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Histoire d'une Escroquerie

LA MONNAIE

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par Paul Rassinier

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Ce texte est un article de Paul Rassinier, qui fut l'un des fondateurs du révisionnisme historique. Nous avons créé cette "archive Rassinier" pour, justement, soumettre à la consultation des lecteurs, tous les textes politiques et historiques de Rassinier qu'il nous sera possible de retrouver. Celui-ci, intitulé "La monnaie", fait partie d'une série intitulée "Histoire d'une Escroquerie"; il a été publié dans la revue Défense de l'homme. n. 15, Décembre 1949.

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Les notions d'Histoire et d'Economie politique ne me paraissent embrouillées et faussées au point où nous le déplorons, qu'en raison de cette fâcheuse habitude qu'ont à peu près tous les gens de plume de vouloir faire le tour du monde des événements, en quatre-vingts secondes ou en quatre-vingts lignes. Aussi, et encore que leur analyse eût été d'une utilité certaine au seuil de cette étude, il n'entre pas dans mon dessein de pénétrer jusqu'au détail les circonstances dans lesquelles l'Humanité dite civilisée, abandonnant le troc antique, lui a substitué le système de la contre-valeur en monnaie métallique d'abord, scripturale ensuite. Pas davantage celles qui ont motivé le passage de l'esclavage au salariat, sa forme évoluée. Ces deux ordres de faits qui s'expliquent vraisemblablement l'un par l'autre, se sont produits successivement ou simultanément dans le temps selon les lieux géographiques et le degré de maturité des groupes humains. Ils coexistent dans l'espace. Et ils consacrent une double antinomie.

D'une part, le travail des hommes qui se mesure en heures, minutes, secondes d'un effort plus ou moins pénible, se traduit par la création d'une somme considérable de richesses, individuellement ou collectivement consommables, qui s'évaluent, au moment de l'échange, en unités de monnaies conventionnellement, mais arbitrairement définies quant à leur valeur : le franc, le mark, le rouble, la livre, le dollar.

De l'autre, chaque producteur pris individuellement, crée, dans un temps donné, une quantité de richesses, de toute évidence bien supérieure aux besoins de sa subsistance, mais ne reçoit, en échange de son travail qu'une part de ces richesses, minime et notoirement au-dessous de ses besoins, dans la généralité des cas.

Les bénéficiaires de cette double antinomie l'expliquent et la justifient dans sa première partie par le souci du commode (sic), et l'impossibilité de revenir au troc ou à la prise au tas. Et dans la deuxième part la nécessité sociale de faire trois parts dans les richesses créées par le travail des hommes : le salaire qui est à la libre disposition de l'individu et deux parts réservataires affectées l'une à l'entretien et à la mise à jour des moyens de production et d'échange (routes, chemins de fer, grands barrages, usines, matériel, etc.), l'autre aux charges (enfants, vieillards, infirmes, bâtiments scolaires, hôpitaux, hygiène, etc, etc.).

L'imposture est double, comme l'antinomie. L'iniquité du système du salariat étant à mes yeux comme à ceux de tous les lecteurs de cette revue, suffisamment démontrée par l'existence de la quatrième part, à savoir le profit qu'on passe sous silence et qui se greffe en faisant boule de neige sur la circulation des richesses, à tous les stades du long périple qui les mène du producteur au consommateur, on m'excusera si je me borne à mettre l'accent sur l'absurdité de notre système monétaire, à la fois dans ces conceptions et dans son fonctionnement.


Du troc à la monnaie

Aussi loin qu'on remonte le cours de l'Histoire, il y a toujours eu un objet ou un produit qui ont plus particulièrement excité la convoitise des hommes : la peau des bêtes dans la civilisation de la chasse, le harpon dans celle de la pêche, le bronze, puis l'argent, puis l'or, à partir de la découverte des métaux. En règle générale, un objet ou un produit qui offraient soit de très grandes possibilités d'utilisation, soit une très grande résistance à l'altération dans le temps et qui, par là même, se voyaient automatiquement conférer une très grande et durable valeur d'échange. A l'origine, le comportement des hommes dans ce domaine, était un calcul qui ne relevait que du simple bon sens et très pertinemment : le pêcheur retirant de l'eau une quantité de poisson bien supérieure à ses besoins, le chasseur tuant du gibier dans les mêmes proportions, éprouvaient l'un et l'autre le souci de s'assurer contre la malchance et ils échangeaient le surplus des produits éminemment périssables de leur chasse ou de leur pêche, contre des denrées susceptibles d'être conservées et échangées à leur tour aux jours sombres ou aux mortes-saisons. Ainsi du cultivateur avec son lait, son beurre, ses oeufs. Petit à petit, la pratique de l'échange s'étendit à tout et les activités se spécialisèrent. Dans ces temps heureux qui ignoraient à la fois les frontières des nations et l'intervention autoritaire des Etats, les échanges se faisaient librement au gré des individus ou des parties en causes et selon la loi, à l'état pur, de l'offre et de la demande. La production des peaux de bêtes ou des harpons, de tout autre objet ou de toute autre denrée sur lesquels se portait l'engouement collectif étant quasi inépuisable, les moyens d'échange qui étaient la monnaie de l'époque étaient toujours supérieurs à la somme globale de toutes les autres richesses créées par le travail des hommes. Le système eût été éternel et n'eût jamais suscité, des clans aux empires, que des problèmes de répartition entre les individus, à l'intérieur des sociétés.

Vint l'or. De tous les produits de l'effort humain, celui-ci est sans aucun doute le moins utile, pratiquement parlant. Il conquit néanmoins droit de cité par ses qualités de durabilité et les applications qu'on pouvait en tirer dans certains travaux de finesse et surtout dans le domaine de l'esthétique. Par surcroît, il était rare, et il devint très vite un signe de richesse extérieure d'une extraordinaire valeur d'échange. Il fit son entrée sur les marchés sous la forme de poudre, s'inséra d'abord dans le circuit des richesses selon la loi de l'offre et de la demande, dans le système du troc : un poids plus ou moins grand de poudre d'or, selon les époques ou les saisons, correspondit à des quantités déterminées et fixes de blé, d'huile, de bétail, etc. Mais toutes les transactions ne se faisaient pas sur la base de l'or : l'argent et le bronze notamment étaient également des moyens d'échange évalués en poids, et leur cours s'établissait par référence à l'or.

L'erreur a consisté à vouloir battre monnaie. Dès lors, ce fut une quantité d'or déterminée et fixe qui s'échangea selon les époques ou les saisons contre des quantités variables de blé, d'huile, de bétail, etc. Les données du problème se trouvaient inversées. Sa solution se compliqua. Ainsi naquit la notion de prix dans son acception actuelle. L'argent et le bronze qu'on trouvait à profusion sous d'autres formes que la monnaie perdirent progressivement leur valeur d'échange. Un jour il fallut renoncer à en battre monnaie parce que le cours de ces deux métaux changeait trop fréquemment, par rapport à l'or.

Très vite, on s'aperçut qu'il n'en était pas de la production de l'or comme de celle des peaux de bêtes et des harpons : elle n'était pas inépuisable et les moyens d'échanges ramenés à l'or furent rapidement inférieurs à la somme globale des autres richesses. Une des expériences les plus probantes de leur tragique insuffisance est, en France, celle de Philippe le Bel : pour élever le nombre des pièces d'or du trésor royal à la hauteur de ses besoins personnels et des possibilités d'échanges, ce roi avait imaginé de rogner sur chacune d'elles et de frapper de la fausse monnaie avec les poussières. La dévaluation avant la lettre.

Depuis, les moyens les plus divers quoique procédant du même principe, ont été mis en oeuvre dans le même sens et c'est au nombre de ces moyens qu'il faut faire figurer la mise en circulation de la monnaie scripturale.


Un mythe : la stabilisation monétaire

On sait le principe sur lequel repose le papier-monnaie. Son utilisation consacre la généralisation de la lettre de change en usage entre les individus avec le concours de l'usurier antique, bien avant que l'Etat y pensât. Le billet de banque, en effet, n'est autre que la lettre de change théoriquement payable à vue : par l'entremise d'un institut d'émission qui fonctionne avec sa garantie et sous son contrôle, l'Etat met en circulation une somme de billets de banque, égale, en valeur conventionnelle, aux ressources en or de la Nation, évaluées à un moment donné et tout aussi conventionnellement. A l'origine, le procédé apparut comme un moyen simple et pratique de doubler effectivement quoique artificiellement le montant des signes monétaires et ce, la confiance aidant, sans diminuer leur valeur d'échange, ce qui était un avantage inestimable. Il apparut salvateur aussi, et il le fut, -- momentanément. Il cessa de l'être le jour où des phénomènes sociaux comme le chômage résultant de la disproportion qu'ils enregistrèrent à nouveau bientôt, entre les possibilités de production des richesses, indéfiniment accrues par les progrès scientifiques, et les moyens limités de se les procurer, obligèrent les économistes à se demander si le double ainsi obtenu de la production de l'or suffisait à la satisfaction de tous les besoins en matière d'échange. Bien que ce petit problème d'arithmétique élémentaire n'ait jamais été officiellement résolu, l'expérience de Law avec la banque de la rue Quincampoix dans la première moitié du XVIIIe siècle et, en fin de la seconde, celle du Directoire avec les assignats ont cependant répondu péremptoirement par la négative. Et, de nos jours, les dévaluations successives érigées en système, continuent à faire la preuve expérimentale sans cesse répétée, à un rythme qui sans cesse s'accélère, de son évidente insuffisance. L'Etat n'en continue pas moins à calculer - théoriquement, car en pratique... -- le montant des billets qu'il met en circulation sur le rythme de la production de l'or en volume ou en poids et à s'enferrer dans la politique dite de la stabilisation qui résulte de son obstination intéressée.

Or, la stabilisation est une chimère, même sans le système monétaire à base d'or doublé de papier. La première raison en est que les ressources de la terre en or sont limitées et le seront toujours relativement aux autres ressources qu'elle met à la disposition des possibilités de transformation des hommes. Par vois de conséquence, l'or et sa représentation, séparément ou ensemble, seront toujours inférieurs au revenu du travail commun. L'éventualité d'un renversement du rapport est exclue mathématiquement et à jamais.

La seconde réside dans le mode de circulation des richesses. Pour rester objectif et facilement accessible, raisonnons sur la France. Prenons n'importe quelle marchandise dont le prix de revient a été fixé, en accord ou non avec le comité d'entreprise, à 100 francs par l'usine qui la fabrique. Le bénéfice autorisé du producteur est fixé, lui, à 24 % par un certain nombre de décrets dûment enregistrés au Journal officiel et abondamment exploités par Max Régnier. Notre marchandise arrive donc à 124 francs chez le grossiste. Celui-ci a droit à une marge de 33 % ce qui la conduit chez le détaillant à 186 francs. Le détaillant, à son tour, a droit à une marge de 33 % ce qui fait que le consommateur peut se la procurer à un prix qui tourne autour de 280 francs, ajoutons diverses taxes spéciales de transaction ou locale et transigeons à 300 francs.

Voilà donc une marchandise dont la valeur est de 100 francs et qu'on ne peut se procurer qu'en alignant 300 francs sur le comptoir du détaillant. Ainsi se pose pour le régime dans lequel ces moeurs sont en vigueur, le problème de la consommation, c'est-à-dire de l'échange, des marchandises qu'il produit. Si elles ne se consomment pas, elles ne s'échangent pas : c'est alors l'accumulation, le stock forcé au bout duquel il y a la guerre quand tous les entrepôts sont pleins, la guerre ou la révolution, mais plus souvent la guerre que la révolution. Il faut donc qu'elles se consomment et pour obtenir ce résultat, il n'y a qu'un moyen : chaque fois qu'on crée pour 100 francs de richesse réelle, il faut, en même temps, mettre en circulation 300 francs de monnaie.

Par quoi il est démontré, cette opération se faisant parallèlement en marks, en roubles, en livres ou en dollars, dans tous les pays du monde qu'en régime capitaliste, le volume des signes monétaires tend de lui-même à se modeler sur le volume de l'ensemble de la production et non pas seulement sur celle de l'or : plus on produit, plus il faut de signes monétaires et comme l'or ne suffit pas, on a recours au papier. La politique de stabilisation monétaire ne se conçoit donc que par référence au niveau de la production nationale ou mondiale selon l'étendue du champ d'expérience dans lequel on entend la poursuivre. En se refusant à l'admettre, dans tous les pays du monde, l'Etat se condamne donc, soit à faire périodiquement sur le papier l'opération que Philippe le Bel pratiqua sur les pièces d'or et que les professeurs d'Histoire sont chargés de condamner devant leurs élèves au nom de la morale, soit à organiser systématiquement le malthusianisme économique c'est-à-dire à régler la production dans tous les domaines sur celle de l'or.

En réalité, il fait les deux simultanément ou alternativement, selon les nécessité commandées par les circonstances.


La royauté factice et éphémère de l'or

Deux ordres d'événements qui se sont produits concomitamment dans la première moitié de ce siècle, ont profondément modifié les rapports monétaires et atteint le système jusque dans ses bases principielles : l'accès des Etats-Unis aux marchés mondiaux avec des produits dont l'extraordinaire bon marché, le volume et la qualité résultaient d'une technique nouvelle dans les formes de la production, d'une part ; de l'autre, les deux guerres de 1914-1918 et 1939-1945. Se conjuguant, ils provoquèrent un courant naturel de tout l'or du monde vers les Etats-Unis et amenèrent successivement tous les pays de l'Europe occidentale à l'abandonner comme garantie ou étalon de leur monnaie-papier. Le mouvement commença par l'Allemagne laquelle fut obligée d'abandonner tout l'or qu'elle possédait plus une partie de celui qui était à venir, à ses vainqueurs de 1914-1918, au titre des réparations, et placée au surplus dans l'impossibilité matérielle pour de longues années, de consacrer la plus petite partie des disponibilités résultant de son travail et de ses ressources naturelles cependant immenses, à l'achat d'or nouveau. Il se continua par la France, les Pays-Bas et l'Italie, lesquels placés dans l'obligation de reconstruire ce qui avait été détruit sur leur sol ne purent les uns et les autres conserver un peu d'or dans les caves de leurs instituts nationaux que par deux mesures impopulaires et au surplus rendues totalement inefficaces par la guerre de 1939-1945 : la première consistait dans le retrait de la monnaie d'or sur le marché intérieur et s'accompagnait du cours forcé de la monnaie-papier, la seconde, en une dévaluation si massive de la monnaie-papier qu'elle aurait rendue rêveur Philippe le Bel lui-même. Ceci se passa, en France, en 1926 : Poincaré, le franc-quat'sous, etc. L'Angleterre qui est producteur d'or par la personne interposée de ses Dominions ne fut sérieusement touchée qu'aux environs de 1929-1930 et seulement par la concurrence d'abord redoutable, puis triomphante, puis imbattable des Etats-Unis. De tout ce qu'elle vendait, il n'y eut bientôt plus que l'or à trouver preneur. Et comme il n'y avait que les Etats-Unis qui pouvaient se payer le luxe d'acheter de l'or parce qu'ils n'avaient pas été touchés par la guerre, ils furent bientôt son seul client. Pour vivre et pour se procurer le matériel et les matières premières plus nécessaires que l'or à son économie, l'Angleterre fut progressivement acculée à se démunir, en leur faveur, de toute sa production d'or, au fur et à mesure de sa sortie des mines, puis d'une importante partie du stock qui garantissait sa monnaie-papier, puis tout le stock, ou à peu près, ce qui correspondait à l'abandon de l'étalon-or : au lendemain de la guerre de 1939-1945, la livre sterling dévaluée en 1931, n'est plus garantie que par la production annuelle flottante de l'or du Transvaal.

Il se trouve donc que, de tous les pays du monde, il n'y en a plus qu'un, les Etats-Unis, où la valeur de la monnaie-papier se calcule encore par référence à l'or avec quelque apparence de justification. Dans les autres qui n'ont plus d'or, elle se calcule par référence au nombre de dollars que la partie de leur production qu'ils peuvent libérer pour l'échange sur le marché mondial, leur permet de se procurer, c'est-à-dire aussi par référence à l'or, mais à l'or des autres et en deux temps.

Par voie de conséquence la méthode comporte une difficulté supplémentaire en ce sens que les prix de tout ce que le monde produit s'établissent en dollars aux Etats-Unis, selon les règles du plus pur libéralisme et, par le canal du marché mondial, gagnent les marchés intérieurs de tous les pays où ils se convertissent en monnaie du cru, selon celles du plus incohérent des dirigismes. Et c'est là ce qui nous touche le plus cruellement.

L'appareil de production des Etats-Unis est formidable. Leurs ressources naturelles sont incommensurables. Leur main-d'oeuvre et leurs méthodes extraordinairement qualifiées, en dehors de toutes considérations humanitaires. Je ne sais plus qui a écrit un jour qu'ils étaient à même de satisfaire tous les besoins du monde entier dans tous les domaines. C'est bien possible et, dans l'éventualité, je vois là, une raison de plus d'affirmer que tout l'or ayant convergé et continuant à converger sur eux, même doublé d'une quantité équivalente de dollars-papiers, n'arrivera jamais qu'à constituer un volume de signes monétaires bien inférieur à leur propre production. En réalité, depuis un an ou deux, ils ont déjà commencé à enregistrer la disproportion. Sur leur marché intérieur, l'or n'a pour ainsi dire pas changé de prix en dollars-papier mais toutes les autres marchandises sont déjà trois à quatre fois plus chères qu'il y a dix ans. Cela tient au mode de circulation des richesses, aux charges de la dernière guerre, aux libéralités marshalliennes et explique que, avec les taux de change établis par référence à l'or, tout soit chez nous dix-huit à vingt-cinq fois plus cher qu'il y a dix ans...


Le calcul des Etats-Unis

En 1945 déjà, sentant venir le vent et sachant bien qu'ils seraient à leur tour, un jour ou l'autre, obligés de mettre le montant de leurs signes monétaires en harmonie avec les possibilités de leur production et d'abandonner l'étalon-or, ils l'ont fait avant la lettre par un détour : à Bretton-Woods, ils ont fixé arbitrairement les taux de change qui n'ont jamais pu être modifiés depuis sans leur assentiment, des autres monnaies du monde, arbitrairement, mais très haut dans les pays susceptibles de leur faire concurrence à la vente, pour les empêcher de vendre, et très bas dans les autres, avec facilités de paiement en sous-main, pour les encourager à acheter chez eux, voire les mettre dans l'impossibilité d'acheter ailleurs.

Ils ont ainsi créé un véritable imbroglio dans les valeurs comparées des monnaies nationales sur le marché mondial.


Le cas de la France

Avant la guerre de 1914-1918, le dollar valait 5 francs et la livre sterling, 5 dollars, soit 25 francs. Ces équivalences s'étaient établies par référence à la somme que les instituts d'émission des trois pays pouvaient rembourser en or et à vue contre une somme en monnaie-papier présentée à leur guichets. Elles ne purent être conservées en ce qui concerne le dollar pour les raisons qui sont constituées par tout ce qui est dit ci-dessus. Elles le furent entre la livre et le franc : le dollar étant passé à 40 francs à la veille de cette guerre, c'est-à-dire étant devenu huit fois plus cher, la livre devint à son tour huit fois plus chère et son cours s'établit à 190-200 francs.

De 1939 à 1949, le dollar est passé de 40 francs à 350, ce qui veut dire qu'il est devenu environ neuf fois plus cher. Pour rester dans les termes de la proportion, la livre aurai dû, elle aussi, devenir neuf fois plus chère et passer de 190 à 1700-1710 francs. Or son taux n'atteint pas mille francs, ce qui fait que les Anglais, nos plus proches et nos plus importants clients, trouvant beaucoup trop chères toutes les marchandises que nous nous offrons à leur vendre, cherchent et trouvent à se les procurer ailleurs à meilleur compte et ne nous les achètent pas.

Notre économie est donc paralysée dans le sens de la vente. Elle l'est aussi dans le sens des achats dans la mesure ou nous manquons de moyens. Et nous manquons de moyens pour deux raisons : d'abord parce que nous vendons peu ; ensuite, parce que les Etats-Unis, n'ayant dévalué notre monnaie que de neuf fois sa valeur par rapport à leur dollar, pour rester fidèles au dogme de la stabilisation, l'Etat français ne peut émettre que neuf fois plus de billets qu'en 1939, alors qu'il lui en faudrait dix-huit à vingt-cinq fois plus puisque tout ce qu'il achète aux Etats-Unis en nécessite dix-huit à vingt-cinq fois plus, ainsi que l'attestent à l'unanimité toutes les statistiques. Le dollar passerait à 700 franc environ, la livre à 3.400-3.420, et notre circulation monétaire qui était de 100 milliards en 1939, à 1.800 ou 2.000 milliards, au lieu des quelques 1.200 qui circulent actuellement. Ainsi, nous nous retrouverions dans les normes d'avant 1939 et d'avant 1914. Le problème monétaire ne serait pas réglé mais nos produits ne seraient plus trop chers pour les Anglais qui redeviendraient nos clients, nous pourrions acheter chez les Américains et la Nation disposerait automatiquement d'une masse de 600 à 800 milliards avec possibilité de l'investir dans son économie par le canal de la reconstruction et de la modernisation de son équipement agricole et industriel.

Notre production nationale étant largement redevenue ce qu'elle était en 1939, le bon sens dit clairement qu'il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement.

Ou plutôt si : il y en a trop, même.

Et ce sont des raisons de classe.


Une politique de classe

Le dogme de la stabilisation astucieusement exploité permet à la classe, dont l'Etat représente les intérêts, de se procurer un certain nombre de petits avantages individuels ou collectifs.

Pris individuellement, tous les bourgeois savent bien qu'il est impossible de maintenir la monnaie papier à un cours fixe par rapport à l'or. Ils savent également que ce cours ne peut que baisser et cela d'autant plus que, momentanément, en France particulièrement, il se trouve fixé à un cours beaucoup trop haut. Alors ils en profitent : ils boursicotent, ils achètent de l'or et des devises étrangères, " ils se couvrent " comme on dit à la Bourse. Bien entendu, ils pousseraient des cris d'orfraie si ce gouvernement qui ne leur plaît que parce qu'il évite le pire, c'est-à-dire guère, se mettait à l'aise financièrement parlant, en reléguant au magasin des vieilles dentelles, les articles de l'économie classique qui le condamnent à l'immobilisme. Mais demain, par un de ces renversements dont le suffrage universel est coutumier, des gens qui les représentent mieux seront portés au pouvoir : M. Paul Reynaud reprendra la théorie qui lui est chère de la " dévaluation à froid " ; ils applaudiront et... ils réaliseront la couverture ! Ils gagneront ainsi sur les deux tableaux car, en sus du bénéfice relevant de la couverture, ils auront un gouvernement qui fera mieux leur politique de stagnation ou de régression sociale.

Collectivement parlant, elle permet cette politique des salaires qui veut que, quand un ouvrier fabrique ou produit une marchandise dont le prix de revient réel est de 100 francs, dont le prix de vente ne peut pas être inférieur à 300 fr. en raison du mode de circulation des richesses, ce même ouvrier soit dans l'impossibilité de se la procurer, parce que, au titre du salaire, il ne touche, en monnaie-papier, c'est-à-dire en valeur flottante que 30 à 50 % du prix de revient soit 30 à 50 fr. (dans le meilleur des cas!) ce qui ne représente que le sixième de la valeur d'échange d'une richesse qu'il a créée. Autrement dit, elle permet la politique des salaires excessivement bas ce qui est la meilleure forme de l'asservissement, et, en la soustrayant aux besoins de la consommation de ceux qui travaillent, la mise en réserve en valeur réelle de la plus grande partie des ressources de leur travail au profit exclusif... de ceux qui ne travaillent pas. A quoi est affectée cette mise en réserve, on le devine aisément: à la sécurité de ceux qui se l'approprient, à l'entretien d'un formidable appareil policier et militaire, à la guerre des marchés sur le terrain de la concurrence, à la guerre tout court et... à la belle vie.

L'argument qui justifie cette escroquerie séculaire -- et il porte, malheureusement! -- s'abrite derrière l'intérêt général et se développe en cascade:

L'augmentation des salaires entraîne l'augmentation des prix et crée le déficit budgétaire par celle des traitements publics dont elle s'accompagne forcément ;
L'augmentation des prix entraîne celle du nombre des billets en circulation, par conséquent est une marge de dévaluation de la monnaie ; quant au déficit budgétaire, il entraîne l'augmentation des impôts, lesquels interviennent à leur tour comme faiseur d'une nouvelle augmentation des prix.
En fin de course, les salaires se [erreur d'impression, manquent deux lignes], on se retrouve au point de départ et tout est à recommencer : le cercle est vicieux.

Pour le faire admettre avec plus de chance de succès par ceux qui ont faim, on les berce avec le mirage d'une action gouvernementale qui fera baisser les prix ou les empêchera de monter.

Le cercle est peut-être vicieux, mais à coup sûr l'argument est spécieux.


Vanité des slogans

D'abord, il n'est pas vrai que l'augmentation des salaires soit à l'origine de celle des prix : de novembre 1948 à novembre 1949, il n'y a eu, en France, aucune augmentation des salaires et cela n'a pas empêché les prix d'augmenter de 20 à 25 % de l'aveu unanime de toutes les statistiques, officielles ou non.

La vérité, c'est que les prix montent en France, parce qu'ils montent en Amérique [note 1 : D'où l'impossibilité de les faire baisser par des mesures prises uniquement dans le cadre national.]. S'ils montent e Amérique, ils montent sur le marché mondial et, en vertu du principe des vases communicants qui s'applique aussi à l'économie, sur le marché intérieur de tous les pays clients de l'Amérique. A qui veut savoir pourquoi les prix montent sans cesse en Amérique comme ailleurs, j'ai répondu par avance : le système monétaire dans lequel tout se calcule par référence à l'or et qui implique la dévaluation systématiquement répétée du papier ; la nécessité pour toute économie de mettre en circulation un nombre de signes monétaires en concordance avec une production que le progrès rend sans cesse plus variée et plus volumineuse ; le mode de circulation des richesses avec le profit qui s'insère à tous les stades en faisant boule de neige ; les charges qui résultent de la dernière guerre, les libéralités du plan Marshall, etc. Pour les clients de l'Amérique, il faut ajouter les taux de changes arbitraires et anormaux. En regard de l'augmentation des prix qui participe de ces considérations, celle qui peut découler de l'augmentation des salaires peut être tenue pour insignifiante, sinon négligeable. Quel que soit son taux, d'ailleurs, il est indiscutable que, jusqu'ici elle eût pu être compensée sans grand dommage par une diminution du profit vers la suppression duquel doit normalement tendre tout effort progressiste.

L'argument du déficit budgétaire n'a guère plus de valeur. Le mode de perception des impôts dit clairement que, l'augmentation du volume des transactions, quelle qu'en soit la raison, exige impérieusement une augmentation parallèle des signes monétaires, c'est-à-dire de la monnaie-papier, la seule qui soit susceptible d'être augmentée. Il est non moins évident que, dans le système actuel, cette opération ne se conçoit pas sans la dévaluation de ladite monnaie-papier par rapport à l'or, c'est-à-dire par rapport à tout puisque tous les prix se calculent par référence plus ou moins directe à l'or. Mais supposez qu'au lieu de l'or, on prenne une autre base de calcul, la totalité de la production, par exemple ou même simplement les besoins de la consommation établis une fois pour toutes à un niveau donné : l'inconvénient s'élimine de lui-même. L'expérience du Docteur Schacht en Allemagne est, à ce sujet, significative.


Le système Schacht

Sur le plan doctrinal, le Docteur Schacht professait que l'or était une richesse fictive, que la notion de richesse était inséparable de celle d'effort et de travail, que l'effort et le travail étaient sources de richesses autrement réelles. Eût-il été nourri au meilleur sein du sérail socialiste et même révolutionnaire qu'il lui eût été impossible de tenir un langage plus sensé. Mais il avait observé que sur le plan pratique dans le monde de l'or-roi, le "fabuleux métal" était indispensable à la vie de l'Etat capitaliste. Aussi avait-il imaginé de s'en procurer en escomptant le travail de l'Allemagne, pour le faire travailler selon la méthode usuraire universellement en honneur. Il s'engagea donc à fournit à terme, à tous les pays qui voudraient bien les acheter, un nombre donné de moteurs Diesel, de lampes Osram, etc., ou une quantité déterminée d'acier Solingen, de produits chimiques, de verres spéciaux, etc., en échange d'un stock d'or dont il pourrait disposer à vue. Le monde entier marcha dans la combinaison et plus particulièrement les Américains qui avaient investi en Allemagne un nombre considérable de millions de dollars par ce procédé. L'or ainsi obtenu fut utilisé à gager une assez forte somme de marks dit bloqués, représentant chacun une quantité d'or invariable dans le temps et au moyens desquels l'Allemagne achetait à l'étranger les matières premières et les produits alimentaires indispensables à sa vie industrielle et à sa vie tout court. Pour éviter la dévaluation de cette monnaie-papier, à usage exclusivement externe, le Docteur Schacht régla les importations de l'Allemagne sur ses possibilités d'exportation et veilla sur l'équilibre de sa balance commerciale avec un soin jaloux. C'était, à peine déguisé, le retour au troc. Le procédé était simple : il suffisait d'y penser. Il était fructueux aussi: à la veille de la guerre, le mark était la monnaie européenne la plus solidement gagée par rapport à l'or en ce sens qu'ayant pris le départ à 3 fr. 50 en 1933, il en valait 14 en 1939. Mais, soit dit en passant, il était extrêmement dangereux pour les Anglo-Saxons dans la mesure où, limitant la consommation du plus formidable marché alimentaire et industriel du monde à ses possibilités de troc, il le faisait, par là-même, disparaître à peu près totalement des horizons de leur vente. Cette dernière considération autorise à penser que, même si Hitler ne s'était pas permis tant de fantaisies extra-humanitaires et de violations des traités à l'égard des peuples de l'Europe centrale, les Anglo-Saxons auraient été obligés de lui déclarer la guerre, un jour ou l'autre, dans la même intention que les Anglais la déclarèrent jadis aux Canadiens puis aux Chinois, pour forcer les uns à consommer du thé et les autres à fumer de l'opium.

Pour les échanges intérieurs, le Docteur Schacht eut recours à un autre procédé : il émit une seconde monnaie complètement détachée de l'or et qui n'avait de rapports avec la première que pour un nombre infime de gens, à savoir les Allemands qui se rendaient à l'étranger, -- un rapport très dur d'ailleurs, envisagé sous l'angle de la cherté. Cette seconde monnaie, le Renten-Mark n'était pas gagée sur les possibilités de la production, ce qui eût été parfait, mais calculée en volume, sur les besoins des échanges, la consommation ayant été préalablement fixée à un certain niveau, ce qui l'était beaucoup moins. Dans la production nationale, l'Etat avait fait trois parts: ce qu'il destinait à l'échange extérieur, ce qu'il destinait à la mise en réserve capitaliste dans le même but que tous les autres Etat, et ce qu'il destinait à la consommation sur place. Le volume de Renten-Mark correspondait en valeur conventionnelle, à la troisième part : le ticket-matière interchangeable, en quelque sorte. Et, pour éviter que la classe dirigeante s'appropriât tout, que les ouvriers ne se présentassent jamais que devant des étalages vides et que la nouvelle monnaie ne subisse des fluctuations dommageables, on l'avait assortie de ticket-matière non-interchangeable. Réserve faite du caractère de classe qu'il conservait, ce procédé original qui constituait, dans son principe, un indiscutable progrès par rapport à l'ancien, n'était, par ailleurs, pas plus mauvais dans la pratique. Le seul argument qui nous puisse permettre d'en juger est le niveau de vie de la classe ouvrière. Le Docteur Schacht prétendait l'avoir prévu supérieur à ce qu'il était dans les autres pays capitalistes. Encore aujourd'hui, les végétariens sont de cet avis mais les carnivores le contestent. De toutes façons il était stable et supérieur à celui de la République de Weimar. Enfin, généralisé et étendu au monde, le système de Schacht offrait d'immenses possibilités de lutte à la classe ouvrière, pour la conquête de son droit, individuel ou collectif, au produit intégral de son travail.

Je suis persuadé, quant à moi, que si on ne voit pas le nom du Docteur Schacht dans tous les journaux en lettres de 50 cm. de haut, si on ne lui élève pas des statues dans tous les coins du monde, cela est uniquement dû au fait que le mouvement de réprobation qui souleva la conscience universelle contre le régime hitlérien, rejaillit sur lui.

Mais l'Histoire réparera cette injustice: elle en fera un précurseur. En attendant, avec leurs histoires de double secteur, les Mendès-France, les Yves Farge et les René Mayer, lui volent ses idées en sourdine. Et les Russes, qui n'ont l'air de rien, sont tranquillement en train de faire du rouble -- et avec succès ! -- ce qu'il fit du mark.

 

Conclusion

Sans le vouloir, je crois bien avoir démontré que le problème des salaires et des prix est un problème de production, de circulation et de consommation des richesses. Au terme de cette étude, je ne me pose pas la question de savoir à quelle date incertaine l'Histoire en apportera la solution. Ce que j'ai voulu établir c'est, qu'étant donnée l'étroite interdépendance de tous les phénomènes économiques, cette solution ne se concevait ni dans le cadre étroit des frontières nationales et en ordre dispersé, ni sans la suppression du système monétaire actuel ou son changement de base.

Elle coïncidera avec la fin du règne de l'or, le retour au troc entre les collectivités nationales ou les groupes ethniques et s'accompagnera de l'institution d'une monnaie dont le volume sera calculé sur celui de la production totale pour les échanges individuels à l'intérieur des groupes : le ticket-matière interchangeable dans la société sans classes.

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Si je n'ai pas convaincu, je demande au lecteur la permission d'espérer que je lui ai au moins fait mesurer la longueur du chemin qui reste à parcourir.

 

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