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LA MYSTIFICATION DU XXe SIÈCLE

par Arthur R. Butz


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CHAPITRE III

Washington et New York


La crise du caoutchouc de 1942

En apparence, la situation militaire des Alliés en 1941 était désespérée. Après l'hiver 1941-1942, les armées allemandes continuaient leur progression en Russie. La destruction à Pearl Harbour, le 7 décembre 1941, de la majeure partie de la flotte américaine du Pacifique avait fait de l'océan Pacifique un lac japonais. L'Amérique dut soudainement faire face à un problème qui, pour elle, était singulier: l'absence d'une matière première cruciale sans laquelle nul effort de guerre ne paraissait possible. Le Japon contrôlait ce qui avait été la source de quatre-vingt dix pour cent du caoutchouc de l'Amérique, à savoir la Malaisie et l'Insulinde, et les dix pour cent qui restaient et qui provenaient d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud étaient désespérément insuffisants. (1).

La manière dont l'Amérique se sortit de cette grave situation restera comme l'une des grandes ironies de l'histoire. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle ne puisse pas résoudre ce problème car personne n'avait jamais réfléchi, aux Etats-Unis, en termes d'«autarcie».

La Standard Oil du New Jersey connaissait les principales étapes du processus de fabrication de l'I. G. Farben pour le caoutchouc buna. Les deux compagnies avaient en effet conclu une série d'accords qui avaient débuté en 1927 et qui concernaient une coopération technique et une entente pour la concession mutuelle de licences. La Standard Oil était très intéressée par le caoutchouc buna car il pouvait être également fabriqué (plus facilement) à partir du pétrole. Cette coopération se poursuivit, avec le consentement du gouvernement allemand, jusqu'au début de la guerre et même, dans une certaine mesure, après le début de la guerre. Du côté américain on en retira d'immenses avantages mais elle ne rapporta presque rien aux Allemands. (2)

Le déclenchement des hostilités en septembre 1939, entre l'Allemagne d'une part et la Grande-Bretagne et la France d'autre part, entraîna dans les accords entre I. G. Farben et la Standard Oil une certaine confusion de nature juridique qu'il n'est pas nécessaire d'étudier ici. I. G. Farben voulut clarifier cette situation confuse et une réunion se tint le 22 septembre à La Haye où l'on procéda à certains arrangements juridiques. Frank A. Howard, de la Standard Oil, en fut déconcerté:

«Je ne pouvais échapper à la conviction que seuls les Allemands étaient avaient intérêt, d'un point de vue militaire, à laisser les relations entre la Standard Oil et l'I. G. Farben dans l'état où elles se trouvaient au début de la guerre». (3)

Les accords conclus à La Haye se révélèrent bientôt insuffisants et l'on décida donc, au printemps 1940, qu'une nouvelle réunion était nécessaire. Howard voit une autre raison à cette nouvelle rencontre:

« [...] nous avions également l'intention de leur demander de nous fournir certains de leurs plans détaillés du matériel et de la technique de fabrication du buna. Nous espérions que l'I. G. Farben obtiendrait de son gouvernement l'autorisation de nous vendre les plans des installations de polymérisation du buna qui avaient été construites en Allemagne dans le cadre du programme gouvernemental».

Ces espoirs furent tombèrent à l'eau lors de la réunion entre les représentants de Standard et de I. G. Farben qui eut finalement lieu à Bâle, en Suisse, à la mi-avril 1940, pendant l'invasion de la Norvège par les Allemands qui marqua la fin du Sitzkrieg. Les nouvelles conditions politiques nées de la prise de conscience, par les Allemands, de la gravité de la situation mirent un terme définitif aux relations entre I. G. Farben et la Standard Oil. Naturellement, il n'était plus question d'acheter des plans d'usines. Cependant, comme l'explique Howard:

«Il y avait un autre point qui nous préoccupait fort. Nous voulions si possible nous assurer que les Allemands n'avaient apporté, depuis le début de la guerre en Europe, aucun changement radical à leurs procédés ou à leurs formules de fabrication du buna. Il n'était pas question d'interroger directement les délégués de l'I. G. Farben car ils ne pouvaient pas discuter de l'effort de guerre industriel de l'Allemagne. Mais, au cours du règlement des transferts de brevets et pendant les discussions autour de la définition des licences nécessaires pour la mise en oeuvre de l'accord de La Haye, nous obtînmes suffisamment de données pour être sûrs que toutes les étapes fondamentales de la fabrication du buna étaient demeurées inchangées. Cette conclusion fut pleinement confirmée par la suite».

Ce fut le «dernier contact direct de la Standard Oil avec les Allemands à propos du caoutchouc-buna». (4)

Toute la connaissance qu'avaient les Américains des procédés de fabrication du buna et qui rendit possible l'effort de guerre américain provenait de ces relations avec l'I. G. Farben. C'est un fait admis dans l'industrie du caoutchouc. (5) La Standard Oil fit néanmoins par la suite l'objet de critiques assez stupides et même d'une action en justice du fait de ces relations. (6)

La disparition soudaine, en 1942, de la source principale d'approvisionnement en caoutchouc déclencha aux Etats-Unis une grave crise politique. Un programme de fabrication de buna existait depuis la création, au milieu de 1940, de la Rubber Reserve Corporation, au sein de la Reconstruction Finance Corporation. Cette agence, dirigée par Jesse H. Jones, contrôlait le stockage de réserves du caoutchouc brut et finançait la construction d'usines de buna qui commença en 1941. Cependant, comme personne, dans les sphères dirigeantes, n'avait prévu la perte totale du caoutchouc d'Extrême-Orient, le programme de fabrication du caoutchouc synthétique était des plus modestes. En conséquence, l'expérience pratique de l'utilisation sur une large échelle des procédés de I. G. Farben était, en 1942, quasi inexistante.

Le gouvernement américain s'était immédiatement rendu compte du caractère critique de la situation après l'attaque sur Pearl Harbour. Trois jours plus tard, il avait en effet interdit la vente de pneus neufs pour des usages civils. Le rationnement général du caoutchouc suivit rapidement. Au début de 1942, les responsables comprirent que, si l'Amérique voulait poursuivre la guerre, il faudrait créer en un temps record une gigantesque industrie du caoutchouc synthétique. Les perspectives apparemment sombres de la réalisation d'un tel projet provoquèrent une certaine panique et l'on rechercha naturellement des boucs émissaires. Jesse Jones fut une cible commode et l'on se moqua de lui lorsqu'il affirma qu'on produirait 300.000 tonnes de caoutchouc synthétique en 1943 et 600.000 tonnes en 1944 (la consommation de caoutchouc des Etats-Unis était, en 1940, de 648.500 tonnes). La Standard Oil se vit également dénigrée de façon injuste par des personnes qui interprétaient les accords I. G. Farben-Standard comme une conspiration pour retarder la fabrication du caoutchouc synthétique aux Etats-Unis. C'est lors de cette crise du caoutchouc de 1942 que Harry S. Truman, président d'une commission d'enquête sénatoriale sur les problèmes liés à la production de guerre, se fit connaître pour la première fois.

La crise provoqua également des conflits politiques internes. Les grandes compagnies pétrolières dirigeaient depuis longtemps la production du buna-S mais le lobby des agriculteurs dominait au Congrès. Or, le buna peut non seulement être fabriqué à partir du charbon et du pétrole, mais aussi à partir de l'alcool, produit éminemment agricole. Prévoyant la naissance d'une nouvelle industrie majeure, le lobby des agriculteurs avança des arguments en faveur de la production de buna à partir de l'alcool (méthode la plus coûteuse). Il rappela que les Russes, qui s'intéressaient depuis longtemps au caoutchouc synthétique, partaient de l'alcool. Il présenta un réfugié polonais qui, disait-on, avait une invention révolutionnaire touchant à la fabrication du buna à partir de l'alcool.

Il y avait un autre bloc politique, lié à des intérêts sud-américains, qui demandait des subventions pour ses plantations. Il existait également un petit lobby agricole qui insistait pour que l'on étende les plantations de guayule dans le Sud-Ouest. Ces batailles politiques internes eurent pour effet d'engendrer une totale confusion et retardèrent le déroulement du programme américain de fabrication de buna.

La crise du caoutchouc fut très souvent abordée par la presse en 1942 et ce fut, en fait, la plus grave crise relative à la guerre que connurent les Etats-Unis. On se lamentait sans cesse de l'avance de l'Allemagne sur les Etats-Unis ainsi que sur l'expérience plus grande que possédaient les Allemands dans l'application des procédés. On cita les méthodes utilisées en Allemagne dans les discussions sur les perspectives du programme américain. (7)

Le lobby des agriculteurs remporta temporairement, en juillet 1942, une grande victoire sur ce qu'il appelait les «intérêts pétroliers» lorsque le Congrès adopta la singulière «Rubber Supply Act». La loi prévoyait la création d'une nouvelle agence chargée de la production du caoutchouc, entièrement sous le contrôle du Congrès et indépendante du War Production Board, de l'armée de terre, de la marine et de toute agence administrative du gouvernement. La loi précisait, bien entendu, que le caoutchouc devait être fabriqué à partir de l'alcool de grain. Le 6 août, le président Roosevelt mit son veto à cette loi et annonça la désignation d'une commission chargée d'étudier le problème du caoutchouc et de rendre un avis sur l'organisation d'un programme américain de fabrication du caoutchouc synthétique. Il s'est vraisemblablement agi «de l'action (qui a été) le plus largement applaudie sur le front intérieur dans l'histoire du programme de guerre». Les membres de la commission étaient James D. Conant, président de Harvard, KarlT. Compton, président du Massachusetts Institute of Technology, et BernardM. Baruch, financier et leader politique, qui présidait la commission, couramment désignée sous le nom de commission Baruch . (8)

Ces trois hommes furent choisis notamment parce qu'on ne les considérait pas comme liés à l'une ou l'autre des parties en conflit et également en raison de leurs compétences. La désignation de Baruch à la présidence d'un groupe à vocation aussi technique peut sembler bizarre à première vue, mais ce n'est pas le cas. C'était un homme aux talents divers et qui possédait d'importantes relations dans le monde financier, industriel et politique, Baruch avait présidé le War Industries Board (Bureau des industries de guerre) au cours de la première guerre mondiale. Il s'était en outre intéressé, pendant plus de trente ans, à des entreprises industrielles se rapportant au caoutchouc et, au printemps 1941, pensant aux besoins qu'entraînerait une guerre, il avait dressé, de manière indépendante, l'inventaire des stocks de caoutchouc dont disposeraient les Etats-Unis en cas de guerre. C'est pour cette raison qu'il avait eu maille à partir avec diverses personnes, principalement Jesse H. Jones. De plus, à la différence du président habituel d'une commission spéciale qui est désigné par Washington et qui porte le nom de son président, Baruch mit toute son énergie au service de la commission. Son adjoint Sam Lubell fut également affecté à la tâche qui avait été assignée à la commission. Même après la publication du rapport final, Baruch continua de s'intéresser à la question car Howard signale qu'il exprima ultérieurement le désir de s'entretenir avec les responsables de la Standard Oil et qu'une réunion eut lieu où furent abordés les principaux problèmes techniques et économiques. (9)

Le travail de la commission Baruch fut achevé avec une remarquable célérité et le rapport final fut publié le 10 septembre 1942; la meilleure explication qu'on puisse donner de cette rapidité semble être le fait que Baruch se soit penché auparavant sur le problème à titre personnel.

Nous devons essayer de voir ce problème comme la commission a dû le voir en 1942. Il s'agissait d'abord d'un problème politique nécessitant la réconciliation des diverses parties en lutte pour le contrôle du marché du caoutchouc synthétique. Le rapport final de la commission conseillait ainsi la création d'installations capables de produire 378 millions de litres d'alcool de grain par an (en plus du reste de la production). Un second problème était le manque d'expérience pratique des Américains quant aux procédés de fabrication. On disposait de la documentation techniques mais il existait de nombreuses questions sur de nombreux détails et il n'y avait pas mal de possibilités pour la mise en oeuvre des procédés. Pour accélérer le programme américain de caoutchouc synthétique, la commission Baruch estima donc qu'il fallait apprendre le plus de choses possible de l'expérience des autres, notamment en s'efforçant, dans l'immédiat, de prendre connaissance de l'expérience des Russes dans la production du caoutchouc synthétique et d'en tirer profit dans le cadre du programme américain (c'est Jesse Jones qui fut chargé d'étudier cette possibilité). Des efforts furent accomplis en ce sens mais sans résultat valable. (10) Dans ces conditions, il est nécessaire de supposer que quelqu'un, en Amérique, a dû chercher à savoir quelles étaient à l'époque les nouveautés en Allemagne. Il y avait, en 1942, un fait nouveau en ce qui concerne le caoutchouc: il s'agissait d'Auschwitz, site, à ce moment-là, des plus modernes installations de fabrication de caoutchouc buna.

 

Auschwitz de grand intérêt pour les Américains

De notre examen de la crise du caoutchouc aux Etats-Unis en 1942, il ressort que les services de renseignements américains devaient certainement savoir ce qui se passait à Auschwitz cette année-là. Ce serait évidemment merveilleux si nous pouvions apprendre exactement ce que l'espionnage militaire américain savait des événements qui se déroulèrent pendant la guerre en Allemagne (et dans les pays voisins). Néanmoins, chacun le sait, les services de renseignements répugnent à divulguer des informations de ce genre, y compris de nombreuses années après les événements. On connaît quelques épisodes sensationnels de l'espionnage pendant la seconde guerre mondiale mais, dans l'ensemble, le contenu des dossiers de l'espionnage allié n'a pas été divulgué. Les données relatives à Auschwitz ne seront pas rendues publiques avant bien longtemps, si elles le sont jamais.

En essayant, par conséquent, de déterminer quelles étaient les informations dont disposaient les agences de renseignements alliées, il faut surtout faire appel au bon sens. La difficulté est que mon bon sens personnel peut différer grandement du bon sens d'autrui et qu'il peut être extrêmement difficile de parvenir à un accord. Or, mon bon sens me dit que, tout à fait indépendamment de la crise du caoutchouc, le renseignement allié devait savoir, au milieu de l'année 1942, ce qui se passait dans le plus grand camp de concentration allemand. Si, par ailleurs, comme l'affirment toutes les versions de la légende de l'extermination, il avait existé à Auschwitz, à l'été 1942, une chose aussi extraordinaire qu'un programme d'extermination systématique des juifs, alors mon bon sens me dit qu'il est certain que les services de renseignements militaires des Etats-Unis en auraient eu connaissance.

Si le bon sens du lecteur ne l'amène pas à la même conclusion, il est très peu probable que ce désaccord puisse être tranché par la discussion. Cependant, en ce qui concerne Auschwitz, nous savons que cet endroit intéressait les Américains non seulement parce qu'il s'agissait d'un grand camp de concentration (et aussi, si ce qu'on prétendait était exact, d'un camp d'extermination), mais également parce que c'est là que se trouvaient les installations les plus modernes pour la production du caoutchouc synthétique. En 1942, aucun autre endroit du Reich allemand ne pouvait intéresser davantage les autorités américaines et aucune activité industrielle n'avait une plus grande importance stratégique. Si, par conséquent, l'on désire prétendre que l'espionnage américain (ou l'espionnage britannique, qui lui était étroitement associé) ne savait pas ce qui se passait à Auschwitz pendant l'été 1942, alors j'ai bien peur qu'il faille logiquement conclure à la complète ignorance et incompétence de ces agences de renseignements.

Auschwitz présentait le plus grand intérêt pour les Etats-Unis, vers le milieu de l'année 1942, en raison de son énorme importance stratégique. Nous avons vu plus haut que Howard s'intéressait beaucoup, en 1940, à toute information sur de nouveaux progrès, pouvant être obtenue directement ou indirectement. On peut supposer que les Américains manifestaient toujours le même intérêt en 1942. Il est certain que les services avaient découvert les données essentielles sur l'activité industrielle d'Auschwitz, à savoir l'existence d'une usine d'hydrogénation et d'autres procédés chimiques destinés à la production d'essence et de caoutchouc. Nous avons vu que chaque usine allemande de caoutchouc buna employait des procédés présentant entre eux d'importantes différences dans les détails et que les procédés mis en oeuvre à Auschwitz devaient bénéficier de l'expérience accumulée par l'emploi de plusieurs techniques différentes. Nous sommes donc fondés à supposer, étant donné l'urgence particulière du problème du caoutchouc et la place particulière occupée par Auschwitz par rapport à cette urgence, que l'espionnage était entré dans le détail en ce qui concerne Auschwitz, probablement en en faisant photographier chaque centimètre carré par des avions de reconnaissance, et que diverses personnes aux Etats-Unis pouvaient disposer des informations ainsi recueillies. Ces informations comprenaient probablement de nombreux détails qui ne concernaient pas directement le problème du caoutchouc, comme l'utilisation de la main-d'oeuvre des prisonniers et des prisonniers de guerre.

Bien que la rétention d'informations soit la règle dans le domaine de l'espionnage militaire, nous pouvons néanmoins supposer que les moyens utilisés pour la collecte de données relatives à Auschwitz incluaient les méthodes conventionnelles: exploitation des contacts avec les représentants commerciaux de I. G. Farben en poste dans des pays neutres (Portugal, Espagne, Turquie, Suède, Suisse), photographies aériennes (les avions utilisés dans ce but peuvent avoir de plus longs rayons d'action que les bombardiers, car ils ne transportent pas d'armements), connaissance générale de l'industrie et de l'économie allemandes, espions et informateurs dans l'industrie allemande et au sein du gouvernement allemand (l'amiral Canaris par exemple) et informateurs recrutés dans des organisations neutres bien placées (comme le corps diplomatique suisse et suédois et également des entreprises étrangères travaillant en Allemagne). Bien que tous ces moyens aient certainement joué un rôle, les photographies aériennes eurent probablement une importance particulière; les techniques de la photographie aérienne avaient atteint en 1942 un niveau spectaculaire au point qu'il était possible de repérer un être humain sur des photographies aériennes agrandies d'emplacements puissamment défendus. Il existait d'autres canaux d'information dont la nature et l'existence ont ici une importance spéciale et nous en parlerons le moment venu.

N'étant pas suffisamment instruit des problèmes techniques touchant au buna à l'époque, nous n'avons aucune idée des informations que les Américains recherchaient ni de la manière dont elles pouvaient être déduites des données fournies par l'espionnage, pas plus que nous n'avons connaissance des questions qu'avaient en tête les représentants de la Standard Oil lors de la réunion de Bâle. Nous ne connaissons pas la façon dont des réponses partielles pouvaient être déduites du rituel juridique de cette réunion. Nous pouvons cependant donner un exemple, sans prétendre que ce soit un cas d'espèce.

Nous avons vu que la première usine allemande de buna à Schkopau employait le procédé carbure de calcium-acétylène-butadiène et qu'à l'usine de Huels, la chaîne était: hydrocarbure-acétylène-butadiène. La nouvelle usine de Ludwigshafen, en voie d'achèvement au moment où se réunissait la Commission Baruch, était revenue à la fabrication de l'acétylène à partir du carbure de calcium et avait modernisé le passage de l'acétylène au butadiène. Comme les procédés à base de carbure ou d'hydrocarbures pouvaient l'un ou l'autre être appliqués aux procédés qui devaient être utilisés aux Etats-Unis (qui auraient pu partir du pétrole ou de l'alcool de grain), il était sans doute d'un grand intérêt pour les Américains de savoir si Auschwitz allait utiliser un procédé à base de carbure (comme ce fut le cas), indiquant par là un abandon du procédé aux hydrocarbures sur la base de l'expérience acquise à Huels, ou allait utiliser le procédé aux hydrocarbures ou d'autres procédés, indiquant l'abandon du procédé à base de carbure. Du reste, on pouvait, si nécessaire, avoir recours aux photographies aériennes pour disposer peut-être de la réponse à cette question.

Quelle fut, en définitive, pour la solution des problèmes auxquels les Américains étaient confrontés, la valeur des informations obtenues sur les progrès réalisés par l'Allemagne dans la fabrication du buna qui, nous en sommes certain, furent attentivement examinées vers le milieu ou la fin de 1942? Nulle peut-être, comme ce fut le cas avec la plupart des informations; les Américains étaient en réalité prêts à tout tenter dans la situation où ils se trouvaient en 1942, relativement au problème du caoutchouc.

La prise en compte de ces questions techniques a été nécessaire ici car c'est d'abord dans un contexte technique qu'Auschwitz devint important à Washington. Cependant, notre but n'était pas de traiter des questions techniques pour elles-mêmes; nous avons seulement voulu savoir dans quelle mesure Auschwitz avait de l'importance aux yeux des cercles dirigeants des Etats-Unis pendant l'été 1942. C'est le seul point qui concerne notre propos. Il reste à montrer que ce qui se passait à Auschwitz à l'époque était de nature à inciter certains membres des cercles politiques américains, qui cherchaient à rassembler des éléments de réalité qui puissent servir de base à des histoires d'atrocités, à prétendre que ce camp était une «usine d'extermination». Nous verrons au chapitre suivant, dans un autre contexte, ce qui s'est passé à Auschwitz vers la fin de 1942 et au début de 1943, et c'est pourquoi nous ne faisons pas ici de remarques à ce sujet.

A l'heure où se réunissait la commission Baruch, Auschwitz a dû présenter l'aspect surnaturel d'une usine fantôme, la fabrique de buna ayant été fermée depui s le 1er août. On ne pouvait y voir aucune activité, à exception, peut-être, du passage d'un gardien. Cela a dû grandement exciter la curiosité des Américains et, sans nul doute, des dispositions spéciales furent prises pour découvrir ce qui se passait.

Notre vieille connaissance, l'horrible typhus avait pris possession d'Auschwitz; une épidémie avait entraîné la fermeture de l'usine de buna pour deux mois et le travail ne reprit qu'à la fin septembre. Le nombre de morts devait être à ce moment-là de quelques milliers, encore qu'il existe ici une bonne dose d'incertitude. Les Allemands avaient pour ligne de conduite d'incinérer les corps des détenus du camp qui mouraient, mais l'épidémie mit en évidence l'insuffisance des installations de crémation. Il existait un petit crématoire à Auschwitz I mais des installations plus grandes, dont les plans existaient dès janvier 1942, étaient en cours de construction à Birkenau en 1942 et le premier nouveau crématoire neuf complet, comprenant quinze fours conventionnels, ne devait fonctionner qu'en janvier 1943. Il semble qu'un grand nombre de victimes de l'épidémie furent brûlées immédiatement dans des fosses, mais il est possible que de nombreux cadavres aient été enterrés, au moins provisoirement. Que les Allemands étaient en train de construire des crématoires à Birkenau ne pouvait manifestement échapper à la surveillance aérienne permanente des Alliés (qui, supposons-nous, existait) à l'automne 1942. Ces bâtiments, où étaient situés les fours de Birkenau, avaient certaines salles, pièces ou caves qui étaient, selon les accusations, des «chambres à gaz».

Plusieurs livres offrent des versions différentes de l'Ill. No 7 qui serait une photographie, prise en 1944 par un détenu d'Auschwitz, de victimes gazées sur le point d'être brûlées dans des fosses. (11) Nous n'avons aucun moyen de savoir quand, où et par qui elle a été prise. Quoi qu'il en soit, des scènes de ce genre étaient courantes à Auschwitz en 1942 quand le camp prit, comme il y a lieu de le croire, de l'importance pour les services de renseignements alliés. De fait, vu la piètre qualité de l'image, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait d'une photographie aérienne; l'angle réduit sous lequel elle a été prise n'exclut pas cette possibilité car, même avec des lieux fortement protégés, on parvenait à obtenir des angles de type. (12) De plus, les versions de cette photographie que j'ai examinées dans différents ouvrages ne comportent pas cet encadrement à l'avant-plan dont l'existence tend à soutenir l'idée selon laquelle elle a été prise depuis sol. Notre ill. No 7 est la reproduction d'une épreuve qui nous a été fournie en 1973 par le musée d'Auschwitz, administré par le gouvernement polonais, et au sujet de laquelle il reste un certain nombre de mystères à élucider. La version reproduite ici est la seule, à ma connaissance, qui n'est pas manifestement falsifiée. Cependant, cette observation ne règle pas le problème, en raison du fait étrange que les versions falsifiées (ou, tout au moins, retouchées) offrent plus de détails, apparemment authentiques, de l'arrière-plan (par exemple, la clôture et les arbres).

En tout cas, Birkenau était, en un sens très réel, un «camp de la mort»: on y envoyait les morts, les mourants et les malades et c'est là, après la construction des crématoires, qu'on se débarrassait des cadavres. Si l'on veut soutenir l'existence d'un «camp d'extermination» qui n'existe pas, quel meilleur choix que celui d'un «camp de la mort»?

Ce qui précède indique suffisamment la manière dont est né le mensonge d'Auschwitz mais ne concerne pas les circonstances de la naissance de la légende plus générale de l'extermination. L'allégation selon laquelle les juifs étaient exterminés ne tire pas son origine des informations fournies par les renseignements alliés mais de l'activité du Congrès juif mondial dont les dirigeants étaient au départ indifférents à ce qui se passait à Auschwitz ou n'en étaient pas informés.

A cet égard, l'on doit repousser deux éventualités, possibles mais erronées. La première est que la propagande alliée se serait efforcée d'amplifier au maximum la propagande à propos d'Auschwitz après s'être rendu compte des excellentes possibilités de propagande. La seconde est que les allégations de la propagande alliée relatives à Auschwitz n'auraient eu, pour ainsi dire, aucune base réelle.

Si, comme nous l'affirmons ici, il n'y a eu aucun programme allemand d'extermination mais qu'on se trouve seulement en présence de certains propagandistes, aux Etats-Unis, cherchant une caution à cette thèse, les propagandistes auraient commis une grave erreur en concentrant toutes leurs accusations sur Auschwitz ou sur un autre camp présenté comme un camp d'extermination car ça aurait constitué une accusation précise à laquelle les Allemands auraient été en mesure de répondre. Si de hauts dirigeants américains, comme Roosevelt ou les membres de son cabinet, avaient fait des commentaires précis sur les exterminations, en donnant le nom des lieux où il s'en produisait, dans des circonstances où leurs observations auraient reçu l'attention qui est normalement accordée aux déclarations publiques de personnalités de leur rang, les Allemands et les Alliés auraient été alors mis au pied du mur et la vérité n'aurait pas été longue à se manifester. En réalité, comme nous le verrons dans un chapitre ultérieur, la première période où il y eut des affirmations persistantes, apparues d'ailleurs dans des circonstances obscures, selon lesquelles Auschwitz était un camp d'extermination, se place immédiatement après le 6 juin 1944, à un moment où personne ne prêtait attention à de telles histoires. Plus tard, au cours de l'été 1944, l'intérêt se porta sur le camp de Lublin dont les Russes venaient de s'emparer. C'est à la fin du mois de novembre 1944, après que les exterminations se seraient achevées, qu'il y eut la première déclaration parlant d'exterminations à Auschwitz, en provenance d'une source gouvernementale américaine assez haut placée pour qu'on ne puisse l'ignorer. (13) Des personnes comme Roosevelt et Churchill et leurs ministres ne parlaient des exterminations qu'en termes moralisateurs très généraux. C'est seulement s'ils avaient cru que des exterminations avaient réellement lieu à Auschwitz et s'ils avaient voulu les arrêter qu'ils auraient lancé une accusation précise concernant Auschwitz, à laquelle les Allemands se seraient sentis dans l'obligation d'apporter une réponse. Rien de tel ne se produisit. Bien que, dans toutes les versions de la légende de l'extermination, les exterminations aient certainement commencé à Auschwitz à la fin de l'été 1942 et bien que les services de renseignement militaire américains aient dû savoir ce qui se passait à Auschwitz à cette époque, ce n'est que bien plus tard que des accusations d'extermination précises furent lancées par des sources haut placées au sujet des exterminations.

La seconde hypothèse erronée est que la propagande américaine relative à Auschwitz ne se serait appuyée sur presque aucun fait. Nous avons déjà indiqué que cela ne devrait pas être le cas. Washington disposait d'informations excellentes et précises sur Auschwitz, comme sur tous les secteurs importants de l'activité industrielle allemande, et nous avons noté plus haut que les données concernant Birkenau paraissaient inviter à une interprétation déformée.

 

Les premières allégations d' «extermination» et Washington

Les premiers épisodes «internes» relatifs à la propagande de l'extermination se déroulèrent dans le cadre d'un conflit impliquant le Département d'Etat, le Département du Trésor américains et le Congrès juif mondial (et le Congrès juif américain) dirigé par le rabbin Stephen S. Wise. Les principaux personnages de l'histoire sont le secrétaire au Trésor Morgenthau, qui fut par la suite l'auteur du tristement célèbre «Plan Morgenthau» pour l'abaissement de l'Allemagne, le secrétaire d'Etat Cordell Hull et le sous-secrétaire d'Etat Sumner Welles, qui hésitaient quelque peu à se laisser entraîner par la propagande, et le secrétaire d'Etat adjoint J. Breckenridge Long, qui offrit une forte résistance à la propagande. Egalement concernés sont les représentants en Suisse du Congrès juif mondial, Gerhard Riegner et le professeur Paul Guggenheim qui transmirent des récits, censés être d'origine européenne, à Wise ou à d'autres personnes aux Etats-Unis, notamment au Département d'Etat, par l'intermédiaire de Leland Harrison, ambassadeur des Etats-Unis en Suisse, ou de Paul C. Squire, consul des Etats-Unis à Genève. Le principal ouvrage à avoir relaté les événements entourant la naissance de la légende de l'extermination est While Six Million Died d'Arthur D. Morse, livre qui est complété dans une certaine mesure par The Politics of Rescue de Henry L. Feingold. D'autres éléments ont été apportés par les récits ou travaux d'après-guerre de Morgenthau, des historiens J. M. Blum et Anthony Kubek (annotateurs des écrits personnels de Morgenthau, Kubek pour le Morgenthau Diary, publication du Sénat américain), de l'historien F. L. Israel, qui a résumé les écrits de J. Breckenridge Long, et de J. DuBois, qui fut d'abord premier conseiller juridique au Contrôle des fonds étrangers, au Trésor, et qui intervint dans cette affaire principalement en relation avec les efforts entrepris pour étendre l'assistance aux réfugiés. (14)

La première accusation d'extermination semble avoir été lancée en juin 1942 par la section londonienne du Congrès juif mondial. On affirmait qu'un million de juifs avaient été tués dans un «immense abattoir pour juifs», qu'on ne désignait ni ne situait et qui avait été installé en Europe orientale. La seule tentative faite pour prouver cette allégation fut de dire que le gouvernement polonais en exil à Londres avait reçu des informations qui la confirmaient. L'allégation fut reprise par le New York Times dans un article que nous examinerons plus loin.

Les preuves à l'appui de cette allégation en provenance de Londres étaient de toute évidence trop peu convaincantes pour pouvoir servir de propagande efficace et c'est pourquoi un effort fut fait pour améliorer légèrement les choses. Le 8 août 1942, Riegner et Guggenheim prirent contact avec le consulat des Etats-Unis à Genève, qui collaborait avec le Congrès juif mondial au point de lui permettre d'utiliser ses canaux diplomatiques pour envoyer des messages, afin de lui faire savoir qu'un industriel allemand anonyme les avait informés qu'il avait appris que la décision avait été prise de tuer tous les juifs non soviétiques se trouvant sous contrôle allemand. Des discussions, que l'industriel avait surprises, avaient eu lieu au quartier général du Führer concernant les méthodes à employer. Une des méthodes envisagées était le gazage à l'acide prussique après le regroupement des juifs dans des camps, en Europe orientale. Cette histoire fut transmise par le consulat à Washington par la voie diplomatique américaine et à Londres par la voie diplomatique britannique. L'«industriel» est demeuré anonyme jusqu'à aujourd'hui.

Quand le Département d'Etat américain reçut le message, il décida, après examen,

«qu'il n'apparaît pas opportun, vu le [...] caractère fantastique de ces allégations et l'impossibilité dans laquelle nous nous trouverions d'apporter une aide quelconque si une telle action était entreprise, de transmettre cette information au Dr Wise, comme cela a été suggéré».

Le message fut en conséquence supprimé mais Wise eut de toute façon connaissance de son contenu. On dit qu'il en fut informé par Londres mais il est possible également qu'il ait fabriqué le message lui-même et qu'il ait été mis au courant de sa transmission et de sa suppression par ses divers informateurs.

Wise se mit immédiatement en rapport avec Welles, qui avait approuvé la décision de supprimer le message, pour protester contre la manière dont le Département d'Etat avait traité cette affaire. Welles répondit que l'«information» manquait quelque peu de fondements pour pouvoir être prise au sérieux et qu'il faudrait obtenir une confirmation avant qu'une annonce publique ne soit faite. Welles chargea alors le représentant des Etats-Unis auprès du Vatican d'essayer de vérifier les allégations grâce aux sources du Vatican. A l'époque, presque personne à Washington ne voulait prendre ces allégations au sérieux et le président Roosevelt lui-même assura au juge Félix Frankfurter [de la Cour suprême] que les juifs qui avaient été déportés à l'Est étaient seulement employés pour la construction de fortifications.

En septembre 1942, deux personnes anonymes firent leur apparition à Genève, affirmant s'être échappées de régions contrôlées par les Allemands. Elles firent état de l'extermination des juifs polonais et de l'utilisation de leurs cadavres pour la fabrication d'engrais. Cette information fut transmise à Washington par la voie diplomatique et l'on essaya une nouvelle fois d'en obtenir confirmation par le Vatican (qui, jusque-là, n'avait pas répondu à la première demande de confirmation). A peu près à la même date, Wise avait reçu un message d'un membre du Congrès juif mondial en Europe parlant de la «fabrication de savon et d'engrais artificiels» à partir des cadavres des juifs.

A la fin du mois de septembre, Riegner présenta deux nouveaux documents. Le premier, disait-il, avait été établi par un officier (anonyme, naturellement) détaché auprès du Haut Commandement allemand et était parvenu à Riegner par plusieurs intermédiaires. L'officier anonyme affirmait qu'il existait au moins deux usines qui fabriquaient du savon, de la colle et des lubrifiants à partir de cadavres de juifs et qu'on avait déterminé que chaque cadavre de juif valait 50 Reichsmarks. Le second document se composait de deux lettres chiffrées qui avaient été écrites, disait-on, par un juif suisse résidant à Varsovie. Ce juif anonyme signalait des exterminations massives de juifs de Varsovie déportés à l'Est. Tous ces messages furent transmis à Washington et classés.

Il conviendrait de noter entre parenthèses la ressemblance de ces allégations avec la propagande de la première guerre mondiale et le terrible manque d'originalité et d'esprit inventif du Congrès juif mondial. Il est à peine besoin de dire que les fabriques de savon et de colle furent un phénomène très passager dans la propagande et que les seules accusations de même nature qui furent produites à Nuremberg l'ont été par les Russes. Il n'en fut presque pas tenu compte, même à ce moment-là, et personne, à ma connaissance, n'a depuis lors précisé l'emplacement de ces fabriques, l'identité des personnes qui les dirigeaient, etc. Reitlinger n'affirme pas l'existence de telles usines et Hilberg (p. 624) ne croit pas qu'elles ont existé.

Le 10 octobre 1942, le Vatican informa finalement le représentant américain qu'il n'avait pas été en mesure de confirmer les nombreux rapports dont il avait eu connaissance au sujet de mesures prises contre les juifs.

Le 22 octobre, Riegner rencontra l'ambassadeur Harrison et lui présenta d'autres «preuves» du même genre, parlant cette fois-ci d'«informations» fournies par un informateur allemand, lui aussi anonyme (mais dont le nom se trouvait, paraît-il, dans une enveloppe cachetée remise à Harrison et qui n'a jamais été révélé à quiconque, sauf à l'OSS), et également par un fonctionnaire anonyme de la Croix-Rouge Internationale. Harrison transmit ces documents à Washington mais écrivit également deux lettres personnelles à Welles à la fin du mois d'octobre, affirmant qu'il connaissait le nom de l'industriel allemand et que le fonctionnaire anonyme de la Croix-Rouge était Karl Jacob Burckhardt, humaniste distingué, spécialiste de Voltaire et de Goethe, qui occupait un poste important au sein de la Croix-Rouge Internationale pendant la guerre. Il joignit une déclaration sous serment, faite par Guggenheim devant Squire le 29 octobre, dans laquelle Guggenheim affirmait avoir obtenu d'un informateur allemand anonyme des informations confirmant les allégations de Riegner. L'informateur allemand anonyme tenait ses informations d'un fonctionnaire anonyme du ministère allemand des Affaires étrangères et d'un fonctionnaire anonyme du ministère allemand de la guerre. En outre, un informateur suisse anonyme, résidant à Belgrade, avait également donné des renseignements corroborant les allégations précédentes.

Pour confirmer ces allégations, Squire organisa une rencontre avec Burckhardt qui eut lieu à Genève le 7 novembre. Le 9 novembre, Squire fit parvenir à Harrison son mémorandum sur cet entretien dans lequel il écrivait que, d'après Burckhardt, Hitler avait signé un ordre pour que l'Allemagne soit débarrassée de tous ses juifs avant la fin de 1942. Squire explique, dans son compte rendu de l'entretien:

«Je lui demandai alors si le mot extermination, ou son équivalent, avait été employé, ce à quoi il répondit qu'on avait utilisé les mots: doit être Judenfrei (débarrassée des juifs). Il expliqua alors que, puisqu'il n'y a pas d'endroits où envoyer ces juifs et puisque le territoire doit être débarrassé de cette race, le résultat net de cette politique est manifeste». (15)

Cette mention d'une remarque ambiguë, faite par un citoyen suisse imparfaitement informé, rapportée par un intermédiaire qui était dans les meilleurs termes avec le Congrès juifs mondial et désireux de découvrir une interprétation sinistre à tous les faits disponibles, n'est guère plus solide que ce qu'elle rapporte. A ma connaissance, Burckhardt ne fit jamais de déclaration publique, pendant ou après la guerre, en rapport avec cette affaire. Il répondit à des questions écrites qui lui furent posées par les avocats de Kaltenbrunner pendant le procès du TMI, mais ces questions, qui concernaient les efforts entrepris par Kaltenbrunner pour permettre à la Croix-Rouge d'entrer dans les camps allemands vers la fin de la guerre, n'avaient pas de rapport avec notre sujet. Personne n'interrogea Burckhardt sur les exterminations. (16)

A la fin de novembre 1942, le Département d'Etat reçut des «informations» d'une source vaticane anonyme sous la forme d'un récit de trois pages, en français, des événements qui étaient censés se passer en Pologne. Le document ne porte pas de signature et l'on n'y découvre, (pour toute mention de source), que l'annotation manuscrite «de la part de M. F. à la Cité du Vatican», rédigée par une main inconnue sur la première page. Le document dit, entre autres choses:

«On organise, en Allemagne, des fermes d'élevage humain, où des femmes et des jeunes filles de Pologne sont amenées afin d'en faire naître des enfants, qui leur sont ensuite enlevés, pour être élevés dans des établissements nazis [...] Les exécutions en masse des juifs continuent[...] On les tue au moyen de gaz asphyxiant dans des chambres spécialement préparées à cet effet, (et souvent dans des wagons), et au moyen de mitraillages, après lesquels on recouvre de terre les morts et les demi-morts ensemble [...] Des bruits circulent sur l'utilisation par les Allemands de leurs cadavres dans des fabriques de produits chimiques ( savonneries)». (17)

A la fin de l'été et pendant l'automne 1942, Wise avait mena une campagne ininterrompue pour que les gouvernements alliés prennent position publiquement en condamnant de manière directe les exterminations présumées des juifs en Europe. Le 8 décembre, Wise conduisit une délégation à la Maison Blanche et remit au président Roosevelt un document de vingt pages, intitulé Blue Print for Extermination, qui s'appuyait sur le genre d'«informations» que nous avons examinées. Les pressions exercées conjointement par certains milieux juifs sur les Alliés les amenèrent finalement à capituler devant Wise à propos des exterminations et, le 17 décembre 1942, les Alliés, conduits par Washington, publièrent une déclaration qui les condamnaient. Une seconde déclaration, rendue publique deux jours plus tard, affirmait que des exterminations avaient lieu à Belzec et à Chelmno, mais Auschwitz n'était pas cités. Les articles de la presse à ce sujet sont examinés plus loin.

Malgré cette déclaration publique, le groupe à la tête duquel se trouvait J. Breckenridge Long continuait de résister à la propagande. Le 19 janvier 1943, Riegner communiqua à Harrison l'«information» selon laquelle «6.000 juifs sont tués quotidiennement en un certain endroit en Pologne». Le 21 janvier, Harrison fit parvenir cette information au Département d'Etat ainsi qu'à certaines «agences privées juives» non précisées, ce qui signifiait apparemment Wise. Le message fut tout bonnement classé et le Département d'Etat n'en fit pas mention publiquement. Pendant un certain temps, les agences privées juives gardèrent également le silence sur le message. Le 10 février, le groupe de Long prit une nouvelle disposition pour contrecarrer cette propagande. Il envoya à Harrison un message signé de Welles, qui prétendit qu'il n'avait pas lu le message; se référant en particulier au télégramme de Harrison du 21 janvier, il contenait les instructions suivantes:

«A l'avenir, les récits qui vous seront adressés pour être transmis à des personnes privées aux Etats-Unis ne devront pas être acceptés, à moins que des circonstances extraordinaires ne rendent cette transmission opportune. On estime qu'en envoyant de tels messages privés qui échappent à la censure des pays neutres, nous courons le risque de voir des pays neutres juger peut-être nécessaire de prendre des dispositions pour restreindre, voire supprimer, nos moyens secrets de communication officiels».

Le New York Times publia finalement l'histoire le 14 février. Pour expliquer le retard de quatre semaines mis à la publier, bien qu'elle eût été reçue par des «agences privées juives» le 21 janvier et en dépit de l'habitude prise par les journaux de publier les allégations non confirmées de ces agences, on peut seulement conjecturer que, étant donné le précédent créé par la déclaration du 17 décembre 1942, certains espéraient voir le Département d'Etat publier ces «informations» de façon à leur conférer une plus grande vraisemblance que celle qu'aurait eue l'histoire telle qu'elle est apparue en fin de compte: une allégation que l'on ne pouvait distinguer, en termes de crédit, des récits ordinaires d'atrocités.

Le Trésor américain, qui, en raison de la longue croisade menée par Morgenthau contre l'Allemagne, était intervenu à diverses reprises dans la conduite des affaires étrangères, depuis au moins 1936, (18) alllait bientôt entrer en conflit avec le Département d'Etat au sujet de cette suppression. Une deuxième et plus importante cause de conflit entre les deux ministères surgit également en février 1943. On apprit que le gouvernement roumain était disposé à envoyer soixante-dix mille juifs en Palestine sur des navires roumains battant pavillon du Vatican. Il est peu probable que les Roumains se soient réellement souciés de savoir où les juifs aboutiraient, c'est pourquoi je suppose que la destination de la Palestine a dû être précisée par des sionistes qui prirent part à l'élaboration des propositions. «Des officiels qui s'occupaient des intérêts juifs en Roumanie» mentionnèrent une condition importante; le voyage coûtait deux cent cinquante livres par personne.

Il y avait d'autres difficultés. La politique britannique à l'époque consistait à ne pas susciter l'antagonisme des Arabes, en raison des conséquences catastrophiques que pourrait entraîner un soulèvement arabe en temps de guerre, et c'est pourquoi les Britanniques refusèrent tout d'abord de laisser entrer autant de juifs en Palestine. Leur position était que, si ces juifs devaient être évacués d'Europe, les Etats-Unis devraient fournir des camps pour eux en Afrique du Nord. De plus, le Foreign Office et le Département d'Etat déclarèrent qu'il y aurait inévitablement des espions dans un groupe si important de personnes, que les problèmes de logistique relatifs au transport et au logement d'un si grand nombre de réfugiés étaient considérables et que l'argent demandé pourrait tomber entre les mains de l'ennemi (qui appréciait les devises des Alliés pour diverses raisons). Le Trésor était désireux de s'impliquer dans l'aide aux réfugiés juifs et chercha donc à surmonter ces obstacles. En juillet 1943, il fut question de pots-de-vin, 170.000 dollars, demandés pour les juifs roumains. Le Trésor et le Congrès juif mondial proposèrent que des hommes d'affaires juifs roumains fournissent l'argent s'ils pouvaient être remboursés après la guerre avec de l'argent déposé en garantie en Suisse. Cependant, les obstacles mis par les Britanniques à l'entrée des juifs en Palestine subsistaient et les efforts entrepris pour les contourner en proposant d'autres destinations pour les juifs rencontrèrent l'opposition des pays d'accueil et se heurtèrent également aux lois américaines sur l'immigration.

Le Département d'Etat, et plus spécialement J. Breckenridge Long et ses adjoints, considérait que toutes les rumeurs à propos d'une «extermination» n'étaient qu'une invention de la propagande de guerre de la même veine que les histoires inventées au cours de la première guerre mondiale. Après tout, ses services ne cessaient d'examiner des projets pour faire quitter l'Europe à ces personnes exterminées; à une date aussi tardive que janvier 1944, le Département d'Etat s'efforçait d'inciter les juifs à quitter la Pologne pour la Hongrie. Long écrivit qu'en soutenant les propositions de Wise l'on risquait «de rendre vraisemblables les accusations de Hitler selon lesquelles nous menons cette guerre à cause de nos concitoyens juifs, à leur instigation et sous leur direction». Le Département d'Etat estimait que tout le projet ne rimait à rien et était, en fait, incompatible avec les exigences d'un véritable effort de guerre. Long écrivit:

«Wise prend toujours son air le plus papelard pour plaider la cause »des intellectuels et des âmes vaillantes, réfugiés fuyant les tortures des dictateurs» ou d'autres formules de la même farine. Bien entendu, seule une infime partie des immigrants appartient à cette catégorie -- et quelques uns sont certainement des agents allemands [...] Je ne faisais pas allusion au Navemar -- parti de Lisbonne pour La Havane et New York -- cargo possédant des cabines pour 15 passagers et où il y a 1 200 juifs pauvres dans les cales et sur le pont, sans installations sanitaires, sans assistance, sans le matériel de cuisine nécessaire, au prix de 700 à 1500 dollars par personne. Quatre juifs sont morts avant d'atteindre les Bermudes, six y ont été hospitalisés dont un est mort. Ils ont été les victimes de la cupidité de leurs compagnons de voyage, non de l'Allemagne ou de la politique des Etats-Unis. Ce navire est une menace pour l'hygiène de tous les ports où il s'arrête et une honte pour la cupidité humaine qui rend cette chose possible. Mais je n'y ai pas fait allusion dans ma réponse au rabbin Wise. Chacun de ces hommes me hait. Je suis pour eux l'incarnation d'une nemesis. Chacun d'entre eux croit que n'importe qui, n'importe où, a le droit de venir aux Etats-Unis alors que je crois, moi, que personne, nulle part, n'a le droit d'entrer aux Etats-Unis à moins que les Etats-Unis ne le désirent».

Le Département d'Etat temporisait ou sabotait activement le projet. A la fin de l'été 1943, on apprit que six mille enfants juifs pourraient être évacués de France et cette possibilité fut incluse dans le problème.

Le Trésor et le Congrès juif mondial maintenaient leur pression en faveur des projets qui avaient été proposés et affirmaient sans cesse, apparemment de façon tout à fait sérieuse, que le seul autre terme de l'alternative était la mort des personnes en question aux mains de Hitler. On affirmait même ouvertement que ne pas approuver les projets signifiait «l'acceptation par ce gouvernement du meurtre des juifs». Diverses personnes firent également pression sur le gouvernement britannique. Long était devenu une tête de turc aux yeux du public et au sein des milieux gouvernementaux. Il écrivit avec aigreur que «l'agitation juive s'appuie sur des attaques personnelles, faute de quoi elle n'aurait pas de publicité. C'est ainsi que, pour l'instant, c'est moi qui sers de cible».

Cette campagne porta ses fruits en décembre 1943, pour Wise et Morgenthau, lorsque des dispositions furent finalement prises pour l'évacuation des juifs roumains et que de l'argent fut déposé sur un compte suisse contrôlé par Riegner et le Trésor américain. En outre, en décembre également, la Roumanie prit des contacts pour la conclusion d'une paix séparée et on lui affirma qu'elle serait bien traitée si elle traitait bien ses juifs; la Roumanie décida immédiatement de rapatrier les juifs qu'elle avait envoyés sur la mer d'Azov en Russie.

Cette victoire de Morgenthau avait été obtenue lors d'une réunion, le 20 décembre, à laquelle assistaient Hull, Long, Morgenthau et John Pehle, chef du Contrôle des fonds étrangers au Trésor. Morgenthau avait manifestement décidé d'avoir une confrontation avec le Département d'Etat sur toute la question car il demanda négligemment, au cours de cette réunion, une copie du texte complet du message du 10 février envoyé par Welles à Harrison (l'ordre de supprimer l'information). Le Département d'Etat accéda à sa demande non sans avoir éliminé la référence au message de Harrison du 21 janvier, de sorte que le message du 10 février semblait être un document de pure routine. En caviardant ainsi le message, le Département d'Etat ignorait apparemment que le contenu complet de cette correspondance avait déjà été communiqué à DuBois, du Trésor, par Donald Hiss du Département d'Etat. (C'est le frère d'Alger Hiss, accusé, lors de l'affaire Bentley-Chambers, d'être un communiste, malgré ses dénégations). Il n'en avait obtenu des copies qu'au prix de grandes difficultés et, en accédant à la demande de DuBois, avait averti ce dernier que les messages «ne regardaient en rien le Trésor» et que lui, Hiss, pouvait perdre sa place si l'on découvrait la fuite.(19)

Quand Morgenthau reçut le message caviardé, il vit qu'il avait entre les mains une nouvelle arme contre Long et son groupe et, de ce fait, provoqua un petit scandale en accusant le Département d'Etat d'avoir amputé le message et en demandant à voir les documents originaux, qui lui furent présentés peu après, mettant en évidence la tentative maladroite de dissimulation de la part du Département d'Etat. Les membres de ce ministère furent désormais sur la défensive. Un examen plus poussé des dossiers du Département d'Etat (que le Trésor était à présent en mesure d'exiger) révéla qu'en réponse à une demande de Wise, Welles avait télégraphié à Harrison au mois d'avril pour qu'il rencontre Riegner et transmette les nouvelles informations que Riegner était censé avoir obtenues. Harrison, confus, fit ce qu'on lui demandait (les informations de Riegner concernaient des propositions d'assistance de réfugiés juifs en France et en Roumanie) et fit également remarquer à Welles que ce genre de document ne devait pas être soumis à la restriction imposée par le message du 10 février.

Morgenthau sortit vainqueur du conflit entre le Département d'Etat et le Trésor; Roosevelt, qu'on mêla à l'affaire, prit le parti de Morgenthau en créant, en janvier 1944, le War Refugee Board, le Bureau des réfugiés de guerre (WRB), composé de Morgenthau, Hull et Stimson, Secrétaire d'Etat à la guerre. Cependant, le directeur exécutif en était John Pehle, le «protégé de Morgenthau», et le conseiller juridique était Josiah DuBois. Cet organisme était donc entièrement aux mains des créatures de Morgenthau. Le WRB obtint naturellement les pouvoirs qui avaient été détenus par les trois ministères qui s'occupaient des projets visant à faire sortir les juifs d'Europe. Le Département d'Etat dut nommer des attachés spéciaux, dotés d'un statut diplomatique, selon les recommandations du WRB. (L'UNRRA, organisme des Nations Unies, créé en novembre 1943, devait remplir une fonction similaire, mais seulement après la fin de la guerre). (20)

Afin que le lecteur comprenne parfaitement la nature de cette évolution et son importance pour ce qui concerne notre sujet, nous devrions aller au-delà et noter le fait évident que le WRB allait servir, dans une large mesure, de simple instrument entre les mains du Congrès juif mondial et d'autres organisations sionistes. L'appareil communiste était également présent à sa tête en la personne de Harry Dexter White, démasqué plus tard comme agent soviétique, à qui Roosevelt avait délégué tous les pouvoirs du Trésor pour les domaines relevant du WRB. White était entré dans le cercle des proches collaborateurs de Morgenthau au printemps de 1938. Une semaine après Pearl Harbour, Morgenthau annonça qu'«à partir de cette date, M. Harry Dexter White, Secrétaire adjoint, assumera la responsabilité pleine et entière de tous les problèmes que le Département du Trésor traite dans le domaine des affaires extérieures[...]». La manière très générale dont cet ordre était formulé, en particulier la locution «dans le domaine des», allait offrir à White d'excellentes occasions d'agir dans les années à venir. Au début de 1943, Morgenthau étendit les responsabilités de White:

«A dater de ce jour, je voudrais vous confier la direction et la responsabilité pleine et entière de la participation du Trésor à toutes les questions économiques et financières[...] en rapport avec les opérations de l'armée et de la marine et avec les affaires civiles dans les pays étrangers où nos forces armées opèrent ou sont susceptibles d'opérer. Votre action comportera, bien entendu, la liaison générale avec le Département d'Etat, l'armée et la marine, et d'autres ministères ou services officiels et avec les représentants de gouvernements étrangers pour ces questions».

White, qui devint Secrétaire adjoint au Trésor au début de 1945, profita à fond de ces pouvoirs, en particulier en ce qui concerne la politique d'occupation en Allemagne. Il est également évident que, le WRB étant dans une large mesure une branche du Trésor, ses activités étaient du ressort de White. Il est également bon de noter que DuBois, le conseiller juridique du WRB, était «étroitement lié» à l'agent communiste William L. Ullmann. Il fut aussi le témoin de White quand celui-ci rédigea son testament. (21)

Long nourrissait des sentiments mêlés et, comme l'avenir le démontra, pleins de prescience sur les implications de ces événements:

«Il ne reste plus que quelques jours avant que j'abandonne mes attributions en ce qui concerne les réfugiés et je souhaite bien du plaisir à celui qui va me succéder. Cela a été pour moi une lourde responsabilité, sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur, car il y a 5 millions de juifs dans ce pays, dont 4 millions se retrouvent à New York ou aux alentours. Nous n'avons aucune population arabe ou musulmane mais nous avons des intérêts commerciaux sans cesse plus importants, en particulier le pétrole, dans les pays musulmans. De plus, l'Angleterre, notre alliée, n'a guère de citoyens juifs mais elle a de très gros intérêts au Proche-Orient. C'est ainsi que notre politique s'appuie de plus en plus en partie -- une bonne partie -- sur notre situation intérieure, tandis que celle de l'Angleterre se fait entièrement sur la base de ses affaires extérieures -- les deux sont difficiles à concilier [...] ce sont pour moi de bonnes nouvelles [...] c'est la garantie pour moi de rester en dehors de tout cela. Je ne parviens pas à imaginer qu'ils puissent faire quelque chose que je n'ai pas fait».

Long s'est trompé sur ce dernier point car le WRB fit beaucoup en fin de compte pour la réinstallation des juifs et son action en faveur des réfugiés est d'une grande importance dans ce livre et sera abordée dans un chapitre ultérieur. Il aida également les détenus des camps de concentration, par l'intermédiaire de la Croix-Rouge, dans les dernières sema

ines de la guerre. (22) En tant qu'instrument de Wise et d'autres sionistes, le WRB accomplit aussi un travail considérable de propagande (23) et l'instrument de sa propagande qui eut le plus de répercussions fut la brochure German Extermination Camps: Auschwitz and Birkenau, Executive Office of the President, Washington, novembre 1944. Elle sera désignée désormais ici sous le nom de rapport du WRB.

Le rapport du WRB constitua l'acte de naissance formel de la thèse «officielle» des exterminations par chambres à gaz à Auschwitz. On y trouve tous les points essentiels et un grand nombre des détails de ce qui deviendra ensuite la mystification d'Auschwitz. Les accusations lancées à Nuremberg se sont appuyées sur le rapport du WRB. Il ne semble pas y avoir eu de réactions particulièrement vives, dans un sens ou dans l'autre, au rapport du WRB, au moment où il fut publié. Cependant, un journaliste américain, Oswald F. Schuette, adressa une lettre de critiques à Stimson (l'un des signataires du rapport) mais ne reçut pas de réponse satisfaisante. (24)

Bien entendu, le rapport du WRB ne fit pas changer d'avis les fonctionnaires du Département d'Etat qui s'étaient moqués dès le départ de la propagande sur l'extermination. Quand ils étaient en privé avec DuBois, voici ce qu'ils déclaraient sans ménagements au sujet du rapport du WRB: «On envoie des histoires de ce genre de Berne depuis 1942 [...] N'oubliez pas qu'il s'agit d'un juif (qui parle) des juifs [...] C'est juste une campagne de ce juif Morgenthau et de ses collaborateurs juifs».

Le rapport du WRB avait, dit-on, été transmis de Berne à Washington. Nous étudierons ce rapport en profondeur après avoir examiné une partie capitale de la propagande de guerre, dans son aspect public. Nous devons d'abord signaler toutefois que certains observateurs, par ailleurs perspicaces, n'interprètent pas correctement le rôle joué par Auschwitz dans la légende de l'extermination. Harry Elmer Barnes, journaliste et historien américain distingué, a écrit en 1967 que

«les camps [d'extermination] furent présentés d'abord comme étant ceux qui se trouvaient en Allemagne, tels que Dachau, Belsen, Buchenwald, Sachsenhausen et Dora, mais il fut démontré qu'il n'y avait pas eu d'extermination systématique dans ces camps. L'attention fut dirigée alors vers Auschwitz, Treblinka, Belzec, Chelmno, Janowska, Tarnow, Ravensbrück, Mauthausen, Brezeznia et Birkenau, liste non exhaustive qui semble avoir été allongée selon les besoins». (25)

L'erreur commise par Barnes provient, bien entendu, du fait qu'à la fin de la guerre les média, avides de sensationnel, s'emparèrent en effet des scènes qu'offraient les camps allemands pour les présenter comme une preuve des exterminations et il est vrai également, comme nous l'indiquions dans le chapitre précédent, que ces scènes ont servi de «preuve» des exterminations pour la propagande destinée au grand public. Cependant, notre analyse montre qu'Auschwitz avait été soigneusement choisi en 1944 pour être le coeur de la légende de l'extermination. Nous en ferons la démonstration à l'aide de documents qui seront examinés plus loin et dans un prochain chapitre. En publiant le rapport du WRB en novembre 1944, Washington apportait sa caution à une version bien précise de la mystification. Cette version fut maintenue lors des procès de Nuremberg et, même aujourd'hui, la forme de la légende est présentée d'une façon qui ne diffère sur aucun point important du rapport du WRB.

Après la victoire remportée par le WRB, Morgenthau s'occupa d'autre chose, en particulier de la politique qui serait appliquée quand l'Allemagne serait occupée. Il découvrit que les projets qui existaient à ce sujet respectaient en fait les conventions de La Haye et de Genève, dont les Etats-Unis étaient signataires, qui interdisaient notamment la confiscation des biens personnels dépourvus de valeur militaire, la détention des prisonniers de guerre longtemps après la fin des hostilités ainsi que l'imposition arbitraire de rations de famine. Il fit alors campagne pour l'adoption de mesures draconiennes, connues plus tard sous le nom de plan Morgenthau et dont plusieurs furent réellement adoptées et appliquées. David Marcus, de la DAC, soutint les objectifs de Morgenthau et tint ce dernier informé des personnes qui s'y opposaient. Le colonel Bernard Bernstein, qui collabora longtemps avec Morgenthau, exerça une fonction semblable au siège du SHAEF à Londres. Baruch prêta également son concours. (26)

Les premières allégations d' «extermination» et New York

La thèse de ce livre est que l'histoire de l'extermination des juifs pendant la seconde guerre mondiale est un mensonge de la propagande. Il est par conséquent évident qu'il nous faut examiner les origines de ce mensonge dans la propagande du temps de la guerre. Nous avons déjà traité de nombreux aspects «cachés» et il nous reste à examiner les aspects publics.

L'énormité de la tâche, ainsi que la nature «controversée» du sujet, semblent avoir découragé une étude complète de la propagande. Certaines études ont porté sur des aspects particuliers. John T. Flynn, dans While You Slept, a procédé à l'étude de la propagande liée aux influences communistes, notamment pour ce qui concerne l'Asie. James J. Martin a étudié la façon dont les média américains ont parlé de l'Union soviétique, de la question d'une paix séparée et des bombardements alliés de terreur pendant la guerre.

Il serait hors de propos pour nous de passer ici en revue toute la propagande axée sur les atrocités et sur l'extermination qui provenait du théâtre des opérations européen pendant la seconde guerre mondiale. Notre champ d'investigation se bornera ici à la question de l'extermination des juifs et à l'action des personnalités de premier plan. Nous découvrirons alors que l'examen des articles, concernant la prétendue extermination des juifs, qui sont parus dans le New York Times à partir du printemps 1942 et tout au long de 1943, ainsi qu'un résumé de la propagande de 1944, qui sera présenté dans un chapitre ultérieur, fournissent toute la matière nécessaire pour se faire une idée satisfaisante de la propagande. Nous allons par conséquent commencer par les articles du printemps 1942 en les accompagnant de nos commentaires. Dans de nombreux cas, il s'agit d'une information, présentée comme provenant d'Europe, au sujet de massacres; ce qu'il est particulièrement intéressant de savoir dans ce genre de cas, c'est la source de l'histoire, l'endroit où se sont produits les massacres présumés et la méthode d'exécution qui aurait été utilisée. Il convient également de ne pas oublier que, pour la légende de l'extermination d'après-guerre, il n'existait que trois méthodes d'extermination: gazages en six endroits de Pologne, «camions à gaz» en Russie et mitraillages en Russie.

6 avril 1942, p. 2

Massacres de juifs par les nazis

KOUIBYCHEV,Russie, 5 avril (AP) - Le Comité juif anti-fasciste a fait savoir aujourd'hui que les Allemands ont tué quatre-vint-six mille juifs à Minsk et aux alentours, 25.000 à Odessa et des «dizaines de milliers» en Lituanie, Lettonie et Estonie. En Estonie, selon ce communiqué, toute la population juive, qui s'élève à quatre mille cinq cents personnes, a été supprimée.

13 juin 1942, p. 7

Les nazis reprochent aux juifs les bombardements massifs

BERLIN, 12 juin (d'après la radio allemande enregistrée par United Press à New York) -- Le ministre de la Propagande Joseph Goebbels a déclaré hier soir que l'Allemagne mettrait en oeuvre une «extermination» massive des juifs en représailles aux bombardements aériens sur les villes allemandes par les Alliés qui ont provoqué, il l'a reconnu, d'importants dégâts.

Le Dr Goebbels, dans un article de la revue Das Reich, a dit que les juifs seraient exterminés dans toute l'Europe «et peut-être même au-delà de l'Europe» en représailles aux intenses attaques aériennes.

La remarque de Goebbels était dirigée contre la presse contrôlée par les juifs qu'il considérait comme largement responsable de l'atmosphère de propagande qui rendait possible les bombardements de terreur. Voici ce qu'il écrivait dans Das Reich:

«Dans cette guerre, les juifs jouent leur jeu le plus criminel et ils devront le payer par l'extermination (Ausrottung ) de leur race en Europe et peut-être plus loin encore. Ils ne doivent pas être pris au sérieux dans ce conflit car ils ne représentent pas des intérêts britanniques ou américains mais exclusivement des intérêts juifs».

Il s'agit bien, en effet, d'une menace d'extermination car le premier sens du terme Ausrottung est «extermination» (l'anglais uprooting [déracinement, extirpation], avec lequel il est parent étymologiquement, n'est qu'un sens secondaire). Hitler a tenu également, de manière tout à fait publique et à plusieurs reprises, des propos similaires. Ainsi: «Cette guerre aura pour résultat la destruction des juifs» et: «Ce ne seront pas les peuples aryens qui seront anéantis mais les juifs». (27)

Il convient d'observer à cet égard: (a) que les déclarations outrancières étaient un trait constant des discours et de la rhétorique nazis; (b) que les mythologues de l'extermination estiment nécessaire d'affirmer que les exterminations avaient lieu dans le plus grand secret alors que, dans le même temps et de façon tout à fait illogique, ils empruntent à des déclarations publiques de dirigeants nazis des passages qu'ils présentent comme étant des preuves des exterminations; (c) qu'il est nécessaire de replacer la remarque de Goebbels dans son contexte, c'est-à-dire qu'il s'agissait d'une réaction aux bombardements terroristes des Alliés; (d) qu'en temps de guerre, on peut dire des choses outrancières sous l'empire de la fureur et que des déclarations sanguinaires ont été faites pendant la guerre dans les deux camps par des personnes qui se disaient responsables; (e) qu'il arrive souvent qu'il soit nécessaire de bien comprendre le contexte quand on interprète la signification précise d'une référence à une «extermination» ou à une «annihilation» (en allemand, respectivement Ausrottung et Vernichtung). Examinons dans l'ordre chacun de ces cinq points.

(a) Il est bien connu que les discours et la rhétorique des nazis avaient tendance à avoir un caractère incendiaire par manière de provocation dont les origines remontent aux heures où les nazis étaient un parti minoritaire de l'Allemagne de Weimar. Il semble que ce style ait été le résultat d'une politique délibérée et calculée car, en 1931, Hitler en expliqua les raisons lors d'un entretien privé:

«Peu m'importe ce qu'un fou de rédacteur écrit dans mes propres journaux [...] Nous ne pouvons réaliser quelque chose que par le fanatisme. Si ce fanatisme fait peur à la bourgeoisie, tant mieux. C'est uniquement par ce fanatisme, qui refuse tout compromis, que nous établissons le contact avec les masses». (28)

Disons plus simplement qu'il trouvait souvent qu'il pouvait obtenir l'attention en faisant des déclarations tonitruantes. Naturellement, tous les dirigeants nazis, particulièrement Goebbels, étaient contaminés à un certain degré par cette attitude. Il est vrai qu'après que les nazis fussent arrivés au pouvoir et eurent assumé la responsabilité de gouverner l'Allemagne, leurs déclarations publiques prirent un ton beaucoup plus modéré, mais ils ne se défirent jamais complètement de cette tendance. Bien entendu, la guerre et la volonté de toucher l'opinion publique dans les pays alliés, réveillèrent quelque peu cet aspect de leur comportement. Etant donné les circonstances, il est à vrai dire remarquable de constater que Hitler et Goebbels ne firent que rarement de telles déclarations.

(b) Nous verrons dans les chapitres suivants que les mythologues de l'extermination sont forcés de prétendre que les nazis prirent d'extrêmes précautions pour garder secret leur programme de tueries à l'échelle continentale et qu'ils y parvinrent en fait d'une façon des plus remarquables. Ce que l'on sait du comportement des juifs européens pendant cette période, par exemple, malgré les allégations de certains auteurs et le fait incontestable qu'il existait toutes sortes de rumeurs en circulation, montre que les juifs n'avaient pas conscience d'un quelconque programme d'extermination. Lorsqu'on leur disait de préparer leurs bagages pour être déportés, ils obéissaient et n'opposaient aucune résistance. Au chapitre IV, nous verrons le cas des juifs de Theresienstadt se portant volontaires pour aller à Auschwitz, à une date aussi tardive que le mois d'août 1944, car les juifs de Theresienstadt ignoraient tout d'un programme d'extermination à Auschwitz ou ailleurs. Au chapitre VII, nous verrons que les nazis ne voulaient, affirme-t-on, rien consigner par écrit, y compris dans des documents confidentiels car, nous dit-on, «la rédaction de notes circonspectes était une des grandes spécialités du Reich hitlérien». S'il en était ainsi, comme l'affirment les tenants de l'extermination, comment ces derniers expliquent-ils alors l'existence, par exemple, des menaces publiques de Goebbels qui contredisent manifestement leurs arguments?

(c) La menace de Goebbels doit être considérée comme ce qu'elle était, à savoir la réaction d'un propagandiste professionnel aux bombardements alliés qui obsédèrent de diverses façons les dirigeants allemands à partir de mai 1940. Comme les faits, à cet égard, quoique bien établis, ne sont pas bien connus, nous les résumons ici très brièvement. Afin d'éviter cependant une digression qui serait inexcusablement longue, notre résumé sera vraiment bref. Les lecteurs qui aimeraient approfondir la question doivent consulter les ouvrages de Veale et de Colby.

Quand la guerre éclata, en 1939, les Allemands considéraient le bombardier comme une forme d'artillerie et, par conséquent, comme une arme pouvant servir d'appui à des opérations terrestres ordinaires. C'est dans ce cadre qu'eurent lieu les bombardements bien connus de Varsovie, en 1939, et de Rotterdam, en mai 1940. Ces villes ne furent bombardées qu'après être devenues le théâtre d'opérations militaires et alors que les lois du siège s'appliquaient. Le «bombardement stratégique», tel que nous l'entendons, ne joua aucun rôle dans les opérations militaires allemandes (bien que, naturellement, les stratèges militaires allemands l'eussent étudié).

Ce ne fut toutefois pas le cas en Grande-Bretagne car, au moment où les Allemands utilisaient leurs bombardiers comme artillerie aux Pays-Bas, les Britanniques prirent la «splendide décision» de bombarder des objectifs civils en Allemagne, en sachant parfaitement que Hitler n'avait ni l'intention ni le désir de s'engager dans une guerre de ce genre (Hitler, en fait, ne voulait pas du tout la guerre avec la Grande-Bretagne). Il y eut un nombre limité de bombardements allemands sur des cibles anglaises au début de l'été de 1940, mais seuls des objectifs militaires précis étaient visés alors même que des villes comme Hambourg et Brême subissaient une attaque générale de l'aviation britannique. C'est seulement après trois mois de raids aériens et avec la plus grande réticence que Hitler se sentit dans l'obligation de répondre de la même façon. Ainsi était né le mythe bien connu du «Blitz». Il ne fut pas permis au peuple britannique de découvrir que leur gouvernement aurait pu faire cesser à tout moment les raids allemands, simplement en mettant fin aux raids sur l'Allemagne.

Les raids britanniques sur l'Allemagne, bien que n'ayant pas d'importance militaire en 1940, avaient placé le gouvernement du Reich dans une situation difficile vis-à-vis de son opinion publique car les Allemands pensaient naturellement que leur gouvernement devait être capable de faire quelque chose pour empêcher ces bombardements. C'est uniquement pour cette raison que les Allemands décidèrent en dernier recours des bombardements de représailles. En annonçant cette décision, Hitler déclara dans son discours du 4 septembre 1940 au Sportpalast:

«Si l'aviation britannique lance deux ou trois ou quatre mille kilos de bombes, nous en lancerons cent cinquante, cent quatre-vingt, deux cent mille, trois cent mille, quatre cent mille et davantage en une seule nuit». (29)

Hitler exagérait très fortement ses possibilités par rapport à l'aviation britannique car, bien que ses bombardiers aient été à l'époque numériquement supérieurs aux Anglais, ils étaient conçus pour l'appui tactique des troupes au sol et non pour le «bombardement stratégique», pour lequel les bombardiers britanniques étaient équipés. Néanmoins, les violences verbales ne coûtent rien et, après la Luftwaffe, qui ne fut jamais plus qu'une simple gêne pour les opérations de bombardements alliés, les violences verbales (associées parfois à des promesses d'armes nouvelles secrètes) furent à peu près tout ce que Hitler et Goebbels furent en mesure d'opposer, en 1940 et dans les années suivantes, aux bombardements alliés. C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre la menace de Goebbels.

(d) Des menaces sanguinaires furent proférées dans les deux camps pendant la guerre. Aux Etats-Unis, il y eut de nombreux exemples de déclarations incendiaires faites sérieusement par des personnes apparemment civilisées, déclarations qui furent accueillies par des réactions d'approbation apparemment réfléchies de la part de personnes également respectées. Comme il y a eu tellement de gens de cette sorte, il nous suffira de faire quelques remarques sur Clifton Fadiman, auteur et critique bien connu, qui tenait à l'époque la rubrique de critique littéraire de l'hebdomadaire The New Yorker.

Fadiman fut l'élément vedette du Writers War Board [Comité de guerre des écrivains], service gouvernemental semi-officiel qui rédigeait volontairement des textes, en rapport avec la guerre, pour des services officiels. Ce Comité était présidé par Rex Stout. La thèse que Fadiman et Stout exposèrent en 1942 à la communauté des écrivains était que des écrits sur la guerre devaient chercher «à engendrer une haine active contre tous les Allemands et pas seulement contre les dirigeants nazis». Ceci entraîna une vive controverse. Des écrivains et des observateurs prirent parti dans ce qui devint un débat animé au point que Fadiman déclara qu'il ne connaissait «qu'une seule manière de faire entendre raison aux Allemands, c'est de les tuer, et même ainsi, je crois, ils ne comprennent pas».

Il ne s'agissait pas là d'accès de colère isolés car Fadiman profitait de sa rubrique du New Yorker pour exposer ses idées sur les Allemands dans un contexte plus élaboré. En avril 1942, il avait trouvé la conception juvénile dont il avait besoin dans un livre de de Sales, The Making of Tomorrow. Considérant comme acquis que les lecteurs pensaient, comme lui, que les nazis étaient, à tout le moins, le pire des fléaux pour des siècles à venir, il écrivit que

«l'argument (de de Sales) est tout simplement que l'offensive actuelle du nazisme n'est pas le moins du monde l'oeuvre néfaste d'un groupe de gangsters mais plutôt l'expression finale et achevée des instincts les plus profonds du peuple allemand. "Hitler est l'incarnation de forces qui le dépassent. L'hérésie qu'il prêche est vieille de deux mille ans". Quelle est cette hérésie? Ce n'est ni plus ni moins qu'une révolte contre la civilisation occidentale. Monsieur de Sales retrace l'histoire de cinq révoltes allemandes de ce genre, en commençant par Arminius. Vous avez tout d'abord tendance à vous montrer sceptique devant cette accusation (de taille) -- la germanophobie de son auteur pourrait, on le conçoit, venir de ses ancêtres français -- mais, au fur et à mesure que vous suivez son argumentation, elle devient de plus en plus convaincante et les véritables dimensions de cette guerre apparaissent très clairement».

Ses comptes rendus de livres sur la guerre étaient l'expression de la conception historique qu'il avait découverte dans les inepties de de Sales. Se moquant de Howard K. Smith qui avait écrit que «si nous pouvons offrir (aux Allemands) une alternative réelle à leur extermination, la nation allemande tombera entre nos mains, (si tant est qu'elle ne succombe pas à l'actuelle révolution)», Fadiman écrivit que «le monde n'a fait qu'apaiser les Allemands depuis que leurs bandes de loups (à face humaine) se sont échappées de leurs tanières dans les forêts, à l'époque d'Arminius. Le résultat est une Europe au bord du suicide». Il approuvait ensuite Hemingway pour avoir formulé «l'extraordinaire [...] suggestion que "l'unique solution finale" [ultimate settlement] pour les nazis est de les stériliser. Il le pense au sens chirurgical». Fadiman ne faisait, bien entendu, aucune distinction entre les nazis et les autres Allemands. Il railla Dorothy Thompson qui avait plaidé avec passion en faveur d'une telle distinction et qui avait écrit également qu'elle était convaincue «que nous devrons nous efforcer, après la guerre, de construire une fédération européenne d'Etats, avec l'Allemagne, dotée d'un gouvernement démocratique, occupant une position dirigeante. Bien que Fadiman n'écrivit jamais en toutes lettres qu'il préconisait l'assassinat de tous les Allemands ou de la plupart d'entre eux, le sens de ses déclarations était pourtant clair. Après tout, que peut-on faire d'autre avec «des bandes de loups sorties de leurs tanières», qui essaient de réduire en esclavage le reste du monde, qui ne «comprennent» que si vous «les tuez» et à qui l'on ne doit pas offrir «une alternative réelle à leur extermination» ? (30)

Clifton Fadiman fut seulement une figure de premier plan et à demi-officielle d'une «école de pensée» qui exista aux Etats-Unis pendant la guerre parmi les faiseurs d'opinion. James J. Martin et Benjamin Colby ont publié de longues études sur la propagande alliée fondée sur la haine de tous les Allemands, le second fournissant une étude particulièrement approfondie du Comité des écrivains de guerre.

L'atmosphère de l'opinion en Grande-Bretagne était bien entendu à peu près la même et existait depuis plus longtemps car l'Angleterre était entrée plus tôt en guerre. En réponse au discours (cité plus haut) de Hitler au Sportpalast de Berlin, annonçant le début des raids de l'aviation allemande sur les villes britanniques, le Daily Herald de Londres se réjouit méchamment des «efforts frénétiques» de Hitler «pour rassurer son peuple harcelé par les bombardements» et qui «est dans un état d'extrême nervosité et reste éveillé, même quand il n'y a pas d'alerte». Le même numéro du Daily Herald livrait les recommandations du révérend C. W. Whipp, curé de St Augustin, à Leicester:

«Les ordres devraient être: "Supprimez-les" et, dans ce but, je voudrais que tous les efforts de nos savants se concentrent sur la découverte d'un nouvel explosif bien plus terrifiant encore.
Ces démons allemands (c'est le seul terme qu'on puisse employer) viennent survoler nos villes et pointer leurs mitrailleuses sur des femmes et des enfants.
Eh bien! Tout ce que j'espère c'est que la R.A.F. devienne de plus en plus forte pour aller réduire l'Allemagne en cendres.
Un ministre de l'évangile ne devrait peut-être pas se laisser aller à des sentiments de cette nature.
Je vais plus loin et je dis très franchement que, si je le pouvais, je supprimerais l'Allemagne de la carte.
Il s'agit d'une race mauvaise qui a été une malédiction pendant des siècles pour l'Europe.
Il ne pourra y avoir de paix tant que Hitler et tous ceux qui croient en lui n'auront pas été envoyés en enfer, qui est leur lieu d'origine et leur destination finale».

Le Herald fit observer que les propos de Whipp «avaient suscité une vive controverse dans son petit monde», ce qui prouve, à l'évidence, qu'il y avait encore en Grande-Bretagne, comme aux Etats-Unis, de nombreuses personnes qui gardaient la tête froide malgré les excités du genre Fadiman.

La philosophie très particulière de l'histoire formulée par de Sales et adoptée par Clifton Fadiman fit également son apparition en Angleterre, de manière apparemment indépendante. Dans un article de juin 1941 de l'honorable revue National Review (qu'il ne faut pas confondre avec la National Review, fondée aux Etats-Unis en 1955), Reginald Hargreaves proposait comme but de guerre (qu'il distinguait d'une conséquence inévitable de la guerre) qu'«on mette définitivement hors d'état de nuire au moins trois millions de soldats nazis», car, écrivait-il,

«une condition préalable absolument vitale de la cessation des hostilités est qu'un nombre suffisant des jeunes derviches actuels du nazisme, corrompus, abrutis et délirants, soient laissés pour morts sur le terrain».

Cette mesure lui paraissait nécessaire car

«tout au long de son histoire, l'Allemagne s'est révélée une nation totalement barbare, un objet uniquement d'horreur et de dégoût. Dès le commencement, le comportement des peuples teutoniques a prouvé qu'ils ne méritaient rien de mieux que le rôle de parias -- de chiens enragés au ban de l'Europe [...]
Notre véritable but de guerre doit être non seulement de triompher militairement sur les champs de bataille, mais de réduire le peuple allemand à une condition tellement restreinte et bornée qu'il ne sera jamais plus en mesure d'entreprendre quoi que ce soit au détriment des générations futures. Notre guerre, malgré des propos contraires empreints de sensiblerie, est une guerre contre le peuple allemand, race si brutale, si prédatrice, si totalement dépourvue de scrupules et si totalement barbare que l'élimination de l'Allemagne comme grande puissance est le seul espoir d'un monde qui n'a d'autre choix que de saisir le bistouri pour exciser ce chancre de son corps social, complètement, impitoyablement et une fois pour toutes».

De telles déclarations semblent d'autant plus extraordinaires si l'on considère qu'elles émanaient d'une nation réputée pour son goût de l'euphémisme.

Mon but n'est pas de montrer qu'un consensus était né aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour considérer que tous les Allemands étaient par nature des monstres et qu'ils devraient être tués ou, tout au moins, stérilisés. Tout le monde s'accorderait à dire qu'une telle unanimité n'a pas existé (et même les mythologues de l'extermination reconnaîtraient, je pense, qu'il n'existait pas non plus en Allemagne une unanimité en faveur de l'extermination des juifs). En outre, comme nous nous en rendons tous compte, la politique de génocide préconisée ouvertement ou implicitement par de nombreux faiseurs d'opinion aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne sortait, prise au pied de la lettre, du domaine du possible; les peuples américain et britannique n'auraient jamais permis que des choses pareilles se fassent en leur nom. Ce qu'il convient de retenir c'est que, dans la fièvre de la guerre, les choses les plus extraordinaires ont été dites. Pour la plus grande partie (malheureusement, nous pouvons seulement dire pour la plus grande partie), ces idées aberrantes ne furent pas mises en application mais elles furent néanmoins exprimées.

Des propos meurtriers furent tenus des deux côtés. A mon avis, et d'après mes vagues souvenirs de l'époque, le style des discours aux Etats-Unis (en particulier en ce qui concerne les Japonais) me paraît avoir été plus violent que tout ce qui semble aujourd'hui avoir été monnaie courante en Allemagne pendant la guerre. Il est pourtant difficile de comparer, surtout pour ce qui est de l'intensité, en raison des rôles très différents joués par «l'opinion publique» et les déclarations des dirigeants politiques dans les deux systèmes politiques concernés.

Pour ce qui est de l'Axe, il faut noter également que l'Italie fasciste avait diverses lois antisémites qui furent cependant appliquées avec très peu de sévérité et ne signifièrent, à coup sûr, jamais l'assassinat. Néanmoins, les déclarations antisémites de la presse fasciste étaient au moins aussi violentes qu'en Allemagne et préconisaient même, en supposant que le New York Times (22 octobre 1941) ait rapporté correctement l'information, que tous les juifs italiens soient «anéantis car ils sont un danger pour le front intérieur» et parce que «le moment est venu d'abandonner les demi-mesures».

(e) Le dernier point est que l'on doit faire preuve d'un peu de bon sens et saisir le contexte afin d'interpréter convenablement dans un texte les références à une «extermination» et à un «anéantissement». Pendant la guerre de sécession américaine, nombreux étaient ceux qui désiraient que Lincoln «anéantisse» le Sud et il n'est pas inexact de dire que c'est précisément ce qu'il a fait. Mais on n'entendait pas par là, à l'époque comme aujourd'hui, que l'on envisageait de tuer tous les sudistes.

Naturellement, la même observation peut être faite en ce qui concerne les déclarations publiques des dirigeants nazis, mais il faut faire une autre remarque à cet égard. Il est très souvent fait référence aux juifs par le mot Judentum, dont l'un des traduction possible est «les juifs», mais qui peut être aussi judaïsme, ou encore judaïté ou simplement «le fait d'être juif». Ainsi, quand Hitler parle de Vernichtung des Judentums, si l'on fait abstraction du contexte et qu'on en donne une interprétation purement littérale, cela peut signifier le meurtre de tous les juifs mais également la destruction de l'influence et du pouvoir des juifs. C'est bien, en fait, ce que voulait dire le politicien Hitler, bien que, il est vrai, il eût pu choisir ses mots avec plus de soin. Alfred Rosenberg signala cette ambiguïté dans sa déposition devant le TMI en expliquant que l'expression die Ausrottung des Judentums, qu'il avait parfois utilisée, ne faisait pas référence au meurtre dans le contexte où il l'avait utilisée.

Cette digression assez longue, rendue nécessaire par la menace d'Ausrottung de Goebbels, étant achevée, nous reprenons l'examen des articles publiés dans le New York Times en 1942 et 1943.

258 juifs tués à Berlin pour un complot contre l'exposition antibolchevique
par Georges Axelsson
Par téléphone au New York Times

STOCKHOLM, Suède, 13 juin. 258 juifs ont été exécutés par la SS le 28 mai à la caserne de Gross Lichterfelde dans la banlieue ouest de Berlin et leurs familles ont été déportées, en représailles pour un prétendu complot juif visant à faire sauter l'exposition antibolchevique «Le paradis soviétique» au Lustgarten [...]

S'il y avait des bombes, elles ont manifestement été découvertes avant d'avoir eu le temps d'exploser`[...]

La SS voulait que les exécutions soient publiées [...] Au lieu de cela [...] on a fait venir les dirigeants de la communauté juive [...]


30 juin 1942, p. 7
1.000.000 de juifs assassinés par les nazis

LONDRES, 29 juin (U.P.) [...] ont accusé aujourd'hui des porte-parole du Congrès juif mondial.

Ils ont déclaré que les nazis avaient installé un «immense abattoir pour juifs» en Europe orientale [...]

Selon une information reçue par le Congrès, des juifs déportés en masse d'Allemagne, d'Autriche, de Tchécoslovaquie et des Pays-Bas en Pologne centrale sont fusillés par des pelotons d'exécutions à la cadence de 1000 par jour.

Des informations reçues par le gouvernement polonais à Londres ont confirmé que les nazis avaient exécuté «plusieurs centaines de milliers» de juifs en Pologne.

On ne parle plus aujourd'hui de cet «abattoir» où des «pelotons d'exécution» fusillaient les juifs. Comme nous l'avons noté plus haut, ce fut le point de départ de la campagne de propagande du Congrès juif mondial sur l'extermination. Il est fort possible que cette première histoire ait été inspiré par la récente remarque de Goebbels sur l'Ausrottung.

22 juillet 1942, p. 1
Le châtiment des nazis vu par Roosevelt

[...] a déclaré la nuit dernière le président Roosevelt dans un message lu à 20.000 personnes au Madison Square Garden[...]

Le message du président

La Maison Blanche
Washington
le 17 juillet 1942

Cher Dr Wise,

[...] Les citoyens [...] partageront la douleur ressentie par nos compatriotes juifs devant la sauvagerie exercée par les nazis contre leurs victimes impuissantes. Les nazis ne réussiront pas plus à exterminer leurs victimes qu'ils ne réussiront à réduire l'humanité en esclavage. Le peuple américain [...] saura tenir pour responsables les auteurs de ces crimes, à l'heure de l'expiation qui viendra à coup sûr [...]

Texte du message de Churchill

« [...] vous vous rappellerez que le 25 octobre dernier, le président Roosevelt et moi-même avions exprimé l'horreur ressentie [...] devant les massacres et le terrorisme des nazis et notre détermination à faire figurer le châtiment de ces crimes parmi les principaux objectifs de cette guerre [...]»

Des déclarations vagues de ce genre de la part de dirigeants en guerre, bien que ne contenant aucune accusation précise, avaient plus de poids, aux yeux du public, que n'importe lequel des récits plus détaillés que ces dirigeants auraient pu paraître cautionner par leurs déclarations. Nous verrons que les allégations précises lancées à cette époque, tout au moins pendant plusieurs mois, ne ressemblent pas beaucoup aux allégations présentées lors des procès ultérieurs. La situation politique, telle que la percevaient Roosevelt et Churchill, les invita néanmoins à «jouer le jeu», en faisant au moins de vagues déclarations publiques soutenant la propagande.

3 septembre 1942, p. 5
50.000 juifs en train de mourir dans une forteresse nazie

LONDRES, 2 septembre (U.P.) -- Cinquante mille juifs d'Allemagne et de Tchécoslovaquie ont été jetés dans la forteresse de Terezin et plusieurs milliers d'entre eux, malades ou accusés d'actes «criminels», se trouvent dans des cachots souterrains où ils «meurent comme des mouches», selon ce qu'a déclaré ce soir un porte-parole du gouvernement tchèque.

«Tout espoir a été abandonné pour eux» a dit le porte-parole [...]

Le porte-parole a déclaré que les Allemands avaient lancé une campagne pour exterminer les juifs du protectorat et qu'il ne restait plus que 15.000 juifs sur les 40.000 qui habitaient Prague auparavant. Pilsen et Brünn ont été vidés de leurs juifs, a-t-il dit, nombre d'entre eux étant envoyés à Terezin, le plus grand camp de concentration de l'Europe sous la domination nazie.

Un observateur européen a dit que les Allemands projetaient d'exterminer les juifs non seulement en Europe, mais dans le monde entier. Il a déclaré que les nazis avaient exécuté 2.000.000 de juifs au cours des trois dernières années [...]

La seule vérité que contient cet article est le fait que le taux de mortalité des juifs était assez élevé à Terezin (Theresienstadt) car les Allemands y envoyaient tous les juifs du Reich âgés de plus de soixante-cinq ans. Une autre catégorie à Theresienstadt était celle des juifs «privilégiés» -- les anciens combattants -- en particulier ceux qui étaient décorés. Il y eut d'autres juifs, dont un grand nombre furent transférés ailleurs par la suite mais, s'ils souffrirent, ce ne fut pas à Theresienstadt. Cet endroit fut visité par la Croix-Rouge en juin 1944 et le rapport favorable qui en résulta provoqua la colère du Congrès juif mondial . (31) Nous aurons davantage de choses à dire sur Theresienstadt dans d'autres chapitres. Ce n'était pas le «plus grand camp de concentration de l'Europe sous la domination nazie» mais il n'en joue pas moins ici un rôle important.

5 septembre 1942, p. 3
Les Etats-Unis reprochent à Vichy la déportation de juifs

WASHINGTON, 4 septembre -- Le Département d'Etat a émis «les plus vives protestations possibles» auprès du gouvernement français, par l'intermédiaire de l'ambassade des Etats-Unis à Vichy, à propos de la déportation massive de juifs depuis la France non occupée, a annoncé aujourd'hui le Comité juif américain.

Cette protestation a fait suite à des représentations faites par quatre organisations juives, lesquelles furent informées de cette démarche diplomatique par une lettre de Sumner Welles, Sous-secrétaire d'Etat.

([...]) M.Welles a écrit:
«J'ai reçu votre message du 27 août 1942 contenant une lettre [...] qui concerne la déportation massive de réfugiés juifs de France non occupée.
Je suis en parfait accord avec ce que vous déclarez sur cette situation tragique qui scandalise à nouveau l'opinion publique du monde civilisé. Je regrette profondément que de telles mesures aient été prises dans un pays qui professe traditionnellement son attachement aux principes d'égalité, de liberté et de tolérance.
«L'ambassade américaine à Vichy [...] a émis les plus vives protestations possibles auprès des plus hautes autorités de Vichy [...]»
[...] Suit la lettre des quatre organisations juives au Secrétaire d'Etat:
Au nom des organisations que nous représentons [...] Les soussignés demandent respectueusement à notre gouvernement de transmettre au gouvernement français une protestation solennelle contre l'action entreprise récemment par ce gouvernement pour livrer des milliers de réfugiés aux agents du gouvernement nazi pour les déporter en Pologne et dans d'autres régions d'Europe orientale occupées par les nazis.
Des informations nous parvenant [...] (indiquent) que le gouvernement français permet la [...] déportation par les nazis de réfugiés juifs qui ont été internés dans un certain nombre de camps dans le sud de la France. Cette action a commencé vers le 8 août quand 3.600 hommes, femmes et enfants ont été rassemblés, chargés dans des trains et mis en route sans que rien ne leur soit dit sur leur destination.
Selon nos informations, ces 3.600 juifs étaient le premier contingent d'un total de 10.000 réfugiés juifs que le gouvernement français a accepté de déporter vers des territoires à l'Est [...]
[...] Des déportations massives de juifs d'Allemagne et des territoires sous occupation allemande se sont poursuivies depuis la conquête de la Pologne. Conformément à la politique proclamée des nazis d'exterminer les juifs européens, des centaines de milliers de ces hommes, femmes et enfants innocents ont été tués en masse de façon brutale. Le reste est rassemblé dans des ghettos en Europe orientale dans des conditions abominables et indescriptibles qui ont provoqué la mort de dizaines de milliers d'entre eux par manque de nourriture et à la suite d'épidémies.

Nous devons seulement noter ici que les quatre organisations juives ne sont elles-mêmes pas entièrement certaines de leur fait quand elles affirment qu'on exterminait les juifs. Elles se réservent en effet une «porte de sortie» en évoquant ceux qui étaient «rassemblés dans des ghettos». La réponse de Welles, bien qu'«en parfait accord» avec la lettre, évite de cautionner de façon directe l'allégation d'extermination.

24 novembre 1942, p. 10
Les journaux juifs en deuil

JERUSALEM, 23 novembre (U.P.) -- La presse juive est parue aujourd'hui avec des nouvelles sur les massacres de juifs en Pologne encadrées de noir. Les informations reçues par l'Agence juive affirment que l'anéantissement systématique de la population juive est pratiqué par une «commission de destruction» allemande spéciale [...] sur l'ancienne frontière entre la partie de la Pologne occupée par les Allemands et la partie occupée par les Russes, des milliers de juifs ont été jetés dans le Bug et se sont noyés».

13 décembre 1942, p. 21.
[...] Le rabbin Israel Goldstein a déclaré: «Des informations authentiques indiquent que deux millions de juifs ont déjà été tués par toutes sortes de méthodes barbares et diaboliques et qu'il existe des plans pour l'extermination totale de tous les juifs sur lesquels les nazis pourront mettre la main. Le massacre d'un tiers de la population juive qui se trouve dans l'aire contrôlée par Hitler et la menace de massacre qui pèse sur tous les autres est un holocauste sans précédent» ».

18 décembre 1942, p. 1
Onze pays alliés condamnent la guerre des nazis contre les juifs

WASHINGTON, 17 décembre -- Une déclaration commune des membres des Nations Unies a été publiée aujourd'hui condamnant «la politique bestiale et préméditée d'extermination» des juifs par l'Allemagne [...]
[...] La déclaration a été publiée simultanément par le Département d'Etat ici et à Londres [...]
Texte de la déclaration
«[...] Les juifs sont transportés de tous les pays occupés vers l'Europe orientale dans des conditions d'une horreur et d'une brutalité effroyables. En Pologne, dont on a fait le principal abattoir nazi, les ghettos établis par l'envahisseur allemand sont systématiquement remplis de tous les juifs, à l'exception de quelques ouvriers hautement qualifiés dont l'industrie de guerre a besoin. On n'a jamais plus entendu parler d'aucun de ceux qui ont été emmenés. Ceux qui sont robustes sont condamnés à une mort lente dans les camps de travail. On laisse les infirmes mourir de froid et de faim ou on les massacre délibérément par des exécutions de masse. Le nombre des victimes de ces cruautés sanglantes s'élève à plusieurs centaines de milliers d'hommes, de femmes et d'enfants entièrement innocents».

C'est le début de l'engagement du Département d'Etat dans la légende de l'extermination. Que cette caution fut venue d'une telle source, officielle en apparence, entraîna un commentaire spécial dans l'éditorial du New York Times du même jour:

18 décembre 1942, p. 26
La terreur hitlérienne

Malgré tout ce qui a été écrit sur la persécution des juifs par les nazis, les faits qui se trouvent dans la déclaration commune publiée hier à Washington, Londres et Moscou choqueront toutes les personnes civilisées qui ont conservé un petit peu de respect humain. Car cette déclaration n'est pas un cri des victimes elles-mêmes, auquel beaucoup pensaient pouvoir rester sourds sous le prétexte qu'il pourrait s'agir d'une plainte particulière, sujette à caution. Il s'agit de la déclaration officielle de leurs propres gouvernements qui s'appuie sur des faits officiellement établis [...]

Il est clair qu'on pensait que des allégations d'atrocités venant du Département d'Etat étaient plus crédibles que des allégations venant de groupes comme le Congrès juif mondial, auquel fait certainement allusion la formule «des victimes elles-mêmes». Nous avons vu cependant que Wise était également derrière la «déclaration commune».

La déclaration du 17 décembre marque le début de la complicité des gouvernements américain et britannique dans la légende de l'extermination. Le gouvernement allemand n'a pas réalisé toute la portée de l'événement et von Stumm, du service de presse du ministère des Affaires étrangères, expliqua de manière désinvolte à la presse neutre que la déclaration alliée était destinée à faciliter les ventes des grands magasins juifs de New York et de Londres pour les fêtes de Noël. (32)

20 décembre 1942, p. 23
Les Alliés décrivent les crimes commis contre les juifs

Le sort subi par les cinq millions de juifs qui se trouvent dans les pays d'Europe occupés par l'Allemagne et qui sont tous menacés d'extermination est décrit dans une déclaration publiée hier par le Service d'information des Nations Unies [...]
[...] De nouvelles méthodes d'exécution en masse par fusillade et gaz toxiques sont mentionnées dans le corps principal du rapport, qui indique que la destruction des juifs ne se «borne pas à un seul pays mais s'étend à tout le continent. Au début du mois de décembre 1942, le Département d'Etat à Washington a fourni des chiffres montrant que le nombre de victimes juives déportées et qui ont péri depuis 1939 dans les pays européens sous la domination de l'Axe atteint à présent le chiffre effrayant de deux millions et que cinq millions risquent d'être exterminés [...]

Le document conclut:

«Les moyens utilisés pour déporter du ghetto tous ceux qui survivent aux assassinats et aux fusillades dans la rue dépassent l'imagination. Sont assassinés en particulier les enfants, les personnes âgées et ceux qui sont trop faibles pour travailler. On ne dispose pas de véritables données sur le sort des déportés mais l'on a des nouvelles -- irréfutables -- selon lesquelles des lieux d'exécution ont été organisés à Chelmno et à Belzec, où ceux qui survivent aux fusillades sont assassinés en masse par électrocution et par gaz toxiques».

Les prétendues électrocutions de Belzec sont apparues quelquefois dans la propagande et nous en reparlerons au chapitre V. Elles constituent l'une des versions de l'extermination qui fut rapidement oubliée après la fin de la guerre. Nous pouvons néanmoins constater ici une nette tendance de la propagande à se rapprocher des allégations qui sont devenues les caractéristiques immuables de la légende, à savoir les chambres à gaz et les quelque six millions de juifs tués pendant le cours de la guerre. Nous aurons davantage de choses à dire un peu plus loin sur l'origine du chiffre de six millions.

28 décembre 1942, p. 21
Requête pour sauver les juifs

ALBANY, 27 déc. (AP) [...] Le Dr Wise, président du Congrès juif américain et du Congrès juif mondial [...] (a exhorté) les Alliés à élaborer un programme destiné à mettre fin aux massacres de civils par les nazis.

8 janvier 1943, p .8
93 juives préfèrent le suicide à la honte que voulaient leur infliger les nazis

Quatre-vingt-treize jeunes filles et jeunes femmes juives, les élèves et le professeur d'une école Beth Jacob de Varsovie en Pologne, ont choisi de se suicider en masse avant que des soldats allemands ne les forcent à se prostituer, selon une lettre de leur professeur rendue publique hier par le rabbin Seth Jung, du Centre juif de la ville de New York.

7 février 1943, VI, p. 16
Dans la vallée de la mort
(article de Sholem Asch, dans les pages «magazine»)

[...] des chambres à gaz et des centres d'empoisonnement du sang sont installés dans des lieux reculés de la campagne où des pelleteuses à vapeur préparent des fosses communes pour les victimes.

14 février 1943, p. 37
Révélation de la tyrannie nazie

Varsovie est soumise à une politique délibérée de mort, de maladie, de famine, d'esclavage économique et d'élimination massive de la population de la part des nazis, indique l'Office d'information sur la guerre dans une brochure de vingt-quatre pages, Histoire d'une ville, publiée aujourd'hui.
Déclarant que Varsovie a été le terrain d'essai des plans nazis de conquête du monde [...]
[...] «il est impossible maintenant de dire exactement combien de Polonais ont été assassinés par les nazis à Varsovie». Le lieu des exécutions est à présent Palmiry, près de Varsovie, où les fusillades en masse ont lieu à l'aube ou pendant la nuit».

14 février 1943, p. 37
Des témoins d'exécutions «accélérées»

Des exécutions en masse de juifs en Pologne à un rythme accéléré ont été rapportées par des représentants européens du Congrès juif mondial dans un communiqué rendu public par le rabbin Stephen S. Wise, président du Congrès juif américain.
En un seul endroit de Pologne, 6.000 juifs sont tués chaque jour, selon ce rapport daté du 19 janvier. Les juifs restés en Pologne sont à présent confinés dans cinquante-cinq ghettos, dans les grandes villes et dans les petites villes qui ont été transformées en ghettos.

Il s'agit du récit de propagande qui avait donné lieu au conflit entre le Département d'Etat et le Trésor. Ainsi que nous l'avons noté à propos des remarques sur l'éditorial du New York Times du 18 décembre, une plus grande vraisemblance aurait été attachée à cette histoire si elles avait pu être présentée comme venant du Département d'Etat. Malheureusement pour les inventeurs de la propagande, ils durent se contenter à l'époque du rabbin Wise comme source avouée.

16 février 1943, p. 7
Les nazis déportent 30.000 juifs

GENEVE, Suisse, 15 fév. (ONA) [...] Selon des sources polonaises, toutes les personnes âgées et de faible constitution de Czestochowa, Pologne ont été envoyées à Rawa-Russka, en Galicie, pour être exécutées par les nazis.

23 février 1943, p. 23
Protestation contre les atrocités

Trois mille cinq cents enfants [...] ont tenu une assemblée solennelle de deuil et de protestation contre les atrocités nazies au Mecca Temple, 133 West Fifty-Fifth Street [...] Six enfants réfugiés ont raconté ce qu'ils avaient subi lorsqu'ils étaient aux mains des nazis.

2 mars 1943, p.1,4
Les participants à un rassemblement de masse demandent qu'on sauve les juifs condamnés

Une action immédiate de la part des Nations Unies pour sauver le plus grand nombre possible des cinq millions de juifs menacés d'extermination [...] a été exigée lors d'une manifestation de masse [...] au Madison Square Garden, la nuit dernière.
[...] (le rabbin Hertz a déclaré qu') «il est effrayant de constater que ceux qui proclament les Quatre Libertés ont très peu fait jusqu'à présent pour garantir ne fût-ce que la liberté de vivre à six millions de leurs semblables juifs, en s'empressant de porter secours à ceux qui pourraient encore échapper aux tortures et aux massacres par les nazis [...]»
[...] (Wendell Willkie a déclaré:) «Deux millions d'êtres humains ont déjà été assassinés, simplement parce qu'ils sont juifs, par tous les moyens démoniaques qu'a pu imaginés Hitler. Des millions d'autres juifs [...] sont menacés d'une destruction immédiate [...]»
[...] (Chaim Weizmann a déclaré:) «Deux millions de juifs ont déjà été exterminés [...]
Le devoir des démocraties est clair [...] Qu'elles négocient avec l'Allemagne par l'intermédiaire des pays neutres la libération possible des juifs des pays occupés [...] Ouvrez les portes de la Palestine à tous ceux qui pourront atteindre le rivage de la patrie juive [...]

7 mars 1943, p .30
600 juifs envoyés en Silésie

STOCKHOLM, Suède, 6 mars (Reuter) -- L'on sait maintenant que près de six cents juifs norvégiens [...] sont parvenus en Haute-Silésie polonaise. On a envoyé la plupart des hommes travailler dans les mines proches de Katowice.

10 mars 1943, p. 12
40.000 personnes en souvenir des juifs

Quarante mille personnes ont assisté [...] hier soir aux deux représentations de l'oeuvre dramatique «We Will Never Die» à la mémoire des deux millions de juifs tués en Europe[...] Le narrateur a déclaré: «Il ne restera plus de juifs en Europe pour les représenter quand viendra la paix. On est en train de tuer les quatre millions qu'il reste à tuer, conformément au plan».

1er avril 1943, p. 2
Des juifs français déportés et voués à l'oubli par les nazis
(Par câble au New York Times)

LONDRES, 31 mars -- Un système de «convois de la mort» par lequel les juifs français sont raflés [...] puis envoyés en divers endroits d'Europe orientale, après quoi on n'entend plus parler d'eux, telle est la description faite ici aujourd'hui par la section britannique du Congrès juif mondial, qui a affirmé que la terreur nazie et antisémite se concentre à présent «à pleine puissance» en France.
Appuyant son rapport sur des informations de première main fournies par un juif français (éminent) qui s'est réfugié dans un pays neutre, le Congrès a déclaré que le dernier «convoi» a quitté la France autour du 20 février. Il comprenait 3.000 juifs de toutes classes sociales et de tous âges, et tout ce qu'on a pu apprendre de sa destination éventuelle est que c'était quelque part à l'Est.
A la mi-février, a ajouté le Congrès, la Gestapo a effectué une descente au siège de l'Union Générale des Israélites de France à Lyon, a arrêté tout le personnel, l'a emmené au camp de concentration de Drancy et l'a également déporté depuis vers un «centre d'extermination» de l'autre côté de l'Europe.

Reitlinger (p. 327) nous dit que «moins d'un dixième des juifs qui ont été déportés (de France) possédaient la nationalité française». D'après ses chiffres, cela signifie peut-être cinq mille (personnes) sur les 240.000 juifs français et laisse supposer qu'il est possible que ces cinq mille se soient engagés comme travailleurs volontaires ou étaient en réalité des «politiques» ou des partisans. (33)

12 avril 1943, p. 5
Les nazis liquident les ghettos dans deux villes polonaises

LONDRES, 11 avril (AP) -- L'Agence télégraphique polonaise a déclaré ce soir que les Allemands avaient liquidé le ghetto de Cracovie par un massacre de trois jours, qui avait commencé le 13 mars, et avaient également éliminé le ghetto de Lodz.
Le sort des juifs de cette dernière ville n'était pas connu mais l'agence a dit que l'on pensait qu'ils avaient également été tués.

20 avril 1943, p. 11
Deux millions de juifs assassinés

LONDRES, 19 avril (Reuter) -- Deux millions de juifs ont été éliminés depuis que les nazis ont commencé leur marche à travers l'Europe en 1939 et cinq autres millions risquent d'être exécutés très prochainement. Ces chiffres ont été révélés dans le sixième rapport sur les conditions dans les territoires occupés publié par le Comité d'information inter-allié.
[...] Le rapport dit que les gaz toxiques et la fusillade figurent parmi les méthodes utilisées pour exterminer les juifs.

20 avril 1943, p. 11
Exhortation pour le sauvetage des juifs

Dans un mémorandum adressé hier à la Conférence sur les réfugiés qui se tient aux Bermudes, l'Agence juive pour la Palestine insiste pour que des mesures de sauvetage soient prises immédiatement en faveur des 4.000.000 de juifs qui, estime-t-on, survivent encore dans les pays occupés par les nazis.
L'Agence, dirigée par le Dr Chaim Weizmann, est reconnue dans le cadre du Mandat pour la Palestine comme organisme destiné à conseiller le gouvernement de Palestine et à collaborer avec lui pour les questions concernant l'établissement du foyer national juif.
Le mémorandum déclare que «si la politique annoncée par l'ennemi devait se poursuivre sans entraves, il n'est pas impossible qu'à l'heure où nous aurons gagné la guerre, la plus grande partie de la population juive d'Europe aura été exterminée».

25 avril 1943, p. 19
Faible espoir pour les victimes de l'Axe
Câble spécial au New York Times

HAMILTON, Bermudes, 24 avril - Le déplacement de réfugiés sur une vaste échelle est impossible dans les conditions de la guerre et ni les Etats-Unis ni la Grande-Bretagne, seuls ou conjointement, ne peuvent commencer à résoudre le problème des réfugiés. Ces deux impressions concrètes sont ce qui ressort ici après presque une semaine de discussions sur le problème des réfugiés entre les délégations américaine et britannique.»

Etant donné que presque tous les juifs hors du continent européen, en particulier ceux des Etats-Unis, croyaient aux allégations d'extermination, ils exercèrent des pressions politiques qui aboutirent à la Conférence des Bermudes. On pensait, (34) avec raison, que les nazis désiraient l'émigration des juifs d'Europe (dans des conditions appropriées) et cela plaçait les gouvernements britannique et américain, étant donné la propagande nécessitée par leur guerre, dans une situation embarrassante qui les obligeait à employer sans arrêt, à ce sujet, un langage équivoque. (35) Nous avons décrit le conflit qui était né à cet égard entre le Département d'Etat et le Trésor. Les Britanniques n'avaient pas l'intention, à l'époque, d'ouvrir les frontières de la Palestine et, comme les Américains, ils n'avaient pas l'intention de fournir, en pleine guerre, les moyens pour des opérations massives d'émigration des juifs pour des raisons qui n'auraient été valables que dans la mesure où les Alliés auraient pris leur propagande au sérieux. Mais aucun homme d'Etat moderne sensé ne croit à sa propre propagande. C'est le dilemme auquel étaient confrontés J.Breckenridge Long et d'autres membres du Département d'Etat.

Un autre point qu'il faut que nous notions ici, avant de passer à l'étude de la propagande, c'est qu'apparemment, le chiffre de six millions remonte à la propagande de 1942 et de 1943. Un examen du problème de l'origine du chiffre de six millions pourrait conduire à la conclusion qu'il remonte au TMI où le réquisitoire mentionna un chiffre (fourni par le Congrès juif mondial) de 5.721.800 juifs «manquants» et où Wilhelm Höttl, du SD, signa une déposition, le document PS-2738, affirmant qu'Eichmann lui avait donné le chiffre de six millions. Selon Höttl, Eichmann était venu lui rendre visite dans son bureau de Budapest. Il avait l'air abattu car il était convaincu que la guerre était perdue et parce qu'il pensait que les Alliés le puniraient comme grand criminel de guerre. Il avait alors déclaré à Höttl, sans la présence d'aucun autre témoin, que quatre millions de juifs avaient été tués dans des camps d'extermination et que deux millions d'autres étaient morts de diverses façons, principalement par des exécutions effectuées par les Einsatzgruppen en Russie.

Nous offrons ici une théorie différente concernant l'origine du chiffre de six millions. La toute première fois qu'il fit son apparition semble être la déclaration du 13 décembre 1942 du rabbin Goldstein, suivie par l'article du 20 décembre dans le même sens, excepté qu'il est question de sept millions de victimes potentielles menacées d'extermination plutôt que de six millions qu'implique la déclaration de Goldstein. L'on pourrait cependant faire valoir, avec justesse, qu'il ne faut pas déduire l'origine du chiffre de six millions à partir de ces seuls articles.

Toutefois, il faut prendre beaucoup plus au sérieux l'apparition, au cours des réunions publiques les 2 et 10 mars 1943, de l'allégation selon laquelle deux millions de juifs avaient été tués et quatre (ou cinq) millions allaient l'être. On trouve plus d'informations sur la deuxième réunion dans une annonce qui est également parue le 10 mars (p. 10), signalant que le spectacle avait été organisé par le «Comité pour une armée juive des juifs apatrides et palestiniens», dirigé par le sénateur Johnson du Colorado. L'annonce comporte la même allégation d'extermination (deux millions de tués, quatre millions de futurs tués) et dresse également la liste de ceux qui parrainaient l'organisation, liste qui comprenait de nombreux membres du Congrès et d'autres notables. La même organisation avait également publié une annonce sur toute une page le 16 février (p. 11), précisant qu'il y avait eu deux millions de tués et que quatre millions allaient l'être (et soutenant également que les seuls Arabes qui s'opposaient à une immigration juive massive en Palestine étaient des agents nazis). Les deux articles du 20 avril 1943 indiquent que la version de l'extermination selon laquelle deux millions de juifs avaient été tués et quatre (ou cinq) millions allaient les suivre était d'un usage assez répandu au début de 1943. Nous voyons donc que le monde politique, qui rédigea l'acte d'accusation à Nuremberg, faisait un usage très général du chiffre de six (ou sept) millions, longtemps avant la fin de la guerre. C'est pourquoi je crois que nous pouvons dater l'origine du chiffre de six millions de la propagande de la fin 1942 et du début 1943. Le fait que ce chiffre n'ait aucun rapport avec de quelconques données véritables se reflète dans la manière élaborée qu'a Reitlinger de s'excuser de penser qu'il ne peut parvenir qu'à 4,2 -- 4,6 millions de juifs, presque tous d'Europe orientale, qui ont péri en Europe pendant la seconde guerre mondiale, un tiers d'entre eux mourant d'«épuisement par le travail, de maladie, de faim et de manque de soins». (36) Cependant, les chiffres de Reitlinger ne s'appuient également pas, pour la plupart, sur des données réelles, mais nous parlerons de cela dans un chapitre ultérieur.

Il n'est pas du tout surprenant qu'on ait trouvé quelqu'un, après la guerre, pour venir déclarer à Nuremberg que le chiffre de la propagande était exact. Höttl, à vrai dire, convenait à merveille car c'était l'un de ces «agents» stéréotypés qui sont le fléau des services de renseignements. Né en 1915, il entra au SD en 1938 et acquit bientôt la réputation de confondre ses missions officielles avec ses affaires personnelles. Ses relations avec une comtesse polonaise de ses amis pour une affaire de terrains en Pologne conduisirent en 1942 la SS à enquêter sur ses activités. Le rapport rédigé à la suite de cette enquête le qualifiait de «malhonnête, intrigant, flagorneur [...] un véritable mystificateur», et concluait qu'il n'était même pas digne d'être membre de la SS, sans parler d'un service sensible comme le SD. Il fut en conséquence rétrogradé au rang de simple soldat mais la nomination à la tête du RSHA, au début de 1943, de Kaltenbrunner, qui était un compatriote autrichien qu'il avait connu à Vienne, semble l'avoir remis en selle; il était, à la fin de la guerre, lieutenant-colonel et occupait un poste de responsabilité au sein des services de renseignements chargés de l'étranger. Après la guerre, il travailla jusqu'en 1949 pour le service de contre-espionnage de l'armée américaine à démasquer d'anciens membres de la SS susceptibles de fournir des informations. Il réussit, dit-on, à rendre cet emploi assez lucratif. Après 1949, il plongea dans la fosse aux serpents qu'était Vienne à l'époque de la guerre froide, maintenant des contacts avec des néo-nazis, des agents soviétiques et avec presque tous les autres. Il entretint des rapports particulièrement étroits avec l'agent soviétique Kurt Ponger, naturalisé américain, dont il avait fait la connaissance à Nuremberg, où Ponger était traducteur lors du TMI. (Ajoutons qu'un certain Kurt Ponger, vraisemblablement la même personne, fut procureur dans le procès No 4 du TMN). Höttl fut dès lors suspecté lors de l'affaire d'espionnage Verber-Ponger, en 1953. Arrêté par les autorités américaines à Vienne en mars 1953, il fut cependant relâché quelques semaines plus tard. Au milieu des années cinquante, il publia deux livres sur ses expériences vécues pendant la guerre. En 1961, il signa un déposition sous serment pour le compte de l'accusation lors du procès Eichmann (identique, sur le fond, à celle qu'il avait faite pour le TMI). (37)

Des auteurs partageant mes positions ont écrit que Höttl était, pendant la guerre, un espion au service des Alliés. Ce n'est pas exact. Le seul élément réel pouvant justifier cette allégation est que Höttl fut en contact, vers la fin de la guerre, avec Allen Dulles, chef de l'OSS en Suisse. Cela faisait partie de ses fonctions; le RSHA essayait de parvenir à une conclusion favorable des hostilités et Höttl fut l'un de ceux qui eurent des contacts secrets avec les Alliés occidentaux. Il n'est pas douteux qu'au cours des toutes dernières semaines de la guerre, nombre de ces officiers des renseignements avaient commencé à manoeuvrer en pensant à leurs intérêts personnels et il est également certain que Höttl aurait été enchanté d'être recruté comme agent allié à ce moment critique de la guerre; il se peut même qu'il ait rendu service à Dulles en ayant présente à l'esprit cette éventualité. Cependant, ces contacts ne prouvent pas plus que Höttl était un agent des Alliés qu'ils ne prouvent que Dulles était un agent de l'Axe (on raconte même que Dulles glissait quelques remarques antisémites dans la conversation lorsqu'il essayait de gagner la confiance de certains agents de liaison allemands). (38) Si Höttl avait été un agent des Alliés, il semble qu'il s'en serait vanté dans l'un de ses deux livres (The Secret Front et Hitler's Paper Weapons), mais il n'en parle pas. En outre, Ian Colvin, qui en sait plus que n'importe qui dans ce domaine, a écrit une introduction à The Secret Front et ne fait aucune remarque à cet égard.

27 avril 1943, p. 10

Des déportés norvégiens meurent

STOCKHOLM, Suède, 26 avril (ONA) - Selon des informations parvenues d'Oslo aujourd'hui, la plupart des femmes et des enfants juifs déportés de Norvège [...] sont morts de faim.
Les convois de déportés qui ont quitté Oslo en novembre et en février ont été acheminés vers leur destination finale, dans la région minière de Silésie, à la périphérie de Katowice [...]

3 mai 1943, p. 12
L'attitude de la Grande-Bretagne envers les réfugiés est jugée sévèrement

Un public de mille cinq cents personnes [...] a écouté Pierre van Paassen [...] affirmer que la Palestine était la seule solution au problème des réfugiés.
[...] M. van Paassen a déclaré que la Grande-Bretagne a fait de la conférence qui s'est tenue aux Bermudes,[...] un objet de dérision en refusant d'envisager la Palestine comme solution possible.
«La Grande-Bretagne a conscience que la modernisation de la Palestine par les juifs met en danger les piliers de son empire [...] Telle est la véritable raison pour laquelle un plus grand nombre de juifs risquent de mourir: la Grande-Bretagne n'accepte pas de leur ouvrir les portes de la Palestine».

20 mai 1943, p. 12
Eden lie la victoire aux espoirs des réfugiés
(Câble spécial au New York Times)

LONDRES, 19 mai [...] Eden [...] a insisté sur le fait qu'il n'est pas juste d'accuser le gouvernement britannique d'ignorer complètement la situation.
[...] il a révélé que le Cabinet de guerre avait approuvé le rapport de la Conférence des Bermudes [...]
LONDRES, 19 mai (Reuter) - Le Congrès juif mondial [...] a exprimé sa profonde déception devant les résultats de la Conférence des Bermudes.
La note [...] signalait que la route de la Palestine est également libre à présent.»

22 mai 1943, p. 4
Le dernier sursaut des juifs a fait mille morts parmi les nazis
Par câble au New York Times

LONDRES, 21 mai -- Près de mille Allemands ont été tués ou blessés dans la bataille du ghetto de Varsovie ces deux dernières semaines, quand les nazis ont entrepris la liquidation finale du ghetto.
[...] On a recueilli aujourd'hui d'autres détails sur la campagne antisémite en Pologne en écoutant la station de radio clandestine SWIT, qui a annoncé que les nazis avaient commencé la liquidation du ghetto de Cracovie et de Stanislawow [...] en tirant sur les juifs partout où ils les trouvaient ou en les tuant dans des chambres à gaz.

7 juin 1943, p. 15
«Rassemblement de l'espoir»

Six mille enfants [...] ont participé hier à un «rassemblement de l'espoir» [...]
«[...] des enfants juifs et leurs parents sont torturés et mis à mort par un ennemi barbare [...]» "

9 juin 1943, p. 3

LONDRES, 8 juin (Reuter) -- Au moins trois mille cinq cents juifs ont été déportés récemment de Salonique, en Grèce, vers la Pologne, a-t-on déclaré ici aujourd'hui. Les hommes, les femmes et les enfants ont été entassés indistinctement dans des wagons à bestiaux qui ont ensuite été scellés».

13 juin 1943, p .8
Gazages de réfugiés par les nazis
Par téléphone au New York Times

STOCKHOLM, Suède, 12 juin -- Plus de dix mille juifs ont été tués depuis octobre dernier dans le district de Brest-Litovsk [...] selon le Jewish Chronicle qui paraît en suédois à Stockholm.
Des milliers ont été gazés dans des granges hermétiquement fermées et d'autres ont été fusillés par groupes de soixante dans des forêts voisines, selon ce journal.
[...] Quand le Dr Robert Ley, chef du Front du Travail allemand, est venu récemment à Königsberg, Bialystok et Grodno, il a déclaré: «Les juifs sont la race élue, c'est entendu -- mais uniquement pour l'extermination».

15 juin 1943, p .8
Les nazis déportent cinquante-deux mille juifs belges

LONDRES, 14 juin (AP) -- Le gouvernement belge en exil a déclaré aujourd'hui que les Allemands avaient déporté la quasi-totalité des cinquante-deux mille juifs de Belgique dans des camps de concentration en Allemagne, en Pologne et en Russie occupée.

Reitlinger indique que la situation en Belgique était la même qu'en France. Parmi les juifs déportés de Belgique, «aucun pour ainsi dire» n'étaient des juifs belges. Il est intéressant de noter qu'il en fut essentiellement de même pour l'Italie et le Danemark. (39)

21 juin 1943, p. 2
La conférence des Bermudes en butte aux critiques

Une résolution condamnant l'«inaction» de la Conférence des Bermudes et une autre demandant au président Roosevelt et au Premier ministre Winston Churchill d'ouvrir les portes de la Palestine aux réfugiés ont été adoptées hier à l'unanimité par l'ordre des Fils de Sion [...] à l'Hôtel Pennsylvania.

21 juin 1943, p. 3
Les Roumains impliqués dans l'assassinat de cinq mille juifs

BERNE, Suisse, 20 juin (U.P.) -- Les journaux suisses ont écrit ce soir que les cinq mille cadavres qui, selon les propagandistes de l'Axe, avaient été enterrés près d'Odessa étaient ceux de juifs roumains tués par la police secrète roumaine.
La presse roumaine a annoncé la découverte du charnier le 22 avril, en affirmant que les cadavres étaient ceux de Roumains tués par les Russes après l'occupation, par ces derniers, de la Bessarabie et de la Bucovine en 1940.

23 juin 1943, p .8
Les juifs des Pays-Bas déportés par les nazis

LONDRES, 22 juin (U.P.) -- Selon l'agence d'informations Aneta, tous les juifs d'Amsterdam ont été déportés par les Allemands en Plogne, ce qui achève ainsi le transfert de la totalité de la population juive des Pays-Bas.

Cela n'est pas vrai; néanmoins, la majeure partie des juifs hollandais a été déportée. Nous verrons dans un prochain chapitre pourquoi il existe de grandes différences entre la politique suivie aux Pays-Bas (et au Luxembourg) d'une part, et la politique suivie en Belgique et en France, ainsi que dans d'autres pays, d'autre part. Nous montrerons que la destination finale, qu'il ne faut pas confondre avec la destination provisoire, des juifs déportés des Pays-Bas n'était très probablement pas la Pologne. Sur les cent quarante mille juifs hollandais, environ cent mille furent déportés. (40)

28 juin 1943, p .8

LONDRES, 27 juin (Reuter) -- La radio allemande a annoncé ce soir que le Premier ministre de Hongrie, Nicholas von Kallay, avait déclaré que tous les biens qui restaient des juifs en Hongrie seraient remis à des «aryens» à la fin de cette année. Ces biens seront distribués parmi ceux qui se sont distingués au front et aux familles nombreuses, a-t-il été déclaré.

29 juin 1943, p. 6
Les nazis exécutent cent cinquante juifs

LONDRES, 28 juin (Agence d'informations des Pays-Bas) -- Les Allemands se sont lancés dans des exécutions massives des juifs des Pays-Bas déportés en Pologne, a-t-on appris ce soir.
[...] cent cinquante juifs du village de Turck ont été fauchés à la mitrailleuse [...]
A Socky [...] trois cent quarante juifs des Pays-Bas ont été mitraillés et cent femmes et enfants ont été tués près de Potok [...]
Ils faisaient partie des milliers de juifs qui avaient été déportés des Pays-Bas au tristement célèbre camp de concentration de Treblinka.

Il semble étrange de transporter des gens hors d'un camp d'extermination pour les tuer ensuite. Non seulement celui qui a concocté cette histoire n'était manifestement pas au courant de ce que Treblinka était supposé être, mais il ignorait également l'importance du nombre des victimes qui, dit-on, auraient été supprimées.

21 juillet 1943, p. 13
Une aide rapide est demandée pour les juifs d'Europe

Lors de la séance d'ouverture de la Conférence de l'Urgence pour Sauver les Juifs d'Europe qui s'est tenue à l'Hôtel Commodore, les orateurs ont réclamé la nuit dernière une action immédiate pour sauver les juifs des pays qui se trouvent sous la domination nazie.
[...] Rogers, qui siège à la Chambre des représentants, a signalé qu'environ trois millions des sept millions de juifs d'Europe ont déjà péri et a insisté sur le fait qu'«il s'agit d'un problème qui ne pourra pas être résolu par de simples paroles et des protestations de routine».
[...] «Il existe certainement assez de territoires libres et de régions non peuplées pour y mettre quatre millions d'êtres humains torturés», a-t-il dit. «La Palestine est l'endroit logique. C'est plus près et l'on peut y aller par voie de terre plutôt que par la mer [...]»
[...] Le comte Sforza a exprimé l'espoir que les juifs et les Arabes sauront collaborer à l'avenir pour créer une grande fédération du Proche-Orient dont la Palestine serait membre.

2 août 1943, p. 10
Seize millions d e réfugiés dus à l'Axe

WASHINGTON, 1er août -- Une étude du problème des réfugiés européens, publiée aujourd'hui par l'Association pour la politique étrangère, dit que seul un effort collectif de la part des grandes puissances ou d'une organisation internationale pourrait résoudre efficacement la situation qui se présentera après la fin de la guerre.
[...] Sur la base des informations des gouvernements en exil et d'autres informateurs, dit le rapport, on a estimé que sur les juifs qui vivaient en 1939 dans les pays d'Europe occupée à présent par les puissances de l'Axe deux millions ont déjà été déportés ou ont péri par différentes formes de mauvais traitements ou en raison d'une extermination délibérée.

L'Association pour la politique étrangère ne semble pas très sûre d'elle-même en affirmant l'existence des exterminations car elle donne l'impression que la plupart des juifs ont été «déportés» alors qu'à l'époque, les propagandistes parlaient de trois millions de juifs morts.

8 août 1943, p. 11
Les nazis accusés deux millions de meurtres

LONDRES, 7 août - Polish Labor Fights, publication qui est parue ici aujourd'hui, a fourni une description d'une maison utilisée par les Allemands à Treblinka, en Pologne, pour l'extermination des juifs. Rien qu'à cet endroit, dit-on, les Allemands ont tué deux millions de personnes.
[...] «Quand les cellules sont pleines, on les ferme hermétiquement. De la vapeur est envoyée par des ouvertures et les victimes commencent à suffoquer. On entend d'abord des cris mais ils diminuent peu à peu et tout est silencieux au bout de quinze minutes. L'exécution est terminée.
Il arrive souvent qu'un fossoyeur soit trop faible pour transporter deux cadavres, comme il en a l'ordre; il attache alors les bras ou les jambes ensemble et il court, en tirant les cadavres derrière lui, jusqu'à l'endroit où on les enterre.

Bien entendu, la version qui a eu cours après la guerre était que les cadavres étaient incinérés et non enterrés, étant donné que ces millions de cadavres de juifs enterrés n'ont tout bonnement pas existé.

27 août 1943, p. 7
Un rapport révèle le sort de 8.300.000 juifs

[...] une étude de 300 pages publiée hier par le [...] Congrès juif américain et le Congrès juif mondial.
Plus de 3.000.000 de juifs ont été détruits par la famine organisée, le travail forcé, les déportations, les pogromes et des assassinats méthodiques dans des centres d'extermination allemands en Europe orientale, depuis le début de la guerre en 1939, selon ce rapport, alors que 1.800.000 juifs ont été sauvés en émigrant à l'intérieur de l'Union Soviétique et 180.000 ont réussi à émigrer vers d'autres pays.
[...] L'étude [...] déclare que 1.700.000 juifs ont été les victimes de massacres organisés et de pogromes [...] que 750.000 juifs sont morts de la faim et de ses conséquences et que 350.000 sont morts en déportation.

 Allemagne 110.000  Belgique 30.000
Pologne 1.600.000 Hollande 45.000
URSS 650.000 France 56.000
Lituanie 105.000 Tchécoslovaquie 64.500
Lettonie 65.000  Dantzig 250
Autriche 19.500 Estonie 3000
Roumanie 227.500 Norvège 800
Yougoslavie 35.000    
Grèce 18.500 TOTAL 3.030.050

27 août 1943, p. 7
La politique délibérée d'assassinat des nazis est révélée par un organisme officiel allié

LONDRES, 26 août (U.P.) -- Le Comité d'information inter-allié [...] a accusé ce soir l'Allemagne, l'Italie et leurs satellites d'appliquer [...] un programme délibéré de vols, d'assassinats, de tortures et d'atrocités, sans parallèle dans l'histoire du monde.
[...] Pologne -- L'épuisement, la torture, la maladie et les exécutions font que l'espérance de vie n'est que de neuf mois pour celui qui est jeté dans un camp de concentration. Les conditions sont particulièrement dures au camp d'Oswiecim où, croit-on, 58.000 personnes ont péri.
Au moins 1.000.000 de juifs ont été massacrés, affamés ou battus à mort en Pologne au cours des trois dernières années. A Varsovie, les rations alimentaires ne représentent que 23,4 pour cent des calories nécessaires pour maintenir un être humain en vie.

Il s'agit là d'une des très rares références précises, datant d'avant 1944, relatives au camp de concentration d'Auschwitz (bien que les articles du 7 mars et du 27 avril aient comporté des références indirectes). Ce qui est intéressant dans cette référence à Auschwitz, c'est qu'elle est exacte pour l'essentiel, comme nous en trouverons la confirmation au chapitre suivant, bien qu'on ne puisse pas être certain de l'exactitude du chiffre de 58.000 morts. La «torture» et les «exécutions» ne devraient pas, de plus, figurer dans les causes du taux de mortalité élevé. Le point important à noter est que cet article dément implicitement les récits d'extermination qui avaient cours selon lesquels des milliers de détenus étaient tués presque chaque jour à Auschwitz, cette extermination ayant commencé au plus tard pendant l'été 1942 et s'étant poursuivie jusqu'à l'automne 1944.

8 octobre 1943, p. 5
Tous les juifs doivent quitter l'Europe

STOCKHOLM, Suède, 7 octobre -- Selon des milieux bien informés de Stockholm, un décret a été publié à Berlin ordonnant que tous les juifs soient déportés hors d'Europe avant la fin de la guerre. Cet ordre, indique la source, a été donné par Adolf Hitler lui-même.
[...] L'homme qui est derrière la persécution nazie des juifs danois est celui qu'on appelle le «dictateur des juifs», le membre des sections d'assaut Eighmann (sic) [...] qui est né en Palestine; il est le fils d'émigrants allemands et a été élevé dans ce pays; il est connu pour sa haine sadique des juifs. C'est lui qui a organisé toute l'action d'extermination contre les juifs en Allemagne et dans les territoires occupés [...]»

Cela semble marquer l'entrée en scène d'Eichmann dans la propagande et c'est vraisemblablement là qu'on peut trouver l'origine du mythe qui veut qu'il ait été élevé en Palestine (il est né à Solingen, en Allemagne, et a été élevé à Linz, en Autriche).

23 novembre 1943, p. 4
La femme de Mikolajczyk otage des Allemands

L'Agence télégraphique polonaise a fait savoir hier de Londres que la femme, âgée de 43 ans, du Premier ministre de Pologne, Stanislaw Mikolajczyk, est détenue comme otage par les Allemands au camp de concentration d'Oswiecim et risque peut-être d'être exécutée de manière imminente.
[...] Oswiecim est la prison allemande la plus tristement célèbre de Pologne, où des milliers de victimes sans défense ont été torturées à mort [...]
Les noms des principaux responsables allemands du massacre des juifs polonais ont été donnés dans une déclaration polonaise à Londres [...]
«Ils sont dix, leur chef est Ludwig Fischer, gouverneur nazi de la région de Varsovie [...] Un membre du Conseil national polonais a déclaré que la plupart des juifs de Pologne avaient déjà été exterminés».

29 novembre 1943, p. 3
50.000 juifs de Kiev tués
Par W.H. Lawrence

KIEV, Russie, 22 octobre (Différé) -- Les autorités de Kiev ont affirmé aujourd'hui que les Allemands avaient abattu à la mitrailleuse de 50.000 à 80.000 juifs de Kiev, hommes, femmes et enfants, à la fin septembre 1941, et que, deux ans plus tard -- quand la reconquête de Kiev par l'Armée Rouge semblait imminente -- ils avaient obligé des prisonniers de guerre russes à brûler tous les cadavres, détruisant complètement toutes les preuves de ce crime.
[...] Sur la base de ce que nous avons vu, il nous est impossible de dire si ce qu'on nous a raconté est vrai ou faux. [...]

6 décembre 1943, p. 10
Les Allemands ont assassiné des prisonniers

LONDRES, 5 décembre (U.P.) -- Un officier de l'armée tchèque, qui a passé plusieurs années dans un camp de prisonniers allemand avant de s'évader pour l'Angleterre, a apporté la preuve au gouvernement tchèque en exil que des prisonniers de guerre russes étaient exécutés et incinérés dans des camps de concentration allemands.
[...] Cet officier avait eu les dents brisées à la suite de coups de pied reçus sur la bouche, il était sourd d'une oreille, en raison d'un coup reçu sur la tête et il portait sur le corps la cicatrice d'un svastika que les Allemands avaient dessiné dans sa chair, un jour qu'il était allé se faire soigner d'une infection.
Des juifs ont été choisis au hasard parmi les prisonniers du camp et fusillés, a-t-il déclaré. [...]

Nous achevons ici l'examen des articles du New York Times, relatifs à notre sujet, pour la période comprise entre le printemps 1942 et la fin de 1943. Il m'a fallu, bien entendu, opérer une sélection mais je pense avoir donné une image fidèle du genre d'histoires qui circulaient dans des milieux supposés intelligents.

Ce que l'on ne peut pas restituer, c'est l'atmosphère hystérique de l'époque. Un lecteur plus observateur qu'à l'accoutumée aura remarqué que de nombreux articles, en particulier ceux qui rapportent des cas précis d'assassinats en masse, sont relégués loin de la première page. En politique, seule la première page compte et ces informations sont rarement parues en première page. Si Roosevelt faisait une déclaration, cela paraissait normalement en première page mais uniquement parce que c'était lui qui le disait et non parce qu'il avait dit quelque chose d'intéressant ou d'important. Les allégations d'extermination des juifs ne semblent pas avoir eu une grande importance pour le public, pendant la guerre, si l'on en juge par le fait que les articles s'y rapportant n'étaient pas du tout mis en avant. Pour l'exprimer d'une autre façon, je dirais qu'en dépouillant les journaux de l'époque, on y constate, cela est manifeste, une forte hostilité envers les nazis, mais il est pour ainsi dire impossible de déterminer la raison précise de cette hostilité. Il manque donc à notre étude une touche émotionnelle, mais c'est inévitable.

Il convient de faire deux remarques essentielles à propos de la propagande d'extermination. En premier lieu, la légende est d'origine sioniste et, en second lieu, ce n'est qu'à un moment très avancé de la guerre qu'on a commencé à présenter Auschwitz comme un camp d'extermination.

Nous avons vu que les premières allégations d'extermination ne s'appuyaient sur aucune donnée fournie par un service de renseignements. Les sionistes, principalement le Congrès juif mondial, se contentaient de présenter leurs absurdités aux gouvernements alliés, en particulier au gouvernement américain, en leur demandant d'y apporter leur caution. Les premières réactions, à Washington, furent de se moquer de ces allégations. Cependant, à la suite de diverses pressions politiques, et uniquement à cause de ces pressions, et non parce que des informations corroborantes avaient été fournies par les services de renseignements militaires, les milieux officiels de Washington participèrent en fin de compte à la propagande de l'extermination, en faisant faire de vagues déclarations à des officiels haut placés et en laissant les agences de propagande faire des déclarations plus précises mais de nature obscure. La propagande était caractérisée, à ses débuts, par des éléments qui ont été conservés par la légende jusqu'à nos jours, comme le chiffre de six millions, et par d'autres qui ont été rapidement oubliés, comme les fabriques de savon, bien que ces deux éléments aient eu pour auteurs les mêmes cercles sionistes.

Concernant notre terminologie, il convient de noter que nous n'employons pas ici le mot «sioniste» comme un substitut pour «juif». La mystification est certainement une mystification juive, en ce sens qu'elle a été inventée par des juifs, mais c'est également une mystification sioniste, en ce sens qu'elle a été inventée par des juifs qui étaient sionistes et cela dans un but sioniste. Le caractère sioniste de la propagande est tout à fait clair; il faut noter qu'en règle générale, ceux qui insistaient pour qu'on évacue les juifs d'Europe (proposition normale et compréhensible étant donné les circonstances) réclamaient en même temps la réinstallation de ces juifs en Palestine, ce qui montre que les propagandistes sionistes avaient bien autre chose en tête que la simple assistance aux réfugiés et aux victimes des persécutions.

Nous avons également noté qu'Auschwitz était absent de la propagande sur l'extermination, en 1942 et en 1943, alors que, s'il y avait eu des exterminations en cours en un endroit aussi important, les services de renseignement militaires en auraient certainement eu connaissance. Assurément, on trouve mention d'Auschwitz dans cette propagande mais les allégations précises, concernant un taux de mortalité élevé dû à des causes plus ou moins naturelles, étaient vraies pour l'essentiel, en dépit des exagérations dont elles ont pu faire l'objet. Il n'y était pas fait mention de chambres à gaz ni d'exterminations. C'est du moins ce que j'ai constaté après une étude assez approfondie de la propagande d'extermination en 1942 et en 1943; Treblinka, Belzec et Chelmno sont cités dans les articles se rapportant aux exterminations, mais pas Auschwitz.

Cette constatation est confirmée par l'examen que j'ai effectué des périodiques et des livres de cette période. Trois publications présentent un intérêt particulier. Le numéro du 4 juin 1943 de Commonweal comportait un article de Jacques Maritain qui résumait ce qu'il croyait être, manifestement après une enquête, les caractéristiques principales du programme d'extermination. Il ne parle pas d'Auschwitz mais mentionne toutefois des exterminations par «gaz toxiques, électrocution, entassement des victimes dans des espaces clos où l'asphyxie se produit graduellement, suffocation [...] dans des wagons de marchandises fermés hermétiquement». Chelmno est cité en particulier.

Le New Republic du 30 août 1943 était un numéro spécial consacré à la situation des juifs en Europe et ne faisait pas mention d'Auschwitz. Une annonce de deux pages payée par le Jewish Labor Committee (New York), mentionne seulement Treblinka, Belzec et des «wagons hermétiquement fermés où les juifs sont empoisonnés».

Le Survey Graphic d'avril 1943 comporte un article de deux pages de William L. Shirer. Le sujet en est toute la série des prétendues atrocités allemandes et c'est pourquoi Auschwitz (Oswiecim) est cité mais seulement à propos d'un (prétendu) taux élevé de décès de deux cent cinquante Polonais par jour, à cause «des exécutions, des traitements inhumains, de la faim et des épidémies». Shirer prétend qu'on exterminait les juifs à Belzec.

Il cite un rapport du 7 mars 1943 du gouvernement polonais en exil à Londres comme source des déclarations sur Auschwitz. Il s'agit, à ma connaissance, de la toute première mention d'Auschwitz dans la propagande. La seule autre mention qui puisse prétendre à l'antériorité se trouve dans The Black Book of Polish Jewry, éd. J. Apenszlak, 1943. Aux pages 56 et 59, il est question d'informations, parues au début de 1942 dans l'East London Observer, selon lesquelles les cendres des juifs qui avaient été déportés à Auschwitz étaient restituées à leur famille (ce qui est en contradiction avec les affirmations de la propagande d'après-guerre). Malgré tous mes efforts, je ne suis cependant pas parvenu à retrouver trace de l'existence de l'East London Observer. The Black Book ne parle pas d'exterminations à Auschwitz mais d'exterminations au moyen d'un camion à gaz à Chelmno (p. 115-117, conforme aux allégations ultérieures), par électrocution dans une piscine à Belzec, les cadavres étant ensuite enterrés (p.131, non conforme), en abandonnant les victimes dans des wagons à marchandises pendant plusieurs jours près de Belzec et les incinérant ensuite (pp.137-138, non conforme), par des bains de vapeur à Treblinka, les cadavres étant ensuite enterrés (p.143, non conforme; le moteur Diesel dont les gaz d'échappement servaient à tuer les victimes dans des versions ultérieures de cette histoire sert à creuser les fosses dans The Black Book ).

Il reste une source qui donne l'impression qu'Auschwitz a fait son apparition dans la propagande d'extermination au début de 1943 ou même plus tôt. Il s'agit du livre The Devil's Chemists de Josiah DuBois que nous avons déjà rencontré en sa qualité de fonctionnaire du Trésor pendant la guerre. Lors du TMN, après la guerre, DuBois fut procureur en chef au procès I. G. Farben. Son livre est le récit du procès mais il aborde d'autres sujets connexes. Il raconte qu'il avait eu sur son bureau, en novembre 1942, un message concernant Auschwitz. Le message reproduisait le contenu d'une note, un «testament froissé par le désespoir» qui aurait été rédigé par un détenu travaillant à Auschwitz et qui était ensuite parvenu à Berne, en passant clandestinement, de main en main:

«Nous travaillions dans l'immense fabrique de "buna" [...] Il y avait une chaîne de postes de sentinelles pour la surveillance des travailleurs (sur 10 mètres carrés) et quiconque franchissait les limites était abattu sans sommation "pour tentative d'évasion". Mais tous les jours de nouvelles tentatives avaient lieu, y compris par des hommes qui essayaient de franchir les postes de sentinelles en rampant parce qu'ils ne pouvaient plus marcher».

La note appliquait également à Ter Meer, de chez I. G. Farben, «le cliché du nazi à la croix gammée, armé de sa cravache, avec son sourire méprisant (ce qui n'a jamais caractérisé Ter Meer à aucun moment de sa vie)». A en juger par l'origine et l'histoire prétendues de la note, tout cela apparaît assez saugrenu mais nous devons retenir un fait très réel qui y est évoqué, à savoir qu'à peu près à cette époque, il y avait à Auschwitz de nombreux ouvriers qui n'étaient pas, en effet, en état de travailler ou même de marcher. Ce message n'était donc pas véritablement de la propagande (d'extermination) et, s'il a réellement existé, tout ce qu'il montre est que les propagandistes étaient bien informés, fin 1942, de ce qui se passait à Auschwitz.

DuBois entreprend ensuite de tromper ses lecteurs en écrivant que les deux messages de janvier et d'avril 1943, envoyés par Harrison au Département d'Etat et dont nous avons parlé plus haut, concernent Auschwitz, à savoir que c'était à Auschwitz que six mille détenus étaient, dit-on, tués chaque jour. En agissant ainsi, DuBois fait tout bonnement de la désinformation. La raison qui le pousse à faire cela semble être le fait que, en tant que procureur au procès I. G. Farben, il essayait par tous les moyens de gonfler l'importance d'Auschwitz et c'est pourquoi il a lu dans le dossier quelque chose qui n'y était tout simplement pas. (41)

Les réactions allemandes

Il est intéressant d'examiner au passage ce que disaient les Allemands de la propagande alliée. Nous avons vu que von Stumm, du service de presse du ministère allemand des Affaires étrangères, s'est moqué de l'accusation d'extermination la première fois qu'elle fut lancée par les gouvernements alliés, mais il s'agissait là d'un exemple rare de réaction, de la part du gouvernement allemand, face à une invention précise de la propagande alliée. Dans l'hebdomadaire Das Reich, publié par Goebbels, et dans le Völkischer Beobachter, le quotidien du parti nazi, on trouve beaucoup de commentaires de d'ordre général sur la Greuelpropaganda (propagande fondée sur les atrocités) mais peu d'allusions à des allégations précises de la propagande, comme celle selon laquelle les prisonniers de guerre américains et britanniques étaient affamés et torturés et les diverses inventions macabres d'Hollywood, comme celle qui prétendait que les Allemands recueillaient le sang des enfants dans les pays occupés, pour le destiner à la Wehrmacht.

La raison de ce relatif silence à propos d'allégations précises de la propagande était sans doute qu'il n'était pas nécessaire, du point de vue allemand, d'examiner son contenu. L'on avait déjà vu cela pendant la première guerre mondiale. La presse allemande traitait donc de la Greuelpropaganda à un niveau plus haut et, plutôt que de s'intéresser au contenu précis des histoires, elle cherchait à mettre en évidence les intérêts politiques que servait la propagande et l'étendue et les moyens de l'influence juive dans la presse alliée (voy., par exemple, Das Reich du 20 décembre 1942).

Le rapport du War Refugee Board: naissance de la légende d'Auschwitz

La caution officielle apportée par Washington à l'allégation selon laquelle Auschwitz était un camp d'extermination vint en novembre 1944, après la fin présumée du programme des massacres, sous la forme du rapport du WRB (l'allégation était apparue auparavant à de nombreuses reprises dans la propagande, au cours de 1944; nous y reviendrons dans un chapitre ultérieur). La publication du rapport fut annoncée par le New York Times du 26 novembre 1944 (p. 1) et des extraits en furent donnés.

Le rapport du WRB est présenté comme se composant de deux rapports, l'un écrit par «deux jeunes juifs slovaques» et l'autre par «un commandant polonais», tous trois ayant été détenus à Auschwitz du printemps 1942 au printemps 1944, moment où ils se sont évadés (les deux juifs le 7 avril). Il y a également un bref supplément écrit, nous dit-on, par deux autres jeunes juifs qui s'étaient évadés le 27 mai 1944 et s'étaient rendus en Slovaquie (sous domination allemande jusqu'en 1945) pour rédiger un rapport qui aurait été reçu en Suisse le 6 août 1944. Les auteurs restent dans l'anonymat complet car, nous dit-on en guise d'excuse, «leurs noms ne seront pas divulgués pour le moment, dans l'intérêt de leur propre sécurité».

Les récits 1, 2 et 3 constituent la première partie du rapport et le récit 4 la seconde partie. Le premier récit représente la plus grande partie du rapport. Il aurait été écrit par un juif slovaque qui était arrivé à Auschwitz le 13 avril 1942 et avait reçu un numéro matricule (tatoué sur son sein gauche) aux alentours de 29.000. Il tint par la suite les registres de l'infirmerie de Birkenau. Ce premier récit comporte un relevé détaillé des convois arrivés à Auschwitz pendant la période d'avril 1942 à avril 1944, avec les matricules attribués aux arrivants. Environ 55 groupes de convois (il y a parfois plus d'un convoi dans un groupe) sont comptabilisés et les numéros matricules (approximatifs de l'aveu même de l'auteur du récit) attribués aux personnes de chaque groupe sont donnés. Les numéros commencent à 27.400 et vont jusqu'à 189.000 selon le système de numérotation (consécutif), un même numéro n'étant jamais utilisé deux fois. Pour chaque groupe sont indiquées les nationalités ainsi que d'autres informations (juif ou aryen, prisonniers politiques ou autres, les noms de certains détenus, le nombre de ceux qui étaient «gazés» au lieu d'être enregistrés, etc.). Le rapport du WRB, s'il est approximativement exact sur ces points (en interprétant les personnes «gazées» comme n'ayant jamais existé ou ayant été envoyés vers une autre destination), est l'une des quelques sources connues comportant un nombre important de renseignements de ce genre (une autre source est la série de rapports de la Croix-Rouge néerlandaise dont il est question dans l'Annexe C).

Presque tous ces renseignements sont donnés par l'auteur du premier récit du rapport du WRB mais, après son évasion, les auteurs du troisième récit, supplémentaire, du rapport ont tenu cette comptabilité pour la période comprise entre le 7 avril et le 27 mai 1944 et l'ont ajoutée au rapport.

Le deuxième récit du rapport aurait été écrit par un juif slovaque arrivé au camp de Lublin vers le 4 juin 1942 mais qui fut envoyé à Auschwitz vers le 30 juin 1942. Selon le premier récit du rapport, il aurait alors reçu un numéro matricule aux alentours de 44.000 qui fut tatoué sur son avant-bras gauche (le système du tatouage avait changé). Les deux auteurs des deux premiers récits du rapport sont les deux jeunes juifs slovaques qui s'étaient échappés ensemble le 7 avril 1944. Le troisième récit du rapport est le bref supplément et le quatrième récit est rédigé par le «commandant polonais».

Le fait que les auteurs soient restés anonymes est certainement un point faible du rapport, mais c'est le contenu même de ce rapport qui nous fait douter de sa vraisemblance. L'examen montre que les informations données dans ce rapport, (dont la véracité oscille très probablement entre la totalité et la moitié), peuvent avoir été élaborées à partir de renseignements fournis par l'espionnage et non à partir de rapports de «deux jeunes juifs slovaques et d'un commandant polonais» qui «se sont évadés». C'est exactement ce à quoi l'on devrait s'attendre; les ennemis de l'Allemagne disposaient de certains moyens pour rassembler des informations sur les camps allemands et sur ce qui se passait en Europe et ont simplement utilisé les renseignements recueillis par ces méthodes conventionnelles (en y apportant de sérieuses retouches), pour composer le rapport du WRB. Il n'est tout bonnement pas croyable qu'ils en aient été réduits, pour le centre industriel d'Auschwitz, à dépendre, pour leurs informations, d'évasions miraculeuses de prisonniers exceptionnellement bien informés. Nous développerons ce point plus loin. Bien entendu, une telle observation n'exclut pas qu'on ait utilisé des rapports fournis par d'anciens travailleurs ou détenus d'Auschwitz, évadés ou autres, pour compléter les renseignements.

Le rapport contient les informations (ou estimations, ou supputations, ou allégations, ou inventions) suivantes:

1/ Le nombre de prisonniers à Auschwitz I au mois d'avril 1942, les principales nationalités présentes et les raisons principales de l'internement. Description du système d'immatriculation des détenus et du «système d'étoiles» des insignes portés par les détenus. Une liste de diverses usines de la région (partie I, 1-2).

2/ Une carte précise de la région, comparable à l'Ill. No 5 (partie I, 4).

3/ Dimensions du camp d'Auschwitz I, de ses clôtures (périmètre) et de ses miradors (hauteur). Idem pour Birkenau. Description des baraquements (partie I, 5-7).

4/ En cas de mort naturelle d'un prisonnier, un certificat de décès était établi et envoyé à l'administration centrale des camps, à Oranienburg. Si le détenu était gazé, son nom était inscrit dans un registre spécial et suivi des lettres «S.B.» (Sonderbehandlung, traitement spécial) (partie I, 9).

5/ Quatre bâtiments, appelés crématoires I, II, III et IV, étaient utilisés au printemps de 1944 à Birkenau; l'un d'entre eux, au moins, avait commencé à être utilisé en février 1943. Chaque bâtiment contenait: (A) une salle des fours; (B) une grande salle; (C) une chambre à gaz. Les deux premiers bâtiments contenaient chacun 36 fours et les deux autres 18 chacun. On mettait trois cadavres à la fois dans un four et la crémation durait une heure et demie. On pouvait donc incinérer 6.000 cadavres par jour. Cela était considéré à l'époque comme un progrès par rapport à l'incinération dans des fosses (méthode utilisée auparavant) (partie I, 14-15).

6/ Le produit utilisé pour produire le gaz pour la chambre à gaz était une poudre appelée «Cyklon», fabriquée par une firme de Hambourg. Au contact de l'air, elle dégageait du gaz de cyanure et il fallait environ trois minutes pour tuer tous les occupants de la chambre à gaz. Les boîtes contenant le Cyklon portaient l'inscription «à utiliser contre la vermine» (partie I, 16).

7/ Des personnalités venues de Berlin assistèrent à l'inauguration du premier crématoire, en mars 1943. Le «programme» comprenait le gazage et la crémation de huit mille juifs de Cracovie. Les invités (aucun nom n'est donné) furent extrêmement satisfaits des résultats (partie I, 16).

8/ Classement détaillé des numéros matricules et des catégories des détenus à Birkenau en avril 1944 (partie I, 23-24).

9/ Dans le camp, chaque bloc a un «chef de bloc» qui «a droit de vie et de mort». Jusqu'à février 1944, près de cinquante pour cent des chefs de bloc étaient juifs, mais Berlin ordonna de mettre fin à cet état de chose. En dessous du chef de bloc, il y a le secrétaire du bloc qui effectue tout le travail administratif. Quand le secrétaire a inscrit une mort par erreur, comme cela arrive souvent, on corrige l'erreur en tuant le détenu qui portait le matricule correspondant. Les corrections ne sont pas admises (partie I, 25).

10/ Un passage présentant une similitude frappante avec le «testament (froissé) de désespoir» de novembre 1942: «Nous travaillions dans l'immense fabrique de buna où l'on nous conduisait en troupeau tous les matins vers trois heures [...] Notre lieu de travail étant situé en dehors de la longue chaîne des postes de sentinelles, il était divisé en petits secteurs de dix mètres sur dix, chacun gardé par un SS. Quiconque sortait de ce carré pendant les heures de travail était immédiatement abattu sans sommation, pour avoir «tenté de s'évader» [...] Très peu pouvaient supporter cette contrainte et, bien que l'évasion ne semblât offrir aucune chance de succès, tous les jours il y avait des tentatives » (partie I, 30).

11/ Une «estimation prudente du nombre des juifs gazés à Birkenau entre avril 1942 et avril 1944», résumée sous la forme d'un tableau. Ces chiffres furent repris dans le compte rendu du procès du TMI qui fut publié et sont reproduits ici à l'Ill. No 25 (partie I, 33).

12/ Il y eut une grande agitation après l'évasion des deux jeunes juifs slovaques (ceci est supposé écrit par les auteurs du récit 3, supplémentaire), et les amis et les supérieurs des deux évadés furent soumis à un interrogatoire serré. Les deux juifs ayant été «secrétaires de bloc», tous les juifs exerçant ces fonctions furent remplacés à titre de punition et de mesure préventive. Cela contredit, bien entendu, la «préface» du rapport du WRB qui laisse entendre que les Allemands ne connaissaient pas l'identité ou même les matricules des deux évadés, puisqu'elle s'abstient de fournir ces informations «dans l'intérêt de leur sécurité personnelle» (partie I, 34).

13/ A partir du 15 mai 1944, des juifs hongrois commencèrent à arriver à Birkenau à la cadence d'environ quinze mille par jour. Quatre-vingt-dix pour cent étaient tués immédiatement et, comme cela excédait la capacité des fours crématoires, on en revint à la méthode d'incinération dans des tranchées qui avait existé auparavant. Les dix pour cent qui n'étaient pas tués n'étaient pas non plus enregistrés à Birkenau mais envoyés ensuite dans des camps en Allemagne: Buchenwald, Mauthausen, Gross-Rosen, Gusen, Flossenburg, Sachsenhausen, etc. (partie I, 36-37).

15/ A la fin de l'été 1943, une commission composée de quatre juifs hollandais distingués avait visité Auschwitz pour vérifier les conditions dans lesquelles vivaient les juifs hollandais (les Allemands leur donnèrent alors de nouveaux vêtements, une meilleure nourriture, etc.). La commission ne vit qu'une partie des juifs hollandais déportés à Auschwitz mais on lui dit que les autres se trouvaient dans des camps similaires. La commission fut satisfaite de cette explication et signa une déclaration disant que tout était en ordre à Auschwitz mais, après avoir signé, les quatre juifs «exprimèrent le désir de voir le camp de Birkenau et en particulier les crématoires au sujet desquels ils avaient entendu raconter certaines histoires [...] La commission fut alors emmenée à Birkenau [...] et immédiatement au crématoire No 1. Là, ils furent abattus par derrière. Un télégramme aurait été envoyé en Hollande, annonçant qu'après avoir quitté Auschwitz, les quatre hommes avaient été victimes d'un regrettable accident d'automobile» (partie I, 38).

16/ La région autour d'Auschwitz avait été évacuée dans un rayon de 100 kilomètres et l'on devait démolir les bâtiments qui ne devaient pas être absorbés par le camp (partie II, 6).

17/ Description de l'hôpital d'Auschwitz I et de son fonctionnement. A l'automne 1942, le taux de mortalité de l'hôpital était si élevé que Berlin demanda des explications. Une enquête révéla que le «médecin du camp» administrait des injections mortelles aux détenus faibles et malades, à certains prisonniers condamnés à mort et à des adolescents considérés comme orphelins. En guise de «punition», le médecin du camp fut simplement envoyé à l'usine de buna pour remplir les mêmes fonctions (il s'agit probablement de Monowitz -- la SS continuait de fournir certains services au camp administré par l'I. G. Farben) (partie II, 8-10).

18/ En raison des mauvais traitements, un juif ne pouvait pas survivre plus de deux semaines, quelle que fût sa condition physique (partie II, 12).

19/ Pendant l'été de 1942, les juifs étaient gazés dans la forêt de bouleaux (Birkenwald, où Birkenau était situé) dans des bâtiments hermétiques spéciaux camouflés en douches. Les crématoires n'étant pas terminés, les cadavres étaient enterrés dans des fosses communes, provoquant de la putréfaction. A l'automne de 1942, les quatre crématoires furent achevés et de nombreux cadavres furent exhumés et incinérés (c'est le récit du commandant polonais, en contradiction avec celui des deux jeunes juifs slovaques qui disaient qu'une partie des nouveaux crématoires entra en fonctionnement en février 1943 et qu'avant cette date, les cadavres étaient incinérés dans des fosses (partie II, 16-17).

20/ Détails sur la façon dont on décidait exactement du moment où l'on allait exécuter les condamnés à mort (partie II, 16-17).

Ce qui précède illustre de manière frappante le contenu du rapport du WRB. C'est un mélange de vérité, de conjectures et d'inventions, la partie s'appuyant sur des faits réels ayant pu être fabriquée, et l'ayant manifestement été, à partir de renseignements internes, disponibles en 1944.

La contradiction entre les deux récits des exterminations sert à renforcer la vraisemblance de l'allégation selon laquelle il s'agit de rapports faits spontanément par des détenus évadés, mais il n'est pas évident que le rapport ait été rédigé de cette façon dans ce but-là. La première version, selon laquelle de grands crématoires fonctionnaient à Birkenau au début de 1943 et qu'on incinérait des cadavres en masse dans des fosses avant cette date, est celle qui fut avancée par la suite (ce serait d'ailleurs la bonne version si l'on tient compte de la date à laquelle les crématoires furent achevés et en état de fonctionner), mais la seconde version des fosses communes pourrait également contenir un élément de vérité car il y avait eu une épidémie de typhus pendant l'été, à un moment où les installations de crémation n'étaient pas en nombre suffisant.

Reitlinger utilise le rapport du WRB comme source. Ce n'est pas totalement justifié mais pas non plus totalement injustifié. L'on doit supposer qu'une bonne part des éléments du rapport est véridique. Comme nous le verrons plus loin, la compétence des auteurs du rapport n'est pas contestable. Il est clair cependant qu'il faut être prudent à cet égard et n'accepter que ce qui semble confirmé par le bon sens ou par des preuves indépendantes. Etant donné le rôle de propagande et de soutien à la thèse de l'extermination joué par le rapport, mais en se rappelant qu'un mensonge bien fait contient nécessairement beaucoup de vrai, ce raisonnement se justifie parfaitement.

On peut être assez précis sur les chemins par lesquels l'information sortait des camps. Là où il existait une activité industrielle importante, les détenus entraient inévitablement en contact avec de nombreuses personnes qui n'étaient pas prisonniers du camp (personnel de l'usine, employés des chemins de fer, etc.). Ces contacts furent à la base d'un système étendu de moyens de communication clandestins. Auschwitz offrait naturellement des occasions nombreuses et excellentes de contacts et, grâce à l'organisation communiste, il existait des filières très efficaces vers des centres clandestins à l'extérieur, en particulier dans la ville voisine de Cracovie. Des renseignements sur le camp, comprenant, affirme-t-on, des copies des ordres reçus de Berlin ou d'Oranienburg, sortaient constamment d'Auschwitz. Ces filières étaient également utilisées pour faire parvenir par exemple de l'argent, des médicaments et des faux papiers à l'intérieur du camp. En outre, ainsi que nous le verrons dans un autre contexte au chapitre suivant, les communistes étaient très bien organisés, dans tous les camps, pour écouter clandestinement la radio. S'ils disposaient d'appareils récepteurs, ils avaient aussi certainement des émetteurs. Des témoins ont affirmé que certains détenus possédaient des postes émetteurs et Reitlinger lui-même croit que les détenus d'Auschwitz en avaient. (42)

Afin de saisir pleinement la nature des filières de renseignement et de propagande qui existaient, nous devons fixer plus spécialement notre attention sur le War Refugee Board et l'OSS. Le WRB a été en permanence informé de ce qui se passait en Hongrie, même après l'occupation allemande en mars 1944. Par exemple, il avait un agent dans le corps diplomatique suédois en la personne de Raoul Wallenberg et il disposait d'autres contacts grâce à aux organisations juives. Les dirigeants juifs de Budapest étaient en contact permanent avec ceux de Slovaquie et ceux-ci étaient en contact avec la communauté juive de Pologne, en particulier à Cracovie. (43)

Peut-être plus important que le WRB, bien que son rôle dans la légende est loin d'être si manifeste, est l'OSS (Office of Strategic Services) [le service de renseignement américain, Bureau des services stratégiques] qui a précédé la CIA. L'OSS fut créé au début de la seconde guerre mondiale sous la direction du général William Donovan. Sa mission était de recueillir des renseignements de nature politique et de s'occuper, par exemple, de sabotage, de propagande, de guérilla, activités qui se distinguaient des formes plus conventionnelles du renseignement militaire. Cette différence s'apparentait quelque peu à celle qui existait en Allemagne entre les activités du SD et celles de l'Abwehr, bien que des observateurs haut placés à Washington se fussent plaint de ce que l'OSS semblait disposer de moyens financiers illimités et d'une complète liberté d'action.

Hormis quelques exceptions, l'OSS n'était pas composé de militaires mais de personnes recrutées dans le civil. On y retrouvait ainsi de nombreuses tendances politiques, des communistes aux émigrés monarchistes. Grâce à leur organisation, les communistes représentaient naturellement une force importante au sein de l'OSS, indépendamment de leur nombre.

L'OSS s'occupait beaucoup de propagande. L'OWI (Office of War Information), le service de propagande le plus important des Etats-Unis pendant la guerre, avait été détaché de l'OSS en 1942. C'était, avant cette date, le service de propagande de l'«Office of the Coordinator of Information» (Donovan) et ce qui restait de l'organisation de Donovan fut rebaptisé OSS. Malgré cette séparation, l'OSS demeura actif dans le domaine de la propagande et, lorsque le PWB (Psychological Warfare Branch) anglo-américain fut créé à l'Etat-major d'Eisenhower, il prit son personnel américain à la fois dans l'OWI et dans l'OSS.

Une autre section de l'OSS chargée de la propagande et qui employa un grand nombre d'«écrivains progressistes» était le MO (Morale Operations Branch). Le MO était chargé de la «propagande noire», c'est-à-dire qu'il se spécialisait dans l'élaboration de la propagande, présentée de façon à ce qu'elle semble venir des rangs mêmes de l'ennemi. Le MO distribuait ainsi de faux journaux et de faux ordres militaires parmi les troupes ennemies, utilisait des émetteurs clandestins censés émettre à partir du territoire ennemi et lançait des rumeurs dans les pays de l'Axe et dans les pays occupés par l'Axe. Son personnel était composé de «libéraux ainsi que de communistes, qui se consacraient tous à l'interprétation idéaliste de la lutte contre le fascisme».

Un aspect particulièrement significatif des opérations de l'OSS était qu'il s'étaient assuré la coopération de l'Agence juive en Palestine (qui était en réalité le gouvernement israélien non officiel de l'époque). L'Agence juive, grâce à ses contacts étendus et poussés avec les juifs en Europe, en particulier dans les Balkans, était en mesure d'entreprendre de nombreuses et importantes missions pour le compte de l'OSS. Les filières vers les juifs de Hongrie, de Slovaquie et au-delà étaient donc en place.

Enfin, il est intéressant de savoir que l'OSS fut très présent dans le personnel du ministère public lors du procès du TMI, en particulier au début. (44)

Ce qu'il faut bien retenir de cet examen du rapport du WRB n'est certainement pas que ce dernier a été inventé par l'OSS ou le WRB. Je ne connais pas l'identité des auteurs et je ne crois pas que la question soit d'une grande importance. Ce que nous devons principalement retenir est que deux «internationales», l'internationale communiste et l'internationale sioniste, ont joué des rôles importants dans les programmes d'espionnage, de propagande et d'assistance aux réfugiés mis en oeuvre par les Etats-Unis. Le WRB, recevant en réalité ses ordres de Harry Dexter White, de Henry Morgenthau Jr et du Congrès juif mondial et d'autres sionistes, et l'OSS, avec son personnel composé de communistes et ses alliés de l'Agence juive, -- tout cela montre que la situation était parfaitement adaptée à la fabrication d'un mensonge de la propagande sur l'extermination des juifs, bâti autour d'Auschwitz et qui, à titre de précaution, contenait assez de faits réels pour faire croire aux esprits pressés que les allégations étaient vraies.

L'intérieur du camp d'Auschwitz n'était pas, comme on pourrait se l'imaginer, à l'abri du regard des Alliés. L'organisation d'espionnage la plus efficace du monde, à savoir le parti communiste, pouvait transmettre toutes les informations voulues vers n'importe quelle destination et la situation était telle que l'internationale sioniste, omniprésente, était en mesure de fabriquer et de transmettre tous les éléments d'informations lui paraissant appropriés en la circonstance. Même si le contenu du rapport du WRB était entièrement vrai, il n'aurait pas du tout été nécessaire que des détenus s'évadent pour communiquer les «faits» aux Alliés. On nous dit, il faut le noter, que la totalité du contenu du rapport du WRB est due à trois évasions indépendantes de détenus remarquablement bien informés. Etant donné ce que nous savons des filières de communication qui existaient, c'est stupide à l'extrême.

Les auteurs du rapport du WRB restèrent anonymes un peu plus longtemps que «pour le moment». Le rapport devint une pièce à conviction à Nuremberg sous la cote 022-L. Celui qui a rédigé la description, datée du 7 août 1945, accompagnant le document (les rédacteurs qui analysent le contenu des documents déposés devant la cour), semble chagriné par l'anonymat des auteurs. Il parle d'un certain Dr Joseph Elias, «pasteur protestant d'origine juive, organisateur de la résistance juive en Hongrie, chef de Jo'Pasztor Bizottsag, qui interrogea les deux premiers juifs slovaques après leur évasion». Il parle ensuite du «Dr G. Soos, secrétaire du MFM, mouvement clandestin hongrois, qui apporta en Italie le premier rapport (des deux premiers juifs slovaques)». L'organisation «Jo'Pasztor» a existé mais l'on ne sait rien, semble-t-il, des activités d'Elias ou de Soos en rapport avec ces affaires. On ne nous dit rien de l'origine des parties du rapport attribuées aux trois autres personnes. Il est dit que R. D. Mc Clelland, le représentant du WRB à Berne, transmit le rapport à Washington au début de juillet 1944 (le supplément n'était vraisemblablement pas inclus).

Le rapport du WRB fut présenté à titre de preuve au TMI par le major Walsh, le 14 décembre 1945, sous la référence 022-L. (45) La défense ne fit alors pas d'objection à ce que ce rapport figurât comme pièce à conviction. Lors du procès de l'I. G. Farben, l'accusation soumit le rapport (Document Book 89) à titre de preuve mais la défense a élevé une objection et cette objection «quant à la pertinence et à l'importance de chacun des documents du livre» fut admise par le tribunal. Le résultat de la discussion juridique qui s'ensuivit fut que le tribunal accepta de prendre une très ambiguë «notification judiciaire» des documents. (46)

L'anonymat fut maintenu plusieurs années encore, car, dans la première édition (1953) de The Final Solution, Reitlinger considère les auteurs comme anonymes. A propos du début des gazages, il y est fait allusion au «rapport très digne de foi du secrétaire ou Blockschreiber de l'infirmerie de Birkenau qui s'évada en Hongrie en avril 1944» (p.110). Au sujet des juifs de Theresienstadt transférés à Auschwitz, «nous devons ces renseignements, dit Reitlinger, à un médecin juif slovaque qui s'évada en Hongrie en avril 1944. Cet homme, qui était chargé des registres de l'infirmerie de Birkenau[...]» (p.169-170). Parlant du rapport du WRB, Reitlinger nous dit que «le document le plus important est celui du médecin juif slovaque anonyme qui s'évada en Hongrie en avril 1944» (p.540). Dans ces trois cas, Reitlinger faisait allusion à l'auteur de la première partie du rapport du WRB qui, dit le rapport, était le juif slovaque qui arriva à Birkenau le 13 avril 1942 et reçut un numéro matricule autour de 29.000. Reitlinger parle de lui comme d'un médecin mais le rapport ne précise pas, en fait, quelle était sa profession; il semble qu'il était supposé être un «intellectuel» ou un «employé de bureau».

L'étape suivante semble avoir été la publication en Israël, en 1956, du livre de J. Oskar Neumann, Im Schatten des Todes. Neumann avait été l'un des dirigeants des divers conseils et organisations de résistance juifs en Slovaquie. Dans son récit, le rabbin Michael Dov Ber Weissmandel (ou Weissmandl), juif hongrois résidant dans une partie de la Hongrie qui fut annexée par la Tchécoslovaquie après la première guerre mondiale, était le chef de la résistance juive en Slovaquie. Dans la version de Neumann, les deux jeunes juifs slovaques apparaissent à point nommé en Slovaquie ainsi que le major polonais (en réalité, le rapport du WRB ne dit pas vers quel pays le major polonais s'est évadé). Neumann donne l'impression qu'il a réellement rencontré ces personnes: «Pourtant, voici des témoins oculaires qui ont dit toute la vérité». Son récit ne mentionne pas les deux auteurs de la troisième partie supplémentaire du rapport du WRB et ne nous donne ni les noms ni les numéros matricules (tatoués) des évadés. Comme ils risquaient fort d'être découverts par la Gestapo, qui les recherchait, «on les envoya dans une région montagneuse isolée pour qu'ils se reposent». Le rabbin Weissmandel transmit le rapport à Budapest, en Suisse et à d'autres destinataires, afin d'avertir d'autres juifs et d'apporter de l'aide. (47)

Weissmandel émigra aux Etats-Unis après la guerre et fonda un séminaire talmudique orthodoxe dans l'Etat de New York. Il mourut en novembre 1957. Ses mémoires sur la période de la guerre furent cependant publiés après sa mort, en 1960, et malheureusement en hébreu, langue que je ne suis pas capable de lire. Le rapport du WRB est l'un des principaux sujets de son livre. Je suppose que sa version est la même, pour l'essentiel, que celle de Neumann; les deux auteurs exerçaient en effet des fonctions semblables et possédaient les mêmes relations. Cependant, je puis me tromper. (48)

Rudolf Vrba

L'épisode suivant concerne Reitlinger. L'anonymat des auteurs du rapport du WRB est un trait frappant et fâcheux de la première édition du livre de Reitlinger, et je suis sûr que son auteur s'en est rendu compte. Cela l'a certainement ennuyé car il semble s'être mis à la recherche des auteurs du rapport. Il écrit en effet dans la seconde édition, publiée en 1968, que Rudolf Vrba, auteur de la partie la «plus importante» du rapport, c'est-à-dire de la première partie du premier récit, «exerçait dans un hôpital de Cardiff en 1960». Le contact établi par Reitlinger avec Vrba en 1960 semble être ainsi à l'origine de la première apparition d'un auteur présumé du rapport dans une étude historique. La ville de Cardiff, au pays de Galles, ne se trouve, soit dit en passant, qu'à 240 km environ du domicile de Reitlinger, dans le Sussex. Reitlinger ne cite le nom d'aucun des autres auteurs. Il déclare, à propos d'un livre polycopié publié par Silberschein, délégué, en compagnie de Riegner, du Congrès juif mondial en Suisse, qu'il contient la «version complète» du rapport. (49)

Les auteurs des deux premiers récits du rapport du WRB (les deux premiers jeunes juifs slovaques) sortirent de l'anonymat lors du procès Eichmann, en 1961. Deux témoins firent une déposition au sujet du rapport, qui fut présenté à titre de preuve avec l'explication que les deux premiers jeunes juifs slovaques étaient Alfred Wetzler (ou Weczler) et Rudolf Vrba (ex-Rosenberg ou Rosenthal, qui vivait alors en Angleterre). Le document fut rejeté au motif que certaines contradictions dans les chiffres qui étaient présentés nécessitaient des explications supplémentaires. C'est pourquoi, alors que le procès était déjà fort avancé, l'accusation produisit une déposition sous serment signé de Vrba. Elle explique la manière dont Vrba est parvenu aux chiffres extraordinairement détaillés concernant les transports de déportés à Auschwitz qui constituent la principale particularité du rapport du WRB. Sa déposition donne l'impression que, bien qu'ayant reçu l'aide de diverses personnes, il était le seul établir les chiffres. Par ailleurs, il ne donne pas le nom du compagnon qui se serait évadé avec lui en avril 1944; il ne le mentionne même pas. Il parle d'un certain Philip Müller, qui l'aida un peu à calculer ses chiffres, car Müller «est apparemment le seul rescapé encore en vie». La déposition de Vrba fut rejetée par le tribunal qui estima que l'accusation n'avait aucune excuse pour ne pas l'avoir fait venir à Jérusalem pour déposer. (50)

Vrba comparut au procès d'Auschwitz à Francfort, en 1964. Son livre I Cannot Forgive, (écrit avec Alan Bestic) parut également en 1964, peu de temps avant la comparution de Vrba à Francfort. On vit comparaître également le compagnon de Vrba lors de son évasion présumée; Alfred Wetzler était, dit-on, l'autre jeune juif slovaque. Wetzler avait (en 1964) 46 ans et était fonctionnaire en Tchécoslovaquie. Il était arrivé à Auschwitz le 13 avril 1942 et avait reçu le numéro matricule 29.162. Il avait été secrétaire de bloc à Birkenau. Vrba était un biochimiste de 40 ans qui vivait en Angleterre. Il était arrivé à Auschwitz le 30 juin 1942 et avait reçu le numéro matricule 44.070. Il avait également été secrétaire de bloc à Birkenau. Ils s'étaient évadés, déclarèrent-ils, le 7 avril 1944 et avaient atteint Bratislava (Tchécoslovaquie) où ils firent leur rapport aux anciens de la communauté juive ainsi qu'au nonce du pape. Le rapport fut transmis clandestinement à Budapest par le rabbin Weissmandel. (51)

La version de 1964 diffère, par conséquent, de ce qui avait été dit en 1945 aux auteurs de l'analyse des pièces à conviction lors du TMI. La contradiction apparente la plus sérieuse réside cependant dans l'identité de celui à qui revient le mérite d'avoir rapporté les chiffres relatifs aux transports de détenus à Auschwitz. Dans sa déposition de 1961 (qui ne mentionne pas Wetzler) et dans sa déposition de Francfort, Vrba se présente comme le principal auteur du calcul des chiffres. En revanche, le rapport du WRB, tout en attribuant la paternité des chiffres aux deux hommes, reproduit ces chiffres dans la première partie du rapport, dont l'auteur est supposé être Wetzler.

Vrba n'explique pas, dans son livre de 1964, pourquoi il a attendu seize ans pour raconter son évasion d'Auschwitz ni comment et à qui il a remis les statistiques qui furent publiées par la suite par Washington. Son livre suit, en gros, ce qui est publié dans le rapport du WRB, avec quelques contradictions d'importance diverse. Vrba écrit ainsi dans son livre (p.128) que les jeunes filles travaillant au «Canada» étaient en très bonne santé, mais, selon le rapport du WRB (partie I, p.31), ces femmes étaient «battues et brutalisées et leur mortalité était bien plus grande que celle des hommes». Il y a d'autres bizarreries dans son livre comme lorsqu'il prétend avoir aidé à construire les crématoires (p.16, non mentionné dans le rapport du WRB) et lorsqu'il décrit un raid aérien des Alliés le 9 avril 1944, dont il n'existe aucune trace (p.233; il dit que Wetzler et lui se sont dissimulés dans un tas de bois pendant trois jours, à Auschwitz, après leur évasion du 7 avril. L'éventualité d'un raid aérien allié en avril est traitée au chapitre V). C'est tout juste si Wetzler est mentionné dans le livre de Vrba. Ce dernier ne dit rien du major polonais ou des deux juifs qui se seraient échappés par la suite pour compléter les chiffres des transports pour Auschwitz. Dans le livre, les autres prisonniers l'appellent «Rudi», bien que son nom d'origine, et le nom sous lequel il aurait été connu à Auschwitz, soit censé avoir été Walter Rosenberg (point que le livre de Vrba ne soulève pas mais dont il est question ailleurs, par exemple dans They Fought Back, sous la direction de Yuri Suhl, et dans Fighting Auschwitz, de Josef Garlinski). Vrba ne dit rien d'une retraite dans la montagne pendant laquelle il se serait reposé après son évasion.

Tout aussi probant, pour notre évaluation critique de l'histoire de Vrba, que ses diverses contradictions avec le rapport du WRB ou avec des faits connus, est le ton général du livre et la description de la manière dont se comportaient au camp diverses personnes. Bien que le livre offre à cet égard du début à la fin des éléments complètement incroyables, le meilleur exemple en est la description par Vrba d'une prétendue visite de Himmler, le 17 juillet 1942 (p. 9-15, non mentionnée dans le rapport du WRB). On aligna les prisonniers pour l'inspection et l'orchestre était prêt à jouer lorsque Himmler arriva. Pendant qu'ils attendaient, le chef d'orchestre

«était là, baguette en suspens, immobile, prêt à attaquer le morceau de musique en l'honneur de l'illustre invité.
A cet instant la catastrophe éclata, celle que chaque acteur redoute. Le moment d'horreur que seules les grandes occasions suscitent, la crise qui ne survient que dans les moments fatidiques.
Au dixième rang, notre chef de block découvrit que Yankel Meisel n'avait pas le nombre réglementaire de boutons à sa veste. Il fallut quelques secondes pour qu'il réalise l'énormité du crime! Le chef de block l'assomma alors d'un seul coup [...]
Hors de notre vue [...] Yankel fut battu à mort.
[...] Himmler et sa suite n'étaient plus qu'à vingt pas. La baguette se mit en mouvement [...] et l'orchestre suivit [...] avec un extrait d'Aïda: «La Marche Triomphale» .
[...] Il nous fit aligner et lâcha: «Je suis le Reichsführer. Voyons voir comment vous vous conduisez devant moi».
Il marcha lentement le long des rangs, petit tueur imitant un plus grand tueur, nous fixant chacun à notre tour. S'il découvrait des ongles sales ou des chaussures en bois mal noircies, il hurlait des insultes au coupable et le frappait de sa lourde canne en bambou. Il nous inspecta même derrière les oreilles, comme l'aurait fait une infirmière, puis il alla rôder dans les baraques à la recherche de couvertures qui n'auraient pas été pliées avec précision».

Vrba mentionne une seconde visite de Himmler (p. 15-19; la visite semble correspondre à la visite, en mars 1943, de dignitaires venus de Berlin pour assister à un gazage) en janvier 1943 pour assister au gazage de trois mille juifs polonais. L'événement était prévu pour neuf heures du matin mais Himmler mit deux heures pour finir son petit déjeuner, de sorte que les trois mille juifs durent attendre jusqu'à onze heures dans la chambre à gaz. Himmler assista finalement au gazage, gai et détendu, bavardant avec le commandant et d'autres personnes, jetant de temps en temps un coup d'oeil par le judas pour observer les juifs en train d'être gazés.»

Le livre réussit à maintenir ce ton absolument incroyable de bout en bout, comme l'on peut s'en assurer à la lecture, si toutefois l'on parvient à la supporter.

Reitlinger ne cite nulle part le livre de Vrba dans la seconde édition de son ouvrage. De Vrba, il écrit qu'il est l'auteur de la partie la «plus importante» du rapport du WRB, la première section, bien que les éléments dont nous disposons montrent que ce rôle devrait être attribué à Wetzler. Il ne semble pas important ou significatif à Reitlinger que Vrba n'ait eu que 18 ans lorsque, prétend-il, il commença de réunir les données numériques et autres concernant les transports pour Auschwitz, avec l'intention de transmettre ces informations au monde extérieur.

A ma connaissance, l'anonymat du major polonais n'a pas été levé. Erich Kulka, de l'université hébraïque de Jérusalem, dans un chapitre du livre de Suhl, donne des noms pour les deux auteurs de la section complémentaire (Czezln Modowicz qui changea son nom en Petr Podulka et Arnost Rosin qui changea le sien en Jan Rohac) mais je ne sais rien de ces personnes sinon qu'elles sont restées silencieuses sur leurs exploits héroïques pendant un nombre d'années encore plus grand que Vrba et Wetzler. Qui plus est, ni Elias, ni Soos, ni Vrba (en tant que Vrba ou en tant que Rosenberg), ni Weissmandel n'ont comparu à la barre des témoins dans l'un des procès de Nuremberg, malgré le rôle parfois contesté joué par le document 022-L lors de ces procès.

Les archives du Service international de recherches d'Arolsen, en Allemagne de l'Ouest, signalent que deux juifs nommés Wetzler et Rosenberg se sont bien échappés le 7 avril 1944 et ceci s'accorde avec le Kalendarium, publié par le gouvernement polonais en 1964 dans le No 7 des Hefte von Auschwitz, qui déclare également que deux juifs nommés Mordowicz et Rosin s'échappèrent le 27 mai 1944. Comme il y eut de nombreuses évasions d'Auschwitz réussies durant cette période (beaucoup plus que Vrba semble le penser -- comparez p.217 de Vrba avec les remarques de Garlinski à propos des évasions), il se peut que cette information soit exacte, mais elle n'établit pas encore l'identité des auteurs du rapport du WRB, d'autant plus qu'on nous dit aujourd'hui qu'après s'être échappés les quatre juifs adoptèrent des noms d'emprunt pour se cacher et que sur les quatre, trois gardèrent ces différents noms après la guerre plutôt que de reprendre leurs véritables noms.

Nous ne connaîtrons probablement jamais complètement les détails qui se cachent derrière la fabrication du rapport du WRB, mais il est tout à fait possible que ses créateurs soient allés jusqu'à feindre l'existence d'un rapport miraculeusement passé en Slovaquie puis en Suisse. S'il a été écrit en Slovaquie, il paraît alors évident que le rabbin Weissmandel devrait en être considéré comme le coauteur. Il est également possible, comme on l'a prétendu, que le rapport ait été donné au chargé d'affaires du pape en Slovaquie, Giuseppe Burzio, et qu'il ait été transmis par ce dernier à Rome. Il est certain que Burzio fut contacté par des propagandistes juifs et qu'il transmit au moins certaines de leurs «informations» à Rome. Comme exemples de ce que Burzio transmettait au Vatican, il y a les allégations de mars 1942 selon lesquelles les Allemands enlevaient de jeunes femmes juives à leur famille pour en faire des prostituées pour les soldats allemands sur le front de l'Est (une totale invention) et une lettre du début 1943 d'un prêtre de Bratislava affirmant que des sources juives et des sources allemandes sérieuses lui avaient parlé d'usines de savon alimentées par les cadavres de juifs qui avaient été gazés et tués à la mitrailleuse. Il ne nous importe guère de savoir si Burzio transmettait de tels éléments par simple routine ou parce qu'il y ajoutait foi, ce qui semble d'ailleurs bien avoir été le cas. Le Vatican reçut et classa de nombreux rapports de ce genre pendant la guerre mais il n'y ajouta jamais foi. Sa position actuelle est que, durant la guerre, ni lui ni les «agences juives ne savaient que les déportations faisaient partie d'une opération générale d'anéantissement de masse (voy. également l'Annexe E). (52)

Il est manifeste en tout cas que le rapport du WRB est apocryphe. Les données contenues dans le rapport ne sont pas le genre d'informations que des évadés auraient emportées avec eux; l'allégation selon laquelle deux autres juifs se sont échappés plus tard pour compléter ces données est plus que doublement ridicule. Au lieu de présenter au public, immédiatement après la guerre, les auteurs présumés du rapport afin de donner davantage de poids au mensonge, il semble qu'on ait jugé inutile de le faire avant qu'un auteur ne fasse son apparition seize ans après les événements, et cela pour une raison quelconque (probablement la curiosité de Reitlinger). La version de cet auteur n'est pas vraisemblable.
Ainsi naquit la légende d'Auschwitz.


NOTES

1/ . Howard, p. 4-7, 216; U.S. Special Committee, p. 24.

2 / . Howard, chapitres 2-9.

3 / Howard, p. 82 -83.

4 / Howard, p. 104 -108.

5 / Naunton, p. 104 .

6 / DuBois, p. 28 4 .

7 / Comme nous l'avons dit, la crise du caoutchouc fut très souvent abordée par la presse mais les articles qui suivent semblent bien résumer la crise: Business Week, 31 janvier 1942, p. 22 + ; 14 mars 1942, p. 15 + ; 30 mai 1942, p. 15 + ; 20 juin 1942, p. 15 + ; 15 août 1942, p. 15 + ; 19 septembre p. 19 4 2, p. 15 + ; 19 décembre 1942, p. 28 + ; Newsweek, 6 avril 1942, p. 46 + ; 13 avril 1942, p. 56 + ; 1er juin 1942, p. 46 + ; 21 septembre 1942, p. 58 + ; New York Times, 11 janvier 1942, sec.7, p. 6+ ; 26 juillet 1942, sec.7, p. 3+ ; Fortune, juin 1942, p. 92 + ; Nature Magazine, mai 1942, p. 23 3 +; Harper's, décembre 1942, p. 66 + .

8 / Naunton, p. 108 ; Howard, p. 210 -213.

9 / Howard, p. 221 - 222; Coit, p. 120 - 121, 162-222, 513-520.

10 / Howard, p. 227- 2 28; U.S. Special Committee, p. 13, 1 8, 50-51; Dunbrook, p. 40-46 .

11 / La photographie se trouve dans Schönberner, p. 162 ( p . 206 e n livre de poche), et dans Central Commission, Ill.39.

12 / C. B. Smith, p. 166-171 et photographies.

13 / Hilberg, p. 631; Rei tlinger, p. 493-495 .

14 / Sauf exception signalée, notre étude des premières phases de la propagande sur l'extermination, des événements survenus à Washington et à New York et des conflits entre le Département d'Etat d'une part et les sionistes et le Département du Trésor de l'autre, ainsi que les événements ayant conduit à la création du War Refugee Board, s'est appuyée sur Morse, p. 3-99; Feingold, p. 167-247; DuBois, p. 183-189; Blum, p. 207-227; Israel, p. 173-174, 216-217, 306-337; Morgenthau.

15 / La déposition de Guggenheim se trouve dans la dépêche No 49 du 29 octobre 1942, des dossiers du consulat américain à Genève, qui sont dans les archives du Foreign Affairs Document and Reference Center, Département d'Etat, Washington. La note de Squire sur son entretien avec Burckhardt est jointe à la lettre personnelle du 9 novembre 1942 de Squire à Harrison, qui est dans le même dossier.

16 / Les questions posées à Burckhardt ainsi que les réponses de ce dernier constituent le document de l'IMT coté Kaltenbrunner 3.

17 / La déclaration de la "source vaticane" se trouve aux Archives Nationales américaines, dans le dossier du Département d'Etat coté 740.00116EW/726.

18 / Hull, p. 471-473.

19 / Morgenthau Diary, p. 6.

20 / New York Times, 23 janvier 1944, p. 11.

21 / Morgenthau Diary, p. 6-9.

22 / DuBois, p. 198-199; Croix-R ouge, 1947, p. 20, 23, 59-60; US -WRB, 1945, p. 9-10, 56-61.

23 / US-WRB, 1945, p. 46-56.

24 / Morgenthau Diary, p. 805-810; Aretz, p. 366-368.

25 / Barnes . Cité in Anonyme, p. 3.

26 / Blum, p. 343, 383.

27 / Das Reich, 14 juin 1942, 2; Jäckel, 62-63.

28 / Calic, p. 34-35. Hitler a également formulé des remarques du même genre dans Mein Kampf.

29 / Hitler, p. 848.

30 / New York Times, 29 octobre 1942, p. 20; New Yorker, 18 avril 1942, p. 62; 12 septembre 1942, p . 53; 24 octobre 1942, p. 64 sq.; 28 novembre 1942 , p. 82; 5 décembre 1942, p. 82.

31 / Reitlinger, p. 176-186.

32 / Reitlinger, p . 439.

33 / Ib.

34 / DuBois, p. 197.

35 / New York Times, 29 octobre 1943, p. 5; 11 décembre 1943, p. 1; 13 décembre 1943, p. 11; 3 janvier 1944, p. 9.

36 / Reitlinger, p. 533, 545, 546.

37 / Time, 12 juillet 1954, p. 98, 100; New Republic, 20 décembre 1954, p. 22; New York Times, 7 avril 1953 , p. 20; 12 avril 1953, p. 33; Eichmann, séance 85, A1-L1; IMT, vol.11, p. 228.

38 / R. H. Smith, p. 214-215.

39 / Reitlinger, p. 367, 370-371, 378.

40 / Reitlinger, p. 352.

41 / DuBois, p. 137-138, 186-188.

42 / NMT, vol. 5, p. 820; Reitlinger, p. 466; Borwicz, p. 66-76.

43 / US-WRB, 1945, p. 24-33. Sur les contacts des juifs slovaques avec la Pologne, en particulier Cracovie, et avec Budapest, voy. l'ouvrage de Neumann ainsi que la déposition de Freudiger: Eichmann, séance 51, Wwl-Eee; séance 52, A1-Bb1. Le cas de Wallenberg est discuté dans Poliakov & Wulf, 1955, p. 416-420.

44 / R. H. Smith, p. 2, 12, 23, 62, 125, 239; Kimche & Kimche, p. 108.

45 / IMT, vol. 3, p. 568.

46 / DuBois, p. 173-175.

47 / Neumann, p. 178-183.

48 / New York Times, 30 novembre 1957, p. 21; Encyclopedia Judaica, vol. 16, p. 418-419.

49 / Reitlinger, p. 115 n, 182, 590-591.

50 / Eichmann, séance 52, M1, N1, W1-Aal; séance 71, Ffl; séance 72, I1-M1; séance 109, J1-L1, R1, S1. La déposition est reproduite par Vrba & Bestic, p. 273-276.

51 / Naumann, p. 290-291; Langbein, vol. 1, p. 122-125; vol. 2, p. 968, 971.

52 / New York Times, 27 avril 1974, p. 7. Actes et documents, vol. 8, p. 476, 486-489; vol. 9, p. 40, 178 n.


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