24 février 1998
Lors de la parution, en avril 1980, du livre Vérité historique ou vérité politique ?, de Serge Thion, aux éditions de la Vieille Taupe, on trouvait la mention suivante sur la page précédant la page de titre:
"Ouvrage édité à l'enseigne de La Vieille Taupe, avec la participation et sous la responsabilité de Jacob Assous, Denis Authier, Jean-Gabriel Cohn-Bendit, Maurice Di Scuillo, Jean-Luc Redlinski, Gábor Tamás Rittersporn et Serge Thion."
Certains ont pensé évidemment aux Sept Mercenaires (The Magnificent Seven)... Ils ont demandé à comparaître aux côtés du professeur Faurisson lors du grand procès de 1981, ce qui leur a été refusé.
La participation de Rittersporn à l'histoire du révisionnisme s'est bornée là. Par la suite, il a développé ses propres travaux de recherche sur l'histoire de l'Union soviétique et, en conjonction avec d'autres chercheurs, surtout anglo-saxons, il a développé une analyse de la période stalinienne qui, ne devant rien aux idéologies et tout aux archives, a ainsi mérité le titre d'école "révisionniste" de l'histoire soviétique. Il n'a jamais écrit une ligne sur la politique allemande pendant la période nazie.
Un moment, lors de son intégration au CNRS, au début des années 80, les couloirs de cette maison ont été parcourus par le vent d'une petite cabale montée contre lui. Mais, en France comme à l'étranger, des interventions d'universitaires chevronnés sont venues garantir l'extraordinaire sérieux et la compétence de Rittersporn, né en Hongrie, diplômé de l'Université de Léningrad, parlant une dizaine de langues, dont le japonais. Depuis lors, sa carrière s'est déroulée normalement, ponctuée par de nombreux séjours dans des universités étrangères qui semblent toujours désireuses d'exploiter son savoir et ses talents.
Il devait être détaché au 1er janvier 1998 au Centre Marc-Bloch de Berlin. C'est une institution très récente. La France, un peu marrie de devoir retirer ses troupes de Berlin, prétend "faire de la présence" dans l'ancienne et future capitale du Reich au moyen de divers gadgets culturels fort coûteux. Bien.
Comme ces choses circulent normalement, des gens du CNRS apprennent à l'automne que ce détachement doit avoir lieu. Les cellules trotskystes de la région lyonnaise, surtout celles qui gravitent autour de l'école normale supérieure de l'ex-Fontenay qui a été délocalisée à Lyon, entrent en vibrations. Nous sommes dans une époque où le politiquement correct fait ses ravages dans les restes d'une gauche totalement décomposée, à laquelle il ne reste plus que les dérisoires lambeaux d'une phraséologie antifasciste qui avait déjà pris un coup de vieux en 1945 [L'AAARGH ne saurait trop vous conseiller de prendre connaissance de son dossier Bavarde à côté du sujet, qui vous en dira long sur cette extrême-gauche décomposée]. Les vocations de commissaire politique sont impérieuses: il faut des tribunaux sévères, des réquisitoires implacables, des justiciers impitoyables et des coupables à démasquer. Rittersporn, coupable d'avoir pensé, il y a dix-huit ans, qu'on avait le droit de réfléchir et de chercher dans tous les domaines, leur est apparu comme un cas à "démasquer". Le seul inconvénient était que Rittersporn n'était nullement masqué. N'ayant jamais participé aux travaux du révisionnisme holocaustique, il n'a nullement caché ce qui était de notoriété publique, à savoir sa souscription, en 1980, à la parution du livre de Thion. Les autorités académiques, le CNRS et le ministère des Affaires étrangères, dûment avertis par les fouquier-tinville de la capitale des Gaules, ont discuté avec Rittersporn de l'existence de son passé et ils ont convenu que le passé est le passé.
Voyant que l'affaire leur échappait, les surineurs de l'ombre ont alors eu recours à la vieille tactique de la CIA quand elle cherchait à déstabiliser les régimes sud-américains qui ne lui plaisaient pas: on fait publier dans un journal quelconque des informations fausses ou diffamatoires et on les fait ensuite reprendre par d'autres journaux qui ont dès lors une "source", le premier journal qui en a parlé. Un échappé de la CIA a très bien analysé cette façon d'agir. (Philip Agee, Inside the Company. CIA Diary, Penguin books, 1975)
Ils ont donc mis un journaliste berlinois sur le coup, un certain Maxim Leo. Il est en possession d'une dossier qui est fait essentiellement des ragots habituels qui courent au CNRS et qu'aucun journaliste allemand, surtout basé à Berlin, ne trouverait par lui-même. Il a maladroitement téléphoné à la Vieille Taupe pour essayer d'obtenir des phrases utilisables dans la machinerie du complot, sans grande réussite, semble-t-il. Ce Maxim Leo, que l'on a entendu parler un français assez correct sur France-Culture, dans une émission dirigée par le plagiaire condamné bien connu Antoine Spire, est un ancien citoyen de la RDA. C'est lui qui a piégé la dame Mégret, maire de Vitrolles. Il a donc une riche expérience de provocateur.
Et la partie de billard a commencé. Un premier article dans le Berliner Zeitung a été aussitôt suivi d'un papier dans Libération et d'un article dans Le Monde, toujours alimenté par le gang des Lyonnais. Pris par surprise, piégé, Rittersporn a parlé à ce journaliste sans voir, probablement, le montage qui était derrière. On lui a donc fait prononcer des phrases propres à être retournées contre lui. Il semble d'ailleurs qu'il ne les ait pas prononcées lui-même et que le journaliste s'est chargé de rectifier ses propos dans le sens voulu, ce qui est bien l'essence même du travail de journaliste. Si les journalistes n'étaient pas là pour déformer les choses et les propos, il suffirait de transcrire des bandes de magnétophone. Ce serait la mort d'une bien utile corporation!
Dans son démenti, Rittersporn dit clairement qu'il condamne les thèses révisionnistes qu'il ne saurait dès lors partager. Toute cette campagne vise donc quelqu'un qui n'a jamais eu la moindre activité dans le domaine du révisionnisme holocaustique et qui ne s'identifie à lui en aucune manière. Il n'est pas étonnant que cette affaire éclate au moment du Carnaval....
Il dit aussi que l'existence des chambres à gaz a été prouvée, il y a deux ou trois ans, "par un livre publié en France". Nous y reconnaissons évidemment le livre de Pressac, Les Crématoires d'Auschwitz, la machinerie du meurtre de masse, qui a été publié par les éditions du CNRS, maison-mère de Rittersporn. Il faut donc en tirer la leçon suivante: jusqu'à 1993, l'existence des chambres à gaz n'était pas scientifiquement prouvée. En 1993, le CNRS a fait paraître un livre qui établit enfin scientifiquement cette existence. Par conséquent, un chercheur du CNRS se doit, depuis cette date, d'être convaincu de ladite existence. C'est le cas de Rittersporn. Fermez le ban!
Bien sûr, les révisionnistes ne manqueront pas de se tordre de rire. L'ouvrage de Pressac, ils l'ont lu à la loupe, justement, ils l'ont démoli très scientifiquement, les uns après les autres, Faurisson, Thion, Guillaume, et d'autres chercheurs étrangers. Ils ont relevé, justement, que sur les 160.000 documents du service de construction d'Auschwitz (Bauleitung), Pressac n'en a pas trouvé un seul qui prouve qu'un bâtiment quelconque, qu'une pièce quelconque ait été détourné de sa fonction pour être transformé en abattoir industriel. Ceux qui ont éprouvé un lâche soulagement à la publication du livre de Pressac ont bien dû se rendre compte de l'impasse. Alors de deux choses l'une: ou les chercheurs du CNRS savent que le livre de Pressac est un paravent mité qui ne saurait empêcher le retour du questionnement, ou ils croient que ce livre résout tout et apportent ainsi la preuve qu'ils sont des imbéciles.
Gabor Rittersporn est-il un imbécile? Nous avons le plus grand mal à le croire. En revanche, c'est certainement un lâche (il va sûrement nous envoyer un démenti).
Finalement, il a fallu aller à Canossa. Ou en tout cas en prendre le chemin. Rittersporn a envoyé une lettre au journal Le Monde, qui l'a publiée le 21 février. Il abjure. Il ne s'est pas beaucoup battu. Nous apprenons qu'il poursuit en justice à Berlin le journaliste Maxim Leo. Plainte en diffamation. Nous savons ce qu'il en résulte habituellement. Nous apprenons surtout par cette lettre qu'il n'a jamais nié... patati... patata... et que la démarche qu'il avait faite en 1980 en croyant défendre la liberté d'expression, il la regrette maintenant. Cette lettre et une autre, adressée en 1989 par GTR au professeur Faurisson sont analysées dans un communiqué du Temps irréparable.
C'est la stratégie du milieu du gué. GTR croit qu'en se débarrassant de ses armes et de ses munitions (en l'occurrence de son intégrité intellectuelle) au milieu de la rivière, il sera épargné par les chasseurs qui le canardent depuis la berge.
C'est trop ou c'est trop peu. Rittersporn croit peut-être que quelques habiletés suffiront pour que les hystériques le lâchent. Nous sommes au regret de penser le contraire. Nous continuons de réclamer la liberté d'expression, pour Rittersporn comme pour n'importe qui d'autre. Pour ce faire, nous la pratiquons.
Et finalement, l'auteur de ces lignes se trompait: Rittersporn a su trouver les termes qu'il fallait: voici que le tribunal allemand, auquel ses confrères historiens de l'Union soviétique s'en remettait docilement pour dire le vrai sur lui (on n'est pas un ancien stalinien pour rien) lui donne gain de cause. Et pourquoi, croyez-vous? Eh bien, mais parce qu'"une partie de sa famille a péri dans les camps nazis". En 1989, Rittersporn se plaignait que Faurisson l'utilisât comme "juif de service". Voici qu'aujourd'hui , c'est bien utile d'être juif. Qu'aurait-il fait, si "une partie de sa famille" n'avait pas pérçi dans les camps nazis? Voici ce que l'AAARGH dit ce soir (31 mars 1998) à Rittersporn: pour croire que Presac a prouvé l'existence des chambres à gaz, il faut vraiment être con; pour croire qu'il suffit d'être juif pour ne pas être révisionniste, il faut vraiment être raciste, c'est-à-dire penser que l'être ou son essence est déterminé par sa naissance. Salut Rittersporn, l'histoire se passera de vos services.
Dernière minute: L'AAARGH publie un communiqué sur cette affaire, en anglais, pour faire connaître son point de vue.
Notre petit dossier se compose donc
etc., etc.
Voir articles allemands -- articles français -- communiqué du TI -- lettre de Rittersporn à Faurisson-- publications -- communiqués Sleipnir -- Communiqué du Temps irréparable avec l'abjuration dans Le Monde -- Communiqué de l'AAARGH
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