Les six brochures qui constituent le rapport de la Croix-Rouge hollandaise intitulé Auschwitz concernent les quelque 100 convois de juifs qui ont quitté les Pays-Bas, le premier le 15 juillet et le dernier le 13 septembre 1944. Auschwitz était la destination directe d'environ les deux tiers des juifs déportés, bien qu'un grand nombre fût également envoyé à Sobibor et que certains fussent envoyés à Theresienstadt, Bergen-Belsen et Ravensbrück. Les données de la Croix-Rouge hollandaise (CRH) sont exhaustives sur tout ce qui touche à ces convois, pendant leur parcours aux Pays-Bas : les dates de départ, les destinations des convois et le nombre des personnes de chaque convoi, réparti en fonction du sexe et de l'âge. Les auteurs supposent que tous les juifs dont ils ne parviennent pas à retrouver la trace, après arrivée à destination, ont été gazés ou ont péri d'une autre manière. Ils en concluent donc que la majorité des quelque 100.000 juifs déportés des Pays-Bas ont péri, puisque, de toute évidence, leur étude est très incomplète sur ce qui arrivait dans les camps lorsque ces personnes y parvenaient. Il y a cependant quelques exceptions ; des données existent concernant l'évacuation d'Auschwitz en 1945 et il y en a d'autres provenant de l'hôpital de Monowitz. La donnée la plus importante, cependant, est ce qui est présenté comme le registre mortuaire du camp des hommes de Birkenau, pour la période qui va du 16 juillet au 19 août 1942, et qui est présenté dans le volume deux du rapport. Comme la CRH fournit également des renseignements sur les convois juifs depuis Westerbork (camp de transit aux Pays-Bas) pendant cette période, on peut établir une comparaison et, comme le reconnaît Reitlinger, elle contredit l'allégation selon laquelle une majorité, ou davantage, de juifs étaient gazés immédiatement à leur arrivée à Auschwitz. Il y eut treize convois en provenance de Westerbork en juillet et en août 1942 qui se composaient de la manière suivante:

Date de déportation	Total déportés	Total hommes	Hommes 0-12 ans	Hommes de 13 à 15 ans	Hommes de 16 et 17 ans	Hommes de 18 à 35 ans	Hommes de 36 à 50 ans	Hommes de 51 à 60 ans	Hommes de plus de 60 ans
15.07	1135	663	41	9	85	356	157	11	4
16.07	895	640	32	7	41	285	193	62	20
21.07	931	511	62	14	54	317	61	2	1
24.07	1000	573	51	6	83	340	75	11	7
27.07	1010	542	60	17	90	315	55	4	1
31. 07	1007	540	47	13	93	326	56	5	-
03.08	1013	520	72	21	31	255	139	1	1
07.08	987	510	67	28	21	172	168	48	6
10.08	559	288	18	8	19	93	97	45	8
14.08	505	238	43	14	5	36	68	72	-
17.08	506	364	36	8	11	247	60	2	-
21.08	1008	493	56	12	49	269	97	9	1
24.08	519	351	26	5	19	192	78	23	8
TOTAL	11075	6233	611	162	601	3203	1304	295	57

Nous présentons maintenant les données qui proviendraient du camp des hommes de Birkenau afin qu'on puisse les comparer avec les précédentes concernant Westerbork. La colonne 1, ci-dessous, donne les dates et les moments de la journée (matin = M et soir = S) auxquels se faisaient les appels nominaux à Birkenau, la colonne 2 donne le nombre total de ceux qui ont été comptabilisés dans l'appel, la colonne 3 donne le nombre de ceux qui sont morts entre deux appels, la colonne 4 donne le nombre des nouveaux détenus arrivés entre deux appels, et la colonne 5 donne le nombre de ceux qui sont partis entre deux appels à la suite de leur élargissement ou d'une évasion. Dans la colonne 6 est indiquée l'origine des différents convois (vers les camps) et l'on signale lorsque les convois viennent de Westerbork. Pithiviers, Drancy et Beaune-la-Rolande étaient des points de rassemblement en France pour les convois juifs et Malines remplissait le même rôle en Belgique. Les convois venant de Slovaquie étaient probablement composés de juifs mais la composition de ceux qui venaient de Pologne est assez problématique. Quand est indiqué "diverses nationalités" (var.nat.), les convois étaient probablement composés en majeure partie de prisonniers politiques et de criminels de droit commun. La colonne 7 donne les numéros matricules donnés au gens indiqués dans la colonne 4.

Pour donner un exemple d'interprétation de ces chiffres, nous voyons qu'entre le soir du 16 juillet et le matin du 17 juillet 1942, le convoi de Westerbork du 15 juillet est arrivé à Auschwitz et qu'on a enregistré dans le camp des hommes de Birkenau 601 hommes de ce convoi à qui on a attribué les numéros matricules 47.087 à 47.687. Pendant cette période sont également morts 30 hommes dans le camp, ce qui fait que le changement dans le chiffre des appels est 601 - 30 = 16 848 - 16 277 = 571. Il est à noter que les 601 hommes du convoi du 15 juillet en provenance de Westerbork forment à peu près le total des hommes qui sont partis dans ce convoi, si l'on soustrait les garçons de moins de 15 ans. Comme le tableau des déportations à partir de Westerbork comporte une colonne séparée pour les "femmes avec enfants jusqu'à 15 ans", il est très probable que ces enfants sont allés avec les femmes.

Nous avons pris la liberté de corriger deux erreurs manifestes dans les données du camp des hommes de Birkenau. Le rapport de la CRH précise que 43 détenus sont morts entre le soir du 5 août et le 6 août, mais il faut un chiffre de 44 morts pour que cela concorde avec les chiffres des appels et avec le total de la colonne 3. Aussi bien, le rapport de la CRH précise que le convoi de Malines du 15 août a reçu les matricules 59.345 à 59.699, erreur manifeste qui a été rectifiée.

L'accroissement des matricules de la colonne 7 ne concorde pas dans tous les cas avec les nombres figurant dans la colonne 4. À vrai dire, c'est le cas de la majorité des convois qui sont arrivés entre le 17 et le 24 juillet, et cela est également vrai des convois qui ont reçu les matricules allant de 56.856 à 57.308. Cependant, dans tous les autres cas, les matricules de la colonne 7 concordent avec les chiffres de la colonne 4.

Lorsqu'on soustrait les garçons de moins de 15 ans du total des hommes des divers convois en provenance de Westerbork, les chiffres auxquels on aboutit concordent en général bien avec les nombres qui ont été enregistrés au camp des hommes de Birkenau bien que, pour des raisons que l'on peut probablement deviner, la concordance ne soit pas parfaite. Il y eut probablement de petits nombres de déportés qui ont rejoint les convois qui entraient et ne sont pas enregistrés en tant que tels, ainsi qu'un certain nombre d'autres qu'on n'a pas laissé entrer à Birkenau pour différentes raisons et qu'on a envoyés vers une autre destination. Les plus grandes différences inexpliquées concernent les convois de Westerbork des 7 et 10 août, dans lesquels manquent 100 hommes dans chaque cas à l'enregistrement de Birkenau.

Ces données, plus l'unique volume du registre mortuaire de Birkenau qui est également examiné dans le vol.1 des rapports de la CRH, où on le désigne sous le nom de registre mortuaire d'Auschwitz, confirment l'allégation du rapport du WRB selon laquelle il y a eu une grande épidémie à Auschwitz à l'été de 1942, ce qui provoqua une interruption du travail. Nous ne disposons d'aucune donnée, couvrant une période ultérieure, qui fasse état d'un taux de mortalité aussi élevé à Auschwitz bien que, comme le texte l'explique, la mortalité y fût toujours malheureusement élevée à partir de 1942.

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