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LA MYSTIFICATION DU XXe SIÈCLE

par Arthur R. Butz


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Chapitre VI

Et caetera


Les histoires d'extermination se sont tellement concentrées sur Auschwitz que ce livre pourrait légitimement se terminer ici; puisque la partie centrale de la légende de l'extermination est fausse, il n'y a aucune raison que le lecteur partage la croyance en une autre partie quelconque de cette histoire, même si certaines preuves peuvent apparaître à première vue comme relativement solides. Des centaines de spécialistes furent envoyés en Europe pour y rassembler les «preuves» des exterminations et d'autres crimes. Nous avons vu la version concernant Auschwitz: une concoction inventée de toutes pièces et composée de faux témoignages, de documents trafiqués, de déformations des faits et de présentations mensongères des documents. Il n'y a aucune raison de s'attendre à mieux pour les aspects moins connus de la légende de l'extermination. Il convient néanmoins d'examiner le reste de l'histoire, d'abord parce que nous voulons être complet, ensuite parce que cet examen peut s'effectuer assez rapidement et, enfin, parce qu'il y a un aspect sous lequel un certain point de la légende est peut-être partiellement vrai. Il convient aussi de passer en revue quelques aspects singuliers qui pourraient frapper certains lecteurs et apparaître à leurs yeux comme des preuves confirmant les allégations d'extermination.



Autres camps d'«extermination»

Les preuves selon lesquelles il y aurait eu une extermination à Belzec, Chelmno, Lublin, Sobibor et Treblinka sont à peu près nulles. Il y a la déposition sous serment et le témoignage de Höss et le «rapport Gerstein». Il y a un brouillon d'une lettre du Dr Wetzel, autre nazi qui échappa à une inculpation, disant qu'il n'(y) avait «aucune objection à supprimer ces juifs incapables de travailler au moyen du remède de Brack» (NO-365). Le brouillon est tapé à la machine et comporte au bas une écriture illisible, qui pourrait ou non être la signature de Wetzel, qui avait été chef de l'Office politico-racial du NSDAP, mais qui fut transféré en 1941 au ministère pour les affaires de l'Est, de Rosenberg, où il fut employé comme expert pour les questions juives. On n'a aucune preuve que cette lettre, adressée à Hinrich Lohse, Reichskommissar pour l'Ostland, ait jamais été envoyée. Un document NG-2325 similaire porte la signature dactylographiée de Wetzel. Il ne fut jamais cité comme témoin dans aucun des procès de Nuremberg et ne fut pas menacé de poursuites avant 1961, année où il fut arrêté à Hanovre par les autorités allemandes. Son affaire semble toutefois avoir immédiatement disparu et l'on n'entendit plus parler de lui, excepté qu'il aurait été finalement inculpé en 1966; si tel est le cas, il est étrange qu'il ne figure pas sur la liste du Livre Brun est-allemand de 1965. Toujours est-il qu'aucun procès ne vit jamais le jour. (1) Nous aurons l'occasion de revenir plus loin sur Lohse.

Le Viktor Brack de la lettre de Wetzel était un fonctionnaire de la chancellerie du Führer, qui avait participé au programme nazi d'euthanasie. On prétend aujourd'hui que les chambres à gaz de Pologne, à l'exclusion de celles qui auraient été utilisées à Auschwitz, ont «évolué» à partir du programme d'euthanasie qui, dit-on, aurait employé des chambres à gaz. Malgré le témoignage de Brack, il est difficile de croire que l'on ait pratiqué l'euthanasie dans les hôpitaux allemands en gazant 20 ou 30 personnes à la fois avec de l'oxyde de carbone. (2) Il faut bien entendu exclure Auschwitz de cette «évolution» à partir du programme d'euthanasie en raison, entre autres, du témoignage de Höss. Reitlinger et Hilberg ne semblent guère préoccupés par la confusion ainsi créée dans la structure de la légende.

Le programme d'euthanasie est né d'un décret de Hitler, le 1 er septembre 1939, autorisant la mise à mort par compassion des patients atteints de maladies mortelles. Plus tard, on ajouta les aliénés profonds. Ce programme rencontra une sourde hostilité dans la population allemande, en particulier après que des rumeurs aient commencé à circuler. Elles faisaient notamment état du gazage massif des gens malades et âgés. Le cardinal Faulhaber de Munich écrivit le 6 novembre 1940 au ministre de la Justice pour lui faire part des objections de l'Eglise catholique et signaler

«qu'un grand trouble s'est élevé aujourd'hui dans notre peuple car il est partout question de la mort en masse de malades mentaux et, malheureusement, les rumeurs les plus absurdes sont en train d'apparaître au sujet du nombre de morts, sur la manière dont cela se passe, etc.» (3)

Le programme d'euthanasie ne mit pas longtemps à apparaître dans la propagande. En décembre 1941, la BBC diffusa une allocution de l'écrivain Thomas Mann dans laquelle ce dernier exhortait le peuple allemand à rompre avec les nazis. En dressant la liste des crimes nazis, Mann déclara:

«Dans les hôpitaux allemands, on tue avec du gaz toxique ceux qui sont gravement blessés, les vieux et les faibles -- dans un seul établissement, deux à trois mille personnes, a déclaré un médecin allemand.» (4)

Cela semble être la première apparition des chambres à gaz dans la propagande mais, autant que nous puissions en juger, cette allégation n'était pas rattachée à la propagande concernant les exterminations qui débuta six mois plus tard et dans laquelle, apparemment, il ne fut pas fait référence au programme d'euthanasie. La mise en relation du programme d'euthanasie avec les exterminations vint bien plus tard.

Lors du TMI, l'accusation ne fit aucune tentative pour établir un lien entre l'euthanasie et les exterminations. C'est à un témoin de la défense que cela revint. Konrad Morgen comparut dans les derniers jours du TMI comme témoin de la défense pour la SS. Nous avons vu que c'est Morgen qui avait dénoncé les affaires de meurtre et de corruption autour du commandant Koch de Buchenwald. Morgen fut ainsi considéré comme un «bon» SS, contrairement aux canailles sanguinaires qui avaient été ses collègues et ses camarades (il continue de figurer au nombre des bons, quoique pas aussi bon que Gerstein, lequel a atteint, à présent, le stade de la béatification dans la litanie de l'«Holocauste»). En tant que témoin de la défense pour la SS dans des circonstances apparemment dépourvues de perspective, Morgen exposa une histoire qui avait une certaine logique et, à vrai dire, la logique du témoignage de Morgen a une importance dans notre analyse qui dépasse le point immédiat dont nous discutons.

Morgen déclara qu'au cours de ses enquêtes dans les camps, menées dans le cadre de ses fonctions d'officier SS, il était tombé inopinément sur le programme d'extermination à Auschwitz et à Lublin, mais que l'implication de la SS était inexistante ou minime. A Lublin, les exterminations étaient conduites par Wirth, de la police criminelle ordinaire, avec l'assistance de détachements de travail juifs (à qui l'on promettait une partie du butin). Selon Morgen, Wirth dirigeait trois autres camps d'extermination en Pologne. Bien que la police judiciaire, la Kripo, fût administrativement sous les ordres du RSHA, Morgen fit prudemment remarquer que le Kriminalkommissar Wirth n'était pas membre de la SS. Morgen affirma que Wirth avait été attaché à la chancellerie du Führer, qu'il avait pris part au programme d'euthanasie (ce qui est peut-être vrai) et avait plus tard reçu l'ordre de la chancellerie du Führer d'étendre aux juifs ses activités exterminatrices. Bien que le seul point intéressant du témoignage de Morgenait soit sa vaine tentative d'absoudre la SS, cette déposition est considérée comme une «preuve» par Reitlinger et par Hilberg, qui passent sous silence le fait que Morgen, dans son effort pour disculper la SS, affirma également qu'à Auschwitz, le camp d'extermination était Monowitz, qui était administré par I. G. Farben. Morgen n'alla pas jusqu'à prétendre que l'I. G. Farben avait son propre programme d'extermination mais il déclara que la participation de la SS se limitait à la présence de quelques recrues baltes et ukrainiennes employées comme gardiens et que la «totalité des dispositions techniques était presque exclusivement aux mains des prisonniers». (5)

La feinte de Morgen inspira manifestement l'accusation qui n'avait jamais eu l'idée d'associer extermination et euthanasie. Il était trop tard pour développer cet aspect des choses devant le TMI, alors on le fit lors du procès No 1 du TMN. (En réalité, le programme d'euthanasie est vaguement lié aux exterminations dans le «rapport Gerstein», [reproduit ici dans l'Annexe A]. Le rapport Gerstein fut invoqué à titre de preuve lors du TMI, longtemps avant la déposition de Morgen, mais personne ne prêta attention au texte.) Pour nous, cette mise en relation des exterminations et de l'euthanasie n'est qu'un autre exemple du «fait en trop»; les inventeurs désiraient tellement introduire des faits réels dans leur histoire qu'il ne leur est pas venu à l'esprit qu'il y a certains faits réels dont il est préférable qu'une bonne mystification fasse l'économie.

C'est à cela que semblent se résumer les preuves des gazages dans les camps de Pologne, à l'exception d'Auschwitz, qui furent présentées au cours des procès de Nuremberg. Les autres preuves consistent dans les dépositions de personnes peu connues, devant des tribunaux d'Allemagne de l'Ouest. Ces dépositions importent peu et nous n'avons pu, de toute façon, en disposer pour notre étude, à cause du système judiciaire allemand.

La logique de la déposition de Morgen, en tant que stratégie de défense devant un tribunal, a une certaine importance pour notre étude. Morgen et son avocat avaient manifestement estimé que le tribunal était inébranlable sur le chapitre de la réalité des exterminations; c'est pourquoi la déposition de Morgen l'invitait à adopter la thèse que ce n'était pas la SS, mais quelqu'un d'autre, qui était coupable.

 

La logique des témoignages à décharge

Avant d'examiner les activités des Einsatzgruppen en Russie, il convient de passer en revue diverses déclarations faites par différents nazis, surtout après la guerre, et où il est question, explicitement ou implicitement, d'exterminations.

On a d'abord des déclarations faites par des témoins et des accusés allemands lors des procès pour crimes de guerre. Lorsqu'on veut évaluer ces déclarations, il faut garder à l'esprit ce fait tout simple que les gouvernements qui conduisaient ces procès cautionnaient, comme un fait politique inébranlable, la légende de l'extermination des juifs, en particulier pour ce qui est d'Auschwitz. Leurs dirigeants avaient lancé des accusations, longtemps avant d'avoir en main le moindre début de ce qu'on appelle aujourd'hui une «preuve». Les tribunaux cautionnaient a priori la légende de l'extermination. La conclusion selon laquelle les exterminations n'avaient pas eu lieu n'était tout bonnement pas, politiquement, dans le domaine du possible. Il s'agit là d'une situation qui s'imposait à tous.

D'autre part, mises à part quelques rares exceptions, les tribunaux ne s'intéressaient pas a priori à la question des responsabilités personnelles des individus. Concernant les individus, les tribunaux ne subissaient pas, politiquement parlant, une si grande contrainte. Dans la plupart des cas, les jugements sur l'absence de responsabilité personnelle étaient tout à fait dans le domaine du possible (qu'il faut distinguer du probable). Toutes les défenses s'étaient organisées en fonction de ces observations dont la valeur est indéniable et, même pour les accusés dont le cas pouvait sembler sans espoir, les avocats n'avaient pas d'autre choix que d'agir selon l'idée qu'un acquittement était possible. Si l'on envisage les procès sous cet angle, il devient utile de les passer en revue dans l'ordre chronologique.

 

Josef Kramer, la «bête de Belsen»

Le premier procès qui nous intéresse n'est pas le TMI mais le «procès de Belsen», conduit par un tribunal militaire britannique et chargé de juger des Allemands qui faisaient partie du personnel du camp de Belsen au moment de sa prise. Le commandant, le capitaine SS Josef Kramer (la «bête de Belsen») en était naturellement le principal accusé. L'importance du procès de Belsen provient néanmoins du fait que Kramer avait été, en 1944, commandant du camp de Birkenau. Le procès de Kramer se déroula à l'automne 1945 et s'acheva en novembre, au moment même où commençait le procès du TMI. Kramer fut pendu en décembre 1945.

Nous avons la chance de disposer de la première et longue déclaration que fit Kramer en réponse aux interrogatoires des Britanniques. L'importance de cette déclaration repose sur le fait qu'elle fut rédigée avant qu'une prise de conscience générale se soit produite chez les Allemands sur la question de savoir si les tribunaux alliés étaient vraiment déterminés et inébranlables sur la réalité des exterminations (il se pourrait que ce soit dans le mois qui a suivi la capture de Belsen, mais ce n'est pas certain). Il n'y a guère de place pour une logique de défense dans la première déclaration de Kramer et c'est pour cette raison que celle-ci est reproduite ici dans l'Annexe D. Le récit de Kramer était totalement en accord avec ce que nous avons présenté ici, à savoir qu'il y avait des fours crématoires dans tous les camps de concentration, que certains camps avaient eu un taux de mortalité assez élevé, en particulier Auschwitz qui, à cause de son énormité, nécessitait des installations de crémation proportionnées à sa taille. Sa déclaration est d'une grande franchise concernant les aspects déplorables des camps et c'est une description des camps aussi précise qu'on puisse avoir. A propos des atrocités, il déclare avec fermeté:

«Je suis au courant des déclarations d'anciens prisonniers d'Auschwitz parlant de l'existence d'une chambre à gaz, d'exécutions et de châtiments nombreux, de la cruauté des gardiens, et disant que tout cela a eu lieu en ma présence ou a été porté à ma connaissance. Tout ce que je peux répondre à ça, c'est que c'est faux du début à la fin».

Kramer revint par la suite sur cette position résolue et fit une seconde déclaration, également reproduite dans l'Annexe D, dans laquelle il reconnaissait l'existence d'une chambre à gaz à Auschwitz, ajoutant qu'il n'avait jamais eu de responsabilité à cet égard et que les exterminations étaient sous le contrôle direct de l'administration centrale du camp à Auschwitz I. Lors de son procès, Kramer fournit deux raisons à la différence entre ses deux déclarations:

«La première raison [de cette seconde déclaration] est que lors de ma première déclaration on m'avait dit que ces chambres à gaz étaient sous mon commandement, et la seconde et principale raison était que Pohl, en s'adressant à moi, m'avait enjoint sur l'honneur de rester muet et de ne toucher mot à qui que ce soit de l'existence de ces chambres à gaz. Lorsque je fis ma première déclaration, je me sentais toujours lié par ce serment sur l'honneur. Mais lorsque je fis ma deuxième déclaration, en prison, à Celle, ces personnes avec qui je me sentais lié sur l'honneur (Adolf Hitler et le Reichsführer Himmler) avaient trouvé la mort et, dès lors, je ne me sentais plus lié par le serment que j'avais prêté». (6)

L'absurdité de cette explication, selon laquelle, aux premiers stades de ses interrogatoires, Kramer essayait de maintenir le secret sur des choses que ses interrogateurs ne cessaient de lui répéter et qui remplissaient alors la presse alliée, n'empêcha pas Kramer et son avocat de le maintenir devant le tribunal. La logique de la défense de Kramer était, à la base, identique à celle de la déposition de Morgen. Kramer était dans une situation où il essayait de fournir une version qui l'absolve de toute implication dans les meurtres de masse à Birkenau. La vérité, à savoir que Birkenau n'était pas un camp d'extermination, n'avait aucune chance d'être acceptée par le tribunal. Il s'agissait d'une impossibilité politique. Prendre le point de vue de la vérité aurait été héroïque de la part de Kramer mais également suicidaire car cela serait revenu à n'avoir aucune défense concernant son rôle au camp de Birkenau. Même s'il s'était senti personnellement héroïque, il y avait de puissants arguments qui allaient à l'encontre de cet héroïsme. Sa famille, comme toutes les familles allemandes à cette époque, était réduite au désespoir et avait besoin de lui. Si, malgré tout, il s'était entêté dans son héroïsme, son avocat n'aurait pas coopéré. Aucun avocat n'adopte sciemment une stratégie suicidaire lorsqu'il est évident qu'il a une chance d'obtenir le succès. La défense de Kramer était par conséquent qu'il n'avait pas pris part personnellement aux exterminations de Birkenau. C'étaient Höss et le RSHA les responsables. Il faut se souvenir que ces tactiques étaient adoptées par des avocats cherchant des verdicts d'acquittement et non par des historiens à la recherche de la vérité.

Une autre affaire est liée à celle-ci: il a été dit que Kramer, en tant que commandant du camp de Strutthof-Natzweiler, y avait fait gazer quatre-vingt personnes pour des expériences médicales. Ces personnes auraient été sélectionnées à Auschwitz, d'après des critères inconnus, puis transportées au Strutthof-Natzweiler pour y être tués, car on avait besoin de cadavres frais à Strasbourg. Kramer relate cet épisode dans sa seconde déclaration mais, comme elle est implicitement démentie par sa première déclaration, je suis enclin à croire qu'il est faux. Néanmoins, il est tout à fait possible que des gens aient été exécutés au Strutthof-Natzweiler lorsque quelqu'un d'autre était commandant et que les cadavres aient été ensuite utilisés à l'Institut anatomique de Strasbourg qui possédait certainement des cadavres pour ses recherches. De toute façon, ce problème n'entre pas dans le cadre d'un programme d'extermination.

Hermann Goering et les autres au TMI

Le procès du TMI est un peu plus compliqué à examiner, en raison du grand nombre d'accusés, chacun pouvant invoquer des raisons personnelles particulières pour se disculper de crimes réels ou imaginaires. La transcription du procès n'est pas réellement appropriée pour l'étude du comportement des accusés du TMI, mais les notes prises par le psychologue de la prison de Nuremberg, le Dr G.M Gilbert, qu'il a publiées sous le titre de Nuremberg Diary complètent cette transcription de manière adéquate pour notre propos. Le livre de Gilbert donne une description des attitudes et des réactions des accusés du TMI, non seulement lors du procès mais également dans la prison de Nuremberg. On ne peut pas avoir une confiance absolue dans l'exactitude du récit de Gilbert. La plupart des éléments consistent en des résumés de conversations que les accusés ont eues en prison, soit entre eux soit avec Gilbert. Ce dernier ne prenait cependant aucune note et il retranscrivait tout, chaque jour, de mémoire. Son manuscrit a été examiné de manière critique par un ancien membre de l'Office of War Information et par les procureurs Jackson et Taylor. Même avec la meilleure volonté du monde et les intentions les plus impartiales, Gilbert n'a pu tout consigner avec une parfaite exactitude. Son livre possède une exactitude d'ensemble mais l'on doit émettre des réserves quant à l'exactitude des détails.

Les accusés du TMI furent arrêtés peu après la capitulation allemande, en mai 1945, emprisonnés séparément, interrogés et soumis à la propagande pendant six mois avant l'ouverture du TMI en novembre, moment où ils se rencontrèrent pour la première fois depuis la reddition (et dans certains cas, pour la toute première fois). Il y a quatre observations particulièrement importantes à faire. Premièrement, et ce n'est pas surprenant, à l'exception de Kaltenbrunner, ils avaient adopté la même ligne de défense concernant les atrocités des camps de concentration et les exterminations des juifs, quel que soit le degré de confiance qu'ils faisaient à de telles allégations; tout était la faute de Hitler et des SS de Himmler. Kaltenbrunner, accusé à la place de Himmler, qui était mort, était malade à l'ouverture du procès et ne rejoignit les autres accusés qu'au bout de plusieurs semaines. Lorsqu'il comparut, les autres accusés l'évitèrent et il dit très peu de choses aux autres durant les dix mois qui suivirent.

On peut ne pas s'attendre tout à fait à la seconde observation. A vrai dire, il se peut qu'elle paraisse étonnante. A l'exception de Kaltenbrunner, et peut-être de deux ou trois autres, ces fonctionnaires allemands de haut rang ne comprenaient pas que des conditions catastrophiques avaient prévalu dans les camps au moment de l'effondrement allemand et que là se trouvait l'origine des scènes que la propagande alliée exploita comme «preuve» des exterminations. Cette affirmation peut sembler bizarre mais la consultation du livre de Gilbert montre qu'elle a incontestablement son bien-fondé. (La seule autre possibilité est que certains ont tout bonnement fait semblant de mal comprendre la situation). L'administration des camps était très éloignée des domaines d'activité de presque tous les accusés qui avaient été soumis à la propagande ordinaire depuis la reddition allemande. Lorsqu'ils admettaient, ou faisaient semblant d'admettre, qu'il y avait eu des meurtres de masse dont Hitler et Himmler étaient responsables, c'était en se fondant justement sur les scènes découvertes dans les camps allemands à la fin de la guerre qu'ils comprenaient manifestement mal ou faisaient semblant de mal comprendre. L'échange suivant entre Gilbert et Goering l'illustre bien:

«Ces films d'atrocités !» continua Goering. «N'importe qui peut faire un film d'atrocités en sortant des cadavres de leur fosses et en montrant un tracteur qui les remet dedans».
«Vous ne vous en débarrasserez pas aussi facilement», répliquai-je. «Nous avons bel et bien trouvé vos camps de concentration absolument jonchés de corps et parsemés de fosses communes -- Je les ai vus moi-même à Dachau! -- et à Hadamar»
«Oh, mais pas empilés comme ça, par milliers».
«Ne me dites pas que je ne les ai pas vus! J'ai vu des corps littéralement par wagons entiers».
«Oh, juste ce train».
«-- Et entassés comme du bois à brûler dans les crématoires -- et des prisonniers à moitié affamés et mutilés qui m'ont raconté comment la boucherie avait duré pendant des années -- et Dachau n'était de loin pas le pire! Vous ne pouvez pas effacer six millions de meurtres !»
«Eh bien, je doute qu'il y en ait eu six millions», dit-il d'un air sombre, regrettant manifestement d'avoir entamé cette discussion, «mais comme je l'ai toujours dit, si seulement cinq pour cent de cela est vrai, ça suffit». Un morne silence s'ensuivit.» (7)

Ce n'est qu'un exemple; il est évident, à la lecture du livre de Gilbert, que, lorsque la question des atrocités des camps de concentration était abordé, les accusés pensaient aux scènes découvertes dans les camps allemands à la fin de la guerre. Il est probablement impossible de déterminer quels accusés ne comprenaient sincèrement pas la situation (comme Goering) et ceux qui faisaient simplement semblant de ne pas la comprendre, calculant que, si l'on n'avait de toute façon rien à voir avec les camps de concentration, il était de loin préférable d'accepter les allégations alliées plutôt que de s'impliquer automatiquement en les contestant.

Notre troisième observation porte sur un calcul qu'ont dû faire la plupart des accusés pendant le procès. Il leur semblait probable, ou du moins tout à fait possible, que les Alliés ne fussent pas totalement sérieux dans leur intention de procéder à des exécutions et de prononcer de longues peines de prison. Le procès était certainement une nouveauté et les accusés étaient bien conscients qu'il existait une hostilité considérable à l'endroit des procès pour crimes de guerre, au sein de l'opinion publique des pays alliés, notamment aux Etats-Unis et en Angleterre. Beaucoup ont dû estimer que leur objectif immédiat devait être de dire ou de faire tout ce qui semblait nécessaire pour survivre à la vague passagère de l'hystérie d'après-guerre, remettant à un avenir proche le rétablissement de la vérité, à un moment où un examen des faits deviendrait possible, sans hystérie.

Quatrièmement, l'extermination des juifs n'était que l'une des nombreuses accusations lancées à Nuremberg. Rétrospectivement, elle peut sembler avoir été l'accusation principale mais, à cette époque, les principales accusations dans l'esprit de presque tout le monde concernaient les responsabilités dans «la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression» -- ce qu'on appelait les «crimes contre la paix».

En ayant à l'esprit les quatre observations précédentes, on peut constater que le comportement des accusés durant le procès était celui auquel on pouvait s'attendre de la part d'une telle brochette de nazis convaincus, de technocrates, d'officiers prussiens conservateurs et de politiciens ordinaires. En «privé», c'est-à-dire en prison, lorsque le tribunal ne siégeait pas, les prisonniers étaient tout aussi circonspects dans leurs remarques qu'ils l'étaient en public et il y avait beaucoup de récriminations mutuelles, d'insinuations et de médisances. C'est Frank qui se donna le plus en spectacle à cet égard, mais la pratique fut assez générale. Les nazis n'étaient pas une grande et heureuse famille. Pour comprendre la stratégie de défense, il suffira d'examiner les cas de Speer, de Goering et de Kaltenbrunner.

La stratégie de Speer fut simple et, de surcroît, couronnée de succès puisqu'il ne fut pas pendu. Il prétendit que son poste ne lui avait pas permis d'avoir connaissance des diverses atrocités dont on parlait. Même aujourd'hui, on lui permet de s'en tirer avec cette ineptie. En fait, Speer et ses collaborateurs étaient lourdement impliqués, par exemple, dans la déportation, au printemps 1944, des juifs hongrois aptes au travail vers les usines d'avions souterraines de Buchenwald. (8) Ils auraient eu connaissance d'une éventuelle priorité donnée aux trains transportant les juifs hongrois à exterminer avant ceux qui avaient été choisis pour le travail, si cela était réellement arrivé. Si Speer n'avait pas menti, il aurait déclaré qu'il occupait une position telle qu'il aurait eu connaissance d'un programme d'extermination s'il avait existé et qu'à sa connaissance aucun programme de ce genre n'avait existé. Cependant, si Speer n'avait pas menti, il aurait rejoint ses collègues sur l'échafaud.

Dans son livre, Speer ne donne qu'une «preuve» ridicule qu'il aurait trouvée pendant la guerre et qu'il aurait dû interpréter, dit-il à présent, comme indiquant l'existence d'un programme d'extermination. Il s'agissait de la suggestion que lui avait faite, à l'été 1944, son ami Karl Hanke (qui fut désigné par Hitler, dans les derniers jours de la guerre, comme le successeur de Himmler au poste de Reichsführer-SS) de ne jamais «accepter une invitation pour visiter un camp de concentration en Haute-Silésie». Speer rapporte également la remarque que lui fit en privé Goering juste avant le procès du TMI à propos de «survivants» juifs en Hongrie: «Alors, il y en a encore là-bas? Je croyais qu'on les avait tous zigouillés. Quelqu'un a encore fait une bêtise.» (9) Un sarcasme de ce genre était compréhensible dans de telles circonstances car Goering ne concéda jamais la réalité d'un quelconque programme d'extermination et insista sur le fait qu'il avait eu seulement connaissance d'un programme d'émigration et d'évacuation de juifs hors de la sphère allemande en Europe.

L'introduction au livre de Speer, écrite par Eugene Davidson, mentionne le fait (noté ici au chap.IV) que de nombreux juifs hollandais envoyés à Birkenau, «à portée de vue des chambres à gaz», n'avaient pas conscience d'un programme d'extermination. Ils écrivirent des lettres réconfortantes en Hollande. (10) Les remarques concernant l'extermination des juifs ne figuraient pas dans la version originale du manuscrit de Speer mais furent ajoutées sur l'insistance de l'éditeur. (11)

A la différence des autres accusés, Goering supposa tout au long du procès qu'il allait être condamné à mort et son témoignage semble être la vérité approximative telle qu'il la vit. Bien qu'il n'ait jamais concédé l'existence d'un programme d'extermination des juifs, il n'avait pas compris ce qui était arrivé dans les camps allemands à la fin de la guerre et il supposa que Himmler s'était vraiment engagé dans des massacres. Néanmoins, il ne concéda jamais un nombre de meurtres approchant les six millions. (12)

Il convient de faire remarquer en passant que Goering n'était pas toxicomane, comme l'affirme la légende et comme Speer l'a prétendu en privé à plusieurs occasions pendant le TMI. Le psychiatre de la prison de Nuremberg, Douglas Kelley, a essayé de rétablir la vérité à cet égard. Goering, qui était un militaire, avait été un as de l'aviation pendant la première guerre mondiale et avait été le dernier commandant du «cirque volant» de von Richthofen (le «baron rouge»). Refusant de rendre son unité aux Alliés à la fin de la guerre, il retourna en Allemagne où il se retrouva héros sans emploi. Rejoignant finalement le parti nazi, il était naturel, en tant que détenteur de la médaille Pour-le-mérite (la plus haute décoration militaire de l'Allemagne) qu'il devienne l'un des dirigeants de ce petit parti. En tant que tel, il fut l'un des chefs de la tentative de putsch de 1923 au cours de laquelle il fut blessé à la cuisse droite. Sa blessure s'infecta et il dut être hospitalisé pendant une longue période durant laquelle on lui injecta de grandes quantités de morphine. Il contracta une certaine dépendance mais s'en guérit peu de temps après être sorti de l'hôpital, en 1924. Beaucoup plus tard, en 1937, souffrant de maux de dents, il commença à prendre des comprimés de paracodéine, un dérivé faible de la morphine, qui était la prescription ordinaire pour son état, et il continua à en prendre pendant la guerre. Son accoutumance à ou, plus exactement, son habitude de prendre ces comprimés de paracodéine n'était pas grave, car, avant le TMI, le Dr Kelley les lui supprima par une simple méthode de sevrage en réduisant quotidiennement le dosage. (13)

Pour en revenir aux accusés du TMI, la situation de Kaltenbrunner nous semble aujourd'hui avoir été quelque peu sans espoir et il est probable que son avocat en avait conscience. Il devait néanmoins adopter un système de défense. Pour ce qui nous intéresse, il reposait sur deux points principaux.

Le premier point était qu'il était chef du RSHA, qui était chargé de la sécurité, et non le chef du WVHA, qui administrait les camps de concentration. Il prétendit ainsi qu'il n'avait presque rien eu à voir avec les camps. Le seul exemple connu de l'implication de Kaltenbrunner dans la marche interne des camps est son ordre de mars 1945 concernant l'autorisation accordée à la Croix-Rouge de s'installer dans les camps (nous ne savons pas comment il avait acquis le degré d'autorité nécessaire pour donner cet ordre). Il en fit grand cas dans sa défense et, plutôt que de rétablir la vérité à propos des conditions catastrophiques dans les camps à la fin de la guerre, il enjoliva son action avec la Croix-Rouge pour la faire apparaître comme un acte contre les camps de concentration en tant que tels, camps dont, de toute façon, il avait toujours déploré l'existence, ajouta-t-il.

Le second argument de Kaltenbrunner était que, comme chacun voudrait bien le reconnaître, ce fut son prédécesseur Heydrich, et non pas lui, qui avait organisé la politique suivie à l'égard des juifs, quelle qu'ait été cette politique. Il prit la tête du RSHA en 1943 avec une directive de Himmler lui enjoignant de constituer le service de renseignements du SD. Il déforma ensuite quelque peu les choses en prétendant que les nouvelles dispositions prises par Himmler montraient qu'il ne permettrait à personne d'atteindre la notoriété d'un Heydrich, et que lui, Kaltenbrunner, ne devait s'occuper que de renseignements, sans aucun contrôle sur les fonctions de police et de sécurité du RSHA, en particulier la Gestapo, qui envoyait des prisonniers politiques dans les camps et qui organisait également, par l'intermédiaire du service d'Eichmann, la déportation des juifs. Ainsi, d'après Kaltenbrunner, on ne pouvait en aucune façon le tenir pour responsable des exterminations des juifs qui, concéda-t-il, avaient bien eu lieu, tout comme les Alliés l'affirmaient -- excepté qu'elles avaient commencé, d'après Kaltenbrunner, en 1940. En fait, d'après lui, ce n'est pas avant l'été 1943 qu'il apprit l'existence du programme d'extermination que dirigeait le service d'Eichmann. Il l'apprit par la presse étrangère et la radio ennemie. Il força Himmler à en reconnaître l'existence au début de 1944, puis protesta, d'abord auprès de Hitler, ensuite auprès de Himmler. Le programme d'extermination fut arrêté en octobre 1944, «grâce, avant tout, à son intervention». (14) La manière dont Kaltenbrunner prétendit avoir appris l'existence des exterminations, bien qu'elle soit absurde, est néanmoins compatible avec le secret extrême qui, dit-on toujours, aurait été maintenu à propos du programme d'extermination.

L'histoire racontée par Kaltenbrunner était d'une totale absurdité, mais cela ne doit pas nous aveugler quant au sérieux de ce témoignage en tant que stratégie de défense. Supposons que Kaltenbrunner ait déclaré qu'aucun programme d'extermination n'avait existé. Dans ce cas, le tribunal, en rendant un jugement de clémence aurait reconnu implicitement que l'allégation d'extermination était fausse, ou peut-être fausse: c'était politiquement impossible. En prétendant que, le programme d'extermination ayant existé, Kaltenbrunner n'y avait eu aucune part et s'y était même opposé, la défense donnait politiquement au tribunal la possibilité de montrer une certaine clémence ou, tout au moins, faisait une sérieuse tentative dans cette voie. Quelques secondes de réflexion montrent que c'était la seule stratégie possible pour Kaltenbrunner, concernant l'accusation d'extermination. De toute évidence, le procès allait s'achever par quelques peines de mort, quelques acquittements et quelques peines intermédiaire s ,, c'était nécessaire pour qu'on ait l'illusion d'un vrai procès. Ainsi, à l'analyse, on constate qu'il y avait dans la défense de Kaltenbrunner une logique d'avocat d'une parfaite justesse. Que la version des choses qui était donnée fût absurde importait assez peu de ce point de vue; la manière dont les faits ont été traités à propos de ces questions a de toute façon été d'une continuelle absurdité. Le cas de Speer montre qu'une histoire absurde avait non seulement des chances d'être acceptée par le TMI mais également par l'opinion, plus tard, à un moment qui aurait dû permettre de voir les choses plus clairement.

Le commun des mortels, et même un esprit critique instruit de ces événements, peut facilement ne pas comprendre la signification d'éléments comme la déposition de Kaltenbrunner, parce qu'il lui est difficile de saisir le point de vue des accusés qui n'avaient pas à se soucier des questions d'histoire que nous nous posons aujourd'hui. C'était leur peau qui était en jeu et ils considéraient ces procès, à juste titre, comme une manifestation d'hystérie. Essayer de sauver sa peau signifiait définir des stratégies devant le tribunal pour s'adapter à la situation. Aucune stratégie judiciaire ne cherche à défier le tribunal de front sur des points où sa religion est toute faite. Cela se produit également dans les procès ordinaires. Quand quelque chose a été décidé, cela a été décidé, et les avocats organisent leur défense en conséquence.

Bien entendu, il est lamentable que des nazis, ou toute autre personne, aient à mentir afin de défendre leurs intérêts personnels. J'ai connu des universitaires qui racontaient des mensonges énormes rien que pour bénéficier d'un supplément de salaire pendant l'été, et cela aussi est consternant.

 

Oswald Pohl à Nuremberg

Lors du procès de Kramer et au TMI, les tribunaux étaient convaincus a priori que l'Allemagne nazie avait eu un programme d'extermination des juifs. Lors des procès ultérieurs du TMN, les tribunaux étaient convaincus a priori et d'une manière formelle, en raison d'une contrainte juridique notée plus haut. En effet, les déclarations contenues dans le jugement du TMI constituaient en elles-mêmes une «preuve des faits énoncés». Le jugement du TMI avait déclaré que des millions de gens avaient été exterminés dans les camps de concentration allemands, notamment à Auschwitz, qui fut «établi dans ce but principa l »; plus précisément, quatre cent mille juifs hongrois étaient réputés y avoir été assassinés. (15) Ainsi, les accusés et les témoins du TMN faisaient face à une situation semblable à celle à laquelle avaient fait face les accusés et les témoins qui les avaient précédés, mais elle était dorénavant codifiée. Les procureurs savaient attirer l'attention des juges sur cette contrainte légale lorsqu'il semblait y avoir un risque qu'elle soit négligée. (16)

Nous voulons plus particulièrement prendre note ici de deux affaires. L'accusé Pohl, bien entendu, ne nia pas le programme d'extermination; en niant toute implication personnelle dans les exterminations, il tira avantage du fait que les accusations des Alliés visaient la Gestapo et les fonctions de sécurité de la SS, qui n'étaient pas du domaine de Pohl en sa qualité de chef du WVHA. (17) La déposition de Höss et son témoignage lui furent d'un grand renfort. Après tout, qui avait jamais entendu parler du Wirtschafts-Verwaltungshauptamt ? Pohl n'en fut pas moins pendu.

La déposition de Münch, médecin à Auschwitz, est intéressante. Il comparut en tant que témoin de la défense au procès de l'I. G. Farben, après avoir été auparavant acquitté par un tribunal polonais. C'est le témoin que l'avocat général Minskoff interrogea à propos des tracts lancés sur Auschwitz par des avions alliés. Münch déclara que, tandis qu'il avait eu connaissance des exterminations pendant qu'il était à Auschwitz et avait même assisté à un gazage, les gens qui vivaient en dehors de la région d'Auschwitz, c'est-à-dire ceux qui vivaient en Allemagne, ne savaient rien à ce sujet. Aussi bien, tout était arrangé «de main de maître» pour que «quelqu'un qui visitait une usine à Auschwitz deux ou trois fois par an pendant un jours ou deux» n'apprenne pas l'existence des exterminations. Presque tous les accusés, d'après Münch, appartenaient bien entendu tous à la catégorie de ceux qui ne pouvaient pas savoir, mais il ne s'arrêta pas en si bon chemin. Il affirma également que tous les [...] SS et les prisonniers avaient connaissance des exterminations mais qu'ils n'en parlaient pas aux civils de peur d'être punis. Ainsi, Faust, l'ingénieur de l'I. G. Farben que Münch connaissait très bien à Auschwitz, ne savait rien des exterminations. Münch fit également remarquer à plusieurs reprises que tout ce qu'on pouvait percevoir des exterminations était l'odeur des crémations, «perceptible partout». Personne, lors de ce procès chargé de juger des ingénieurs chimistes, ne prit la peine de faire observer que l'industrie chimique de la région produisait également pas mal d'odeurs. Ce qui est bizarre dans la déposition de Münch, c'est qu'il situe les crématoires et les chambres à gaz à «un ou un kilomètre et demi au sud-ouest du camp de Birkenau, camouflés dans un petit bois». (18)

La déposition de Münch n'est qu'une illustration supplémentaire de la manière dont la défense organisait ses stratégies. On ne contestait pas des choses sur lesquelles les tribunaux s'étaient déjà prononcés mais on fabriquait des histoires qui déchargeaient les accusés de toute responsabilité personnelle. Ainsi, l'on prétendait invariablement que le programme d'extermination comportait des aspects qui pouvaient disculper les accusés mais, de toute évidence, prétendre que les aspects du programme existaient rendait nécessaire de prétendre également que le programme lui-même existait.

 

Adolf Eichmann

Le procès Eichmann mérite également d'être examiné. On rappellera qu'Adolf Eichmann fut enlevé illégalement à Buenos Aires, en mai 1960, par des agents israéliens qui l'expédièrent en Israël pour qu'il devienne la victime d'un «procès» qui devait battre tous les records d'illégalité, l'Etat conduisant le procès n'existant même pas au moment des faits en cause. Les débats illégaux s'ouvrirent à Jérusalem le 11 avril 1961, le tribunal prononça la peine de mort le 15 décembre 1961 et le meurtre fut exécuté le 31 mai 1962.

Afin de cerner la stratégie de défense d'Eichmann, examinons sa situation avant le procès, telle qu'un avocat l'aurait vue. Il s'agissait, à la base, d'une situation politique avec un pays, Israël, déterminé à mettre en scène un procès-spectacle. En capturant Eichmann, Israël avait foulé aux pieds la souveraineté de l'Argentine et, du point de vue d'un avocat, le seul espoir d'obtenir un verdict favorable (une peine de prison qui pouvait être commuée par la suite) dépendait de l'opinion mondiale qui pouvait inciter Israël à tempérer quelque peu son arrogance par un geste magnanime. Cependant, l'éventualité de cette issue dépendait d'une défense dont l'acceptation par le tribunal de Jérusalem aurait été, politiquement, du domaine du possible. Ainsi, tout comme pour les accusés de Nuremberg, nier l'existence du programme d'extermination était hors de question en tant que stratégie de défense et c'est pourquoi, également, la seule défense possible d'Eichmann dans de telles circonstances était de nier toute responsabilité personnelle.

Eichmann admit l'existence d'un programme d'extermination et la première édition du livre de Reitlinger fut acceptée par les deux parties comme étant la description approximative de ce qui s'était passé. L'essentiel de la défense d'Eichmann était donc qu'il avait simplement organisé les convois de juifs, conformément à des ordres auxquels on ne pouvait désobéir. D'un certain point de vue, sa défense fut en partie couronnée de succès car le portrait qu'il fit de lui-même comme simple «rouage de la machine» a été plus ou moins universellement accepté par ceux ont étudié son procès et écrit à son propos (cf., par exemple, le livre de Hannah Arendt).

En fait, Eichmann s'attribua un rôle un peu plus important qu'un simple «rouage». Un aspect secondaire de son témoignage montre qu'il prétendit, lui, Eichmann, avoir fait tout ce qu'une personne à un rang aussi modeste que le sien pouvait faire afin de saboter le programme d'extermination; à cet égard, il gauchit la signification de nombreux documents utilisés lors du procès. Les commentaires d'Eichmann sur deux documents précis en sont un bon exemple. Le premier document, daté du 24 septembre 1941, est une lettre du commandant du camp de réinstallation de Lodz qui se plaignait de la surpopulation du camp due à d'énormes convois de juifs -- «Et maintenant ils me mettent en face d'un fait accompli, pour ainsi dire, pour que j'absorbe vingt mille juifs dans le ghetto le plus rapidement possible mais aussi pour que j'accueille cinq mille Tsiganes». La lettre est adressée au chef local du gouvernement. Le second document est une lettre de ce même chef local, datée du 9 octobre 1941, transmettant la plainte à Berlin, et ajoutant qu'Eichmann avait agi comme un «maquignon» en envoyant ce convoi de juifs à Lodz car, contrairement à ce qu'il prétendait, il n'avait pas été autorisé. Dans sa déposition à Jérusalem concernant ces documents, Eichmann dit que ces plaintes étaient justifiées car il avait vraiment envoyé les juifs à Lodz sans autorisation. Ce qui l'avait poussé, affirma-t-il, c'était qu'il n'y avait que deux endroits où il pouvait envoyer les juifs: soit à l'Est (où, dit-il, il était censé les envoyer), soit à Lodz. Cependant, d'après lui, il y avait des exterminations à l'Est à cette époque mais pas à Lodz. Désapprouvant fortement les exterminations et faisant tout ce que sa fonction peu élevée lui permettait pour les contrecarrer, il envoya les juifs à Lodz où leur accueil n'était pas prêt. (19)

Cet aspect de la stratégie de défense d'Eichmann est également illustré par sa déposition concernant les propositions d'échange, en 1944, de «camions contre des juifs hongrois». Il essaya naturellement de présenter les efforts du côté allemand pour conclure le marché comme étant dus, dans une large mesure, à la force de son initiative, motivée, une fois encore, par son désir de sauver des juifs. (20)

Il faut rappeler ici que le contre-interrogatoire d'Eichmann par les procureurs ne visait pas directement ce qui s'était passé pendant la guerre. L'accusation cherchait à obliger Eichmann à s'en tenir, devant la cour, à tout ce qu'il était censé avoir dit aux enquêteurs israéliens pendant son année de détention avant le procès et également à ce qu'il était censé avoir dit en Argentine, en 1957, à un dénommé Sassen. D'après sa déposition, Eichmann avait rencontré Sassen, un ancien SS, à Buenos Aires, en 1955. A cette époque, Eichmann était un homme oublié de tous, sauf de très petits cercles. Les relations entre Eichmann et Sassen aboutirent finalement à un projet de livre sur la persécution des juifs durant la guerre. Le livre, que Sassen devait achever et lancer, devait s'appuyer sur des séances enregistrées sur bande magnétique consistant en questions-réponses avec Eichmann mais, d'après le témoignage de ce dernier, la forme prévue au départ ne pouvait pas être conservée:

«Lorsque ces questions m'étaient posées, je devais répondre de temps en temps que je ne me rappelais pas et que je ne savais pas; mais il devint vite évident que ce n'était pas la bonne manière d'écrire un livre [...] et il fut alors convenu que ce n'était pas ce dont je me souvenais qui importait vraiment -- le principal était de relater les événements tels qu'ils s'étaient passés; nous parlâmes alors de la licence poétique, de celle qui est consentie aux journalistes et aux auteurs, qui nous donnerait le droit de décrire les événements -- même si je ne me rappelais pas certains détails, l'essentiel qui en resterait serait une description des événements tels qu'ils avaient eu lieu et c'est à vrai dire ce qui, finalement, a été retranscrit.
(Sassen) me demanda de dire quelque chose sur chaque point, afin d'obtenir la quantité nécessaire.
[...] il fut également convenu que Sassen arrangerait alors tout sous la forme d'un livre et que nous en serions les co-auteurs».

Le matériau dont disposait Sassen parut finalement, à l'automne de 1960, dans le magazine Life, et il est donc clair que les séances de Sassen avec Eichmann avaient pour but premier de produire un livre qui ait, sinon une valeur historique, du moins une valeur marchande. De toute évidence, Eichmann envisageait de récupérer une part des profits mais son témoignage n'apporte aucune lumière sur les espérances financières précises que nourrissaient Eichmann et Sassen.

Sassen transcrivait certaines des bandes enregistrées sous une forme dactylographiée et Eichmann ajoutait à la main des commentaires et des corrections dans la marge. Il rédigea également 83 pages de commentaires manuscrits. Après la parution des articles de Life, l'accusation obtint de Sassen une photocopie d'un document de trois cents pages dactylographiées avec des commentaires marginaux, apparemment de la main d'Eichmann, censé être une transcription de 62 des 67 séances enregistrées, ainsi qu'une photocopie de ce qui était, dit-on, le document de 83 pages de la main d'Eichmann. Les documents originaux ne furent manifestement pas fournis, ouvrant la possibilité d'altérations et de changements, en particulier pour ce qui est du document de 300 pages. A propos des bandes originales, le parquet émit le commentaire suivant:

«Nous ne savons rien au sujet des bandes elles-mêmes -- Je ne sais pas si les personnes qui ont pris part à ces conversations ont gardé la bande ou si elle a été effacée et réutilisée pour d'autres enregistrements».

La défense contesta l'exactitude des documents, prétendit que la plupart des corrections marginales n'avaient pas été incluses dans le document et prétendit en outre que si Sassen lui-même pouvait être amené devant la cour pour témoigner, on pourrait prouver qu'

«il a modifié et déformé ce qui a été dit par l'accusé pour servir ses propres fins. Il voulait produire un livre de propagande; cela peut être prouvé, la façon dont les propos ont été déformés».

L'accusation assura cependant à la cour que si Sassen devait venir en Israël, on le ferait passer en jugement pour son appartenance aux SS.

Le tribunal décida d'accepter les photocopies des 83 pages rédigées de la main d'Eichmann mais l'accusation, découvrant au fur et à mesure qu'il n'y avait pour ainsi dire rien qu'elle puisse utiliser dans ces 83 pages, fit une nouvelle offre alors que le procès était déjà très avancé et réussit finalement à faire accepter à titre de preuve les extraits du document dactylographié qui portait des corrections manuscrites. Le magazine Life qui avait apparemment reçu les mêmes textes de Sassen, considérait tout cela comme absolument authentique. (21)

Nous terminons ce court examen du procès Eichmann en rapportant la réaction d'Eichmann à l'allégation, très répandue, selon laquelle il avait déclaré à la fin de la guerre qu'il «descendrait joyeusement dans la tombe», en sachant que cinq ou six millions de juifs avaient été tués. Eichmann déclara qu'il avait effectivement fait une remarque acerbe de ce genre à son personnel à la fin de la guerre mais que les cinq millions de tués n'étaient pas des «juifs» mais des «ennemis du Reich», c'est-à-dire des soldats ennemis, principalement des Russes. Tandis que sa stratégie de défense n'entraînait pas la contestation de la réalité d'ensemble du programme d'extermination, il insista sur le fait qu'il n'était pas en mesure de connaître le nombre même approximatif de juifs tués et que toutes les remarques qu'on lui prêtait à cet égard (par exemple la déposition de Höttl) étaient faussses. (22)

Les procès ouest-allemands

Les procès qui se tinrent en Allemagne de l'Ouest dans les années soixante importent assez peu car ils n'apportèrent pas de nouvelles preuves documentaires. C'étaient principalement les dépositions de personnes peu connues. En outre, comme nous l'avons dit plus haut, la législation allemande ne permet pas l'étude de ces dépositions (cf., par exemple, les annexes II et III du Mythe d'Auschwitz de Wilhelm Stäglich). Il suffira de dire quelques mots, qui s'appuient entièrement sur des études, du «procès d'Auschwitz» qui s'est tenu à Francfort de 1963 à 1965.

La série des procès pour crimes de guerre, dont le plus important fut le procès dit des "gardiens d'Auschwitz", fut organisée pour des raisons politiques, à la suite de la publicité hystérique qui entoura la capture d'Adolf Eichmann. L'une des premières victimes fut Richard Baer, successeur de Höss et dernier commandant d'Auschwitz, qui fut arrêté le 20 décembre 1960 près de Hambourg, où il travaillait comme bûcheron. Il fut emprisonné et interrogé en prison et l'on a dit qu'il avait déclaré avec insistance que les chambres à gaz d'Auschwitz n'avaient jamais existé. Quoi qu'il en soit, il ne vécut pas assez longtemps pour assister au procès. Il mourut en prison le 17 juin 1963, à l'âge de 51 ans, apparemment d'une maladie circulatoire. Comme sa femme déclara qu'il était en parfaite santé avant d'entrer en prison, il faut considérer sa mort comme mystérieuse. (23)

Lorsque le procès s'ouvrit finalement à Francfort, en décembre 1963, le principal accusé était un certain Robert K. L. Mulka, ancien capitaine SS qui avait servi un court moment comme adjoint de Höss à Auschwitz. Mulka avait été jugé et condamné par une chambre allemande, immédiatement après la guerre, pour son rôle à Auschwitz et un bon nombre des vint et un autres accusés du procès d'Auschwitz passaient en jugement pour la seconde fois pour répondre, au fond, des mêmes accusations.

Le tribunal, bien entendu, n'ignorait pas totalement les problèmes de légalité et il prit la peine d'expliquer que le gouvernement de Bonn se considérait comme le successeur légal du Troisième Reich et était ainsi compétent pour juger des personnes qui auraient enfreint les lois en vigueur en Allemagne pendant la guerre. Tuer des juifs était, bien entendu, illégal dans l'Allemagne nazie et c'est pourquoi la majorité des accusés étaient poursuivis sous ce chef. Quant à savoir s'il était raisonnable d'organiser un tel procès, le mieux est de citer l'opinion du tribunal de Francfort elle-même:

«Le tribunal s'est trouvé confronté au problème extraordinairement compliqué de la détermination de la culpabilité.

«Si l'on écarte quelques documents sans grande valeur, le tribunal ne disposait presque exclusivement, pour reconstruire ce qu'avaient été les actes des accusés, que de témoignages personnels. La criminologie nous apprend que le témoignage personnel n'est pas la meilleure des preuves, encore moins si le récit du témoin porte sur des événements auxquels il a assisté vingt ans ou plus auparavant, dans des conditions de terreur et d'angoisse inexprimables. Même le témoin idéal, celui dont la seule préoccupation serait de dire la vérité en explorant les tréfonds de sa mémoire, n'est pas à l'abri d'un trou de mémoire vingt ans après. Il court le danger de projeter sur d'autres des choses qui relèvent de son expérience personnelle et de prendre pour vécues par lui-même des choses qui lui ont été racontées par d'autres dans ce milieu terrifiant. C'est de la sorte qu'il risque de confondre les époques et les lieux.

«Il n'était pas très raisonnable de notre part de poser des questions à des témoins pour connaître tous les détails de leur expérience. C'est trop exiger du témoin que de lui demander, au bout de vingt ans, qui a fait quoi, quand, où et comment, dans le détail. Les témoins ont souvent manifesté leur étonnement de nous entendre leur demander une reconstruction aussi précise des événements. C'était évidemment à la défense qu'il incombait de poser de telles questions. Et il serait injuste d'imputer à la défense le désir de ridiculiser ces témoins. Il faut au contraire rappeler quel infini travail de détail on accomplit de nos jours dans un procès pour meurtre, comment on reconstitue la mosaïque, fragment par fragment, de l'image des événements véritables au moment du meurtre. Le tribunal dispose, pour délibérer, d'abord du corps, de l'expertise médico-légale, de l'avis des experts sur les causes de la mort le jour où le meurtre a été commis, et la manière dont la mort est survenue. On a l'arme du crime et les empreintes digitales de celui qui l'a commis; on a les empreintes qu'ont laissées ses souliers avant d'entrer dans la maison de la victime, et une multitude d'autres détails qui donnent au tribunal la preuve absolue que telle personne a été tuée par l'auteur bien défini du forfait.

«Tout cela manquait dans le procès. Nous n'avons pas de preuve absolue de meurtres individuels; nous n'avons que des récits de témoins. Il est arrivé que ces témoignages n'aient pas été aussi exacts et précis qu'il aurait été nécessaire dans un procès pour meurtre. Si l'on demandait à un témoin en quelle année et en quel mois tel événement s'était produit, c'était nécessaire pour la détermination de la vérité. Il pouvait se faire que ces dates fussent pour le tribunal le seul moyen de déterminer si l'événement relaté par le témoin s'est réellement passé comme il le décrit, ou s'il a commis une erreur et confondu les victimes. Le tribunal n'était évidemment pas sans savoir quel extraordinaire fardeau elle imposait au témoin, sachant qu'il n'y avait pas dans les camps de calendriers, de montres ou même de moyens primitifs de garder des traces, de bien vouloir raconter ce qu'il avait vécu dans les moindres détails. Néanmoins le tribunal devait être en mesure de déterminer si un individu avait ou non commis un véritable meurtre, et où et quand il l'avait fait. C'était l'exigence du code pénal.

«En dépit de son arrière-fond, c'était un procès criminel ordinaire. Le tribunal ne peut juger qu'en accord avec les lois auxquelles elle est assermentée et ces lois réclament la détermination précise de la culpabilité concrète d'un accusé, à la fois sur la plan objectif et sur la plan subjectif. L'accablement des témoins montre à quel point il est difficile de cerner et d'évaluer des événements vieux de vingt ans. Nous avons entendu des témoins qui semblèrent si sûrs que le tribunal lança des mandats d'arrêt sur la base de leurs dépositions. Cependant, le tribunal, après avoir examiné de manière exhaustive les déclarations de ces témoins et passé de longues heures à délibérer, a trouvé que ces déclarations n'étaient pas absolument justes et qu'elles ne correspondaient pas absolument à la vérité objective. Dans certains cas, il a fallu réexaminer les documents et réévaluer certaines séquences chronologiques pour déterminer si un accusé, identifié par un témoin, se trouvait réellement à Auschwitz à l'époque en question, s'il avait été en mesure de commettre le crime en question, ou si le témoin se trompait de personne.

«En raison de la faiblesse du récit des témoins -- et je parle ici seulement des témoins assermentés dont le tribunal a pu s'assurer qu'ils ne cherchaient que la vérité, la vérité subjective et objective, -- le tribunal a dû examiner de très près ces témoignages. Il y a quelques semaines, nous avons lu dans les journaux qu'un gardien du camp de Buchenwald a été condamné pour le meurtre d'un détenu qui, c'est notoire aujourd'hui, est vivant et n'a certainement pas été assassiné. De tels exemples devraient nous donner à penser. Ces erreurs judiciaires ne contribuent pas à renforcer le respect de la loi. C'est pour ces raisons que le tribunal a évité tout ce qui aurait pu être interprété comme le moindre indice de jugement sommaire. Le tribunal a examiné très minutieusement et très sérieusement chaque déclaration de chaque témoin et, en conséquence, n'a pas pu arriver à des verdicts de culpabilité pour une longue liste d'accusations, car il a été impossible de trouver un fondement sûr pour de tels verdicts. La possibilité de vérifier les déclarations des témoins était très limitée. Toutes les traces des forfaits ont été détruites. Les documents qui auraient pu éclairer la cour ont été brûlés [...].» (24)

Bien que ces aveux du tribunal de Francfort doivent nous permettre de nous faire une opinion concluante sur ces procès, il nous faut ajouter que le tribunal est resté en deçà de la réalité. La grande majorité des témoins étaient des citoyens de pays du bloc soviétique, avec tout ce que cela implique concernant leurs témoignages. Le tribunal s'est plaint que la déposition de certains témoin n'était pas aussi juste et précise qu'on aurait pu le souhaiter, mais il conviendrait de faire observer que l'on essaya certainement d'influencer la mémoire des témoins, de la manière appropriée, car le «Comité International d'Auschwitz» avait établi son quartier général à Francfort et il publiait des «feuilles d'information» sur les terribles choses qui s'étaient produites à Auschwitz. Les témoins avaient pu prendre connaissance de ces «feuilles d'information» et les lire avant de faire leur déposition. Il existait également un «Comité des camps» et d'autres personnes, comme le maire de Francfort, qui firent toutes sortes de suggestions aux témoins. (25)

La farce s'étendit également aux questions que le tribunal aborda au cours de ce long procès et aux peines qui furent prononcées. Mulka, reconnu coupable d'avoir été le numéro deux dans l'administration du grand camp d'extermination, d'avoir commandé le Zyklon B à au moins une occasion, d'avoir été responsable de l'équipe automobile qui transportait les condamnés, de s'être occupé de certaines tâches administratives concernant les convois et d'avoir été impliqué dans la construction des crématoires, fut condamné à 14 ans de travaux forcés, mais fut libéré moins de quatre mois plus tard pour raisons de santé. L'accusé Franz Hofmann, ancien capitaine SS, qui avait été responsable d'Auschwitz I, reconnu coupable par rapport aux exterminations, fut condamné à vie parce qu'il avait en fait été jugé pour avoir jeté une bouteille à la tête d'un détenu qui était ensuite mort de la blessure qu'il avait reçue. Cet incident eut manifestement un plus grand impact sur le tribunal que les exterminations de masse, ce qui n'est pas surprenant, car l'épisode de la bouteille pouvait évidemment être reconnu comme le genre de choses qui arrive dans des établissements pénitentiaires. Hofmann fut condamné à la prison à la vie mais fut libéré peu après en détention provisoire. (26)

Des précédents à ces procès ?

Si l'on cherche dans les livres d'histoire des procédures judiciaires qui soient comparables aux «procès pour crimes de guerre», il convient de ne pas se borner aux procès politiques. L'atmosphère d'hystérie des procès pour crimes de guerre est absente de ces procès, par exemple, celui de Mary, reine d'Ecosse. Une autre particularité du procès politique ordinaire est qu'il n'y a généralement qu'une victime, ou en tout cas seulement quelques-unes, et que les poursuites ne se prolongent pas au-delà de deux décennies. Le procès de Jeanne d'Arc lui-même, qui comportait certains aspects hystériques, n'est pas réellement comparable aux procès pour crimes de guerre car il n'y avait qu'une seule personne, et non tout un Etat, en accusation.

Dans la recherche de précédents aux procès pour crimes de guerre, seuls les procès de sorcellerie offrent des comparaisons satisfaisantes. Le fait que les accusés des procès de sorcellerie estimaient souvent opportun, dans les circonstances où ils se trouvaient, d'admettre dans une certaine mesure les accusations, constitue une très importante similitude. En fait, dans de nombreux cas, la confession partielle était la seule stratégie de défense possible. On ne pouvait pas nier l'existence même de ces sabbats qui, ainsi en avait décidé l'imagination populaire, avaient existé. Lorsque les accusées étaient exécutées, on pouvait assister aux scènes suivantes:

«Sur un échafaud étaient les brûlées, en petit nombre, et sur un autre, la foule des relâchées. L'héroïne repentante, dont on lut la confession, a tout osé. Rien de plus fou. Au sabbat, on mange des enfants en hachis, et, pour second plat, des corps de sorciers déterrés. Les crapauds dansent, parlent, se plaignent amoureusement de leurs maîtresses, les font gronder par le Diable. Celui-ci reconduit poliment les sorcières, en les éclairant avec le bras d'un enfant mort sans baptême, etc.» (27)

La situation devint telle que l'on devait alimenter les fantasmes et les passions des juges et de la population. Il y avait même des moyens de devancer l'accusation en prétendant être une sorcière et ainsi être instruit des activités d'autres sorcières et sur les moyens de les démasquer, etc.

Le parallèle entre les procès pour crimes de guerre et les procès de sorcellerie est presque parfait. Ces deux types de procès comportent un grand nombre de victimes potentielles et les possibilités de récriminations mutuelles sont sans bornes. Qui plus est, ces deux types de procès ont lieu dans une atmosphère d'irréalité et d'hystérie. Celui qui ne refuse pas de croire ceux qui affirment qu'un Etat moderne exterminait des masses d'êtres humains dans un centre d'industrie chimique, en utilisant un insecticide, et que la puanteur persistante qui y régnait était due aux crémations, est le parfait équivalent, au vingtième siècle, de celui qui, des siècles auparavant, croyait ceux qui prétendaient que les calamités étaient causées par des gens qui parlaient aux crapauds, entretenaient des relations charnelles avec le Diable, etc.

Torture ?

Il est un autre rapport entre les procès de sorcellerie et les procès pour crimes de guerre: la torture des témoins et des accusés joua un rôle dans les deux cas. Les témoignages inventés, lors des procès de sorcellerie, sont habituellement expliqués par le recours à la torture (bien que la référence citée plus haut souligne que l'hystérie de masse fournit également un motif très efficace). Nous savons que certaines personnes ont été torturées dans le cadre des procès pour crimes de guerre et il convient donc d'examiner dans quelle mesure la torture a pu contribuer aux témoignages, en particulier de ceux qui corroborent la thèse de l'extermination.

Nous disposons de preuves qui indiquent que la torture fut fréquemment employée lors des procès pour crimes de guerre. Nous avons longuement pris note, au chapitre premier, des tortures qui furent infligées aux accusés allemands lors des procès de Dachau. Des scènes très semblables eurent lieu, avec la caution des Britanniques, dans le cadre du procès de Belsen, et Josef Kramer et d'autres accusés furent torturés, parfois quelquefois au point de supplier qu'on les exécute. (28) D'un autre côté, il semble que les accusés du TMI étaient trop connus pour qu'on les torture, à l'exception de Julius Streicher dont on a même dit qu'il avait été contraint de manger des excréments. (Streicher se plaignit devant le TMI d'avoir été battu par des soldats noirs après son arrestation. A la demande du procureur Jackson, ce témoignage fut supprimé du procès-verbal car, sinon, «la cour aurait à mener une enquête». Streicher était le rédacteur en chef et l'éditeur de Der Stürmer, un magazine quasi-pornographique qui avait très mauvaise réputation et qui attaquait non seulement les juifs, les francs-maçons et le clergé mais aussi, à l'occasion, des nazis haut placés. Streicher affirma un jour dans Der Stürmer que la fille de Goering n'était pas de lui mais avait été conçue par insémination artificielle. Der Stürmer était considéré comme une publication choquante par presque tous les dirigeants politiques allemands mais Streicher bénéficiait de la protection de Hitler qui lui était reconnaissant d'avoir livré Nuremberg au parti nazi. En 1940, Goering fit en sorte de mettre Streicher sur la touche; bien que Der Stürmer ne fût pas interdit, Streicher fut privé de son poste de Gauleiter de Nuremberg. Streicher n'occupa jamais de poste au sein du gouvernement allemand, avant ou pendant la guerre, et il est ridicule qu'on l'ait mis au premier rang des «accusés» du TM I). (29)

Il n'y eut jamais de révélation générale ou massive de cas de torture de témoins et d'accusés aux procès du TMN, mais nous croyons que le fait, mentionné au chapitre précédent, que les procureurs américains de Nuremberg n'ait pas hésité à torturer des témoins, dans le cadre d'un procès américain régulier, renforce notre supposition selon laquelle la torture fut utilisée assez communément à Nuremberg ou, plus précisément, utilisée contre des témoins et des accusés qui jouèrent un rôle dans les procès de Nuremberg.

Nous sommes enclin à croire qu'Adolf Eichmann ne fut pas torturé par ses ravisseurs israéliens, tout au moins pas dans le but de le forcer à fournir un témoignage précis lors de son procès. Cette opinion s'appuie sur le simple fait qu'il ne s'est pas plaint, lors de sa déposition au cours du procès, d'avoir été ainsi torturé, bien qu'il se soit plaint, au début de cette déposition, d'avoir souffert d'un traitement assez rude pendant les quelques jours qui avaient suivi immédiatement sa capture, en particulier lorsque ses ravisseurs le forcèrent à signer une déclaration selon laquelle il était venu en Israël de son plein gré (et que le parquet eut l'audace de présenter comme preuve lors du procès). Cependant, le secret rigoureux qui a entouré son incarcération en Israël rend possible qu'il ait été, en un certain sens, torturé, mais qu'il avait des raisons tactiques ou autres de ne pas porter d'accusations de torture lors de sa déposition. (30)

Quand on examine le problème, il importe de faire observer que l'efficacité de la torture dans l'obtention d'un témoignage avec un contenu déterminé est assez contestable. Nous ne pouvons croire que les autorités judiciaires de Nuremberg aient éprouvé des scrupules quant à l'utilisation de la torture, mais elles firent très probablement l'observation évidente que, quelque soit le stade où l'on arrête la torture, on ne peut pas être absolument sûr de ce que la victime dira à la barre des témoins. Il y a à cela des exceptions, comme les «procès de Moscou» des années trente et d'autres procès organisés par les communistes. Mais les accusés sont toujours dans ces cas-là soumis à un «lavage de cerveau» au point de se prosterner totalement devant le tribunal et de se dénoncer eux-mêmes comme les êtres les plus répugnants de la terre. (31) On ne perçoit aucune attitude de ce genre chez les accusés de Nuremberg qui, malgré de nombreux témoignages inexacts, portant atteinte à la réputation du régime nazi en général, ont toujours affirmé leur innocence personnelle.

Lorsqu'on se penche sur le problème de la torture, on doit faire attention aux questions que l'on peut poser et aux conclusions que l'on peut tirer des réponses. Manifestement, il y a la question de savoir si un homme a été torturé ou non. En second lieu, il y a la question de savoir s'il a confirmé la réalité des exterminations. En supposant qu'il a été répondu à ces questions par l'affirmative, il est absurde d'en conclure que la première explique la seconde. Le cas de Kramer l'illustre bien. Malgré la torture, il avait dit la vérité dans sa première déclaration et ne changea de version que lorsque son avocat lui expliqua les implications logiques qu'il y aurait à persister dans une histoire que la cour n'avait aucune chance d'accepter. D'un autre côté, si un témoin a été torturé, nous pouvons en déduire que l'on ne peut pas se fier aux autorités responsables du procès en cause.

De plus, il ne faut pas faire trop rapidement de supposition sur les raisons possibles qu'ont pu avoir les geôliers de Nuremberg d'employer la torture; ce n'était pas nécessairement pour obtenir des témoignages particuliers et elle a pu avoir un caractère plus ou moins consciemment réfléchi. La torture a pu être employée tout d'abord uniquement pour procurer du plaisir; les juifs qui avaient la haute main haïssaient leurs victimes allemandes. En second lieu, la torture a pu être employée simplement sur la base de l'observation que, bien que son utilité ne fût pas garantie, elle n'était pas préjudiciable aussi longtemps qu'elle restait confidentielle.

Une troisième raison possible, beaucoup plus intelligente, pourrait être que la torture, bien que pas très utile pour obtenir des témoignages précis, pouvait être d'un certain secours en un sens plus général. Si l'enquêteur menace d'agir contre la famille si je ne coopère pas, sans que rien me prouve qu'il possède le pouvoir nécessaire ou la cruauté nécessaire, il se peut que je doute de ses intentions. En revanche, s'il m'emprisonne pendant une année ou davantage, me torturant à son gré, je finirai par croire qu'il est à la fois puissant et cruel. Nous voyons ainsi que la torture, bien qu'effectivement inappropriée en elle-même pour obtenir le genre de témoignages qui fut obtenu à Nuremberg, peut très bien avoir été utilisée pour effectuer un «assouplissement» général des témoins et des accusés qui pouvait faciliter, sur d'autres points, le processus de coercition et d'intimidation.

Il convient de signaler également quelques complications. Tout d'abord, la torture physique n'est pas quelque chose de si bien définie que cela. On pourrait avancer qu'un emprisonnement prolongé dans des conditions malsaines, ou même simplement inconfortables, avec des interrogatoires quotidiens, est une forme de torture. Une autre complication vient de ce qu'il existe des formes de torture, principalement de nature sexuelle dont on ne pourra jamais avoir connaissance car les victimes ne voudront tout simplement pas en parler. Enfin, il conviendrait de faire observer que presque personne parmi nous, et certainement pas l'auteur, n'a été torturé par des professionnels poursuivant un but précis, et c'est pourquoi l'on peut supposer, pour dire les choses tout à fait franchement, que nous ne savons tout bonnement pas de quoi nous parlons lorsque nous discutons de torture éventuelle.

L'essentiel de notre conclusion concernant le problème de la torture est qu'il a quelque chose d'impondérable. Nous considérons comme vraisemblable que la torture ait été employée pour obtenir un affaiblissement général des victimes, afin que leurs témoignages empruntent des voies qui étaient motivées par des considérations autres que la torture, et c'est sur cette base que nous avons analysé les dépositions des témoins et des accusés dans les pages précédentes de ce chapitre; les effets et la peur de la torture n'expliquent pas, par eux-mêmes, les dépositions à l'appui de la thèse des exterminations. C'est pourquoi nous avons tendance à nous trouver en désaccord avec une bonne partie des ouvrages qui existent sur la question et qui, semble-t-il, accordent trop d'importance à l'efficacité par elle-même de la torture à Nuremberg, bien que nous admettions que notre analyse de ce difficile sujet ne permet pas de conclure. Nous soupçonnons de la même façon les auteurs d'ouvrages sur les procès de sorcellerie d'avoir tiré des conclusions erronées en s'appuyant sur deux faits incontestablement authentique, à savoir, premièrement, que des victimes des procès de sorcellerie furent torturées et, deuxièmement, qu'un grand nombre de ces personnes ont plus tard reconnu l'existence de faits impossibles. Le premier n'implique pas vraiment le second mais il peut être un adjuvant lorsque ses effets s'ajoutent aux motivations plus puissantes qui poussent à donner certains types de faux témoignages.


Adolf Hitler

Nous reviendrons en temps utile sur certaines déclarations faites lors de procès. Il conviendrait de mentionner quelques remarques attribuées à des nazis de haut rang. Le 17 avril 1943, Hitler rencontra l'amiral Horthy au château de Klessheim. Hitler critiquait la politique de clémence de Horthy à l'égard des juifs et, dit-on, lui expliqua qu'il en allait autrement en Pologne:

«Si les juifs ne voulaient pas travailler, ils étaient fusillés. S'ils ne pouvaient pas travailler [...] ils devaient être traités comme des bacilles tuberculeux par lesquels un corps sain peut être contaminé. Ce n'est pas cruel si l'on se rappelle que même des créatures innocentes de la nature, comme les lièvres et les chevreuils, doivent être tuées quand elles attrapent l'infection pour qu'elles ne contaminent pas les autres.»

La preuve que Hitler aurait tenu de tels propos sont les notes prises lors de la réunion et le témoignage fait en ce sens, lors du TMI, par Paul Otto Schmidt, l'interprète de Hitler, qui assistait normalement à ce genre de conférences et préparait les notes. Schmidt déclara qu'il était présent à la réunion, que les notes étaient authentiques et que c'était lui qui les avait rédigées. Cependant, dans le livre qu'il publia par la suite, il écrivit qu'il n'était pas présent car Horthy avait insisté pour qu'il quitte la pièce ! (32)

Il existe aussi une déclaration dans le testament politique de Hitler:

«Je ne veux laisser aucun doute là-dessus: si les peuples d'Europe devaient de nouveau n'être considérés que comme des pions sur un échiquier par la conspiration internationale de l'argent et de la finance, alors les juifs, cette race qui est le vrai coupable dans cette lutte meurtrière, devraient en porter toute la responsabilité.
Je veux que cela soit clair pour tout le monde que, cette fois, ce ne sont pas seulement des millions d'hommes mûrs qui trouveront la mort et pas seulement des centaines de milliers de femmes et d'enfants qui brûleront et seront bombardés dans les villes, mais cette fois-ci les vrais coupables auront à expier leur faute, même si c'est par des moyens plus humains que la guerre».

Cette déclaration est fréquemment interprétée comme un aveu des exterminations, mais sa signification est à tout le moins ambiguë. Après tout, l'expiation dont il est question doit se réaliser «par des moyens plus humains que la guerre». Les juifs qui avaient été sous la domination de Hitler avaient perdu leurs biens et leur position en Europe, et il se peut qu'on trouve là la bonne interprétation de cette phrase. La perte des biens et d'une position dominante pourrait sembler une expiation très inadéquate par rapport à ce qu'il reproche aux juifs mais on sait que tous les hommes politiques aiment, avant de quitter la scène, à exagérer l'importance de leur action.

Il peut se faire aussi que le texte du testament ait été dénaturé car sa découverte par les autorités britanniques et américaines ne fut annoncée que le 29 décembre 1945 et seule la dernière page est signée. La machine à écrire et le papier qu'utilisait le secrétaire de Hitler auraient suffi pour effectuer une altération indétectable. (33)

Heinrich Himmler

Il existe un discours qu'aurait donné Himmler à Posen en octobre 1943. Nous donnons ci-dessous la traduction de la partie qui nous intéresse, telle qu'elle apparaît dans les volumes du TMN, avec, dans certains cas, les termes originaux allemands:

«Je veux aussi vous parler très franchement d'une affaire très grave. On doit en parler franchement entre nous mais nous n'en parlerons jamais en public. Exactement comme nous n'avons pas hésité à faire notre devoir le 30 juin 1934 en mettant au poteau les camarades qui avaient failli pour les fusiller, nous n'en avons jamais parlé et nous n'en parlerons pas [...]

«Il s'agit de l'évacuation des juifs (die Judenevakuirung), l'extermination (Ausrottung) de la race juive. C'est une de ces choses dont il est facile de parler, "on extermine la race juive (ausgerottet)" dit un membre du Parti, "c'est très clair, c'est notre programme -- l'élimination (Ausschaltung) des juifs et nous le faisons, l'extermination (Ausrottung) c'est ce que nous faisons". Et ils déboulent, 80 millions d'excellents Allemands, et chacun avec son bon juif. Bien sûr, tous les autres sont de la vermine, mais celui-ci est formidable. Aucun d'entre eux ne l'a vu, aucun d'entre eux ne l'a vécu. Mais presque chacun de vous sait ce que c'est que 100 corps alignés côte à côte, ou 500, ou 1000. Nous avons tenu le coup et en même temps, à part quelques cas de faiblesse humaine, nous sommes restés des gens corrects, c'est ce qui nous a endurcis. C'est une page de gloire de notre histoire qui n'a pas été écrite et qui ne le sera jamais car nous savons dans quelles difficultés nous nous serions mis si, sous les bombardements, le fardeau et les privations de la guerre, nous avions encore les juifs aujourd'hui dans chaque ville en train de faire en secret les saboteurs, les agitateurs, les faiseurs de trouble. Ce serait comme en 1916-1917 quand les juifs se trouvaient encore dans le corps de la nation allemande.

«Nous leur avons pris ce qu'ils avaient de richesses. J'ai donné un ordre strict, que le SS Obergruppenführer Pohl a mené à bien, en vertu duquel ces richesses doivent être remises intégralement au Reich. Nous n'avons rien pris pour nous-mêmes [...] Nous avions moralement le droit, nous avions le devoir envers nos gens de détruire ce peuple (dieses Volk umzubringen) qui voulait nous détruire. Mais nous n'avions pas le droit de nous enrichir nous-mêmes, ne fût-ce que d'une fourrure, d'une montre, d'un mark ou d'une cigarette, ou de quoi que ce soit d'autre. Puisque nous avons extirpé (ausrotteten) un germe, nous ne voulons pas ensuite en être infecté et en mourir [...] Là où il paraîtra, nous le cautériserons.» (34)

La preuve que Himmler ait réellement formulé ces remarques est très faible. Le texte présumé du discours de Himmler fait partie du document PS-1919 et couvre 63 pages dans les volumes du TMI. Les passages cités se trouvent dans une partie d'une page et demie qui se trouve à la moitié du texte sous le titre «évacuation des juifs». Le manuscrit du discours, qui ne porte aucune signature ni aucune autre mention, aurait été trouvé (selon la présentation qui accompagne le document du procès), dans les dossiers de Rosenberg, ministre des affaires de l'Est. Il fut présenté comme preuve lors du TMI, comme faisant partie du document PS-1919, mais l'on n'a pas dit pas, pendant le déroulement du procès, où ce document était censé avoir été trouvé, et personne n'interrogea Rosenberg à ce sujet. D'un autre côté, Rosenberg fut interrogé à propos du PS-3428, autre document (dont il est brièvement question plus loin) qui aurait été trouvé dans ses dossiers, mais il démentit qu'il ait pu faire partie de ses archives. (35) On affirme en outre que, pendant le procès No 11, «les dossiers de Rosenberg furent de nouveau passés au crible et (que) l'on découvrit 44 disques qui étaient l'enregistrement phonographique du discours qu'avait tenu Himmler à Poznan, le 4 octobre 1943». (36) Les disques sont censés être le document NO-5909 et furent admis à titre de preuve pendant la déposition de l'accusé Gottlob Berger, général SS, ancien chef du département administratif de la SS, officier de liaison personnel de Himmler avec le ministère pour les affaires de l'Est de Rosenberg et responsable des affaires concernant les prisonniers de guerre, vers la fin de la guerre. Au cours de son interrogatoire par le procureur, Berger avait déclaré qu'il n'avait rien su d'un programme d'extermination et également que Himmler avait effectivement prononcé un «interminable» discours à Posen, en 1943, devant un public de hauts dignitaires nazis dont il faisait lui-même partie. Cependant il contesta que le document PS-1919 fût une transcription exacte du discours car il se souvenait qu'une partie avait traité de certains chefs SS belges et hollandais qui étaient présents à la réunion. Voici ce qu'il déclara:

«Cela n'est pas contenu dans la transcription. Je peux dire en toute certitude qu'il ne parla pas de l'Ausrottung des juifs car la raison d'être de cette réunion était d'aplanir et de régler les tensions entre la Waffen SS et la police.» (37)

Pendant le contre-interrogatoire, le procureur Petersen fit écouter un enregistrement phonographique de quelqu'un prononçant les premières lignes du discours présumé, mais Berger contesta qu'il s'agît de la voix de Himmler puis, après une seconde écoute du même fragment, il déclara que cela «pouvait être la voix de Heinrich Himmler». Les disques furent admis comme preuve et d'autres extraits, y compris celui cité plus haut qui traitait de l'évacuation des juifs furent écoutés par le tribunal. Berger ne fut pas interrogé davantage, cependant, sur l'authenticité de la voix et put s'en aller aussitôt après l'audition des disques. C'est avec une certaine réticence que le tribunal fit figurer ces disques au rang des preuves:

«LE JUGE POWERS, (qui préside): Eh bien, je pense qu'il y a assez de preuves ici, à première vue, de ce que la voix est celle de Himmler pour justifier qu'on admette le document à titre de preuve. Il n'y a pas de preuve, cependant, que ce discours ait été prononcé à Poznan ou en un autre lieu particulier. Les disques seront admis à titre de preuve comme une indication de l'attitude générale de Himmler».

La seule preuve «à première vue» de l'authenticité de la voix (en un seul endroit du discours) était, autant que je puisse en juger, la déclaration de Berger selon laquelle la voix, à cet endroit, «pouvait être celle de Himmler».

Pour nous, l'accusation n'a apporté aucune preuve que la voix était bien celle de Himmler ou même que le discours de Posen qui, tout le monde serait d'accord, traitait de sujets sensibles, ait été enregistré sur disque. C'est pourquoi l'authenticité de ces enregistrements, qui n'a même pas fait l'objet d'une discussion, n'a pas été démontrée.

Il se peut qu'aucun enregistrement supposé reproduire des remarques de Himmler sur l '«évacuation des juifs» n'existe encore. Aucun enregistrement de ce type, à ma connaissance, n'a fait surface pendant l'avalanche de propagande qui accompagna l'affaire Eichmann. Reitlinger fait observer qu'il existe un «enregistrement partiel sur phonographe» du discours de Posen, mais il ne dit pas quelle partie existe encore. (38) Je n'ai pas poussé la question plus avant car je ne serais pas qualifié pour évaluer ces enregistrements s'ils étaient disponibles.

Il faut noter que ces enregistrements, qu'on aurait découverts tardivement dans les dossiers d'un mort, furent admis à titre de preuves lors du même «procès», le cirque de Kempner, que l'analyse avait déjà discrédité de manière décisive sur des bases indépendantes. De plus, il semble assez singulier que Himmler ait autorisé l'enregistrement d'un discours contenant des choses dont il «ne parlera jamais [...] publiquement» et puis que, malgré le contrôle qu'il exerçait sur la Gestapo, il ait vu ces enregistrements aboutir entre les mains de son rival politique, Rosenberg. Si l'on s'en tient à ces considérations et aussi au fait qu'il est très difficile de croire que Himmler ait fait perdre leur temps à un si grand nombre de chefs SS en prononçant le texte supposé du document PS-1919 (une discussion très générale sur la guerre), nous sommes certain de nous trouver en présence d'un autre faux. Il se peut néanmoins que des parties du discours présumé soient authentiques et certaines parties ont peut-être été prononcées pendant le discours de Posen ou en d'autres occasions.

Il est vrai que Pohl a déclaré lors du procès No 4 qu'il était présent au discours de Posen (ce qui est probablement vrai) et que Himmler avait bien formulé les remarques concernant l'extermination des juifs. Toutefois, l'argument principal de Pohl était risible. Nous avons noté que la stratégie de base de Pohl était d'essayer d'exploiter le fait que les accusations d'extermination avaient été lancées spécifiquement contre la Gestapo et le RSHA, et il s'empara de tout ce qui pouvait le disculper dans le domaine des exterminations, comme la déposition de Höss. Sa stratégie de défense possédait la même logique de base que celles de tous les accusés que nous avons examinés, à l'exception de Goering. Ainsi, le témoignage de Pohl sur le discours de Posen intervint dans un contexte: ce discours était, selon lui, le premier élément d'information qu'il avait reçu concernant les exterminations! En d'autres termes, les exterminations auraient été si éloignées de ses responsabilités officielles qu'il lui fallait une déclaration de Himmler pour en prendre connaissance. Bien entendu, il déclara devant le tribunal qu'il avait protesté peu de temps après auprès de Himmler mais qu'on lui avait répondu que ce n'était «pas ses affaires». Pohl retournait à son profit tout ce qui passait pour un fait aux yeux de la cour. (39)

Il conviendrait de faire part d'un autre argument, secondaire, avant d'abandonner la question du discours de Posen. On peut avancer que le texte est peut-être authentique mais que, par Ausrottung, Himmler voulait simplement dire «déracinement» ou une forme d'élimination moins radicale que l'assassinat. Le principal fondement de cet argument serait que Ausrottung est en fait explicitement l'équivalent dans le texte de Judenevakuierung et de Ausschaltung. On pourrait facilement assimiler les cadavres auxquels il est fait référence aux cadavres allemands dus aux raids aériens alliés dont les nazis prétendaient souvent que c'étaient les juifs qui en étaient, en fin de compte, responsables. D'un autre côté, on peut noter que si les remarques sont authentiques, alors Himmler considérait comme un droit et un devoir dieses Volk umzubringen, et la comparaison avec la purge sanglante de 1934, au début, semble justifier qu'on prenne Ausrottung dans son sens premier d'extermination. C'est pourquoi, bien qu'on puisse avancer un tel argument, il ne serait pas très solide.

La conclusion est que, lorsqu'on nous demande de croire à l'authenticité de ce texte, on nous demande, en fait, de croire Kempner.

Josef Goebbels

Il y a enfin un certain nombre de remarques dans The Goebbels Diaries mais, comme l'explique la «note de l'éditeur», les «journaux furent dactylographiés sur du beau papier filigrané» puis «passèrent entre plusieurs mains avant d'aboutir finalement dans celles de M. Frank E. Mason». C'est pourquoi l'authenticité de tout le manuscrit est très sujette à caution, même s'il est possible de prouver, d'une manière ou d'une autre, l'authenticité d'une grande partie de l'ensemble. L'édition originale reliée des Diaries contient même une déclaration du gouvernement américain qui «ne certifie ni ne rejette l'authenticité du manuscrit».

Wilfrid von Oven, qui fut fonctionnaire dans le ministère de Goebbels et devint après la guerre, à Buenos Aires, directeur de la revue de droite en langue allemande La Plata, s'est fait connaître comme un partisan curieusement ardent de l'authenticité des Goebbels Diaries. Cependant, la nette impression qu'on retire de ses commentaires va dans la direction opposée, car il nous dit (a) que les journaux étaient dictés à partir de notes manuscrites (qui étaient ensuite détruites) au conseiller (Regierungsrat) Otte qui les dactylographiait avec une machine à écrire spéciale, dont les caractères faisaient presque 1 cm de hauteur, utilisée pour taper les textes dont se servait Goebbels lorsqu'il prononçait des discours (!) et (b) que Oven a «souvent observé» Otte, (conformément aux ordres de Goebbels), brûlant ces pages, «aussi soigneusement et méticuleusement que possible» vers la fin de la guerre, après les avoir photographiées. La raison de cette dernière opération, comme Goebbels l'avait expliqué à Oven, d'après ce que ce dernier avait écrit à la date du 18 avril 1945 dans son journal qui fut publié en 1948-1949 à Buenos Aires, était que Goebbels «avait pendant des mois pris soin que son trésor, son plus grand secret, le résultat et l'accumulation d'une carrière politique de plus de vingt ans, son journal, soit préservé pour la postérité mais ne tombe pas entre des mains non autorisées».

Cette étrange histoire donnée par Oven éclaire au moins un peu l'allusion qui est faite dans l'introduction de Louis P. Lochner aux Diaries au sujet d'une machine à écrire peu commune. Si le récit d'Oven est vrai, il est alors possible que des personnes inconnues aient obtenu la machine à écrire spéciale ou un fac-similé et un jeu des films et aient fabriqué un texte. Néanmoins, il est presque impossible de croire que le journal de Goebbels ait vraiment été transcrit comme Oven l'a décrit. (40)

Les Einsatzgruppen

La partie restante de la légende de l'extermination dit que les Einsatzgruppen exterminèrent les juifs russes dans des camions à gaz et par des fusillades de masse. C'est la seule partie de la légende qui contient une once de vérité.

Au moment de l'invasion de la Russie par les Allemands, en juin 1941, il y eut un ordre du Führer déclarant, comme dans une anticipation de ce qu'allait être la ligne de conduite soviétique, que la guerre avec la Russie ne devait pas être conduite selon les traditionnelles «lois de la guerre». On devait prendre des mesures nécessaires pour lutter contre l'activité des partisans et Himmler reçut le pouvoir d'«agir indépendamment et sous sa propre responsabilité». Chacun savait que cela signifiait l'exécution des partisans et de ceux qui collaboraient avec eux. Cette sale besogne fut confiée à quatre Einsatzgruppen du SD, qui avaient un effectif total d'environ trois mille hommes (c'est-à-dire de l'ordre de cinq cents à mille hommes par groupe). Des autorités en la matière, soit dit en passant, ont reconnu la nécessité de ces opérations anti-partisans sur le théâtre d'opération russe, où l'ennemi n'avait aucun respect des «règles». (41)

Nous avons eu l'occasion de noter à diverses reprises que les juifs faisaient, de fait, peser une menace sur la sécurité des arrières de l'armée allemande en guerre. L'extrait du rapport de la Croix-Rouge que nous avons cité le fait comprendre très clairement. La tâche des Einsatzgruppen était de faire face à ces dangers par tous les moyens, et c'est pourquoi nous n'avons pas besoin qu'on nous en dise beaucoup pour deviner qu'ils ont dû fusiller de nombreux juifs, bien que nous ne sachions pas si «nombreux» signifie 5.000, 25.000 ou 100.000. Naturellement, de nombreux non-juifs furent également exécutés.

Cependant l'allégation va plus loin et assigne un double rôle aux Einsatzgruppen; ils étaient chargés non seulement de maîtriser le problème des partisans mais également d'exterminer tous les juifs (et les Tsiganes). Le simple bon sens devrait nous faire rejeter l'idée que les Einsatzgruppen, qui avaient un effectif total d'environ 3.000 hommes, aient gaspillé leur temps et leurs efforts à la poursuite d'objectifs sans rapport avec des considérations militaires, (et cela en vertu d'une ligne de conduite générale). De nouveau, on nous offre un fait susceptible d'une double interprétation.

L'histoire dit qu'il n'y eut pas d'ordre écrit d'exterminer les juifs mais que les commandants des Einsatzgruppen reçurent leurs ordres oralement et à des moments différents. Ohlendorf commandait le groupe D dans le sud de la Russie et reçut ses ordres oralement de Streckenbach, en juin 1941. Rasch, du groupe C, opérant au nord immédiat d'Ohlendorf, ne reçut pas ses ordres avant août. Les groupes A et B opéraient respectivement autour des Etats baltes et dans le sud-est des Etats baltes et étaient commandés respectivement par Stahlecker et Nebe. (42)

La principale preuve des exterminations est une énorme quantité de documents qui est tout bonnement comique. Il y a le célèbre document PS-501 que les Russes avaient en leur possession lors d'un «procès»-spectacle qu'ils montèrent en décembre 1943 [sic]. (43) Une partie en serait une lettre adressée à Rauff, à Berlin, et écrite par Becker, un sous-lieutenant SS. C'est apparemment le seul document qu'aurait signé Becker qui, dit-on, était mort au moment des procès du TMI. On y lit:

«La réparation des camions aux groupes D et C est achevée. Alors que les camions de la première série peuvent encore être utilisés quand le temps n'est pas trop mauvais, ceux de la seconde série (Saurer) sont complètement immobilisés par temps de pluie [...] J'ai fait camoufler les camions du groupe D en voitures-camping [...] les conducteurs mettent généralement pleins gaz. Par cette façon de procéder, les gens à exécuter meurent par asphyxie et non, comme il est prévu, en s'endormant.» (44) (tr. P. Marais)

Le texte de ce document sonne aussi faux que possible; il aurait été écrit par un obscur sous-lieutenant et serait tombé par hasard, en 1943, entre les mains des Russes! Dans L'Archipel du Goulag, Alexandre Soljénitsyne mentionne le cas du Bavarois Jupp Aschenbrenner que les Russes amenèrent à signer une déclaration similaire d'après laquelle il avait travaillé pendant la guerre sur des camions à gaz. Mais Aschenbrenner fut plus tard en mesure de prouver qu'à l'époque des faits en question, il étudiait en réalité à Munich pour devenir soudeur à l'arc. (45)

La preuve la plus fréquemment citée est une série de documents censés être des rapports quotidiens et autres des Einsatzgruppen adressés à Himmler et Heydrich pendant la période qui va de juin 1941 à mai 1942. Les cotes des documents sont 180-L (qui serait un rapport de Stahlecker trouvé dans les dossiers de Himmler), (46) 2273-PS (qui serait un autre rapport de Stahlecker sur des opérations jusqu'au 31 janvier 1942, «saisi par les Russes à Riga»; Stahlecker fut tué en mars 1942), (47) 119-USSR et beaucoup d'autres, trop nombreux pour qu'on puisse en dresser la liste ici la plupart ayant des cotes autour de NO-3000. Outre les activités régulières contre les partisans, les rapports mentionnent les actions individuelles d'exécutions en masse des juifs, avec un grand nombre de victimes qui s'élève habituellement à plusieurs milliers. Il est indiqué, dans la plupart des cas, que de nombreuses copies, parfois jusqu'à une centaine, ont été distribuées. Elles sont polycopiées et ne comportent pas de signatures qui en établissent l'authenticité. Il y a également le NO-1128 qui aurait été adressé à Hitler par Himmler et qui rapporte, entre autres choses, l'exécution de 363.211 juifs russes d'août à novembre 1942. Cette affirmation se trouve à la page 4 du NO-1128 alors que le paraphe qui serait celui de Himmler se trouve sur la page 1, sans rapport avec le sujet. Du reste, le paraphe de Himmler était facile à contrefaire: trois lignes verticales barrées d'une ligne horizontale. (48)

A ce propos, il faut signaler aux lecteurs que, dans les reproductions imprimées de documents dans les volumes du TMI et du TMN, une signature manuscrite ne devrait être tenue pour telle que lorsqu'il est expressément indiqué que la signature est manuscrite; le mot «signé» ne désigne généralement qu'une signature dactylographiée. Le document 180-L, par exemple, est reproduit en allemand dans les volumes du TMI et des extraits en anglais en sont donnés dans les volumes du TMN. Dans les deux cas, on indique qu'il y a des signatures mais le véritable document ne comporte en fait que «gez. Dr. Stahlecker» (signé Dr Stahlecker) dactylographié en deux endroits. (49)

Il y existe deux documents dont l'auteur serait Hinrich Lohse, Reichskommissar pour l'Ostland, qui était également la personne à qui était adressée la lettre où Wetzel évoquait le «remède de Brack» (voir plus haut). L'un des documents traite du Sonderbehandlung et nous y avons fait allusion au chapitre IV. Comme Wetzel, Lohse ne fut pas appelé à la barre des témoins à Nuremberg. A la différence de Wetzel, cependant, Lohse fut jugé par un tribunal allemand et fut condamné, en 1948, à dix années de prison. Il fut cependant libéré en 1951, pour raisons de santé, et se vit octroyer une pension qui lui fut retirée à la suite de protestations publiques. Pour ce qui est des documents qui lui sont attribués, Reitlinger fait remarquer qu'ils «lui ont épargné les tribunaux militaires alliés et peut-être l'échaf a ud»; bien qu'ils parlent d'atrocités, ils sont formulés de telle façon qu'ils font apparaître le rédacteur des documents comme opposé aux crimes. Le document traitant du Sonderbehandlung est une lettre datée du 18 juin 1943 adressée à Rosenberg par Lohse. Il semble que le document véritable, le 135-R, soit un double, non signé, de la correspondance trouvée dans les dossiers de la SS. Le passage qui nous intéresse est le suivant:

«Que les juifs soient sonderbehandelt n'appelle pas d'autre discussion. Mais que les choses se passent comme le relate le rapport du Generalkommissar d u 1er juin 1943 semble à peine croyable. Qu'est-ce que Katyn en comparaison ?» (50)

Trois rapports non signés qui auraient été reçus du Generalkommissar (Wilhelm Kube, Generalkommissar pour la Biélorussie) sont joints au document.

Le second document Lohse est le 3663-PS et est l'un des quelques documents dont le principal défaut est d'être passé entre les mains du Yivo (Institut scientifique yiddish) de New York avant d'être soumis comme document au procès de Nuremberg. Il y a environ soixante-dix documents de ce genre qui auraient été découverts, en septembre 1945, dans le ministère de Rosenberg par le sergent Szajko Frydman, de la 82e division américaine aéroportée. Frydman, cependant, faisait partie du personnel du Yivo avant et après avoir servi dans l'armée. (Le Yivo fut si actif pour fournir des documents prétendument découverts dans le ministère de Rosenberg qu'il pourrait très bien détenir des informations instructives sur l'origine du texte du discours de Himmler à Posen). La première partie du document est écrite sur papier à en-tête du ministère. Il s'agit d'une lettre adressée à Lohse, datée du 31 octobre 1941, portant la signature dactylographiée du Dr Leibbrandt et le visa manuscrit illisible de quelqu'un d'autre. On y lit:

«Le RSHA s'est plaint que le Reichskommissar pour l'Ostland a interdit les exécutions de juifs à Libau. Je demande un rapport sur cette affaire par retour du courrier».

La seconde partie du document est la réponse écrite à la main, qui serait celle de Trampedach, et paraphée par Lohse (avec une lettr e «L» d'environ 3,8 cm de haut). On y lit:

«J'ai interdit les exécutions sauvages de juifs à Libau parce qu'elles ne se justifiaient pas de la manière dont elles étaient effectuées.
J'aimerais savoir si votre demande du 31 octobre doit être considérée comme une directive pour liquider tous les juifs dans l'Est? Cela doit-il avoir lieu sans considération d'âge, de sexe et des intérêts économiques (de la Wehrmacht, par exemple, les spécialistes de l'industrie d'armement)? Bien entendu, le nettoyage de l'Est de ses juifs est une tâche nécessaire; sa solution, cependant, doit s'harmoniser avec les nécessités de la production de guerre.
Je n'ai pas été en mesure jusqu'à présent de trouver une telle directive ni dans les dispositions concernant la question juive du «dossier brun» ni dans d'autres décrets».

De toute évidence, Lohse ne pouvait avoir aucune raison imaginable de contester l'authenticité de ces documents puisque, tout en suggérant l'existence des exterminations, ils le disculpaient de manière catégorique.

Un autre document provenant du Yivo est le 3428-PS qui serait une lettre de Kube à Lohse, rendant compte de l'envoi de juifs allemands, polonais et d'autres pays dans la région de Minsk et de la liquidation de certains d'entre eux. D'après l'examen du résumé polycopié, on ne sait pas clairement si le document est censé porter ou non une signature manuscrite. Eu égard au rôle du Yivo dans l'affaire, la question importe peu. Wilhelm Kube fut assassiné en septembre 1943. (51)

D'autres documents intéressants sont numérotés de 3660-PS à 3669-PS (à l'exception du 3663-PS). Ils sont attribués à diverses personnes, comme Kube et Gewecke, et dans chaque cas le descriptif accompagnant le document précise qu'on ne sait pas où se trouve l'original et que seul une photocopie en est disponible. Sauf deux cas, il n'y a pas de signatures manuscrites.

Reitlinger semble lui-même intrigué par l'existence de ces rapports et des autres documents car il fait la remarque suivante:

«Il n'est pas facile de comprendre pourquoi les meurtriers ont laissé de si abondants témoignages derrière eux car, en dépit de leur large circulation, les rapports de Knobloch (le fonctionnaire de la Gestapo qui publiait les rapports) semblent avoir été conçus essentiellement pour plaire à Himmler et Heydrich. C'est pourquoi, en plus de cette jonglerie avec les chiffres quotidiens des morts pour fournir des totaux impressionnants, on trouve là un travail d`amateur en matière de renseignement politique.» (52)

C'est ce «travail d'amateur» qui nous convainc ici de la falsification; le contenu de ces rapports est ridicule dans la sélection des choses qui sont rapportées. Voici quelques exemples d'extraits reproduits dans le volume 4 du TMN:

La tactique qui consiste à opposer la terreur à la terreur a merveilleusement réussi. Poussés par la peur des représailles, les paysans sont venus à pied ou à cheval de vingt kilomètres à la ronde au centre du sous-kommando du détachement spécial A pour nous apporter des renseignements sur les partisans, qui se sont révélés le plus souvent exacts.

A cet égard, un cas peut servir d'exemple pour prouver la justesse du principe «terreur contre terreur». Dans le village de Iatchnova, nous avions un rapport provenant d'un paysan nommé Iemalianov, confirmé par des interrogatoires et des perquisitions, qui indiquait que les partisans avaient été restaurés dans la maison d'Anna Prokofieva. On a brûlé la maison le 8 août 1941 à 21 heures et on a arrêté ses habitants. Peu après minuit, les partisans ont incendié la maison de l'informateur Iemelianov. Un détachement envoyé le lendemain à Iatchnova a établi qu'une paysanne nommée Ossipova avait prévenu les partisans que Iemelianov était celui qui nous avait parlé, causant notre action. Ossipova a été fusillée et sa maison incendiée. En outre, deux jeunes du village de 16 ans ont été fusillés après avoir avoué qu'ils transmettaient des renseignements et du courrier aux partisans [...]

Plusieurs juifs qui n'avaient pas été fouillés à fond par les gardes lituaniens ont brandi des couteaux et des pistolets et, aux cris de "Vive Staline!" et "A bas Hitler", se sont jetés sur les policiers et en ont blessé sept. Cette résistance a été brisée sur le champ. Après avoir fusillé sur place 150 juifs, on a pu reprendre sans autres incidents le transport du reste des juifs vers les lieux d'exécution.

Dans le cadre de la grande action contre les juifs, on a fusillé 3.412 juifs à Minsk, 302 à Vileika et 2007 à Baranovichi.

La population a approuvé ces actions quand elle a découvert dans les appartements vides que les juifs avaient encore de gros stocks de nourriture alors que les siens étaient très bas.

Les juifs ne cessent pas de réapparaître, surtout dans le marché noir. Dans les cantines de Minsk qui nourrissent les gens, sous administration municipale, deux juifs avaient commis de gros détournements et distribué des pots-de-vin. La nourriture qu'ils avaient subtilisée était revendue au marché noir. (53)

Il n'est pas difficile de voir pourquoi ces documents existent; sans eux, les auteurs du mensonge n'auraient aucune preuve de leurs allégations, excepté des témoignages. Nous avons vu qu'avec Auschwitz il y avait une abondance de faits matériels dont la signification pouvait être déformée: envoi de juifs à Auschwitz, dont un grand nombre ne sont pas rentrés dans leur pays d'origine, livraisons de gaz cyanhydrique, crématoires modernes, sélections, puanteur. La situation avec les Einsatzgruppen était différente; il n'y avait qu'un seul fait: les exécutions. En soi, ce fait n'apparaît pas comme une preuve impressionnante, et c'est cette constatation qui a sans doute poussé à la fabrication de documents sur une aussi vaste échelle. Cela contraste avec l'imposture d'Auschwitz pour laquelle les falsifications de documents sont beaucoup moins nombreuses et réalisées avec plus de soin. Avec Auschwitz, nous avons affaire à un mensonge fabriqué par Washington, mais avec les Einsatzgruppen nous avons affaire à un mensonge fabriqué par Moscou, et c'est pourquoi l'on a eu ici la main plus lourde.

Il convient de signaler que les «camions à gaz» ne figurèrent pas dans l'arsenal de la propagande soviétique avant le milieu de la guerre. Il fut bien entendu question de massacres de juifs dès le début et l'article du New York Times du 6 avril 1942, que l'on trouve dans notre étude au chapitre III, en est un exemple. On ne prétendait pas que les massacres avaient lieu dans des camions à gaz. Une production contemporaine de la propagande soviétique se trouve dans l'ouvrage We Shall Not Forgive (Nous ne pardonnerons pas), Moscou, éditions en langues étrangères, 1942. Le livre s'ouvre par un résumé, présenté par Molotov le 27 avril 1942, des crimes que les Allemands auraient commis au cours de leur invasion de la Russie. Le reste du livre illustre les accusations par des commentaires et des photographies dont il est manifeste qu'un bon nombre sont des montages. Comme les Allemands sont accusés de presque tous les crimes imaginables, ils sont naturellement accusés de massacres de juifs, mais les camions à gaz ne figurent pas dans ces accusations. Autant qu'on puisse en juger, les premières allégations d'extermination par camion à gaz sur le territoire russe (qu'il ne faut pas confondre avec les allégations concernant Chelmno en Pologne) apparurent en juillet 1943, pendant le procès de onze Russes accusés par les Soviétiques d'avoir collaboré avec les Allemands à Krasnodar. Cela donne à penser que les allégations formulées par les Russes à propos des camions à gaz pourraient avoir été inspirées par la propagande à propos des chambres à gaz qui avait commencé à l'Ouest à la fin de 1942. De toute façon, l'apparition tardive des camions à gaz dans les accusations, tout comme dans la propagande concernant Auschwitz, est un autre indice que ces accusations sont une invention. (54)

Il y a également un certain nombre de témoignages qu'il faudrait mentionner. Au risque de rabâcher un point parfaitement simple, répétons une nouvelle fois ce qui a été souligné ici à plusieurs reprises: à savoir qu'un témoin qui reconnaît devant un tribunal l'existence de (X), dans des circonstances où le tribunal est déjà acquis à la thèse de l'existence de (X), n'est, du point de vue historique, la preuve d'absolument rien du tout.

Le témoignage auquel il est le plus souvent fait référence est celui du général SS Ohlendorf, un économiste qui avait eu quelques différends avec Himmler et se retrouva de ce fait affecté pour un an, de l'été 1941 à l'été 1942, au commandement du groupe D, dans le sud de la Russie. Ohlendorf était le plus instruit parmi ceux qui étaient impliquées dans cette affaire.

Lors du TMI, tandis que certains passaient en jugement, Ohlendorf comparut comme témoin de l'accusation, et sa déposition fut conforme aux allégations d'extermination. (55) Il déclara devant la cour qu'il avait reçu oralement l'ordre d'ajouter l'extermination des juifs à ses activités, que les camions à gaz étaient utilisés pour exterminer les femmes et les enfants, que le document 501-PS était authentique (il s'agit de la lettre de Becker), et que la Wehrmacht était impliquée dans tout cela. Cette accusation concernant les Einsatzgruppen fit donc partie du jugement du TMI qui alla même jusqu'à déclarer qu'Ohlendorf avait exterminé les juifs avec le groupe D. (56) Comme nous l'avons vu, ces déclarations à l'intérieur du jugement constituaient «des preuves des faits énoncés». Contrairement sans doute à ses attentes, Ohlendorf fut traduit en justice en tant que principal accusé dans le procès No 9. Au vu des contraintes légales du moment, Ohlendorf à son propre procès n'aurait pu se trouver dans une situation plus désespérée.

La déposition d'Ohlendorf lors du TMN fut tout bonnement contradictoire; il ne pouvait pas s'écarter de la déposition qu'il avait faite lors du TMI. Le procureur fit d'ailleurs en sorte qu'il s'y tienne, mais toujours est-il qu'il essaya de biaiser, d'une façon ou d'une autre, et qu'on aboutit à une histoire qui n'avait plus aucune cohérence. (57) Il revint sur sa première déclaration selon laquelle il y avait eu des ordres explicites d'extermination mais, au cours du contre-interrogatoire, il déclara qu'il tuait de toute façon tous les juifs et les Tsiganes, mais qu'il s'agissait simplement d'une opération contre les partisans qui ne faisait pas partie d'un programme «pour exterminer tous les juifs et les Tsiganes pour des motifs raciaux ou religieux». Cependant, le nombre total de personnes de toutes catégories exécutées par le groupe D pendant son année en Russie est de quarante mille seulement et non de quatre-vingt-dix mille, chiffre qu'il avait avancé lors du TMI et que le procureur du TMN essayait de lui faire confirmer. Ces deux chiffres, en particulier le premier, ont bien entendu un sens si les exécutions entraient dans le cadre de mesures contre les partisans mais n'en ont aucun s'il s'agissait en même temps d'exécuter tous les juifs et les Tsiganes, y compris les femmes et les enfants.

La déposition d'Ohlendorf devant le TMN est donc irrémédiablement contradictoire, comme elle ne pouvait manquer de l'être dans les circonstances désespérées où il se trouvait. Il faut noter, cependant, qu'Ohlendorf ne confirma pas la réalité d'exécutions que le tribunal qui le jugeait n'était pas formellement prêt à accepter a priori comme réelles. La seule partie du témoignage d'Ohlendorf qui ait peut-être de la valeur est lorsqu'il s'en prend aux rapports des Einsatzgruppen qu'il juge «falsifiés».

La déposition d'Ohlendorf contraste avec celle de Hänsch, un lieutenant-colonel SS qui a commandé pendant environ sept semaines un Sonderkommando du groupe C. Le fait que Hänsch n'ait pas témoigné auparavant, lorsque d'autres passaient en jugement, et le fait qu'en raison de son grade inférieur le poids des contraintes était moindre, lui donnèrent une liberté dont ne jouissait pas Ohlendorf. Il déclara qu'absolument personne, quand on lui donnait des ordres, n'avait jamais mentionné les juifs, en tant que tels, dans le cadre des exécutions effectuées par les Einsatzgruppen et que son Sonderkommando n'avait pas eu pour ligne de conduite d'exécuter les juifs en tant que tels. Il estima que son Sonderkommando avait exécuté environ soixante personnes pendant sa période de service. Toutes ces allégations sont en contradiction complète avec ce qu'on nous présente comme les rapports des Einsatzgruppen, ainsi que la cour le signala en détail dans son jugement, en concluant, à propos de Hänsch, que

«l'on ne peut qu'écarter comme extravagante la déclaration de l'accusé selon laquelle son prédécesseur qui avait, de son propre aveu, exécuté des milliers de juifs, conformément à l'ordre du Führer, et dont Hänsch devait poursuivre le programme, n'ait rien dit à Hänsch au sujet de ce programme. Et lorsque Hänsch affirme avec audace que c'est à son arrivée à Nuremberg, six ans plus tard, qu'il entendit parler pour la première fois de l'ordre du Führer, il a franchi le seuil d'une incrédulité qui passe toute définition.» (58)

Ohlendorf et Hänsch furent tous deux condamnés à la pendaison. Ohlendorf fut pendu en 1951 mais la condamnation de Hänsch fut commuée en quinze ans de prison. Il fut probablement libéré au cours des années cinquante.
Bien entendu, la justification première de tous les accusés du procès No 9, comme dans presque tous les autres cas, était que tout ce qu'ils avaient fait l'avait été conformément à des ordres auxquels on ne pouvait désobéir à l'époque sans risquer la peine capitale. Entre parenthèses, il s'agit là, à mon avis, d'une défense parfaitement valable et cela a peut-être contribué à ce que des Allemands deviennent témoins à charge lors du procès du TMI; cela n'impliquait pas leur culpabilité ou, tout au moins, pas logiquement, si leurs actes avaient été accomplis conformément à des ordres. En fait, c'était stipulé dans le règlement militaire en Allemagne qui était familier aux témoins allemands. La désobéissance à un ordre, même illégal, était passible de sanctions. Des gens comme Höss et Ohlendorf avaient, sans aucun doute, pensé que leur déposition devant le TMI ne pouvait susciter que le reproche de parjure, un délit dont ils savaient que les tribunaux alliés ne s'occuperaient pas. Les tentatives d'Ohlendorf pour s'insinuer dans les bonnes grâces des procureurs américains ne s'arrêtèrent pas au TMI car il fut également utilisé, après son propre procès, comme témoin à charge contre les généraux de la Wehrmacht, alors qu'il était sous le coup d'une condamnation à mort, dans le procès No 12.
La culpabilité personnelle, de toute évidence, n'entre pas en jeu s'il est clair que les actions demandées ou suggérées par les accusateurs auraient inévitablement conduit les accusés sur l'échafaud. Il me semble que tous les pourfendeurs des Einsatzgruppen auraient obéi, s'ils les avaient reçus, aux ordres de participer aux raids aériens sur Hambourg, Dresde, Hiroshima et Nagasaki (dont aucun n'avait, soit dit en passant, de motifs militaires défendables).
Je ne veux cependant pas donner l'impression de nier que les Einsatzgruppen ont exécuté des gens qui, selon toutes apparences, étaient des civils, y compris des femmes et des enfants, en rapport avec leurs activités en Russie. Toutes les guerres contre les partisans, qu'elles aient été menées par les Britanniques, les Français ou les Américains, montrent, tout à fait indépendamment des preuves dénaturées, pour ne pas dire plus, des procès de Nuremberg, qu'il est arrivé des choses de ce genre. Pendant la guerre du Viêt-Nam, les Américains utilisèrent beaucoup le napalm pour faire ce genre de choses, mais ce n'est que lorsqu'un obscur lieutenant fut pris en train de le faire avec des balles qu'on fit du bruit.
Je ne cherche pas non plus à accréditer l'idée que tout le monde, en fait, est très brutal, mais la discussion complète des problèmes que cela implique nous mènerait trop loin et c'est pourquoi nous nous en sommes tenu ici à l'essentiel.
Il est malheureux que la guerre irrégulière de partisans non seulement soit, avec les mesures prises pour la réprimer,la plus sale besogne qui soit dans l'existence mais que des guerres de ce type aient également constitué un aspect omniprésent de l'histoire du vingtième siècle. C'est une sale besogne, même lorsque les deux camps sont hautement civilisés et de même culture. Un bon exemple en est la campagne britannique contre la rébellion irlandaise, de 1916 à 1921, où, dans les deux camps, l'on agit avec une singulière brutalité.
Si l'on ajoute à cela qu'au moins l'un des camps appartient à une population primitive, à moitié civilisée, alors on a une situation qu'une personne civilisée ordinaire peut très difficilement saisir si elle n'en a pas une expérience directe. Il nous est facile, assis dans la chaleur de nos salons, de provoquer une indignation morale contre des opérations qui impliquent l'assassinat de gens qui, «selon toutes apparences, étaient des civils, y compris des femmes et enfants». L'Européen de l'Ouest typique ou l'Américain typique a vécu dans une culture où certains principes de charité, de bonté et d'honneur allaient de soi, et il lui est difficile de comprendre que certains principes fondamentaux ne tiendraient plus, en Asie ou en Russie, dans le contexte d'une guerre de partisans; la sauvagerie qu'on rencontre dépasse l'imagination. Pour ne donner qu'un exemple tiré de l'expérience du Viêt-Nam: que faites-vous, cher lecteur, si un enfant, continue à s'approcher de vous en demandant de la nourriture ou des bonbons alors que vous lui demandez avec insistance de s'en aller, parce que vous savez qu'il y a de fortes chances pour qu'il ait une grenade accrochée sur lui?
Bien entendu, de nombreuses brutalités inutiles se produisent dans de pareilles circonstances, mais l'on devrait essayer de comprendre la situation.
Ce que je conteste, à propos des Einsatzgruppen, c'est que l'on puisse ajouter foi à une histoire dont le trait essentiel, en dépit de quelques variantes, est d'affirmer que les Einsatzgruppen, qui disposaient d'un effectif total d'environ 3.000 hommes pour les opérations contre les partisans pour toute la Russie occupée, poursuivaient, de façon régulière, une seconde série d'objectifs sans rapport avec des considérations militaires, objectifs (les exterminations) exigeant des moyens importants pour leur réalisation. Nous pouvons rejeter cela comme de la propagande, en particulier si l'on considère tout ce qu'il a fallu comme falsifications et faux témoignages pour soutenir cette allégation. Il est très probable, en raison de la rareté des preuves dignes de foi, qu'on ne pourra saisir que d'une manière approximative ce qui s'est réellement passé. Il semble malheureusement que les événements qui se sont déroulés en Russie ne puissent jamais être établis avec exactitude et que ces épisodes doivent rester en partie dans l'ombre.


NOTES

1 / . Hilberg, p. 562; Reitlinger, p. 137, 567; Rassinier, 1962, p. 80, note.

2 / . NMT, vol. 1, p. 876.

3 / . NO-824 (ordre de Hitler), NO-846 (lettre de Faulhaber), NO-844 (rapport sur des rumeurs).

4 / . New York Times, 7 décembre 1941, p. 45.

5 / . IMT, vol. 20, p. 487-515.

6 / . Fyfe, p. 157.

7 / . L'ouvrage de Gilbert mérite d'être lu en entier mais les pages p. 15, 39, 46, 47, 64, 78, 152, 175, 242, 273-275, 291 sont particulièrement intéressantes.

8 / . Hilberg, p. 599; Reitlinger, p. 460-463; IMT, vol. 16, p. 445, 520.

9 / . Speer, p. 375-376, 512.

10 / . Speer, p. XVII; de Jong.

11 / . New York Times Book Review, 23 août 1970, p. 2, 16.

12 / . Dans la déposition de Göring, voy. en particulier IMT, vol. 9, p. 515-521, 609-619.

13 / . Kelley, p. 54-58.

14 / . IMT, vol. 11, p. 273-276, 335.

15 / . IMT, vol. 22, p. 194-496.

16 / . Débats du procès No 6, p. 197.

17 / . NMT, vol. 5, p. 664-676.

18 / . DuBois, p. 230-231; NMT, vol. 8, p. 312-321; Débats du procès No 6, p. 14321-14345.

. 19 / Eichmann, séance 78, N1-O1; séance 98, T1-W1.

. 20 / Eichmann, séance 103, Jj1; séance 106, V1.

. 21 / Eichmann, séance 72, Aa1-Kk11; séance 73, A1-R1; séance 74, Hh1-Ii1; séance 88, L1-P2 et annexes; séance 104, T1-V1; séance 105, W1-Z1; Life, 28 novembre 1960, p. 19sq; 5 décembre 1960, p. 146sq.

22 / Eichmann, séance 85, J1-K1, T1-U1; séance 87, M1-O1, Y1; séance 88, G1-H1.

23 / Aretz, p. 58; Naumann, p. 8.

24 / Naumann, p. 8-26, 416-417.

25 / Laternser, p. 85-94.

26 / Naumann, p. 412-413, 418-419, 422-423; Reitlinger, p. 551, 561..

27 / Michelet, La Sorcière,, Paris, 1862, ch. IV. p. 168 de l'édition de P. Viallanex, Paris, Flammarion, 1966.

28 / Belgion, p. 80-81.

29 / Bardèche, p. 12, 73; Davidson, p. 44-47, 51.

30 / Eichmann, séance 75, U1. Sur les mesures fanatiques prises pour isoler Eichmann du monde extérieur pendant son emprisonnement en Israël, voy. par exemple, le Jewish Chronicle de Londres, 2 septembre 1960, p. 15.

31 / Soljénitsyne a fait le récit définitif de l'histoire des "procès" politiques communistes. Voy. aussi Conquest, p. 82-147..

32 / Reitlinger, p. 450-452; Hilberg, p. 524; Schmidt, p. 248.

33 / Dernière page du testament reproduite par Trevor-Roper, p. 180. Découverte et texte du testament rapportés dans le New York Times, 30 décembre 1945, p. 1; 31 décembre 1945, p. 1, 6. Texte donné aussi par Shirer, 1947, p. 180-181.

34 / 1919-PS in IMT, vol. 29, (en allemand). Extraits en traduction anglaise dans le NMT, vol. 13, p. 318-327..

35 / IMT, vol. 11, p. 561.

36 / NMT, vol. 13, p. 318.

37 / NMT, vol. 13, p. 457-487.

38 / Reitlinger, p. 317.

39 / NMT, vol. 5, p. 666, 675.

40 / Lochner, p. 126, 138, 147sq., 241, viii. Les remarques d'Oven se trouvent dans Nation Europa, avril 1975, p. 53-56.

41 / Veale, p. 220-224; Reitlinger, p. 83, 198; Dawidowicz, p. 125.

42 / Reitlinger, p. 82-84, 199-201; Hilberg, p. 187-188, 194-195.

43 / Reitlinger, p. 213.

44 / IMT, vol. 3, p. 560; vol. 26, p. 102-105; Poliakov et Wulf, 1955, p. 140sq.

. 45 / Soljénitsyne, p. 112, note.

. 46 / IMT, vol. 3, p. 559.

. 47 / Reitlinger, p. 201, note 70 en page 611.

. 48 / NMT, vol. 13, p. 269-272 (extraits seulement).

. 49 / IMT, vol. 37, p. ; NMT, vol. 4, p. 154.

. 50 / Hilberg, p. 252n; Reitlinger, p. 232-233. Documents 135-R et 3633-PS reproduits in Poliakov et Wulf, 1955, p. 190sq.

51 / Hilberg, p. 709; Reitlinger, p. 560; 3428-PS in NMT, vol. 4, p. 191-193.

52 / Reitlinger, p. 213-214.

53 / NMT, vol. 4, p. 168-169, 187, 190.

54 / New York Times, 16 juillet 1943, p. 7.

55 / IMT, vol. 4, p. 311-355.

56 / IMT, vol. 22, p. 478-480, 491-494, 509-510, 538.

57 / NMT, vol. 4, p. 223-312.

58 / NMT, vol. 4, p. 313-323, 547-555.


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Déclaration internationale des droits de l'homme, adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU à Paris, le 10 décembre 1948.


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