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LA MYSTIFICATION DU XXe SIÈCLE

par Arthur R. Butz

Traduit de l'américain

2001


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L'AUTEUR

Arthur R. Butz est né et a été élevé à New York. Il a obtenu une licence et une maîtrise en électrotechnique au M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology) et un doctorat en cybernétique à l'Université du Minnesota en 1965. Il est entré en 1966 à la Northwestern University d'Evanston (Illinois) où il est à présent professeur en électrotechnique et en informatique. A.R. Butz est l'auteur de nombreuses publications techniques.

The Hoax of the Twentieth Century a été publié pour la première fois par Historical Review Press en 1976 en Grande-Bretagne. Il a connu ensuite de nombreuses rééditions aux Etats-Unis.

La présente traduction doit être considérée comme un travail préliminaire, effectué en accord avec l'auteur. Une traduction définitive est prévue pour paraître sous forme de livre dans un avenir proche.


SOMMAIRE

Remerciements

Avant-propos

I Les procès, les juifs et les nazis

II Les camps

III Washington et New York

IV Auschwitz

V Les juifs hongrois

VI Et cetera

VII La Solution finale

VIII Remarques

Annexe A Le «témoignage Gerstein»

Annexe B Les grades de la SS

Annexe C La déportation des juifs

Annexe D Le procès de Belsen

Annexe E Le rôle du Vatican

Bibliographie

Supplément A La controverse internationale sur l'«Holocauste»

Supplément B Contexte historique et perspective d'ensemble dans la controverse sur l'«Holocauste»

Supplément C Quelques réflexions sur l'ouvrage de Pressac. Réponse à une importante critique du révisionnisme


TABLE DES ILLUSTRATIONS
(Elles ne sont pas reproduites ici, pour le moment)

1 L'Europe avant la première guerre mondiale

2 L'Europe entre les deux guerres

3 L'Europe sous la domination allemande

4 L'Europe après la seconde guerre mondiale

5 Plan de la région d'Auschwitz

6 Intérieur d'une chambre de désinfection à Dachau

7 Corps brûlés dans des fosses à ciel ouvert

8 Un procès à Dachau

9 Un aspect de Belsen après la prise du camp par les Britanniques

10 Fosse commune à Belsen

11 Poste de garde britannique à l'entrée du camp de Belsen

12 Gardiennes de Belsen après la prise du camp

13 Le bâtiment du crématoire à Dachau

14 Epouillage du sénateur Wherry après sa visite de Dachau

15 Cadavres trouvés dans un train à Dachau

16 Membres du Congrès américain inspectant la salle des douches à Dachau

17 Le membre du Congrès Vorhys inspecte le crématoire de Dachau

18 Parlementaires américains inspectant le crématoire de Buchenwald

19 Entrée de la salle des douches de Dachau

20 Des détenus de Dachau maltraitent un gardien SS après la libération du camp.

21 Le jour de la libération à Dachau

22 Porte d'une chambre de désinfection à Dachau

23 Principaux camps de concentration allemands

24 Morceau de savon: «pièce à conviction» présentée par les Soviétiques au T.M.I.

25 Une page du document L-022 du T.M.I.

26 Photographie censée être celle d'un des crématoires d'Auschwitz

27 Boîte de Zyklon B

28 Boîtes de Zyklon B

29 Plan de Birkenau

30 Document NG-2263, tiré de: Braham, The Destruction of Hungarian Jewry

31 Le crématoire du camp de Lublin

32 Ensemble de pièces anatomiques trouvées à Buchenwald


REMERCIEMENTS

Le texte de cet ouvrage tient compte des suggestions et critiques formulées par un certain nombre de personnes, mais j'entends, bien entendu, assumer seul et en totalité la responsabilité d'éventuelles erreurs de faits ou d'interprétation. Je désire également me réserver personnellement les conséquences des réactions que ce livre pourrait susciter et c'est la raison pour laquelle je m'abstiens de remercier ici nommément, comme l'usage l'aurait voulu, ceux qui m'ont apporté leur aide.

Pour ce qui est des institutions, mes remerciements s'adressent aux Archives nationales des Etats-Unis, à l'U.S. Army Audio-Visual Agency, au Foreign Affairs Document and Reference Center du Département d'Etat américain (Washington, D.C.), au Panstwowe Museum d'Oswiecim (Pologne), à la Bibliothèque de l'Université de Chicago et au Center for Research Libraries de Chicago.

Je voudrais remercier plus particulièrement le personnel de l'Imperial War Museum de Londres, du Bureau national de la Croix Rouge néerlandaise à La Haye et de la Bibliothèque de la Northwestern University (notamment le service des prêts inter-bibliothèques) à Evanston. Tous m'ont apporté leur aide davantage qu'ils n'étaient tenus de le faire, sans connaître, bien entendu, la nature exacte de mes recherches.

A.R. BUTZ

 

AVANT-PROPOS

Comme presque tous les Américains dont l'opinion s'est forgée depuis la fin de la seconde guerre mondiale, j'admettais, il n'y a pas très longtemps encore, que l'Allemagne avait donné au monde, entre 1939 et 1945, l'exemple d'un déchaînement de violence particulièrement meurtrier. Telle a été la conviction générale de l'opinion occidentale depuis 1945 et dans les années qui ont précédé; en la partageant pour l'essentiel je ne faisais pas exception à la règle.

J'insiste, c'est important, sur les termes «pour l'essentiel» car la série des crimes dont les Allemands se seraient rendus coupables pendant la seconde guerre mondiale diminue à mesure que l'on examine les preuves et les arguments réunis dans les ouvrages «révisionnistes» existants. Un examen critique élémentaire montre que la plupart des crimes que les «intellectuels» eux-mêmes tiennent pour réels (par exemple, les abat-jour fabriqués par des Allemands à partir de la peau d'êtres humains tués dans ce but dans les camps de concentration) ne possédaient manifestement aucun fondement dans la réalité. Il en va de même des accusations de mauvais traitements à l'encontre de prisonniers de guerre américains et britanniques. Ce problème général des «crimes de guerre» se complique en outre singulièrement lorsqu'on prend en considération, comme le font les révisionnistes, les brutalités effroyables commises par les Alliés occidentaux pendant et après la guerre.

Une recherche minutieuse de ce type ne détruit cependant pas la légende de l'«Holocauste» et le meurtre de «six millions» de juifs, principalement dans des «chambres à gaz», peut apparaître comme un fait indiscutable. Les ouvrages révisionnistes qui remettent en cause quelques-unes des erreurs les plus communément admises semblent accepter la réalité de l'existence des chambres à gaz. Tous les gens d'une certaine éducation auxquels on demande leur avis acceptent la thèse de l'«extermination». Les professeurs spécialistes de l'Allemagne, si on leur pose la question, paraissent considérer l'accusation comme aussi bien fondée que l'existence de la Grande Pyramide. Les journalistes américains, tant libéraux que conservateurs, bien qu'ils adoptent des positions très différentes concernant la seconde guerre mondiale et l'entrée en guerre de l'Amérique et bien qu'ils se querellent à propos de presque tous les autres sujets, admettent comme un seul homme la réalité de l'«Holocauste».

Ayant noté l'exploitation évidente qui est faite de cette légende par les hommes politiques contemporains, notamment pour ce qui est de l'appui totalement illogique accordé à Israël par les Etats-Unis, j'avais eu pendant longtemps des doutes persistants sur cette question. Il y avait également le fait qu'un petit nombre d'observateurs respectés, dont les opinions ne s'étaient pas constituées entièrement après la seconde guerre mondiale, déniait jusqu'au moindre fond de vérité à la légende, par les moyens d'expression très limitées qui leur étaient ouverts, et cela d'une manière plus ou moins nette et explicite. John Beaty en est un bon exemple. Cet Américain érudit et distingué fut mobilisé juste avant l'entrée en guerre des Etats-Unis dans le service de renseignements militaires de l' E tat-major général du Ministère de la guerre. Il était colonel à la fin de la guerre. Beaty était, entre autres choses, l'un des deux rédacteurs du rapport secret quotidien, nommé «G-2 Report», publié à midi chaque jour pour donner à de hautes instances, y compris la Maison Blanche, un aperçu de la situation dans le monde telle qu'elle était perceptible quatre heures auparavant. Dans son livre, Iron Curtain Over America, publié en 1951, il tourne en ridicule la légende des six millions par quelques remarques, malheureusement succinctes et peu concluantes, mais qui, provenant d'un homme qui était l'un des mieux informés dans le monde pendant la guerre, possèdent un certain poids.

Une recherche élémentaire sur le sujet, menée par quelqu'un qui n'est pas historien, ne me mena nulle part. Le faible nombre de publications en anglais réfutant la légende n'était pas seulement peu convaincant; il était également si peu digne de foi et si peu scrupuleux dans l'utilisation des sources, lorsqu'il arrivait que des sources eussent été utilisées, qu'il avait un effet négatif, de sorte que l'essentiel de la légende en semblait renforcé (abstraction faite des problèmes statistiques, à savoir s'il s'agissait de six, de quatre ou de seulement trois millions). Je pris conscience, à cette époque, qu'il existait d'autres publications en français et en allemand, mais, n'étant pas du tout habitué à lire des textes dans ces langues, excepté en de rares occasions lors de la consultation d'un article dans une revue française ou allemande de mathématiques, je ne cherchai pas à me procurer des exemplaires de ces ouvrages étrangers. Je supposai du reste que, s'ils avaient eu plus de valeur que ce qui avait été publié en anglais, quelqu'un en aurait publié des traductions anglaises.

Toujours en proie à mes doutes persistants, j'entrepris de lire, au début de 1972, quelques livres consacrés à l'«Holocauste» et admettant son existence, mais d'une manière plus systématique qu'auparavant, afin de voir exactement ce que les auteurs affirmaient à cet égard et quelles preuves ils avançaient. Heureusement, l'un de mes premiers choix se porta sur The Destruction of the European Jews de Raul Hilberg. L'expérience fut pour moi un choc et un réveil brutal: le livre de Hilberg réussit ce que la littérature adverse n'aurait jamais pu réussir. Je devins alors non seulement convaincu que la légende des millions de juifs gazés était une mystification, mais je parvins aussi à acquérir la capacité de «sentir» de manière assez sûre la mentalité cabalistique remarquable qui avait donné au mensonge sa forme spécifique (ceux qui veulent faire l'expérience de ce «réveil brutal», un peu comme je l'ai faite, voudront bien interrompre leur lecture et consulter l'ouvrage de Hilberg aux pages 567-571).

Bien que mon scepticisme ancien concernant la légende ait cessé de s'interposer, mes informations ne pouvaient pas, au début de 1972, être considérées comme concluantes et ma connaissance du sujet n'était pas complète de sorte que j'entrepris, d'abord pendant mon temps libre, d'étudier la question avec la minutie requise.

Le lecteur aura deviné que mon «temps libre» a pris beaucoup d'extension. Plusieurs découvertes, pour moi saisissantes, me rendirent le sujet irrésistible, d'un point de vue purement intellectuel. Je me procurai la littérature en langue étrangère. Je passai finalement tout l'été de 1972 à la rédaction d'un exposé sur la mystification car j'avais, entre-temps, percé et démoli le mécanisme de cette lamentable affaire. De sorte que, tandis que le livre que vous tenez dans vos mains diffère considérablement, pour ce qui est de la somme des faits et de la qualité d'ensemble, de l'image que je m'étais faite à l'été de 1972, cette image, dont on peut retrouver ici l'essentiel, était en contradiction si flagrante avec les mensonges que la société occidentale m'avait inculqués que je ne pouvais me détourner du sujet malgré tous les appels à la prudence et en dépit de toute autre considération pratique. Etant donné que, dès le début de l'été de 1972, il était évident que mes recherches m'avaient conduit au-delà de la littérature disponible sur ce sujet, je ressentais une exigence intellectuelle et une obligation impérative de présenter au public, afin qu'il puisse juger par lui-même, ce que je savais de cette très pernicieuse mystification. Il devint rapidement manifeste que seul un livre ferait l'affaire: le sujet ne pouvait pas, vu les années de propagande, être traité dans un article de revue ou une brochure et, a fortiori, il ne pouvait l'être sous la forme d'une conférence.

La substance du texte fut écrite pendant l'été de 1972 et j'améliorai ensuite progressivement mon manuscrit au cours des deux années suivantes. Un voyage en Europe pendant l'été de 1973 se révéla très fructueux, de même qu'un voyage à Washington, plus tard la même année. Le livre était terminé, pour l'essentiel, à la fin de 1974.

Certains diront que je ne suis pas qualifié pour entreprendre un travail de ce genre et certains diront même que je n'ai pas le droit de publier de telles choses. Soit. Si un intellectuel, quelle que soit sa spécialité, se rend compte que la science accepte, pour une raison quelconque, un mensonge monstrueux, il est du devoir de cet intellectuel de dénoncer ce mensonge, quelles que soient ses qualifications. Peu importe qu'il aille contre toute la science «établie» dans ce domaine. Ce n'est d'ailleurs pas le cas ici puisque les historiens universitaires ont évité d'effectuer un examen critique de l'«Holocauste» sous tous les rapports, et pas seulement sous l'angle abordé dans ce livre. Alors que, pour ainsi dire, tous les historiens font semblant d'approuver le mensonge, quand il en est question dans des ouvrages et des articles consacrés à d'autres sujets, aucun n'a rédigé d'étude historique démontrant, documents à l'appui, la thèse que les exterminations avaient bien eu lieu ou qu'elles n'avaient pas eu lieu. Si elles eurent bien lieu, il devrait être possible d'élaborer un livre montrant comment elles ont commencé et pourquoi, par qui elles ont été organisées, quelles étaient les sphères du pouvoir participant aux opérations de tuerie, quels étaient les moyens techniques utilisés et si ces moyens techniques ne pourraient pas faire l'objet d'une explication plus prosaïque (cf. l'exemple des fours crématoires). L'on devrait pouvoir donner la liste des techniciens impliqués, connaître le nombre des victimes des différents pays et les dates de leur exécution, présenter les preuves sur lesquelles s'appuient ces affirmations tout en indiquant les raisons pour lesquelles l'on devrait admettre l'authenticité de tous les documents produits lors de procès illégaux. Aucun historien n'a rien entrepris de semblable; seuls des gens qui ne sont pas historiens se sont consacrés, partiellement, à ce travail.

Après ces remarques préliminaires, je vous invite donc à l'étude de la mystification du siècle.

Evanston, Illinois

Août 1975





CHAPITRE 1

Les procès, les juifs et les nazis

 

Procès et doutes

Les «procès des criminels de guerre» menés par les vainqueurs de la seconde guerre mondiale, contre des Allemands principalement, mais aussi contre des Japonais, constituèrent un précédent d'une portée incalculable et une manifestation de la volonté affichée par les puissances victorieuses de créer une sorte de cadre juridictionnel, relativement à des lois et des accords qui n'existaient pas au moment où ils auraient été violés par les puissances de l'Axe. Ainsi donc, au mépris des conventions d'honneur européennes qui avaient été respectées pendant des siècles, des prisonniers allemands, civils et militaires, dont nombre du plus haut rang, connurent des morts violentes lors de leur captivité aux mains des Alliés, à la suite de ces procédures extraordinaires.

L'on n'avait jamais rien vu auparavant qui ressemblât aux procès de 1945-1949, organisés par les ennemis que l'Allemagne avait combattus pendant la guerre. Le cas de Jeanne d'Arc vient à l'esprit, mais il s'agissait d'une prisonnière isolée et non de tout un Etat, et les Anglais qui furent, en dernière analyse, responsables du procès firent l'impossible pour qu'il apparaisse comme un procès d'hérésie et de sorcellerie, deux crimes déjà formellement condamnés, qui devait être jugé par une Eglise impartiale et universelle suivant des règles préexistantes de procédure et d'administration des preuves.

Aux Etats-Unis, qui furent les véritables inspirateurs des procès, l'opinion a toujours été divisée sur l'opportunité de tels procès, mais les avis ont varié. Dans l'immédiat après-guerre, les Américains étaient généralement en faveur des procès à l'exception, toutefois, de quelques opposants d'importance. Au plus fort de la campagne électorale de 1946, juste avant que ne soient pendus les principaux dirigeants nazis (Goering, Ribbentrop et les autres), le sénateur Robert A. Taft prononça un discours qui s'en prenait à la fois à la base légale des procès et aux peines qui avaient été infligées; il semble que son discours ait nui à son parti, le Parti républicain, lors de ces élections.

Dix ans plus tard, l'opinion avait manifestement évolué un peu puisque John Kennedy, qui ne se cachait pas d'être candidat à la présidence, publia un livre intitulé Profiles in Courage (série de portraits de diverses personnes qu'il tenait pour courageuses) dans lequel il félicitait Taft d'avoir adopté cette position, ajoutant qu'elle «était partagée désormais [...] par un nombre considérable de citoyens américains» * (1) (2).

L'enlèvement d'Eichmann en 1960, son «procès» et la publicité faite ensuite autour de toute l'affaire semblèrent provoquer de nouveau un lent mouvement d'opinion en faveur des procès. Maintes raisons peuvent être avancées de ce renversement spectaculaire d'opinion. Il me semble qu'il s'est passé la chose suivante: dans l'ambiance d'une période de paix, généralement dépourvue d'hystérie, l'attention du monde entier avait été polarisée sur une histoire particulièrement macabre, à savoir l'assassinat, principalement dans des «chambres à gaz», de plusieurs (chiffre habituellement avancé: six) millions de juifs de tous âges et de toutes conditions par les nazis pendant la guerre, assassinat faisant partie d'un programme visant à débarrasser l'Europe de ses juifs. Le livre de Gerald Reitlinger, The Final Solution ( 2 e édition, l968), est généralement reconnu comme étant la présentation la plus détaillée et la plus utile de cette affirmation et The Destruction of the European Jews (1961) de Raul Hilberg raconte essentiellement la même histoire. Comme autres ouvrages, citons The Holocaust (1968) de Nora Levin, plusieurs livres de Léon Poliakov et le tout récent The War Against The Jews, 1933-1945 de Lucy S. Dawidowicz (1975).

Pour en revenir à l'opportunité des procès pour crimes de guerre, chacun serait d'accord pour reconnaître le peu de solidité (c'est un euphémisme) des fondements légaux de ces procès. Cependant, il semble que de nombreuses personnes considéreraient comme justifiés ces procès dans la mesure où il ne s'agissait pas d'excès tels qu'il s'en commet habituellement en temps de guerre: la nature extraordinaire du crime l'extermination des juifs européens exigeait des poursuites extraordinaires. Une telle cruauté, selon cet argument, ne devait pas seulement être punie mais devait être aussi démontrée, documents à l'appui.

Mon but n'est pas, dans ce livre, d'établir le degré de cruauté qui justifierait tel ou tel degré d'irrégularité. Je désire plutôt insister sur un point rarement évoqué et qui relève au moins du débat: il est un fait que, sans les éléments fournis au cours de ces procès, il n'existerait pas de preuve décisive que le programme d'extermination des juifs ait jamais existé. Il suffit d'examiner les sources utilisées par Hilberg et par Reitlinger pour s'en convaincre. Si les procès ne s'étaient pas tenus, celui qui affirmerait l'existence du programme d'extermination ne pourrait, mis au défi de le prouver, fournir aucune preuve, mis à part quelques livres (sans compter Hilberg et Reitlinger) dont les affirmations sont tout aussi dénuées de fondement que son point de départ. Ainsi, la décision d'organiser des procès pour juger l'extermination des juifs n'était pas le simple problème de savoir s'il fallait ou non juger le meurtre de masse; à la différence d'une affaire de meurtre ordinaire, des doutes légitimes et très sérieux existaient quant à l'existence de l'acte lui-même.

Il se peut que ceci surprenne le lecteur qui considère l'histoire de l'extermination des juifs comme une quasi-certitude; ce n'est tout bonnement pas le cas. Il existe de nombreux arguments en faveur de cet avis et certains sont si simples qu'ils peuvent surprendre encore davantage le lecteur. La plus simple des bonnes raisons d'être sceptique au sujet de l'allégation d'une extermination est aussi la raison la plus simple à concevoir: à la fin de la guerre, ils étaient toujours là.

Cette affirmation ne doit être que légèrement nuancée. Imaginons qu'un observateur d'Europe de l'Ouest, qui était familier de la situation des juifs européens avant la guerre, effectue une étude sur les juifs d'Europe de l'Ouest, disons vers la fin de 1946 (les juifs d'Europe de l'Est étant hors d'atteinte). Il aurait trouvé les communautés juives italiennes, françaises, belges et danoises intactes pour l'essentiel (ces points seront abordés plus complètement dans d'autres chapitres). Il aurait constaté d'autre part qu'il manquait un grand nombre de juifs, une majorité peut-être, au Luxembourg, aux Pays-Bas et en Tchécoslovaquie (alors accessible depuis l'Ouest). La situation des juifs d'Allemagne et d'Autriche était confuse car, bien que la plupart aient émigré avant la guerre, il était difficile d'être précis sur le nombre des émigrants et sur leur pays de destination. Dans tous les cas, beaucoup de ceux qui étaient restés, la majorité peut-être, ne résidaient plus à l'endroit où ils demeuraient précédemment.

Cependant, les absences étaient compensées par le fait évident que les camps de personnes déplacées en Allemagne étaient remplis de juifs (un chiffre de plus de 250.000 a été donné) (3) et que de nombreux juifs européens avaient émigré aux Etats-Unis, en Palestine ou ailleurs depuis le début de la guerre. Les éléments à la disposition de l'observateur d'Europe de l'Ouest en cette fin d'année 1946 constituaient de très puissants arguments contre les allégations d'extermination qui avaient reçu une si large publicité pendant la guerre et lors du récent procès de Nuremberg.

En dépit de développements superficiels, les décennies qui se sont écoulées depuis ont progressivement renforcé cette vision de l'histoire de l'extermination, bien qu'il n'y ait eu pendant de longues années qu'un seul auteur sérieux dans ce domaine, l'historien français Paul Rassinier. En 1949, il publia Passage de la ligne, livre sur sa vie de prisonnier politique de gauche à Buchenwald de 1943 à 1945, qui, quoique «généralement accueilli avec sympathie, ne provoqua que des grincements de dents sourds et sans conclusion, d'un certain côté». Il publia ensuite, en 1950, Le Mensonge d'Ulysse, étude critique de la littérature concentrationnaire dans laquelle il mettait en doute l'existence des chambres à gaz: «Il est encore trop tôt pour prononcer un jugement définitif sur les chambres à gaz». L'ouvrage provoqua une violente campagne de presse qui entraîna finalement des procès où l'auteur, le préfacier et l'éditeur furent tout d'abord acquittés, puis condamnés à des amendes, dommages et intérêts et peines de prison avec sursis, et enfin de nouveau acquittés. En 1955, les deux livres réunis furent publiés sous le titre Le Mensonge d'Ulysse ( 2 e édition) dans lequel avaient été ajoutés des matériaux de plus en plus critiques concernant les chambres à gaz. L'édition la plus courante aujourd'hui (mais qu'il n'est pas très facile de se procurer) est la cinquième (cf. la bibliographie), publiée en 1961, année où Rassinier publia également un petit volume «complémentaire», Ulysse trahi par les siens, composé de trois essais montrant qu'il avait adopté des positions de plus en plus négatives au sujet des chambres à gaz; le dernier chapitre est le texte d'une conférence prononcée dans plusieurs villes allemandes et autrichiennes, au début du printemps de 1960 (juste avant l'affaire Eichmann). En 1962 fut publié Le véritable procès Eichmann, étude de toute la série des prétendus crimes de guerre allemands dans leurs contextes historiques et politiques; à cette date, il était parvenu à une conclusion définitive sur l'histoire de l'extermination des juifs: «Un mensonge historique: la plus tragique et la plus macabre mystification de tous les temps». (4) Pour aboutir à cette conclusion Rassinier employa deux démarches fondamentales: le matérialisme et la démographie. Par matérialisme, nous entendons l'analyse des preuves selon lesquelles des exécutions massives de juifs, par gazages ou par d'autres moyens spécifiques, furent réellement pratiquées par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale. La méthode matérialiste revient pour ainsi dire à analyser les preuves présentées lors des procès pour crimes de guerre ou ces preuves telles qu'elles sont interprétées par Hilberg et par Reitlinger et telles qu'elles sont complétées par des éléments de preuve similaires. Rassinier ne fit qu'une tentative d'exploration de l'aspect démographique dans Le véritable procès Eichmann, mais, dans son ouvrage final d'ensemble sur le problème de l'extermination des juifs, Le Drame des juifs européens (1964), il présente une longue analyse de la question d'un point de vue démographique. En 1965, il publia L'Opération «Vicair, critique de la pièce de Rolf Hochhuth, Le Vicaire. Il convient de préciser qu'il est nécessaire de contrôler la manière dont Rassinier interprète les sources; certaines d'entre elles ne peuvent pas être identifiées et de plus, il utilise en divers endroits des sources nettement sujettes à caution. Il commet aussi quelques erreurs de fait manifestes, mais qui n'ont guère de conséquences, comme lorsqu'il présente Hanson Baldwin du New York Times comme un «expert en matière de population juive» (nous ne pensons pas que le New York Times ait jamais compté parmi son personnel quelqu'un qui puisse être ainsi qualifié), et quand il affirme que la majorité des juifs américains sont antisionistes et soutiennent le point de vue de l'American Council for Judaism (organisation antisioniste qui n'a jamais eu de réelle importance politique). Rassinier fut néanmoins un pionnier courageux dans un domaine méconnu et, malgré les diverses imperfections de son oeuvre, toute personne impartiale ne peut le lire sans devenir à tout le moins sceptique à l'égard des «exterminations». Rassinier est mort en juillet 1967. Ses livres avaient été traduits en allemand, en espagnol et en italien, mais il fallut attendre plusieurs années avant qu'ils connaissent une traduction anglaise.

Les livres de Rassinier furent suivis par trois livres de Josef Ginsburg publiés sous le pseudonyme de J.G. Burg: Schuld und Schicksal (1962), Sündenböcke (1967) et NS-Verbrechen (1968). Les livres de Ginsburg ne sont pas le fruit d'une recherche particulièrement fouillée car ses opinions s'appuient principalement sur ce qu'il a lu dans les journaux, qui s'ajoute à son expérience personnelle de juif déporté pendant la guerre, avec sa famille, vers les territoires orientaux occupés par les nazis et les Roumains. Après la guerre, Ginsburg emmena sa famille en Israël, mais il finit par devenir très antisioniste et revint en Europe où il s'installa comme relieur à Munich. Bien qu'il croie que de nombreux juifs ont péri en raison des effets combinés de la politique nazie et des conditions qui étaient celles de la guerre, il nie que le gouvernement allemand ait jamais envisagé l'extermination des juifs d'Europe et traite avec beaucoup de mépris le chiffre de six millions. Il n'est pas certain de l'existence des chambres à gaz mais croit que de nombreux juifs périrent à la suite d'épidémies, de pogromes, de raids aériens et d'exécutions de partisans. Il cite une estimation d'environ trois millions de victimes comme maximum possible, tout en pensant que le chiffre exact est très inférieur. Pour prix de ses efforts pour parvenir à la vérité, Ginsburg, homme de petite taille et d'un certain âge, fut violemment battu par des nervis juifs un jour où il s'était rendu sur la tombe de sa femme, au cimetière israélite de Munich.

En 1969 était publié aux Etats-Unis un petit livre, The Myth of the Six Million, attribué à un auteur anonyme. Bien qu'on puisse parler favorablement de ce livre (c'est grâce à lui, par exemple, que j'ai appris l'existence de Rassinier), il contient également tant d'erreurs factuelles qu'il devient en lui-même la démonstration qu'il ne suffit pas que la thèse d'un livre soit correcte. Des personnes qui l'ont utilisé lors de controverses publiques ont eu l'occasion de s'en mordre les doigts.

L'étape suivante fut la publication en Allemagne du livre d'Emil Aretz, Hexen-Einmal-Eins einer Lüge dont seule la troisième édition (Munich, 1973) semble avoir connu une diffusion importante. La critique que fait Aretz des exterminations ne va que peu au-delà de Rassinier. Il s'appuie beaucoup sur Rassinier à cet égard, bien qu'il fournisse de nouveaux éléments. L'intérêt majeur de son livre est qu'il est un plaidoyer remarquablement hardi et franc en faveur de la nation allemande.

La continuation absurde des procès pour crimes de guerre en Allemagne de l'Ouest et l'absence de toute prescription pour les prétendus crimes de guerre des Allemands ont eu une conséquence qui a rarement été notée: les gens qui «y étaient» ont eu peur de se faire connaître et de raconter ce qui s'était, selon eux, réellement passé. Ils préféreraient ne pas attirer l'attention sur le fait qu'ils «y étaient». Néanmoins, il était inévitable que quelques individus courageux se fassent tout de même connaître. Le plus important parmi eux a été à ce jour Thies Christophersen, auteur de la brochure Die Auschwitz Lüge Christophersen était à Auschwitz de janvier à décembre 1944 et c'est en 1973 qu'il publia ses souvenirs en exprimant sa conviction qu'il n'y avait jamais eu là-bas d'extermination. Une traduction anglaise de la brochure de Christophersen, à laquelle furent ajoutés quelques proclamation claironnantes, fut publiée en 1974. Christophersen fut suivi de Wilhelm Stäglich (docteur en droit), à présent juge à Hambourg, qui avait été versé dans une unité antiaérienne près d'Auschwitz pendant l'année 1944 et avait visité le camp à diverses occasions. (5).

A la fin de 1973, Austin J. App, un professeur d'anglais du Maryland en retraite, publia une courte brochure, The Six Million Swindle. Au début de 1974, Wolf Dieter Rothe publia le premier volume de son étude, Die Endlösung der Judenfrage, et, plus tard la même année, Richard Harwood publia en Angleterre sa brochure: Did Six Million Really Die? La brochure de Harwood est assez convaincante, bien qu'elle ait des points faibles et qu'il faille plutôt se reporter à Rassinier. Colin Wilson en a fait un compte rendu favorable dans le numéro de novembre 1974 du mensuel britannique influent Books and Bookmen, déclenchant une controverse dans les pages de cette revue qui se prolongea plusieurs mois.

Au début de 1975, la traduction par Harry Elmer Barnes d'un des livres de Rassinier, Drama of the European Jews, fut publiée aux Etats-Unis par un petit éditeur.


Combien de juifs ?

Dans ce chapitre d'introduction, nous passons rapidement en revue les principaux problèmes qui se présentent lorsqu'il est question de démographie. Nous indiquons ensuite de quelle manière les problèmes démographiques sont résolus dans ce livre, mais nous devons préciser que la tâche spécifique que constitue cette solution doit être remise jusque vers une phase avancée du livre.

Les problèmes inhérents à une étude démographique sont redoutables. En premier lieu, toutes les sources des données primaires d'après-guerre sont des sources privées juives ou bien communistes (exclusivement communistes pour les cas si importants de la Russie et de la Pologne). Ensuite, il apparaît que l'on peut obtenir tous les résultats que l'on désire en consultant des sources convenablement choisies d'avant la guerre et d'après la guerre. Examinons la population juive mondiale. Selon l'étude de 1939 d'Arthur Ruppin, professeur de sociologie juive à l'Université hébraïque de Jérusalem, il y avait 16.717.000 juifs dans le monde en 1938. (6) Etant donné que Ruppin (qui est mort en 1943) était considéré comme l'expert le plus compétent en la matière, en raison des nombreux écrits qu'il avait consacrés pendant des années à ce sujet, les estimations d'autres sources d'avant-guerre ont tendance à coïncider avec les siennes. C'est ainsi que l'estimation de l'American Jewish Committee pour 1933, publiée dans le World Almanac de 1940, était de 15.315.359. Le chiffre du World Almanac pour 1945 est de 15.192.089 (p.367); aucune source n'est indiquée mais ce chiffre repose manifestement sur une sorte de recensement religieux. Le World Almanac de 1946 l'a porté à 15.753.638, chiffre qui a été conservé dans les éditions de 1947 (p.478), de 1948 (p.572) et de 1949 (p.289). Le World Almanac de 1948 (p.249) donne également l'estimation de l'American Jewish Committee pour 1938 (sic), soit 15.688.259, tandis que le World Almanac de 1949 (p.204) rapporte de nouveaux chiffres de l'American Jewish Committee, calculés en 1947-1948: 16.643.120 en 1939 et 11.266.600 en 1947. Cependant, Hanson Baldwin, expert militaire du New York Times dans un article écrit en 1948 sur la guerre qui était sur le point d'éclater entre juifs et Arabes, indique, sur la base d'informations disponibles à l'ONU et ailleurs, le chiffre de 15 à 18 millions pour la population juive mondiale ainsi que des chiffres pour les juifs en Palestine, les juifs au Moyen Orient, les Arabes de Palestine, les chiffres de tous les Arabes, de tous les musulmans, etc ..(7)

Cet aperçu donne une idée de certaines des plus simples incertitudes qui existent dans une étude démographique. Si l'on approfondit le sujet, on constate que le chiffre de 11 à 12 millions pour la population juive mondiale d'après-guerre, qu'il est nécessaire de soutenir afin de maintenir la thèse de l'extermination, est, en deux points, très vulnérable. Le premier est l'ensemble de statistiques offert pour les Etats-Unis et le second l'ensemble offert pour l'Europe orientale. Tous deux, et en particulier le second, se caractérisent par des incertitudes insurmontables. Considérons tout d'abord les Etats-Unis. Les chiffres du recensement de la population totale des Etats-Unis sont les suivants: (8)

 Année

Population
 1920  105.710.620
 1930 122.775.046
1940 131.669.275
1950 150.697.361
1960 179.300.000

tandis que les chiffres de la population juive des Etats-Unis, tels qu'ils sont fournis par le Jewish Statistical Bureau (une filiale de l'American Jewish Committee ou de la Synagogue of America), dont le directeur est H.S.Linfield, sont les suivants: ( 9)

 Année Population juive
1917 3.388.951
1927 4.228.029
1937 4.770.647
1949 5.00.000
1961 5.530.000

Il est important de noter que tous les chiffres de la population juive des Etats-Unis proviennent de la même source (Linfield).

L'accroissement de la population juive des Etats-Unis résultant des données précédentes est de 40,8% de 1917 à 1937, tandis que l'accroissement de la population totale des Etats-Unis est de 24,6% de 1920 à 1940. Ce contraste est concevable d'une manière générale car l'immigration juive a été assez forte pendant la période prise en compte. Toutefois, l'immigration juive aux Etats-Unis soulève certains problèmes qui lui sont propres. L'American Jewish Yearbook indique, pour les années 1938-1943 et 1946-1949 (incluses), une immigration juive nette de 232.191 personnes. (10) L'on ne semble pas disposer de chiffres pour 1944 et 1945. Soit dit en passant, c'est pendant ces deux années qu'un nombre indéterminé de juifs fut admis aux Etats-Unis «en dehors des procédures régulières d'immigration». On a prétendu qu'il y avait seulement un millier de ces juifs, logés dans un camp près d'Oswego (Etat de New York) qui n'étaient pas susceptibles d'être acceptés aux Etats-Unis. Il s'agissait, dit-on, d'une contribution des Etats-Unis pour alléger le problème des réfugiés. Tout cet épisode semble cependant extrêmement étrange et suspect. (11)

Plutôt que d'essayer de résoudre le problème de l'ampleur de l'immigration juive, supposons que le taux d'accroissement de la population juive, de 1937 à 1957, ait été au moins égal à celui de la population juive des Etats-Unis de 1917 à 1937, ce qui semble pour le moins raisonnable, eu égard à divers faits. Parmi ceux-ci, il y a les raisons qui ont poussé 1,5 million de juifs à aller en Palestine pendant et après la seconde guerre mondiale et qui ont également motivé leur immigration aux Etats-Unis; il y a aussi le fait qu'aucun quota national ou racial d'immigration n'était applicable aux juifs en tant que tels. Dans ce cas, il devrait y avoir au moins 6.678.000 juifs aux Etats-Unis en 1957 et non les 5.300.000 qui sont indiqués. Il manque environ 1.400.000 juifs aux chiffres interpolés pour 1957 et nous considérons qu'il s'agit là d'un chiffre qui est en deçà de la vérité, pour la raison que nous avons donnée. Pendant les années 1937-1957, les juifs ont connu des déplacements de population sans précédent.

D'un autre côté, nous pouvons adopter des chiffres bas et supposer que les 4.770.647 juifs de 1937 se sont accrus au même rythme que la population des Etats-Unis de 1940 à 1960. Selon cette hypothèse, les juifs devraient être au nombre de 6.500.000 aux Etats-Unis en 1957. Si l'on ajoute le chiffre raisonnable de 300.000 juifs supplémentaires dû à l'immigration, nous obtenons un total de 6.800.000 en 1957. Ainsi, par l'une ou l'autre méthode d'extrapolation, il manque au moins, pour 1957, à peu près un million et demi d'individus dans les chiffres de la population juive des Etats-Unis d'après-guerre.

Le principal défaut des statistiques de la population juive des Etats-Unis est le taux d'accroissement inexplicablement faible de 1937 à 1939, en dépit de mouvements record de la population juive et de la politique d'immigration très libérale des Etats-Unis.

C'est l'Europe orientale, néanmoins, qui est au coeur du problème démographique. Afin d'éviter de très sérieuses confusions, il faut avoir à l'esprit que l'Europe orientale a connu, au cours du vingtième siècle, des changements de frontières considérables. L'illustration n·1 représente une carte de l'Europe à la veille de la première guerre mondiale (1914-1918). L'illustration n·2 est l'Europe de janvier 1938, c'est-à-dire, pour l'essentiel, l'Europe du Traité de Versailles, avant que Hitler ne commence ses acquisitions territoriales, et l'illustration n·4 montre la carte de l'Europe de l'après-guerre. Le principal changement de frontières à la fin de la seconde guerre mondiale a été le déplacement vers l'ouest de la frontière soviétique, avec l'annexion des trois pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) et de parties de la Roumanie, de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de la Prusse orientale. La Pologne reçut en échange le restant de la Prusse orientale et ce qu'on avait coutume de considérer comme l'Allemagne orientale, de sorte que la Pologne a opéré un glissement massif vers l'ouest.

Des estimations d'avant la guerre (1938) de la population juive pour l'Europe orientale ont été proposées par H.S.Linfield et par l'American Jewish Committee dans le World Almanac de 1948 (sic) (p.249). Des chiffres pour l'après-guerre (1948) furent publiés dans le World Almanac de 1949 (p.204):

 

 1938

 1948
 Bulgarie 48.398 46.500
Hongrie 444.567 180.000
 Pologne 3.113.900 105.000
 Roumanie 900.000 430.000
 URSS 3.273.047 2.032.500
  ___________ __________
 Totaux 7.779.912 2.794.000

Les pertes juives pour l'Europe orientale auraient donc été de 4.985.912. Les chiffres pour l'URSS comprennent, dans les deux cas, les trois pays baltes et les juifs d'Asie soviétique. Les chiffres pour 1938 s'accordent de près, dans tous les cas, avec les chiffres que Ruppin publia peu avant la guerre. Dans la mesure où la légende de l'extermination s'appuie sur des statistiques de population, c'est précisément sur ces statistiques ou sur des statistiques équivalentes qu'elle s'appuie.

L'ennui est que ces chiffres sont absolument dépourvus de signification. Il n'existe aucun moyen, pour un observateur occidental, de contrôler la plausibilité, sans parler de l'exactitude, de tels chiffres. Il doit être disposé à accepter les affirmations juives ou communistes (il s'agit surtout de ces dernières) concernant la population juive d'Europe orientale, ou bien il doit rejeter tous les chiffres proposés parce qu'ils manquent de justification.

Il est possible de renforcer notre objection sur ce point si important et, en même temps, de traiter d'une réserve que pourrait formuler le lecteur. Il pourrait sembler extrêmement audacieux d'affirmer la quasi-disparition des juifs polonais si tel n'avait pas été essentiellement ou approximativement le cas, ou si quelque chose de semblable ne s'était pas produit. Cela semble être une solide objection, mais l'on doit se rappeler qu'une grande partie du territoire qui était considéré comme polonais en 1939 était soviétique en 1945. Il était possible pour les juifs polonais de disparaître, pour ainsi dire, si, pendant l'occupation russe de la Pologne orientale, de 1939 à 1941, les Soviétiques avaient dispersé de nombreux juifs polonais à l'est, nombre d'entre eux étant finalement absorbés par l'Union Soviétique et ceux qui ne désiraient pas demeurer en Union Soviétique émigrant, principalement en Palestine et aux Etats-Unis, mais également, dans une certaine mesure, vers la nouvelle Pologne et vers d'autres pays. Tel est, en fait, ce qui est arrivé aux juifs qui avaient résidé en Pologne avant la guerre.

Quoi qu'on puisse dire de la politique soviétique à l'égard des juifs après, disons, 1950, il est clair qu'au départ les autorités soviétiques ne persécutaient pas les juifs et ont encouragé leur intégration en Union Soviétique. On sait que de nombreux juifs polonais furent intégrés pendant et immédiatement après la guerre mais, bien entendu, il est difficile de fixer des chiffres. Reitlinger examine ce problème et parvient à un chiffre de 700.000, sans donner les raisons pour lesquelles le chiffre exact ne pourrait pas être beaucoup plus élevé. Il fait ensuite remarquer que les preuves qu'il emploie à propos de l'extermination de juifs en Russie (des documents supposés être allemands) indiquent environ le même nombre de juifs soviétiques exterminés, à partir de quoi il déduit, correctement, que, entre 1936 et 1946, la population juive soviétique a pu réellement augmenter. (12) Cette importante concession, venant de l'auteur de The Final Solution, montre que notre réticence à accepter les chiffres communistes ne doit pas être considérée comme motivée uniquement par les nécessités de notre thèse. Ces chiffres sont, sans conteste, sujets à caution. Les Soviétiques affirment que leur population juive a baissé de 38%, malgré l'acquisition de territoires comprenant de nombreux juifs. Etant donné que l'URSS est l'un des pays où «juif» est une nationalité légalement reconnue, les Soviétiques possèdent bien, effectivement, des chiffres précis sur le nombre de juifs qu'ils ont mais ont choisi (selon l'opinion de Reitlinger, si vous choisissez de ne pas accepter celle de l'auteur) d'annoncer une perte totalement mythique de 38% pour la population juive.

Comme le rapportait le Jewish Chronicle du 15 février 1980, même «l'American Jewish Committee conteste les chiffres du recensement soviétique» et affirme «que les autorités soviétiques ont un intérêt matériel à alléguer une population juive réduite».

Il en va de même pour la valeur qu'il faut accorder aux autres chiffres présentés.

La recherche la plus pertinente qui ait été faite par un démographe semble être celle de Leszek A. Kosinski, de l'Université d'Alberta (Geographical Review, vol.59, 1969, p.388-402 et Canadian Slavonic Papers, vol.11, 1969, p.357-373), qui a étudié les changements de toute la structure ethnique de la partie centrale et orientale de l'Europe (c'est-à-dire à l'exclusion de l'Allemagne et de la Russie) pour la période de 1930 à 1960. Il explique de la façon suivante les difficultés extrêmes qu'on rencontre avec la statistique de base:

«Les critères utilisés pour la compilation diffèrent d'un pays à l'autre et ne sont pas toujours précis. En principe, deux types de critères sont utilisés: les critères objectifs tels que la langue, l'appartenance culturelle et la confession, et les critères subjectifs, qui s'appuient sur les déclarations des personnes elles-mêmes. Chaque critère a ses avantages et ses défauts. Les critères objectifs ne déterminent la nationalité qu'indirectement et sont difficiles à appliquer dans les cas marginaux (les personnes bilingues, par exemple). La même critique s'applique davantage encore aux critères subjectifs. Des pressions extérieures et l'opportunisme peuvent influencer les résultats, en particulier quand le sentiment national n'est pas pleinement développé ou quand une réponse honnête peut entraîner des conséquences indésirables. Des données officielles ne sont donc pas toujours dignes de foi, même quand elles ne sont pas falsifiées, comme cela est également arrivé. Cependant, les données officielles ne méritent pas la même dose de scepticisme pour tous les pays et leur véracité est pour beaucoup fonction de la politique nationale».

Les juifs sont, bien entendu, l'un des groupes auxquels s'intéresse Kosinski qui présente divers chiffres, comparables généralement à ceux qui ont été donnés plus haut, pour la population juive avant la guerre. Néanmoins, ses données pour l'après-guerre sont si peu fiables qu'il n'essaie même pas de donner de chiffres précis pour l'après-guerre à propos des juifs, bien qu'il le fasse pour d'autres groupes, les Tsiganes par exemple, en donnant des chiffres moins significatifs, statistiquement, que le nombre de juifs qui, selon les mythologistes de l'extermination, survécurent en Europe orientale. Il est vrai qu'il accepte la légende de l'extermination d'une manière générale et présente un histogramme qui montre une diminution impressionnante des populations juives de Pologne, de Hongrie, de Roumanie et de Tchécoslovaquie. Il fait également observer que les pertes combinées de population, dues à la guerre, des Yougoslaves, des juifs, des Polonais et des Allemands de l'Est étaient d'environ 12,5 à 14 millions, mais il ne décompose pas ce total et renvoie le lecteur au relevé statistique Population Changes in Europe Since 1939 de Gregory (Grzegorz) Frumkin, dont les chiffres concernant les juifs proviennent de l'American Jewish Congress, de la Zionist Organization of America et du Centre de Documentation Juive Contemporaine de Paris. Toutefois, il convient de noter que Kosinski ne parvient à aucun chiffre pour ce qui concerne les juifs, ce qui, manifestement, est logique étant donné les problèmes qu'il a signalés. Les chiffres des groupes ethniques provenant de la Hongrie communiste se fondent sur la langue et ceux provenant de la Pologne communiste, de la Tchécoslovaquie communiste et de la Roumanie communiste se fondent sur la "nationalité", quel que soit le sens donné à ce terme dans les divers cas. Naturellement, Kosinski s'excuse d'utiliser des «statistiques officielles aussi imparfaites soient-elles».

Nous reviendrons sur les problèmes démographiques, en particulier ceux qui concernent les juifs polonais, au chapitre VII.

Nous devons aussi nous rappeler que le problème du recensement des juifs dans les pays occidentaux comporte d'énormes difficultés en l'absence de toute base légale, raciale ou religieuse permettant de définir ce qu'est un «juif». Par exemple, les statistiques dont dispose Reitlinger lui indiquent qu'il y avait 300.000 juifs en France, parmi lesquels des juifs allemands réfugiés, au début de la seconde guerre mondiale. (13) Les nazis, en revanche, pensaient qu'il y en avait 865.000 et je ne vois pas la raison qui les aurait poussés à gonfler délibérément ce chiffre; d'autres chiffres utilisés par les nazis n'étaient pas exagérément grossis en comparaison des chiffres d'autres sources. (14) Je dois ajouter que je n'ai vraiment aucune idée du nombre des juifs vivant aux Etats-Unis. Le World Almanac m'apprend qu'il y en a environ 6.000.000 mais il ne m'est pas possible de vérifier comment l'on est parvenu à ce chiffre, ce qui fait qu'il ne m'inspire guère confiance. Pour autant que je sache, le chiffre exact pourrait tout aussi bien être de 9.000.000. Il doit y en avoir au moins 4.000.000 dans la seule ville de New-York.

Pour résumer ce qui a été dit au sujet des statistiques de la population juive, disons que le problème consistant à établir ces statistiques est prodigieusement complexe, même sans interférence ou pression politique. De plus, dans l'argument démographique d'une perte de cinq ou six millions d'individus dans la population juive mondiale, les chiffres proviennent de sources et d'autorités communistes et juives et, par conséquent, vu la nature du problème que nous examinons, doivent être considérés pour l'essentiel comme inutilisables. De surcroît, les chiffres d'après-guerre pour les Etats-Unis sont, dans une large mesure et comme on peut le démontrer, inférieurs à la réalité.

Il ne faudrait pas croire qu'il est essentiel pour ma thèse que le lecteur accepte les conclusions démographiques auxquelles nous avons semblé aboutir. Nous avons seulement montré le genre de problèmes qui se posent lorsqu'on adopte une approche démographique trop directe; il n'est pas possible d'établir quoi que ce soit de cette façon. En dernière analyse, la difficulté est que les chiffres disponibles ne reviennent à rien de plus qu'à affirmer, à partir de sources juives et communistes, que des millions de juifs ont été tués. L'on doit s'attendre à de telles affirmations mais celles-ci ne doivent certainement pas nous empêcher d'étudier la question plus en profondeur. Nous aborderons le problème démographique vers la fin du livre, cependant, puisque la nature du problème est telle que des conclusions démographiques raisonnablement utilisables ne sont possibles qu'après qu'ait été compris ce qui est arrivé aux juifs d'une manière générale.

L'étude démographique de Rassinier, en fait, ne tente pas même réellement de régler le problème, strictement parlant. Sa méthode de base consiste à analyser les déductions qui ont été tirées de deux séries différentes de données, celle du Centre de Documentation Juive Contemporaine et celle de Hilberg, toutes les deux tirant de leurs données un chiffre situé entre cinq et six millions de victimes juives des nazis. La conclusion de Rassinier est que le CDJC ne peut revendiquer que 1.485.292 victimes à partir de ses données et Hilberg 896.892. (15) Rassinier accepte la réalité d'environ un million de juifs victimes de la politique nazie, tout en rejetant la thèse de l'extermination. On sait, par exemple, que certaines populations d'Europe de l'Est profitèrent des conditions générales politiques et militaires pour persécuter les juifs. De même, de nombreux juifs qui furent déportés de leurs foyers périrent sans doute à la suite des conditions généralement chaotiques qui accompagnèrent la seconde moitié de la guerre.

Puisque je crois que la tâche n'est pas possible, je n'offrirai ici aucune estimation précise des pertes juives. Cependant, je ne vois aucune raison majeure de contester l'estimation de Rassinier.


Méthode, argumentation et conclusion

Ainsi que nous l'avons déclaré, nous élargirons ici l'«examen matériel» et nous «introduirons» en outre un examen «historique et politique». Il s'agit juste d'une façon plaisante de dire qu'il y a deux puissances politiques impliquées dans le problème, et non une seule. Ce qui revient à dire que nous avons le récit d'une extermination et que nous devrions examiner les circonstances de sa naissance. Une chose est claire: il y a deux Etats impliqués dans le problème. L'Allemagne a mené une politique antijuive comportant, dans de nombreux cas, des déportations de juifs de leurs domiciles et de pays dont ils étaient citoyens. C'est certain. La politique de Washington pendant la guerre a été d'affirmer l'existence d'une extermination et sa politique d'après-guerre fut de mettre sur pied des procès qui ont suscité les seules preuves que nous possédions aujourd'hui de que ces allégations de la période de guerre aient eu un quelconque fondement. Cela, également, est certain. Les politiques menées par ces deux Etats offrent nécessairement un intérêt et, s'il est un point où ce livre innove peut-être de manière radicale c'est dans son insistance à considérer Washington comme un agent actif dans la formation de l'histoire de l'extermination. C'est pourquoi nous nous intéressons non seulement à ce que Hitler, Himmler, Goering, Goebbels et Heydrich faisaient pendant la guerre, mais également à ce que Roosevelt, Hull, Morgenthau, le New York Times et d'autres moyens d'information faisaient à la même époque et à ce que les différents tribunaux contrôlés ou dominés par Washington ont fait après la guerre. Cette méthode historique est non seulement bonne mais elle est aussi éclairante.

La conclusion est la suivante: Washington a fabriqué une mise en scène à propos de l'accusation d'extermination des juifs. Une fois qu'on en a pris conscience, on entrevoit la véritable nature de la politique allemande à l'égard des juifs.


Les procès pour crimes de guerre

Avant d'examiner les détails de l'histoire, il convient de noter qu'il existe d'excellentes raisons a priori de s'attendre à une mise en scène. Il y a bien entendu l'argument très général suivant lequel une hostilité politique poussée à un degré tel qu'elle a provoqué un conflit armé entre deux Etats exclut nécessairement, de la part de l'un d'eux, l'impartialité qui est indispensable pour un procès équitable et auquel rien d'autre ne saurait se substituer. Les juges ont poursuivi des carrières politiques dans les puissances alliées hostiles à l'Allemagne et, après les procès, ils retourneraient à leurs carrières, en supposant qu'ils n'aient rien commis de hautement improbable lors de ces procès pour crimes de guerre. De surcroît, ils n'avaient entendu, pendant plusieurs années, que le point de vue anti-allemand. Ils étaient, en siégeant dans les tribunaux militaires, les délégués politiques appropriés. De pareilles considérations excluent une impartialité même approximative.

Il y a cependant des raisons bien plus spécifiques de s'attendre à une mise en scène. Pour cela, il suffit d'examiner les faits, qu'il nous est facile d'obtenir, concernant les divers tribunaux en question.

Il y eut tout d'abord le «grand procès» conduit par le «Tribunal Militaire International» (TMI) à Nuremberg, immédiatement après la guerre. Ce fut le procès des hauts dignitaires nazis Goering, Hess, Ribbentrop et tous autres qui dura de novembre 1945 à octobre 1946. Les juges et les représentants du ministère public étaient américains, britanniques, français et russes. Comme dans tous les tribunaux «militaires», il n'y avait pas de jury. Il y eut trois acquittements, sept peines de prison et onze condamnations à mort. Ces dernières furent appliquées presque immédiatement après le procès, sauf Goering qui échappa à la corde en avalant une capsule de cyanure de potassium, juste avant les pendaisons. L'on n'a jamais pu déterminer où Goering avait obtenu le poison ni comment il était parvenu à le dissimuler d'une façon continue. Cet épisode connut une suite exceptionnelle lorsque le premier psychiatre de la prison de Nuremberg, le Dr DouglasM. Kelly, spécialiste du traitement des troubles psychiatriques au moyen de médicaments, publia peu de temps après un livre sur ce qu'il avait vécu à Nuremberg et dans lequel il a, pour Goering et son acte ultime, des paroles élogieuses:

«Il supporta stoïquement son long emprisonnement pour pouvoir tenir tête au tribunal allié et rabrouer les représentants du ministère public... Son suicide... fut une habile et même brillante touche finale, pour parachever l'édifice que les Allemands pourraient admirer dans l'avenir... Il se pourrait bien que l'histoire montre que Goering remporta en fin de compte la victoire, en dépit de sa condamnation par la haute cour des puissances alliées».

Dix ans plus tard, le Dr Kelly allait imiter Goering en avalant l'une des capsules de cyanure de potassium qu'il possédait et qui étaient, dit-on, des «souvenirs» pris sur le corps de Goering. (16)

Le procès du TMI fut le seul qui bénéficia d'une très large publicité. Ce fut un procès important en ce sens que les puissances alliées donnèrent leur caution à une version spécifique de l'extermination, mais peu de preuves de nature concluante relatives à l'extermination des juifs furent présentées. Il s'agissait presque entièrement de témoignages et dépositions qu'il n'était pas du tout difficile de produire pour les puissances victorieuses dans les circonstances de l'époque. Le seul mérite relatif du procès du TMI, pour ce qui nous occupe, est que la transcription intégrale et une sélection assez complète des documents invoqués à titre de preuves sont facilement accessibles dans de nombreuses bibliothèques sous la forme d'un ensemble de 42 volumes avec un index très complet des matières et des noms.

De 1946 à 1949, les Américains ont mené devant le Tribunal Militaire de Nuremberg (NMT) une série de douze procès, en apparence moins importants. Ces procès sont désignés en fonction de leur numéro, du nom de l'accusé principal ou d'un titre plus descriptif:



 Affaire numéro    Description Vol. du NMT
 1  Brandt  P. des médecins  1, 2
 2  Milch  P. Milch  2
 3  Alstötter  P. de la justice  3
 4  Pohl  P. des camps de concentration  5, 6
 5 Flick  P. des hommes d'affaires  6
 6   Krauche  P. de l'I.G. Farben  7, 8
 7   List   P. des otages  9
 8 Greifelt   P. du RuSHA  4, 5
 9  Ohlendorf  P. des Einsatzgruppen 4

 10  Krupp  P. Krupp  9
 11  Weizsaecker  P. de la Wilhelmstrasse  12-14
 12  von Leeb  P. du Haut-Commandement  10, 11

Plusieurs sentences de mort furent prononcées au terme de ces procès mais la plupart des accusés furent condamnés à des peines de prison, assez longues dans bon nombre de cas. Néanmoins, presque tous étaient libres au début des années cinquante.

Les seules affaires qui nous concerneront ici, de quelque façon, sont l'affaire n·1, c'est-à-dire le procès du personnel médical impliqué dans le programme d'euthanasie et les expériences médicales, l'affaire n·4, procès de l'administration des camps de concentration, les affaires n·6 et n·10, l'affaire n·8, concernant la politique allemande de réimplantation, l'affaire n·9 (les Einsatzgruppen étaient chargés en Russie d'assurer la sécurité de l'armée allemande sur ses arrières) et l'affaire n·11, procès de fonctionnaires de divers ministères. Le gouvernement américain a publié une série de 15 volumes (désignée ici sous le sigle NMT) comprenant des «résumés» des affaires ainsi qu'une «sélection» très restreinte des documents présentés comme preuves. Les numéros des volumes correspondant aux différentes affaires sont indiqués dans le tableau ci-dessus.

Le chercheur se heurte ici à une difficulté importante car, comme on peut le constater à la lecture de Hilberg et de Reitlinger, presque toutes les preuves invoquées à l'appui de l'accusation d'extermination ont été présentées devant le TMN et non devant le TMI. Ce qui veut dire que les documents importants, ceux qui, pour le meilleur ou pour le pire, constituent l'ensemble essentiel de sources qui permette d'écrire une histoire de l'Allemagne nazie, sont ceux des séries NG, NI et NO, documents qui furent invoqués à titre de preuves lors des procès du TMN. Si l'on considère les circonstances légales et politiques irrégulières qui prévalaient à l'époque, les preuves documentaires ont infiniment plus de poids que des témoignages, ainsi que nous l'avons laissé entendre. Les documents fournis comme preuves devant le TMN consistent en certains types de pièces qui corroboreraient les accusations d'extermination: documents concernant l'administration des camps de concentration, la construction des crématoires, les déportations, certaines usines de Farben et de Krupp qui utilisaient la main-d'oeuvre des prisonniers, la politique générale du gouvernement allemand à l'égard des juifs, etc. Il n'y a, bien entendu, aucun document prouvant directement un programme d'extermination. Comme le Dr Kubovy du Centre de Documentation Juive de Tel-Aviv l'a reconnu en 1960, «il n'existe aucun document signé par Hitler, Himmler ou Heydrich parlant d'exterminer les Juifs et... le mot "extermination" n'apparaît pas dans la lettre de Goering à Heydrich concernant la solution finale de la question juive». (17)

Pour un personne ordinaire, la difficulté est que seuls de courts fragments des témoignages et des documents du TMN sont largement accessibles en version anglaise (dans la série NMT en quinze volumes). En outre, comme nous le verrons, on ne peut pas toujours se fier à ces traductions. Aussi bien, les extraits qui sont publiés ont été sélectionnés selon des critères inconnus. Enfin, on ne peut espérer trouver les quinze volumes du TMN que dans les villes d'une certaine dimension.

La situation est meilleure si l'on vit dans une très grande ville car il existe dans certaines bibliothèques des collections assez complètes de documents avec les transcriptions polycopiées des procès (presque toujours en allemand). Cependant, il se peut que la personne qui dispose de moyens financiers limités rencontre des difficultés lorsqu'elle désirera y examiner un ouvrage particulier. Dans certains cas, en effet, le personnel enseignant des universités lui-même n'est pas autorisé à feuilleter librement les livres. De plus, aucun index des matières ou des noms n'existe pour les procès du TMN (les volumes du TMN comprennent des index de dépositions de témoins, remplis d'erreurs).

Les procès du TMI et du TMN sont presque les seuls qui aient ici de l'importance. Les Britanniques ont conduit une série de procès qui ont une importance générale. Parmi eux, seuls les procès de Belsen et celui du Zyklon B présentent quelque intérêt pour nous. Les Polonais, les Russes, les Français, les Hollandais et les Italiens ont tous organisé des procès sans importance, excepté pour les victimes. Le gouvernement de Bonn a organisé des procès de faible intérêt, par exemple le «procès d'Auschwitz» (1963-1965), dont Langbein, Laternser et Naumann ont chacun rendu compte.

La manière dont se sont constitués le TMI et le TMN peut être décrite d'une façon suffisamment complète pour notre propos. Depuis l'automne 1943, il existait une Commission des Nations Unies pour les Crimes de guerre qui avait son siège à Londres. Toutefois, cette Commission ne fit jamais vraiment quoi que ce soit, si ce n'est qu'elle se rendit compte, à un moment donné, que, si quelque chose devait être fait, ce serait l'affaire de chaque gouvernement allié.

Les premières dispositions sérieuses furent prises aux Etats-Unis. En août 1944, l'Etat-major interarmes examina un projet sur la conduite à tenir concernant les crimes de guerre. La proposition avait été approuvée par le procureur militaire général de l'armée américaine. Elle le fut également le 1er octobre 1944 par l'Etat-major et, à peu près à la même date et conformément aux directives du Ministère de la guerre, un «Département des Crimes de guerre» fut créé dans les services du Parquet militaire. Ce Département des Crimes de guerre, dirigé par le général John M.Weir et son adjoint le colonel Melvin Purvis, était chargé de traiter tous les dossiers de crimes de guerre pour les Ministères des Affaires Etrangères, de la guerre et de la Marine.

La proposition qui avait été approuvée par l'Etat-major ne connut pas une très longue existence. Elle avait un caractère assez traditionnel, en ce sens qu'elle prévoyait, à la base, le jugement de personnes ayant enfreint les lois communément admises de la guerre en campagne. Ainsi, les délits commis avant la guerre ou les actes des autorités ennemies contre leurs propres compatriotes ne devaient pas être soumis à la juridiction alliée. Toutes les mesures prises, par exemple, contre les juifs allemands ne devaient pas relever de la juridiction des tribunaux qui avaient été prévus pour juger les crimes de guerre. Le concept de crime de guerre était, à ce moment-là, fortement influencé par le principe, jamais contesté, qu'un belligérant peut juger des soldats ennemis pour les mêmes types de délits pour lesquels il jugerait ses propres soldats.

Stimson, le ministre de la guerre, eut le 21 novembre 1944 un entretien avec le président Roosevelt qui lui fit comprendre qu'il se faisait une idée beaucoup plus étendue des crimes de guerre et que les propositions approuvées par l'Etat-major n'étaient absolument pas satisfaisantes. En conséquence, Roosevelt désigna en janvier 1945 le magistrat Samuel Rosenman comme son représentant personnel dans les discussions sur les problèmes relatifs aux crimes de guerre. Une réunion, le 18 janvier, entre Stimson, Rosenman, le procureur général Francis Biddle et d'autres personnes aboutit à un accord général en faveur d'une conception très élargie des crimes de guerre qu'on allait avoir à juger. (18)

Biddle devait plus tard siéger comme juge au TMI, bien qu'il eût écrit en janvier 1945, à l'usage de Roosevelt pour la Conférence de Yalta, que «les principaux dirigeants allemands sont bien connus et la preuve de leur culpabilité n'offrira pas de grandes difficultés». Le «juge» russe du TMI, Nikitchenko, fut un petit peu plus direct en déclarant avant le procès: «Nous avons affaire ici aux principaux criminels de guerre qui ont déjà été reconnus coupables». (19)

Au début de mai 1945, le président Truman ratifia les propositions révisées et nomma Robert H. Jackson, juge assesseur à la Cour Suprême, Conseiller juridique du gouvernement dans le procès à venir et donc aussi représentant les Etats-Unis dans les négociations avec les gouvernements étrangers relatives à l'organisation du procès. Le 6 juin 1945, Jackson rédigea un rapport intérimaire pour le président et, vers la fin du mois, il s'installa avec son équipe à Londres où fut effectuée une grande partie du travail préliminaire pour le TMI.

Un membre clé de l'équipe londonienne de Jackson fut le colonel Murray C. Bernays, un des premiers à s'être préoccupé des problèmes posés par les crimes de guerre. Diplômé de Harvard en 1915, il fonda un cabinet d'avocat à New York. Il fut nommé officier dans l'armée en 1942 et, en octobre 1943, chef du bureau des projets spéciaux, dans la Division du personnel auprès de l'état-major général de l'armée de terre. A ce poste, sa tâche consistait à préparer les procès des «criminels de guerre» allemands. Après chaque étape des négociations avec la Maison Blanche et d'autres personnalités, il apportait les corrections nécessaires aux plans examinés bien que, à l'en croire, c'est lui qui fut l'auteur du plan choisi en fin de compte. Toujours est-il que, peu après la nomination de Jackson, Bernays se vit décerner la Légion du Mérite, avec la citation suivante (extrait):

«Ayant reconnu de bonne heure la nécessité d'une base solide pour traiter le problème des criminels de guerre et des crimes de guerre, il formula le concept de base d'une telle politique et entreprit en temps utile une action appropriée qui assura son adoption comme fondement de la politique nationale».

Bernays rentra aux Etats-Unis en novembre 1945 et démissionna aussitôt de l'armée. Ainsi que nous l'avons vu, il existait d'intenses discussions aux plus hauts niveaux concernant les plans en vue des procès pour crimes de guerre. Il est douteux que l'on puisse prendre pour argent comptant les affirmations de Bernays mais, sans doute, il a joué un grand rôle dans l'élaboration des plans pour le procès. En outre, il avait certainement été un bon choix pour réaliser une chose aussi originale que la formulation de la structure «légale» des procès pour crimes de guerre car sa conception de la justice était également originale. Rentré aux Etats-Unis, il eut un entretien avec plusieurs directeurs de journaux (qui le surnommaient «l'homme au marteau») et, en réponse aux interrogations concernant la manière dont on allait attraper le menu fretin», il déclara:

«Il n'y a pas mal de criminels nazis qui vont se tirer d'affaire si les arrestations ne sont pas faites efficacement. Mais si nous établissons que la S.S., par exemple, était une organisation criminelle et que le fait d'en avoir été membre est une preuve en soi de criminalité, les Alliés vont s'emparer de beaucoup plus de criminels d'un seul coup. Vous savez, bon nombre de gens ici ne se rendent pas compte que c'est nous qui sommes à présent le gouvernement de l'Allemagne dans notre zone et qu'il ne peut exister d'autre système judiciaire que celui que nous approuvons. Nous sommes la loi. Si nous le voulions, nous pourrions par exemple faire passer des Allemands en jugement pour des crimes vieux de vingt, trente ou quarante ans. Mais nous serons trop occupés par la moisson actuelle de criminels de guerre pour avoir le temps de prendre en considération d'anciens méfaits.» (20)

A Londres, Jackson négocia avec les Alliés au sujet des procès et son rapport intérimaire du 6 juin fonda l'«Accord de Londres» du 8 août, signé par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la Russie et la France. Une «inculpation» fut prononcée contre vingt-quatre personnes et six organisations (la S.S., l'Etat-major général, etc.) le 18 octobre et le procès s'ouvrit à Nuremberg le 20 novembre 1945. Parmi les accusés, trois ne comparurent pas. Martin Bormann ne fut jamais retrouvé, Robert Ley se suicida avant le procès et Gustav Krupp était trop malade et trop vieux pour comparaître. L'accusation tenta de lui substituer son fils mais c'était aller trop loin, même pour ce tribunal, et le procès d'Alfred Krupp dut attendre jusqu'au TMN.

Il convient de noter au passage que le juge Jackson, outre qu'il fut le procureur général américain lors du procès, avait été officiellement le personnage principal dans les négociations de Londres relatives à l'élaboration du système légal avec lequel il devait opérer au procès. Occasion rare pour un procureur et probablement entièrement inédite dans le cadre de poursuites judiciaires que les gens civilisés ont considérées comme des procès. Les derniers statuts du TMI contenaient d'autres particularités de ce genre et stipulaient que la juridiction du tribunal ne se limitait pas aux actes commis en rapport avec la guerre mais s'étendait à toute la durée d'existence du parti nazi, que les accusés ne pouvaient invoquer l'excuse d'ordres supérieurs et que l'accusation pouvait contraindre les accusés à déposer.

Le Bureau des crimes de guerre, qui avait été établi en 1944, ne cessa pas ses activités car, pour le procès du TMI, Jackson «s'était assuré le concours et la participation du Bureau des crimes de guerre de Service de la procurature générale.». En outre, durant les premiers mois du procès du TMI (et peut-être aussi plus tard), le personnel ordinaire de l'accusation, à l'exception de Jackson, émargeait à la procurature générale». (21)

Il était absolument naturel qu'un rôle important fût dévolu, en ces circonstances, au Service de la procurature qui était le service juridique de l'armée. Or l'appareil administratif américain en Allemagne, immédiatement après la guerre, était celui de l'armée américaine. Le rôle traditionnel du Service de la procurature était l'administration de la justice militaire: les cours martiales et les affaires annexes. Cependant, au cours de la seconde guerre mondiale, l'action du service s'était étendue à tous les domaines de l'activité militaire comportant un aspect juridique; il eut même à s'occuper de litiges portant sur des contrats pour la production de guerre. En mai 1945, le procureur militaire général, le général Myron C. Cramer, avait prononcé un discours dans lequel il déclarait que la poursuite et l'inculpation des nazis allaient mobiliser au maximum les moyens du Bureau des crimes de guerre et devenir l'activité principale du Service dont il s'engageait à mettre toutes les ressources au service de Jackson. Ce ne fut pas là, on peut en être certain, une vaine promesse car l'organisation dirigée par Cramer avait davantage de consistance que celle qui était dirigée par Jackson. Bien que ne soient pas précisées exactement quelles étaient les activités du Bureau relativement au le TMI, il est plus que probable que c'est lui qui supervisa efficacement le choix et le filtrage des avocats de l'accusation et de la défense et de leurs adjoints, le choix des autres employés, comme les traducteurs et aux enquêteurs. Bien entendu, Jackson détenait officiellement une grande partie de cette autorité, mais l'on peut être raisonnablement certain que ces responsabilités furent, en fait, exercées par le Bureau des crimes de guerre. (22)

L'implication du Bureau dans les procès fut cependant beaucoup plus profonde. Tandis qu'étaient conduits les procès du TMI et du TMN, plusieurs procès moins importants avaient lieu. Il y eut notamment les procès, tenus au camp de Dachau (dans la banlieue de Munich et donc pas très loin de Nuremberg), de gardiens de certains camps de concentration (Buchenwald, Flossenburg, Dachau) qui avaient été capturés par les Américains et de soldats allemands accusés d'avoir tué quatre-vingt-trois prisonniers américains à Malmédy, pendant la bataille des Ardennes. Ces procès étaient supervisé par le Bureau des crimes de guerre et constituèrent peut-être l'épisode le plus honteux de l'histoire des Etats-Unis. (23)

Tout le répertoire des méthodes du troisième degré fut joué à Dachau: coups de poings et coups de pieds brutaux, au point d'entraîner des lésions aux testicules dans 137 cas, dents cassées, privation de nourriture, emprisonnement cellulaire, torture au moyen d'éclats de bois enflammés enfoncés dans la peau, enquêteurs se faisant passer pour des prêtres afin d'inciter les prisonniers à se «confesser». Aux prisonniers de rang inférieur, on affirmait ne rechercher que la condamnation des officiers haut gradés et l'on assurait qu'ils n'avaient absolument rien à perdre en coopérant et en faisant les déclarations souhaitées. Ces «preuves» étaient ensuite utilisées contre eux lorsqu'ils rejoignaient leurs supérieurs dans le box des accusés. En revanche, on avait dit à leurs supérieurs qu'en «avouant», ils avaient pris sur eux-mêmes toute la responsabilité et soustrait, de ce fait, leurs hommes au procès. Un des stratagèmes favoris, quand un prisonnier refusait de coopérer, était d'organiser un simulacre de procès. Le prisonnier était conduit dans une pièce où des enquêteurs civils, revêtus d'uniformes américains, étaient assis autour d'une table recouverte d'un drap noir, avec un crucifix en son centre et deux bougies pour toute lumière. Ce «tribunal» procédait alors à un semblant de procès au terme duquel était prononcé une «sentence de mort» fictive. On promettait ensuite au «condamné» de commuer sa peine s'il coopérait avec l'accusation en témoignant. Parfois, les enquêteurs menaçaient les prisonniers de les livrer aux Russes. Dans de nombreux cas, ils menacèrent de retirer à leur famille ses cartes d'alimentation ou de leur faire subir d'autres privations si on n'obtenait pas leur coopération.

Les procès officiels furent également un simulacre, apparemment délibéré, de toutes les idées qu'on peut se faire d'un procès en bonne et due forme. Ce simulacre commençait avec le «réquisitoire» qui ne faisait allusion que de manière générale à des catégories très étendues de crimes censés avoir été commis de 1942 à 1945 (dans le cas du personnel des camps de concentration) et entreprenait de donner une longue liste de d'inculpés, accusés d'être des criminels dans le sens extrêmement général qui a été indiqué. Le réquisitoire ne mentionnait pas de crimes précis commis par des personnes précises à des dates précises (cf., par exemple, le document PS-3590).

Dans certains cas, l'«avocat de la défense» était un Américain, dépourvu de formation juridique, qui ne savait pas l'allemand. On ne fournit pas d'interprètes qualifiés au cours des procès. L'«accusation» manquait également de formation juridique, de même que la «cour», composée de dix officiers de l'armée américaine. Une seule personne possédant une formation juridique était présente et toutes ses décisions quant à l'admissibilité des preuves furent sans appel. Il y eut 1416 condamnations, dont 420 à mort, sur 1672 cas jugés.

Alors que l'accusation pouvait parcourir l'Europe entière à la recherche de témoins et, si nécessaire, torturer les Allemands ou les soumettre à d'autres contraintes pour obtenir des «preuves», les accusés, coupés du monde extérieur et sans ressources financières, étaient rarement en mesure de citer quelqu'un à la barre pour leur défense. En outre, l'«Association des personnes persécutées par les nazis», par une campagne de propagande, empêcha les anciens détenus des camps de concentration de témoigner pour la défense.

George A.McDonough, homme de loi américain, qui eut l'occasion assez singulière d'avoir fait partie du Ministère Public, d'avoir été avocat de la défense dans les procès pour crimes de guerre et, plus tard, membre d'une commission de révision et arbitre des recours en grâce, écrivit au New York Times en 1948 pour se plaindre de l'absence de base légale des procès, faisant remarquer que «dans neuf problèmes sur dix, les autorités et les manuels ne pouvaient fournir de réponses» aux questions juridiques qui se posaient régulièrement et logiquement pour toute personne sérieusement préoccupée de légalité. Pour McDonough, le problème principal était de savoir si l'on devait ou non accepter, dans les procès pour crimes de guerre, que les accusés se retranchent, pour leur défense, derrière le devoir d'obéir à des ordres supérieurs. En ce qui concerne les procès de Dachau, il écrivait:

«Aux procès de Dachau, l'allégation de l'accusé selon laquelle il aurait été fusillé s'il n'avait pas obéi à l'ordre de son supérieur de commettre un acte, ordre que, par ignorance, il aurait pu croire légal ou qu'il savait illégal, sembla être considérée par les tribunaux comme une question de fait. La justesse de cet argument de la défense sembla dépendre de l'âge et du grade de l'accusé et de sa situation au combat au moment du délit. De plus, il pourrait paraître présomptueux de penser qu'un simple soldat ait connaissance de l'illégalité d'un acte quelconque quand les autorités internationales elles-mêmes ne s'accordent pas sur son illégalité ou n'en ont jamais donné une définition précise.

[...] On admit sans discrimination des dépositions fondées sur le ouï-dire et les déclarations sous serment de témoins étaient recevables sans que l'on se préoccupe de savoir si quelqu'un connaissait la personne qui l'avait faite ou celle qui l'avait recueillie. Si un représentant du Ministère Public estimait qu'une déposition écrite d'un témoin pouvait faire plus de tort à l'accusé que s'il venait déposer de vive voix devant le tribunal, il conseillait au témoin de rentrer chez lui, soumettait comme preuve la déposition écrite et toute objection de l'avocat de la défense était immédiatement rejetée».

Un incident qui mérite d'être signalé se produisit lorsque l'enquêteur Joseph Kirschbaum fit comparaître un certain Einstein pour témoigner du fait que l'accusé Menzel avait assassiné le frère d'Einstein. Quand l'accusé fit observer que le frère en question était bien vivant et était, en fait, assis dans la salle, Kirschbaum fut profondément embarrassé et tança le pauvre Einstein: «Comment pouvons-nous faire pendre ce porc si tu es bête au point d'amener ton frère au tribunal ?»

Les autorités militaires américaines responsables reconnurent certaines de ces choses. Quand le colonel A.H.Rosenfeld, chef du Bureau des crimes de guerre de Dachau, quitta son poste en 1948, des journalistes lui demandèrent s'il y avait du vrai dans ces affaires de procès fictifs où avaient été prononcées de fausses condamnations à mort. Il répondit:«Oui, bien entendu. Sans cela, nous n'aurions pas pu faire parler ces types[...] C'était une ruse et elle a marché à merveille. (24)

Les accusés du procès de Malmédy eurent un défenseur compétent en la personne du lieutenant-colonel Willis M.Everett, Jr. Ce furent les appels répétés d'Everett, à la Cour Suprême des Etats-Unis notamment, ajoutés à un concert de protestations, en Allemagne, de la part de pasteurs et d'autres personnes et au fait que des détails sur ce qui se passait parvinrent, par divers canaux, à la connaissance de la presse, qui persuadèrent le général Lucius D. Clay, gouverneur militaire américain, de diligenter une enquête sur les procès de Dachau. Le 29 juillet 1948, le ministre nomma une commission composée de deux juges américains, Gordon Simpson, du Texas, et Edward Van Roden, de Pennsylvanie, tous deux colonels de réserve au Service de la procurature générale. Ils bénéficièrent de l'assistance du lieutenant-colonel Charles Lawrence, Jr du même service. La commission remit son rapport au ministère de l'armée de terre en octobre 1948 et des extraits choisis en furent rendus publics en janvier 1949. Toute l'affaire éclata définitivement à la suite de remarques publiques formulées ultérieurement par Van Roden et également, dans une certain mesure, par Simpson, et à la suite d'une enquête indépendante menée par une commission de révision nommée par Clay, au point que les partisans des procès ne purent qu'ergoter sur le nombre de prisonniers allemands qui avaient été soumis à des brutalités. La commission de révision confirma tout ce que Van Roden avait affirmé, sauf en ce qui concerne la fréquence des sévices. (25) Curieusement, Clay nie les sévices dans son livre Decision in Germany mais il est contredit par sa propre commission de révision.

Ces affaires, en particulier celle de Malmédy, retinrent fortement l'attention au cours de l'année 1949 et une enquête fut conduite par une sous-commission dirigée par le sénateur Baldwin. Un témoin, auparavant sténographe du tribunal lors des procès de Dachau, déclara qu'il était si dégoûté par ce qui s'était passé qu'il avait démissionné. Il dit que les «plus brutaux» avaient été le lieutenant Perl, Frank Steiner et Harry W.Thon. Il expliqua que Perl et sa femme avaient été détenus dans des camps de concentration nazis et que les nazis avaient tué la mère de Steiner. Le juge Gordon (qui, à la différence de Van Roden, essayait de donner la meilleure interprétation possible, fût-elle très alambiquée, aux faits regrettables qui étaient apparus au grand jour) admit que, vraisemblablement, l'on avait affaire à «une piètre équipe»; il expliqua que la pénurie d'avocats et d'interprètes américains parlant allemand avait obligé l'armée à «mettre certains réfugiés allemands à contribution». Steiner, Kirschbaum et Thon (qui devint plus tard chef du service d'évaluation de l'administration civile du gouvernement militaire américain) comparurent par la suite et nièrent tout en bloc, mais ils furent ébranlés par la déposition de l'enquêteur Bruno Jacob qui reconnut quelques faits. Devant la presse, les enquêteurs Dwight Fanton et Morris Elowitz nièrent également tout en bloc. Le colonel Rosenfled nia presque tout. Il accusa le lieutenant-colonel Harold D. McGown, commandant des soldats américains massacrés à Malmédy, d'avoir fraternisé avec le colonel SS Joachim Peiper, le commandant allemand et cela expliquait, selon lui, pourquoi McGown avait comparu à Dachau comme témoin à décharge pour Peiper et avait déclaré que Peiper s'était entretenu avec lui et avait sauvé la vie d'un certain nombre d'Américains. Comme preuve de cette fraternisation, Rosenfeld prétendait que McGown et Peiper avaient eu des rapports «bien trop amicaux pendant ces nuits qu'ils ont passé à discuter ensemble» et que, lorsque Peiper et ses hommes parvinrent plus tard à briser un encerclement de l'armée américaine, «McGown était avec eux». McGown, naturellement, était le prisonnier de Peiper. (26)

Bien entendu, on soutiendra que ces «procès» cauchemardesques de Dachau ont peu de chose à voir avec notre sujet, car les normes observées lors des procès de Nuremberg n'étaient pas comparables et parce que les tenants de la légende de l'extermination ne citent aucune des «preuves» produites au cours de ces procès. Ces affirmations contiennent une part de vérité: les brutalités et les contraintes ne furent pas, de loin, aussi employées lors des grands procès de Nuremberg qu'elles le furent au cours des procès de Dachau et l'on n'insista pas, lors de ces derniers procès, sur les exterminations de masse (bien qu'il fût parfois question des chambres à gaz dans certains témoignages). Il n'est pas possible, cependant, d'écarter si facilement les procès de Dachau car l'agence gouvernementale en charge de ces procès, le Bureau des crimes de guerre fut également profondément impliqué dans les procès de Nuremberg, ainsi que nous l'avons noté et comme nous en aurons bientôt une nouvelle confirmation sur un point particulièrement saisissant. En outre, des moyens de contrainte furent, de fait, employés lors des procès de Nuremberg pour l'obtention de preuves, mais nous reviendrons sur ce sujet dans un chapitre ultérieur.

Aucune des quatre puissances ne fut satisfaite de l'accord conclu autour du TMI et, après le «grand procès», chacune reprit son indépendance pour monter les procès qui l'intéressait. Les procès britanniques présentèrent un intérêt général mais sur des points d'importance relativement mineure. Le seul procès français majeur fut celui d'Hermann Roechling, magnat de l'industrie sarroise, que les Français avaient déjà jugé, par contumace, après la première guerre mondiale. La préparation des procès américains du TMN avait commencé dès 1945 et un département des services de Jackson, dirigé par Telford Taylor, avait été créé dans ce but en mars 1946.

Il est bon de noter que, dans tous ces procès de nazis, du TMI au «procès d'Auschwitz» de 1963-1965 (auquel le gouvernement de Bonn interdit à Rassinier d'assister en tant qu'observateur), en passant par le «procès» Eichmann de 1961 (où les témoins à décharge ne furent pas admis), les avocats de la défense n'avaient pas d'équipe de collaborateurs exercés pour dépouiller les documents, et que, en outre, presque tous les documents dont ils pouvaient disposer étaient contrôlés par l'accusation. (27) Quelle que soit la valeur légale que l'on accorde à un tel état de fait, il peut donner naissance à une image très déformée de l'histoire si on ne l'examine pas avec scepticisme.

Dans le cadre judiciaire de l'occupation, une contrainte importante pesait sur le TMN et sur les autres tribunaux de chaque nation:

La détermination par le tribunal militaire international dans ses jugements... que des invasions, des agressions, des guerres d'agression, des crimes, des atrocités et d'autres actes inhumains ont été planifiés ou se sont produits constitue la référence obligatoire pour les tribunaux établis sous son auspice et ne sera pas remise en question, sauf quant à la participation ou à la connaissance de ces actes par telle personne qui pourrait être concernée. Les déclarations contenues dans le jugement du Tribunal militaire international... constituent des preuves des faits allégués, en l'absence de preuves contraires nouvelles et substantielles.

Deux organisations administrativement distinctes ont fonctionné au TMN. La première était la série de «tribunaux militaires», les juges, dépendant administrativement d'un secrétariat dirigé par un secrétaire général. Les juges étaient recrutés aux Etats-Unis par le ministère des forces terrestres (Department of the Army). Il y avait trois juges ou davantage à chaque procès.

La seconde organisation était le Bureau du Chef du Parquet pour les crimes de guerres (Telford Taylor), créé le 24 octobre 1946, immédiatement après que Ribbentrop et les autres condamnés eurent été exécutés. Il lança sa première inculpation le lendemain. Malgré la légère différence qui existait entre leurs titres, Taylor, qui avait été procureur adjoint au TMI, était vraiment le successeur de Jackson dans les procès qui se allaient se tenir dans le palais de justice de Nuremberg. (28)

Nous aurons beaucoup à dire, dans cet ouvrage, sur les procès du TMN. Le lecteur peut néanmoins saisir quelque chose de l'ambiance de ces procès, y compris par des remarques formulées par certains des juges américains qui avaient été recrutés par l'armée américaine pour servir à Nuremberg. Comme on peut le comprendre, il était normal que ces personnes aient été peu enclines à raconter et dénoncer franchement et publiquement ce qu'elles avaient observé. Ainsi, la remarque de l'un des juges au procès de la Farben selon qui «il y avait trop de juifs dans l'accusation» était une allusion, exprimée en privé, à l'attention de l'accusation et n'était certainement pas destinée à la publication. Cependant, le juge qui présidait la cour lors de l'affaire n·7 (procès de généraux allemands pour le meurtre présumé d'un grand nombre d'otages), Charles F. Wennerstrum, parla de manière franche, publiquement et avec force, immédiatement après le prononcé des sentences:

«Si j'avais su, il y a sept mois, ce que sais aujourd'hui, je ne serais jamais venu ici.
Le vainqueur d'une guerre n'est manifestement pas le meilleur juge de la culpabilité en matière de crimes de guerre. Malgré tous vos efforts, il est impossible de faire croire aux inculpés, à leurs avocats et aux gens du pays que la cour essaye de représenter l'humanité toute entière plutôt que le pays qui a désigné ses membres.
Ce que j'ai dit à propos du caractère nationaliste des tribunaux s'applique à l'accusation. Les idéaux élevés qui avaient présidé à la création de ces tribunaux ne se sont pas manifestés avec évidence.
L'accusation n'a pas réussi à conserver une objectivité éloignée de tout esprit de vengeance et des ambitions personnelles (en vue d'obtenir des condamnations). Elle ne s'est pas efforcée d'établir de précédents qui auraient pu aider le monde à éviter de futures guerres.
Il règne ici une atmosphère malsaine. Il fallait des personnes qui sachent plusieurs langues et, comme chacun sait, ce n'est généralement pas le cas des Américains. On a employé des avocats, des greffiers, des interprètes et des enquêteurs qui étaient des Américains de fraîche date et dont les origines étaient profondément ancrées dans les haines et les partis pris qui existent en Europe.
Les procès auraient dû convaincre les Allemands de la culpabilité de leurs dirigeants. Ils ne firent que les convaincre que leurs dirigeants avaient perdu la guerre face à des vainqueurs impitoyables.
La plupart des pièces présentées au tribunal étaient des documents sélectionnés dans des tonnes d'archives saisies par les Alliés. C'est l'accusation qui opéra le tri. La défense n'avait accès qu'aux documents considérés par l'accusation comme se rapportant à l'affaire.
Notre tribunal introduisit une règle de procédure selon laquelle, si l'accusation présentait un extrait d'un document, la totalité du document devrait être mise à la disposition de la défense. Le parquet protesta vigoureusement. Le général Taylor essaya d'organiser, en dehors du tribunal, une réunion des juges qui présidaient afin d'annuler cet ordre. Ce n'était pas l'attitude digne d'un magistrat consciencieux, en quête d'une entière justice.
Un autre élément qui s'opposait à la conception américaine de la justice, outre les interrogatoires répétés hors la présence d'un avocat, était que l'accusation se reposait sur des déclarations faites par des accusés après plus de deux ans et demi de captivité et dans lesquelles ils s'accusaient des faits qui leur étaient reprochés. Une incarcération de deux ans et demi est en elle-même une forme de contrainte.
L'impossibilité de faire appel me laisse aussi le sentiment d'un déni de justice.
[...] Vous devriez aller à Nuremberg. Vous y verriez un palais de justice où quatre-vingt-dix pour cent des gens sont du côté de l'accusation.
[...] Le peuple allemand devrait être mieux informé sur ces procès et les accusés (allemands) devraient obtenir le droit de faire appel auprès des Nations Unies». (
29)

L'ironie a voulu que la justesse des attaques de Wennerstrum à propos des normes d'intégrité, très faibles ou même absentes dans le comportement du parquet à Nuremberg fût confirmée par la nature même de la réaction de Telford Taylor aux déclarations de Wennerstrum, lesquelles avaient été faites en privé à Nuremberg pour être publiées par le Chicago Tribune. Hal Foust, le journaliste du Tribune, envoya le message à Berlin pour qu'il soit transmis aux Etats-Unis par une liaison radio censée être à l'abri des indiscrétions. Le parquet parvint cependant, manifestement par une ruse, à obtenir une copie du message. Ernest C. Deane, l'officier de presse de Taylor, téléphona immédiatement à Foust pour tenter «de le dissuader d'envoyer son article». L'article avait cependant déjà été envoyé et Foust répliqua que «Taylor ne pouvait pas avoir eu connaissance,de l'article avant sa publication par des voies régulières». Taylor prépara alors une réponse aux observations de Wennerstrum, réponse qui fut en fait rendue publique avant que le Chicago Tribune n'eût publié l'article de Foust contenant les critiques de Wennerstrum. Taylor accusait le juge, entre autres choses, de formuler des remarques «contraires aux intérêts et à la politique des Etats-Unis». Wennerstrum, qui arriva aux Etats-Unis peu après la publication de la «réponse» de Taylor et de l'article du Tribune, maintint ses déclarations et, de nouveau,attaqua Taylor.

Cet incident fut l'un des cas notables d'«espionnage gouvernemental» de l'année 1948. L'armée publia un ordre condamnant ce genre d'espionnage et l'éventualité d'une comparution de Taylor devant une cour martiale donna lieu à bien des conjectures. Lorsque les journalistes demandèrent à Taylor son opinion sur la légalité de son action, on assista à l'échange suivant:

«Je ne sais pas si c'était légal ou non», répondit-il.

«N'avez-vous pas été conseiller juridique de la commission fédérale des communications pendant deux ans avant d'être nommé dans l'armée?»

«Oui, mais qu'est-ce que cela a à voir ?»

Taylor refusa obstinément d'exprimer une opinion sur la légalité de son action mais,

«en confidence, indiqua qu'il était aussi satisfait de sa personne qu'un officier sur le champ de bataille -- qu'il n'a jamais été -- qui vient de marquer des points contre l'ennemi, grâce à une ruse contraire aux lois de la guerre telles qu'elles figurent dans la Convention de Genève de 1907».

Cette citation est tirée de l'article de Foust sur la conférence de presse de Taylor. Foust prétendait que c'était la seconde fois que l'armée interceptait les messages qu'il envoyait à son journal et que, la première fois, des agents de l'armée étaient venus le chercher pour l'interroger après l'envoi de son article.


Qui étaient les responsables?

Dans notre examen des procès de Nuremberg, nous nous intéressons naturellement à ceux qui ont supervisé le déroulement du TMN. Formellement, c'est Taylor qui supervisa tout, à l'exception des nominations des juges, car les responsabilités explicites du Chef du Parquet ne se bornaient pas à de simples poursuites judiciaires. Son Bureau était également chargé de déterminer qui devait être jugé et qui ne devait pas l'être (il n'y avait pas de procédure séparée pour la formulation des inculpations, comme avec un jury des mises en accusation), de quoi devaient être inculpés les premiers et comment se débarrasser des seconds. Le Bureau assuma également les fonctions du personnel du procès de Nuremberg et l'on peut donc supposer qu'il absorba, tout au moins sur le papier, le personnel (élargi) de Nuremberg. Ce Bureau était par conséquent responsable des interrogatoires, des enquêtes sur le terrain, de l'examen des documents, de la sténographie, du travail des traducteurs et des interprètes. (30).

Nous avons donné les raisons pour lesquelles l'on est fondé à croire que ce personnel de Nuremberg avait été placé sous la direction effective du Bureau des crimes de guerre, et nous verrons bientôt que, quels qu'aient été les pouvoirs officiels de Taylor, ses fonctions réelles ne lui permettent pas de diriger effectivement le personnel de Nuremberg. Le Bureau des crimes de guerre, malgré son siège lointain à Washington, continue d'être présent dans notre étude des procès de Nuremberg.

Le 12 juin 1948, on put lire dans la presse américaine qu'un officier de l'armée des Etats-Unis, le colonel David «Mickey» Marcus, diplômé de West Point et opérant sous le nom d'emprunt de «Mickey Stone», avait été tué au combat alors qu'il était commandant en chef du secteur de Jérusalem pendant la guerre judéo-arabe pour le contrôle de la Palestine (en réalité, Marcus avait été abattu par erreur par l'une de ses propres sentinelles). Le New York Times publia une notice biographique. Il avait siégé dans les commissions pénales dans l'état de New York et, officier dans l'armée, avait prêté son concours à la rédaction des termes de la reddition des armées allemande et italienne. Il fut conseiller juridique à la Conférence de Potsdam (été 1945). Après quoi, si l'on en juge uniquement par l'article élogieux du New York Times, sa carrière prit fin car il n'est pas fait mention d'autres activités de Marcus jusqu'à ce qu'il réapparaisse, en janvier 1948, au sein de la Haganah en Palestine, se rende aux Etats-Unis en avril pour y recevoir une médaille au cours d'une cérémonie à l'ambassade britannique de Washington (sans doute une couverture pour préparer des négociations sur les détails de la capitulation finale des Britanniques en Palestine), et au bout de trois semaines retourne en Palestine pour prendre le commandement à Jérusalem. La seule allusion que nous possédions à une activité quelconque pendant la période qui va d'août 1945 à janvier 1948 est un article du 24 juin, p.15, rapportant que le Daily Telegraph de Londres du même jour disait qu'

«au moment de sa mort, il était colonel dans la cadre de réserve du Parquet militaire général. Bien que n'étant pas soumis à la discipline militaire, il avait accepté de pouvoir éventuellement être rappelé».

Marcus avait été, en fait, le successeur de Weir à la tête du Bureau des crimes de guerre. Immédiatement après la guerre, Marcus avait été le «numéro trois de la politique américaine» en Allemagne occupée, mais on le retira de ce poste, au début de 1946, pour qu'il s'occupe des crimes de guerre. Sa nomination fut effective dès le 18 février 1946, mais il passa quelques mois au Japon après avoir quitté l'Allemagne et c'est en juin qu'il entra au bureau du Bureau des crimes de guerre à Washington. Il demeura chef du Bureau jusqu'en avril 1947, date à laquelle il quitta l'armée pour ouvrir un cabinet d'avocats. (31)

Nos précédentes observations montrent clairement que c'était en réalité le Bureau des crimes de guerre qui exerçait les fonctions décisives au sein du TMN. C'est bien ce qui ressort d'une lecture attentive du rapport final officiel de Taylor sur les procès du TMN, bien que le fait n'y soit pas mis en évidence. (32) Il est confirmé par le livre remarquable de Josiah E. DuBois, qui conduisit l'accusation du TMN lors du procès de l'I.G. Farben, et le livre de Berkman sur Marcus fournit quelques bribes d'information sur cet aspect de la carrière de Marcus. (33)

Marcus fut nommé à la tête du Bureau essentiellement pour «mener à bien la tâche gigantesque de sélection de centaines de juges, procureurs et avocats» pour le TMN et pour les procès de Tokyo. DuBois avait été convoqué, en décembre 1946, dans le bureau de Marcus à Washington pour discuter de la possibilité de se voir confier les poursuites contre les dirigeants de l'I.G. Farben, la grande firme allemande de produits chimiques. DuBois s'était montré indécis et c'est pourquoi il consulta longuement Marcus au sujet de ces procès, l'un de ces problèmes étant de savoir s'il existait ou non des preuves suffisantes pour accuser l'I.G. Farben de conspiration en vue d'une «guerre d'agression» et, si cette accusation était retenue, quelles en seraient les répercussions politiques. Ils débattirent des avantages généraux qu'il y aurait à faire passer en jugement les dirigeants de l'I.G. Farben. Marcus fit remarquer qu'un procès permettrait de montrer comment l'I.G. Farben était parvenu à mettre au point certaines armes dans un secret absolu. De plus, si les personnels de Farben étaient laissés en liberté, il se pourrait qu'ils se mettent au service des Russes. Marcus fit montre d'une grande connaissance de Farben. Il signala qu'il existait dans la ville proche d'Alexandria, en Virginie, un «plein entrepôt» de dossiers de l'I.G. Farben, détail que DuBois oublia jusqu'à ce que des événements ultérieurs ne l'obligent à s'en souvenir et à en tenir compte pendant l'instruction.

Marcus et DuBois parvinrent à se mettre d'accord sur la durée nécessaire à cette instruction. «En ce qui me concerne, déclara Marcus, vous pouvez y consacrer le temps que vous voulez». DuBois suggéra qu'il lui faudrait environ quatre mois et Marcus répliqua: «Je n'ai rien à objecter. Dans quelques jours, quand vous serez rentré chez vous, vous devriez recevoir un télégramme de Telford Taylor vous donnant son accord».

Taylor, bien entendu, était en Europe en sa qualité de procureur-en-chef. DuBois rappelle quelles étaient les activités de Taylor relativement au procès Farben. Il accueillit favorablement la suggestion de l'un de ses collaborateurs (qui avait travaillé, pendant la guerre, sous les ordres de DuBois au ministère des finances) pour que DuBois désigné pour poursuivre Farben en justice. Il transmit la recommandation à Washington. Quand DuBois eut reçu le poste, il essaya d'obtenir le feu vert de Taylor pour adjoindre un autre homme, désigné par DuBois, aux côtés de l'accusation. Le feu vert fut accordé. Taylor se rendit à Paris pour demander au gouvernement français l'extradition d'un membre important de l'I.G. Farben. Taylor prononça le discours d'ouverture au procès Farben, puis il disparut des débats. Taylor n'était pas intervenu dans l'instruction qui avait précédé le procès ni dans la formulation des charges spécifiques retenues par l'accusation.

Tout cela indique assez nettement que le rôle de Taylor se bornait aux relations publiques et qu'il ne s'occupait pas sérieusement des détails du déroulement des procès, dont il était officiellement responsable. Une ou plusieurs autres personnes devaient en assumer les responsabilités effectives. De telles situations ne sont pas inhabituelles dans des entreprises de grande échelle.

Les faits montrent que les véritables organisateurs des procès du TMN n'étaient pas aussi visibles, pour le public, que Taylor. En fait, et c'était probablement voulu, Taylor était un homme de paille. Il est certain que Marcus, en sa qualité de chef du Bureau, exerçait un contrôle effectif sur une grande partie du personnel de Nuremberg et c'est lui qui choisissait les juges et les avocats pour les procès, à quelques exceptions près. Le livre de DuBois montre que Taylor n'intervenait pas dans la marche des procès, d'où il faut inévitablement conclure que les pouvoirs réels du service de Taylor étaient en fait exercés soit par le Bureau des crimes de guerre soit par des personnes subordonnées à Taylor. Parmi ces dernières, l'on trouve Robert M.W. Kempner, dont il sera question au chapitre V.

Marcus semble avoir eu une importance réelle tout à fait disproportionnée avec son grade assez ordinaire de colonel car l'on nous dit que, pendant la guerre, il avait «favorablement impressionné F.D. Roosevelt[...] Il faisait partie de cette poignée de collaborateurs anonymes qui, dans la coulisse, dressaient les plans de la politique américaine». La carrière du général J.H. Hilldring, qui dirigea la Division des affaires civiles de l'Armée de terre (DAC), auquel Marcus fut affecté en 1943, fut liée de façon assez remarquable à celle de Marcus. La DAC avait été créé en 1943 au sein de l'Etat-major général de l'armée en vue de disposer d'un groupe de spécialistes qui s'occuperaient de la politique à suivre dans les territoires occupés. On avait pensé que ce serait Fiorello La Guardia qui dirigerait la DAC mais le poste revint à Hilldring. Marcus devint membre, et plus tard chef, du service de la panification de la DAC. C'est grâce à ses activités à la DAC que Marcus laissa son empreinte; son affectation dans le gouvernement militaire en Allemagne était une conséquence directe de ses responsabilités au sein de la DAC. C'est Hilldring qui, quelques mois plus tard, le détacha de son poste au gouvernement militaire et le nomma chef du Bureau des crimes de guerre (qui fut transféré de la procurature générale à la DAC le 4 mars 1946). Hilldring passa ensuite immédiatement au ministère des Affaires étrangères comme secrétaire d'Etat adjoint pour les zones occupées; à ce titre, il dirigea un secrétariat qui coordonnait les politiques menées en Allemagne par les ministères de l'Armée, de la Marine et des Affaires étrangères. Il quitta en septembre 1947 le ministère des Affaires étrangères pour devenir conseiller de la délégation américaine aux Nations Unies où se livrait une bataille diplomatique entre les sionistes et les Arabes. Ensuite, à peu près à la date à laquelle Marcus fut nommé commandant en chef à Jérusalem, Hilldring réintégra le ministère des Affaires étrangères comme secrétaire d'Etat adjoint pour la Palestine. Les sionistes se sont vantés par la suite de ce que ces deux nominations, celle aux Nations Unies et celle au ministère des Affaires étrangères, avaient été le résultat direct de l'intervention du lobby sioniste. (34) Bref, Marcus et Hilldring faisaient la paire.

Que la direction du Bureau des crimes de guerre ait été occupée par un sioniste fanatique, le «premier soldat à détenir le grade de général dans l'armée d'Israël depuis les temps bibliques», n'a pas seulement de l'importance relativement à ce que ce sioniste pouvait entreprendre à ce poste mais permet également de voir, de manière simple, la nature des forces politiques à l'oeuvre lors des procès. C'est là le point essentiel. Il est tout bonnement impossible d'imaginer à ce poste une personne qui eût pu rendre ces procès plus suspects.

Dans des conditions politiques de ce type, il est tout simplement stupide de s'attendre à autre chose qu'à des procès truqués. La légende de l'«extermination» qui leur est associée sera réfutée de manière parfaitement claire dans les pages qui suivent.


Les nazis

Ce livre s'adresse à des personnes qui savent déjà ce qui s'est passé en Europe pendant la seconde guerre mondiale et dans les années qui l'ont immédiatement précédée. Il n'est pas dans nos intentions d'étudier la nature de l'Etat national-socialiste, les rôles joués par Goering, Himmler, Goebbels, etc, ni les mesures antisémites qui ont été prises contre les juifs avant la guerre, sauf que ces sujets seront parfois abordés quand cela se révélera nécessaire. Les principaux événements et les dates approximatives concernant la guerre sont supposés connus du lecteur.

Lorsque l'Europe était sous la domination des Allemands, elle n'était pas organisée selon le plan du Traité de Versailles; l'Ill. n·3 reproduit une carte de l'Europe à l'automne 1942, à l'apogée de la puissance de Hitler. L'Allemagne avait annexé l'Autriche, l'Alsace-Lorraine, une partie de la Tchécoslovaquie et une bonne partie de la Pologne (pour l'essentiel, la partie qui avait été détachée de l'Allemagne après la première guerre mondiale). La partie restante de la Pologne fut appelée «Gouvernement Général» et avait le statut d'une province conquise, gouvernée par les Allemands, de même que les trois Etats baltes de Lituanie, de Lettonie et d'Estonie. La Biélorussie, l'Ukraine, la Bohême-Moravie (auparavant la partie occidentale de la Tchécoslovaquie) et le Banat (qui fut longtemps une partie de la Hongrie dominée par une majorité de souche allemande) se trouvaient sous le même statut de dépendance. La partie orientale de la Tchécoslovaquie était devenue l'Etat indépendant de Slovaquie et la Yougoslavie avait été réorganisée en deux Etats, la Croatie et la Serbie, correspondant aux deux nationalités dominantes parmi les cinq qui avaient constitué la Yougoslavie. L'Italie avait également un intérêt dans cette zone de l'Europe, contrôlant l'Albanie et exerçant, avec son allié allemand, une influence sur les pays voisins. La Finlande, la Hongrie, la Roumanie et la Bulgarie étaient également alliées avec l'Allemagne et les Waffen SS (unités militaires régulières au sein de la SS) recrutaient des troupes dans toute l'Europe, en particulier dans les pays baltes, en Ukraine, en Scandinavie, aux Pays-Bas et en Belgique.

La Norvège, le Danemark, les Pays-Bas, la Belgique et une grande partie de la France (plus tard la France toute entière) étaient occupés par les Allemands. La Suède, la Suisse, l'Espagne et le Portugal restèrent neutres tout au long de la guerre.

Il convient d'examiner à présent certaines données concernant la SS, bureaucratie singulière qui avait la responsabilité de certaines combinaisons improbables de fonctions. Seules trois de ces fonctions, la sécurité, l'administration des camps de concentration et la politique de réinstallation de populations présentent un intérêt pour notre étude.

Le service le mieux connu de la SS était le RSHA, Office Central de Sûreté du Reich, qui comprenait la Gestapo (Police Secrète d'Etat, dirigée par le SS-Gruppenführer Müller), le SD (Service de Sécurité, dirigé par le SS-Gruppenführer Schellenberg), la Kripo (Police judiciaire dirigée par les SS-Gruppenführer Nebe et, plus tard, Panzinger) et d'autres fonctions du même ordre. Le premier chef du RSHA avait été le SS-Obergruppenführer Reinhard Heydrich, homme jeune, ambitieux et impitoyable, dont les méthodes lui avaient valu de nombreux ennemis.

Depuis l'élimination de Röhm, lors de la purge de 1934, les ambitions considérables de la SS dans le domaine militaire avaient entraîné des conflits croissants entre la SS et l'institution militaire traditionnelle, la Wehrmacht, et Heydrich n'eut guère de scrupules, pour dire le moins, dans les méthodes qu'il employa pour mener ce combat. En 1938, il avait contraint à la démission le ministre de la guerre, le général Blomberg, en révélant que la nouvelle femme de celui-ci était une ancienne prostituée. Le général von Fritsch devant normalement lui succéder, Heydrich monta une cabale contre lui avec de fausses accusations d'homosexualité. Von Fritsch fut finalement lavé de tout soupçon mais sa carrière était terminée et sa rancoeur à l'égard de Heydrich ne fit que croître.

Il existait un second motif de rivalité entre la SS et l'institution militaire. Les services de renseignements allemands étaient l'Abwehr, service d'espionnage militaire allemand, relevant du Haut Commandement militaire et dirigé, depuis 1935, par l'amiral Wilhelm Canaris, et le SD, service d'espionnage politique, relevant de Heydrich et de Himmler. Ces deux types d'activité de renseignement ne pouvant être rigoureusement séparés, il était inévitable que Canaris et Himmler deviennent des rivaux. Il semble que Heydrich ait essayé, au début tout au moins, de collaborer avec Canaris; peut-être était-ce dû à son passé d'ancien officier de renseignement dans la marine où, au cours des années vingt, il avait servi et été formé sous les ordres de Canaris, auquel il rendait même fréquemment visite chez lui.

Fait plus significatif, l'amiral Canaris était un traître; il compte parmi les mystères troublants de la seconde guerre mondiale. Pendant, et même avant la guerre (il était en contact avec Churchill dès 1938), Canaris a trahi l'Allemagne chaque fois qu'il l'a pu. Un fonctionnaire britannique a exprimé des plus succinctement le rôle de Canaris: «L'amiral Canaris était des nôtres». Les motivations de l'homme demeurent aussi mystérieuses que sa personnalité et ses antécédents. Ian Colvin, qui est une autorité en ce qui concerne les opérations d'espionnage pendant la seconde guerre mondiale, a consacré un ouvrage complet à Canaris sans parvenir, cependant, à le percer à jour:

«Les lecteurs devront juger par eux-mêmes si l'amiral Wilhelm Canaris était un patriote allemand ou un espion britannique, un homme d'Etat européen ou un intrigant cosmopolite, un agent double, un opportuniste ou un prophète. Il ne leur sera pas facile de trancher».

Il n'est peut-être pas sans importance de savoir qu'Otto John, l'homme que Colvin, dans son livre qui date de 1951, désigne comme l'un des «amis intimes» de Canaris et qui fut pendant la seconde guerre mondiale en poste à Lisbonne, capitale neutre extrêmement importante, à la tête de l'Abwehr, devint plus tard chef de la Sécurité d'Etat du gouvernement de Bonn avant d'être dénoncé par la suite (en 1956) comme agent soviétique. (35)

On accroît parfois la confusion à propos de Canaris en l'associant aux auteurs du coup d'Etat manqué du 20 juillet 1944. C'est une erreur totale car Canaris fit tout ce qu'il put pour trahir l'Allemagne, alors que les hommes du 20 juillet ne trahissaient que Hitler et n'auraient jamais trahi l'Allemagne. Aucun Anglais, après la guerre, n'aurait pu dire sans mentir: «Erwin Rommel était des nôtres». Tout ce qu'on peut dire sur l'implication de Canaris, c'est qu'il était sans doute au courant de la conspiration dès les premières heures et que, naturellement, il donna l'impression à ses participants qu'il était avec eux. Canaris était passé maître dans l'art de donner des impressions de ce genre.

Pour en revenir au jeune général SS Heydrich, sa grande ambition lui avait valu d'être nommé vice-protecteur de Bohême-Moravie vers la fin de 1941; il commençait par conséquent à détenir visiblement plus de pouvoirs que son supérieur, le Reichsführer-SS Heinrich Himmler. Il pourrait également être intéressant d'imaginer qu'à peu près au même moment, Heydrich avait peut-être commencé à saisir le jeu de Canaris; en tant que chef du RSHA et ancien collaborateur de Canaris, nul homme n'était mieux placé et motivé que Heydrich pour pénétrer le secret de Canaris. Quand on prend en compte l'antagonisme larvé qui existait depuis longtemps avec l'armée, il semble que Heydrich ait accumulé, jusqu'en ce début de l'année 1942, une très longue liste d'ennemis puissants en Allemagne. Il est par conséquent remarquable que ce soit à cet instant de la carrière de Heydrich que les Anglais, dit-on, l'aient supprimé (par hasard) en mai 1942 en parachutant deux tueurs (en Tchécoslovaquie). Conformément au scénario trop classique des assassinats politiques (cf., par exemple, les assassinats d'Abraham Lincoln et de John F. Kennedy), on déclara que les assassins présumés avaient été tués avant qu'on ait pu les faire parler.

A la surprise générale, le successeur de Heydrich fut, au début de 1943, Ernst Kaltenbrunner, personnage relativement obscur et beaucoup moins ambitieux. Manifestement désireux d'éviter la répétition de la situation qui s'était développée avec Heydrich, Himmler exerça un contrôle sur la Gestapo et le SD sensiblement plus direct qu'auparavant. Les deux services continuèrent cependant de dépendre, à titre officiel, du chef du RSHA, qui était à présent Kaltenbrunner. Himmler chargea également Kaltenbrunner d'une tâche spéciale: développer le service de renseignements du SD. Il s'agissait d'une décision particulièrement opportune de la part de Himmler car Canaris fut privé de son pouvoir (sans avoir été entièrement démasqué) en février 1944 et, par un décret spécial de Hitler, toutes les fonctions de l'espionnage militaire et politique furent assurées par le RSHA, concentrant ainsi toutes les activités de renseignement entre les mains du chef du SD Schellenberg. Canaris fut arrêté après le coup d'Etat du 20 juillet et exécuté peu avant la fin de la guerre.

L'administration des camps de concentration était confiée au WVHA, Office Central des Affaires économiques et administratives, dirigé par le général SS Oswald Pohl. Comme son nom l'indique, le WVHA s'occupait du rôle économique joué par la SS et qui provenait, pour l'essentiel, de l'existence d'une main-d'oeuvre disponible dans les camps de concentration. Les commandants des camps de concentration rendaient compte au Service d'Inspection des camps, dirigé par le général SS Glücks, lequel rendait compte à Pohl. Pohl rendait compte à Himmler et avait officiellement le même grade que Kaltenbrunner et Heydrich.

Il convient de préciser maintenant, en termes très généraux, quel fut le sort des juifs d'Europe pendant la durée du régime nazi. Avant la guerre, le gouvernement allemand avait employé tous les moyens pour encourager l'émigration des juifs d'Allemagne et la plupart des juifs du Reich avaient quitté l'Allemagne avant que la guerre éclate. Les problèmes persistants liés à ce programme d'émigration furent, tout d'abord, la désorganisation de l'économie entraînée par le départ des juifs et, en second lieu, la difficulté de leur trouver des pays d'accueil. A partir de l'été 1941, l'Allemagne étant en guerre avec la Russie, un nombre considérable de juifs, c'est-à-dire la majeure partie de tous les juifs d'Europe, se retrouvèrent dans la sphère d'influence allemande. Cependant, la guerre avait temporairement ouvert aux Allemands de nouveaux et vastes territoires et, conséquemment, un programme de réinstallation de la population juive fut mis en route à l'automne 1941. Tout au long de la guerre, aussi longtemps que l'Allemagne contrôla d'importantes portions des territoires orientaux, les juifs européens furent réinstallés à l'Est. Un certain nombre de jeunes adultes juifs furent également enrôlés pour le travail.

En raison de certains problèmes politiques et de la priorité accordée aux exigences de la guerre, le programme de réinstallation ne fut que partiellement exécuté et, bien entendu, il n'y eut jamais près de six millions de juifs concernés. A l'exception des juifs polonais et roumains, peut-être 750.000 juifs firent l'objet d'une réinstallation, principalement en Ukraine, en Biélorussie et en Lettonie. Les juifs de Pologne ne tombèrent pas tous sous la domination allemande. En dehors de ceux qui parvinrent à fuir avant ou après l'occupation allemande, plusieurs centaines de milliers, voire peut-être un million, de juifs avaient été déportés de Pologne par les Russes en 1940 et avaient été dispersés en Union Soviétique. Pour la plupart, les juifs polonais qui tombèrent entre les mains des Allemands furent entassés dans des ghettos dans l'est de la Pologne (dans ses frontières de 1939).

Le sort de tous ces gens ne peut être établi que d'une manière très générale car la totalité du territoire où les juifs avaient été installés devint, après la guerre, territoire soviétique et parce que les vainqueurs se sont efforcés de faire disparaître, dans une mesure considérable, les données disponibles. Il reste néanmoins suffisamment d'indices qui nous permettent de voir de manière approximative ce qui s'est passé. Il est très probable qu'un bon nombre ont péri dans les conditions confuses et chaotiques qui accompagnèrent la retraite des troupes allemandes, mais il est certain qu'un nombre considérable de juifs, qui étaient en majorité de nationalité polonaise avant la guerre, fut intégré dans l'Union Soviétique et que les autres juifs qui avaient été déportés se sont finalement réinstallés en Palestine, aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs.

Ces remarques d'ordre général sont destinées à servir de toile de fond au lecteur et à l'aider à interpréter l'analyse des allégations d'«extermination» qui est l'objet des prochains chapitres. Toutefois, les éléments principaux montrant ce qui est réellement arrivé aux juifs ne seront pas fournis avant le chapitre VII.

Le RSHA était responsable de l'application de la plupart des aspects de la politique allemande à l'égard des juifs. Il existait au sein de la Gestapo le service «B 4», qui désignait la «division des religions et des cultes -- subdivision religion juive», dirigé par un certain Karl Adolf Eichmann dont le plus haut grade fut celui de lieutenant-colonel ou colonel. (36) Eichmann effectuait le travail de routine découlant de la politique du gouvernement allemand concernant l'émigration et la réinstallation des juifs; il passait la majeure partie de son temps à prendre contact avec les divers Conseils juifs, pour qu'ils dressent des listes de convois de juifs, et à pourvoir aux moyens de transport des déportés. Rien ne prouve qu'Eichmann ait jamais participé à l'élaboration de la politique contre les juifs et, comme il n'a pas pris part à l'administration des camps de concentration, il n'a pu jouer aucun rôle direct dans tout ce qui a pu se passer dans ces camps.

Il est par conséquent assez ridicule de voir qu'il a été possible de faire qu'un si grand nombre de gens se passionnent à propos d'un personnage comme Eichmann qui n'avait exercé, dans l'Allemagne nazie, que des fonctions de pure routine. Ces fonctions furent accomplies conformément aux ordres précis que lui transmettaient ses supérieurs. Sa déposition à Jérusalem fut faite «après lecture de Reitlinger et de Poliakov, de leurs tableaux multicolores, qui contribuaient assez peu à une meilleure compréhension de la machinerie bureaucratique du Troisième Reich. (37) Je suis bien obligé de ne voir dans le procès Eichmann qu'un coup publicitaire de la part d'un Etat habitué à ne tenir aucun compte des règles que les autres Etats estiment devoir respecter. Le lecteur trouvera dans un chapitre ultérieur un bref exposé de l'affaire Eichmann et de la déposition de ce dernier à Jérusalem.
Parmi les autres services de la SS chargés des opérations de transfert de population figurent le RKFDV (Commissariat du Reich pour le Renforcement de la Germanité, dirigé par le général SS Ukrich Greifelt), le RuSHA (Office central pour la Race et la Colonisation, dirigé par les généraux SS Otto Hofmann et, plus tard, Richard Hildebrandt) et le VoMi (Office de Liaison pour les Allemands de souche, dirigé par le SS-Obergruppenführer Werner Lorenz). La responsabilité la plus importante assumée par ces services résidait dans la réinstallation des Allemands de souche sur les territoires conquis. Greifelt était le personnage principal de ce programme. Il était toutefois inévitable que ces services fussent associés, jusqu'à un certain point, au programme de réinstallation des juifs.


NOTES

1/ * Nous avons tâché d'éviter, dans cet ouvrage, les notes trop prolixes et nous nous sommes efforcés de tout dire dans le corps du texte. Les notes que l'on trouvera ici sont donc très succinctes.

Dans la mesure où beaucoup de notes renvoient aux documents du procès de Nuremberg nous avons essayé d'indiquer les cas où le texte des documents en question se trouve publié dans une source relativement facile d'accès. A l'exception des documents des séries NI, NG et NO, et d'autres cas qui sont signalés, le texte des documents cités ici se trouve dans l'ensemble en 42 volumes du procès militaire interallié de Nuremberg, dit IMT [en anglais et TMI en français. La traduction renvoie à l'édition américaine des débats et des documents. Le lecteur qui dispose de l'édition en français devra recourir aux index pour retrouver les documents cités. NdT.] Les documents des séries NI, NG et NO sont la majorités des documents cités ici. Les notes indiquent où le texte peut se trouver dans les cas où il a été reproduit dans un ouvrage accessible; dans la plupart des cas, on les trouvera dans l'ensemble en 15 volumes des NMT [Nurnberg Military Trials, dont il n'existe pas de traduction française]. Si nous ne faisons pas de renvoi, c'est qu'à notre connaissance ces documents n'ont pas été reproduits. Dans ces cas-là le lecteur devra passer par les procédures habituelles pour obtenir des copies de documents par l'intermédiaire des grandes bibliothèques de recherche. [Ajoutons que peu à peu les documents en question sont reproduits sur Internet. Mais pour le moment il s'agit toujours des versions américaines, surtout du TMI. Voir, entre autres, <http://www.yale.edu/lawweb/avalon/imt/imt.html>.

Le procès-verbal du procès Eichmann se trouve, lui aussi, sur le Web. NdT]

2/ . Kennedy, p. 216-219; 236-239 dans l'édition de 1964 chez Memorial Edition.

3/ . Grayzel, p. 792.

4/ . Rassinier, 1961, p. 9, 175; Rassinier, 1962, p. 112.

5/ Nation Europa, vol.&nbsp23, octobre 1973, p. 50; vol.&nbsp25, août 1975, p.&nbsp39. L'agression de Ginsburg est bien connue et est mentionnée par App, p.&nbsp20.

6/ Ruppin, p. 30-33.

7/ The New York Times, 22 février 1948, p. 4.

8/ World Almanac, 1931, p. 192; 1942, p. 588; 1952, p. 394; 1962, p. 251.

9/ World Almanac, 1931, p. 197; 1942, p. 593; 1952, p. 437; 1962, p. 258.

10/ World Almanac, 1952, p. 438.

11/ US-WRB, 1945, p.64-69; New York Times, 10 juin 1944, p. 1; 13 juin 1944, p. 1; 10 août 1944, p. 5; 24 octobre 1944, p. 14; 25 octobre 1944, p. 13; Meyer, p. 108-123.

12/ Reitlinger, p. 534, 542-544.

13/ Reitlinger, p. 327.

14/ NG-2586-G in NMT, vol. 13, p. 212.

15/ Rassinier, 1964, p. 220.

16 Kelley, p. 76-77; New York Times, 2 janvier 1958, p. 18; Robertson, p. 266.

17/ Rassinier, 1962, p. 83. Voy. également Dawidowicz, p. 21.

18/ Taylor, 15 août 1949, p. 1-3; New York Times, 1er février 1945, p. 4.

19/ Davidson, p. 6, 18, 21n.

20/ New York Times, 21 juin 1945, p. 6; 16 décembre 1945, sec.4, p. 8; New Yorker, 17 novembre 1945, p. 24; Survey Graphic, janvier 1946, p. 4-9. Reader's Digest, février 1946, p. 56-64.

21/ Taylor, avril 1949, p. 248-255; Select Committee, p. 1536.

22/ The New York Times, 17 octobre 1943, sec.6, p.10; 20 mai 1945, p. 15.

23 / Kolander; Taylor, 15 août 1949, p. 4, 10, 13, 14.

24/ Utley, 185-200; Chicago Tribune, 30 avril 1948, p. 12; 13 février 1949, p. 3; 14 février 1949, p. 3; 17 février 1949, p. 8; New York Times, 31 octobre 1948, sec.4, p. 8.

25 / New York Times, 30 juillet 1948, p. 5; 7 octobre 1948, p. 15; 7 janvier 1949, p. 1, 9; 2 mars 1949, p. 1, 14; 5 mars 1949, p. 1, 4; 5 mai 1949, p. 8.

26/ The New York Times, 5 mars 1949, p. 4; 30 avril 1949, p. 2; 6 septembre 1949, p. 9; 7 septembre 1949, p. 9; 8 septembre 1949, p. 9.

27/ Arendt, p. 201, 251 (221, 274 dans l'édition de 1964); Aretz, p. 28-29.

28/ Taylor, avril 1949, p. 272-276.

29/ Bois, p. 182; Chicago Tribune, 23 février 1948, p. 1, 2; 24 février 1948, p. 3; 25 février 1948, p. 4; 26 février 1948, p. 1, 8; 28 février 1948, p. 4, 8; 29 février 1948, p. 2; New York Times, 23 février 1948, p. 5; 25 février 1948, p. 10; 29 février 1948, p. 10; 6 mars 1948, p. 6.

30/ Taylor, avril 1949, p. 272-276.

31/ Marcus; Encyclopedia Judaica, vol. 11, p. 945; Berkman, p. 44-45; Saturday Evening Post, 4 décembre 1948, p. 179.

32 / Taylor, 15 août 1949, p. 13, 14, 34, 35.

33 / DuBois, p. 19-22, 31, 53, 63, 69-70, 74-75; Berkman, p. 195-199, 157-159.

34/ Marcus; Berkman, p. 191-193, 199; John et Hadawi, vol. 2, p. 209n, 367; Zink, p. 209, 210; New York Times, 8 avril 1943, p. 12; 16 avril 1943, p. 10; 17 mars 1946, p. 15; 16 septembre 1947, p. 10; 29 avril 1948, p. 16; Blum, p. 383.

35/ Colvin, vii, p. 1-6; New York Times, 23 décembre 1956, p. 1; 6 juillet 1969, p. 11. Voy. Sturdza, p. 161-162, pour une illustration épisodique des activités de Canaris.

36/ Reittlinger, p. 28; Croix-Rouge (1947), p. 99; Eichmann, séance 75, V1, W1.

37/ Arendt, p. 136 (p.152 dans l'édition de 1964).


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