou de défense des nationalismes qui se trouvaient atteints par l'esprit de Nuremberg. Le nouveau droit aboutissait à une dépossession. Nous voyons maintenant que ce ne sont pas seulement les nationalismes qui sont mis en accusation, mais les patries elles-mêmes. Les droits internes sont détrônés par l'avènement d'un droit supérieur; les Etats souverains sont déposés s'ils n'acceptent pas d'être les serviteurs du super-Etat et de sa religion. Mais ce n'est pas [228] seulement cela. L'esprit messianique se démasque à la fin: il dit clairement son nouvel évangile. Toutes les cités sont suspectes. Elles ne sont en réalité que les dépositaires du pouvoir. Leur pouvoir temporel n'est plus qu'un pouvoir d'administration. Les patries ne sont plus maintenant que les gérantes d'une immense société anonyme. On leur laisse un certain pouvoir de réglementation: ainsi est circonscrit et défini leur domaine, mais sur l'essentiel elles sont dépossédées. Le pouvoir spirituel, le pouvoir de rassurer les consciences, de rendre légitime ce qui est conforme à la loi, ne leur appartient plus. Gérantes du temporel, elles doivent s'incliner et faire silence, dès qu'il s'agit de décisions d'Etat. Et non seulement on les invite au silence, mais on invite les citoyens à se défier de leurs cités. Les patries ne peuvent enfanter que des hérésies. Elles sont toutes suspectes d'une malédiction originelle. On les déclare incapables de formuler le dogme et suspectes même quand elles l'interprètent. On leur retire tout pouvoir sur les consciences. Le spirituel est confisqué au profit d'une [229] instance supérieure internationale. C'est elle qui dit le juste, c'est elle qui est la conscience du monde. I.es patries sont déposées. Elles sont déposées au profit d'un empire spirituel du monde qui "prime", comme ils disent, toutes les patries. Ils ont réinventé Rome. Il y a désormais, il y officiellement depuis le jugement de Nuremberg, une religion de l'humanité, et il y a aussi un catholicisme de l'humanité. Nous devons la soumission à la très sainte église de l'humanité, qui a des bombardiers pour missionnaires. Le jugement de Nuremberg est la bulle Unigenitus. Désormais, le conclave prononce et les sceptres tombent. Nous entrons dans l'histoire du Saint-Empire.

Cette notion d'un Etat universel détenant le gouvernement des consciences n'est donc que le couronnement des principes que nous avions vu poser jusqu'ici. Sans cet aboutissement, ils n'ont point leur sens complet: mais avec lui, tout s'éclaire, cette coupole donne sa forme à l'édifice. Il nous était dit premièrement que nous ne devions pas nous unir pour la force et la grandeur de nos cités, et que ces unions pourraient être [230] appelées à tout moment associations de malfaiteurs; et deuxièmement que nous devons nous habituer à déléguer une partie de notre souveraineté, celle qui est essentielle, en vertu de la Charte constitutionnelle du super-Etat, laquelle a été octroyée au monde sans qu'on nous demande notre avis. Ces dispositions nous enchaînaient deux fois, elles nous enchaînaient dans nos cités et dans nos rapports avec l'étranger, dans ce qu'on appelle dans les journaux la politique intérieure et la politique étrangère. La conscience universelle, jugeant du haut de son tribunal, nous interdisait la défense et nous interdisait l'isolement. Mais ce n'était pas assez. Il faut qu'elle fasse son métier de conscience jusqu'au bout: il faut qu'elle soit, comme l'oeil de Cain, installée dans la tombe Elle représente le regard de Dieu. Elle interdit et fait trembler. Elle est suspendue comme un glaive. Le magistrat rentre la tête dans ses épaules, le policier tousse très fort avant de s'arrêter au terrier et le général sent la corde autour de son cou. Car la conscience n'écrit rien, elle indique seulement une ligne à suivre, la ligne. Elle n'est pas [231] coercition, elle n'a point de gendarmes, elle est seulement un poison dans l'Etat, une simple infiltration qui corrompt tout. On ne vous menace même pas, c'est votre propre voix qui vous menace, car la conscience universelle, c'est tout le monde, et c'est même vous. Etes-vous bien sûr d'avoir agi conformément à la morale, à cette morale universelle dont nous portons tous l'instinct en nous et qui s'éveillera au jour du jugement et qui exigera spontanément des châtiments? Etes-vous bien sûr d'avoir été dans la ligne? Quelle ligne? dit le général: ils disent tous les mêmes mots, mais ces mots ne veulent pas dire la même chose. Cela ne fait rien, ne vous occupez pas de cela: avez-vous une conscience, oui ou non? Tout le monde, même un général, a une conscience. Alors conduisez-vous selon les lois imprescriptibles de la conscience, et selon elles seules, ou autrement vous serez pendu. Souvenez-vous qu'il n'existe pas de règlement d'infanterie, qu'il n'existe pas de règlement du service en campagne, qu'il n'existe pas d'ordres supérieurs, que rien de ce qui est écrit ne signifie rien, que toutes nos lois sont [232] des lois mineures couvertes en tous cas par la grande voix de la conscience universelle, qui est le plus souvent transmise par radio, que l'unité de l'Etat et l'existence de l'Etat peuvent être déclarées dissoutes à tout moment par une simple bulle, et qu'il n'existe rien, absolument rien, hormis la voix qui vient d'en haut.

Fin de 6/7

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Ce texte est une partie du livre de Maurice Bardèche, intitulé Nuremberg ou la terre promise, publié à Paris en 1948, il y a donc bientôt un demi-siècle. Il aurait été tiré à 25.000 exemplaires. Au printemps 1952, Maurice Bardèche est condamné, pour ce livre, à un an de prison et 50.000 Francs d'amende; le livre est saisi et interdit à la vente (ce qui ne nous concerne pas puisque nous ne le vendons pas). L'auteur ne passera que quelques semaines en prison. A la suite de cette affaire, Bardèche lance une revue, Défense de l'Occident, qui a publié des textes de Rassinier et de R. Faurisson. Bardèche se range ainsi parmi ceux qui ont permis au révisionnisme de prendre forme et de s'exprimer. Il a donc joué un rôle qui justifie sa présence dans nos archives. Mais le révisionnisme provient d'une réflexion sur la réalité et le statut de l'idéologie qui préside aux représentations de l'histoire; il est totalement autonome et ne doit à ses vecteurs -- ceux qui, à droite comme à gauche, l'ont publié -- que la gratitude due à des services rendus. Il est intellectuellement indépendant des tendances politiques de ceux qui s'emparent de lui ou de ceux qui le combattent. C'est pourquoi il prospère malgré les interdits dérisoires, les censures brouillonnes, les assimilations scandaleuses et les condamnations en chaire.


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